- Mercredi 7 novembre 2018
- Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Programme 129 « Coordination du travail gouvernemental (cyber ; SGDSN) » - Examen du rapport pour avis
- Questions diverses
- Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Aide publique au développement » - Programmes 110 « Aide économique et financière au développement » et 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Action extérieure de l'Etat » - Programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » - Examen du rapport pour avis
Mercredi 7 novembre 2018
- Présidence de M. Christian Cambon, président -
Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Programme 129 « Coordination du travail gouvernemental (cyber ; SGDSN) » - Examen du rapport pour avis
La réunion est ouverte à 9 h 30.
M. Christian Cambon, président. - Nous commençons aujourd'hui l'examen des avis sur les crédits des différentes missions dans le projet de loi de finances pour 2019 par ceux du programme 129 de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
M. Rachel Mazuir, co-président du programme 129. - Comme chaque année, nous allons présenter notre avis sur les crédits de l'action 2 du programme 129. Cette action représente plus de 52% des crédits de ce programme.
Dans un budget marqué par la volonté de réduire la dépense publique, cette action, il faut le souligner, progresse. Elle est dotée de 378 millions d'euros en AE (+7,7%) et de 362 en CP (+ 2,4%). C'est, pour l'essentiel, la conséquence de la montée en puissance du Groupement interministériel de contrôle (GIC), et de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI), dont vous parlera Olivier Cadic.
S'agissant du coeur historique du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), Mme Landais nous a exposé, le 3 octobre, la diversité de ses missions. Je voudrais formuler deux observations :
Première observation : nous constatons une intensification de l'activité, signe d'une aggravation des menaces. Pour illustrer ce propos, je relève que le rythme des réunions du Conseil de défense et de sécurité nationale reste toujours soutenu (45 réunions entre le 1er novembre 2017 et le 1er octobre 2018).
Premier exemple : la publication de la première Revue stratégique de cyberdéfense en février 2018, aboutissement d'un important travail interministériel de réflexion et de consultation. Elle dresse un panorama de la cybermenace. Elle trace le cadre doctrinal et d'organisation de la cyberdéfense française et s'attache à consolider le modèle français, fondé sur la séparation des fonctions offensives et défensives, ces dernières assurées, au premier chef, par l'ANSSI. Elle appelle à la mise en place de quatre chaînes opérationnelles : protection, action militaire, renseignement et investigation judiciaire. Enfin, la Revue met en avant le concept de souveraineté numérique, entendu à la fois comme le fait de conserver une capacité autonome d'appréciation, d'action et de décision dans ce domaine, et de protéger les autres composantes de la souveraineté nationale des menaces engendrées par la numérisation. Cette souveraineté doit reposer, notamment, sur la maîtrise de certaines technologies-clefs et sur la consolidation d'une base industrielle nationale ou européenne.
Deuxième exemple : je choisis à dessein des sujets d'actualité, le contrôle des exportations de matériel de guerre, pour vous livrer quelques statistiques sans entrer sur le fond des dossiers. Sur la période d'août 2017 à août 2018, la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre, qui donne un avis au Premier ministre pour l'obtention des licences d'exportation, s'est prononcée sur 6 326 dossiers dont 5 062 nouvelles « demandes de licence ». Environ 92 % des demandes ont fait l'objet d'un traitement en procédure « continue » avec avis favorable. 58 % des demandes ont été accordées avec des conditions particulières d'encadrement. La Commission s'est réunie en session plénière à 11 reprises pour l'examen de 517 nouveaux dossiers, soit deux fois plus que sur la précédente période de douze mois, pour lesquels elle a prononcé 388 avis favorables et 117 avis défavorables.
Enfin, dernier exemple, la poursuite des déclinaisons du plan VIGIPIRATE avec la finalisation d'un plan gouvernemental « Pirate Mobilités terrestres » de réaction à un acte terroriste dans ce domaine.
Deuxième observation : le SGDSN devient la structure de portage d'un ensemble d'entités plus ou moins autonomes comme l'ANSSI, le Centre des transmissions gouvernementales ou le GIC qui, en crédits comme en effectifs, dépasse largement le coeur historique du SGDSN.
· Si les entités rattachées ont vu leurs moyens croître, tel n'a pas été le cas depuis plusieurs années du SGDSN stricto sensu qui a perdu 25 emplois depuis 2009 avec, pour conséquence, un affaiblissement de la fonction « soutien ». Les effectifs du SGDSN stricto sensu devraient être réduits de 5 emplois dans le PLF 2019, mais les crédits hors titre 2 (8,4 M€ contre 8,3 M€ en 2018) sont maintenus.
Ma seconde série d'observations concerne le GIC qui, dans le cadre de la loi relative au renseignement de 2015, est le pivot interministériel de gestion de l'ensemble des techniques sur autorisation du Premier ministre et sous le contrôle de la CNCTR. L'évolution des menaces a entraîné une intensification de son activité, et des modifications fréquentes du cadre légal. En conséquence, le GIC a adapté ses structures et son organisation. Il a réalisé un certain nombre d'investissements portant sur ses systèmes informatiques et ses infrastructures.
Il disposera, fin 2018, de 215 ETP, 243 à l'horizon 2020. En 2019, 15 emplois devraient être créés. Toutefois, le Groupement s'est heurté à des difficultés de recrutement liées :
· à la transformation progressive de sa structure d'effectifs ;
· à la faiblesse du vivier et à la vive concurrence dans certaines spécialités informatiques et donc à l'évaluation insuffisante des crédits de titre 2 en LFI 2018 ;
· à l'allongement de la durée d'instruction des demandes d'habilitation qui décourage certains candidats ;
· et à des conditions d'hébergement insuffisantes pour faire face à la progression des effectifs.
Un effort budgétaire est réalisé pour accompagner sa montée en puissance. Les crédits de titre 2, réévalués, progressent de 10 % et atteignent 13,8 M€ dans le PLF 2019. Les crédits hors titre 2 stabilisés à 15,6 M€ en 2018, s'élèveront à 17,1 M€ en AE et en CP dans le PLF 2019 (+9,6 %). Ils permettront d'assurer le fonctionnement courant et le maintien en condition opérationnelle des différents systèmes d'information et réseaux et celui de la structure, mais aussi l'achat des équipements nécessaires au développement de son activité, et, notamment, pour le nouveau site en cours d'acquisition qui devrait être opérationnel en 2020. L'acquisition et les aménagements immobiliers seront financés par le Compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ». Cet immeuble permettra de regrouper tous les personnels chargés d'exploiter le renseignement en région parisienne et une partie des agents du GIC, les implantations actuelles étant devenues insuffisantes. Le Groupement devra se montrer vigilant pour évaluer les charges nouvelles que représentera le transfert d'une partie de son activité d'un immeuble accueillant d'autres structures, et hautement sécurisé, à un immeuble nouveau complètement dédié.
Quelques mots sur les fonds spéciaux. L'enveloppe est maintenue à son niveau de 2018, 67,4 M€.
Enfin, j'en viens aux deux opérateurs, l'IHEDN et l'INHESJ. Comme en 2018, le maintien en 2019 des crédits et plafonds d'emploi - 7,6 M€ et 92 ETPT pour l'IHEDN, 6,2 M€ et 73 ETPT pour l'INHESJ - apporte de la stabilité à ces établissements et doit leur permettre de développer leurs ressources propres. L'INHESJ a adopté un nouveau plan stratégique et contracté concomitamment avec l'Etat un contrat d'objectifs et de moyens. Cette démarche incomplètement menée dans la période précédente par l'IHEDN doit être entreprise, à notre sens, sans délai, par le nouveau directeur. Cet institut devra également se doter d'indicateurs de suivi et de performance plus pertinents. Enfin, les deux établissements sont invités à s'engager plus avant dans le processus de mutualisation des fonctions de soutien et au-delà à développer des synergies pour rationaliser leur offre de formation. L'ouverture, cet automne, d'un cycle commun dans le domaine de la cybersécurité est un bon exemple à poursuivre.
M. Olivier Cadic, co-rapporteur du programme 129. - Je m'associe aux propos de Rachel Mazuir et formulerai pour ma part quelques observations concernant l'ANSSI.
La cyberdéfense est un enjeu majeur. Les menaces sont croissantes, multiples et plus sophistiquées. Elles évoluent à raison de la puissance et de la virulence des réseaux criminels qui investissent le cyberespace à la recherche de gains massifs à moindre risque et par l'action d'autres acteurs, notamment étatiques qui se livrent à des actions d'espionnage, d'ingérence, de sabotage et de déstabilisation. On l'a vu encore récemment avec une affaire d'espionnage russe aux Pays-Bas. Elles évoluent, également à raison de l'accroissement des enjeux dans un monde de plus en plus connecté, et donc de plus en plus vulnérable. Le rapport « Symantec 2018 » classe la France au 9e rang des pays où la cybercriminalité est la plus active et détaille les nouvelles tendances comme des détournements de puissantes machines pour générer de la cryptomonnaie, la banalisation des demandes de rançons, ou et l'injection de programmes malveillants au sein de logiciels légitimes. On assiste même sur le « dark web » à l'émergence d'un marché d'outils informatiques offensifs sophistiqués, porteurs de vulnérabilités. L'attaque NotPetya, en juin 2017, qui a démarré en Ukraine et qui a touché en France le groupe Saint-Gobain en est un parfait exemple. Idem pour la vague d'attaques par le rançongiciel Wannacry en mai 2017 qui a impacté près de 250 000 entités dans plus de 150 pays.
Cette menace est prise en compte depuis une dizaine d'années par l'Etat avec la création de l'ANSSI en 2009. La LPM de 2013 lui a confié de nouvelles missions en matière de protection des systèmes d'information des opérateurs d'importance vitale. Ce champ de compétences a été étendu en 2018 suivant les conclusions de la Revue stratégique de cyberdéfense, ainsi que par les dispositions de la LPM 2019-2025 que nous avons votées cet été et celles issues de la transposition de la directive NIS.
