- Mercredi 21 novembre 2018
- Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2019 - mission « Cohésion des territoires » crédits « Logement » Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2019 - mission « Cohésion des territoires » crédits « Politique de la ville » Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2019 - Audition de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
- Questions diverses
Mercredi 21 novembre 2018
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 10.
Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » - Examen du rapport pour avis
Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, je voudrais accueillir Bernard Buis, qui remplace Dominique Théophile et succède à Didier Guillaume, nouveau ministre de l'agriculture. Nous lui souhaitons la bienvenue au Sénat et dans notre commission.
La parole est aux rapporteurs pour avis.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Mes chers collègues, comme l'an dernier, nous avons, avec Françoise Férat et Henri Cabanel, travaillé de concert pour analyser les crédits 2019 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Au terme d'une vingtaine d'auditions nous ayant permis d'entendre plus de cinquante personnes, nous avons tiré un bilan très mitigé du budget qui nous est soumis par le Gouvernement, qui réussit l'exploit de ne pas être satisfaisant alors que nombre de dispositifs ne sont pas modifiés. Nous y reviendrons.
Avant de vous présenter ce budget, il est essentiel de rappeler combien l'année 2019 sera charnière pour l'agriculture française. Elle sera en effet confrontée à un vent d'incertitudes toujours plus violent.
Incertitudes économiques d'abord, avec la volatilité des prix, une concurrence internationale renforcée, des négociations bilatérales qui se développent et qui créent encore plus d'instabilité commerciale pour les marchandises agricoles.
Incertitudes sociétales ensuite compte tenu du débat sur les pratiques agricoles en général qui place sans cesse les agriculteurs sur le banc des accusés sans leur laisser la possibilité de rappeler tous les efforts qu'ils ont réalisés depuis cinquante ans.
Qu'il me soit permis de dire que ceci est vécu comme une profonde injustice par les agriculteurs, qui sacrifient par passion une grande partie de leur vie pour nourrir la France, souvent sans même dégager de revenus. Retenez ce chiffre : un agriculteur se suicide tous les deux jours en France !
Incertitudes sur les charges également : le titre II de la loi EGALIM se traduira, dès l'année prochaine, par une augmentation considérable des coûts pour les agriculteurs.
Incertitudes sur les prix, bien sûr. Alors que cela relevait de l'impossible, la concentration de la grande distribution se poursuit, accroissant un rapport de force où l'agriculteur est toujours le plus faible - quatre centrales d'achat pour plus de 12 000 fournisseurs.
La loi EGALIM n'y changera rien. Je me demande même si le Gouvernement ne partage pas cette idée.
J'en veux pour preuve, d'une part, le très faible accompagnement budgétaire dans ce PLF 2019, puisque moins de 1 million d'euros sont accordés au titre de cette loi.
D'autre part, nous avons tous entendu, lors des débats sur la loi EGALIM, le Gouvernement annoncer une augmentation des contrôles de la DGCCRF et de FranceAgriMer dans le cadre du nouveau cadre contractuel entre acheteurs et producteurs qui avait pour but d'améliorer le revenu des agriculteurs pour lutter contre certaines pratiques déloyales et mieux protéger les agriculteurs. Cependant, les effectifs de la DGCCRF et de FranceAgriMer vont reculer en 2019 !
Mais l'incertitude la plus grave provient de la future réforme de la PAC. Le budget de la PAC représente, pour la France, trois fois le montant de la mission Agriculture, Alimentation, Forêt et Affaires rurales du PLF. Or ce budget européen devrait reculer de 15 % en euros constants lors de la prochaine programmation. La Commission européenne a également proposé de modifier le contenu de la PAC qui, en favorisant la renationalisation de celle-ci, risque de la rendre de moins en moins commune et placer encore une fois les aides européennes sous le diktat d'une écologie punitive.
On le voit, ces incertitudes sont fortes. Le PLF prend le risque d'en ajouter encore un peu plus, notamment avec la réforme fiscale présentée par le Gouvernement. Il faut le regretter car cette réforme aurait pu être unanimement approuvée.
Même si nous saluons la mise en place d'un dispositif fiscal favorisant l'épargne de précaution des agriculteurs, que nous avons appelée de nos voeux l'année dernière, le projet initial du Gouvernement permettant aux seuls agriculteurs dégageant des revenus de bénéficier de ce dispositif n'est pas satisfaisant. Comment peut-on croire que nos agriculteurs peuvent épargner avec leur niveau de revenu ?
La rédaction actuelle soumise à l'article 18 du PLF permet aux agriculteurs de recourir à ce dispositif en justifiant d'une épargne non monétaire, notamment par l'acquisition de stocks. Cette rédaction doit être conservée. Il est important toutefois de rappeler aux agriculteurs que ceci leur fera perdre le bénéfice d'une exonération fiscale induite par la déduction pour investissement, qui sera quant à elle supprimée.
De même, il convient de saluer le maintien du taux réduit de TICPE sur le gazole non-routier pour les exploitants agricoles, tout comme l'élargissement du bénéfice des exonérations de charges aux coopératives agricoles.
L'abandon des petites taxes pesant sur le secteur agroalimentaire pourrait aller dans le bon sens, à condition que ce qui est donné d'un côté ne soit pas repris de l'autre. À cet égard, la suppression de la taxe sur les huiles alimentaires pour 139 millions d'euros n'est à ce stade pas compensée de manière satisfaisante et aboutira soit à creuser le déficit du régime de retraites des non-salariés agricoles, soit à augmenter les cotisations des exploitants là où on souhaite alléger leur fardeau fiscal.
Toutefois, ce bénéfice net de la réforme fiscale pourrait être remis totalement en cause par la hausse considérable de la redevance pour pollutions diffuses réalisée à l'article 76 du PLF. L'idée est d'augmenter les taux sur les produits les plus dangereux, mais aussi sur les produits en cours d'interdiction, dont le glyphosate. Plutôt que de chercher activement des alternatives, le Gouvernement souhaite en sortir en augmentant considérablement les prix. On choisit encore l'écologie punitive au lieu de l'écologie incitative.
Cela se traduira par une hausse comprise entre 50 millions d'euros et 80 millions d'euros pour les agriculteurs. L'approche est toujours la même : pour inciter à ne plus employer les produits phytopharmaceutiques, le Gouvernement ne souhaite qu'en augmenter les prix. Toutefois, le risque est immense que ces mesures ne se traduisent par aucune baisse substantielle des usages : quand un agriculteur n'a pas d'alternative à une solution contre un ravageur ou une adventice, peu importe son prix, il en fera tout de même l'acquisition, même au prix fort.
Contre cette logique purement punitive, nous déposerons tous les trois un amendement en notre nom, préconisant de revenir à une démarche incitative. Le problème provient du manque de solutions de substitution aux produits les plus dangereux. Il faut inciter les fabricants à accélérer leur recherche pour les mettre sur le marché.
Plutôt que de taxer encore les exploitants agricoles, pourquoi ne pas dès lors taxer les fabricants de produits phytopharmaceutiques sur leurs ventes de produits les plus dangereux ? Le principe est simple : plus ils vendront des produits dangereux, plus ils seront taxés et donc incités à développer des produits moins nocifs.
Toutes ces incertitudes fiscales, économiques et sociétales ont rarement été si fortes. L'avenir de l'agriculture française est à ce point si incertain que le projet de loi de finances déposé par le Gouvernement enregistre le recul le plus important de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » depuis 2006 à périmètre courant, à hauteur de - 572 millions d'euros. Le budget passerait donc de 3 184 millions d'euros à 2 612 millions d'euros, soit une réduction de près d'un cinquième du budget de l'agriculture en une seule année.
Après prise en compte des mesures de périmètre, cela peut se résumer en une phrase : le Gouvernement demande des économies au monde agricole de l'ordre de 300 millions d'euros en 2019.
L'évolution de ces dépenses est surtout concentrée sur le programme 149, qui rassemble principalement les aides versées aux agriculteurs. Ses crédits reculent de près de 520 millions d'euros dans le projet du Gouvernement.
Cette évolution provient de deux principaux éléments : la suppression du dispositif « travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi » (TO-DE), sur laquelle reviendra Henri Cabanel, et la réduction de 100 millions d'euros de la réserve pour aléas, soit un tiers, malgré la sécheresse qui a sévi cette année en France.
Nous étions tous les trois sceptiques l'année dernière quant à l'inscription de cette provision dans le budget de l'agriculture, considérant qu'elle constituait en réalité un alibi pour imposer des coupes claires dans le budget de l'agriculture française. Une année plus tard, les faits nous ont donné raison. Nous avons même appris que la baisse de 100 millions d'euros de cette année avait été sciemment prévue dès la loi de programmation adoptée l'année dernière par le Gouvernement.
Cette réserve pour risques est d'ailleurs d'autant plus mal nommée qu'elle ne sert qu'à la couverture d'un seul risque : celui des refus d'apurement communautaire. C'est d'ailleurs sa dénomination officielle dans le projet annuel de performances (PAP) ! En 2018, sur les 300 millions d'euros alloués, 190 millions d'euros seront dépensés, dont 178 millions d'euros pour régler les apurements communautaires et le reste pour régler un contentieux que l'État a perdu. Avec 200 millions d'euros en 2019, elle ne pourra couvrir que ces refus d'apurement.
Dans ces conditions, la réserve ne constitue donc qu'une auto-assurance de l'État contre ses propres erreurs, financée par des économies passées réalisées au détriment des agriculteurs, ponctionnant le budget du ministère de l'agriculture.
Les autres dépenses d'intervention du programme 149 connaissent des évolutions moins significatives, mais parfois problématiques. Les aides à l'économie agricole ultramarine, tout comme la dotation Jeunes agriculteurs, sont stabilisées. Il est à noter que le montant des plans de compétitivité et d'adaptation des entreprises (PCAE) recule une nouvelle fois de 8 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une réduction de 27 % en deux ans, alors même que ces aides ont un effet de levier important pour l'investissement des exploitations agricoles.
Le décaissement des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) recule compte tenu du niveau anormalement élevé de l'année dernière, justifié pour réduire les retards de paiements des aides PAC accumulés par l'Agence de services et de paiements. Le Gouvernement s'est engagé à cet égard à ce que les paiements de la campagne 2018 soient réalisés selon le calendrier normal et que tous les retards soient résorbés. Nous serons très vigilants au respect de ce calendrier.
Enfin, les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) vont, quant à elles, augmenter de 20 millions d'euros à la suite de la réforme du zonage. On pourrait penser que c'est une bonne nouvelle : en fait, il s'agit d'un leurre !
Au total, si 14 210 communes demeurent dans le zonage définitif contre 10 429 dans le zonage précédent, la réforme va en faire sortir 1 293. Les 3 800 agriculteurs concernés par cette perte sont concentrés dans certains départements comme le Gers, l'Aude et les Deux-Sèvres. Les 20 millions d'euros supplémentaires couvriront à hauteur de 15 millions d'euros les bénéficiaires entrants et de 5 millions d'euros la sortie des agriculteurs perdants jusqu'en 2020.
Rappelons que la prise en compte du critère de « continuité territoriale » pour la définition des zones soumises à contraintes spécifiques, comme le permet d'ores et déjà la réglementation européenne, est une absolue nécessité pour intégrer les communes enclavées dans le zonage. C'est la position que le Sénat n'a jamais cessé de défendre.
Je laisse la parole à Françoise Férat à propos du volet relatif à la sécurité sanitaire du projet de loi de finances.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - Qu'il est difficile d'évoquer ce projet de loi devant vous ce matin tant il existe de points qui ne sont pas correctement soutenus, au détriment de notre agriculture. J'en veux pour preuve le programme 206, dédié à la sécurité sanitaire, qui voit ses crédits reculer de 16 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 15 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à l'année dernière.
L'essentiel de ce recul provient de deux dépenses purement comptables, qui entraînent un effet d'optique : la non-budgétisation de dépenses d'indemnisation, auxquelles se substitue un fonds de concours européen, et la baisse du budget dédié au règlement du contentieux sur les retraites vétérinaires, dans la mesure où ce règlement est en voie d'achèvement.
La constatation d'un recul de ce budget, même conjoncturel, ne manque toutefois pas d'inquiéter, tant la sécurité sanitaire est un impératif stratégique pour notre pays.
Si la France doit aujourd'hui être fière de son dispositif de sécurité sanitaire sur les denrées alimentaires, probablement le meilleur du monde, elle doit rester sur ses gardes face aux conséquences importantes des épizooties et des épidémies pour les agriculteurs.
L'agriculture est non seulement soumise à des aléas climatiques, mais aussi à l'apparition de maladies animales et végétales qui ont des conséquences dramatiques sur les cultures et les élevages concernés.
Permettez-moi tout d'abord d'émettre les plus vives craintes quant à la propagation de l'épidémie de peste porcine sur notre territoire. Le virus est mortel pour les espèces concernées, et sa rémanence exceptionnellement longue - de l'ordre de plusieurs mois.
La transmission du virus s'effectue principalement par les tiques, qui ingèrent le virus en se nourrissant des animaux contaminés puis le transmettent en piquant d'autres animaux sensibles. Il se transmet également par contact direct avec des animaux infectés ou par ingestion de déchets alimentaires touchant de la viande de porc contaminée, transformée ou non.
C'est sans doute en raison d'un déchet infecté, jeté dans une poubelle d'une aire d'autoroute par un routier d'Europe de l'Est, que 155 cas de peste porcine ont été détectés chez des sangliers trouvés morts dans la région d'Étalle, au sud de la Belgique, dans la zone frontalière proche de Longwy, Montmédy et Carignan.
Plusieurs mesures ont été prises pour endiguer le phénomène. Tous les porcs domestiques de la zone d'Étalle ont été mis à mort. Une réduction de la population de sangliers a été décidée en lien avec les fédérations de chasse concernées. Des clôtures de part et d'autre de la frontière ont été installées.
Toutefois, le virus ne s'arrêtera pas aux frontières comme en d'autres temps, d'autant qu'il met la lumière sur le problème plus général de la surpopulation de gros gibiers en France, qui cause de graves dégâts dans les exploitations agricoles.
Le risque est majeur pour la filière porcine française. L'apparition du virus en France entraînerait une destruction du cheptel porcin contaminé, induisant un délai de recomposition de la taille des élevages. En outre, la France ne serait plus « indemne de peste porcine », ce qui grèvera durablement son accès à certains marchés à l'exportation, alors même que notre pays exporte 40 % de sa production porcine, notamment en Russie et en Chine.
Il faut donc appeler à la plus grande vigilance. Plusieurs pratiques, notamment celles de lâchers de gibiers importés de pays de l'Est pour entretenir les « tableaux de chasse », doivent être strictement prohibées. Les déchets alimentaires des conducteurs routiers étrangers doivent également faire l'objet d'une attention toute particulière.
Le second enjeu en matière de sécurité sanitaire relève du maintien en France d'une couverture vétérinaire suffisante. Les vétérinaires spécialisés dans l'élevage jouent un rôle essentiel dans la prévention, la détection et le traitement des épizooties sur l'ensemble de notre territoire.
Cependant, seulement 38 % des vétérinaires déclarent aujourd'hui une compétence pour les animaux d'élevage, alors qu'on constate une croissance très forte de la spécialisation en animaux de compagnie. Lorsque leur activité est majoritairement consacrée aux animaux de compagnie, il est plus difficile pour les vétérinaires de maintenir et d'actualiser les compétences requises pour le suivi spécifique des animaux d'élevage.
De ce phénomène résulte une constatation alarmante : l'apparition de déserts vétérinaires, comme sont apparus, il y a des années, des déserts médicaux. Certaines zones sont aujourd'hui totalement dépourvues de vétérinaires prêts à intervenir dans les élevages. Cette tendance ne peut que s'accroître avec le départ à la retraite à venir de nombreux praticiens. Cette désertification constituerait un drame pour nos territoires ruraux, pour notre élevage ainsi que pour la sécurité sanitaire de la France.
Le projet de loi de finances prévoit enfin la revalorisation de l'acte médical vétérinaire (AMV), qui contribue à la rémunération des vétérinaires lors des visites sanitaires annuelles obligatoires, pour les bovins par exemple. L'acte médical vétérinaire n'avait pas été revalorisé depuis 2013 ce qui a considérablement contribué aux écarts de revenus entre vétérinaires en élevage et vétérinaires spécialisés dans les animaux de compagnie.
Toutefois, l'acte médical ne sera revalorisé que de 33 centimes d'euro en 2020. Cette mesure est trop timide pour enrayer à elle seule la crise de vocation des vétérinaires ruraux intervenant dans les élevages ou, plus encore, dans les abattoirs. Elle doit être accompagnée par d'autres mesures.
Je vous proposerai un amendement en ce sens afin d'augmenter le budget des stages tutorés des écoles vétérinaires. Songeons que sur vingt élèves ayant réalisé de tels stages, plus des trois quarts travaillent désormais dans nos campagnes.
Enfin, le troisième enjeu qui me semble déterminant pour la sécurité sanitaire de la France est évidemment la bonne tenue des contrôles de denrées alimentaires importées.
Nous avons recueilli auprès des administrations concernées les résultats des contrôles aux importations qu'elles réalisent sur les denrées alimentaires. Ils sont très préoccupants.
Sur la base de contrôles physiques malheureusement trop rares, on peut estimer que 10 % a minima de ce qui est importé des pays tiers ne respecte pas les normes européennes. Ce taux s'élève à 17 % pour les produits issus de l'agriculture biologique, et ce chiffre ne prend pas en compte le taux de non-conformité des importations venant de pays de l'Union européenne, plus difficile à mesurer. Ces produits étant moins soumis aux contrôles, il est à craindre que les taux de non-conformité soient également très élevés. La Cour des comptes, dans un rapport de 2014, l'estimait à 25 % pour les produits à base de viande par exemple.
Cette situation est intenable. Elle pose d'immenses problèmes sanitaires, car ces importations nuisent à une bonne protection des consommateurs et constituent ni plus ni moins une concurrence déloyale massive pour nos agriculteurs français.
Un produit sur dix importé d'un pays hors de l'Union européenne ne respecte pas les normes. Ces denrées alimentaires qui concurrencent injustement nos agriculteurs représentent près de 1,7 milliard d'euros.
Comment assurer un contrôle efficace quand l'État dépense in fine moins de 10 millions d'euros par an pour contrôler l'ensemble des denrées alimentaires importées ? Cela représente moins d'une semaine de recettes que l'État encaisse au titre du Loto !
La photographie n'est pas rutilante, mais la perspective du Brexit et de l'arrivée massive des produits du Commonwealth en Europe ne peut qu'accentuer le problème.
La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne nécessite en France un surcroît de contrôles aux importations. Le PLF prévoit le recrutement éventuel de 40 agents supplémentaires en 2019. Ce n'est pas suffisant. Les autorités concernées ont été très claires avec nous : les besoins minimaux sont de 80 agents dans le cas du Brexit le moins dur.
