Mercredi 24 janvier 2018

- Présidence de MM. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et Philippe Bas, président de la commission des lois -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Audition en commun avec la commission des lois, de M. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière

M. Philippe Bas, président. - Nous avons, avec le président Hervé Maurey, souhaité demander à M. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, de venir expliquer les récentes annonces du Gouvernement dans son champ de compétence. Nous sommes particulièrement intéressés par la réduction à 80 km/h de la vitesse maximale sur certaines routes du réseau secondaire, à partir du 1er juillet 2018. Le Sénat a montré à de nombreuses occasions son implication en matière de sécurité routière. Moi-même, lorsque j'étais secrétaire général de l'Élysée, j'ai été chargé de la mise en place du plan voulu par le Président de la République Jacques Chirac, qui a permis de réduire de moitié le nombre de victimes d'accidents de la route. Ainsi, grâce à ce plan, ce sont 50 000 vies qui ont été sauvées en 15 ans.

Toutefois, si, au Sénat, nous avons le souci partagé de la sécurité routière, il nous semble que cela n'est pas suffisant pour accepter des mesures nouvelles sans inventaire.

Les annonces du Premier ministre ont entraîné de très nombreuses réactions, certaines polémiques, mais d'autres soulignant l'insuffisance d'études préalables. Le Premier ministre avait indiqué que la prise de mesures nouvelles devait être conditionnée à un résultat significatif. Or, les expérimentations modestes qui ont été menées n'ont pas donné lieu à publication, alors même qu'Édouard Philippe s'est prévalu d'un certain nombre de résultats qualifiés de « scientifiques fondés sur des bases incontestables ». Nous aurions aimé pouvoir disposer de ces derniers. Avec Hervé Maurey nous sommes ainsi impatients de vous entendre pour essayer d'aller plus loin que cette affirmation d'autorité.

M. Hervé Maurey, président. - Nous n'avons pas d'opposition de principe aux mesures annoncées. Toutefois, nous avons besoin d'éléments supplémentaires permettant d'apprécier l'utilité et la légitimité de ces mesures. Comme la baisse de la limitation de la vitesse sur le réseau secondaire à 80 km/h est une mesure contraignante, nous devons avoir la certitude qu'elle est justifiée parce que des études scientifiques ont prouvé son impact positif. Or, nous avons des raisons d'en douter.

Tout d'abord, on ne nous donne pas les informations permettant d'étayer cette décision. Nous avons ensuite pu observer des éléments curieux dans le dossier de presse, qui mentionne que cette mesure va permettre une baisse d'émissions de polluants atmosphériques « allant jusqu'à 30 % ». Mais ce dossier de presse cite comme source le site Internet d'un particulier, qui n'a pas été mis à jour depuis 2009 ! On peut s'étonner que la délégation à la sécurité routière ne s'appuie pas davantage sur le travail de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui est largement reconnu. Dans son étude, l'Ademe considère en premier lieu qu'il est difficile de quantifier les effets d'une telle mesure, et que la baisse des émissions pourrait atteindre 20 % pour les oxydes d'azote et les particules fines (PM10) et 8 % pour les concentrations de polluants dans l'air ambiant. Nous sommes donc loin des chiffres annoncés dans le dossier de presse.

En outre, à aucun moment le Gouvernement n'a évoqué la qualité des infrastructures routières, qui joue pourtant un rôle fondamental pour la sécurité routière. Notre commission avait donné l'alerte à ce sujet en mars 2017, en soulignant la tendance à la dégradation du réseau routier national observée depuis quelques années. Il est indispensable d'y mettre un terme, pour éviter de reproduire ce qui s'est produit sur le réseau ferroviaire. Il ne faudrait pas non plus qu'une réduction de la limitation de vitesse soit une des solutions trouvées pour compenser le mauvais état de nos routes, comme on l'observe sur le réseau ferroviaire, ou pour réduire la vitesse d'usure de nos routes.

Une dernière remarque enfin, et non des moindres, car elle concerne l'aménagement du territoire, un sujet qui est au coeur des compétences de notre commission. Cette mesure aura un impact sur les territoires ruraux, qui ne sont malheureusement desservis que par la route, et dont les temps de trajet vont être allongés.

M. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière- Avant de revenir sur la réduction de la limitation de vitesse à 80 km/h, permettez-moi de vous présenter brièvement les grands axes du plan de sécurité routière que le Premier ministre a dévoilé la semaine dernière. En 2016, il y a eu 3 477 personnes tuées dans des accidents de la route. Le nombre de blessés extrêmement graves est sept fois plus important. Le plan annoncé lors du conseil interministériel du 9 janvier 2018 est le résultat d'une longue préparation commencée dès juillet 2017, à la demande du ministre de l'intérieur. Le plan proposé de 18 mesures se veut être un programme équilibré et ambitieux pour l'ensemble du quinquennat. Il contient également un certain nombre de réflexions prospectives, notamment sur l'outre-mer où le bilan de la sécurité routière est assez mauvais. Il est le fruit de six réunions interministérielles, ainsi que de nombreuses consultations avec le bureau national de la sécurité routière, les associations d'élus - Association des maires de France, Assemblée des départements de France, Régions de France, France urbaine - les parties prenantes et des parlementaires de chaque chambre. Il s'organise autour de trois axes : l'engagement du citoyen, la protection des usagers de la route et l'anticipation des nouvelles technologies.

Tout d'abord, il s'agit de ramener la prévention au coeur de la société civile française. Nous allons travailler avec les missions locales qui jouent un rôle important, renforcer nos actions envers les étudiants, les seniors, les entreprises - en mobilisant notamment les organismes complémentaires de sécurité sociale. À cet égard, l'État employeur doit également être exemplaire. Ainsi, un haut fonctionnaire en charge de la politique routière va être désigné au sein de chaque secrétariat général de ministère. J'espère que ce mouvement sera également suivi dans les collectivités, pour que chaque employeur territorial soit impliqué. L'une des mesures du plan vise également à renforcer la protection des piétons, en augmentant leur visibilité. Nous travaillons ainsi au développement de pédibus ou vélobus, afin de sécuriser les trajets scolaires des enfants, en aménageant la chaussée. Les sanctions en cas d'infraction mettant en danger les piétons seront durcies, avec notamment une possibilité de recourir à la vidéo-verbalisation. Nous devons également tenir compte de l'augmentation du nombre de vélos.

En outre, la lutte contre l'alcoolémie au volant sera renforcée. Aujourd'hui 90 % des ventes de boissons alcoolisées se font en dehors des débits de boisson. Nous souhaitons la présence à la vente d'éthylotest dans les magasins vendant de l'alcool. Il s'agit également de favoriser l'implantation d'éthylotest antidémarrage. La loi LOPSI a permis leur déploiement. Or, aujourd'hui, seule une centaine a été installée. Afin de favoriser leur déploiement, le plan propose que lorsqu'une personne est contrôlée positive à l'alcool au volant, cette dernière puisse éviter une suspension de son permis dans l'attente de son procès, en installant un de ces appareils. Il s'agit en effet d'éviter des pertes d'emploi et une désocialisation du fait de la suspension du permis de conduire - avant tout jugement. En outre, en cas de suspension de permis pour dépassement des seuils d'alcoolémie au volant, toute personne doit passer devant la commission médicale départementale. En cas de deuxième passage devant cette dernière pour raison d'alcoolémie, le permis ne pourra être récupéré qu'en cas d'installation d'un système d'éthylotest antidémarrage. Nous comptons sur cette mesure pour développer l'éthylotest antidémarrage et faire baisser son prix, car il s'agit là d'un des obstacles principaux à son développement.

Une autre mesure importante du plan est la possibilité pour les forces de l'ordre de se rendre invisibles aux yeux des applications communautaires embarquées. Aujourd'hui, grâce à ces « appels de phares numériques », nos contrôles d'alcoolémie sont entravés. Ce dispositif ne servira pas pour les contrôles de vitesse, car nous disposons de suffisamment de radars.

En outre, les sanctions seront plus sévères pour l'utilisation du téléphone au volant qui est responsable d'un accident corporel sur dix. Désormais, quand une personne sera arrêtée avec le téléphone au volant et en commettant simultanément une autre infraction, son permis sera suspendu. Nous souhaitons également renforcer la protection des usagers des deux roues motorisées, notamment en travaillant sur la formation.

Le plan vise également à améliorer la protection des acheteurs de véhicules d'occasion. Il devra désormais être délivré un certificat mentionnant le pedigree complet de la voiture, et notamment si elle a fait l'objet de réparations contrôlées.