Pour conduire cette politique, l'ANSSI voit ses moyens progresser en 2019 :
· Ses effectifs passeront de 555 à 595 ETP, + 40. 25 emplois au titre de son schéma initial et 17 emplois qui auraient dû être créés en 2018, que l'Agence n'a pas été en mesure de financer en raison de la sous-évaluation des crédits de Titre 2. En effet, avec un turn over supérieur à 15 % de son effectif, c'est une petite centaine de collaborateurs que doit recruter l'ANSSI et le montant des rémunérations demandées à l'embauche par les jeunes ingénieurs excède désormais celui des cadres dont ils assurent le remplacement. Ces tensions sur un marché très concurrentiel ont conduit également à un rebasage de la masse salariale qui se traduit par un accroissement des crédits du titre 2 du SGDSN de 8 % qui passe (hors GIC) de 77,1 M€ à 83,4 M€. Deux emplois seront transférés à l'ARCEP en 2019 au titre du contrôle en application des dispositions votées en LPM 2019-2025.
Hors titre 2, et pour la seule ANSSI, les crédits passent de 72,9 M€ à 79,4 M€ en CP (+8,8 %) et de 70,2 à 94,7 M€ (+35 %) en AE. L'écart est largement dû à l'engagement des trois dernières annuités du bail de la tour Mercure où l'ANSSI est installée.
Les principales opérations concernent le financement direct de l'aménagement des salles serveurs du data center, construit en partenariat avec le ministère de l'intérieur, l'engagement de crédits pour le financement du réseau Rimbaud des communications de l'Etat ou de son successeur, le développement de produits de sécurité pour la protection des informations classifiées dans le cadre de programmes conjoints avec le ministère des armées et le fonctionnement des systèmes d'information sécurisés.
Nous sommes satisfaits de cette évolution des crédits de l'ANSSI. Pour autant, nous devons vous faire part de notre inquiétude et relever quelques points de vulnérabilité :
· Le premier concerne le retard persistant de mise en oeuvre de la Politique de sécurité des systèmes d'information de l'Etat. L'insuffisance des moyens consacrés à la sécurité dans les ministères ainsi que des contraintes techniques et d'organisation qui ne permettent pas toujours à l'ANSSI d'assurer une détection optimale, explique cela. Les ministères régaliens sont les bons élèves, mais on peut légitimement être inquiet s'agissant des autres ministères. Les entreprises privées sont conscientes de l'obligation pour elles de rehausser leur niveau de sécurité. Ces décisions sont débattues aujourd'hui en comité exécutif dans les grandes entreprises. Le faible portage politique par les ministres et l'insuffisance des capacités d'investissements de la DINSIC et des DSI ministérielles par rapport aux enjeux est assez consternant. Les administrations multiplient les programmes informatiques pour réaliser des économies, mais au détriment, des investissements de cybersécurité, ce qui fragilise la résilience des services publics. Nous lançons un cri d'alarme. Il nous semble nécessaire de poser une règle de principe d'interdiction de développer de nouvelles applications sans investissement conséquent dans le domaine de la sécurité.
· Notre deuxième point de préoccupation, ce sont les problèmes structurels de recrutement et de fidélisation des ingénieurs spécialistes de cybersécurité. Ceux-ci continuent à être très recherchés tant dans le secteur public que dans le secteur privé. L'insuffisance du vivier issu de la formation en école d'ingénieurs ou en université est patente. Ceci induit de fortes tensions sur le marché du travail. Les administrations ne pourront suivre sans un alignement des rémunérations, mais ce sera un puits sans fond sans une action plus intense du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour orienter les universités et les grandes écoles à développer ces filières. C'est désormais un enjeu majeur de société qui devrait être porté au plus haut niveau de l'Etat.
· Notre troisième point d'attention est l'importance de la détection en matière de prévention des cyberattaques. Elle doit être réalisée le plus en amont possible. Nous avons, dans la LPM, renforcé les capacités d'action de l'ANSSI. Plus en amont encore, il est souhaitable de mettre en place un véritable réseau de veille au niveau européen, ce qui veut dire une coopération fluide entre Etats disposant d'opérateurs comme l'ANSSI - ils sont rares - et la mise à niveau des Etats qui n'en disposent pas avec l'appui de l'Union européenne.
· Enfin, s'agissant de l'ANSSI, le bail de la Tour Mercure viendra à échéance le 1er janvier 2022, c'est demain. Il faut engager dès maintenant les études pour rechercher une nouvelle implantation qui concilie montée en puissance, attractivité pour ses personnels (les conditions de travail sont un facteur évident d'attractivité pour ces professions) et coût raisonnable. J'ai eu l'occasion de visiter récemment tant les locaux de l'ANSSI que ceux du ComCyber à Rennes et je peux vous dire que nous sommes loin des conditions confortables de travail que peuvent offrir certaines grandes entreprises. Or, il ne faut pas se leurrer, c'est devenu aussi un élément d'attractivité et de fidélisation. Quand j'entends que des parlementaires ont critiqué la présence d'un babyfoot dans les locaux, je trouve la remarque déplacée et sans beaucoup d'égards pour des personnels rivés sur leurs écrans qui font un travail remarquable requérant une grande attention et générant beaucoup de stress et qui ont besoin de temps à autres d'un peu de détente.
Globalement, nous sommes satisfaits de l'évolution des crédits de cette action et donc de ce programme 129 et vous proposons d'exprimer un avis favorable à l'adoption de la mission « Direction de l'action du gouvernement ».
Nous devons toutefois vous informer que la Commission des finances a estimé nécessaire, dans un souci d'exemplarité, de réduire les crédits du Premier ministre. Elle a donc adopté un amendement pour réduire de 13,1 millions d'euros les crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental », dont 1,5 million pour le titre 2 en les fléchant vers l'ANSSI.
Nous considérons que nos collègues ne font pas une juste analyse et donnent un mauvais signal. Nous avons mis en avant l'importance et la croissance des menaces, nous avons donné à l'ANSSI de nouveaux moyens, ce n'est pas en rabotant ses moyens que l'on réduira de façon significative les déficits publics, - on risque même de les accroître si demain il faut réparer les dommages qu'aura permis leur déficience. Cet amendement ne contribue pas à renforcer la sécurité nationale. Nous vous proposons donc si vous en êtes d'accord d'exprimer notre désaccord qui sera soumis au Sénat en séance publique lors de l'examen des crédits.
M. Jean-Marie Bockel. - Je voudrais rappeler la contribution de notre commission, dont un rapport d'information a amorcé la remontée en puissance de l'ANSSI dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, puis dans la LPM 2014-2019, ce qui a permis de combler en partie le retard que nous avions avec les Américains, les Britanniques et les Allemands. Ce rapport a également conforté le volet militaire. Ceci montre l'importance des travaux parlementaires en ce domaine et la vigilance permanente que nous devons exercer sur les enjeux et les évolutions.
L'ANSSI est toujours confrontée à la sempiternelle question du turn over, il est aussi à la mesure de son succès. Au fur et à mesure que les entreprises et les administrations prennent conscience des risques et des enjeux, elles attirent à elles des ingénieurs passés par l'ANSSI. Cela devient une référence et, d'ailleurs, un élément d'attractivité pour les jeunes ingénieurs qui, jusqu'à présent, acceptaient une rémunération moins élevée que dans le privé avec la perspective d'une valorisation à l'issue. L'essaimage était un système gagnant-gagnant. Mais évidemment cela ne résout pas la tension liée à l'insuffisance des filières de formation en école d'ingénieur.
Je déplore, comme les rapporteurs, les retards de protection des administrations. Je vais être un peu cynique, mais souvent, tant qu'ils n'ont pas subi une attaque, il y a de la passivité. On ne devrait pas attendre un incident, mais c'est souvent celui-ci qui déclenche la prise de conscience au niveau décisionnaire. Hélas !
S'agissant de la coopération européenne, l'Union européenne doit agir dans le domaine des normes et sur le volet industriel, mais au-delà, quand on aborde les domaines de souveraineté, il faut bien discerner ce que l'on partage et avec qui. Le travail en bilatéral ou en trilatéral est souvent plus recommandé.
Enfin, je constate que, dans la presse, revient la question des produits chinois et des risques d'espionnage. Ceci est en partie le résultat des tensions commerciales actuelles. Là encore, il faut faire preuve de discernement dans les choix à opérer et bien distinguer les produits à risque en fonction des enjeux.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. - Il est nécessaire de développer les moyens de l'ANSSI afin qu'elle donne aux entreprises et aux OIV les moyens de se défendre afin qu'ils ne fassent pas leur marché chacun de leur côté, ce qui représenterait un véritable danger.
Je suis inquiète car je pensais qu'il y avait un renforcement des crédits et j'entends parler de baisse. Il faut renforcer les moyens. Qu'est-ce qui est envisagé en dehors des recrutements qui exigent des formations longues? Peut-on agir efficacement au niveau européen ?
Enfin, il est important d'agir sur les comportements donc dans le domaine de l'éducation si on veut accroître la prise de conscience dans les entreprises et les administrations. Cela suppose d'agir sur les modes de penser, de concevoir et d'agir afin d'aboutir à un meilleur niveau de protection.
M. Richard Yung. - Nous sommes organisés en deux branches, l'une civile avec l'ANSSI et l'autre militaire. C'est un défaut français. Cela conduit sans doute à dupliquer beaucoup de choses. Peut-on tirer des éléments de réflexion des expériences étrangères ? Sans doute, encore que le modèle américain qui multiplie les agences ne soit pas le plus vertueux. Supprimer les doublons pourrait dégager les moyens financiers dont nous avons besoin.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Sur le recrutement, je rappelle l'existence de la réserve citoyenne de cyberdéfense qui recrute énormément de jeunes, sortant d'école d'ingénieur, et accueille des spécialistes de cybersécurité. Peut-être est-ce un élément de réponse à ne pas négliger.
