- Mardi 20 mars 2018
- Mercredi 21 mars 2018
- Proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs - Examen du rapport et du texte de la commission
- Résultat du scrutin sur la proposition de nomination de M. Gilles Leblanc aux fonctions de président de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires
Mardi 20 mars 2018
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -
La réunion est ouverte à 18 h 5.
Audition de M. Gilles Leblanc, candidat proposé aux fonctions de président de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa)
M. Hervé Maurey, président. - Nous entendons cet après-midi Gilles Leblanc, candidat proposé aux fonctions de président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa).
En application du 5ème alinéa de l'article 13 de la Constitution, cette nomination ne peut intervenir qu'après l'audition de la personne pressentie devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, ces auditions étant suivies d'un vote. Conformément aux dispositions de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010, cette audition est publique et ouverte à la presse. À l'issue de cette audition, je demanderai aux personnes extérieures de bien vouloir quitter la salle afin que nous puissions procéder au vote qui se déroulera à bulletin secret. Le dépouillement aura lieu demain matin à l'issue de l'audition de M. Leblanc à l'Assemblée nationale. Enfin, je vous rappelle qu'il ne pourrait être procédé à cette nomination, si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins 3/5ème des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Monsieur Leblanc, vous êtes familier des questions d'aménagement du territoire et de transport. Vous avez commencé votre carrière à la direction de l'aménagement foncier et de l'urbanisme au sein du ministère de l'environnement. Vous avez occupé par la suite divers postes au sein des services départementaux et nationaux de l'équipement. Vous avez notamment été directeur général du Port autonome de Paris et directeur interrégional de Voie navigable de France (VNF). De 2003 à 2008, vous occupez la fonction de commissaire général aux transports et aux entreprises au sein du ministère de l'écologie. En 2012, vous êtes nommé membre permanent du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), au sein duquel vous êtes coordonnateur du collège « prévention des risques naturels et technologiques ». Enfin, vous êtes, depuis 2014, directeur régional et interdépartemental de l'équipement et de l'aménagement de la région Ile-de-France.
Vous êtes désormais pressenti pour devenir président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), pour un mandat de six ans, non renouvelable. L'Acnusa est une autorité administrative indépendante qui a été créée en 1999 afin d'accompagner la croissance du transport aérien tout en maîtrisant les nuisances sonores pour les riverains. Elle a pour principales missions de définir, pour les principaux aéroports, les modalités de mesure des nuisances sonores ; de contrôler le respect par les aéroports des prescriptions existantes en matière de bruit ; d'informer le public sur les nuisances sonores ; et de rendre des avis sur des documents de planification comme les plans d'exposition au bruit (PEB) ou les plans de gêne sonore (PGS).
L'Acnusa dispose d'un pouvoir de recommandation sur toute question relative aux nuisances environnementales générées par le transport aérien, d'un pouvoir d'alerte sur les manquements aux règles relatives à ces nuisances, d'un pouvoir d'investigation sur le bruit lié au trafic aérien, et d'un pouvoir de sanction à l'égard des compagnies aériennes qui ne respecteraient pas les restrictions relatives à l'usage de certains avions ou les mesures de restrictions des vols de nuit. En 2010, la compétence de l'Acnusa a été étendue à la lutte contre la pollution atmosphérique générée par le transport aérien. Elle peut désormais formuler des propositions d'études pour améliorer les connaissances dans ce domaine et les diffuser auprès du public. Enfin, l'Acnusa est une petite structure, qui compte une dizaine de collaborateurs, pour un budget annuel d'environ 1,7 million d'euros.
Nous inaugurons cet après-midi une nouvelle procédure, puisque deux de nos collègues ont été désignés rapporteurs et sont en charge d'interroger M. Leblanc sur son parcours et ses motivations : il s'agit de Nicole Bonnefoy, qui est rapporteure pour avis des crédits relatifs au transport aérien et de Cyril Pellevat qui travaille aussi sur les questions aéroportuaires au sein de notre commission. Cela n'empêchera bien évidemment pas les autres collègues qui le souhaitent de poser par la suite toutes les questions qu'ils jugent utiles.
Monsieur Leblanc, vous pouvez à présent nous présenter les raisons qui motivent votre candidature à ce poste ainsi que votre projet pour l'Acnusa.
M. Gilles Leblanc, candidat proposé aux fonctions de président de l'Acnusa. - J'ai exercé des responsabilités dans les services de l'État au sein de plusieurs départements, au niveau de la direction d'administration centrale et de la direction régionale. J'ai effectué une partie de mon parcours en collectivité territoriale et j'ai été détaché à la tête d'établissements publics, Port autonome de Paris et Voies navigables de France. J'ai aussi travaillé en cabinet ministériel dans les secteurs du transport et du tourisme, avec notamment un détachement au ministère des Affaires étrangères que j'ai effectué au Maroc et un autre dans le cadre de la mission française pour la reconstruction d'Haïti. Que ce soit en tant que directeur ou conseiller, mon expérience a été centrée sur l'aménagement, l'environnement et les transports. Je suis particulièrement sensible aux questions de sécurité, de protection, de prévention et de gestion de crise, tout comme à celles que posent la formation, la pédagogie et le management public.
Je suis actuellement directeur régional et interdépartemental de l'équipement et de l'aménagement en Ile-de-France, sous la double autorité du préfet de région et du préfet de police, ce qui constitue une charge lourde et intéressante, car j'ai été confronté à un certain nombre de points de tension liés à la politique que l'État mène dans la région capitale.
L'Acnusa est une autorité de petite taille. Ce qui la rend intéressante, c'est qu'elle s'appuie sur des compétences, avec notamment dix membres experts, chacun dans leur secteur, qu'il s'agisse d'environnement, de santé ou d'aviation. Son action est fondée sur une approche juridique, puisqu'elle dispose d'une autorité morale d'avis sur l'élaboration des plans de prévention ou des plans de gêne sonore. Elle exerce un rôle de médiation en cas de crise. Elle émet des recommandations pour faire progresser l'action au niveau territorial ou national. Enfin, une rapporteure générale instruit les décisions que l'Acnusa prend lorsqu'elle exerce son pouvoir de sanction pour faire respecter la réglementation existante.
La nécessité de concilier, d'une part, les enjeux du développement économique et social du territoire et d'autre part, le respect de l'environnement au sens large : voilà ce qui m'a intéressé lorsque le Secrétaire général du Gouvernement m'a annoncé que j'étais pressenti pour assurer la présidence de l'Acnusa. Une question prioritaire de constitutionnalité fragilise actuellement l'exercice du pouvoir de sanction de cette autorité. Il faudra conforter ce pouvoir avant la fin du mois de juin, si l'on veut que la régulation s'exerce dans des conditions satisfaisantes.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - Le trafic aérien est depuis plusieurs années en forte croissance. Les derniers chiffres publiés par l'Union des aéroports français (UAF) montrent que le trafic des aéroports français a augmenté de 5,7 % en 2017, avec plus de 10 millions de passagers supplémentaires. Et cette tendance n'est pas prête de s'arrêter.
Tous les grands aéroports internationaux sont lancés dans une course pour augmenter leurs capacités afin de capter le maximum de cette croissance. Aéroports de Paris (ADP) prévoit de construire un nouveau terminal au sein de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Face à la saturation de ses capacités, la question du déplafonnement du nombre de décollages et d'atterrissages à l'aéroport d'Orly finira peut être par être sérieusement envisagée. Or qui dit plus d'avions, dit plus de nuisances pour les riverains. Comment appréhendez-vous le rôle de l'Acnusa face à cette réalité ? Comment tenir l'équilibre entre la croissance du trafic aérien et la protection des populations ?
Ma deuxième question porte sur les pouvoirs de sanction de l'Acnusa : dans une décision du 24 novembre 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution la procédure de sanction de l'Acnusa qui ne prévoit pas de séparation entre les fonctions de poursuite et de jugement des manquements, ces deux fonctions étant assurées par le président de l'autorité. Cette procédure de sanction doit être réformée avant le 30 juin 2018. Quelles sont selon vous les évolutions organisationnelles à mettre en place au sein de l'Acnusa pour garantir une procédure de sanction impartiale ?
Ma troisième et dernière question porte sur la pollution de l'air. Comme l'a rappelé le président Maurey dans son propos introductif, la compétence de l'Acnusa a été étendue à ce champ en 2010. Pour l'instant, son rôle consiste principalement à réaliser des études et des guides pratiques relatifs à la réduction des émissions polluantes. Faut-il selon vous aller plus loin et donner à l'Acnusa le pouvoir de fixer des prescriptions pour les aéroports et les compagnies aériennes en matière de pollution de l'air, ou lui confier un droit de regard sur les programmes d'actions de réduction des émissions de polluants mis en place par les aéroports depuis la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Le président a rappelé en introduction les principaux éléments de votre carrière. Il en ressort, sauf erreur de ma part, que vous n'avez eu aucune expérience dans le domaine aéroportuaire ou du transport aérien. Cela ne constitue-t-il pas une difficulté, au regard de la technicité des sujets traités par l'Acnusa en matière de prévention des nuisances sonores ? Avez-vous eu à connaître de problématiques liées au bruit dans vos fonctions au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), ou dans d'autres fonctions que vous avez occupées ?
Une des missions de l'Acnusa, et qui est essentielle, est de participer à l'information des citoyens qui habitent à proximité d'aéroports sur les nuisances environnementales auxquelles ils sont exposés. Comment envisagez-vous ce rôle d'information des riverains ? Est-ce quelque chose que vous avez déjà eu à pratiquer dans vos fonctions passées ? En vous posant cette question, je pense particulièrement aux riverains de l'aéroport Nantes Atlantique qui sont inquiets des projets d'agrandissement de cet aéroport à la suite de l'abandon du projet de Notre Dame des Landes.
M. Gilles Leblanc. - J'ai été administrateur d'ADP et je suis actuellement censeur au conseil d'administration de l'entreprise. Je démissionnerai bien évidemment de ces responsabilités, si je suis nommé président de l'Acnusa.