Pour ce qui est des stages de sensibilisation à la sécurité routière - aussi appelés stages de récupération de points mais ce n'est pas l'objectif - le stage durera désormais trois jours, au lieu de deux, lorsqu'il s'agira du troisième suivi par un même individu, avec un module consacré à l'addiction. Personne n'arrivera, dans sa vie, à gagner, en roulant vite, les deux ou trois jours passés en stage.

Enfin, nous misons également sur le déploiement d'un certain nombre d'innovations technologiques.

Pour revenir sur la mesure qui fait le plus débat - la baisse de la vitesse sur le réseau secondaire à 80 km/h, la vitesse est un facteur majeur en matière de sécurité routière. En raisonnant par l'absurde, on pourrait dire, sans vitesse, pas d'accident. Baisser cette dernière permet à la fois de baisser l'occurrence des accidents, et leur gravité. Ce dont il faut bien avoir conscience c'est qu'en matière de vitesse et de choc, la courbe de progression n'est pas proportionnelle, mais exponentielle. Vous m'avez posé la question de l'existence d'études scientifiques sur les effets positifs de la baisse de la vitesse. Une étude suédoise et une autre norvégienne ont compilé les études réalisées dans différents pays, et indiquent qu'une baisse de la vitesse moyenne entraîne une diminution du nombre d'accidents. On nous oppose l'ancienneté des études. En France, l'annonce du déploiement de radars a été faite en 2002. On a constaté un ralentissement fort de la vitesse des Français. Sur le réseau dont nous parlons aujourd'hui, entre 2002 et 2005, la vitesse moyenne pratiquée a baissé de 7 %, et la mortalité a baissé de 37 %. En 2012, le conseil national de la sécurité routière a émis des recommandations pour baisser l'accidentalité en France. L'abaissement de la limitation de vitesse en faisait partie, et a été approuvée par tous les membres. En outre, depuis 2015, où on a donné la possibilité aux maires de baisser à 30 km/h la limitation de vitesse dans leurs communes, on constate qu'un grand nombre d'entre eux y ont eu recours.

L'un des points importants est de savoir si cette mesure est proportionnelle. Le Premier ministre a souhaité envoyer un signal fort pour pouvoir baisser de manière significative le nombre de morts. Le taux de mortalité sur nos routes, - rapporté au nombre de kilomètres d'infrastructures routières -, n'est pas bon par rapport à nos voisins. En Allemagne ce chiffre est de 2 700 morts - rapporté au linéaire français - et en Suède, qui affiche un objectif de zéro accident, il est de moins de 2 000 morts. Dans 90 % des cas, les accidents ont pour cause une erreur humaine. Certes le problème peut aussi venir de l'infrastructure ou de la voiture elle-même. Et, même si un nombre réduit d'accidents a pour cause principale l'infrastructure, il faut travailler à mettre en place des routes plus « pardonnantes » en cas d'erreur humaine. Cette réduction de la vitesse est destinée à sauver des vies. Se pose en effet la question de savoir quoi dire aux victimes des accidents de la route. Quel tribut peut accepter la société française ?

On nous reproche également de vouloir instaurer cette mesure pour augmenter les recettes. Or, il a été décidé que l'argent des amendes serait affecté à l'amélioration des hôpitaux et à la sécurité routière. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, un jaune budgétaire a été consacré à la sécurité routière. 92 % des amendes des radars ont été affectées à cette dernière, réparties en trois postes : un tiers pour la Sécurité routière, un tiers pour l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), et un tiers pour les collectivités territoriales. 80 % des titulaires du permis de conduire ont tous leurs points, et 32 millions de Français ont leurs points depuis plus de quatre ans, ce qui prouve qu'il est possible de respecter les vitesses.