Compte tenu des manques déjà constatés et des enjeux qui y sont liés, tant pour les consommateurs que pour les agriculteurs, nous vous proposerons un amendement visant à passer le recrutement d'agents chargés des contrôles aux importations de 40 à 80 ETP.
Je laisse la parole à Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel, rapporteur pour avis. - Mes chers collègues, mon intervention se concentrera sur six problématiques particulières : le péril pesant sur la pêche maritime à la suite du Brexit, l'évolution des crédits affectés à la forêt, les projets alimentaires territoriaux (PAT), les moyens des administrations, le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) et, bien sûr, le dispositif TO-DE.
Premièrement, les crédits de la pêche dans le budget qui nous est soumis sont stables par rapport à l'année précédente, à environ 50 millions d'euros, une fois retraitée la compensation de la suppression d'une taxe. Je rappelle d'ailleurs que ce budget ne prend pas en compte les aides européennes du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).
Toutefois, pour rebondir sur le propos que vient de tenir Françoise Férat, le Brexit est un défi pour notre sécurité sanitaire. C'est aussi un défi pour nos activités halieutiques. Toute privation d'accès aux eaux britanniques pour les bateaux de pêche français aurait des effets mécaniques dramatiques pour notre économie littorale.
D'un point de vue économique, l'interdiction concernerait plus de 500 navires et plus particulièrement 200 d'entre eux qui réalisent une part importante de leur chiffre d'affaires grâce à la pêche réalisée dans ces eaux. Ceci met en péril 25 % du chiffre d'affaires de la pêche française, soit 250 millions d'euros. En matière d'aménagement du territoire, une telle décision serait désastreuse pour les ports de Boulogne-sur-Mer et de Cherbourg, qui réalisent plus de 50 % de leur activité dans les eaux britanniques.
Enfin, cela aurait un effet direct sur 1 300 emplois de marins, sans compter l'effet sur les industries de transformation ou sur les employés des ports. Ces éléments doivent être rappelés dans le débat public, car c'est l'avenir de nos littoraux qui en dépend.
Deuxièmement, les crédits de la forêt connaissent une évolution contradictoire. S'ils diminuent de 16 millions d'euros en crédits de paiement, c'est en raison de la fin des aides destinées aux propriétaires forestiers ayant subi la tempête Klaus de 2009. En revanche, les autorisations d'engagement croissent de près de 4 millions d'euros grâce à l'augmentation de la dotation au fonds stratégique de la forêt et du bois. Il s'agit d'améliorer la desserte forestière et de favoriser l'aval forestier avec des prêts proposés aux scieries et entreprises de travaux forestiers par Bpifrance.
À plus long terme, notre forêt va toutefois « dans le mur », car elle est en train d'épuiser les générations d'arbres plantés dans les années 1960. Pour maintenir une forêt économiquement rentable et écologiquement efficace, l'Allemagne finance à titre de comparaison 300 millions de plants par an, la Pologne un milliard, et la France seulement 70 millions, alors qu'elle est au quatrième rang européen.
Pour que la forêt française crée des emplois, de la richesse et joue son rôle de stockage du dioxyde de carbone, il faudrait dégager 150 millions d'euros par an pour renouveler nos espaces forestiers et réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi ne pas affecter une fraction de la taxe carbone à l'investissement forestier ?
Troisièmement, nous avons été très surpris de ne pas voir tenu un des principaux engagements des États généraux de l'alimentation (EGA) : la valorisation des projets alimentaires territoriaux.
La loi EGALIM contraint les collectivités territoriales à revoir les modalités d'approvisionnement de leur restauration collective afin de mieux y intégrer des produits de qualité, y compris locaux. Comment le faire si les initiatives de structuration des filières locales ne sont pas soutenues ? Les projets alimentaires territoriaux répondent justement à cette ambition. Les acteurs locaux plébiscitent ces outils, pourtant peu utilisés faute de financements adaptés - de l'ordre de 40 PAT en 2018.
Lors des EGA, la cible a été définie à 500 PAT en 2020. C'est très ambitieux, mais comment atteindre une multiplication par douze du nombre actuel sans aucun financement supplémentaire ? Le montant reste le même que celui de l'année dernière, à savoir un appel à projet annuel, doté en tout et pour tout d'un million d'euros. Nous vous proposerons un amendement doublant ce budget dès 2019.
Quatrièmement, les moyens alloués à la conduite de la politique agricole française reculent légèrement.
Le programme 215 contribue à l'effort d'économies à hauteur de 29 millions d'euros cette année. Si la moitié provient d'un jeu d'écriture comptable, des économies seront tout de même réalisées sur les dépenses de personnel du ministère de l'agriculture. Le ministère réalisera 130 suppressions de postes sur un total de plus de 7 000 agents. Ces suppressions auront majoritairement lieu dans les services déconcentrés, à hauteur de 8,5 millions d'euros.
Les subventions allouées aux opérateurs sont quant à elles en légère augmentation, compte tenu de la nécessité de compenser la suppression des petites taxes qui leur ont été allouées auparavant. Dans le cas de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses), une réserve a été constituée pour faire face au Brexit, notamment en prévision de la surcharge de dossiers à venir sur les médicaments vétérinaires engendrée par la sortie du Royaume-Uni.
J'ajoute que les crédits de l'enseignement agricole augmentent de 20 millions d'euros. Cette augmentation concerne l'enseignement technique, ainsi que l'enseignement supérieur.
Cinquièmement, le compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural est au même niveau que l'année précédente. Il est alimenté par les agriculteurs et s'adresse aux agriculteurs, puisque sa seule source de financement est le rendement, à hauteur de 19 %, de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles et d'une fraction forfaitaire d'environ 80 euros par exploitation.
Comme tous les ans, les actions en faveur de la recherche financées par le CASDAR peinent à trouver des traductions concrètes. Or ces crédits doivent aller prioritairement aux organismes aidant les agriculteurs et doivent promouvoir la recherche de solutions alternatives à certains produits, notamment phytopharmaceutiques.
Près de 50 millions d'euros de reports sont en outre constatés et ne sont pas dépensés. Ils comportent donc le risque de ne pas être redéployés en faveur des agriculteurs. C'est pourquoi nous vous proposons de nous en remettre à la sagesse du Sénat concernant les crédits du CASDAR.
Enfin, il me reste à vous faire part de notre sentiment, commun à tous les trois, concernant la suppression programmée par le Gouvernement du TO-DE, qui représente 142 millions d'heures, 927 000 contrats pour 73 000 entreprises, soit un quart du travail agricole salarié. Je l'ai dénoncée lors des débats, mais le Gouvernement a une vision exclusivement comptable du sujet.
Tout d'abord, la proposition de compromis présentée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale ne règle rien, puisque le dispositif serait supprimé en 2021 purement et simplement. Certes, le Gouvernement est revenu en arrière parce qu'à l'époque, un sénateur, aujourd'hui ministre de l'agriculture, avait émis ses plus vives réserves lorsque le Gouvernement avait annoncé la suppression pure et simple du TO-DE.
Cette suppression défie toute rationalité économique.
Premier paradoxe : alors que le Gouvernement entend réduire le coût du travail des entreprises à des fins de compétitivité, il décide d'augmenter sciemment les coûts de main-d'oeuvre au sein des entreprises où ceux-ci sont les plus importants ! La main-d'oeuvre, c'est par exemple 60 % du coût de revient d'une pomme. Face au coût de la main-d'oeuvre saisonnière polonaise, inférieur de 75 % au nôtre, la perte de compétitivité est tout simplement irrattrapable.
Deuxième paradoxe : la proposition du Gouvernement pénalisera les filières les plus investies dans les solutions agroenvironnementales ayant recours à de la main-d'oeuvre saisonnière, puisque les modes de production qui font appel à plus d'agro-écologie nécessitent plus de main-d'oeuvre. Ce n'est pas un signal incitatif pour la transition agricole.
Troisième paradoxe : empêcher les producteurs français d'exporter faute de compétitivité suffisante, c'est saturer le marché français de produits bradés, ce qui va mécaniquement faire baisser les prix, contrairement à la logique prônée lors des EGA.
Le Sénat a exprimé toutes ces craintes lors des débats sur le PLFSS. Il s'est, me semble-t-il, fait le porte-parole de tous les territoires et de toutes les productions saisonnières pour appeler au maintien de ce dispositif.
Nous avons souhaité, Françoise Férat, Laurent Duplomb et moi-même, déposer en notre nom propre des amendements identiques appelant à rétablir le TO-DE dans sa forme actuelle.
L'immense majorité du Sénat - 320 voix pour et 19 contre -, y compris sur les bancs de la majorité gouvernementale, a souscrit à cette démarche transpartisane en adoptant ces amendements. À l'heure actuelle, le dispositif TO-DE est maintenu au-delà de 2021.
Pour aller au bout de la logique, des crédits budgétaires doivent être débloqués pour acter ce maintien. Le Gouvernement a déjà alloué 75 millions d'euros pour financer son dispositif transitoire et considère pouvoir réaliser 30 millions d'euros d'économies supplémentaires sur le périmètre de la mission pour financer le TODE, économies qu'il reste à documenter à ce stade. Il manque donc environ 40 millions d'euros en 2019 pour pérenniser le dispositif.
Considérant que nous ne pouvons trahir le vote du Sénat lors du PLFSS, et par souci de cohérence, nous vous proposons donc d'interpeller le ministre en commission tout à l'heure afin de savoir si l'appel du Sénat au maintien du TO-DE est entendu ou non. Si c'est le cas, il devra débloquer ces 40 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires.
Si le TO-DE n'est pas maintenu, vos rapporteurs vous recommandent, compte tenu de l'ensemble des éléments évoqués, d'adopter un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission sachant que, l'année dernière, en ce qui me concerne, j'avais dans le doute émis une réserve par rapport aux EGA. Force est de constater que les EGA ne sont aujourd'hui pas à la hauteur des attentes - tous les syndicats agricoles sont unanimes.
Mme Sophie Primas, présidente. - J'ouvre le débat. Nous voterons ensuite sur les amendements de nos rapporteurs et suspendrons notre avis jusqu'à l'audition du ministre.
Mme Cécile Cukierman. - Je salue le travail des trois rapporteurs. Nous partageons l'ensemble des différents constats qui ont été établis.
J'insisterai davantage sur les baisses de crédits concernant la sécurité et la qualité sanitaire ainsi que la perte de moyens humains pour accompagner la mise en oeuvre des politiques publiques. Je pense que l'un ne va pas sans l'autre : on a besoin de personnels pour améliorer la sécurité et la qualité sanitaires, accompagner les agriculteurs et relever les défis et les enjeux de l'agriculture de demain. On a le sentiment d'un budget d'affichage avec quelques objectifs mais sans aucune ambition de les atteindre.
Nous attendons l'audition du ministre mais nous ne voterons pas les crédits de cette mission. Nous nous prononcerons bien évidemment favorablement concernant les amendements proposés par nos rapporteurs.
À travers ce budget, à l'heure où le Brexit est en passe de se réaliser et où la compétition et la dépendance vis-à-vis d'un certain nombre de produits agricoles sont de plus en plus fortes, il nous faut éviter le prochain scandale et l'anticiper. Les services agricoles nationaux et régionaux doivent être capables de répondre à tous ces défis.
Quand on voit l'état des directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) en termes de personnels, on ne peut être que très inquiets de ce qui va se passer dans les mois et les années qui viennent en matière agricole.
M. Franck Montaugé. - Merci aux trois rapporteurs pour la qualité de leurs travaux.
Je voudrais revenir sur la problématique des zones défavorisées et obtenir quelques précisions. On constate une légère augmentation des crédits affectés aux ICHN. Nombre d'éleveurs entrent dans ce dispositif. Ceux qui en bénéficient déjà vont donc connaître une diminution de leurs indemnités. Cela affecte donc le revenu et la compétitivité de cette filière. Est-ce bien ce qu'il faut comprendre ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Oui, même s'il faut prendre en compte la hausse des crédits accordés dans ce budget.
M. Franck Montaugé. - Si vous me le permettez, j'interrogerai le ministre à ce sujet...
Par ailleurs, on parle toujours des communes, mais ce sont avant tout les éleveurs qui sont concernés. Certaines communes qui sont entrées dans le dispositif ne comptent aucun éleveur !
Enfin, malgré ce que vous avez dit du devenir des PCAE, je pense que le Gouvernement devrait prévoir une affectation particulière pour accompagner la transition des exploitants qui, pour certains, vont être obligés d'arrêter leur activité pour se consacrer à autre chose. J'interrogerai également le ministre sur cette question.
M. Daniel Gremillet. - Je félicite à mon tour les trois rapporteurs pour le rapport qu'ils viennent de nous présenter qui reflète vraiment bien la situation.
Un espoir formidable est né dans les campagnes il y a un an. La déception va être phénoménale. Elle va en effet au-delà du monde paysan et touche le monde économique, l'entreprise, la ruralité.
Je voudrais par ailleurs prolonger les propos qui viennent d'être prononcés sur les zones défavorisées. Qu'en est-il des zones de piémont ? Trois massifs sont essentiellement concernés en France, le Massif Central, le Jura et le département des Vosges. Or il semble que ces zones disparaissent complètement. La perte pour les exploitations va être très importante.
Autre remarque s'agissant des produits importés : on trompe les consommateurs, je voulais le souligner !
La forêt représente également un vrai sujet : la France n'est pas au rendez-vous. On coupe aujourd'hui plus de bois qu'on en replante. La forêt continue de croître, mais ce n'est pas de la forêt qui capte les gaz à effet de serre. Je trouve regrettable qu'on ne soit pas plus offensif alors qu'on a en France des espaces forestiers fabuleux.
Quant au CASDAR, je vous trouve bien accommodant ! Il s'agit de l'argent des paysans, qui paient en totalité cette contribution pour leur propre développement. Or il n'y a pas de mobilisation au sujet des nouveaux défis que connaît l'agriculture ou du développement des exploitations, notamment par rapport au problème des pesticides. C'est un véritable souci.
Je n'ai rien à ajouter à ce que vous avez dit au sujet du TO-DE. Je souhaite qu'on soit tous en rangs serrés derrière vous.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je voudrais également saluer le travail qui a été réalisé dans une grande cohésion. C'est particulièrement nécessaire dans ce secteur.
Je voudrais revenir sur trois points et tout d'abord sur la vigilance concernant les aspects de sécurité sanitaire. On peut craindre qu'on ait sous-estimé un certain nombre de risques grandissants en termes budgétaires : Brexit, peste porcine, impacts forestiers.
S'agissant des EGA, le Gouvernement trahit maintenant ses engagements sur le plan budgétaire.
Concernant la forêt, l'essentiel a été dit : elle représente 30 % des captations des émissions de gaz à effet de serre. Or on coupe la forêt pour réaliser des meubles et des constructions. On capte le carbone mais, au bout d'un certain temps, les meubles et les constructions sont détruits et on relâche le carbone. L'enjeu réside dans le renouvellement des peuplements. On sait qu'un peuplement en croissance capte encore plus de carbone.
Il est donc dommage, alors que nous avons un objectif mondial prioritaire de lutte contre le changement climatique, qu'on n'actionne pas davantage ce capital et ce potentiel.
Un certain nombre d'amendements seront sûrement déposés pour le fléchage d'une partie des crédits carbone et un retour à la forêt, mais je soulèverai à nouveau le problème du déplafonnement de la taxe de défrichement qui, de manière totalement incongrue, est plafonnée et ne revient pas à la forêt.
Enfin, si le ministre s'engage ce soir sur les 40 millions du TO-DE, émettons-nous un avis favorable ?
M. Martial Bourquin. - Je veux à mon tour féliciter les trois rapporteurs.
En premier lieu, lors de récentes auditions, les responsables de la filière colza nous ont dit que celle-ci risquait d'être très vite démantelée avec l'ouverture de la raffinerie de la Mède. Avez-vous abordé cette question ?
Je partage complètement l'idée émise à propos du dispositif TO-DE : on a besoin de main-d'oeuvre. Je trouve très intéressant de réaffecter la taxe carbone au repeuplement de la forêt. On a un des plus gros massifs forestiers européens. Si on n'investit pas, on aura essentiellement des taillis.
En ce qui nous concerne, nous voterons les amendements.
Mme Sophie Primas, présidente. - La parole est aux rapporteurs pour avis.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Émet-on un avis favorable sur le budget si le ministre accepte d'apporter 40 millions d'euros supplémentaires ? L'inverse serait à mon sens compliqué.
On est tous d'accord pour dire que le budget de l'agriculture n'est pas à la hauteur, mais si le ministre accède à nos demandes, la sagesse voudrait que l'on émette un avis favorable sur le budget. Je ne suis toutefois pas sûr qu'on ait ce plaisir...
M. Henri Cabanel, rapporteur pour avis. - La diminution conséquente de ce budget est essentiellement due à la suppression du TO-DE et à la baisse des réserves.
Il faudrait que le ministre nous garantisse que ce poste soit abondé, au-delà de la politique d'apurement, en cas de catastrophe naturelle dans le courant de l'année. À l'origine, les réserves servaient à cela.
Nous sommes tous bien conscients du manque d'ambition de ce budget. Il n'est en tout cas pas à la hauteur de l'agriculture que nous désirons. On le constate par rapport à la baisse budgétaire et au niveau de la PAC. La PAC concerne tout à la fois les agriculteurs, l'indépendance alimentaire, la santé, l'aménagement du territoire, l'emploi, la biodiversité. Si l'on veut mettre en place une politique ambitieuse, il faut s'en donner les moyens.
On a déposé un amendement sur le TO-DE et on essaie de rattraper les erreurs qui ont été faites, parce qu'on sait que si ce système n'est pas pérennisé, ce sont des filières entières qui vont disparaître. Tant mieux si le ministre nous répond favorablement, mais l'ambition demeure insuffisante.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - Si le ministre répond favorablement, on pourrait émettre un avis favorable, mais l'adoption de la mission constitue une seconde étape. Nos amendements constituent de ce point de vue un point fort.
Le directeur général de l'alimentation nous a certifié que 40 ETP ne sont pas suffisants. Il en avait sollicité 80, voire davantage en cas de Brexit dur. 40 ETP pour réaliser un contrôle 24 heures pour 24 et sept jours sur sept, avec des personnels travaillant en trois huit, qui peuvent tomber malades et qui bénéficient de congés, ce n'est évidemment pas raisonnable. On peut imaginer sans peine que le nombre de contrôles soit très largement insuffisant. Je ne veux pas vous faire peur, mais j'attire votre attention sur ce point, qui me semble très important.
Ce rapport apparaît comme une première étape. Il nous restera, en fonction de nos amendements, à nous positionner pour la suite.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - S'agissant de la question des zones piémont, le Gouvernement assure aujourd'hui que rien n'est modifié.
Deuxième élément : dans les zones défavorisées, 3 800 agriculteurs sont perdants, concentrés sur des départements tel que le Gers, l'Aude et les Deux-Sèvres.