Pour votre information, je rentre du Forum de Dakar avec nos collègues Perrin et Cazeau où le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a annoncé la création dans cette ville d'une école de cybersécurité qui aura pour vocation de former des spécialistes originaires de toute la région.
Enfin, nous devrions nous poser la question de la souveraineté numérique au niveau européen. J'avais déposé une proposition de résolution pour créer une commission d'enquête sur nos liens Microsoft qui sont un élément de vulnérabilité considérable au niveau européen et français. Il y a eu de nombreux problèmes d'attaques à travers ces logiciels et nos gouvernements et nos administrations continuent à les utiliser, alors que nous prônons une autonomie stratégique européenne. A contrario, il faut s'en féliciter, la gendarmerie travaille avec des logiciels libres et ses applications sont moins vulnérables.
M. Rachel Mazuir. - Jean-Marie Bockel et notre collègue Jacques Berthou avaient réalisé un travail remarquable en 2012.
La préservation de notre souveraineté est un enjeu majeur surtout dans le contexte européen actuel, mais il est important qu'il y ait une information fluide entre les Etats sur les cyberattaques dès leur détection. Le cyberespace n'a guère de frontière ; en anticipant la détection, on peut mieux se prémunir.
S'agissant de la formation des ingénieurs et m'appuyant sur des exemples étrangers, peut-être faut-il être plus incitatif, par un système de bourses par exemple.
Sur l'organisation de la cybersécurité, le périmètre du Commandement Cyber est très circonscrit, c'est celui du ministère des armées (hors services de renseignement). En revanche, celui de l'ANSSI est très large puisqu'elle intervient vis-à-vis des administrations de l'Etat, mais aussi des opérateurs d'importance vitale, 219 entités dans les secteurs les plus divers et doit mener une politique de sensibilisation et d'appui pour toute la société : entreprises, collectivités....La cybersécurité nous concerne tous dès lors que nous sommes connectés, nous devenons vulnérables et potentiellement victimes de cybercriminels.
M. Olivier Cadic. - Le Sénat a, en effet, joué un rôle de lanceur d'alerte dans le domaine de la cybersécurité comme Jean-Marie Bockel l'a souligné.
Je voudrais préciser, en réponse à Isabelle Raimond-Pavero, que les crédits de l'ANSSi progressent dans le projet de loi de finances pour 2019, simplement la commission des finances va déposer un amendement pour les réduire. Nous estimons que ce n'est pas une bonne idée. L'effort de l'ANSSI doit être soutenu. C'est une priorité. Donc, je partage son inquiétude.
Vis-à-vis des entreprises, il faut distinguer les opérateurs d'importance vitale (OIV) sur lesquels pèsent des obligations réglementaires d'assurer leur cybersécurité, des autres entreprises pour lesquelles l'ANSSI n'intervient que pour sensibiliser et favoriser l'émergence de produits et de services dont elle soutient le développement, qu'elle référence et labellise.
Pour répondre à Richard Yung, l'organisation française préserve l'autonomie des armées, notamment sur le volet opérationnel de leur cybersécurité, dont la confidentialité doit être préservée et qui relève du Commandement Cyber et les autres secteurs de l'Etat qui relèvent de l'ANSSI. Cette répartition présente aussi un grand avantage par rapport à l'organisation adoptée dans d'autres pays dans lesquels la cybersécurité relève des agences techniques de renseignement, notamment en ce qu'elle ne provoque aucune ambiguïté quant aux interventions de l'ANSSI et les rend plus faciles. Lorsque je rencontre des interlocuteurs dans ce domaine et que nous abordons ces sujets, j'ai tendance à leur dire que si cette organisation leur convient, s'ils y sont confortables et si elle leur permet d'agir avec efficacité, c'est qu'elle est pertinente. Pour autant, il ne faut pas en faire un totem et il faudra savoir la faire évoluer si elle perd en efficacité.
S'agissant de la réserve de cyberdéfense, j'étais récemment à Rennes au Commandement Cyber et me suis entretenu avec les responsables en charge des réserves. Effectivement, comme l'a rappelé Joëlle Garriaud-Maylam, il y a un nombre important de réservistes citoyens. C'est encourageant, mais il faut déterminer les missions susceptibles de leur être confiées et réaliser l'adéquation entre les missions, les profils et leur disponibilité. Un travail de réflexion et d'organisation est en cours.
S'agissant de la gendarmerie et de la police, elles prennent résolument le virage de la numérisation avec le déploiement de terminaux sécurisés dans le cadre du dispositif NéO avec le concours de l'ANSSI.
Dans le domaine capacitaire européen, un partenariat public-privé dédié à la cybersécurité a été lancé par la Commission avec pour objectif de générer 1,8 milliard d'euros d'investissements via l'effet de levier de 450 millions de fonds alloués au programme pour la recherche et l'innovation afin d'améliorer la résilience de l'Europe et de renforcer la compétitivité des entreprises européennes du secteur de la sécurité numérique.
Enfin, il a été cité une marque de logiciel grand public américaine, ce n'est sans doute pas la menace principale. Il y a d'autres logiciels vecteurs porteurs de vulnérabilité, y compris certains anti-virus... mais le maillon de vulnérabilité, c'est souvent l'utilisateur avant l'outil, c'est nous quand nous ne mettons pas à jour nos logiciels, quand nous n'installons pas de VPN (virtual private network) sur nos portables lorsque nous nous rendons à l'étranger... Enfin, il ne faut pas méconnaître la diversité des menaces en ce qui concerne notre indépendance et notre autonomie dans ce domaine, notamment dans la compétition économique. N'oublions pas que les entreprises françaises peuvent se développer aux États-Unis, c'est rarement le cas en Chine. Enfin, nous aurons l'occasion d'entendre M. Sarts, responsable du centre d'excellence de l'OTAN, le 19 décembre qui pourra nous présenter un panorama des menaces du point de vue de cette organisation.
M. Jean-Marie Bockel. - Simplement, pour compléter les propos des rapporteurs sur l'organisation française, elle est plus récente donc a su éviter les pièges des modèles antérieurs. Elle est excellente d'un double point de vue. D'un point de vue militaire, elle comprend les volets défensif et offensif qui vont de pair et donnent une capacité complète à nos armées. D'un point de vue fonctionnel, elle ne suscite pas de rivalités, bien au contraire. Il est significatif que les lois de programmation militaire servent de véhicules pour les avancées législatives renforçant les compétences et les moyens d'action de l'ANSSI.
M. Christian Cambon, président. - Nous allons procéder au vote sur les crédits de la mission qui font l'objet d'un avis favorable des rapporteurs.
La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission «Direction de l'action du Gouvernement », les sénateurs du groupe CRC s'abstenant.
Questions diverses
M. Christian Cambon, président. - Mes chers collègues, pour votre information, le Bureau de la commission a désigné le 7 novembre dernier les rapporteurs et les missionnaires pour les missions de la commission en 2019 :
Turquie : MM. Ladislas Poniatowski et Jean-Marc Todeschini, co-rapporteurs, MM. René Danesi, et Claude Haut, missionnaires ;
Colombie : M. Jean-Pierre Vial et Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteurs, MM. Jean-Marie Bockel et Joël Guerriau, missionnaires ;
ONU : M. Robert del Picchia, vice-président, conduira la délégation qui sera composée de Mme Isabelle Raimond-Pavero, M. Olivier Cadic, et de M. Pierre Laurent ou Mme Christine Prunaud ;
Jordanie : MM. Gilbert Roger et Olivier Cigolotti, co-rapporteurs, M. Hugues Saury et un sénateur Les Républicains, missionnaires ;
Europe de la défense (Pays-Bas, Pologne, Italie, Allemagne) : M. Ronan Le Gleut et Mme Hélène Conway-Mouret, co-rapporteurs ;
Innovation défense (déplacement en Corée ?) : MM. Cédric Perrin et Jean-Noël Guérini, co-rapporteurs.
Coopération parlementaire : pour les réunions PSDC-PESD, une délégation de 3 sénateurs sera conduite par M. Joël Guerriau, et composée des deux rapporteurs de la mission « Europe de la défense » (Mme Hélène Conway-Mouret et M. Ronan Le Gleut), et participera à l'une des deux réunions de l'année 2019, au choix (Roumanie ou Finlande).
Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Aide publique au développement » - Programmes 110 « Aide économique et financière au développement » et 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » - Examen du rapport pour avis
M. Jean-Pierre Vial, co-rapporteur. - Le budget de la mission « Aide publique au développement (APD) » pour 2019 doit être replacé dans le contexte de la progression annoncée des moyens consacrés à cette politique au cours des quatre prochaines années.
En juillet 2017, le président de la République a en effet annoncé que l'aide française atteindrait 0,55% du revenu national brut (RNB) en 2022, contre 0,43% actuellement, soit une progression de 11 à environ 15 milliards d'euros.
La progression annoncée ne concerne pas seulement la mission budgétaire « Aide publique au développement », qui ne représente qu'un tiers de l'APD française. Les prêts de l'AFD ou les frais engagés pour les étudiants issus des pays en développement au sein des universités françaises, par exemple, entrent également dans l'APD totale. La mission budgétaire doit cependant contribuer de manière importante à la progression prévue.
En 2019, la progression sera ainsi de près de 300 millions d'euros en crédits de paiement.
En réalité, cette augmentation comprend un changement de périmètre. En 2018, un montant de 270 millions d'euros en provenance de la taxe sur les transactions financières (TTF) avait été directement affecté à l'AFD par un amendement des députés. Cette année, ce montant de TTF est reversé au budget général tandis qu'une somme identique a été imputée à la mission budgétaire « aide publique au développement ». L'augmentation réelle n'est donc que de 130 millions d'euros environ.
En revanche, en autorisations d'engagement, la mission progresse de plus de 1,8 milliard d'euros, soit une progression de 67%.