Le Conseil constitutionnel a considéré qu'il y avait une atteinte à la séparation des pouvoirs en matière de sanction au sein de l'Acnusa, car le président a compétence pour procéder aux classements sans suite. Pour régler la question, il suffirait que la rapporteure générale puisse porter l'ensemble des dossiers devant le collège, ce qui annulerait toute possibilité de classement sans suite. Le Gouvernement préfèrerait proposer une séparation claire des pouvoirs entre la rapporteure générale et le président. Si l'on suit cette voie, il faudrait préciser dans un décret que les cas de classement sans suite sont clairement encadrés d'un point de vue juridique. Pas moins de 80 décisions de l'Acnusa sont en instance de contentieux. C'est beaucoup. D'où la nécessité de sécuriser le pouvoir de sanction.
Pour ce qui est de l'équilibre entre la croissance du trafic aérien et la protection des populations, on constate que le nombre des passagers augmente mais pas forcément sur toutes les plateformes et que le nombre d'appareils augmente tout autant. La progression technologique des appareils est efficace en ce qui concerne le bruit ; elle reste encore insuffisante pour ce qui concerne la pollution de l'air. Il faudrait améliorer l'offre des aéronefs pour les compagnies de fret, car les caractéristiques des avions de fret en matière de nuisances sonores sont inférieures à celles des avions transportant des passagers. La ministre souhaite que l'on progresse sur ce point.
L'insonorisation des logements dans les zones de bruit nécessite une procédure longue et difficile : après quinze ans, la moitié du parc seulement a été insonorisée. À la nécessité d'accélérer la politique d'insonorisation, s'ajoute celle de veiller à ne pas aggraver la situation dans les zones où les plateformes n'ont pas atteint le seuil requis pour mettre en place la taxe. La prévention joue un rôle essentiel, et il revient à l'Acnusa de veiller à ce que les problèmes que les systèmes d'insonorisation visent à résorber ne se recréent pas par un autre biais.
Au cours de ces deux dernières années, l'Acnusa a su développer un dialogue fructueux avec les associations et les acteurs aéroportuaires et du transport aérien. À Orly, elle pilote et suit un travail sur les trajectoires des avions au-dessus de la vallée de Chevreuse et dans le secteur d'Athis-Mons. Sa capacité d'écoute et son pouvoir de sanction sont ses deux principaux atouts.
Le dispositif de suivi et d'information des riverains sur la pollution de l'air n'est pas homogène. Les outils de mesure pourraient être davantage normalisés. Les dispositifs d'information en temps réel sont encore en test. Chacun doit pouvoir disposer des éléments nécessaires pour éclairer le débat. Améliorer les moteurs des aéronefs ne suffira pas, même si c'est une voie de progrès non négligeable. Il faut une meilleure compréhension des conséquences de la pollution de l'air sur l'environnement et sur la santé des riverains.
Monsieur Pellevat, j'ai exercé des responsabilités sur la plateforme civilo-militaire de Nîmes-Garons où j'ai été confronté au problème des nuisances sonores liées à l'utilisation de cette base qui est devenue la base principale pour les appareils de la sécurité civile. L'aéroport opérait pour le compte du ministère de la défense, de sorte que le bruit et les plans de protection faisaient partie des données à prendre en compte.
Dans le cadre de mes fonctions au CGEDD, j'ai travaillé sur plusieurs missions dont l'une concernait une plateforme locale et une autre l'accompagnement des réformes.
Dans mes fonctions actuelles de directeur général du Conseil départemental du Val d'Oise, j'ai contribué à améliorer les dispositifs d'information et d'indemnisation des riverains victimes des nuisances sonores de l'aéroport de Roissy. J'ai également oeuvré à résoudre les problèmes d'incompréhension liés aux PEB et aux PGS. Le récent rapport de Jean-Pierre Blazy reprend un certain nombre de mes propositions. Je suis également confronté au problème du bruit ferroviaire et routier en région Ile-de-France.
En matière d'information des citoyens, il est possible de progresser au-delà de la gestion décalée des procédures de révision des PEB et des PGS. Ces documents, qui sont des servitudes d'urbanisme dans le cas des PEB, doivent être mieux compris, rendus publics, opposables et accessibles, ce qui n'est pas toujours le cas sur le géo portail de l'urbanisme. Ils doivent être intégrés dans les documents locaux d'urbanisme, ce qui est déjà prévu par la loi, mais pas assez mis en oeuvre.
Quant aux documents qui figurent sur les sites des aéroports, ils sont majoritairement agrégés, c'est-à-dire qu'ils fournissent des données environnementales intéressantes, mais peu de données en temps réel. Or la perception que chacun peut avoir de l'instant T ne correspond pas forcément à la compréhension que l'on a des données.
S'agissant du déplafonnement du nombre de vols autorisés annuellement à Orly, les riverains manifestent certes une inquiétude, mais, à ma connaissance, il ne s'agit nullement d'un sujet d'actualité. Au contraire, les gouvernements successifs se sont engagés en faveur du statu quo, confirmé récemment par la ministre des transports. L'objectif est plutôt de poursuivre, en collaboration avec les commissions consultatives de l'environnement (CCE), l'amélioration des trajectoires, afin de limiter les nuisances, en encadrant plus efficacement les conditions de décollage par l'Ouest et le retournement des appareils au-dessus Athis-Mons, ainsi qu'en prenant des dispositions relatives aux vols de nuit pour l'ensemble des aéroports, notamment la plateforme nantaise. Des études sont en cours sur ces différents sujets.
M. Ronan Dantec. - Le long et rocambolesque dossier de Notre-Dame-des-Landes a considérablement fragilisé les autorités indépendantes. Nous avions ainsi entendu votre prédécesseur, qui se plaignait d'avoir été sermonné par le préfet compétent concernant une prise de position de l'Acnusa sur ce dossier. La mission de médiation a montré tout l'entêtement de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) à présenter des plans d'exposition au bruit (PEB) erronés, avant que le dernier document ne confirme finalement les contre-expertises menées par les opposants au projet. Dans ce contexte, comment imaginez-vous pouvoir vous opposer à l'État, à vos anciens collègues en somme, sur des sujets où, via la DGAC, il fait souvent preuve d'une imparfaite transparence ? J'ai, par ailleurs, été quelque peu surpris de vos propos relatifs au fret : la majorité des nuisances est imputable aux vols de nuit, dont nombre concernent justement le fret, conduisant à l'établissement de PEB plus larges. L'Acnusa pourrait-elle aller vers une interdiction des vols de nuit comme le souhaitent les riverains, malgré l'opposition des compagnies aériennes et des exploitants d'aéroports, qui appellent au maintien de leur compétitivité par rapport au low cost ?
M. Didier Mandelli. - Partagez-vous les recommandations du rapport de l'Acnusa présenté le 13 mars 2017, qui proposait de doubler le montant de l'amende - je rappelle à cet égard que le produit des amendes s'est élevé à 4,8 millions d'euros en 2016, pour un budget de l'Acnusa de 1,7 million d'euros seulement, différence qui laisse à l'État la jouissance d'une belle somme - et de déplafonner la taxe sur les nuisances sonores aériennes, afin, via une affectation directe, de mieux indemniser les riverains. Je rejoins par ailleurs mon collègue Ronan Dantec quant à la position délicate de l'Acnusa face aux pressions.
Mme Angèle Préville. - Par votre parcours, vous disposez sans nul doute d'une expertise technique incontestable sur les sujets de sécurité et de sûreté, mais qu'en est-il de votre fibre environnementale ? Quelle détermination mettrez-vous à sanctionner les contrevenants malgré les enjeux économiques ? Estimez-vous, à cet égard, que les sanctions conduisent à une amélioration des comportements ? La directive du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement, applicable en France depuis le mois de juillet 2008, n'est ainsi pas convenablement mise en oeuvre s'agissant de l'établissement des PEB. Récemment, le Conseil d'État a ainsi jugé recevables, sur ce fondement, deux recours d'associations de riverains contre le bruit engendré par les aéroports parisiens. Quel signal adresserez-vous aux populations concernées ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Nous sommes, dans mon département, en réflexion sur les conséquences des nuisances sonores provoquées par les lignes ferroviaires à grande vitesse vers l'Ouest de la France. Les évaluations dont nous disposons me semblent biaisées, dans la mesure où les nuits, pendant lesquelles ne circulent pas de trains, entrent dans les calculs de bruit moyen. En est-il de même pour les nuisances aériennes ? Pour l'ensemble des modes de transport, les pics de bruit diurne pourraient-ils être pris en considération ? Quels sont les conditions de saisine de l'Acnusa et quel est son délai de réponse moyen, considérant qu'elle ne dispose que d'une équipe de dix personnes ? S'agissant par exemple des modifications qui seront apportées à l'aéroport Nantes-Atlantique, l'autorité peut-elle s'autosaisir ? Quelle est, enfin, votre position sur la réglementation européenne relative aux nuisances aéroportuaires ?
M. Olivier Léonhardt. - Le plafonnement à 250 000 vols annuels de l'activité de la plateforme aéroportuaire d'Orly constitue une limite à mon sens indépassable. Vous m'avez, sur ce point, rassuré.
M. Jean-Michel Houllegatte. - Vous n'avez pas choisi, avec ce poste, la facilité : la structure est de taille modeste, les enjeux environnementaux et économiques considérables et les passions suscitées par ces sujets, violentes. L'Acnusa dispose d'une équipe réduite pour mener de larges missions (avis, médiation, recommandation, sanction, etc.), ce qui conduit son président à être souvent directement pris à partie. Comment, avec de telles contraintes, envisagez-vous votre rôle, qui diffèrera sur nombre d'aspects de vos précédents postes ? Quel est votre degré de résilience dans ce contexte de pression ?
M. Guillaume Chevrollier. - Quelle politique songez-vous mener en matière de défense de la biodiversité sur les plateformes aéroportuaires ? Quelle sera votre exigence en faveur de la transparence des décisions prises par l'autorité ? Les normes ont beau être respectées, telle n'est parfois pas la perception des habitants des zones concernées...