Sur 20 millions d'euros, ce sont 15 millions d'euros pour les bénéficiaires entrants et 5 millions d'euros pour compenser le dispositif de suppression de cette aide pour les autres agriculteurs. En clair, cela signifie une augmentation du zonage avec un budget légèrement plus élevé. Beaucoup de ceux qui touchent l'ICHN vont la conserver telle qu'elle est dans les zones les plus touchées, mais certains vont la voir diminuer. 1 293 communes vont la perdre. Les entrants toucheront une ICHN en proportion de l'endroit où ils se trouvent. Il s'agit des zones les plus basses. Les sommes ne vont donc pas être très importantes.
Concernant la filière colza, on ne produit pas de canne à sucre en France - excepté dans les îles -, pas plus que d'huile de palme. Si l'on veut favoriser les activités liées aux oléagineux et aux protéagineux destinés aux biocarburants, on ne peut « en même temps » continuer à faire entrer par bateaux entiers l'huile de palme qui favorise la déforestation dans certains pays.
Mme Sophie Primas, présidente. - L'Assemblée nationale a voté un amendement d'un député du Modem excluant l'huile de palme de la définition de biocarburants à partir de 2021, contre l'avis du Gouvernement.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Quant au CASDAR, on pourrait émettre un avis défavorable, mais s'en remettre à la sagesse du Sénat permet à chaque groupe politique de s'exprimer et d'avoir la possibilité de voter contre. Ce n'est pas un avis positif. Ce qui est dit à propos des évolutions du CASDAR n'est pas du tout satisfaisant, nous en convenons.
Enfin, il est extrêmement ennuyeux, après la loi EGALIM, de voir tous ces accords qui vont arriver les uns derrière les autres - CETA, MERCOSUR, Australie, Nouvelle-Zélande, etc. - qui vont peser en termes de concurrence et qui ne correspondent pas à ce qu'on demande aux agriculteurs français. Cela devient schizophrénique !
M. Franck Menonville. - En matière de biocarburants, il existe deux filières, le substitut à l'essence et le substitut au diesel. Il ne faut pas opposer les deux, qui ont toute leur place, notamment en France, qui est un gros producteur d'éthanol au travers de la betterave et du blé. On le sait bien dans le Grand Est.
Par ailleurs, la filière biodiesel connaissant actuellement une certaine difficulté, on ne peut que se réjouir de l'amendement évoqué par Mme la présidente. Il faut aussi accroître les débouchés du biodiesel. Nous sommes nombreux à nous mobiliser sur la question. On a connu l'année dernière une belle réussite en matière de flotte captive et de biocarburant 100 % végétal.
Je pense qu'il faut aller plus loin, notamment concernant le chauffage, etc. Étant donné la crise que connaît la fiscalité écologique, une incitation forte en faveur de ces deux filières ferait véritablement sens, en particulier s'agissant du biodiesel, actuellement en difficulté.
Mme Catherine Procaccia. - Je comprends que l'on défende l'agriculture française et que l'on veuille maintenir les débouchés, mais on pourrait trouver des arguments plus rationnels, surtout quand on sait comment un certain nombre de pays produisent aujourd'hui l'huile de palme : la déforestation existe depuis 1900 et la plupart des pays ne développent de nouvelles plantations que sur des zones agricoles qui ne peuvent être utilisées à autre chose.
N'utilisons pas des arguments « écolos » qui ne sont pas réels !
Mme Sophie Primas, présidente. - Chacun peut s'exprimer librement.
Mme Catherine Procaccia. - Pour ma part, je déposerai un amendement de suppression, même si c'est sans grand espoir ! J'en ai assez d'entendre des gens qui ne sont jamais allés sur le terrain et qui ne savent pas ce qui s'y passe dire n'importe quoi.
Mme Sophie Primas, présidente. - La volonté de notre commission est plutôt de favoriser nos productions de colza - mais on peut entendre votre réaction.
Nous allons passer au vote des amendements...
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - L'amendement AFFECO-1 répond à la problématique de la direction générale de l'alimentation (DGAL) concernant les 40 ETP, qui servent aux contrôles aux frontières des denrées alimentaires en matière de règlementation sanitaire. La DGAL en demandait 80 et non 40. Il s'agit donc d'un amendement destiné à remonter ce chiffre de 40 à 80, en adaptant les crédits nécessaires pour ce faire.
La commission approuve l'amendement AFFECO-1 modifiant les crédits des programmes.
M. Henri Cabanel, rapporteur pour avis. - L'amendement AFFECO-2 consiste à doubler le budget des projets alimentaires territoriaux, passant de 1 million d'euros à 2 millions d'euros, pour donner les moyens aux territoires de souscrire davantage de projets alimentaires territoriaux.
M. Daniel Gremillet. - Je précise que mon intervention concernant le CASDAR était destinée aux membres de la commission des affaires économiques qui n'ont pas forcément connaissance de l'origine des fonds, qui sont constitués de taxes exclusivement payées par les agriculteurs.
Cette position nous met donc face à nos responsabilités s'agissant de l'utilisation de ces taxes, acquittées par les seuls agriculteurs, qui sont détournées de leur utilisation.
La commission approuve l'amendement AFFECO-2 modifiant les crédits des programmes.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - L'amendement AFFECO-3 concerne la désertification vétérinaire en zone rurale. Il est particulièrement compliqué de pouvoir compter sur des vétérinaires prêts à se lever la nuit pour aider au vêlage, par exemple.
L'idée consiste à s'appuyer sur le tutorat, qui fonctionne parfaitement bien, 80 % des élèves s'installant en zone rurale.
La commission approuve l'amendement AFFECO-3 modifiant les crédits des programmes.
Le vote sur l'avis est suspendu jusqu'à l'audition du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, qui se tient plus tard le même jour.
Projet de loi de finances pour 2019 - mission « Cohésion des territoires » crédits « Logement » Examen du rapport pour avis
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. - Je suis chargée de vous présenter les crédits relatifs au logement c'est-à-dire :
- le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ;
- le programme 109 « Aide à l'accès au logement » ;
- et le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ».
Le Gouvernement a présenté l'an dernier sa stratégie quinquennale en matière de logement qui s'est concrétisée sur le plan législatif par l'adoption de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) adoptée définitivement et qui va être promulguée, le Conseil constitutionnel ayant rendu sa décision jeudi 15 novembre par laquelle il a censuré uniquement des cavaliers et déclaré conformes les dispositions relatives aux normes d'accessibilité des logements et à la loi Littoral. Cette stratégie s'est également traduite sur le plan budgétaire par une baisse significative des crédits dès 2018 résultant de la mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS) permettant une économie en matière d'aides personnelles au logement (APL) de 800 millions d'euros. Pour atteindre 1,5 milliard d'euros d'économie, une augmentation du taux de TVA a été décidée en complément. Ce n'était pas forcément la bonne solution mais c'était la plus acceptable par les bailleurs sociaux. Nous aurons de nouveau un débat l'an prochain lorsque la RLS s'appliquera seule pour un montant d'1,5 milliard d'euros.
Pour la deuxième année consécutive, les crédits des trois programmes « logement » diminuent de 7,7 %, pour atteindre 15,2 milliards d'euros.
Les députés ont adopté plusieurs amendements modifiant le montant des crédits (environ 23 millions d'euros) sans que cela ne modifie les grands équilibres. Dans le reste de mon intervention, je citerai les crédits issus du projet de loi initial.
Le programme 177 regroupe les crédits de la politique d'hébergement d'urgence. Après plusieurs années d'augmentation, ces crédits diminuent de 4,7 % en autorisations d'engagement et 3,8 % en crédits de paiement en raison d'une mesure de périmètre.
En effet, par souci de sincérité budgétaire et je le porte au crédit du Gouvernement, 118,7 millions d'euros destinés au financement du centre d'hébergement d'urgence des migrants d'Ile-de-France (CHUM) et du centre provisoire d'hébergement des réfugiés d'Ile-de-France sont transférés vers la mission « Asile et immigration ».
Les députés ont adopté un amendement du Gouvernement visant à augmenter les crédits du programme 177 de 20 millions d'euros. Il s'agit d'un transfert de crédits du programme 304 « inclusion sociale et protection des personnes » dédiés à l'adaptation des centres d'hébergement aux familles.
À périmètre constant, les crédits du programme 177 augmentent de 1,3 % en autorisations d'engagement et de 2,2 % en crédits de paiement.
Depuis plusieurs années, on constate une sous-budgétisation des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence.
2018 n'échappe pas à la règle même si les crédits qui ont été ouverts dans le collectif budgétaire sont moindres en comparaison des sommes ouvertes les années précédentes et atteignent 60 millions d'euros auxquels il faut ajouter 96 millions d'euros en intervention de gestion. Ce sont ainsi 2,1 milliards d'euros qui devraient être consommés en 2018.
Comme il l'avait annoncé l'an dernier, le Gouvernement a engagé une rationalisation des coûts dans le secteur de l'hébergement d'urgence. Il a ainsi instauré des tarifs plafonds pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) afin de favoriser la convergence tarifaire des établissements.
Cette mesure doit permettre des économies de l'ordre de 2 %. 613,8 millions d'euros de crédits sont ainsi fléchés vers les CHRS.
En outre, plusieurs mesures permettant une restructuration du secteur de l'hébergement d'urgence ont été adoptées dans la loi ELAN : passage sous statut, obligation de conclure un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM).
Bien que des efforts de sincérité budgétaire soient réalisés et que des mesures de rationalisation des coûts aient été mises en place, je m'interroge sur une possible sous-évaluation des crédits du programme pour plusieurs raisons.
Premièrement, les crédits de paiement sont fixés à un niveau inférieur à ce qui devrait être consommé en 2018 et la pression sur le parc d'hébergement demeure tendanciellement à la hausse.
Deuxièmement, l'augmentation des crédits de la veille sociale ne paraît pas suffisante. S'ils sont en augmentation de 6,2 % pour atteindre 134,3 millions, néanmoins, au regard des crédits consommés en 2017, l'augmentation doit être relativisée et s'approche d'1,8 %. Or, ces crédits sont censés couvrir de nouvelles dépenses : prise en compte de l'augmentation des flux, prise en charge et orientation de publics spécifiques ou encore développement de maraudes professionnalisées.
Troisièmement, les crédits dédiés à certains dispositifs de logement adapté, comme l'intermédiation locative, ne paraissent pas en adéquation avec les objectifs de création de place affichés par le Gouvernement.
On ne peut donc exclure une insuffisance de crédits pour 2019.
Dans le cadre du plan en faveur du logement d'abord, qui me paraît être un bon plan à condition d'y mettre les moyens, le Gouvernement poursuit ses efforts pour limiter le recours aux nuitées hôtelières et pour accroître le nombre de places de logement adapté.
325 millions d'euros sont fléchés vers le logement adapté, soit une augmentation de 3,6 %. L'accent est mis sur l'intermédiation locative et les pensions de famille. Les objectifs de création de places paraissent très ambitieux : 8 850 places en intermédiation locative contre 5 892 en 2018 ; 2 300 places en pensions de famille contre 1 300 en 2018.
Enfin, les conditions et les moyens de l'accompagnement à l'hôtel et dans les centres d'hébergement d'urgence demeurent plus que jamais un sujet prégnant. Une sortie plus rapide vers le logement abordable ne sera possible qu'à la condition que la personne soit accompagnée et qu'elle bénéficie de véritables mesures sociales. Si on peut adhérer au plan en faveur du logement d'abord, cela suppose néanmoins des moyens qui permettent d'accompagner la personne pour qu'elle sorte de l'hébergement d'urgence vers le logement abordable et qu'elle puisse rester dans ce dernier. Dès lors, je m'interroge sur l'impact des mesures de rationalisation des coûts mises en place par le Gouvernement dont les premiers effets ont semble-t-il conduit à une diminution de la masse salariale des établissements.
L'article 74 sexies introduit par les députés prévoit la remise au Parlement, avant le 1er septembre 2019, d'un rapport analysant « la pertinence du financement des CHRS via la seule mission budgétaire cohésion des territoires, compte tenu des enjeux relatifs à l'accompagnement social des personnes hébergées ». Je suis plutôt circonspecte sur les demandes de rapports. Néanmoins, ce rapport pourrait amener le Gouvernement à réfléchir aux moyens que l'État apporte en matière d'accompagnement des personnes hébergées et à l'opportunité de créer une ligne budgétaire spécifique. J'y suis favorable encore faut-il qu'il soit remis...
Pour l'ensemble de ces raisons je vous propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits du programme 177.
Le programme 109 « Aide à l'accès au logement », comprend essentiellement la contribution de l'État au financement du Fonds national d'aide au logement (FNAL).
En 2018, le Gouvernement a décidé l'application d'une réduction de loyer de solidarité (RLS) dans le parc social devant permettre une économie pour l'État de 800 millions d'euros en 2018 et 2019 et d'1,5 milliard d'euros en 2020. En complément pour atteindre 1,5 milliard d'euros d'économie en 2018 et 2019, le taux de TVA sur les constructions et réhabilitations de logements sociaux a été relevé à 10 %, cette mesure devant rapporter à l'État 700 millions d'euros.
Pour 2019, les crédits dédiés au financement des APL diminuent de 8 %, pour atteindre 13 milliards d'euros. Les députés ont relevé les crédits de 2,5 millions d'euros afin de couvrir le coût du rétablissement temporaire de l'aide à l'accession à la propriété et à la rénovation des logements situés en outre-mer. L'an dernier, nous nous étions fortement opposés à la suppression de l'APL-accession, dont le coût avoisinait les 50 millions d'euros, considérant qu'il s'agissait s'un très mauvais signal envoyé à l'accession à la propriété. Malgré les engagements du ministre en séance l'an dernier, le Gouvernement ne l'a pas maintenue. Le présent projet de loi de finances prévoit une APL-accession pour les outre-mer, nous aurions évidemment préféré que le dispositif soit rétabli pour la France entière.
Cette baisse des crédits procède pour partie d'économies résultant de mesures adoptées l'an dernier (70 millions d'euros pour la suppression de l'APL-accession, 126 millions d'euros pour le gel des barèmes et 26 millions d'euros pour le gel des loyers) et de mesures nouvelles. 910 millions d'euros résulte de la « contemporanéisation des ressources » c'est-à-dire le calcul des APL en fonction des ressources actuelles et non des ressources de l'année N-2. Le dispositif est certes plus juste mais il est complexe. Il pourrait n'être mis en place qu'en juillet 2019. Il faudra être attentif à l'accueil des usagers et à leur bonne compréhension de la mesure. Les économies seront-elles au rendez-vous ? Le ministre M. Julien Denormandie ne nous a pas répondu. Par ailleurs, 102 millions d'euros d'économie résulteront de la sous-indexation des paramètres de l'APL.
Les paramètres de la RLS ont été établis pour permettre une économie de 800 millions d'euros sur 11 mois. Ces paramètres n'étant pas modifiés, la RLS permettra 873 millions d'euros de baisse d'APL en 2019, soit une économie supplémentaire pour l'État de 73 millions d'euros. En outre, le rendement de TVA sur les constructions de logements sociaux devrait s'avérer plus favorable en 2019 et atteindre 850 millions d'euros.
Or, je rappelle que le coût de la RLS pour les bailleurs sociaux (830 millions d'euros en 2018 et 916 millions d'euros en 2019) est plus important que le montant des économies pour l'État.
En ne modifiant pas les paramètres de la RLS, je considère que le Gouvernement ne respecte pas ses engagements en termes de trajectoire financière (1,5 milliard d'euros de baisse d'APL dont 800 millions d'euros liés à la RLS).
C'est pourquoi je vous proposerai de rejeter les crédits du programme 109.
Quelques éléments des premiers effets de la RLS. Selon les premières informations et sans tenir compte des mesures de soutien, la RLS devrait conduire pour 2018, à une perte d'autofinancement net de 21 % et le nombre d'organismes en situation de fragilité passerait de 127 à 309 (+143 %) et celui en autofinancement négatif de 54 à 183 (+238 %).
La construction de logements sociaux devrait diminuer de 5 %. Les projections de la Caisse des dépôts et consignations ne sont guère optimistes puisque la Caisse conclut à une résistance du secteur moyennant « un repli substantiel » de la production de logements (-38 % d'ici 20 ans) et d'importants efforts en matière de charges d'exploitation.
La clause de revoyure annoncée par le Gouvernement lors du Congrès HLM de Marseille doit être l'occasion d'un bilan exhaustif des mesures d'économies prises l'an dernier et des mesures d'accompagnement, sur la situation des bailleurs sociaux mais aussi sur la construction et la réhabilitation des logements sociaux.
L'article 74 quinquies introduit par les députés prévoit la remise d'un rapport au Parlement avant le 1er septembre 2019 sur les conséquences de la RLS sur l'autofinancement et les capacités d'investissement des bailleurs sociaux. Je regrette que cette évaluation n'ait pas eu lieu l'an dernier avant l'adoption du dispositif. Bien que peu favorable aux demandes de rapport, j'estime que ce rapport permettra de présenter en toute transparence l'analyse du Gouvernement sur les conséquences de la RLS. Néanmoins, selon moi, l'analyse ne peut porter sur la seule RLS mais doit aussi porter sur l'impact de l'augmentation de la TVA. En outre, il doit s'agir d'une analyse des effets à court, moyen et long termes de ces mesures. Je vous proposerai un amendement en ce sens.
Pour les raisons précédemment indiquées, je vous propose de rejeter les crédits du programme 109.
J'en viens au programme 135 qui concerne notamment les aides à la pierre et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Ces crédits sont en baisse de 10 % en autorisations d'engagement et 7 % en crédits de paiement.
Depuis plusieurs années, les crédits budgétaires dédiés au financement des aides à la pierre diminuaient. Pour 2019, l'État se désengage définitivement du financement du Fonds national des aides à la pierre (FNAP). Les bailleurs sociaux, déjà mis à contribution avec la RLS et le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), financeront la quasi-totalité des ressources du FNAP, en apportant 375 millions d'euros, le reste étant apporté par Action Logement qui est régulièrement sollicité par le Gouvernement pour financer les politiques de l'habitat.
Face à ce désengagement, je m'interroge sur la composition du conseil d'administration du FNAP qui comprend des représentants de l'État et des bailleurs sociaux à parité. Ne devrait-elle pas évoluer ?
Enfin, le FNAP, Daniel Dubois l'avait souligné lors de l'audition du ministre, est un établissement sans véritable pilote depuis la démission de son président il y a plus d'un an. C'est le directeur de la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) qui assure l'intérim. Cette situation est tout simplement inadmissible.
Sont également rattachés à ce programme un certain nombre de dépenses fiscales, comme le prêt à taux zéro et le dispositif d'investissement dit Pinel. Les dispositifs ont été reconduits jusqu'en 2021 avec des aménagements selon les territoires. Le Gouvernement n'a pas remis au Parlement les deux rapports relatifs au zonage du dispositif Pinel et du PTZ. C'est pour le moins regrettable.
Par ailleurs, l'article 74 bis introduit par les députés prévoit un nouveau dispositif d'investissement locatif dans le but d'encourager la rénovation des logements dans les centres-villes.