Au total, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. À moitié vide si l'on observe que l'APD stagnera à 0,43% du RNB en 2019. Un peu comme pour la programmation militaire, l'effort devra donc être beaucoup plus important les années suivantes pour atteindre les 0,55%. À moitié plein, si l'on considère que les crédits de l'aide au développement augmenteront tout de même de manière significative alors que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères devra au contraire faire des économies.
J'en viens au détail de la progression des crédits au sein des programmes 209 et 110.
Au sein du programme 209, l'augmentation prévue vient notamment abonder les capacités dont dispose l'AFD pour faire des dons. En effet, l'AFD recevra un milliard de crédits supplémentaires en autorisations d'engagement, soit environ 1,32 milliard d'euros au total. C'est considérable.
En 2022, l'AFD devrait consacrer un quart de ses engagements annuels, qui seront alors de 18 milliards d'euros, à des dons, alors qu'aujourd'hui ce n'est que 15% de 10 milliards, le reste étant des prêts. C'est un véritable changement de modèle. Ce nouveau modèle sera, à n'en pas douter, plus coûteux. Au cours des dix dernières années, en effet, la diminution des crédits budgétaires consacrés à l'aide au développement a été masquée par l'augmentation des prêts de l'AFD, avantageusement comptabilisés en tant qu'aide publique au développement par l'OCDE. C'était un modèle peu dépensier, mais aussi sans doute peu efficace pour aider les pays les plus pauvres. Ceux-ci ne pouvaient pas bénéficier, en effet, des prêts de l'AFD, même les prêts bonifiés.
Désormais, la France va se rapprocher progressivement du modèle allemand et surtout du modèle britannique, qui consacrent beaucoup plus de moyens aux dons. Le contrôle et l'évaluation devront en être d'autant renforcés.
Ceci devrait notamment redonner des marges de manoeuvre pour des projets dans les secteurs sociaux, alors que les prêts de l'AFD se concentrent actuellement en majorité sur des projets d'infrastructure dans les pays émergents.
Au sein de cette augmentation des dons, nous nous félicitons plus particulièrement de l'intensification de l'aide en matière d'éducation de base. Alors que la contribution française au Partenariat mondial pour l'éducation (PME) s'est montée à seulement 8 millions d'euros en 2016 et 2017, elle s'élèvera à 26 millions d'euros en 2019. L'intérêt pour nous du Partenariat mondial pour l'éducation réside notamment dans les effets de levier avec les subventions de l'AFD, ce qui contribue à la préservation de notre dispositif bilatéral d'éducation dans nos pays prioritaires. L'AFD est ainsi délégataire de fonds du PME pour des montants très significatifs au Burkina Faso, au Burundi, au Sénégal et elle s'apprête à l'être au Niger. Notons également que le partenariat mondial pour l'éducation a engagé plus de 250 millions de dollars dans les pays du G5 Sahel depuis 2013.
Il était incompréhensible que la France sorte de ce secteur qui représente à la fois un des instruments essentiel de sortie de la pauvreté et un levier pour notre influence, en particulier dans les pays francophones.
Autre point positif, le doublement du montant de la Facilité « Vulnérabilité et réponse aux crises », dont nous avions souhaité la création en 2016, qui va passer de 100 à 200 millions d'euros. C'est un élément important de la fameuse « approche globale » car elle doit permettre de mettre en place des projets rapides au plus près du terrain dans les pays en crise, notamment au Sahel. En réalité, cette nouvelle enveloppe n'est pas la « solution miracle ». Nous nous heurtons toujours au problème du financement de la défense et de la sécurité des pays pauvres. Bien qu'essentiels à la stabilité des pays, donc à leur développement, les financements en matière d'aide militaire n'entrent pas, c'est compréhensible, dans la comptabilisation de l'aide au développement. En revanche, il faudrait financer davantage de sécurité intérieure. Comme le dit l'OCDE dans un rapport sur ce sujet : « Actuellement, peu d'organismes oeuvrant dans le domaine du développement possèdent des compétences adéquates concernant les questions de sécurité ». Or nous avons la chance d'avoir un organisme, Expertise France, qui possède des compétences reconnues dans ce domaine. Il nous paraît donc impératif qu'Expertise France puisse continuer à agir dans ce secteur une fois qu'elle sera rattachée à l'AFD.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteure. - Mon collègue ayant évoqué la progression des dons, je souhaiterais en premier lieu commenter la hausse des prêts de l'AFD prévue pour 2019.
Comme nous l'avons vu la semaine dernière, les engagements financiers de l'AFD passeront de 10,3 milliards d'euros en 2017 à 14 milliards d'euros en 2014 et près de 18 milliards d'euros en 2022. Malgré la progression des dons, la majorité de ces engagements resteront des prêts. Le programme 110 comporte ainsi une augmentation de plus de 600 millions d'euros des crédits de bonification permettant à l'AFD de placer des prêts bonifiés.
À cet égard, il faut souligner qu'en 2018, la liste des premiers pays de destination des prêts de l'AFD comprend quasi-exclusivement des émergents et des grands émergents, qui peuvent accéder à des financements aux taux du marché. Les ministères de tutelle en défendent le bien-fondé en faisant valoir qu'ils contribuent à faire entrer ces pays dans une trajectoire de développement durable compatible avec l'Accord de Paris, et qu'ils ne coûtent rien à l'Etat. Ils permettraient également à la France de renforcer son influence et de créer un environnement favorable aux entreprises françaises.
S'ils sont valables, ces arguments ne doivent pas, selon nous, interdire tout débat sur le choix des pays que nous soutenons. Par exemple, on sait que la Chine, l'un des premiers emprunteurs de l'AFD, mène une intense politique de construction d'infrastructures en Afrique, sans se conformer aux contraintes que nous nous imposons à nous-même en matière d'endettement des pays, de normes sociales ou environnementales et de promotion d'une gouvernance transparente. Il apparaît donc légitime de s'interroger.
Par ailleurs, comme nous l'avons vu à l'occasion de l'examen du COM, de nombreux pays émergents éprouvent actuellement des difficultés à emprunter. En outre, plusieurs États africains voient actuellement leur endettement progresser de manière inquiétante. Ce sont des interrogations supplémentaires qui pèsent sur la politique de prêts de l'AFD, que nous devrons donc examiner avec vigilance au cours des prochains mois.
Je souhaiterais, dans un second temps, évoquer la progression des engagements français en faveur du climat.
La lutte contre le changement climatique implique un changement conceptuel pour l'aide au développement : d'une certaine façon, comme le déclare le nouveau plan d'orientation stratégique de l'AFD : « nous sommes désormais tous des pays en développement », puisque tous les pays s'efforcent désormais d'accomplir une transition vers une économie durable.
Je rappelle que l'une des propositions du rapport « Climat : vers un dérèglement géopolitique ? », de Cédric Perrin, Leïla Aichi et Éliane Giraud, préconisait, je cite d'« OEuvrer auprès des pays bailleurs nationaux et des organismes internationaux afin qu'ils s'interdisent tout financement de projets d'extraction, de production ou recourant à une consommation excessive d'énergies carbonées et les inciter à promouvoir et à financer les projets utilisant des énergies renouvelables ou utilisant des technologies propres ». Nous pouvons nous féliciter que l'aide au développement française, pour ce qui la concerne, ait réellement pris ce tournant.
Le président de la République a ainsi annoncé en septembre 2015 que les financements français pour le climat en faveur des pays en développement passeraient de 3 milliards d'euros en 2015 à 5 milliards d'euros en 2020.
Si la volonté et les objectifs sont ainsi en place, qu'en est-il des instruments ? C'est ici que le bât blesse, car la complexité empêche toute lisibilité en la matière, d'autant que seule une petite partie de ces financements apparaissent dans le budget.
Il y a d'abord l'action de l'AFD. En 2017, avec 4 milliards d'euros de financements ayant un « co-bénéfice climat » selon le jargon de l'agence, l'AFD est le fer de lance de notre action en faveur du climat au niveau bilatéral ; pour donner une idée, l'action de l'AFD a permis d'éviter l'équivalent de 0,01% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. C'est un bon début...
La France contribue également pour 25 millions d'euros, par le biais du programme 110, au fonds français pour l'environnement mondial (FFEM). Enfin, le ministère de l'économie et des finances soutient, par l'intermédiaire de prêts du Trésor très concessionnels, des projets d'infrastructures dans le domaine du changement climatique. Ainsi, en 2017, un prêt a été octroyé au Maroc pour un montant de 128,1 millions d'euros pour la fourniture de 30 locomotives électriques.
S'agissant maintenant du multilatéral, on observe un véritable empilement des institutions, des fonds et des « fenêtres climatiques », ce qui rend difficile la mise en lumière de la contribution française, pourtant très importante. L'aide multilatérale française sur le climat s'oriente ainsi, depuis 2015, principalement vers notre contribution au Fonds vert pour le climat, à hauteur de pas moins de 775 millions d'euros sur la période 2015-2018. Cette contribution prend essentiellement la forme d'un don de 432 millions d'euros et d'un prêt à taux zéro de 285 millions d'euros porté par l'AFD, bonifié et garanti par l'État. Il s'agit donc d'un engagement massif de notre pays, toutefois impossible à retracer avec les seuls documents budgétaires, puisqu'il passe par le fonds de solidarité pour le développement (FSD) et par l'AFD.
En outre, la France a été l'un des États à l'origine de la création du Fonds pour l'environnement mondial (FEM), dont environ 20% des financements concernent le climat. La France, quatrième contributeur, s'est engagée sur la période 2018-2022 à apporter 300 millions de dollars à ce fonds.
Aux côtés de ses partenaires du G8, notre pays a en outre apporté en 2010 une contribution de 500 millions de dollars au Fonds pour les technologies propres (CTF), géré par la Banque mondiale. La France a également contribué au Fonds d'adaptation à hauteur de 5 millions d'euros en 2015 et au Fonds pour les pays les moins avancés à hauteur de 25 millions d'euros sur 2016-2017. Enfin, de multiples banques de développements multilatérales auxquelles la France contribue développent elles-aussi des instruments pour le climat.