M. Hervé Maurey, président. - Votre prédécesseur souhaitait que l'Acnusa puisse ester en justice, notamment pouvoir faire appel des décisions de première instance prises en sa défaveur, prérogative actuellement, et de façon surprenante d'un point de vue juridique, attribuée à la DGAC. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?
M. Gilles Leblanc. - S'agissant de mon indépendance et de ma capacité de résilience, sachez que j'ai exercé des fonctions dans plusieurs postes difficiles. Je pense notamment à celles de haut fonctionnaire de défense et de sécurité au ministère de l'écologie auprès de Gilles de Robien. J'ai été nommé à ce poste, qui visait à engager les différentes directions du ministère à tirer les conséquences de l'attentat survenu en 2001 à New-York, en raison justement de mon indépendance. J'ai, à plusieurs reprises, dû entrer en conflit avec ma propre administration ! Lorsque Gilles de Robien me remit la légion d'honneur, il rappela d'ailleurs mon indépendance et mon impertinence et m'encouragea à les conserver ! Je dus également faire preuve d'indépendance comme directeur général du Port autonome de Paris et directeur interrégional de Voie navigable de France (VNF), alors que je travaillais avec le préfet sur les questions environnementales et le risque d'inondation, notamment pour réviser le plan d'assainissement de la région Ile-de-France. Je sais donc faire bouger les lignes lorsque cela est nécessaire !
Plusieurs d'entre vous l'ont évoqué : l'Acnusa est une petite autorité indépendante, dont l'essentiel des modestes effectifs est occupé à l'instruction des plaintes. Il lui faut donc trouver les moyens d'exercer néanmoins ses autres missions. Je ne sous-estime pas non plus la délicatesse de son positionnement vis-à-vis de la DGAC. Au sens du règlement européen du 16 avril 2014, le Gouvernement a déclaré auprès de la Commission européenne que la DGAC était en charge des questions relatives aux nuisances sonores aéroportuaires, alors que l'Acnusa, autorité indépendante, dispose d'un pouvoir de surveillance, en particulier de la qualité et de la sincérité des documents, ainsi que de sanction.
Vous m'avez également interrogé sur les recommandations figurant au rapport de l'Acnusa de mars dernier. S'agissant du doublement de l'amende, il convient d'abord de rappeler qu'il en existe plusieurs : celle pour défaut de trajectoire est plafonnée à 20 000 euros ; elle concerne un certain nombre de plateformes, est établie souvent au plafond et semble convenablement fonctionner eu égard au faible nombre de contentieux et de classements sans suite - je rappelle ici l'importance de fonder juridiquement ces derniers par décret dès que le législateur aura réalisé les modifications rendues nécessaires par la récente décision du Conseil constitutionnel. Les manquements aux horaires de décollage et aux volumes sonores sont, pour leur part, passibles d'une amende de 40 000 euros, que mon prédécesseur proposait de doubler dans le rapport précité. Sans avoir d'opinion définitive, je m'interroge sur les conséquences possibles d'une telle décision sur les contentieux, alors même que le plafond de cette seconde amende est rarement utilisé, et sur son efficacité. Les compagnies les plus importantes, Air France en tête, ont modifié leurs comportements mais de nombreuses petites compagnies posent encore problème et sont fréquemment sanctionnées. Y aurait-t-il un effet mécanique si les amendes étaient encore plus dissuasives et utilisées au plafond ? Les experts qui se sont penchés sur cette question estiment qu'un équilibre doit être trouvé entre le niveau des sanctions et l'intérêt que trouvent les compagnies à s'affranchir des règles. Quel que soit le niveau de sanction, il est en effet délicat, monsieur Maurey, que l'autorité ne puisse pas faire appel lorsque ses décisions sont remises en cause... Je partage là l'analyse de mon prédécesseur.
S'agissant de mon expertise sur les questions environnementales, j'ai essentiellement travaillé sur les aspects relatifs au bruit et à l'eau ; ma formation initiale est d'ailleurs celle d'ingénieur hydraulicien. Je me suis également investi en faveur de la qualité de l'air comme directeur régional et interdépartemental de l'équipement et de l'aménagement de la région Ile-de-France, en travaillant sur les zones de circulation restreinte du Grand Paris et sur le plan de protection de l'atmosphère pour l'Ile-de-France, dont le volet aéronautique pourrait d'ailleurs être plus performant. Dans la mesure où, en Ile-de-France, les transports aériens ne représentent qu'une cause minoritaire de pollution, je me suis effectivement plutôt intéressé à d'autres modes de transport.
L'équipe restreinte de l'Acnusa gagnerait à intégrer un expert en motorisation et en carburant. L'autorité doit progresser en matière d'information des riverains s'agissant des polluants et de leurs mécanismes de dispersion, comme, plus largement, dans ses connaissances scientifiques sur la pollution.
Je reviens aux recommandations du rapport de mars 2017, qui envisageait également le déplafonnement de la taxe sur les nuisances sonores aériennes. Lorsque la taxe a été déplafonnée, on a pu observer une augmentation du nombre de dossiers déposés, puis, dans la mesure où les recettes n'ont pas été à la hauteur des attentes, un accroissement problématique des délais d'attente pour les riverains. Plus de 6 100 dossiers sont ainsi en instance en Ile-de-France. Une discussion avec les services de Bercy me semble nécessaire, afin de mettre en place, par exemple, un système d'avances remboursables pour accélérer les procédures d'insonorisation des logements.
Les questions liées à la biodiversité au sein des aéroports, d'une part, et autour des aéroports, d'autre part, sont traitées de manière cloisonnée ou segmentée. L'articulation n'est pas parfaite entre les actions des collectivités territoriales à l'extérieur des aéroports - pour reconquérir les espaces, mettre en place des trames verte ou des corridors, etc. -, et les actions menées à l'intérieur des enceintes aéroportuaires. Il convient d'avancer pour que ces deux mondes ne s'ignorent pas.
La formule de calcul de la marge acoustique cumulée est fort complexe. Il n'y a pas d'équivalent pour le transport routier ou ferroviaire. L'Acnusa retient le seuil de 13 EPNdB (Effective Perceived Noise Decibel). C'est une valeur moyenne, retenue aussi par les associations. Cette formule a le mérite de prendre en compte les phénomènes de pics et de lissage. Il serait bon de communiquer les valeurs en temps réel, ou du moins avec un léger différé. La technologie permet de le faire. Il existe d'ailleurs déjà des applications mais elles ne sont pas normalisées. Il serait aussi pertinent de le faire pour les polluants.
L'Acnusa est composée d'une petite équipe de douze personnes. Celle-ci est sous pression car le nombre de dossiers à traiter est important. Il serait souhaitable que l'Acnusa se réunisse de manière régulière tous les mois afin de ne pas accumuler de retard dans le traitement des affaires. Si la loi n'est pas modifiée rapidement pour conforter l'Acnusa, le stock de dossiers pendants risque d'augmenter encore dans la mesure où elle ne pourra plus statuer. Les sanctions seront donc prononcées de manière tardive par rapport aux manquements, ce qui ne me parait pas être une bonne politique.
J'ai entendu vos remarques sur les interventions du préfet en Loire-Atlantique. L'Acnusa est une autorité indépendante. Son indépendance, son impartialité et son autorité doivent être garanties. En même temps, il est utile qu'elle entretienne une relation de confiance avec les autorités administratives, ne serait-ce que pour faciliter le suivi de ses observations et veiller à ce que ses recommandations ne restent pas lettre morte. L'Acnusa est une petite structure et n'a pas les moyens de mettre en oeuvre elle-même ses préconisations. La publication de ses recommandations a représenté une avancée. Elles donnent lieu depuis quelques années à une réponse écrite de la DGAC. Je ne comprends toutefois pas pourquoi la DGAC est la seule administration à répondre, alors que les recommandations peuvent concerner d'autres directions. La médiation de la DGAC est-elle justifiée pour des affaires concernant le financement de la rénovation énergétique et de l'insonorisation ? Il s'agit plutôt d'affaires relevant de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), qui appartient au ministère de la transition écologique, ou du ministère de la cohésion des territoires. Il importe là aussi que le président de l'Acnusa noue une relation de confiance avec la DGAC, comme avec les autres directions.
M. Ronan Dantec. - La fermeture des aéroports la nuit est l'une des grandes questions qui se posera lors des années à venir. Pourriez-vous nous donner des compléments à ce sujet ?
M. Gilles Leblanc. - La directive européenne de 2014 se fonde sur la notion d'approche équilibrée. Des études fondées sur cette approche sont obligatoires. Elles doivent être réalisées de manière transparente et rendues publiques. Des couvre-feux ont déjà été mis en place à Paris-Orly, à Bâle, à Mulhouse et à Beauvais. Les aéroports de Toulouse, Blagnac et Nice imposent des restrictions aux aéronefs les plus bruyants, dont la marge acoustique cumulée est inférieure à 13 EPNdB. Les études concernant l'aéroport de Nantes sont bien avancées, même si je n'en ai pas pris connaissance. Elles pourraient aboutir au même type de restrictions qu'à Nice ou Toulouse. Des études sont engagées pour l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry et sont sur le point d'être engagées pour celui de Marseille-Provence. La situation de Roissy est très spécifique, ce qui se comprend.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Vote sur la proposition de nomination aux fonctions de président de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires
La commission procède au vote sur la candidature de M. Gilles Leblanc, candidat proposé aux fonctions de président de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, en application de l'article 13 de la Constitution.
La réunion est close à 19 h 20.
Mercredi 21 mars 2018
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Hervé Maurey, président. - Nous examinons le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, déposée par Louis Nègre et moi-même. Nous avions travaillé sur ce sujet très en amont, tout au long de l'année 2017. L'ouverture à la concurrence est prévue par le quatrième « paquet ferroviaire » de 2016 au 3 décembre 2019 pour les lignes conventionnées - trains express régionaux (TER) et trains d'équilibre du territoire (TET) - et au 14 décembre 2020 pour les lignes commerciales - trains à grande vitesse (TGV).