Le dispositif d'investissement locatif dit Pinel est ainsi étendu au logement acquis par le contribuable entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 et qui fait ou a fait l'objet de travaux d'amélioration. Ces travaux doivent représenter au moins 25 % du coût total de l'opération.
Le logement doit être situé « dans des communes dont le besoin de réhabilitation de l'habitat en centre-ville est particulièrement marqué, dont la liste est fixée par arrêté » et dans les communes signataires d'une convention d'opération de revitalisation de territoire (ORT). Le ministre M. Julien Denormandie a précisé que les 222 villes du plan « Action coeur de ville » seraient éligibles au dispositif.
Le gouvernement n'a pu nous indiquer le coût de la mesure en l'absence de prévisibilité du nombre de communes retenues. Je vous proposerai de donner un avis favorable à cette disposition.
En matière de copropriété, l'ANAH est appelée d'une part, à renforcer ses missions (maintien d'objectifs ambitieux du programme Habiter mieux ; doublement du nombre de logements adaptés dans le cadre de la perte d'autonomie pour atteindre 30 000 logements) et d'autre part, à jouer un rôle central dans la mise en oeuvre du plan « Initiative copropriétés ».
Ses ressources augmentent grâce à la remontée des cours du quota carbone qui constitue la principale ressource de l'agence.
Estimant que cette remontée des cours du quota carbone était durable, le Gouvernement a décidé d'ajuster le plafond de cette recette afin qu'il corresponde selon lui « au besoin effectif de l'agence » en le diminuant de 550 millions à 420 millions d'euros. Ce plafonnement obligera l'agence à puiser dans les recettes supplémentaires perçues en 2018. Il est regrettable de retirer une partie de ces ressources pour les rediriger vers le budget général. Il me semble qu'il aurait été plus judicieux de laisser à l'ANAH ces ressources supplémentaires et de mettre un coup d'accélérateur à la rénovation thermique des logements.
Par ailleurs, le Gouvernement relève de nouveau à 61 millions le plafond de la taxe sur les logements vacants. Le niveau du plafond fait le yoyo depuis plusieurs années. Un peu de stabilité et de cohérence seraient les bienvenues.
Le plan gouvernemental en matière de copropriété mobilisera 2,7 milliards sur 10 ans. 14 sites de priorité nationale ont été identifiés sans que l'on sache si la liste est ou non fermée. À la suite des effondrements d'immeubles et du drame qu'a connu Marseille, je crois nécessaire de créer un outil d'identification précis des copropriétés en difficulté. En effet, l'identification de ces copropriétés est faite à partir des remontées du terrain, des tiers, des locataires, des communes, du préfet. C'est un fléau dans nombre de nos régions. Il nous faut un outil d'identification plus opérationnel. Il me semble qu'une évaluation devrait être menée pour savoir si d'autres immeubles sont dans la même situation et si des mesures nouvelles doivent être prises en termes de lutte contre l'habitat indigne et de traitement des copropriétés dégradées.
En raison du désengagement de l'État du FNAP, je vous propose de donner un avis de sagesse sur les crédits du programme 135.
En conclusion, je vous propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat sur les programmes 177 et 135 et de rejeter le programme 109. Je vous propose de donner un avis favorable aux articles 74 bis et 74 sexies rattachés à la mission et un avis favorable sous réserve de l'adoption de mon amendement à l'article 74 quinquies rattaché à la mission.
Mme Sophie Primas, présidente. - Merci madame le rapporteur, je pense qu'il va y avoir quelques prises de paroles fortes.
Mme Valérie Létard. - Au regard de l'importance des sujets qui composent ces programmes budgétaires, je remercie notre rapporteur pour sa présentation exhaustive et claire, qui permet de comprendre les enjeux qui sont devant nous. Si l'on prend le sujet de la réduction de loyer de solidarité (RLS), dont le montant a été fixé à 800 millions d'euros, on comprend que l'État récupère 300 millions d'euros de plus que l'objectif initial, une fois qu'on additionne toutes les mesures d'économie. Aussi, sans remettre en question la dynamique et la logique engagées par le Gouvernement, on pourrait à juste titre déposer un amendement pour laisser à 800 millions d'euros le prélèvement fait auprès des bailleurs sociaux qui correspond à l'objectif fixé par l'État pour 2018 et 2019. Cela permettrait que ces 300 millions supplémentaires soient utilisés au financement de la production de logements et de la rénovation du parc existant. Cela donnerait un peu de marge de manoeuvre aux bailleurs sociaux.
Concernant le calcul de l'APL sur la base des revenus actuels, je suis très inquiète. Les caisses d'allocation familiale (CAF) ont été réformées afin d'en réduire le nombre dans des départements très denses, où les demandes d'APL sont très importantes. Dans un département que je connais bien, mais c'est vrai ailleurs y compris en Île-de-France, il y avait huit CAF. Il n'y en a plus qu'une. La CAF doit souvent être fermée une journée par semaine pour écluser les dossiers en cours. Il faudrait que le ministre nous informe de l'état d'avancement de la mise en oeuvre du dispositif et des discussions en amont avec la CNAF. Quels moyens sont donnés aux CAF dans le budget de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ? Dans les territoires où l'on a recentré la gestion des prestations familiales, qui gère cette situation ? Il faut veiller à ce que les territoires soient en ordre de marche, afin de ne pas reproduire les erreurs commises lors de la réforme du paiement des retraites.
On voit que la RLS peut freiner la production et la rénovation de logements. J'ai interrogé les métropoles de ma région, pour voir l'effet sur les territoires « favorisés » de ce mécanisme. En 2018, sur un objectif de production de 2000 logements sociaux dans la métropole de Lille, on constate une réduction des constructions de 600 logements, alors même que le fait d'être dans une métropole devrait faciliter la construction de logements et devrait avoir un effet démultiplicateur. Je m'inquiète énormément car les bailleurs sociaux que l'on a mis en situation de ne plus avoir d'autofinancement sont les mêmes que l'on soit dans une métropole ou non. Quand bien même les bailleurs sociaux ont les moyens de trouver des financements, ils ont besoin d'avoir des fonds propres.
Enfin, on constate une diminution du nombre de logements financés par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) et par un prêt locatif à usage social (PLUS) et une augmentation des logements financés par un prêt locatif social (PLS) ou un prêt locatif intermédiaire (PLI). Cela signifie que, dans des territoires où les bénéficiaires de l'APL relèvent de logements financés par des PLUS ou des PLAI, on vend du patrimoine massivement afin de constituer des fonds propres et pour sécuriser la possibilité de revente pour les bailleurs, on construit des logements financés par un PLS plus aisés à revendre qu'un logement financé par un PLUS ou un PLAI.
Enfin, le fait de repousser la clause de revoyure et l'évaluation pose de nombreux problèmes. Les chiffres concernant le nombre d'organismes à la limite de la banqueroute ou en autofinancement négatif sont alarmants. Cela veut dire que pendant ce délai supplémentaire, on risque de constater la disparition de bailleurs étranglés financièrement qui sont repris par des groupes. Le travail de redéfinition de la cartographie des bailleurs sociaux sera fait par la « sélection naturelle » des bailleurs et ce au mépris d'une véritable prise en compte des territoires et des bailleurs. Cette logique n'est pas favorable à l'aménagement du territoire mais bien au déménagement du territoire.
Mme Annie Guillemot. - Je voudrais aborder quatre points. En premier lieu, je déplore que le budget 2019 s'inscrive dans la continuité du budget de 2018, au détriment de l'objectif de cohésion des territoires qui reste secondaire. Alors même que la Commission européenne vient d'appeler les pays européens à investir massivement dans le logement social afin de faire face à la pénurie de logements abordables -on a le plan d'Angela Merkel et celui de Theresa May-, on assiste en France à un véritable retrait de l'investissement public. La contraction des ressources des organismes HLM, leur restructuration à marche forcée ainsi que la vente contrainte de leur patrimoine vont sérieusement déstabiliser le secteur. On est bien loin d'un élan de l'offre promis par le ministre. Le coût du foncier ne cesse d'augmenter et aucune mesure n'est prévue pour enrayer ce phénomène.
Le deuxième point concerne les chiffres de la construction qui sont en baisse, soulevant la question de la capacité du secteur du logement social à absorber l'ensemble des réformes qui le concernent et la question des difficultés toujours croissantes des Français à accéder à un logement abordable qui réponde à leurs besoins. Je partage le point de vue de Jean-Louis Borloo, exprimé dans son rapport, qui considère que la Nation devrait consentir à cet effort, constitutif de notre République, pour rétablir une équité d'accès au logement. On le voit aujourd'hui avec les gilets jaunes, la situation est très inquiétante pour notre pays. Si la production de logements neufs est en repli pour 2018, on va dans le mur en 2020. Il ne faut pas attendre. Nous soutiendrons l'amendement proposé par la rapporteure. J'ai par ailleurs entendu ce matin le ministre Julien Denormandie vouloir en finir avec les zones tendues, pourtant nous n'avons toujours pas vu le rapport sur l'analyse des zonages que le Gouvernement devait livrer pour le 1er septembre. Nous désirerions en savoir davantage.
Concernant les aides personnelles au logement, qui représentent le principal poste budgétaire, le Gouvernement poursuit la baisse des APL en 2019, via leur sous-revalorisation et la mise en place du mécanisme de contemporanéisation des ressources. Je rappelle que la sous-valorisation concerne l'ensemble des prestations sociales et représente 3,5 milliards d'euros d'économie. 900 millions d'euros d'économie résulteront de la contemporanéisation des ressources. Je voudrais également attirer l'attention sur le risque de contraction de revenus lié à la combinaison de la réforme du calcul de l'APL et du prélèvement à la source. Quelqu'un n'ayant pas travaillé jusqu'au premier novembre, en janvier ne touchera plus l'APL qu'il pensait avoir car il aura trouvé un travail entretemps et se verra appliquer la retenue de l'impôt sur le revenu immédiatement effective. Nous allons assister à des cas très douloureux de familles et de ménages.
Je veux également pointer le désengagement total de l'État sur le financement des aides à la pierre, désengagement qui est complètement assumé et qui laisse aux collectivités territoriales, aux bailleurs sociaux et à Action Logement le soin de s'en charger.
Enfin, sur les enjeux de rénovation, bien que les ressources de l'ANAH soient conservées entre 2018 et 2019, et que l'objectif affiché est de 500 000 logements construits ou rénovés, le chantier de la rénovation thermique a pris beaucoup de retard et aucune mesure de prévention des copropriétés dégradées n'est prévue dans la loi ELAN, ce qui est problématique au moment où des ventes massives d'HLM sont prévues. Le relèvement du seuil de 20 à 50 salariés pris en considération pour le versement de la participation des employeurs à l'effort de construction conduit à une perte de ressources pour Action Logement. On donne une subvention à Action Logement qui est compensée par une taxe sur les assurances emprunteurs, alors que je pensais qu'on n'allait plus créer de nouvelle taxe.
Nous voterons donc contre le budget logement.
Mme Viviane Artigalas. - Sur la question des copropriétés dégradées, si le Gouvernement a voté une stratégie d'intervention d'un plan de trois milliards sur 10 ans, notre groupe regrette l'absence de mesure dans la loi ELAN pour éviter la dégradation des copropriétés, notamment suite aux ventes de HLM. Nous pensons qu'un travail de prévention est nécessaire et pas seulement de rénovation. Mon deuxième point porte sur le rendement budgétaire des mesures d'économies votées l'an dernier. Il est estimé à 1,7 milliard d'euros qui se décompose ainsi : la RLS va permettre à l'État de réduire sa dépense budgétaire de 870 millions d'euros en 2019, et le rendement du relèvement de 5 % à 10 % du taux de TVA est estimé à 850 millions d'euros. Cela dépasse le montant attendu qui était fixé à 1,5 milliard d'euros. Un amendement avait été déposé lors de l'examen du PLFSS pour réajuster ce montant, mais il n'était pas recevable. J'ai interrogé le ministre sur ce réajustement qui ne m'a pas répondu, ce que je regrette.
M. Daniel Dubois. - Je voulais faire une observation sur le FNAP : c'est l'argent qui vient des pauvres qui sert à financer le logement des pauvres, ce qui pose un vrai problème d'éthique dans notre société.
Le plafonnement des ressources de l'ANAH est inadmissible d'autant plus que l'abaissement du plafond des aides à 50 % des travaux est problématique pour de nombreux ménages qui vivent dans des territoires ruraux et qui ont besoin de ces aides car leur logement est une véritable passoire énergétique. Pour réhabiliter énergétiquement leur logement, une prise en charge de 50 % ne suffira pas. On l'a vu par le passé : les aides atteignaient 70 % ou 80 %, avec le soutien des collectivités locales. Or, les ressources de ces dernières diminuent et elles ne pourront continuer à contribuer ainsi à la rénovation thermique.
Enfin, de nombreux dispositifs de soutien à la construction de logement sont supprimés ou affaiblis : le prêt à taux zéro (PTZ), qui devait être supprimé en 2021, est maintenu mais avec une quotité divisée par deux pour les territoires détendus ; l'APL-accession est supprimée, la taxe d'habitation est supprimée également. Aujourd'hui, construire du logement locatif sur des territoires ruraux présente un intérêt économique moindre. L'intervention des organismes HLM n'avait bien souvent lieu qu'à la condition d'obtenir une aide par les collectivités territoriales. L'article 74 bis prévoit une aide fiscale pour le logement ancien dans les centres-bourgs. Or la liste de ces derniers est fixée par décret ou par arrêté, et l'on a bien compris que les territoires ruraux n'en feront pas partie. Aussi je vous fais part de mon extrême inquiétude concernant la production de logement au niveau national, et plus particulièrement sur les territoires ruraux. L'État veut continuer à piloter le logement sans mettre les moyens de son intervention et les politiques du logement, et celles concernant l'insertion et les familles en difficultés, vont de fait être transférées aux régions, aux territoires et aux organismes HLM eux-mêmes.
M. Daniel Gremillet. - Je partage les propos de Daniel Dubois. L'ANAH est un vrai sujet. Je soutiens l'ajout de l'évaluation de l'impact de la TVA sur les bailleurs sociaux proposé par l'amendement de la rapporteure.
M. Marc Daunis. - La question du logement renvoie directement à celle du pouvoir d'achat, dont on sait ô combien elle préoccupe nos concitoyens. Je ferai donc deux remarques : le patron de NEXITY a alerté sur les impacts de la politique du logement, témoignant d'une crainte de l'inversion de la courbe de production - crainte qui commence à être confirmée. Sans développer et en reprenant les propos de mes collègues, je souhaiterais néanmoins que sur la question de l'accession, de la production et de la rénovation du logement, nous disposions d'une étude spécifique. Je voterai l'amendement sur le rapport, mais il faudrait s'emparer de cette question et faire nous-même ce travail, en exigeant des administrations les informations demandées.
Mme Sophie Primas, présidente. - Cela demanderait des pouvoirs de commission d'enquête.
M. Marc Daunis. - Soit on accepte ce boisseau mis par les administrations centrales sur le pouvoir législatif, soit nous considérons que le Parlement a un vrai rôle à jouer. Il nous appartient de faire plier ces administrations centrales, qui ont pris l'habitude de s'affranchir du politique à travers leur ministre et plus généralement de la terre entière et du Parlement, y compris en allant jusqu'à la commission d'enquête.
M. Martial Bourquin. - Concernant les crédits de l'ANAH, certes il y a une augmentation, mais l'ANAH va être mise à contribution avec les opérations de revalorisation des centres-villes. Où sont les 5 milliards prévus pour les opérations dans les centres-villes et centres-bourgs ? Je n'arrive pas à les trouver. Il faut démêler dans ce budget ce qui relève de l'effet d'annonce et de la réalité des chiffres.
Il y a une immense inquiétude dans le secteur du bâtiment : les constructions de logements baissent très sensiblement, alors que le secteur reprenait tout juste du souffle. On risque de mettre en difficulté cette filière française. On voit que la part mise à la vente avant le début des travaux explose : si elle était en moyenne de 20 % auparavant, aujourd'hui elle monte jusqu'à 50 %, voire 70 % avant de commencer les travaux. Par exemple, où en est l'idée de la baisse de la TVA sur les logements de centre-ville ? De tels outils sont nécessaires pour revitaliser nos centres-villes et centres-bourgs.
Enfin, la taxation de l'assurance emprunteur est scandaleuse. Les familles pouvaient faire jusqu'à 13 000 euros d'économies sur les commissions prises par les banques sur l'assurance. Il ne faut pas les fiscaliser.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. - L'amendement concernant l'ajustement des mesures d'économies est contraire à l'article 40 de la Constitution, ce qui le rend irrecevable.
Concernant la contemporanéité des aides, les défis techniques et humains de leur mise en oeuvre laissent planer le doute sur le fait d'atteindre 910 millions d'euros d'économies.
À propos des logements financés par des PLAI et des PLUS, le choix de se tourner davantage vers les logements financés par des PLS concerne les communes ayant déjà atteint les objectifs de la loi SRU. Pour les autres, on voit bien que les objectifs sont tenus, voire dépassés, en PLAI et en PLUS, qui sont les logements dont on a le plus besoin.
Concernant la clause de revoyure, le ministre s'est engagé à un retour fin février. La Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et l'Union sociale pour l'habitat (USH) nous ont assuré que des groupes de travail ont été constitués dans la perspective de cette clause.
Les 5 milliards prévus pour les opérations de centre-ville n'étaient pas issus exclusivement de l'ANAH. Il s'agit d'un budget global qui comprend des contributions d'Action Logement, de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ainsi que des recyclages de crédits de l'ANAH.
Concernant les remarques de M. Marc Daunis, je laisserai la présidente répondre, mais il y a effectivement un réel sujet. Le fait que les rapports ne soient pas donnés à la date voulue - c'est le cas pour le zonage du PTZ et du dispositif Pinel - est extrêmement préjudiciable.
Enfin, il faut s'interroger sur les conséquences de ces mesures d'économies sur la situation des collectivités territoriales qui garantissent les emprunts des bailleurs sociaux. Nous devons nous doter d'un outil permettant de mesurer les conséquences de ces économies, notamment sur les bailleurs sociaux. Jusqu'à présent, les garanties d'emprunt étaient demandées mais elles ne jouaient jamais. Alors avec les difficultés que peuvent rencontrer les bailleurs sociaux aujourd'hui, de telles garanties pourront être mises en jeu. Je souscris à vos nombreuses remarques.
L'amendement AFFECO.1 est adopté.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits des programmes 177 et 135. Elle émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 109. Elle émet un avis favorable à l'adoption des articles 74 bis et 74 sexies. Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 74 quinquies sous réserve de l'adoption de l'amendement de la rapporteure.
Projet de loi de finances pour 2019 - mission « Cohésion des territoires » crédits « Politique de la ville » Examen du rapport pour avis
Mme Annie Guillemot, rapporteure pour avis. - Il me revient de vous présenter les crédits du programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires ».