On le voit, se pose de manière urgente la question de l'organisation, de la complémentarité et de la lisibilité des financements climat. Il nous semble en tout cas positif que, compte tenu du lancement du Fonds vert, la France envisage avec plusieurs autres pays donateurs de mettre fin au CTF, qui en était le précurseur.
Il serait donc souhaitable que les financements multilatéraux en faveur du climat convergent progressivement vers le Fonds vert. Toutefois, ce fonds n'est pas la panacée. On observe en effet qu'il a beaucoup de mal à décaisser ses financements et que ses procédures sont très longues. Il faudra donc réfléchir l'année prochaine, dans le cadre des discussions du G7 à Biarritz, à une amélioration de la gouvernance et des procédures du Fonds vert.
Enfin, je souligne que cette interrogation sur la lisibilité de la politique de lutte contre le changement climatique peut être étendue à l'ensemble de notre aide. Deux remarques complémentaires à cet égard.
Premièrement, la maquette budgétaire est toujours aussi confuse, puisqu'aucune logique ne préside à la répartition des crédits entre le programme 209 et le programme 110. Les ministères travailleraient à une nouvelle répartition pour l'année prochaine, par exemple en séparant le bilatéral et le multilatéral, les dons et les prêts. Ceci contribuerait utilement à la lisibilité de notre aide.
Deuxièmement, il est toujours aussi difficile de cerner l'ensemble de l'APD française. Les vecteurs budgétaires et non budgétaires sont si nombreux qu'il est paradoxalement très difficile de savoir précisément lesquels de nos financements contribuent à cet objectif des 0,55% que nous sommes censés atteindre en 2022. Il serait donc souhaitable que nous disposions d'une liste consolidée de tous ces financements.
M. Jean-Pierre Vial, co-rapporteur. - Sous réserve de l'ensemble de ces remarques, compte tenu de la progression des crédits et singulièrement de celle des dons, que nous avions préconisée de longue date, nous vous proposons de donner un avis favorable aux crédits de la mission APD pour 2019. Cet avis favorable lié directement à l'augmentation budgétaire souhaitée ne saurait être toutefois un satisfecit sans réserve pour l'aide au développement, une semaine après le rapport adopté par notre Commission sur le COM et dans l'attente du débat sur le projet de programmation de l'aide au développement prévu en 2019. Il y a une semaine notre collègue, Marie-Françoise Perol-Dumont, rappelait l'interrogation posée par les rédacteurs d'un précédent rapport sur : « L'aide sans développement ». Le récent rapport remis au Président de la République par notre collègue, le député Hervé Berville, ne peut que nous interpeller plus fortement encore quand il parle de « la fragmentation budgétaire de la mission aide publique au développement » et de ses conséquences directes sur l'évaluation, le suivi de performance et l'analyse des résultats.
Le rapport évoque « une politique scrutée mais au dispositif d'évaluation morcelée » et, de surcroît, un « déficit de transparence » conduisant l'ONG Publish What You Found à classer la France au 32ème rang sur 45 en la matière, sans parler de la gouvernance politique de l'aide au développement dont le budget est équivalent, voire supérieur, à celui de ministères de plein exercice.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteure. - Sans avoir aucune divergence avec mon collègue sur les orientations que nous avons présentées, mais compte tenu de la budgétisation des 270 millions d'euros de TTF, qui diminue la part de cette taxe affectée à l'aide au développement, j'indique que les membres du Groupe socialiste s'abstiendront.
M. Christian Cambon, président. - Une nouvelle fois, je m'étonne des sommes très importantes que nous versons aux fonds multilatéraux, comme le Fonds mondial Sida ou le Fonds européen de développement (FED), dont les délais de décaissements peuvent atteindre, pour ce dernier, 5 à 6 ans, alors que nous ne disposons pas d'évaluations suffisantes de l'efficacité de ces fonds.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. - Puisque la France augmente son budget d'aide publique au développement, il serait important de mieux le piloter : ne serait-il pas souhaitable d'avoir une loi de programmation ? Par ailleurs, 32 députés avaient réclamé le retour d'un secrétariat d'Etat, est-ce possible et souhaitable ?
M. Olivier Cadic. - La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), auprès de laquelle je me suis rendu, fonctionne bien : il existe aussi des exemples positifs en matière d'aide multilatérale. La Chine gagne aujourd'hui des marchés d'infrastructure, y compris en Europe, à des prix qui suggèrent l'existence de subventions de l'Etat chinois. Est-il vrai que la Chine bénéficie toujours de prêts de l'AFD ? Quel est le montant de ces prêts ?
Mme Christine Prunaud. - L'endettement des pays africains est préoccupant. Il y a une opacité de l'utilisation des fonds. Un exemple me chagrine : le fait que la TTF finance en partie la Turquie, pour la gestion des migrants, dans le cadre de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie. En quoi est-ce de l'aide au développement ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Nous n'avons pas les moyens de contrôler vraiment ce budget. Nous avons appris qu'il y avait eu un don de 50 millions d'euros à la Gambie, comme le ministre des affaires étrangères nous l'a confirmé. Il faut soutenir ce type de pays, mais n'oublions pas que l'on réduit en même temps de 110 millions d'euros le budget du ministère des affaires étrangères. On impose aussi une réduction de 2,8 millions d'euros à TV5 monde et à France Médias Monde (FMM) : l'AFD ne peut-elle pas apporter son soutien ?
M. André Vallini. - Nous versons effectivement beaucoup d'argent à ces fonds multilatéraux qui font sans doute du bon travail mais dans l'opacité. Quant à moi, sur ce budget, je vois le verre à moitié vide : avec une augmentation de 130 millions d'euros en crédits de paiement sur les 5 milliards nécessaires pour atteindre les 0,55% du RNB en fin de quinquennat, les dernières marches seront vraiment très hautes. Lorsque le Président Macron annonce un milliard d'euros de crédits de plus, il s'agit d'autorisations d'engagement ! Par ailleurs, j'ai signé une tribune avec des parlementaires de tous bords : l'année dernière, 50% de la TTF, soit 800 millions d'euros, sont allés à l'aide au développement : 530 millions au FSD et 270 millions à l'AFD. Cette année, le Gouvernement supprime l'affectation à l'AFD, certes en la budgétisant, mais rien ne garantit qu'il en sera de même l'année prochaine. Beaucoup de parlementaires tiennent à l'affectation de ces taxes qui permettent d'avoir une visibilité à long terme sur les crédits disponibles pour l'APD. Nous ferons donc un amendement pour rétablir l'affectation à l'AFD ou au FSD. Le groupe socialiste s'abstiendra sur ce budget.
M. Olivier Cigolotti. - Je me suis rendu récemment au Burkina Faso et au Togo. Dans ces pays, nous devenons des petits poucets : la Chine réalise directement des grandes infrastructures et bénéficie de marchés sans passer par une mise en concurrence. L'aéroport de Lomé a ainsi été confié à des Chinois sans mise en concurrence et Aéroport de Paris n'a donc pas pu présenter d'offre.
M. Jean-Marie Bockel. - J'aurais volontiers signé cette tribune sur la TTF si on m'avait sollicité. Faut-il un secrétaire d'Etat ? Oui, il serait intelligent de le rétablir. Les britanniques avaient créé un ministère distinct à l'époque de Tony Blair, ce qui avait été un geste politique fort. Le fait qu'il n'y ait pas aujourd'hui de poste ministériel est dommageable. Avec une AFD qui monte en puissance, ce serait préférable.
M. Jean-Pierre Vial, co-rapporteur. - Nous rentrons bien là dans le fond de la cale ! Il est bien prévu qu'une nouvelle loi d'orientation et de programmation soit déposée l'année prochaine. Au moment où le Président de la République a pris l'engagement des 0,55%, la question se pose : peut-on avoir des moyens d'APD qui augmentent fortement alors que les crédits de nos médias internationaux et de la francophonie baissent ? Il faut en tout cas approfondir l'évaluation des projets. Ce matin je recevais un expert sur la Syrie, qui a eu à évaluer des projets de l'AFD mais aussi des projets menés par des agences allemandes et anglaises en Syrie. Celles-ci emploient beaucoup moins d'agents que l'AFD car elles recrutent des vacataires et des experts pour chaque mission, ce qui permet aussi de juger les personnes sur la mise en oeuvre des projets avant de renouveler ou non leur mission.
L'AFD doit continuer à faire des prêts, mais elle doit effectivement davantage mettre l'accent sur les dons.
S'agissant de la gouvernance, il est frappant que l'AFD soit finalement placée directement sous le pilotage du Président de la République, qui préside désormais un conseil d'orientation du développement, puis, au niveau interministériel, du CICID, qui se réunit très peu fréquemment. Les ministères de tutelles ne jouent pas un rôle important dans ce dispositif : sous le CICID, on passe directement au Conseil d'administration de l'AFD.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteure. - L'AFD est bien un outil, un levier au service de la politique de la France. Nous sommes par ailleurs favorables à la création d'un secrétariat d'Etat de plein exercice. Concernant la Chine, depuis 2004, l'AFD a engagé 1,3 milliard d'euros dans ce pays, et les dépenses d'APD en dons ont été de 100 millions d'euros en 2017. Lors de la loi de programmation, il nous faudra examiner cette question de l'affectation géographique de nos dépenses d'aide au développement.
Dans les pays excessivement endettés, il faut effectivement recentrer notre aide vers les dons. Sur la TTF, il faut garder la plus grande vigilance. Concernant France Médias Monde, l'AFD pourrait sans doute effectivement soutenir certains projets dès lors qu'ils relèvent de l'aide au développement.