Nous avons entendu tous les acteurs - avant même la constitution d'une nouvelle majorité et du nouveau Gouvernement - et déposé notre proposition de loi en septembre 2017, pour un débat lors d'un espace réservé au groupe UC fin janvier 2018. À la demande du Gouvernement, qui attendait la remise du rapport de Jean-Cyril Spinetta, nous avons accepté de différer son examen, d'autant que la ministre des transports nous avait assuré que ce texte serait le véhicule législatif de l'ouverture à la concurrence. Or le 26 février dernier, le Gouvernement a annoncé recourir aux ordonnances, au motif que cela permettrait d'aller plus vite.
Le Président du Sénat a souhaité inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de la semaine prochaine, pour démontrer qu'on peut aller aussi vite avec une proposition de loi qu'avec des ordonnances, tout en garantissant un débat important sur le fond. Jean-François Longeot avait été désigné rapporteur en décembre 2017.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Ce travail a été réalisé dans un délai très court. Je remercie MM. Maurey et Nègre d'avoir déposé cette proposition de loi qui sera examinée à partir du 28 mars.
L'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs est la dernière étape d'un mouvement de libéralisation engagé par la Commission européenne au début des années 2000, à travers ses « paquets ferroviaires ».
Nous avons peu à peu intégré ces évolutions dans notre droit. Le transport ferroviaire de marchandises a été libéralisé progressivement - dès 2003 pour le réseau transeuropéen de fret, puis pour l'ensemble des services de fret internationaux, et enfin pour le fret domestique en 2006.
En 2009, nous avons créé notre régulateur, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) dont le domaine a depuis été étendu au secteur routier - il s'agit aujourd'hui de l'Arafer. Les services internationaux de transport de voyageurs ont été ouverts à la concurrence à partir de 2010, avec une possibilité d'effectuer des dessertes à l'intérieur du pays, dans certaines conditions.
Adopté en décembre 2016, le quatrième paquet ferroviaire européen est un ensemble de textes abordant plusieurs thèmes : des sujets techniques, concernant notamment la sécurité et l'interopérabilité ; la gouvernance et l'organisation des systèmes ferroviaires ; et enfin, l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, qui nous intéresse aujourd'hui. Quelles échéances ont été fixées ?
L'Union européenne distingue deux catégories de services : d'abord, les services conventionnés, subventionnés par une autorité organisatrice de transport, font l'objet d'un contrat de service public - il s'agit, en France, des trains TER gérés par les régions depuis 2002, et des TET, jusqu'à présent gérés par l'État, mais dont une grande partie ont été transférés aux régions. Ces services sont régis par le règlement européen 1370/2007, qui a été modifié par ce paquet ferroviaire. Ensuite, les services non conventionnés, ou « services librement organisés » - en France les TGV - sont régis par la directive 2012/34, elle aussi modifiée.
L'Union européenne a décidé d'ouvrir les services conventionnés à la concurrence à partir du 3 décembre 2019, tout en prévoyant une série de dérogations, que les États membres sont libres d'autoriser ou non dans leur droit. Parmi ces dérogations figure notamment la possibilité, entre 2019 et 2023, de laisser aux autorités compétentes le choix d'attribuer directement des contrats sans passer par une procédure de mise en concurrence.
Sur ce point, la proposition de loi a retenu la date du 3 décembre 2019, en excluant toutes les dérogations prévues par le droit européen. Cela n'exclut pas une certaine progressivité dans la mise en oeuvre de la réforme puisque que l'obligation de passer un appel d'offres n'entrera en vigueur qu'au terme de chacune des conventions signées entre les autorités organisatrices de transport et SNCF Mobilités avant le 3 décembre 2019, soit vers 2023-2024.
En attendant, les régions volontaires pourront ouvrir à la concurrence tout ou partie des services ferroviaires qu'ils organisent dès le 3 décembre 2019 en le prévoyant dans leur convention, comme l'ont déjà fait les régions Grand Est et Pays-de-la-Loire.
Pour les services non conventionnés, l'Europe impose une ouverture effective le 14 décembre 2020 - soit pour l'horaire de service 2021. Mais elle oblige les États membres à en définir le cadre juridique avant la fin de l'année 2018, compte tenu des démarches nécessaires pour qu'une entreprise puisse effectivement entrer sur le marché, notamment la réservation de sillons auprès du gestionnaire d'infrastructure.
Il nous reste très peu de temps pour fixer le cadre juridique de cette ouverture à la concurrence. Il ne s'agit pas seulement de respecter ces échéances européennes, mais de permettre aux acteurs - y compris SNCF Mobilités - de s'y préparer suffisamment en amont. C'est l'objet de cette proposition de loi, qui vise aussi à soutenir cette démarche d'ouverture à la concurrence des services ferroviaires.
Cette réforme doit se traduire - j'en suis personnellement convaincu - par une amélioration de la qualité du service rendu à l'usager et une réduction des coûts, y compris chez l'opérateur historique, stimulé par la présence d'autres acteurs. Plusieurs de nos voisins européens n'ont pas attendu le quatrième paquet ferroviaire pour ouvrir leurs services à la concurrence. Ainsi, l'Allemagne et de la Suède l'ont fait à partir des années 1990, avec des effets positifs.
J'en viens désormais à la présentation de la proposition de loi et de mes principaux amendements, après avoir lu avec attention l'avis du Conseil d'État, et recueilli l'avis de la majorité des parties prenantes lors d'auditions.
Plusieurs de mes amendements tirent les conséquences des remarques formulées par le Conseil d'État et à améliorer - ou parfaire - la qualité juridique du texte - c'était l'objectif de cette saisine du Conseil d'État.
Le premier chapitre fixe les dates et les modalités de l'ouverture à la concurrence. L'ouverture des services conventionnés est prévue le 3 décembre 2019 et la date impérative pour les services non conventionnés le 14 décembre 2020.
L'article 1er supprime le monopole de SNCF Mobilités en plusieurs temps, pour respecter ces différentes échéances. Pour faciliter la lecture des différents dispositifs d'entrée en vigueur, je vous proposerai des amendements de simplification rédactionnelle qui ne modifient pas les échéances fixées par les auteurs du texte.
L'article 2 comporte trois volets concernant les services conventionnés. Il fixe tout d'abord les obligations de communication des autorités organisatrices aux candidats à un appel d'offres. J'aborderai ultérieurement, en une seule fois, la question des données. L'article 2 fixe également le régime des contrats de service public applicable : pour les concessions - anciennement appelées délégations de service public - l'ordonnance de droit commun s'applique, ce qui n'est pas le cas pour les marchés publics. C'est pourquoi l'article renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les modalités de passation de ces contrats. Mais il revient au législateur de détailler cette procédure. Un de mes amendements rendra l'ordonnance relative aux marchés publics applicable aux marchés concernant des services ferroviaires. Enfin, l'article 2 exclut explicitement les possibilités de dérogation à l'obligation de mise en concurrence prévues par le droit européen, sauf celle qui concerne la possibilité de mise en régie, laquelle figure déjà dans le code des transports.
L'article 3 affirme clairement le rôle d'autorité organisatrice de l'État pour les services ferroviaires d'intérêt national - il était temps !
Les articles 4, 5 et 6 définissent les modalités de l'ouverture à la concurrence des services qui ne sont aujourd'hui pas conventionnés : les services dits « TGV », même s'ils ne sont pas toujours effectués à grande vitesse au sens strict.
Selon l'Union européenne, toute entreprise ferroviaire doit avoir un droit d'accès au réseau (open access), sous réserve qu'elle obtienne un sillon auprès du gestionnaire du réseau, et que son service ne porte pas atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public conclu par une autorité organisatrice sur le même trajet. Dans ce dernier cas, ce droit d'accès au réseau peut être limité.
Si l'on ouvre à la concurrence les services TGV sans intervenir, les opérateurs vont se précipiter sur les liaisons les plus rentables, et les autres ne seront plus assurées, même si elles jouent un rôle primordial en matière d'aménagement du territoire.
Pour éviter cet écrémage, l'article 4 prévoit la conclusion, par l'État en tant qu'autorité organisatrice, de contrats de service public octroyant des droits exclusifs pour les services à grande vitesse, en contrepartie de la réalisation d'obligations de service public définies pour répondre aux besoins d'aménagement du territoire.
L'objectif de cet article n'était évidemment pas de couvrir tout le réseau à grande vitesse par ces contrats, ce qui serait incompatible avec le droit d'accès au réseau prévu par le droit européen. Mais l'avis du Conseil d'État indique que la rédaction retenue donne cette impression. En conséquence, je vous propose une nouvelle rédaction de ce dispositif, tout en conservant la démarche, que je soutiens complètement.
L'État doit conclure des contrats de service public combinant des services rentables et des services non rentables, pour continuer à assurer la desserte TGV des villes moyennes sans rupture de charge pour les usagers. À l'inverse, un conventionnement des seules sections non rentables obligerait les usagers à changer de train pour commencer ou terminer leur trajet, ce qui réduirait d'autant l'attractivité du mode ferroviaire par rapport aux autres modes de transport. Et l'ouverture à la concurrence se traduirait par une détérioration de la qualité du service rendu à l'usager, ce qui n'est pas l'objectif recherché. Ce dispositif impliquera évidemment une professionnalisation et un renforcement des services de l'État. Mais il faut savoir se donner les moyens de ses ambitions, surtout en matière d'aménagement du territoire.
L'article 5 met en place le droit d'accès au réseau prévu par la directive : une autorité organisatrice pourra limiter un service s'il porte atteinte à l'équilibre économique du contrat de service public qu'elle a conclu. Mon amendement assure la complète transposition du dispositif prévu par la directive, comme l'a suggéré le Conseil d'État.
L'article 6 comporte des dispositions transitoires, pour conserver le dispositif applicable aux dessertes nationales réalisées dans le cadre de trajets internationaux en attendant la mise en oeuvre effective de la généralisation du droit d'accès au réseau.