Dans son rapport remis au Premier ministre le 26 avril 2018, Jean-Louis Borloo a dressé un état des lieux sans concession de la situation des quartiers et préconisé 19 axes d'actions à mettre en oeuvre. Si les propositions du rapport n'ont pas été exploitées à leur juste valeur, le rapport a néanmoins eu le mérite de remettre en avant l'importance de la politique de la ville.
Le Gouvernement a élaboré une feuille de route, présentée le 18 juillet 2018, qui comprend 40 actions en matière de mixité sociale, de renouvellement urbain, de formation et d'insertion professionnelle, de sécurité ou encore d'éducation.
En matière budgétaire, les crédits du programme 147 « politique de la ville » augmentent pour 2019 de 57 % en autorisations d'engagement et de 19,7 % en crédits de paiement, en raison de la hausse des crédits dédiés aux actions en direction des quartiers prioritaires et des crédits de l'État destinés au financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU). C'est une hausse importante des crédits mais je vous proposerai de nous en remettre à la sagesse du Sénat car ces crédits supposent des cofinancements des associations et des collectivités qui sont exsangues.
Les crédits de l'action 1 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » augmentent de 25,6 %. Ils regroupent les crédits destinés aux quartiers prioritaires dans le cadre des contrats de ville et les crédits des dispositifs spécifiques.
Les premiers augmentent de 26,4 %. Cette augmentation bénéficie principalement aux actions du pilier « cohésion sociale ». 173 millions d'euros lui sont dédiés. L'accent est mis sur l'éducation et le lien social.
Les 49 millions d'euros de crédits supplémentaires permettront de financer des mesures de parrainage, des cordées de la réussite, des moyens supplémentaires pour les associations nationales (15 millions d'euros). Ils seront également dédiés au financement d'une aide aux communes pour la création de postes d'agents territoriaux spécialisées des écoles maternelles -ATSEM- (22 millions d'euros) mais aussi au doublement (760 à 1520) des postes Fonds Jeunesse et Éducation populaire - FONJEP et leur revalorisation tarifaire. Je crains qu'une partie de ces crédits ne soit pas consommée, faute pour les associations et/ou les collectivités territoriales d'être en capacité d'apporter les crédits complémentaires nécessaires alors qu'elles sont exsangues.
J'en viens aux crédits relatifs aux dispositifs spécifiques - adultes-relais et programme de réussite éducative. Ils augmentent fortement aussi.
80 millions sont destinés à financer le programme de réussite éducative pour 2019, soit une augmentation des crédits de 17 %. Il faut remonter à 2010 pour connaître un montant plus élevé.
Je m'interroge sur le montant retenu au regard du montant des crédits exécutés en 2017 - 60 millions. Je rappelle que les années précédentes le Gouvernement avait justifié une baisse de ces mêmes crédits pour les aligner sur le montant des crédits exécutés.
Cette augmentation doit financer les « cités éducatives » dont j'avoue ne pas avoir encore perçu l'utilité ni la différence avec les programmes de réussite éducative (PRE). Les cités vont coordonner toutes les structures alors que c'est pour moi le rôle des PRE. Je ne vois pas l'intérêt d'avoir une deuxième structure.
S'agissant des adultes-relais, les crédits augmentent de 31,2 % pour atteindre 84 millions. Il s'agit de financer 1000 postes supplémentaires. Or, je rappelle les difficultés de recrutement sur ces postes. Le taux de vacance atteint 17 %.
Ici encore, le montant retenu pour 2019 est très élevé au regard du montant des crédits consommés en 2017 qui atteignaient 60 millions. Sur les dix dernières années, le dispositif n'en a pas consommé plus.
Je m'interroge d'autant plus sur cette augmentation que le Gouvernement a depuis 2012 diminué chaque année le montant des crédits dédiés à ce dispositif.
Je rappelle que ces dispositifs supposent des cofinancements de la part des associations et/ou des collectivités territoriales. Or, dans le contexte actuel, il n'est pas certain que ces derniers puissent apporter leurs concours financiers, ou du moins des financements à la hauteur de l'effort consenti par l'État.
Un mot de la dotation Politique de la ville qui fait l'objet d'aménagements pour la troisième année consécutive. Seront éligibles les communes ayant un quartier d'intérêt régional. Je constate surtout que le nombre de communes éligibles sera déplafonné. Il en résultera une diminution du montant de la dotation par habitant de façon limitée et ponctuelle selon le gouvernement.
Je note également que l'État a pris des engagements dans le cadre du Pacte de Dijon. France urbaine va relancer les ministres régaliens pour le mettre en oeuvre. Nous verrons bien comment l'État va mobiliser son droit commun. Nous avions constaté dans notre rapport avec Valérie Létard qu'on avait peu avancé sur ce sujet.
Ces engagements seront introduits lors de la révision des contrats de ville l'an prochain. Les députés ont décidé de prolonger les contrats de ville jusqu'en 2022. Je regrette ce choix qui conduira de nouveau à déconnecter les contrats de ville des mandats municipaux, à rebours du choix effectué lors de la loi Lamy.
J'en viens au NPNRU. Chacun a pu le constater, nous avons perdu au moins une année en raison :
- de la décision du Gouvernement d'instaurer la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui a conduit les bailleurs sociaux à suspendre leur engagement dans le financement du NPNRU ;
- puis des incertitudes résultant en début d'année de l'avant-projet de loi PACTE et des effets pour Action Logement du relèvement du seuil de 20 à 50 salariés pour l'assujettissement des entreprises à la participation des employeurs à l'effort de construction prévu dans ce texte. L'État s'est engagé à compenser les 300 millions d'euros manquants, malheureusement en augmentant le coût des crédits emprunteurs.
Le NPNRU semble enfin redémarrer. Je regrette ce temps perdu et si on peut se féliciter de la multiplication des signatures de conventions, je crains néanmoins que les grues ne soient pas présentes dans les quartiers avant 2020.
Je tiens à saluer les réformes de fonctionnement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) que nous avions préconisé avec Valérie Létard : le rééquilibrage de son conseil d'administration -j'espère que cette réforme sera rapidement mise en oeuvre- et les modifications du règlement financier qui permettront un meilleur financement des opérations, notamment des démolitions.
Si l'État finance un milliard sur les dix milliards destinés au NPNRU, pour 2019, il a inscrit 185 millions d'euros en autorisations d'engagement mais seulement 25 millions d'euros en crédits de paiement, limitant sa contribution aux seuls besoins de décaissement de l'ANRU. Je rappelle que le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait lancé un plan d'urgence. L'État pourrait faire de même ce qui permettrait de réaliser les équipements par exemple.
Le présent projet de loi de finances acte la participation des bailleurs sociaux au financement du NPNRU, pour un montant de 2,4 milliards d'euros. C'est l'objet de l'article 74 pour lequel je vous proposerai de donner un avis favorable.
Les retards pris dans la mise en oeuvre du NPNRU ont permis à l'ANRU de ne pas rencontrer de problèmes de trésorerie. Néanmoins, la mise en place du dispositif d'opérations pré-conventionnées qui permet de lancer certaines opérations consensuelles sans attendre la signature des conventions comme les démolitions, pourrait conduire à une accélération des rythmes de paiement ce qui aura un impact plus ou moins important sur la trésorerie de l'agence, auquel il conviendra d'être attentif.
Je voudrais attirer votre attention sur l'impact sur le NPNRU des récents choix gouvernementaux en matière d'habitat, je pense à la RLS mais aussi à l'intégration de l'EPARECA au sein de la future Agence nationale de cohésion des territoires. L'agence va devoir coordonner le CEREMA, l'ANRU, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Je crains qu'elle ne soit qu'une usine à gaz alors qu'elle aurait dû être une « ANRU bis » tournée vers la ruralité. Que se passera-t-il si l'ANCT n'est pas d'accord avec l'ANRU ?
L'EPARECA joue un rôle essentiel dans le cadre des opérations de renouvellement urbain pour traiter la question des commerces. Il faut être attentif à l'impact de ces deux réformes.
Je voudrais terminer en abordant la question de l'emploi des habitants des quartiers prioritaires. L'emploi doit être une priorité.
Les crédits pour l'emploi prévus par le programme 147 augmentent dans une moindre proportion (+2,8 %) que les crédits dédiés à l'action sociale ce qui est particulièrement regrettable à l'heure où le chômage des jeunes repart à la hausse dans les quartiers.
Les mesures mises en oeuvre l'an dernier, réforme des contrats aidés et expérimentation des emplois francs notamment, n'ont pas produit les effets escomptés sur l'emploi dans les quartiers.
En matière d'emplois francs, je constate que les résultats sont très loin des objectifs fixés par le Gouvernement. Au 16 septembre 2018, 1 980 demandes d'emplois francs ont été transmises à Pôle Emploi et 1 528 ont été acceptées. Je ne soutenais pas le dispositif lorsque le précédent Gouvernement l'avait mis en oeuvre, je ne le soutiens pas plus maintenant. L'objectif est fixé à 25 000 emplois francs. C'est de l'argent qui ne sera pas dépensé.
Une des explications de cette faiblesse du nombre d'emplois francs résiderait dans le nombre limité de territoires choisis qui ne permet pas de mener une politique nationale de communication pour valoriser ces emplois.
Je regrette que le Gouvernement préfère attendre la fin de l'expérimentation, et ainsi perdre une année, avant de corriger le dispositif.
Le nombre de contrats aidés dans sa nouvelle version (parcours emploi compétences- PEC) est en très forte diminution. Ainsi, alors qu'environ 291 000 contrats aidés étaient prescrits en 2017, on constate une baisse de 46 % du nombre de contrats aidés programmés entre 2017 et 2018. Pour 2019, le projet de loi de finances prévoit 100 000 PEC.
Une moindre prise en charge et l'aspect plus contraignant du dispositif expliquent la diminution du nombre de PEC réalisés, les associations ayant plus de difficultés à embaucher les personnes dans ces nouvelles conditions.
L'augmentation du nombre d'adulte-relais ne pourra compenser la baisse du nombre de contrats aidés.
Les critères du nouveau dispositif ont laissé de côté les personnes « employables rapidement » tout en n'étant pas adaptés aux personnes les plus éloignées de l'emploi qui nécessitent un temps d'accompagnement plus long que l'année prévue pour les PEC.
Je déplore le fait que tous les préfets n'aient pas jugé opportun de moduler l'aide allouée aux contrats aidés pour soutenir leur déploiement dans les quartiers.
Enfin, un mot des missions locales. Réduire le taux de chômage des quartiers suppose la mise en place d'actions de proximité en direction des habitants de ces quartiers, ce que ne permet pas l'organisation de Pôle Emploi.
Les missions locales accompagnent plus 200 000 personnes habitant un quartier prioritaire. Leur bilan est plutôt positif. Le Gouvernement a avancé l'idée d'un rapprochement à titre expérimental entre Pôle Emploi et les missions locales. C'est une erreur majeure d'appréciation. En effet, Pôle Emploi n'a bien souvent ni le temps pour aller chercher les jeunes dans les quartiers, ni le temps de les accompagner dans la durée.
Il n'y a plus d'accompagnement social. Les missions locales font partie de ces corps intermédiaires qui amortissent les revendications sociales, telles celles des gilets jaunes. Je suis très inquiète de la situation actuelle. Les deux morts résultant des barrages des gilets jaunes ne sont pas faits pour me rassurer. On a des élus qui connaissent le terrain. Or, certains maires ne veulent plus l'être car il y a beaucoup de violences. Il faut faire attention à cet accompagnement des associations. 25 000 d'entre elles ont disparu en un an.
En conclusion, je vous propose de donner un avis de sagesse sur les crédits du programme 147 et un avis favorable à l'article 74 qui est rattaché à la mission « Cohésion des territoires ».
Mme Sophie Primas, présidente. - Merci madame la rapporteure.
M. Serge Babary. - Le programme 147, avec ses 85 millions d'euros d'augmentation, correspond de façon presque exemplaire à ce qui a été annoncé en juillet 2018 dans le plan de mobilisation, et c'est à saluer. Mais notre groupe s'en tiendra à une position de sagesse également, considérant que c'est tout à fait insuffisant s'agissant des différents points de ce programme.
M. Martial Bourquin. - Nous partageons complètement les analyses et les inquiétudes de la rapporteure. La baisse très forte des emplois aidés dans les quartiers a été un véritable choc. Combien d'associations ont disparu ?
Mme Sophie Primas, présidente. - 25 000.
Mme Annie Guillemot, rapporteure pour avis. - Ce sont les plus petites.
M. Martial Bourquin. - Je suis très inquiet de ce qui va se passer dans les quartiers. Le manque d'attention du Gouvernement en matière d'accompagnement social est une erreur. Les inégalités sont tellement fortes dans ces quartiers. Des jeunes pouvaient grâce aux emplois aidés retrouver un emploi au terme d'un parcours un travail. Aujourd'hui, on n'a plus grand-chose à leur proposer. Concernant les emplois francs, cela ne marche pas, et ça n'est pas nouveau. Mais on peut s'inquiéter d'une nouveauté : il y a de plus en plus de crédits prévus dont on sait qu'ils ne seront pas dépensés.
M. Daniel Gremillet. - J'ai le sentiment de vivre un moment un peu particulier dans cette commission, car on voit, quelles que soient nos sensibilités, une convergence de vue sur l'intérêt de notre pays. Cela montre une prise de conscience partagée sur l'essentiel, mais aussi la gravité de la situation. Il y a un sens dans ce que l'on fait, Madame la présidente.
Mme Sophie Primas, présidente. - Je pense que c'est la nature même du Sénat d'avoir un lien fort avec les territoires et de savoir ce qui fonctionne ou non. Au-delà même de nos divergences de convictions politiques, nous partageons cette réalité du terrain.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat s'agissant de l'adoption des crédits du programme 147 « Politique de la ville » et émet un avis favorable à l'adoption de l'article 74 rattaché à la mission « Cohésion des territoires ».
La réunion est close à 11 h 45.
- Présidence de Mme Sophie Primas -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Projet de loi de finances pour 2019 - Audition de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Mme Sophie Primas, présidente. - Nous sommes heureux d'accueillir quelqu'un qui connaît bien ces lieux et que nous connaissons bien, M. Didier Guillaume, pour la traditionnelle audition budgétaire sur les crédits pour 2019 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Nous avons, au terme de notre commission ce matin, réservé notre avis sur cette mission, dans l'attente des réponses que Monsieur le ministre vous nous apporterez lors de cette audition. Je vous demanderai donc, chers commissaires, de rester au terme de celle-ci, pour que nous procédions formellement au vote.
Cette audition sera, je n'en doute pas, l'occasion de vous interroger, Monsieur le Ministre, plus généralement sur les problématiques de notre agriculture qui, comme nous l'ont rappelé nos rapporteurs ce matin, va connaître en 2019 une année charnière. Aux incertitudes que nous connaissons parfaitement pour en débattre à de nombreuses reprises dans cette assemblée s'ajoutent en effet cette année les craintes suscitées par la réforme de la PAC ainsi que la baisse massive du budget qui lui est affectée.
Or c'est dans ce contexte incertain que les crédits du projet de loi de finances pour 2019 des trois programmes relatifs à l'agriculture diminuent d'environ 500 millions d'euros à périmètre courant après passage à l'Assemblée nationale, soit un recul de près de 15 % par rapport à l'année dernière. En prenant en compte les mesures de périmètre, ce sont près de 230 millions d'euros d'économies demandées au ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Deux décisions expliquent principalement ces mouvements. La diminution de la réserve pour aléas de 100 millions d'euros, soit l'amputation d'un tiers de sa valeur, une année à peine après son apparition dans le budget de la mission et la disparition progressive du dispositif d'exonérations de cotisations patronales pour les employeurs de travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi (TO-DE). Après un premier débat à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé une rédaction de compromis.
Lors des débats sur le PLFSS au Sénat, la mesure gouvernementale a été substantiellement modifiée. Quel avenir sera réservé au dispositif TO-DE, en 2019 et au-delà ? Et, s'il était maintenu, comment cela se traduirait-il dans le PLF ?
Ensuite, n'y a-t-il pas comme un paradoxe à réduire la réserve pour aléas de 30 % l'année même où les aléas n'ont jamais été si forts pour les agriculteurs, comme en témoignent les conséquences de la sécheresse de cette année ?
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. - « Votre budget » me dites-vous : je l'assume totalement, mais je ne l'ai pas préparé... Je le présente et je vais essayer de l'exécuter.
Mme Françoise Férat. - Assumez-le !
M. Didier Guillaume, ministre. - Bien sûr.
Permettez-moi quatre points d'introduction avant de parler du budget mais tout est lié.
Un mot sur le Brexit. La France et les pays européens sont aujourd'hui rivés sur ce qui se passe au Royaume-Uni, après la décision intervenue la semaine dernière. Notre pays s'est préparé à affronter le Brexit quel qu'il soit, hard Brexit ou non, deal ou no deal. Le Président de la République l'a affirmé encore ce matin, et je le redis avec force, le budget de la pêche ne sera pas la variable d'ajustement des accords Barnier-May. On peut parfaitement trouver les moyens pour que l'activité se poursuive comme avant.
Un autre point a trait aux conséquences sanitaires. La France, premier pays d'entrée pour les denrées alimentaires qui ne transiteront plus par le Royaume-Uni, se prépare : le métier de douanier a de l'avenir et 40 postes de contrôleurs vétérinaires sont prévus dans le budget 2019, il y en aura sans doute d'autres ensuite... Il faudra peut-être créer un corridor à la sortie du shuttle, pour éviter l'engorgement permanent.
Le deuxième sujet concerne la PAC. Une majorité des États membres a refusé la baisse de 5 % des crédits PAC. La France estime inacceptable cette proposition de la Commission. Aucune négociation sur la PAC ne sera engagée si le budget de la PAC diminue. Le président de la République l'a évoqué la question au Conseil européen des chefs d'État, Mme Loiseau au Conseil affaires générales, et j'en ai parlé avec mes homologues européens.
Le troisième sujet est relatif à la sécheresse. Nous avons conscience de la situation que la sécheresse crée pour nos agriculteurs. Des mesures ont déjà été prises, entre 300 et 400 millions d'euros, au titre des calamités agricoles et les dégrèvements de taxes. Il faudra aller plus loin, je ferai tout pour que l'action gouvernementale soit à la hauteur des besoins. Les préfets et directions départementales des territoires (DDT) ont été alertés, 70 départements sont touchés, mais au premier Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA), seulement 11 dossiers départementaux ont été présentés. Je trouve cela très peu. Cela montre bien peut être que ce n'est peut-être pas si catastrophique dans certains département. Cela peut montrer aussi qu'il y a beaucoup de bureaucratie qui ralentit le processus dans certains départements.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - C'est plutôt la seconde hypothèse qu'il faut retenir.
M. Didier Guillaume, ministre. - Il y a un peu des deux. Nous avons prévu de tenir par conséquent deux autres réunions du CNGRA, en décembre et en janvier, car il y a urgence. On en fera un quatrième s'il le faut.