Une autre critique consiste dans le fait que cette mesure serait anti-rurale. Au final, la perte de temps est très limitée. Depuis quelques jours, suite à l'annonce de cette mesure, des journalistes de la presse régionale ont testé la limitation de vitesse à 80 km/h. Je vous lis ici un extrait d'un article publié dans Ouest-France : « la sensation de lenteur est palpable, mais on se sent un peu plus serein et un peu plus à même de pouvoir éviter un problème ». Certes, cette mesure entraîne une perte de temps, mais elle est minime et devrait permettre de sauver 300 à 400 vies par an. Nous sommes conscients que ces vies épargnées ne peuvent pas individuellement nous remercier, mais il s'agit là d'un bienfait collectif. Ce n'est pas la première fois qu'une mesure de sécurité routière est impopulaire. Il en a été de même lors de l'introduction du port obligatoire de la ceinture de sécurité ou encore du permis à points : des hôpitaux avaient d'ailleurs été bloqués à cette occasion. Enfin, et sans trahir le secret des délibérations du conseil national de la sécurité routière, je me permettrai juste de finir avec une phrase prononcée par le directeur général de la gendarmerie nationale au sujet de cette mesure : « on ira un peu moins ramasser des gens au bord des routes ».

M. Philippe Bas, président. - Nous partageons votre objectif, à savoir épargner des vies humaines ; et j'ai bien compris que le Gouvernement était à la recherche d'une mesure de rupture. Toutefois, n'importe quel type de mesure ne peut pas être accepté pour y parvenir. Nous souhaitons discuter des paramètres techniques pour atteindre l'objectif fixé. En outre, malgré nos demandes, nous n'avons pas pu obtenir les études ayant permis au Gouvernement de prendre cette mesure.

M. Hervé Maurey, président. - Je souscris au propos de Philippe Bas, et je tiens à rappeler le respect nécessaire du principe constitutionnel de proportionnalité entre l'objectif à atteindre et la norme utilisée.

M. Michel Raison. - Je tiens tout d'abord à remercier le délégué interministériel que j'ai pu rencontrer en novembre et avec lequel nous avons eu un long échange sur la sécurité routière. J'étais très satisfait par le plan de 2002. En effet, le sujet de la sécurité routière touche tout le monde. On parle trop peu des personnes handicapées à la suite d'un accident de la route ou des familles brisées.

Toutefois, en ce qui concerne la réduction de la vitesse à 80 km/h, j'ai plusieurs regrets. Le premier concerne la forme. Certes, vous nous avez dit avoir procédé à des consultations, mais avez-vous tenu compte des rapports publiés sur ce thème par l'Assemblée nationale et le Sénat ? En 2011, le Gouvernement avait suspendu ses annonces dans l'attente de la conclusion de nos travaux. Or la forme est particulièrement importante, car pour que cette mesure soit adoptée par la population, elle doit être vue comme acceptable. Une importante pédagogie est nécessaire, qui n'est pas suffisante aujourd'hui. En outre, si on suit les résultats des études, on peut penser que limiter la vitesse à 70 km/h permettrait de réduire encore plus le nombre de victimes d'accidents de la route. Pour moi, et c'est comme en économie, il y a un optimum à trouver.

De plus, on ne saura jamais si la limitation à 80 km/h est efficace car elle fait partie de plusieurs mesures prises en même temps. Ainsi, si le nombre de morts diminue, on ne saura pas exactement à quelle mesure l'attribuer.

Vous comparez cette mesure avec la mise en place des radars en 2002. Or, ce qui avait été fait à cette époque, c'est un renforcement du contrôle des règles en vigueur, pas une modification de ces dernières.

Vous avez brièvement évoqué le contrôle par voiture privée banalisée. Une expérimentation a été menée en Normandie. Actuellement, les gens ne comprennent pas cette mesure. Moi-même, j'ai compris le rôle de ces voitures, leurs pouvoirs, et l'intérêt qu'elles représentent, seulement après avoir reçu une explication pédagogique de votre part, et avoir pu monter dans ces voitures pendant une journée. J'y suis désormais favorable.

Vous avez également évoqué les pays étrangers, qui ont de meilleurs résultats que nous. Or, au Royaume-Uni, la vitesse moyenne est de 97 km/h. En Allemagne, la vitesse est mieux adaptée en fonction du tronçon. Je pense qu'il aurait fallu laisser les préfets décider des zones à limiter à 80 km/h et de celles qui auraient pu rester à 90 km/h. Une généralisation brutale de la limitation à 80 km/h, sans explication préalable n'est pas possible. Le Gouvernement précédent avait mis en place une expérimentation sur certains tronçons d'une limitation limitée à 80 km/h. C'est par exemple le cas sur la RN 7 dans la Drôme. Or, cette année, il y a eu plus de morts que les années précédentes. En outre, cette expérimentation ne concerne que 84 kilomètres de routes sur les quelques 400 000 kilomètres que compte notre pays, et seulement pendant deux ans. Aujourd'hui, il n'y a pas d'acceptabilité de cette mesure, elle risque de poser un réel problème, car les gens vont s'énerver au volant et avoir des comportements dangereux.