Le deuxième chapitre a pour objet de lever tous les obstacles à une « ouverture à la concurrence effective et réussie ». Il ne suffit pas de dire : « le marché est ouvert » pour que de nouvelles entreprises proposent des services, il faut aussi lever les obstacles qu'elles peuvent rencontrer.
Le sujet des données est crucial. Les autorités organisatrices doivent obtenir de la part de l'opérateur historique l'ensemble des données nécessaires à la préparation des appels d'offres. Or, malgré les obligations existantes, les régions rencontrent souvent des difficultés pour obtenir les données dont elles ont besoin. C'est pourquoi l'article 7 crée un dispositif contraignant, à deux niveaux. D'abord, il impose à SNCF Mobilités une obligation générale de communication à l'autorité organisatrice de toute information relative aux services conventionnés, sans que puisse y faire obstacle le secret en matière industrielle et commerciale ; si la protection de ce secret est légitime, elle ne doit pas empêcher la transmission des données indispensables, de façon proportionnée et encadrée.
Ensuite, pour éviter toute contestation du bien-fondé des demandes faites par les autorités organisatrices de la part de SNCF Mobilités, l'article 7 prévoit qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Arafer, fixe une liste non restrictive d'informations qu'une autorité organisatrice est en droit d'obtenir en application de cet article, sans préjudice des autres demandes d'informations que l'autorité organisatrice pourrait être amenée à faire. L'objectif est d'éviter que la transmission de ces données soit bloquée par des contentieux.
Enfin, tout manquement à cette obligation pourra être sanctionné par l'Arafer. Le même dispositif s'appliquera à SNCF Réseau.
Les données récupérées par les autorités organisatrices leur permettront de préparer leurs appels d'offres. De façon logique, elles devront communiquer une partie de ces informations aux candidats aux appels d'offres, pour qu'ils puissent préparer leur candidature. C'est pourquoi l'article 2 prévoit qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Arafer, détermine les informations à transmettre aux candidats, y compris celles qui sont couvertes par le secret industriel et commercial - de façon proportionnée et encadrée. Ce dispositif devrait éviter des contentieux sur la transmission des informations aux candidats et fixer un cadre homogène dans ce domaine important.
L'article 8 fixe les conditions relatives au transfert des salariés entre entreprises ferroviaires, lorsque le contrat d'exploitation d'une ligne ferroviaire est remporté par une nouvelle entreprise. Le périmètre des salariés à transférer sera arrêté par les autorités organisatrices de transport - les régions ou l'État - et sera communiqué aux entreprises souhaitant candidater aux appels d'offres. Je vous proposerai un amendement visant à rendre plus opérationnelle la procédure de désignation des salariés devant faire l'objet d'un transfert vers les nouveaux entrants.
L'article 8 détermine les droits sociaux qui seront garantis aux salariés de SNCF Mobilités transférés. L'ensemble des salariés transférés conserveraient une rémunération annuelle au moins égale à leur rémunération antérieure, appréciée sur la base des douze derniers mois précédant le transfert, ainsi que leurs facilités de circulation. Les salariés sous statut conserveraient leur garantie d'emploi ainsi que leurs droits à la retraite, sous réserve de l'évolution du régime de retraite des agents de la SNCF.
Enfin, l'article 8 prévoit la possibilité pour les salariés auparavant sous statut de réintégrer celui-ci si, à l'issue d'une première mise en concurrence, SNCF Mobilités est de nouveau chargée de l'exploitation d'un service ferroviaire.
L'article 9 réaffirme le caractère automatique du transfert de propriété des matériels roulants de SNCF Mobilités à l'autorité organisatrice, si elle en fait la demande. La loi de 2014 avait déjà introduit une disposition en ce sens, mais sa rédaction devait être améliorée. Il s'agit d'une possibilité offerte à l'autorité organisatrice, et non d'une obligation. Pour les matériels roulants, chaque autorité organisatrice sera libre de choisir l'option la plus adaptée : les matériels pourront aussi, par exemple, être loués ou apportés par les opérateurs.
L'article 10 prévoit le même dispositif de transfert de propriété pour les ateliers de maintenance totalement ou majoritairement affectés à des services conventionnés.
L'article 11 aborde la question importante des gares de voyageurs. L'ouverture à la concurrence impose de séparer SNCF Gares et Connexions de SNCF Mobilités, afin de garantir un accès transparent et non discriminatoire des entreprises ferroviaires à ces installations.
La proposition de loi prévoit de transformer SNCF Gares et Connexions en société anonyme (SA) à capitaux publics, filiale de l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) « de tête » SNCF. L'État serait, au moment de cette transformation, détenteur de la totalité du capital social de SNCF Gares et Connexions. Puis ce capital pourrait être ouvert à d'autres investisseurs, l'État devant en tout état de cause demeurer actionnaire majoritaire.
Afin de garantir l'indépendance de SNCF Gares et Connexions de SNCF Mobilités et des autres entreprises ferroviaires, la proposition de loi prévoit plusieurs dispositifs, notamment une incompatibilité des fonctions de membre du conseil d'administration de SNCF Gares et Connexions avec celles de membre du conseil de surveillance, du conseil d'administration ou de dirigeant d'une entreprise ferroviaire ainsi que la possibilité, pour l'Arafer, de s'opposer à la nomination du président du conseil d'administration de SNCF Gares et Connexions si elle estime que son indépendance vis-à-vis d'une entreprise ferroviaire n'est pas assurée.
Par ailleurs, la proposition de loi prévoit que SNCF Gares et Connexions et SNCF Mobilités concluent un accord afin d'assurer le transfert des personnels de SNCF Mobilités qui réalisent actuellement des services et prestations en gare vers SNCF Gares et Connexions. À défaut d'accord conclu dans un délai d'un an à compter de la transformation de SNCF Gares et Connexions en SA, les modalités de ce transfert seraient déterminées par voie réglementaire.
L'article 12 autorise l'État à imposer à l'ensemble des entreprises de transport ferroviaire de voyageurs de participer à un système commun d'information des voyageurs et de vente de billets. L'usager pourra acheter un billet unique, même lorsque la prestation de transport sera assurée par plusieurs opérateurs.
Le dernier chapitre, regroupant les articles 13 à 15, comporte des dispositions diverses, tirant les conséquences des articles de la proposition de loi dans le code des transports.
Je me réjouis que nous puissions débattre, au Sénat, sur un sujet aussi important, qui a des impacts sur les usagers comme sur les territoires. En tant que membres de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, il est indispensable d'attirer l'attention du Gouvernement sur la desserte des territoires.
Je vous invite à soutenir ce texte, abouti, préparé très en amont, après de multiples consultations. De nombreuses dispositions sont partagées par plusieurs acteurs du secteur. Nous pourrons encore l'améliorer en prenant en compte les remarques du Conseil d'État.
M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie de ce travail effectué dans des délais très contraints. Fait rare, le Président du Sénat a profité du retard de l'examen de la proposition de loi pour saisir le Conseil d'État.
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Hervé Maurey, président. - C'est la quatrième saisine après la réforme de 2008, qui a prévu cette possibilité. Les amendements du rapporteur conforteront la qualité et la sécurité juridique de la proposition de loi.
M. Gérard Cornu. - Je félicite le rapporteur qui a travaillé dans un temps restreint, ainsi que les auteurs de cette proposition de loi. M. Nègre a quitté le Sénat en application de la règle interdisant le cumul des mandats, ayant préféré sa belle ville de Cagnes-sur-mer. Cette proposition de loi, très importante, transpose le quatrième paquet ferroviaire et ouvre à la concurrence le transport ferroviaire de passagers.
Je soulignerai deux problèmes majeurs : l'état des relations entre le Gouvernement et le Parlement, notamment le Sénat tout d'abord. Plusieurs propositions de loi sénatoriales n'ont pas abouti, car elles n'ont pas été transmises à l'Assemblée nationale ou ont été reprises autrement par l'Assemblée - ainsi les propositions de loi relatives à l'eau et à l'assainissement, au littoral, au numérique.
Le Gouvernement avait une véritable opportunité d'aller relativement vite, d'autant que le Conseil d'État s'est déjà prononcé - on nous objecte souvent l'absence d'avis. Le Gouvernement veut imposer de légiférer par ordonnances en raison de l'urgence. Il a tout faux, et se moque du Sénat et du Parlement.
Le groupe Les Républicains se réjouit de cette proposition de loi, au-delà de quelques petites différences, et du fait qu'elle propose à l'opérateur historique, la SNCF, de préparer l'ouverture à la concurrence. Je me félicite en particulier des séparations établies entre SNCF Réseau et SNCF Mobilités, et entre SNCF Gares et Connexions et SNCF Mobilités.
Les sénateurs doivent se saisir des dossiers relatifs à l'aménagement du territoire et à la desserte de l'ensemble du territoire par les transports, c'est leur vocation propre, leur différence.
M. Olivier Jacquin. - Je remercie également les auteurs et le rapporteur. Le Gouvernement a une drôle de méthode, non seulement en ayant recours aux ordonnances, mais également sur l'ensemble des mobilités. Il nous avait annoncé une réforme complète, or nous disposons d'un travail assez décousu et contraignant. À l'automne, les Assises de la mobilité ont exclu le ferroviaire des débats, dans l'attente du rapport Spinetta. La date de Noël 2018 nous est avancée comme argument justifiant l'urgence alors que nous la connaissons depuis longtemps. On nous propose un prétendu nouveau pacte ferroviaire ne répondant pas à toutes les interrogations, notamment l'énorme endettement de la SNCF - même si la réforme de 2014 a apporté de nombreuses améliorations.
Certes, ce n'est pas le sujet de cette proposition de loi, mais d'autres étapes restent à franchir, ce que ne permet pas le nouveau pacte ferroviaire. Il ne permet pas non plus de s'attaquer aux questions importantes afin que les passagers disposent de meilleures conditions de transport.
Cette proposition de loi est intéressante mais pose un second problème de délais. Nous sommes sous la contrainte des ordonnances. J'apprécie que nous signifiions au Gouvernement que nous pouvons examiner rapidement la proposition de loi, mais le délai avant l'examen du texte est très réduit. Nous n'avons pas déposé d'amendements en commission, mais nous en présenterons en séance publique.