M. Richard Yung. - Je ne partage pas le point de vue du rapporteur sur la gouvernance de l'aide au développement. Il est positif que le Président de la République se préoccupe de ce sujet. La suppression du ministère de la coopération avait un sens politique : montrer que notre politique à l'égard de l'Afrique relevait désormais des relations extérieures normales. Par ailleurs, les ministères des affaires étrangères et des finances sont bien présents au Conseil d'administration de l'AFD, qui n'est pas un bateau ivre ! Enfin, le vrai problème des interventions chinoises, c'est la corruption qu'elles véhiculent.
M. Jean-Pierre Vial, co-rapporteur. - Je ne dis pas qu'il est mauvais que l'aide publique au développement et l'AFD bénéficient d'un Conseil au niveau présidentiel, au contraire. Nous pouvons, je crois, tous souscrire au triptyque du Président de la République : plus de moyens, réorienter sur les pays les plus pauvres et des actions plus efficaces. Mais il n'y a rien d'extraordinaire à évaluer le management et l'efficacité de l'AFD, comme de n'importe quelle autre structure.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteure. - L'AFD fait son travail, notre souhait est simplement de remettre le politique là où il doit être. Les créatures, les agences, ne doivent pas échapper à leurs créateurs, les décisionnaires politiques. En matière l'APD, le présent Gouvernement mérite plutôt d'être salué, dès lors que la trajectoire sera respectée.
M. Christian Cambon, président. - On revient toujours à l'importance de l'évaluation et du contrôle, qui sont au coeur de la feuille de route du Parlement, mais qui sont particulièrement difficile à exercer dans ce domaine de l'aide au développement. Il est donc nécessaire d'insister sur l'évaluation. Au Royaume-Uni, nous avions pu observer le caractère très sérieux et très sévère des évaluations menées par des partenaires privés sur les projets d'APD. Des décisions importantes ont pu en découler, comme le choix de ne plus aider l'Inde.
La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement », le groupe socialiste et républicain s'étant abstenu et le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ayant voté contre.
Projet de loi de finances pour 2019 - Mission « Action extérieure de l'Etat » - Programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » - Examen du rapport pour avis
M. Christian Cambon, président. - Nous poursuivons l'examen des avis de la commission sur le projet de finances pour 2019, par celui portant sur le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ». Cet avis ne fera pas l'objet de vote, celui-ci étant réservé jusqu'à la semaine prochaine, après l'examen des deux autres programmes de la mission « Action extérieure de l'Etat », le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » et le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ».
M. Rachid Temal, co-rapporteur pour avis. - Il s'agit d'un programme essentiel puisqu'il concerne le service public destiné aux Français de l'étranger. Pour 2019, les crédits du programme 151, qui financent les dépenses du réseau consulaire, s'établissent à 374,24 M€, en augmentation de 1,5 % par rapport à 2019. Mais dans le détail, ce n'est pas si simple.
En effet, cette hausse est liée à une progression significative (+4 %) des crédits de personnel qui constituent une part importante (238,3 M€ sur 374,24 M€) de ce programme. Or, cette progression intervient en 2019 malgré une diminution du schéma d'emploi (puisque le programme perd 37 postes équivalents temps plein). Elle est liée, pour l'essentiel, à une remise à niveau du titre 2 après une sous-budgétisation en 2018 (due à des effets de change et de prix), ainsi qu'à l'impact du glissement vieillesse technicité, qui est un facteur mécanique.
Pourtant, le programme 151 contribuera bien en 2019, comme les autres, à l'effort de réduction de 10 % de la masse salariale à l'étranger demandé à la mission « Action extérieure de l'Etat » d'ici 2022. Ainsi, comme je l'ai dit, le programme 151 supprimera 37 emplois en 2019, objectif qui sera atteint par de nouvelles mesures de rationalisation du réseau : transfert au Service central de l'état civil à Nantes de la transcription des actes d'état civil réalisée dans certains postes (Suisse, Luxembourg), allègement des effectifs des postes à gestion simplifiée, voire suppression pure et simple de ces postes (Alexandrie, Karachi, Bilbao, Thessalonique). Contribueront aussi à la baisse des effectifs l'externalisation du traitement des demandes de visas (Azerbaïdjan, Biélorussie) et la réduction de l'activité « visas » dans certains postes (Géorgie, Ukraine du fait de l'exemption des visas de court séjour Schengen). Enfin, la réduction de la masse salariale pourra aussi être obtenue par la transformation de postes d'agents titulaires en postes d'agents de droit local, ce qui peut avoir des conséquences pour l'évolution des carrières des personnels et pour leurs familles. Pour des raisons évidentes de sécurité, cette manoeuvre « d'ADLisation » ne devra pas concerner nos postes les plus sensibles. On relèvera aussi l'extinction quasi-totale de la compétence notariale des postes en 2019 et la suppression définitive de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) qu'ils organisaient - plus ou moins - pour les jeunes Français de l'étranger, ce qui est, bien évidemment, un choix politique.
Hors titre 2, les crédits du programme 151 pour 2019 s'établissent à 135,95 M€, en diminution de 2,6 %.
Ce montant comprend une dotation de 105,3 M€ destinée aux bourses scolaires, en baisse de 5 M€ par rapport à 2018, mais qui pourra être complétée au besoin, comme les années précédentes, par un prélèvement sur la soulte de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger qui, grâce à des effets de change favorables, a pu se reconstituer (son montant est estimé à 14,1 M€ fin 2018). A cet égard, il faut avoir en tête l'objectif du Président de la République de doubler le nombre d'élèves dans le réseau et les questions qu'il soulève.
Les crédits hors titre 2 du programme 151 comprennent également des crédits d'intervention qui, cette année, bénéficient en apparence d'une légère augmentation (+2,7 %), à 18,1 M€. Néanmoins, ces crédits intègrent pour la première fois cette année une enveloppe de 2 millions d'euros destinée au nouveau dispositif du Soutien au tissu associatif des Français à l'étranger (STAFE) sur lequel je vais revenir. Ces crédits d'intervention permettent aux postes consulaires d'allouer des aides aux Français en difficulté (13,3 M€), de subventionner une douzaine de centres médico-sociaux, principalement en Afrique, d'aider des organismes de bienfaisance, de soutenir l'adoption internationale ou encore de financer les rapatriements sanitaires, qui ont tendance à se multiplier, surtout dans l'espace européen. Notons cependant que les craintes exprimées l'an passé concernant l'entrée en vigueur de la directive « protection consulaire » au printemps 2018 ne se sont pas concrétisées, aucune demande de rapatriement dans ce cadre n'étant notamment intervenue. Il faut, bien sûr, rester prudent et se donner plus de temps pour apprécier les effets sur notre réseau de cette directive. Enfin, il faut évoquer les crédits prévus au titre du STAFE (Soutien au tissu associatif des Français à l'étranger), dispositif décidé à l'automne dernier pour compenser la suppression de la réserve parlementaire. Le montant prévu (2 millions d'euros) est cependant bien inférieur à celui que les Français de l'étranger percevaient au titre de la réserve parlementaire. En outre, ces crédits sont distribués sur la base d'appels à projets sur lesquels les conseillers consulaires et les conseillers de l'AFE sont consultés, les parlementaires étant, en revanche, tenus à l'écart de la procédure, ce qui pose problème d'un point de vue démocratique.
J'ajouterai que sur les bourses et l'aide sociale, il me semblerait opportun de mener un jour une étude approfondie permettant d'examiner le mode de calcul et l'exactitude des chiffres qui nous sont présentés.
Enfin, le programme 151 comprend divers crédits de fonctionnement, pour un montant total de 12,6 millions d'euros (stable par rapport à 2018). Parmi ces crédits, il faut relever une hausse importante de l'enveloppe prévue pour les élections (+2,6 M€, soit 3,7 M€ en tout) dans la perspective des élections européennes du printemps 2019. Le coût total de ce scrutin pour les Français de l'étranger est estimé à 5,8 M€, en augmentation par rapport à 2014 du fait du nombre d'électeurs inscrits sur les listes, du poids des envois de propagande électorale dans le contexte désormais d'une circonscription unique (l'estimation budgétée porte sur 20 listes mais il est possible qu'il y en ait davantage), enfin une augmentation de 60 % des tarifs postaux depuis 2014. En cas d'insuffisance des crédits prévus à cet effet, le ministère de l'intérieur versera une contribution au ministère des affaires étrangères en cours de gestion. Parmi les mesures qui devraient faciliter l'organisation du scrutin, il faut noter la possibilité (en vigueur depuis 2015) de transmettre les procurations aux mairies par voie électronique et surtout, pour la première fois, l'intégration des listes électorales consulaires dans le Répertoire électoral unique (REU) qui permet de supprimer le système de la double inscription (possibilité de s'inscrire simultanément sur les listes électorales communales et consulaires). Le vote électronique, dont l'utilisation a été suspendue lors des législatives de 2017 en raison d'un risque de cyberattaque, reste envisagé pour les élections consulaires de 2020 et les élections législatives de 2022, mais ne sera pas applicable pour les élections européennes. Le ministère travaille actuellement à la fiabilisation de cette solution.
On notera aussi une augmentation des crédits destinés au développement de la télé-administration, en vue notamment d'engager le chantier de la dématérialisation des actes d'état civil (avec, à la clé, on l'espère, des économies substantielles puisque 80 % des dépenses du Service central de l'état civil (SCEC) correspondent à des frais d'affranchissement), mais aussi d'autres chantiers numériques (dématérialisation des déclarations de PACS, règlement en ligne des droits de chancellerie, pré-demande en ligne des passeports..). Il est aussi envisagé de mettre en place un centre d'appels disponible 24h/24 pour répondre aux demandes des usagers des services consulaires.
Parmi les autres lignes de crédits de fonctionnement figurent la dotation destinée à l'Assemblée des Français de l'étranger (en légère baisse, à 2,3 M€) et des crédits destinés au fonctionnement du réseau (en baisse de 2,7 M€, du fait du transfert des frais de représentation et de tournées consulaires au programme 105).