Le quatrième point concerne les suites de la loi Egalim. Il y a globalement un problème de revenu chez les agriculteurs, et les états généraux ont sans doute donné beaucoup d'espoirs. Je connais la position du Sénat qui estime que la loi Egalim a douché ces espoirs. Reste à prendre les ordonnances sur les seuils de revente à perte et les promotions, sur les prix anormalement bas, puis sur la séparation des activités de vente et de conseil pour laquelle nous avons un peu plus de temps. Nous sommes en discussion avec les organisations professionnelles agricoles quotidiennement. Ces ordonnances, selon leur contenu, auront ou non un impact sur les revenus des agriculteurs. Et c'est ce qui compte le plus. J'ai vu les publicités d'une grande surface concernant les pâtes à tartiner et les apéritifs, elles ne me semblent pas une bonne façon de démarrer les choses... J'espère que cela restera un cas isolé.
Enfin dernier point, il y a un gros problème de versement des aides. L'État et l'Agence de services et de paiement (ASP) ont été défaillants dans le versement des aides, je veux le dire très clairement. On ne peut accepter que des agriculteurs attendent encore les aides au titre de 2016. L'État s'était engagé à achever les versements 2016 d'ici la fin de l'année. Ces aides ne seront pas payées avant la fin de l'année car l'annonce n'a pas été bien calibrée, ce ne sera pas faisable. Les aides 2016 seront versées au plus tard fin janvier ou début février 2019, en même temps que les aides 2017. Les versements au titre de 2018 seront effectués en temps normal, c'est-à-dire durant l'exercice 2019. Les services ont recruté 33 ETP pour accélérer les apurements, mais il a fallu commencer par les former...
Voilà ce que je voulais vous dire en introduction sur l'ambiance générale.
Ce budget, vous l'avez dit Madame la Présidente, baisse de 500 millions d'euros, en comptabilité, mais pas en actions publiques ni en actions de développement agricole. Par rapport à l'année dernière, on est exactement sur le même montant. 400 millions ont en effet été déplacés vers le PLFSS donc cela n'enlève rien en action directe. Et les 100 millions de moins en provision pour aléas correspondent à un choix politique de mon prédécesseur, puisque l'an dernier, 180 millions seulement ont été consommés sur cette enveloppe. En raison de la sécheresse, le montant budgété sera insuffisant, il faudra prendre des mesures exceptionnelles, pour 300 millions d'euros au moins. Et il y en aura sûrement d'autres qui seront annoncées.
Il faut considérer les sommes inscrites au budget, mais surtout ce qu'elles permettent de faire : nous aurons les moyens d'une politique agricole dynamique, dans un environnement international difficile et une conjoncture française très difficile.
Le premier objectif, c'est la souveraineté alimentaire de la France. Mais la France doit aussi continuer à exporter et à dégager une balance commerciale agricole positive, 6 milliards d'euros actuellement. Il faut aussi accompagner la transition irréversible vers une agro-écologie, tout comme la transition vers un mieux sanitaire, une traçabilité, la sécurité des aliments. Nous estimons que le budget contribue à aller dans ces directions. Nous y consacrons 4,6 milliards d'euros.
Autre priorité, le soutien à ceux qui osent et à ceux qui souffrent. Il y a aussi une agriculture qui réussit et tant mieux. Et il y a bien sûr des filières en difficulté. Soutenir l'audace, c'est d'abord aider les agriculteurs qui s'installent, il y en a encore même si on aimerait qu'il y en ait plus, la dotation jeunes agriculteurs est maintenue, à 37 millions d'euros. Et dans le cadre des transitions, les moyens alloués aux mesures agroenvironnementales et pour faciliter la conversion au bio représentent plus de 250 millions d'euros de contreparties Feader prévues dans le cadre du plan Ambition bio d'un total de 1,1 milliard d'euros. Le soutien aux zones difficiles se concrétise dans l'enveloppe de l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), dotée de 20 millions d'euros supplémentaires cette année, à 284 millions d'euros, ce qui donne un financement global de 1,14 milliard d'euros. La carte des zones agricoles défavorisées aurait pu être différente, inclure le Clunisois, La Piège dans l'Aude, le Marais poitevin,... ; mais la carte a été validée par l'Union européenne et je ne peux absolument rien faire. Des recours ont été formés, nous verrons ce qu'il en sera des arbitrages de la Commission européenne.
Il est également crucial d'investir et d'innover : le volet agricole du grand plan d'investissement comporte à cet égard toute une palette d'outils qui ne bouge pas.
La baisse du budget de l'agriculture tient aussi aux transferts de charges sociales vers le PLFSS notamment par rapport au TO-DE. Nous avons eu la discussion la semaine dernière en PLFSS. Le dispositif TO-DE fait l'objet d'une inscription de 105 millions d'euros qui n'étaient pas budgétés à l'origine. Le Sénat est revenu sur la situation antérieure, nous verrons comment les choses évoluent à l'Assemblée nationale et plus largement au cours de la navette du PLFSS. Nous pensons qu'il faut regarder dans son ensemble : jamais les baisses des charges n'ont été aussi importantes dans l'agriculture que cette année. Malgré le différentiel de 30 millions d'euros qu'il reste lié au remplacement du TO-DE par les allègements généraux, la ferme France bénéficiera d'une diminution de charges de 70 millions d'euros. C'est une aide sensible pour les employeurs de salariés permanents. Je sais que c'est un sujet qui compte pour vous. Le secteur agricole est de même exempté de hausse de TICPE, il est le seul dans ce cas. Le système de tarification, en outre, évoluera dans les trois ans à venir, avec une compensation directe au lieu d'un remboursement - autant de paperasserie en moins pour les agriculteurs.
Il y a aussi le dispositif d'épargne de précaution. Je sais ce que disent certains : tous les agriculteurs ne sont pas en mesure de constituer une épargne au moment où il y a tant de difficultés sur les trésoreries ; mais celle-ci était une demande forte de la profession. Ce peut être une bouffée d'oxygène pour les exploitations. Quant à l'impôt sur les sociétés, il est plus adapté à l'activité des agriculteurs. La fiscalité sur les jeunes agriculteurs est elle aussi revue, les exonérations étant recentrées sur les plus bas revenus.
Un mot sur la forêt et l'outre-mer. Le budget de la forêt et du bois n'a presque pas bougé voire a été augmenté par rapport à 2018, à environ 250 millions d'euros. Il conforte les moyens financiers de l'Office national des forêts (ONF) et renforce celles du Fonds national forêt et bois. Quand on a un pays comme le nôtre avec une telle superficie forestière, il ne faut pas l'oublier. Je signale aussi les 181 millions d'euros consacrés aux filières de l'outre-mer.
Pour conclue cette première partie, nous allons regarder la prévention des risques. J'ai soutenu, lorsque j'étais sénateur, avec mes collègues MM. Cabanel et Montaugé, un texte sur la prévention des risques climatiques, économiques et sanitaires. J'ai déjà évoqué, je dis bien « évoqué » pas plus, cette question au niveau européen : il faut progresser dans cette direction car les aléas iront s'aggravant. Je sais que le Sénat est très attaché à ce projet, je le suis aussi.
Je sais que l'enseignement agricole n'est pas dans cette mission mais voyant Mme Férat, je ne peux pas m'empêcher d'en dire quelques mots. L'enseignement agricole est pour moi une priorité. L'enseignement agricole dans ce pays est une pépite. C'est un joyau, c'est une réussite ! Je veux défendre tous les enseignements agricoles. Je défends les établissements publics, privés, et le réseau des maisons familiales rurales, sans faire aucune différence entre eux. Les maisons familiales sauvent des jeunes en difficulté en milieu rural...
M. Daniel Gremillet. - Et pas seulement en milieu rural !
M. Didier Guillaume, ministre. - Vous avez raison. Le budget augmente tandis que les effectifs reculent, ce qui donne plus de marges de manoeuvre. On ne saurait orienter les jeunes vers ces filières par défaut. Je veux lancer dès cette année une grande campagne de communication en commun avec le ministère de l'éducation nationale. Tant que l'enseignement agricole dépendra du ministère de l'agriculture, celui-ci pourra le soutenir et le valoriser... Il y a des places dans les établissements et il y a du travail à la sortie. Nous travaillons également sur le handicap. Dans le cadre d'Action publique 2022, le nombre de fonctionnaires doit baisser, c'est 50 ETP en moins pour l'enseignement agricole. Mais compte tenu de la baisse des effectifs, il n'y aura aucune fermeture de classe, ni de filière. Et j'ai demandé au directeur général de l'éducation et de la recherche que des passerelles soient mises en place.
Par conséquent, 4,6 milliards d'euros de budget, ajoutés aux 9,5 milliards des aides de la PAC et aux 6,5 milliards d'allègements fiscaux, ce sont au total 23,4 milliards d'euros d'aides directes qui sont consacrées à l'agriculture française, en hausse de 6,3 % par rapport à 2018.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Ces 23 milliards d'euros ne sont pas des aides, mais des compensations accordées au fil des baisses de prix intervenues depuis la création de la PAC. Nos grands-parents consacraient 50 % de leur pouvoir d'achat à l'alimentation, aujourd'hui, c'est entre 8 et 12 %. Car les produits agricoles et alimentaires sont demeurés au même prix. Je produis du lait depuis vingt-cinq ans : je le vendais 2 francs au litre, je le vends 30 centimes d'euro aujourd'hui, soit le même prix. Donnez plutôt aux agriculteurs les moyens de vendre à leur juste valeur leurs produits, afin qu'ils disposent de recettes dignes pour assumer leurs charges.
L'année 2019 aurait dû être une année charnière, où une plus grande vigilance s'imposait. Or l'agriculture risque d'être encore plus maltraitée que dans le passé. Incertitudes climatiques, volatilité des prix, relations commerciales soumises aux rapports de force, concurrence exacerbée entre continents, produits agricoles servant de variable d'ajustement dans les accords internationaux - vous avez suivi le débat sur le CETA hier soir en séance publique...
À cela s'ajoutent la permanente autocritique - art où nous excellons - et les contraintes toujours plus fortes que nous imposons à nos agriculteurs. Voyez la loi Egalim : plus de normes, plus de réglementation... Nous reléguons les agriculteurs au rencart ; l'écologie punitive les monte les uns contre les autres. Je déplore l'incapacité des gouvernements successifs, le vôtre en particulier, à régler un problème français : les relations inégales entre quatre centrales d'achat et 12 000 fournisseurs. Combien de temps laissera-t-on un E. Leclerc faire la pluie et le beau temps sur les prix agricoles ? Tant que l'on ne mettra pas un terme aux négociations mafieuses, je pèse mes mots, qui dominent ces relations commerciales, les aides publiques quel que soit leur montant seront confisquées par la grande distribution.
En outre, pour la première fois depuis la création de la PAC, l'objectif est de réduire les crédits, non de 5 % mais de 15 % en euros constants sur le premier pilier et sur le deuxième... Avec pour résultat une réduction du revenu des agriculteurs, exclusivement issu de ces aides - ce qui est une aberration. Ce n'est pas de votre responsabilité, monsieur le ministre. En revanche, vous avez dit vouloir redonner fierté et confiance aux agriculteurs. Eh bien, vous avez un rendez-vous : la renationalisation des aides agricoles. Si elle s'accompagne d'un diktat de l'écologie punitive, d'un renforcement des normes, nous aurons tout perdu. Les concurrents ne sont pas soumis aux mêmes exigences ! La pomme polonaise se vend à 99 centimes le kilo, contre 2,50 euros pour la pomme française : c'est une concurrence déloyale.
Sur la réserve, je m'inscris en faux contre vos propos. Ne parlons plus de réserve, car dans ce budget, il n'est plus question de « réserve » ! M. Travert la présentait pourtant comme la solution à tous les maux climatiques, économiques, sanitaires... J'en ai pour preuve ce document budgétaire que vous connaissez bien ainsi que vos services. Cela me permet de vous féliciter Monsieur le ministre. Le ministre des finances est venu nous parler des TO-DE ; il était entouré, non pas de cinq fonctionnaires comme vous, mais de vingt ! Je remarque en tout cas que ce document budgétaire ne mentionne plus une « réserve pour aléas » mais un « apurement communautaire ». Voilà à quoi va servir ce que vous appelez réserve. C'est effectivement aux apurements qu'ont servi 180 millions d'euros de cette ligne budgétaire. Plus modestement, le reste a couvert les conséquences d'un procès que l'État a perdu. La réserve aurait dû être le fruit d'une réflexion, elle aurait pu apporter une vision aux agriculteurs, et des solutions. Dommage...
Mme Françoise Férat, rapporteure pour avis de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Monsieur le Ministre, le Gouvernement a érigé en priorité la sécurité sanitaire en France. Or je constate que les crédits du programme 206 diminuent. Il diminue certes pour des raisons comptables, mais il diminue quand même.
Or les enjeux sont nombreux et les risques très préoccupants. Il suffit de songer au risque d'épidémie de peste porcine qui, malheureusement, ne s'arrêtera pas à la frontière cette fois si j'ose dire.
Deux sujets préoccupent particulièrement les filières agricoles.
D'une part, l'apparition progressive en France de déserts vétérinaires comme sont apparus il y a des années des déserts médicaux. Les jeunes vétérinaires se dirigent désormais vers les soins des animaux de compagnie et délaissent la pratique en élevage. La tendance s'accélère de plus en plus et rien n'est fait. L'honnêteté m'oblige à dire que le projet de loi de finances revalorise les actes médicaux vétérinaires qui étaient gelés depuis 2013 et c'est une bonne chose mais cela ne représente qu'une hausse de 33 centimes par acte pour ces vétérinaires. Cela ne changera pas la face du monde. Que prévoit donc le Gouvernement pour lutter contre ce phénomène de déserts vétérinaires ? Au cours de nos auditions, j'ai appris que près de 80 % des étudiants ayant réalisé un stage tutoré lors de leurs études vétérinaires travaillent dans nos campagnes. Aujourd'hui nous comptons seulement une vingtaine d'étudiants réalisant ces stages. Il me semble que nous pourrions allonger allègrement la liste de ces bénéficiaires.
D'autre part, les taux de non-conformité des denrées alimentaires importées de pays tiers sont, après contrôle physique, estimés à environ 10 %. Ces taux s'élèvent à plus de 17 % pour les produits issus de l'agriculture biologique. C'est très inquiétant. Car cela signifie que la sécurité sanitaire des consommateurs français n'est pas assurée en toute connaissance de cause. Et cela se traduit par une concurrence déloyale immense pour nos producteurs sur qui les normes de production sont toujours plus contraignantes.
Le seul moyen, Monsieur le ministre, de lutter contre ce phénomène, c'est d'accentuer les contrôles et de renvoyer une fois pour toute les produits non conformes pour faire comprendre aux autres pays que la France est inflexible. Or les moyens sont clairement insuffisants puisque moins de 10 M€ au total sont alloués chaque année pour ces contrôles. C'est approximativement ce que rapporte à l'État trois tirages du Loto.
Le nouvel article L. 236-1-A du code rural et de la pêche maritime enjoint l'autorité administrative à prendre toutes mesures de nature à faire respecter un principe d'interdiction à la vente de produits non autorisés dans l'Union européenne. Monsieur le Ministre, cet article a été adopté à 324 voix contre 20 au Sénat lors des débats sur la loi Egalim et vous l'avez voté. Ma question est simple : que comptez-vous faire pour lutter contre ces taux de non-conformité aux importations ?
Je rejoins enfin le ministre sur la « pépite » de l'enseignement agricole. Le budget correspondant augmente mais 50 ETP sont supprimés : à quoi servira l'augmentation ? À payer les retraites ? Il ne faut pas adapter les effectifs aux moyens, mais l'inverse ! Je réclame depuis des années des campagnes de communication. Il faut aussi faire savoir que l'enseignement agricole ne débouche pas uniquement sur les métiers de la production, mais aussi de l'environnement, par exemple. Il forme aussi des citoyens !
M. Henri Cabanel, rapporteur pour avis de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Nous ne sommes pas totalement satisfaits par les réponses du ministre. Le Brexit est une menace pour la pêche ; dans la Manche, 200 navires y perdront 250 millions d'euros d'activité. C'est un quart du chiffre d'affaires total de la pêche maritime en France. Que pensent vos interlocuteurs d'un maintien de la capacité de pêcher dans les eaux du Royaume-Uni ?
Les retards de versement des aides sont dus aux erreurs du Gouvernement et de l'ASP, que vous assumez. Les agriculteurs engagés dans le bio attendent encore plus longtemps les versements : au 1er novembre ils avaient perçus seulement 60 % des aides de 2016. Qu'en est-il de celles de 2017 et 2018 ?
Franck Montaugé et moi serons heureux si vous poussez au niveau européen les principes défendus dans notre proposition de loi sur la gestion des risques. Vous l'aviez cosignée, elle a été votée à l'unanimité, il serait bon d'avancer sur ce point.
Sur les TO-DE, vous répondez : « on verra à l'Assemblée nationale ». Je vous félicite en tout cas de la position que vous aviez prise, comme sénateur, puisque vous vous étiez largement exprimé contre la suppression du dispositif et aviez été applaudi sur tous les bancs. Nous avons adopté en PLFSS un amendement pour d'une part revenir au TO-DE avec des exonérations totales jusqu'à 1,25 Smic et d'autre part assurer la pérennité du système. Sinon, certaines filières, arboricoles, maraîchères, voire viticoles disparaîtront purement et simplement. Vous parlez de souveraineté alimentaire, elle exige une politique très importante tout comme la compétitivité. Les coûts de main d'oeuvre sont beaucoup moins élevés en Allemagne (l'écart est de 27 %), en Italie (37 %) ou en Pologne, avec un écart de 75 %, qu'en France... C'est pourquoi la part des fruits et légumes produits en France a reculé de 30 % en seize ans, passant de 66 % du total consommé en 2000 à 51 % en 2016. Il y a de quoi nous interpeller ! Votre amendement adopté par le Sénat avait un peu changé la donne, mais à terme, le dispositif TO-DE sera supprimé, sans être aucunement remplacé. Il deviendra encore plus difficile de conserver une production de qualité et faire vivre nos entreprises.
Aujourd'hui, pouvez-vous comprendre la volonté du Sénat, tous groupes politiques confondus, de rétablir le TO-DE ? Vous avez donné un avis défavorable à l'amendement présenté au Sénat. Mais je vous sais soucieux que la voix de la Haute Assemblée soit entendue. Si tous les groupes politiques se sont retrouvés sur la disposition, c'est que nous faisons tous le même constat dans nos territoires : sans le TO-DE, des filières entières disparaîtront. L'avis de la commission des affaires économiques dépendra de votre volonté de défendre à l'Assemblée nationale l'amendement porté par le Sénat.
Mme Denise Saint-Pé. - La Commission européenne, dites-vous, ne reviendra pas sur la carte qu'elle a adoptée pour les zones défavorisées simples. Mais beaucoup d'agriculteurs se retrouvent ainsi exclus du zonage : 1 600 éleveurs, par exemple, dans les Pyrénées-Atlantiques. L'État envisage-t-il des mesures compensatoires ?