La mise en concurrence proposée dans les ordonnances de la ministre et le rapport Spinetta relèvent de la religion de l'open access. Vous êtes beaucoup plus raisonnables en proposant des lots associant lignes non rentables et lignes rentables.
M. Guillaume Gontard. - Cette proposition de loi est bienvenue pour débattre de ce sujet, car nous n'irons pas loin avec les annonces du Gouvernement, et il est important d'affirmer le rôle du Parlement. Nous avons eu très peu de temps pour travailler sur ce texte. Sur le fond, le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) a de nombreuses réserves sur cette proposition de loi, qui se rapproche du rapport Spinetta. Elle fait l'impasse sur la dette et sur le manque d'investissements dans les infrastructures. L'article 8 sur le transfert des salariés nous pose problème. Ce texte nourrira le débat et je déposerai des amendements en séance.
Mme Pascale Bories. - Merci pour cette importante proposition de loi, qui permettra de créer des paquets de dessertes associant lignes rentables et moins rentables. Est-il prévu également d'imposer des fréquences sur les lignes les moins rentables ? Sinon un opérateur risque, pour se dédouaner, de se limiter à une desserte par semaine...
D'autres pays ont déjà ouvert à la concurrence. La proposition de loi s'inspire-t-elle des expériences étrangères pour éviter leurs écueils ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Je me joins aux félicitations. Je me réjouis que le Parlement se saisisse de sujets importants sur lesquels les Français sont en attente.
Je rejoins Mme Bories : les autorités organisatrices ou les bénéficiaires des contrats doivent être soumis à des obligations.
L'aspect environnemental, et notamment le bruit, a-t-il été pris en compte ? Cela pourrait être prévu pour les futurs matériels roulants des LGV...
Gares et Connexions sera-t-elle une société publique d'État avec la possibilité d'investissements extérieurs ou pourrait-elle être transférée aux régions ?
M. Claude Bérit-Débat. - Je félicite également le rapporteur. Je comprends que le Sénat veuille faire entendre sa voix sur le sujet des dessertes ferroviaires, notamment pour maintenir des petites lignes et le service public du transport ferroviaire.
Compte tenu des délais restreints, l'opposition sénatoriale doit s'organiser très rapidement sans pouvoir auditionner les syndicats, déjà mobilisés sur d'autres thèmes, alors que ce sujet est très important. Nous tombons alors dans un travers : les sénateurs pourront s'exprimer de façon fragmentaire, et les ordonnances - inconnues à ce jour - arriveront juste ensuite. Certains sénateurs, qui manquent des informations nécessaires, seront frustrés. Je regrette que la proposition de loi pose des questions fondamentales sur le système ferroviaire français sans aborder toutes les problématiques. Le groupe Socialiste et républicain déposera pour la séance publique des amendements à caractère politique - au sens noble du terme. Ce texte est une ouverture avant l'examen des ordonnances mais le débat sera frustrant.
M. Frédéric Marchand. - J'ai un avis un peu discordant - cela ne vous étonnera guère. Cette proposition de loi est un hors-d'oeuvre de choix. Je remercie le rapporteur pour le travail réalisé. L'urgence est non pas de transposer le quatrième paquet ferroviaire, mais d'améliorer le service public ferroviaire. J'entends les cris d'orfraie sur les ordonnances. En 2015, le rapport de Marc Guillaume, maître des requêtes au Conseil d'État, rappelait que « les ordonnances ne sont pas les adversaires de la loi mais son nécessaire complément ». Sur le service public ferroviaire, le sujet mérite qu'on l'aborde sous tous les angles et non seulement sous le prisme - louable - de l'ouverture à la concurrence.
J'entends vos interrogations sur l'aménagement du territoire, mais je ne suis pas sûr que la proposition de loi garantisse un aménagement équilibré du territoire. L'open access peut être une solution. Le problème principal vient du montant des péages et aussi de la fréquentation des lignes. Si l'on s'intéresse uniquement à la rentabilité, seules les lignes Paris-Lyon et Paris-Lille seront intéressantes... Imaginez une part tarifaire des péages moins importantes - vous appellerez cela de la science-fiction, en attendant le problème de la dette... Mais un nouveau statut de société anonyme à capitaux publics avec des parts de l'État incessibles pourra apporter des solutions sur la dette, car la SA ne pourra pas être endettée. À partir du moment où ce problème de dette sera réglée, une tarification du péage différente pourra résoudre certaines difficultés. Ainsi, si le péage est un peu différent pour le Paris-Chambéry, un opérateur pourra être incité à assurer la liaison au-delà de Lyon. L'open access permettrait aux TGV de la société nationale de continuer à circuler. En Italie, l'ouverture à la concurrence et la réduction du prix des péages ont fait augmenter le trafic de 30 %. Ancien maire d'Hellemmes, j'ai visité vendredi dernier un techni-centre de 1 300 salariés avec le directeur régional. La réforme est vue comme l'occasion pour la SNCF de se réinventer.
Ayons un véritable débat, sans nous cacher derrière notre petit doigt. Le Gouvernement prévoit une concertation organisée et raisonnable.
M. Hervé Maurey, président. - Marc Guillaume, actuel secrétaire général du Gouvernement, n'est pas forcément notre référence en matière de procédure législative. Vous le rappeliez, l'ordonnance ne doit être qu'un complément, or ici, elle va plus loin. On nous prive de débat. Certes, tous les gouvernements ont recouru aux ordonnances, mais pas sur une réforme aussi importante.
Mme Michèle Vullien. - Certes, il faut tenir compte de l'ouverture à la concurrence ferroviaire, mais le train fait partie d'un maillage plus global. Intéressons-nous à l'offre aux clients et aux citoyens. Autorisons des allotissements équilibrés avec des lignes rentables et d'autres moins rentables, sans possibilité de choix. Comme l'indique le rapport Spinetta, laissons les régions regarder ce qu'elles peuvent garder en ferroviaire et ce qu'elles veulent transférer sur un autre mode. Certaines petites lignes ou certains bouts de lignes peuvent être desservis dans de bonnes conditions avec une seule rupture de charge, par le tram-train ou un bus à haut niveau de service (BHNS), en gardant l'emprise précédente.
Quel type de financements croisés - État, régions, métropoles - peut-on avoir sur les transports, et en particulier le ferroviaire ? Chacun met au pot commun pour les gares. Faisons le choix du mode sans être conditionné par le choix du financeur. Le ferré relève actuellement des régions et de l'État. Si l'on garde l'emprise du ferré pour faire autre chose, quelle est l'autorité organisatrice, qui paie ? Ne soyons pas mono-mode. Le citoyen veut circuler avec un seul titre de transport, interopérable, mais peu importe qui opère.
Mme Marta de Cidrac. - Le recours aux ordonnances est effectivement frustrant. Notre commission traite particulièrement de l'aménagement du territoire et du développement durable. Représentants des territoires et des élus locaux, souvent élus locaux nous-mêmes, nous nous intéressons à l'aménagement de nos communes et de nos quartiers. À quel moment les élus locaux pourront-ils s'exprimer sur le sort des gares ?
M. Michel Dagbert. - Un ancien ministre originaire du Pas-de-Calais avait l'habitude de dire que toutes les fois qu'on vous presse de prendre une décision, c'est une mauvaise décision... Laissons le débat se dérouler dans les meilleures conditions. L'examen d'une proposition de loi le permet, même si les conditions du débat peuvent engendrer des frustrations, tant le sujet est vaste. Attaquons le sujet sous le prisme de l'aménagement du territoire et des dessertes ferroviaires. Nous présenterons des amendements. Attention notamment au transfert de données qui appartiennent au patrimoine national, résultat d'une ingénierie développée avec l'entreprise nationale. Prévoyons des garde-fous pour nous prémunir contre des aléas risquant de poindre très rapidement après l'ouverture à la concurrence.
M. Alain Fouché. - C'est un sujet d'actualité. Plusieurs membres du Gouvernement - et d'autres - fustigent la SNCF. J'ai siégé pendant plusieurs années au conseil d'administration de Réseau ferré de France (RFF), et peux vous assurer que la SNCF n'est pas responsable de sa situation politique : les dignitaires politiques - de tous bords - ont privilégié la construction des lignes TGV à l'entretien des voies.
Personnellement, je ne suis pas très favorable à l'ouverture à la concurrence. Ne le faisons pas dans n'importe quelles conditions. Attention à la sécurité. Certains trains étrangers, notamment allemands, ne satisfont pas aux mêmes normes de sécurité que les TGV français, il y a eu des accidents. Il faudrait pouvoir disposer d'éléments de comparaison.
M. Rémy Pointereau. - L'ouverture à la concurrence doit rendre le réseau plus attractif en augmentant le nombre de dessertes, de fonctionnalités, et donc de voyageurs. C'est un enjeu en termes d'aménagement du territoire. Dispose-t-on d'une étude sur les perspectives de développement des lignes ?
M. Jérôme Bignon. - Réjouissons-nous, dans un pays de tradition juridique ancienne, d'avoir l'opportunité de débattre de ce sujet. C'est un texte fantastique, qui conforte le rôle des assemblées parlementaires.
La réforme constitutionnelle de 2008 était fondamentale : grâce à elle, le Président du Sénat a pu saisir le Conseil d'État. La méthode du Sénat n'est pas meilleure que celle du Gouvernement. Sortons d'une compétition stupide, rendons-la intelligente. Il sortira du débat une à deux lois, et cela prendra peut-être plus de temps, mais la réflexion sera faite. Les ordonnances sont prévues dans la Constitution, elles ont des défauts, mais aussi des qualités. Nous n'avons pas de temps à perdre sur la date d'ouverture à la concurrence. Considérons de manière positive la compétition entre les deux textes. Gageons que les parlementaires sont des personnes intelligentes, et que le Gouvernement n'est pas constitué uniquement d'imbéciles. Nous saurons trouver une solution satisfaisante. Veillons à ce que les Français ne nous prennent pas pour des fous...