M. Jean-Pierre Grand, co-rapporteur pour avis. - J'évoquerai, en ce qui me concerne, trois sujets qui intéressent le programme 151, nos postes consulaires et les Français de l'étranger : l'activité « visas », la situation des ressortissants français au Royaume-Uni dans le contexte du Brexit et le projet de réforme de la représentation des Français de l'étranger
Un mot, pour commencer, sur les visas, qui sont une activité importante et rentable de nos postes. Le nombre de demandes de visas, qui avait légèrement fléchi en 2016 à la suite des attentats perpétrés en 2015, a atteint un record en 2017 (4 millions, soit + 13,5 %), la tendance à la hausse s'étant poursuivie sur 2018. Le nombre de visas accordés progresse parallèlement, malgré un taux de refus en hausse (13,55 % en 2017) en raison d'un renforcement des contrôles visant à prévenir le risque migratoire. Conséquence de l'augmentation constatée, les recettes tirées de l'activité visas se sont élevées à 210,4 M€ en 2017, en hausse de 13,3 % par rapport à 2016 (185,7 millions d'euros). Conformément à un nouveau mode de calcul adopté en début d'année 2018, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a obtenu cette année 25 % de 3 % des recettes collectées, soit 1,38 million d'euros pour financer le recrutement de personnels vacataires. Ces vacations permettent d'apporter des renforts ponctuels appréciables aux postes qui en ont besoin pour le traitement des demandes de visas. On espère qu'avec la progression de l'activité, elles seront au rendez-vous en 2019. Le déploiement de l'application France-Visas, envisagé en 2020, devrait permettre de réduire encore les délais d'instruction, qui sont en moyenne de 4,3 jours en 2017 mais restent variables selon les postes.
Je voudrais maintenant évoquer, comme l'an passé, les conséquences du Brexit sur la situation des quelque 300 000 Français (et plus largement des 3 millions de ressortissants européens) qui résident au Royaume-Uni. Si Londres avait présenté dès juin 2017 une proposition relative aux droits des citoyens de l'UE, celle-ci laissait subsister de nombreux points d'interrogation. Les négociations conduites par la suite ont abouti le 19 mars 2018 à un projet d'accord assez complet. Celui-ci prévoit en effet que les citoyens européens présents à la fin d'une période de transition (soit le 31 décembre 2020) pourront continuer à vivre, travailler ou étudier au Royaume-Uni dans les mêmes conditions que celles prévues actuellement par le droit européen, ceux y ayant résidé pendant cinq ans à cette date pouvant bénéficier du statut de résident permanent. Le droit au regroupement familial serait garanti et les citoyens conserveraient leurs droits sociaux et d'accès aux soins. Au-delà de la période de transition, les droits des citoyens européens dépendront de l'accord sur les relations futures et à défaut, de la législation nationale britannique.
L'entrée en vigueur de cet accord reste cependant conditionnée à l'obtention d'un accord d'ensemble sur le Brexit, qui devait intervenir à l'automne, ainsi qu'à l'accomplissement des formalités de ratification. Or, depuis l'échec du Conseil européen d'octobre, l'éventualité d'un no deal paraît de plus en plus crédible. Quelles mesures à l'égard de nos ressortissants le Royaume-Uni va-t-il prendre dans cette hypothèse? Pour l'heure, nous n'en savons rien.
Quoi qu'il en soit, la Direction des Français de l'étranger et de l'administration consulaire a reçu pour consigne de se préparer à ce scénario. Il s'agira notamment de lancer une campagne de communication adaptée pour informer les ressortissants et leur permettre d'anticiper les démarches à accomplir, suivant les instructions du Home Office britannique. En outre, le Consulat général de Londres serait renforcé pour mieux répondre aux interrogations de nos concitoyens (accueil téléphonique, guichet, traitement des demandes d'actes d'état civil et de passeports...).
Côté britannique, la mise en place de nouvelles procédures administratives sera nécessaire pour l'obtention du statut de résident permanent. Le Royaume-Uni a ainsi prévu d'inaugurer avant la fin de l'année 2018 un dispositif d'enregistrement en ligne pour recueillir les demandes. Mais les associations de citoyens européens résidant au Royaume-Uni sont très inquiètes quant à la capacité de l'administration britannique de procéder sans erreurs à l'enregistrement de tous les citoyens de l'UE avant la date effective du Brexit. Elles s'inquiètent également des orientations futures de la politique migratoire britannique, après les déclarations de la Première ministre Theresa May en faveur d'une immigration choisie.
Enfin, une préoccupation est le traitement qui sera réservé aux quelque quatre millions de ressortissants britanniques qui viennent en France chaque année : seront-ils exemptés de visas? Dans le cas contraire, il faudrait renforcer le poste consulaire de Londres d'un millier d'ETP, un effort hors de portée!
Pour finir, je voudrais évoquer les perspectives de réforme de la représentation des Français de l'étranger, dont le Président de la République avait exprimé le souhait lors de la session d'automne de l'AFE de l'année dernière. Parmi les raisons qui justifieraient une réforme figurent notamment l'insuffisante lisibilité de cette représentation et un turn-over trop important des élus consulaires, qui occasionne, nous dit-on, beaucoup d'élections partielles. La différenciation entre les élus consulaires qui siègent à l'AFE et les autres est aussi parfois mal vécue. Après une consultation des élus et des grandes associations de Français de l'étranger, le secrétaire d'Etat Jean-Baptiste Lemoyne a livré en mars 2018, lors de la 28e session de l'AFE, une première restitution soulignant les points d'accord : nécessité de conserver des élus de proximité élus au suffrage universel direct, de garder aussi une représentation non parlementaire au plan national, de former davantage les élus des Français de l'étranger et de renforcer leurs liens avec les élus parlementaires. Selon le directeur des Français de l'étranger que nous avons auditionné, la réforme, dont les contours définitifs ne sont pas encore arrêtés, pourrait conduire à une réduction du nombre de conseillers consulaires qui sont actuellement, je le rappelle, 442. Le mode de fonctionnement de l'AFE pourrait être revu, une possibilité étant que l'une des deux sessions plénières annuelles soit supprimée et remplacée par une commission permanente réunissant le bureau de l'AFE et les parlementaires, ce qui, à mon sens, pourrait être une bonne chose. Cette réforme ne pouvant intervenir avant celle de la représentation nationale, son calendrier a été décalé et, en tout état de cause, il n'est pas prévu qu'elle entre en vigueur avant les élections consulaires de 2020. Nous suivrons évidemment l'évolution de ce dossier avec la plus grande attention.
Pour conclure, nous ne vous proposons pas d'avis à ce stade car notre vote sur ce programme est réservé jusqu'au vote de l'ensemble de la mission « Action extérieure de l'Etat » la semaine prochaine (mercredi 14 novembre). A titre personnel cependant, il me semble que le processus de rationalisation imposé depuis des années au réseau consulaire ait atteint ses limites. Alors que celui-ci n'a cessé de se moderniser et d'économiser depuis une dizaine d'années, ce qui se profile s'apparente plus à du rabot qu'à une rationalisation vertueuse. Une telle stratégie fragilise le service rendu à nos compatriotes à l'étranger et affaiblit notre influence, qui passe par le maintien d'une implantation matérielle et humaine.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Je remercie les rapporteurs et partage tout ce qui a été dit. Alors que des économies ont été faites ces dix dernières années, le gouvernement propose de réduire la masse salariale du réseau de l'Etat de 10 % en quatre ans, soit de réaliser 110 millions d'euros d'économies, dont 78 millions d'euros sur le seul réseau du Quai d'Orsay. Malgré l'inventivité dont nos ambassadeurs sauront faire preuve pour s'acquitter de cette obligation, il est difficile de penser que cela ne va pas affecter la qualité du service public. Le risque est qu'on fasse davantage appel à des prestataires privés, comme c'est déjà le cas pour la prise de rendez-vous. Nous sommes viscéralement attachés au maintien d'un service public de qualité, composé d'hommes et de femmes très engagés dans leurs fonctions et nous ne souhaitons pas qu'il soit réduit. Un mot sur la réforme envisagée de la représentation des Français de l'étranger. La précédente réforme, que j'avais portée à l'époque en tant que ministre, remonte à juillet 2013. Il me semble que nous n'avons pas assez de recul pour apprécier la mise en oeuvre de cette réforme et qu'il est trop tôt pour modifier le système mis en place. La réforme de 2013 avait permis d'élargir le collège électoral des sénateurs français de l'étranger mais surtout de doter les communautés françaises établies hors de France d'élus de proximité, ce qui constituait une belle avancée. Aujourd'hui, on envisage une réduction du nombre d'élus. Je ne comprends pas l'acharnement mis actuellement à affaiblir la représentation politique, que ce soit en France ou à l'étranger. Certes, des décrets d'application auraient besoin d'être revus, mais cela ne relève pas de la loi. A mon sens, le projet qui est en train d'être élaboré à la direction des français à l'étranger et de l'administration consulaire est guidé par des considérations administratives et ne tient pas compte du point de vue politique. Les élus consulaires font un travail remarquable. Ils sont en outre des bénévoles qui touchent des défraiements minimes. Installés depuis longtemps dans leur pays de résidence, ils sont des relais précieux entre les autorités locales et les communautés françaises, alors que les diplomates, eux, ne sont que de passage.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. - L'an passé, nous nous interrogions sur la fiabilité du dispositif Itinera de recueil mobile des demandes de passeport pour les personnes situées loin des postes consulaires, relayant des critiques sur son coût et ses problèmes techniques. Où en est-on maintenant ?