M. Jean-Pierre Moga. - Avec le réchauffement climatique, notre agriculture souffre de la sécheresse. La pluviométrie étant cependant importante l'hiver, il faut stocker l'eau pour la période estivale, en créant des retenues collinaires. Dans le Lot-et-Garonne, il y a des projets en ce sens, mais ils sont bloqués par les textes actuels. C'est la seule façon de préserver demain notre souveraineté alimentaire ! Envisagez-vous, avec M. de Rugy, de revoir les textes en vigueur, voire de revisiter la loi sur l'eau ? Dans mon département, un cluster eau et climat étudie la possibilité d'un stockage souterrain des eaux de pluie. Le but est d'éviter une artificialisation des terres, la création de lacs et un impact négatif sur les paysages. Soutiendrez-vous ces recherches ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. - L'article 44 de la loi Egalim pose l'interdiction de la vente des denrées alimentaires et des produits agricoles ayant été soumis à des produits phytosanitaires ou dépourvus de traçabilité. Les autorités administratives doivent prendre toutes les mesures pour faire respecter cette interdiction. Comment le Gouvernement entend-il s'y prendre s'agissant des importations ?
L'action 24 du programme 146 concerne les grands prédateurs, ours et loups. Le coût de la prédation est passé de 4 millions d'euros en 2006 à 26,3 millions en 2017, en indemnités et en mesures de protection ; des conséquences telles que les pertes d'animaux victimes de stress ne sont cependant pas évaluées. Quel est ce coût indirect ? À Strasbourg aura lieu la semaine prochaine le 28ème comité permanent de la convention de Berne. Le Conseil fédéral suisse, qui y siège, propose le transfert du loup de l'annexe 2 à l'annexe 3. La population lupine a crû de 20 % et le nombre de ses victimes augmente. Quelle sera la position de la France sur cette proposition ?
M. Daniel Laurent. -Le Conseil constitutionnel a censuré l'article de la loi Egalim qui maintenait la déclaration obligatoire de récolte du raisin : celle-ci est pourtant essentielle pour la traçabilité. Que comptez-vous faire ?
Les agriculteurs sont attaqués pour l'usage de produits phytosanitaires ; nombre d'entre eux ont modifié leurs pratiques, se sont engagés dans une démarche de certification, mais quelles aides sont prévues pour les plus petites exploitations ? La disposition relative aux zones de non-traitement a été validée, mais quand ses contours seront-ils concrètement définis ?
La transmission des entreprises agricoles pose problème dans le secteur viticole, en raison de la hausse considérable des prix du foncier. Comment préserver les entreprises familiales et favoriser l'installation des nouvelles générations, dans ces conditions ? La fiscalité n'est pas suffisamment incitative. Quelles sont vos réflexions sur ce sujet ?
S'agissant de la transition vers le bio, j'avais interrogé votre prédécesseur le 3 juillet dernier sur la ré-homologation du cuivre ; les pays du nord de l'Europe forment une minorité de blocage pour demander un seuil de 4 kilos sans lissage, nous préférons 6 kilos avec lissage, pour faciliter une moindre utilisation des produits phyto.
Le Brexit comporte le risque d'un renforcement de l'attrait de Londres comme place de stockage et de négoce des grands vins : il serait bon de renforcer le régime fiscal suspensif à l'export.
M. Jean-Marie Janssens. - Au dernier Salon international de l'alimentation à Villepinte, nombre de producteurs ont exprimé leurs inquiétudes, que je perçois également dans le Loir-et-Cher, au sujet de l'avenir de la PAC. Qu'en sera-t-il des aides, de leur répartition, de la concurrence loyale au sein de l'Union européenne ? Les accords commerciaux, CETA, Mercosur, suscitent des craintes : comment contrôler les quantités, comment assurer des prix de vente rémunérateurs ? Le projet de loi de finances devrait constituer un signal fort, avec le maintien des crédits à destination du monde agricole et le soutien à une stratégie agricole ambitieuse et réaliste. Pouvez-vous nous garantir que ce sera une priorité forte de ce PLF ?
M. Daniel Gremillet. - Monsieur le ministre, concernant les dossiers « sécheresse », les départements et les régions sont dans l'incapacité d'instruire les dossiers en temps et en heure. Vous avez oublié de parler des ETP que les régions ont dû fournir pour instruire les dossiers de demandes d'aides. Aujourd'hui, les régions sont en train d'aider le ministère de l'agriculture à faire son travail !
Qu'en est-il des zones de piémont ? Disparaissent-elles ou non ?
Vous avez dit que la question de la sécurité sanitaire était irréversible. Je souhaite que vous ayez la même position pour les produits de l'Union européenne et pour ceux qui seront importés d'autres pays. Cette question a toujours été prise au sérieux en France et notre agriculture a déjà un niveau de sécurité élevé. Il ne faut pas hurler avec les loups !
Concernant la déduction pour investissement (DPI) et la déduction pour aléas (DPA), je veux bien tout entendre, mais il vous revient de défendre le dossier au niveau communautaire. Je ne suis pas sûr que l'on sera gagnant même si l'avancée fiscale consentie - je vous en rends hommage - est essentielle.
Sur l'enseignement, il faut que le budget augmente. C'est le secteur où peu de temps s'écoule entre le moment où le jeune sort de l'école et trouve un travail.
Enfin, le budget consacré à la forêt n'est pas à la hauteur des ambitions de la France.
M. Jean-Claude Tissot. - J'évoquerai un sujet qui me tient à coeur, les aides au maintien de l'agriculture bio, qui vont disparaître. Quelle différence faites-vous entre ces aides et la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes ou encore l'aide à la brebis ? Pourquoi le marché s'équilibre-t-il pour certaines filières et pas pour d'autres ?
Quelle est votre position sur le système d'étiquetage Nutri-Score, qui, avec les nouvelles règles de certains pays européens, risque de ne plus être très efficace ?
Permettez-moi de revenir sur les TO-DE. Vous proposez l'abaissement du seuil à 1,15 SMIC en 2019 et 1,10 SMIC en 2020. Prenons l'exemple de la Drôme, un département que vous connaissez bien : quasiment aucun employeur ne pourra prétendre aux exonérations de cotisations sociales prévues par ce dispositif. Vous le savez comme moi, les saisonniers travaillent souvent plus de trente-cinq heures par semaine. La durée réelle de travail mensuelle les place de fait au-dessus du seuil de 1,15 SMIC. Les travailleurs saisonniers et occasionnels de la Drôme étaient payés en 2015 10,76 euros hors taxe de l'heure, soit 1,12 SMIC. À partir de trente-cinq heures, le niveau de salaire est donc déjà « trop élevé ». Pour quarante heures, le salaire s'établit à 1,27 SMIC et 1,33 SMIC pour quarante-deux heures. Mes projections ne tiennent pas compte des congés payés ni des heures supplémentaires. Ces chiffres donnent un aperçu des conséquences des décisions que vous pourriez prendre.
M. Franck Montaugé. - L'équation budgétaire due à la révision de la cartographie des zones défavorisées va, semble-t-il, se traduire par une baisse plus ou moins importante de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Les bénéficiaires vont-ils voir leur prime diminuer ? Certes, un nombre moindre d'éleveurs vont sortir du dispositif, mais il s'agit tout de même de 110 éleveurs dans mon département. En vue de soutenir la transition de ces exploitations, ne serait-il pas opportun de demander un fléchage particulier à partir du plan pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) ?
Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement continue de se fonder sur la cartographie établie dans les années 50. Le territoire a beaucoup changé depuis lors.
Quelle est votre position sur la question des prestations de services environnementaux, dont le Sénat va débattre dans quelques jours ?
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je ferai quelques réflexions en mon nom et en celui de Michel Raison à propos de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite loi Egalim, une loi qui a suscité beaucoup d'espoirs, mais qui a très rapidement provoqué de nombreuses désillusions. À la lecture de ce projet de budget, il nous semble que vous n'aurez pas les moyens de traduire vos intentions en actes. Les projets alimentaires territoriaux, des projets stratégiques pour atteindre les objectifs d'approvisionnement en matière d'alimentation durable et saine, doivent passer de 40 à 500 en 2020, mais le budget pour les accompagner demeure stable dans le budget.
Par ailleurs, la loi Egalim proposait une refonte des mécanismes contractuels pour mieux lutter contre les pratiques abusives des acheteurs au détriment des producteurs. Un renforcement des contrôles par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et FranceAgriMer est prévu. Malheureusement, des suppressions d'effectifs importantes sont prévues pour ces deux organismes dans le projet de budget. Comment allez-vous assurer la bonne tenue des contrôles ?
Nous bénéficions d'un patrimoine forestier exceptionnel. Nous sommes mobilisés pour la lutte contre les changements climatiques. Il s'agit aussi de renforcer nos capacités de captation du carbone. Nous proposerons un amendement visant à flécher les crédits carbone tant convoités : quelques euros pourraient abonder le Fonds stratégique de la forêt et du bois, afin de nous permettre de relever le défi majeur de renouveler nos forêts.
On discute aujourd'hui de l'encaissement par l'Office national des forêts (ONF) des recettes des ventes des communes forestières. Je vous invite à ne pas tomber dans ce piège. Nous ne sauverons pas le soldat ONF en captant la trésorerie des communes. Cela ne suffira pas et créera de nombreux problèmes.
Mme Noëlle Rauscent. - Je veux évoquer la question de la fermeture de l'école vétérinaire de Champignelles dans l'Yonne, une antenne de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort, et je me permettrai de vous remettre un dossier à ce sujet - le conseil d'administration délibérera demain de son avenir.
Ce centre d'application accueille des élèves de Maisons-Alfort tous les ans durant les cinq années de leurs études. Il témoigne de l'importance des stages tutorés, qui répondent à un enjeu en matière de soutien à l'installation des vétérinaires en milieu rural et de santé publique. Tous les étudiants louent le « bon vivre » tout en apprenant. Pourquoi ne pas maintenir ce site, qui est aujourd'hui quasiment à l'équilibre financier, en prévoyant, par exemple, l'organisation de classes vertes ? On doit trouver un véritable projet de territoire.
M. Pierre Louault. - Vous avez évoqué le retard dans le paiement des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), une réalité depuis un certain nombre d'années. Vos services ont-ils conscience qu'ils sont enferrés dans une boulimie de réglementations qu'ils ne maîtrisent plus. Les pénalités versées à l'Europe en sont aussi une conséquence. Allez-vous être, vous aussi, contaminé ?
M. Jackie Pierre. - Il est vacciné.
M. Pierre Louault. - Ou allez-vous apporter au ministère les anticorps nécessaires pour avoir les pieds sur terre ?
Les normes de production françaises ne sont pas identiques aux normes de production européennes ou mondiales. Va-t-on comprendre un jour que l'on doit appliquer les mêmes normes aux produits importés ?
M. Pierre Cuypers. - Vous avez évoqué le budget global de l'agriculture ainsi que le budget de la PAC avec une apparente satisfaction. Avez-vous évalué le montant des aides de la PAC en 2018 et en 2019 pour une exploitation agricole ? Il est intéressant de savoir ce qui revient au producteur.
La crise sociale sans précédent que nous traversons aujourd'hui est notamment liée à la taxation et à la surtaxation des énergies. Le diesel est montré du doigt ; certains veulent même le supprimer. Vous n'ignorez pas que les résultats nets des entreprises agricoles sont plutôt négatifs. Pourquoi n'avez-vous pas évoqué les moyens prévus dans le budget pour développer les énergies issues de l'agriculture et qui rendraient vertueuses les énergies fossiles ?
M. Fabien Gay. - Je suis inquiet quant à la baisse du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » à double titre. Qui dit baisse de moyens financiers dit baisse de moyens humains. De plus, nous sommes confrontés à un nouveau défi : les traités de libre-échange se multiplient. Hier soir, à la demande de notre groupe, un débat a été organisé en séance publique sur les conditions de mise en oeuvre de l'accord économique et commercial global (CETA). Beaucoup d'inquiétudes ont été exprimées, notamment à propos de l'agriculture.
Même si la loi Egalim, qui vient d'être adoptée, est timide, elle demande un mieux-disant social et environnemental à nos agriculteurs. Or on va importer du Canada des farines animales, des OGM... Les normes ne sont pas les mêmes dans ce pays. Certes, les quotas n'ont pas été remplis, mais l'accord est progressif, avec une application totale en 2023. N'y a-t-il pas là une incohérence à faire adopter des lois telles que la loi Egalim et à encourager des traités de libre-échange, notamment le CETA ? Si notre agriculture est un bien commun de l'humanité, ne faut-il pas la sortir de ces traités ?
M. Daniel Dubois. - Ma question concerne le deuxième pilier de la PAC. Qui a une visibilité sur la consommation de ces crédits ? Je me demande si ces crédits européens vont être consommés, alors que se posent en France des problèmes de financement. Ne va-t-on pas rendre de l'argent à l'Europe ? Concernant le premier pilier, on ne paie pas assez vite, et, pour le deuxième pilier, on ne dépense pas assez.
Mme Sophie Primas. - Excellente question.
Mme Marie-Christine Chauvin. - Monsieur le ministre, vous avez évoqué les fonds prévus pour accompagner les difficultés dues à la sécheresse, ajoutant que ce ne serait certainement pas suffisant. Un des critères pour être reconnu au titre des calamités agricoles est la perte globale de fourrage. Or, dans certains départements, tel le Jura, la première coupe de foin a été bonne, mais unique. Non seulement il n'y a pas eu de regain, mais les pâturages sont totalement grillés, obligeant les agriculteurs à puiser dans leurs réserves d'hiver dès le mois de juillet. Envisagez-vous de tenir compte de la perte liée au pâturage, qui pourrait être reconnue à 25 % ?
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Dans le cadre des aides de la PAC, le Gouvernement compte-t-il mettre en application en 2019 les recommandations européennes formulées à la suite de l'audit sur le recalcul des aides délivrées aux éleveurs implantés sur des surfaces de résineux et d'épineux ? Lors de la réunion de l'assemblée générale de l'association des communes pastorales de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, les élus et les éleveurs ont exprimé des inquiétudes au sujet d'une éventuelle disparition de ces aides, car le pastoralisme dans les Alpes-Maritimes, par exemple, n'a lieu que dans des zones de résineux et d'épineux. Cette menace s'ajoute à celle du grand prédateur qu'est le loup.
M. Yves Bouloux. - J'évoquerai la question de la myiase due à Wohlfahrtia : les larves carnassières de cette mouche provoquent des dégâts très importants sur les cheptels ovins. Dans le sud-est de la Vienne, l'élevage ovin s'est stabilisé, après avoir décliné, mais l'apparition de cette maladie, pour laquelle il n'existe pas de traitement efficace à ce jour, plonge les éleveurs dans une situation très difficile. Ces larves commencent aussi à s'attaquer aux bovins. Envisagez-vous des mesures de nature à redonner espoir à nos éleveurs ovins ?
M. Jackie Pierre. - Les fédérations départementales des communes forestières nous ont sollicités, car elles n'acceptent pas que l'ONF prenne le rôle de percepteur municipal. Quelle est votre position sur ce sujet ? Les communes vendent sur pied, par contrat ou aux enchères. Les recettes sont le produit de la commune. Le département des Vosges compte 450 communes forestières sur 512. Les maires n'entendent pas accepter la proposition de l'ONF. Les communes risquent d'être pénalisées.
M. Roland Courteau. - Je ne reviendrai pas sur la question des zones défavorisées ou sur celle des travailleurs saisonniers.
À la suite des tragiques inondations qui ont eu lieu dans l'Aude en octobre dernier, les pertes de fonds sont énormes. Il faut beaucoup d'argent pour le seul nettoyage des parcelles. Pouvons-nous compter sur le fonds de garantie des calamités agricoles et sur des aides susceptibles de financer le nettoyage des parcelles pour permettre la replantation des vignes dévastées ? Pouvons-nous compter sur votre visite ?
Mme Anne-Marie Bertrand. - Mon intervention rejoint celle de ma collègue Dominique Estrosi Sassone. Il faut revenir à la définition du règlement omnibus de 2017, pour ne pas assimiler prairies et pâturages permanents. Il appartient aux États membres de les définir. Aussi le Gouvernement est-il prêt à soutenir la demande des éleveurs du sud de la France ?
Mme Sophie Primas, présidente. - Je poserai trois questions.
Premièrement, notre collègue Daniel Gremillet a déposé des amendements visant à baisser la fiscalité sur les biocarburants, pour envoyer un signal au monde agricole et aller dans le sens de la transition écologique que nous appelons tous de nos voeux - un signal jaune, si je puis dire, en cette période compliquée. Le Gouvernement va-t-il nous apporter son soutien ?
Deuxièmement, un amendement de la majorité gouvernementale visant à interdire à partir de 2021 l'huile de palme dans les biocarburants a été adopté par l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement. La position du Gouvernement a-t-elle évolué ? Avez-vous mesuré, avec Total, les effets sur l'usine de La Mède ? Nous avons, de notre côté, interrogé les acteurs, notamment agricoles, du monde du biocarburant.
Troisièmement, l'entreprise de produits phytosanitaires de biocontrôle - la seule en France - déplore trente-six mois d'attente pour les autorisations de mise sur le marché (AMM) par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Comment accélérer le processus ?
M. Didier Guillaume, ministre. - Nombre de vos questions relèvent du budget, et d'autres ont trait à l'ambiance générale.
Je ne peux qu'être d'accord avec ce que vous dites, l'agriculture vit aujourd'hui une période de transition difficile et il faut tout faire pour qu'elle ne sombre pas. Ma position n'a pas varié. Je suis un affreux pragmatique. Mon objectif est clair : se battre pour que les agriculteurs aient un revenu plus élevé. Pour ce faire, nous avons à notre disposition la loi Egalim et les ordonnances. Je ne sais pas si cela suffira. C'est la troisième loi ; les trois ministres successifs Bruno Le Maire, Stéphane Le Foll et Stéphane Travert avaient le même objectif, à savoir redonner du revenu aux agriculteurs. Or cela fait dix ans que rien ne change, pour des raisons de crise, de distorsion de concurrence, des raisons européennes. Je rejoins Laurent Duplomb, si l'on ne réussit pas aujourd'hui, les dégâts seront bien plus importants encore. Certains exploitants en sont à l'os. On ne peut pas demander aux agriculteurs qui gagnent 450 euros par mois de se serrer la ceinture !
Je le redis devant vous - ce n'est pas un élément de langage -, je veux aussi redonner de la fierté aux agriculteurs. Tant que l'on fera de l'« agribashing », que l'on montrera du doigt les agriculteurs, qu'on les traitera d'« empoisonneurs », que l'on dira qu'ils nourrissent mal la planète et les Français, les gamins n'auront pas envie de s'inscrire dans nos lycées agricoles. Or les jeunes sont motivés. Comme l'a dit Mme Férat, heureusement que tous les lycéens ne veulent pas devenir agriculteurs. Il faut penser aux services à la personne.