M. Charles Revet. - Je remercie les auteurs et le rapporteur. Membres de la commission de l'aménagement du territoire, nous craignons de façon légitime que les grandes métropoles ne soient privilégiées, au détriment d'un aménagement du territoire équilibré. Le Conseil régional de Normandie a signé avec l'État et la SNCF un contrat de renouvellement de l'ensemble du matériel roulant. Une région peut-elle prendre en charge directement en régie le fonctionnement pour maîtriser l'aménagement de son territoire ?
M. Guillaume Chevrollier. - Cette proposition de loi transpose une directive européenne afin d'offrir un meilleur service aux usagers et de garantir un maillage territorial, mais elle n'évoque pas le fret. Avez-vous tiré les enseignements de la libéralisation du fret en France dans la perspective de l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs ?
M. Benoît Huré. - Je félicite le rapporteur. Je ne sais pas comment la démarche prospérera, mais elle ne pourra pas rester ignorée. Je me réjouis que nous insistions sur les conséquences sur l'aménagement du territoire. A-t-on des retours d'expérience sur ce qui a été fait dans d'autres pays européens ? Cette ouverture à la concurrence va-t-elle augmenter l'offre proposée aux usagers et réduire le prix des billets ?
Si un opérateur attributaire de lignes rentables doit intégrer dans son offre une desserte de ligne avec un moindre potentiel de clients, c'est l'usager de la ligne rentable qui verra se répercuter cette charge dans le coût de son billet. Ne devrait-ce pas être plutôt du ressort de l'impôt, des pouvoirs publics - État et collectivités territoriales ? Ce sont de vraies questions sur l'aménagement du territoire et sur les moyens à mobiliser pour que chacun, quel que soit l'endroit où il habite, puisse avoir accès à un minimum de services publics de transport.
M. Hervé Maurey, président. - Je remercie chacun de ceux qui se sont exprimés. Le nombre et la qualité des interventions démontrent l'intérêt de cette proposition de loi. Un tel débat n'aurait pas été possible avec l'examen du seul projet de loi d'habilitation.
La procédure envisagée par le Gouvernement est assez originale, pour ne pas dire plus. Le Gouvernement prévoit en effet d'intégrer dans le projet de loi d'habilitation des dispositions dites « en dur ». Cela signifie que les amendements du Gouvernement n'auront pas été vus par le Conseil d'État, ce qui est extrêmement grave, et n'auront pas fait l'objet d'études d'impact. En outre, nous ne savons pas dans quelles conditions ils nous seront soumis. Peut-être n'aurons-nous même pas le temps de les examiner en commission, s'ils sont déposés un quart d'heure avant la séance !
Enfin, je rappelle à ceux qui ont avancé l'argument des délais que le projet de loi d'habilitation ne sera pas examiné au Sénat avant le mois de mai.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Cette proposition de loi suscite de nombreuses questions et un débat vraiment très intéressant.
Monsieur Cornu, il est à souhaiter que le Gouvernement s'inspire de cette proposition de loi et des propositions qui y sont faites. Nous allons prouver qu'il était possible d'aller beaucoup plus vite avec ce texte qu'avec les ordonnances, car il sera examiné dès la semaine prochaine, alors que le texte du Gouvernement n'est attendu qu'en avril.
Par ailleurs, il est logique, le Sénat étant le représentant des territoires, que nous nous préoccupions des questions d'aménagement du territoire.
Monsieur Jacquin, Louis Nègre et Hervé Maurey ont travaillé sur cette proposition de loi depuis 2016. Ils étaient donc bien conscients des délais, et ont réalisé en amont de nombreuses auditions.
Monsieur Gontard, merci d'avoir dit que cette proposition est la bienvenue et qu'il est important d'affirmer le rôle du Parlement. Effectivement, la question de la dette de SNCF Réseau se pose, mais il appartient au Gouvernement de se positionner sur ce sujet et de dire ce qu'il compte faire.
Madame Bories, il est pour nous important d'organiser des paquets comprenant à la fois des lignes rentables et non rentables. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement en ce sens. À défaut, seules les lignes rentables fonctionneront. L'objet de cette proposition de loi est bien sûr de permettre un aménagement du territoire, mais aussi d'offrir un service de qualité aux usagers. Si l'usager qui se rend de Paris à Nice est obligé d'attendre une heure et demie une correspondance à Marseille, cela posera un véritable problème.
La question des fréquences est importante, mais elle ne relève pas de la loi. Il appartiendra à l'État de fixer des exigences.
Quant aux expériences à l'étranger, elles ne sont pas toujours transposables en France, chaque pays ayant ses spécificités s'agissant des modes de déplacement, des personnels et en matière de dialogue social.
Monsieur de Nicolaÿ, vous posez une excellente question sur l'environnement. Ce sujet n'est pas évoqué dans la proposition de loi, mais il est évident que les normes applicables, souvent d'ordre réglementaire, devront être les mêmes pour toutes les entreprises ferroviaires.
L'article 11 de la proposition de loi prévoit que le capital social de SNCF Gares et Connexions puisse être ouvert à d'autres investisseurs. Aujourd'hui, c'est l'État qui est propriétaire des gares. Une réflexion pourra être engagée pour confier la propriété des gares aux régions qui le souhaitent.
Mme Vuillien. - Toutes les gares n'appartiennent pas à l'État !
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Ce sujet n'étant pas lié à l'ouverture à la concurrence, il n'est pas traité dans cette proposition de loi.
Monsieur Bérit-Débat, vous avez raison, les délais sont courts, mais notre débat nous permettra de faire entendre au Gouvernement la parole des territoires et des usagers.
Monsieur Marchand, je vous remercie d'avoir noté que ce texte contenait des propositions intéressantes qui alimenteront la réflexion du Gouvernement.
Madame Vullien, le financement croisé entre l'État et les régions ne figure pas dans la proposition de loi, mais rien n'empêche que des conventions soient passées.
Mme Michèle Vullien. - Le financement croisé est un sujet important. Certaines gares sont fractionnées.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Il n'est pas facile d'obtenir ces renseignements auprès de la SNCF.
M. Hervé Maurey, président. - À cet égard, la proposition de loi prévoit un dispositif de transfert des informations très contraignant, car la SNCF a le culte de l'opacité. Nous n'avons jamais obtenu d'elle les informations techniques que nous lui avions demandées. C'est scandaleux.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Madame de Cidrac, l'État est l'autorité organisatrice pour les services d'intérêt national. Cela ne l'empêchera pas de dialoguer avec les régions pour définir les dessertes. Les services d'intérêt régional quant à eux sont gérés par les régions, mais des concertations sont possibles avec les autres collectivités.
Monsieur Dagbert, vous avez raison, il faut que les nouveaux opérateurs puissent obtenir un certain nombre de données de façon encadrée et proportionnée. Nous avons déposé un amendement en ce sens.
Monsieur Fouché, la question que vous avez posée - la SNCF est-elle responsable ou non de son déficit ? - dépasse un peu le sujet législatif qui nous concerne aujourd'hui.
Enfin, je ne saurai pas répondre à votre interrogation sur la qualité des matériels roulants. À ma connaissance, le matériel suisse roulant en France ne provoque pas d'accidents.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Monsieur Pointereau, oui, l'ouverture à la concurrence doit rendre le réseau plus attractif. Cette proposition de loi vise également à améliorer la qualité du service rendu à l'usager et à réduire les coûts.
Monsieur Bignon, la Constitution nous permet d'ouvrir des débats. Il serait intelligent en effet de regrouper les propositions, celles du Gouvernement et celles qui figurent dans notre proposition de loi, afin de répondre aux attentes de la population et aux objectifs en termes d'aménagement des territoires.
Monsieur Revet, nous évoquons régulièrement ici l'abandon des territoires ruraux au profit des métropoles. Nous avons déposé un amendement visant à obliger les opérateurs à gérer à la fois des lignes rentables et non rentables. L'ouverture à la concurrence ne doit pas concerner exclusivement les lignes rentables.
Monsieur Chevrollier, le fret a été évoqué dans un paquet précédent. L'ouverture à la concurrence du fret a été faite beaucoup trop vite, sans avoir été suffisamment pensée. Cette réforme n'a pas créé tous les effets escomptés. Il est important aujourd'hui d'éviter les mêmes écueils lors de l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs.
Monsieur Huré, il revient à l'autorité organisatrice concluant un contrat de service public de définir avec l'entreprise la tarification et la part de subventionnement dans le cadre de cette répartition.
L'objectif de l'ouverture à la concurrence est d'augmenter l'offre et de faire baisser les prix. La concurrence incitera les opérateurs à faire un certain nombre d'efforts et à améliorer les prestations, à des prix qui permettent une utilisation du ferroviaire, afin que le rail reprenne des parts de marché. C'est important dans le cadre d'une politique environnementale, de déplacement et d'aménagement du territoire.
M. Hervé Maurey, président. - Monsieur Bérit-Débat, cette proposition de loi a été déposée en septembre, le rapporteur a été nommé en décembre et le texte a été inscrit à l'ordre du jour le 13 mars dernier, ce qui a laissé du temps à ceux qui le souhaitaient d'y travailler.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - L'amendement COM-1 est le premier d'une série visant à simplifier la lecture du texte, en particulier les différents dispositifs d'entrée en vigueur. Il ne modifie pas les dates d'entrée en vigueur effective des différents dispositifs.
M. Frédéric Marchand. - Le groupe La République en marche votera contre tous les amendements.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - L'amendement COM-2 tire les conséquences des remarques du Conseil d'État et tend à proposer une nouvelle rédaction du dispositif de transmission, par les autorités organisatrices, des informations nécessaires aux candidats à un appel d'offres. Il pose le principe de cette communication et prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe les catégories d'informations concernées.
L'amendement COM-2 est adopté.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - L'amendement COM-3 rectifié vise à rendre applicable la procédure de droit commun, telle qu'elle a été fixée dans l'ordonnance relative aux marchés publics, car nous ne pouvons renvoyer à un décret le soin de fixer les règles d'attribution des marchés publics concernant les services ferroviaires lesquelles, s'agissant de marchés pouvant être passés par des collectivités territoriales, relèvent du domaine législatif. Il ne nous a pas été démontré, à ce stade, qu'une procédure spécifique aux services ferroviaires était nécessaire.