M. Richard Yung. - A ma connaissance, un nouveau modèle est en train d'être testé. S'agissant des recettes issues des visas, le retour au programme 151 est dérisoire : 1,4 million d'euros, alors que les visas représentent pour l'Etat, sur la base de 40 euros nets par visas, un bénéfice net de 160 millions d'euros. Les effets de ce mécanisme, intéressant dans son principe, ont été habilement réduits. J'aimerais avoir des précisions sur l'évolution des effectifs. Ils seront réduits de 37 équivalents temps plein. Pourtant, il est question pour 2019 d'un transfert de postes des autres ministères vers le ministère des affaires étrangères. Cela va-t-il annuler la baisse ? Quel sera le bilan au final ? Enfin, avez-vous des informations concernant d'éventuelles cessions de bâtiments de postes consulaires ?
M. Édouard Courtial. - Au sujet des visas, avez-vous des indications concernant le « taux de fuite » des demandes vers les consulats d'autres pays ? Lorsque j'étais au gouvernement, le consulat général de Shanghai ne parvenait pas, pour des raisons d'engorgement, à traiter les quelque 7.000 demandes qu'il recevait chaque année, de sorte que les Chinois découragés se tournaient vers le consulat d'Allemagne. Avec pour conséquence qu'au lieu de venir à Paris via Air France pour faire du tourisme et dépenser de l'ordre de 1 000 euros par semaine, ils se rendaient à Berlin via Lufthansa, ce qui représentait un certain manque à gagner pour notre pays. Existe-t-il un indicateur permettant de mesurer un tel phénomène ?
M. Olivier Cadic. - Alors que la population des Français à l'étranger ne cesse de croître, les moyens du réseau consulaire ne cessent de diminuer. Cela implique de revoir l'organisation et les missions des consulats. L'idée d'un centre d'appel centralisant les demandes, que j'avais moi-même émise il y a une dizaine d'année et que la députée Anne Gennetet a récemment reprise dans un rapport est pertinente, ce sera une réelle avancée pour délester les postes consulaires. Avez-vous une estimation de la charge induite par la gestion du STAFE pour les consulats, notamment en termes de moyens humains ? Car il s'agit bien d'une nouvelle mission qui n'est pas anodine : il faut solliciter les associations, examiner les demandes, organiser la concertation... Cela prend du temps, d'autant que les procédures utilisées ne sont pas modernes. Il faudrait évaluer cela. Merci d'avoir évoqué le dossier du Brexit. J'étais récemment à une réunion à Londres avec l'association Les 3 millions (The3Million) à laquelle participaient de nombreux parlementaires britanniques. Personne ne sait ce qui va advenir, l'angoisse est forte, tout est au conditionnel. Concernant la réforme de la représentation des Français de l'étranger, il faut savoir que la France est considérée comme ayant le meilleur système de représentation et qu'elle est dans ce domaine regardée comme un modèle. J'ai cru comprendre que la réforme ne serait pas applicable pour les élections consulaires de 2020, pouvez-vous me confirmer ce point ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Sur la réforme du système de représentation des Français de l'étranger, je rejoins ce qui a été dit par notre collègue Hélène Conway-Mouret, il faut savoir ce que nous voulons. Ce système, mis en place après la deuxième guerre mondiale et développé peu à peu, est admiré et copié par les pays étrangers. De même, j'ai l'impression que le réseau consulaire s'éloigne de la philosophie qui était la sienne à l'origine, celle d'un réseau au service de ses ressortissants, pour se rapprocher de celle du réseau consulaire britannique, qui est davantage au service des intérêts économiques et des voyageurs professionnels. Je ne voudrais pas que la France s'oriente vers ce modèle, même si je reconnais beaucoup de pragmatisme aux Britanniques. Concernant le STAFE, l'enveloppe prévue représente 2 millions d'euros, alors que 3 millions revenaient aux Français de l'étranger dans le cadre de la réserve parlementaire. Alors qu'on nous avait dit que cette somme resterait la même, elle a été en réalité amputée d'un million d'euros. Par ailleurs, beaucoup de dossiers sont refusés par les consulats. Je regrette que la réserve parlementaire ait été abolie et que certains d'entre nous aient soutenu cette suppression. Il aurait mieux fallu en corriger les abus. En plus, les parlementaires sont mis à l'écart, comme ils le sont de l'AFE. C'est aberrant. La mise en place des conseillers consulaires a été un vrai progrès car il y avait un besoin d'élus de proximité. Malheureusement, dans de nombreux pays, ils sont insuffisamment associés par les postes consulaires. Il faudrait renforcer leurs droits, notamment dans les petits pays où les parlementaires se rendent moins souvent. Une autre décision aberrante, qui porte en outre atteinte au principe d'égalité, est la suppression de la JDC pour les jeunes Français de l'étranger. Car s'il y a un endroit où l'on a vraiment besoin d'une JDC, c'est bien à l'étranger. De fait, ce rendez-vous est bien souvent l'unique occasion pour de jeunes Français binationaux résidant loin des consulats et non scolarisés dans les établissements français, d'avoir un contact avec des autorités françaises. En plus, cela ne coûte quasiment rien. Dans le même temps, on renforce le budget destiné à la JDC sur le territoire national. Il y a sûrement moyen d'éviter cette suppression qui est une aberration. Je soulignerai d'ailleurs que certains postes sont très heureux d'organiser ce rendez-vous et en perçoivent tout l'intérêt pour les jeunes en termes de connaissance de la défense de la France et de sensibilisation aux valeurs universelles. Qu'on laisse donc faire les postes qui le font volontiers.
Mme Hélène Conway-Mouret. - A l'appui des propos des rapporteurs, je voudrais citer une phrase tirée d'un récent rapport de la députée Anne Gennetet : « Urgent, élève sérieux recherche solution innovante pour relever un défi majeur pour son avenir. Pronostic vital engagé ». Voilà la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui le ministère des affaires étrangères.
M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis. - Personne ne conteste plus aujourd'hui le rôle essentiel des élus consulaires. Il nous faudra être attentifs à ce que la représentation de proximité des Français de l'étranger soit préservée dans le cadre de la future réforme, car elle permet des relations solides et durables avec nos concitoyens hors de France qui en éprouvent particulièrement le besoin. Pour eux, les conseillers consulaires sont un peu comme les conseillers municipaux, le consulat étant la mairie.
Concernant Itinera, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères développe actuellement un dispositif de 3ème génération « Itinera 3 », qui aura vocation à compléter le parc existant. Développé en interne par la Direction des systèmes d'information, ce dispositif devrait avoir, selon les informations qui nous ont été communiquées, un coût unitaire inférieur à celui des valises de 2ème génération. La DFAE et la DSI travaillent actuellement, en lien avec le Ministère de l'Intérieur et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), à la fiabilisation et à la sécurisation de ces matériels avant d'envisager leur déploiement dans le réseau consulaire.
S'agissant des recettes de visas, selon le nouveau mode de calcul adopté en début d'année, ce sont 3 % des recettes collectées l'année précédente qui reviennent au ministère des affaires étrangères, dont 75 % au profit du programme 185 et 25 % au profit du programme 151. C'est plus favorable car auparavant, quand les recettes baissaient l'année précédente, il n'y avait pas de retour au profit du ministère.
Enfin, pour répondre à M. Edouard Courtial, nous n'avons pas connaissance d'un dispositif évaluant l'ampleur des reports des demandes de visas sur d'autres consulats, il faudra poser la question au ministre.
M. Rachid Temal. - Les effectifs du programme 151 baissent bien de 37 ETP en 2019 et ne sont pas affectés par le transfert au ministère des affaires étrangères d'agents de droit local d'autres ministères et occupant des fonctions support dans nos postes à l'étranger : en effet, ceux-ci seront rattachés au programme 105. Concernant les recettes de visas, je rappelle qu'elles contribuent aussi, via le programme 185, au financement de la politique touristique, dont il n'est pas besoin de souligner l'enjeu pour notre pays. Sur ce volet aussi, le retour de recettes est insuffisant, surtout si l'on compare aux moyens dont cette politique est dotée dans d'autres pays comme l'Espagne. Il faudrait augmenter le taux de retour en faveur des deux programmes du ministère. Sur l'avenir du réseau, c'est d'abord une question d'ordre politique sur le service public. Si l'on considère que les Français de l'étranger ont droit au même service que les autres, il faut y consacrer des moyens suffisants, dans le cas contraire, il faut adapter le réseau (privatisations de certaines activités, mutualisation, à l'exemple du centre d'appel, recentrage des missions...), mais on voit bien les problèmes que cela pose. S'agissant du STAFE, sur la première campagne, 302 projets ont été déposés, dont 46 % étaient dans le champ éducatif, et ¾ d'entre eux, soit 223 projets en tout, ont été retenus, pour un montant de 1,74 million d'euros. La prochaine campagne pour le STAFE sera lancée début janvier 2019, il faudra bien évidemment regarder cela de près. Concernant le Brexit, nous ne savons pas grand-chose et nous partageons les inquiétudes. Sur la réforme de la représentation des Français de l'étranger, selon les informations dont nous disposons, elle ne sera pas appliquée pour les élections consulaires de 2020, elle n'est d'ailleurs pas actée, ne pouvant être conduite avant la réforme de la représentation nationale. S'agissant de la JDC, le directeur des Français de l'étranger nous a dit que son maintien aurait un coût. Pour autant, je partage le point de vue exprimé et considère que ce dispositif permet de maintenir un lien avec les jeunes Français de l'étranger. Pour une raison similaire, je ne suis pas favorable à une diminution du nombre d'élus consulaires.
Pour conclure, je pense qu'il serait intéressant d'approfondir nos travaux sur la question des bourses scolaires et de l'aide sociale, afin de sortir du débat et d'objectiver les problèmes.
M. Jean-Pierre Grand. - C'est d'autant plus vrai que, s'agissant des bourses, on ne pourra pas éternellement puiser dans la soulte, il faudra bien se poser les bonnes questions.
La commission réserve son vote jusqu'à la fin de l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » le 14 novembre 2018.
La réunion est close à 12 h 05.