La première ordonnance, qui sera prise dans les quinze jours qui viennent, concerne le seuil de revente à perte. Toutefois, il revient aux interprofessions de fixer le prix de base. Même si vous n'avez pas adopté cette loi, je pense que vous êtes d'accord pour dire qu'il faut tenter cette mesure. Il ne s'agit pas d'être dans une posture. Voulons-nous, oui ou non, redémarrer quelque chose ? Sinon, c'est la fin de l'agriculture française. Ce n'est pas du blabla ; je vais donner tout ce que je peux.
La vente du prix du lait est l'élément le plus criant. Comment accepter que le prix du lait soit le même qu'il y a vingt ans ? Quelle autre profession accepterait cette situation ?
Je ne suis pas pour l'écologie punitive ni pour les normes et contraintes. Vous devrez m'aider, mais, dans le cadre de la prochaine PAC, je reviendrai sur toutes les normes : 9 000 critères ont été institués pour le paiement des aides en France. Ne nous étonnons pas si on n'arrive pas à les payer ! On est chez les fous ! L'administration française n'est pas la seule à avoir ajouté des critères, il y a aussi telle filière, telle interprofession... On ne peut pas continuer ainsi.
Je suis ministre de l'agriculture et, donc, des agriculteurs. Je vais les défendre jusqu'au bout. Je serai un bouclier quand certains mettront le feu à des abattoirs... Ce n'est pas le modèle de société que je veux.
Les négociations s'ouvrent, mais quand on a quatre centrales et 10 000 interlocuteurs, cela ne peut pas fonctionner. J'en ai parlé avec les organisations professionnelles agricoles, avec Coop de France, les industries, les transformateurs : soit on continue comme cela et on est complice de la fin de l'agriculture française ; dans le cas contraire, il ne faut pas avoir peur d'y aller. Il faut que tout le monde s'attèle à la tâche, y compris Bercy et la profession agricole. Je ne veux pas que l'on prenne les consommateurs en otages et les agriculteurs pour des esclaves ! C'est cela qu'il faut changer. On va à la confrontation et cela va être terrible. Je souhaite la réconciliation des agriculteurs avec les consommateurs ; d'ailleurs, les agriculteurs sont aussi des consommateurs. Le danger, c'est que les consommateurs sont plus nombreux.
Vous avez été nombreux à parler de la dotation pour aléas. Vous savez très bien qu'il ne s'agit que d'une ligne comptable. Ce ne sont pas ces dotations qui compensent en cas de catastrophes ; des aides exceptionnelles sont versées. C'est le cas pour la sécheresse, et j'espère que j'obtiendrai d'autres aides encore. Bien sûr que ces aides ne suffisent pas ; le Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) intervient pour des pertes supérieures à 30 %. Or il a plu au printemps et les agriculteurs ont pu faire une première coupe, mais la seule : tout était sec ensuite. Le danger est plus grand encore pour l'année prochaine : les agriculteurs vont-ils se défaire de leur troupeau ?
Aujourd'hui, ce sont 300 millions d'euros environ qui sont mis sur la table. C'est énorme, mais il faudra sûrement aller encore plus loin. Je ferai des propositions dans les jours qui viennent. Reste à voir les arbitrages. Dans toute crise, les aides ne sont jamais suffisantes, mais les finances publiques sont contraintes. Nous essaierons de faire le maximum.
Sur la question de la sécurité sanitaire, le budget n'est pas en baisse. Il y a seulement des apurements. Est-ce assez ? Là encore, je ne sais pas, mais on ne peut pas demander toujours plus pour tous les budgets. On a la chance que ce projet de budget soit à l'identique par rapport à celui de l'an passé au titre des actions pour le développement agricole. Les contrôles des produits importés sont un véritable sujet, surtout avec le Brexit. Pour être allé à Dunkerque, je peux vous dire que va se poser un vrai problème de contrôle sanitaire.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - Tout à fait.
M. Didier Guillaume, ministre. - J'ai assisté au contrôle d'une palette de thon en provenance d'Abidjan ou de je ne sais où, je ne vous en dis pas plus... Il faut donner des moyens aux services de contrôle, mais cela ne figure pas dans ce budget, car il ne suffirait pas à lui seul.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Dans le cadre du Brexit, vous avez prévu 40 ETP.
M. Didier Guillaume, ministre. - Ils sont prévus dans ce budget.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Il faut en mettre plus.
M. Didier Guillaume, ministre. - Beaucoup plus ! Mais comment équilibrez-vous le budget ? Je suis au regret de vous dire que je n'accepterai pas que ces ETP soient pris sur le budget de l'agriculture, sinon je ne pourrai plus mener d'actions directes en faveur des agriculteurs.
Monsieur Cabanel, pour le budget pêche, il y a trois interlocuteurs, et pas deux : la Commission, le Royaume-Uni et la France. Ce que fait Monsieur Barnier, cela ne va pas. Vous avez raison d'être inquiet. Certes, il ne faut pas crier avec les loups, mais je vous l'affirme, au nom du Gouvernement, la France et un certain nombre d'autres pays n'accepteront pas une baisse du budget de la PAC, de 5 % en euros courants et 15 % en euros constants, M. Duplomb a raison, car cela conduirait à la disparition d'un certain nombre d'exploitations agricoles. Nous n'accepterons pas que la pêche soit la variable d'ajustement du Brexit. Pour l'instant, l'accord tient à peu près, mais il faut trouver des alliés. Or, disons-le franchement, l'Allemagne est en train de flancher. Et si on n'y arrive pas, on peut dire que c'est fini.
Je ne reviendrai pas sur la gestion des risques.
Que voulez-vous que je vous dise sur le dispositif TO-DE ? Je n'ai pas changé d'avis : j'estime que c'est une erreur de supprimer le TO-DE. Et je continue à le dire : c'est une erreur. Certes, ce dispositif ne peut pas tout régler. On ne peut pas être contre les niches fiscales et les soutenir quand cela arrange. J'étais opposé à la suppression du TO-DE et j'ai dit quand j'ai été nommé que je ne changerai pas de position là-dessus. J'ai obtenu 105 millions d'euros. Est-ce suffisant ? Vous dites : non. Est-ce que cela compense à 100 % ? Je dis : non. La balle est dans le camp du Parlement. Est-ce que cela va aller plus loin ? Je n'en sais rien. Je n'ai aucune possibilité de faire faire quoi que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat. C'est mieux que s'il n'y avait rien, regardons les choses.
Le Président de la République veut transformer les aides en baisses de charges massives. L'idée générale est de baisser les charges et la fiscalité. C'est le cas de la TICPE pour les agriculteurs et du paiement direct pour les carburants. Je ne peux pas vous en dire plus sur le TO-DE.
Pour répondre à Mme Saint-Pé, je connais la situation des ZDS. Cent ou cent cinquante cartes ont été réalisées. Ceux qui entrent dans le dispositif ne remercient jamais et ceux qui en sortent crient : c'est la vie. La carte a été validée par la Commission européenne. Je le dis très franchement, je pense que certaines choses ne sont pas cohérentes, mais je n'y peux rien car c'est européen. Des recours ont déjà été réalisés ; attendons les décisions. Quoi qu'il en soit, des mesures transitoires seront prises. Là encore, ce ne sera sans doute pas assez. Mais sachez que le Gouvernement et mon ministère travaillent à des mesures transitoires, en lien avec les acteurs locaux.
Monsieur Moga, on ne peut pas regarder l'eau tomber pendant six mois et en chercher durant les six autres mois. J'ai annoncé lors de la deuxième réunion des assises de l'eau que nous allions réfléchir à des réserves collinaires, pour pouvoir récupérer de l'eau. Sans eau, il n'y a pas d'agriculture. Mais on ne va pas continuer à irriguer le maïs comme on a pu le faire. D'ailleurs, les agriculteurs utilisent 30 % de moins d'eau qu'il y a quinze ans. Je ne sais pas ce qu'est le cluster, mes services vous contacteront.
Madame Morhet-Richaud, je l'ai toujours dit lorsque j'étais parlementaire : entre le loup et l'éleveur, je choisis l'éleveur. Dans nos zones de montagne sèche, il y a incompatibilité de cohabitation entre le prédateur et l'éleveur, c'est évident. Mais des règles européennes existent. Je ne peux pas répondre directement à votre question sur la réunion de Strasbourg, mais sachez que je mettrai cette question sur la table au niveau européen. Je veux saluer celles et ceux qui ont travaillé sur le plan Loup, qui prévoit 500 loups. Mais que se passera-t-il quand il y aura 1 000 loups ? Là encore, il nous faut trouver des alliés. On est tous pour la biodiversité - là n'est pas la question -, mais on verse quand même aujourd'hui 30 millions d'indemnités. On pourrait mettre cet argent ailleurs.
J'ai répondu en partie à la question concernant les produits phytosanitaires. Nous regardons comment nous pouvons éviter une distorsion de normes entre la France et les autres pays. L'Allemagne pose aujourd'hui problème en termes de concurrence : le plan Sécheresse qu'ils ont mis en place est très bien doté, mais aucun agriculteur ne peut prétendre aux aides au regard des critères fixés. Méfions-nous des comparaisons !
Monsieur Laurent, sur le cuivre, nous sommes d'accord pour un lissage sur plusieurs années. On n'obtiendra jamais le niveau 6.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - Le niveau 5 serait bien.
M. Didier Guillaume, ministre. - Nous regardons cette question dans le cadre d'un plan pluriannuel.
Une ordonnance sera prise concernant la séparation du conseil et de la vente pour les produits phytosanitaires. Nous sommes en discussion avec les organisations agricoles, les coopératives. Vous le savez mieux que moi, les positions sont tellement différentes que je ne sais pas comment on va s'en sortir. On ne peut pas rester dans la situation actuelle, mais on ne saurait mettre à mal la trésorerie des exploitations, lesquelles sont déjà en grande difficulté. On se gargarise des plans Écophyto - Écophyto 1, 2 et 2+ -, mais un rapport du ministère de l'agriculture indique qu'un plus grand nombre de produits phytosanitaires a été vendu au cours des trois dernières années par rapport aux trois années antérieures. Ce n'est donc pas moins d'utilisation de produits après ces trois plans. L'augmentation est, me semble-t-il, de 0,3 %.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Il y a énormément de zones intermédiaires qui sont devenues céréalières. Et donc on augmente la surface traitée. Et on oublie souvent de dire que la France est un des pays européens qui utilise le moins de produits phytosanitaires à l'hectare.
M. Didier Guillaume, ministre. - Vous ne m'entendrez jamais émettre des critiques, car, pendant des années, on a demandé aux agriculteurs de nourrir la France et l'Europe. Mais je fais simplement ce constat.
Monsieur Janssens, sur la PAC, la France ne bougera pas, et on verra bien. Concernant l'accord commercial avec le Mercosur, je l'ai dénoncé lundi dernier devant les commissaires européens.
Monsieur Gremillet, je ne sais pas si les régions aident le ministère... Mais nous débattons avec les régions au sujet du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Je ne suis pas favorable à ce que l'État recentralise la partie du deuxième pilier pour les régions. Certes, il faut maintenir une politique régionale, mais les régions ne mènent pas toutes la même politique. Le bio, c'est 100 % de cofinancements de l'État. À un moment, il faut aussi que nous puissions dire des choses. Globalement, les discussions se passent plutôt bien.
Concernant l'enseignement agricole, le projet de budget prévoit une augmentation des crédits de 3,6 millions d'euros. Certes, ce n'est peut-être pas assez, comme on compte moins d'élèves, cela donne quelques facilités.
Monsieur Tissot, le dispositif Nutri-Score ne faisant pas l'unanimité, je ne répondrai pas maintenant.
Monsieur Montaugé, on maintient évidemment les ICHN. On va aider ceux qui vont sortir du dispositif. Mes services sont ouverts pour en discuter avec les territoires.
Madame Loisier, on se gargarise là aussi tous des PAT. Y en aura-t-il 500 en 2020 ? Pour l'instant, on a les moyens suffisants pour la trentaine de projets en place. On verra ce qu'il en sera l'année prochaine. Les parlementaires doivent aider à la mise en place de ces projets.
L'ONF est aujourd'hui en crise. Un rapport est présenté cette semaine aux organisations professionnelles. Je prendrai la semaine prochaine des initiatives assez fermes et fortes pour réorganiser la gouvernance et remettre tout le monde à la table : la direction ne parle à personne. Faites-moi confiance, le problème va être réglé.
Je veux dire à Mme Rauscent que le centre vétérinaire devra fermer en 2020. Tous les parlementaires et les élus de l'Yonne sont favorables au maintien de ce centre, tandis que le président de région et tous les élus de Normandie sont favorables à la fermeture. On va travailler à la transition.
Monsieur Louault, on connaît effectivement une boulimie de réglementations. Sur les 9 000 critères, 4 000 sont utilisés, ce qui est encore beaucoup.
Il faut vraiment insister sur les mesures agro-environnementales. Je l'ai dit, je ne suis pas pour l'écologie punitive. Il faut avancer ensemble pour mettre en place de bonnes pratiques.
Monsieur Cuypers, les aides du premier pilier de la PAC reviennent directement aux agriculteurs. C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas qu'elles diminuent.
M. Pierre Cuypers. - Elles diminuent.
M. Didier Guillaume, ministre. - Pas pour l'instant.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Du moins, ce n'est pas encore fait.
M. Didier Guillaume, ministre. - Il faut que les députés, les sénateurs et les députés européens parlent d'une seule voix.
Sur la taxation de l'énergie, on voit bien ce qui se passe aujourd'hui. Pour l'instant, l'agriculture est préservée. Je veux travailler à la question de la méthanisation et à celle des biocarburants.
Concernant la méthanisation, pour prendre l'exemple de l'Allemagne, même si j'exagère un peu, il faut six mois en Allemagne, contre six ans en France.
Dans le cadre des programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE), je me bats pour faire avancer les choses dans le domaine des biocarburants. Il y a actuellement un débat sur la mélasse de betterave. Il faut faire bouger les choses.
Je veux dire à M. Gay que les crédits du programme 206 ne diminuent pas.
Monsieur Dubois, il y a énormément d'apurements. Mais la France a toujours été en queue de peloton. Nous avons payé une avance sur 2018. Le risque du dégagement d'office ne concernerait que deux régions.
Madame Chauvin, je l'ai dit tout à l'heure, les aides concernant la sécheresse ne seront jamais suffisantes. Il y a eu de la spéculation, c'est inacceptable. Il faut surtout du fourrage. La solidarité se met en place ; on va regarder ce que l'on peut faire. L'Espagne est prête à apporter son aide.
Madame Estrosi Sassone, je répondrai à votre question par écrit.
Monsieur Bouloux, sur la question des larves de mouches, la Direction générale de l'alimentation s'est emparée du dossier.
Monsieur Pierre, j'ai répondu à vos questions. Nous avons signé le contrat de filière bois la semaine dernière. Nous essayons d'enclencher un mouvement vertueux.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Nous vous avons interrogé sur la possibilité d'encaissement des recettes des ventes des communes par l'ONF. C'est un piège.
M. Didier Guillaume, ministre. - Je vous répondrai ultérieurement sur ce point.
Monsieur Courteau, le Président de la République et le Premier ministre sont allés sur place. L'État apportera son concours financier, mais il faut engager une expertise.
Madame Bertrand, je répondrai aussi ultérieurement à votre question.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - Et les vétérinaires ?
M. Didier Guillaume, ministre. - Le Gouvernement veut réaffirmer l'intérêt qu'il porte à cette filière, socle de notre modèle sanitaire.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - Justement.
M. Didier Guillaume, ministre. - Il y a encore des postes, mais il existe de véritables déserts vétérinaires. Dans le lycée que j'ai visité récemment, assez peu d'élèves veulent être vétérinaires de campagne.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - Le tutorat fonctionne bien, il faut le conforter.
M. Didier Guillaume, ministre. - Nous n'avons pas la volonté de le supprimer. J'entends ce que vous dites, on va voir si on peut le conforter. Une feuille de route a été élaborée et validée début 2017 avec les représentants de la profession.
M. Daniel Gremillet. - Et les zones de piémont ?
M. Didier Guillaume, ministre. - Je n'ai pas entendu parler de la suppression de ces zones.
M. Daniel Gremillet. - Cette question était en débat.
M. Didier Guillaume, ministre. - Les zones de piémont ne sont pas supprimées.
Mme Sophie Primas, présidente. - Merci de répondre à mes trois questions, monsieur le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre. - L'Anses est complètement sous l'eau. Je ne sais pas s'il est possible d'augmenter ses effectifs. Les délais pour obtenir une AMM sont longs - vous avez parlé de trente-six mois.
Sur les biocarburants, c'est mon collègue Gérald Darmanin qui gère ce dossier. Posez-lui la question.
Mme Sophie Primas, présidente. - Ce serait bien que nous ayons votre soutien.
M. Didier Guillaume, ministre. - Lorsque je disposerai des amendements, je verrai comment je pourrai arbitrer. Je pense à l'économie, aux relations avec Total, mais aussi à tous les débats que nous avons eus au Sénat sur l'huile de palme, des amendements qui ont été adoptés, qui ont défrayé la chronique, mais n'ont pas été suivis d'effets...
Mme Sophie Primas, présidente. - Merci pour toutes vos réponses. Vos propos témoignent d'une sorte de volontarisme dont nous vous savons gré. Les membres de cette commission vous apporteront leur soutien, tout en ayant un niveau d'exigences.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Permettez-moi de citer Clemenceau : il faut savoir ce que l'on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire - M. le ministre, vous l'avez dit - ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire - on vous attend !
Questions diverses
Mme Sophie Primas, présidente. - Nous procédons donc au vote de la commission sur les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. Je laisse la parole aux rapporteurs pour qu'ils nous rappellent leur position.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - La position pour nous est claire. Nous avions mis une option ce matin : une adoption éventuelle du budget si nous obtenions des réponses sur le maintien du TO-DE à 1,25 et sur sa pérennité. En l'absence d'engagement ferme du Ministre, et en cohérence avec la position exprimée ce matin, je vous propose d'adopter un avis défavorable à l'adoption des crédits du budget.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. - Je n'ai rien à ajouter. N'ayant pas reçu de réponse claire, l'avis défavorable à l'adoption de ces crédits semble le plus approprié.
M. Henri Cabanel, rapporteur pour avis. - Je tiens à rappeler qu'en dehors du TO-DE et de la baisse de la réserve, c'était à peu près le même budget que l'année dernière. Or l'année dernière, la commission avait émis un avis défavorable, tandis que, pour ma part, je m'étais abstenu. Aujourd'hui, c'est le même budget mais sans le TO-DE. Je ne peux donc que recommander d'adopter un avis défavorable.
M. Laurent Duplomb. - Nous proposons également un avis de sagesse sur le CASDAR.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales et un avis de sagesse sur les crédits du compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural.
La réunion est close à 18 h 45.