L'amendement COM-3 rectifié est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
L'amendement de simplification rédactionnelle COM-4 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - L'amendement COM-5 propose une nouvelle rédaction de l'article 4 afin de prendre en compte les remarques du Conseil d'État.
Sur le fond, il prévoit que l'État conclut des contrats de service public pour répondre aux besoins d'aménagement du territoire en combinant des services rentables et non rentables, seule solution pour préserver des dessertes considérées comme non rentables lors de l'ouverture à la concurrence, sans rupture de charge pour les usagers.
Si l'on conclut des contrats de service public pour les seules sections non rentables, notamment les dessertes en TGV des villes moyennes, cela obligera les usagers à changer de train et réduira l'attractivité du mode ferroviaire. Or l'ouverture à la concurrence doit se traduire par une amélioration de l'offre proposée aux usagers.
M. Benoît Huré. - Cela signifie que l'usager d'une liaison rentable paiera donc pour celui d'une liaison non rentable ?
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Le prix devra être considéré à l'échelle de l'ensemble du lot du contrat.
M. Pierre Médevielle. - Il serait intéressant de prendre en compte la notion d'utilité touristique et sociale et de ne pas se focaliser uniquement sur la rentabilité.
Il sera difficile pour certains élus de dire que certaines lignes sont inutiles, mais c'est le cas. Si l'on veut conserver un bon service public, il faudra en sacrifier quelques-unes.
M. Olivier Jacquin. - Cet amendement est essentiel. La rédaction proposée nous semble plus raisonnable que ce que propose le Gouvernement dans ses ordonnances. Des précisions sont toutefois encore nécessaires.
M. Hervé Maurey, président. - Cet article est en effet essentiel. La libéralisation doit se traduire par une amélioration de la qualité du service rendu à l'usager et de la desserte du territoire. À cet égard, l'open access doit être encadré. On ne veut pas d'un système à la britannique, qui n'a pas très bien marché. Il faut imposer des obligations de service public aux opérateurs pour terminer les bouts de ligne - comme par exemple Lyon-Besançon - ou préserver les lignes existantes. En tant que représentants des territoires, nous sommes certainement plus vigilants sur ce point que le Gouvernement.
M. Gérard Cornu. - Le groupe Les Républicains votera cet amendement, mais nous déposerons en séance d'autres amendements visant à répondre aux besoins d'aménagement du territoire.
L'amendement COM-5 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - L'amendement COM-6 vise à prendre en compte des remarques du Conseil d'État et à préciser la procédure applicable pour exercer le droit d'accès au réseau, l'open access.
L'entreprise ferroviaire devra déclarer son intention d'assurer un service ferroviaire auprès de l'Arafer très en amont, plus de dix-huit mois avant. L'Arafer devra communiquer cette information aux autorités organisatrices ayant conclu des contrats de service public pour l'exploitation de services ferroviaires effectués sur le même trajet.
Les autorités organisatrices auront un mois pour saisir le régulateur afin qu'il prenne une décision sur l'atteinte éventuelle de l'équilibre économique du contrat de service public concerné. Si cette atteinte est confirmée, les autorités organisatrices pourront limiter ou interdire le service proposé par l'entreprise ferroviaire, en se conformant à la décision de l'Arafer. Cette procédure est de fait très encadrée par la directive.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - L'amendement COM-7 rassemble, sans les modifier, l'ensemble des dispositions transitoires au sein d'un article unique.
L'amendement COM-7 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 7
L'amendement de coordination COM-8 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Cet article fixe les conditions de transfert des salariés de SNCF Mobilités vers les entreprises ferroviaires entrantes. Il détermine le socle de droits sociaux - ou « sac à dos social » - qui leur seront garantis : la rémunération, la garantie de l'emploi, les droits à la retraite et les facilités de circulation.
L'amendement COM-9 prévoit que ce sont les salariés qui sont transférés, et non leur contrat de travail. Leurs droits garantis sont par ailleurs précisément définis au sein de l'article.
M. Guillaume Gontard. - Je vote contre cet amendement. Pour lever toute ambiguïté, s'il se félicite du débat, le groupe CRCE est opposé à ce texte.
L'amendement COM-9 est adopté.
L'amendement de coordination COM-10 est adopté.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - L'amendement COM-23 précise et complète la procédure envisagée pour le transfert de salariés.
Première étape : préalablement à la publication des appels d'offres, l'autorité organisatrice des transports définit le nombre de salariés devant être transférés et le communique aux entreprises souhaitant candidater.
Deuxième étape : les entreprises ferroviaires sortantes établissent la liste nominative desdits salariés, après consultation des représentants de salariés et avis de l'autorité organisatrice des transports.
Troisième étape : les salariés volontaires peuvent demander à remplacer les salariés devant être transférés s'ils possèdent les mêmes qualifications professionnelles. Une liste définitive des personnes à transférer est ensuite établie. En cas de refus des salariés d'accepter le transfert, leur contrat prendra fin de plein droit.
Ce dispositif permet de garantir une juste concurrence entre les entreprises ferroviaires. Elles pourront prendre en compte, dans leurs réponses aux appels d'offres, le nombre de salariés qu'elles devront reprendre.
Mme Michèle Vullien. - Pourquoi cette mesure est-elle prévue dans la loi ? N'est-ce pas à l'opérateur de décider s'il licencie un salarié ? Il pourrait lui proposer un autre poste, en Allemagne par exemple, si l'opérateur est la Deutsche Bahn.
M. Jean-Michel Houllegatte. - Les syndicats sont un peu divisés sur cette mesure. Certains souhaitent la mise en oeuvre d'un droit d'option pour les salariés. Ils savent que, dès lors que les salariés refuseront un transfert, ils seront pénalisés, car ils seront condamnés à une mobilité géographique. Toutefois, ils sont prêts à accepter cette mobilité en contrepartie de la possibilité de refuser un transfert.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Si on ne prévoyait pas de transfert obligatoire, SNCF Mobilités risquerait de se retrouver avec des salariés en surnombre, ce qui poserait d'importantes difficultés économiques et minerait sa compétitivité. Le transfert obligatoire permet également d'assurer la continuité du service public de transport, en permettant aux nouveaux entrants de reprendre des salariés déjà formés sachant exploiter le service concerné.
Mme Michèle Vullien. - Je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous devons inscrire dans la loi que le salarié sera licencié !
M. Hervé Maurey, président. - La divergence porte sur la solution à apporter si le salarié refuse son transfert.
M. Olivier Jacquin. - On observe, puisque les ordonnances ont paru, que vous prévoyez des garanties plus généreuses à l'occasion d'un second transfert. Le rapport de M. Spinetta prévoit une garantie de statut lors du premier transfert. En cas de second transfert, la situation était beaucoup moins claire.
Nous déposerons un amendement visant à poser un nouveau cadre dans l'ensemble de la filière des transports.
M. Guillaume Gontard. - Cet article pose la question du statut. On ne peut pas accepter la rupture du contrat de travail en cas de refus. Nous voterons donc contre cet amendement.
L'amendement COM-23 n'est pas adopté.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - L'amendement COM-11 vise à préciser que seules les entreprises ferroviaires employant des anciens salariés de SNCF Mobilités ayant fait l'objet d'un transfert doivent conclure une convention avec SNCF Mobilités afin de prévoir les modalités de leur participation aux frais résultant des facilités de circulation.
L'amendement COM-11 est adopté.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - L'amendement COM-12 renvoie à un décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Arafer, le soin de préciser les modalités d'application des dispositions prévues par l'article 8 relatives au transfert de personnel.
L'amendement COM-12 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-13 est adopté.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 9
L'article 9 est adopté sans modification.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - L'amendement COM-14 vise à prendre en compte une remarque du Conseil d'État. Il précise que les autorités organisatrices qui auront récupéré la propriété des ateliers de maintenance ne pourront les affecter à d'autres usages que l'exploitation de services ferroviaires.
L'amendement COM-14 est adopté.
L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 11
Les amendements rédactionnels COM-15, COM-16 et COM-17 sont adoptés.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - L'amendement COM-18 vise à préciser que si l'État impose aux entreprises ferroviaires la participation à un système commun de vente de billets, toutes les entreprises ferroviaires devront alors être soumises à cette obligation, conformément à la directive européenne.
L'amendement COM-18 est adopté.
L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 13
L'amendement de cohérence COM-19 est adopté.
L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 14
L'amendement de simplification rédactionnelle et de coordination COM-20 est adopté.
L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 15
Les amendements rédactionnels COM-21et COM-22 sont adoptés.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - J'avais souhaité déposer deux autres amendements visant à tenir compte des remarques du Conseil d'État sur deux points.
Sur la question des salariés, le Conseil d'État a souligné la nécessité de préciser dans la loi que les salariés qui réintègrent SNCF Mobilités à l'issue d'une première mise en concurrence bénéficient d'une reconstitution rétroactive de leur carrière.
Sur la question des gares, le Conseil d'État a recommandé que la loi prévoie expressément que les dividendes de SNCF Gares et Connexions qui remontent à l'EPIC de tête SNCF seront affectés à SNCF Réseau en vue d'améliorer le réseau ferroviaire.
Malheureusement, ces deux amendements ne seraient pas recevables au titre de l'article 40 de la Constitution. J'ai donc renoncé à des déposer.
M. Hervé Maurey, président. - Nous interpellerons Mme la ministre chargée des transports sur ce sujet.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Résultat du scrutin sur la proposition de nomination de M. Gilles Leblanc aux fonctions de président de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires
M. Hervé Maurey, président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants : 27.
Bulletins blancs ou nuls : 5.
Abstentions : 3.
Nombre de suffrages exprimés : 19.
Pour : 13.
Contre : 6.
La commission donne un avis favorable à la nomination de M. Gilles Leblanc aux fonctions de Président de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires.
La réunion est close à 11h25.