Enfin, souvent, lorsqu'il y a un accident et que l'on ne sait pas quoi mettre, l'inscription « vitesse excessive » est mentionnée. Dès lors, les statistiques générales relatives aux causes des accidents de la route ne sont pas exactes.

M. Rémy Pointereau. - Vous avez tenté de nous convaincre du bienfondé de cette mesure. Or, dans les territoires, elle est perçue comme une punition, une sorte de double peine, après l'augmentation du tarif du diesel. Il y a ainsi une hausse du sentiment d'exaspération qui va se traduire dans les urnes. À mon avis, il aurait fallu faire preuve d'une plus grande distinction entre les routes dangereuses où la vitesse doit être limitée à 80 km/h, voire dans certains cas encore plus, et celles où la vitesse peut être maintenue à 90 km/h. D'ailleurs, sur autoroute, c'est une différenciation qui en pratique a été retenue, avec des zones à 130 km/h, d'autres à 110 km/h, d'autres enfin à 90 km/h. En outre, quelle sera la conséquence de cette mesure sur la vitesse maximale des camions ou des véhicules sans permis ?

M. Alain Marc. - En France, nous n'avons pas la culture de l'évaluation. Dans mon département, sur les 6 400 kilomètres de routes, certains secteurs sont très dangereux et mériteraient une limitation plus forte de la vitesse, d'autres au contraire ne présentent pas de difficultés et on pourrait y rouler plus vite. Enfin, certaines connaissent déjà une augmentation du flux des voitures, avec des portions limitées à 80 km/h.

Le conseil départemental reçoit, au titre des amendes perçues sur le territoire, une partie du produit de ces dernières, qu'il redistribue ensuite pour financer des mesures de sécurité. Or, le montant reversé est passé de 400 000 euros à 390 000 euros. Même si on ne peut parler de recettes spécifiquement affectées, j'aimerais connaître le pourcentage de redistribution pour ces amendes au niveau des collectivités territoriales.

Enfin, je tiens à rappeler que pour nombre de nos concitoyens, leur mobilité dépend de la voiture qu'ils doivent utiliser pour rejoindre d'autres infrastructures de transport ou se déplacer.

M. Alain Fouché. - En 2011, j'ai été l'auteur d'un amendement permettant de récupérer un point en six mois, et deux points en un an. Cela n'a pas causé d'accidents supplémentaires. J'ai également déposé une proposition de loi visant à ne plus mettre d'amende en cas d'excès de vitesse inférieur à 10 km/h. En France, 500 à 600 000 personnes conduisent sans permis. J'ai également proposé qu'un forfait soit mis en place, lors de la vente de véhicules d'occasion, afin de vérifier ce dernier. Je tiens également à rappeler les conclusions du rapport de la commission des finances du Sénat de 2007, selon lequel la politique d'implantation des radars était basée principalement sur des critères de rentabilité. Je m'inquiète d'ailleurs de la gestion de ces derniers par des sociétés privées. Je souhaite revenir sur la répartition des recettes des radars. Dans mon département de la Vienne, alors qu'il y a beaucoup plus d'amendes, la somme allouée au département est en baisse. Elle est ainsi passée de 404 000 euros à 340 000 euros. Où est passé cet argent ? À mon avis, il a été utilisé pour rembourser la dette de l'État. L'expérience menée au Danemark a montré qu'une limitation de la vitesse à 80 km/h est accidentogène. Au Royaume-Uni, on désactive des radars. Bref, nos voisins prennent le chemin inverse du nôtre.

De manière générale, il n'y a jamais eu autant de radars, pourtant le nombre de morts sur la route stagne, voire augmente sur la dernière année. La vitesse n'est pas la vitesse le principal problème : c'est le comportement des automobilistes. Bref, il y a un sentiment d'exaspération au sein de la population.

M. Jean-Yves Leconte. - Dans vos explications, vous procédez plus par sophisme que par réflexion rationnelle. Je tiens toutefois à rappeler qu'il est normal que la vitesse moyenne augmente, parce que les distances parcourues sur autoroute sont également en hausse. En outre, trois éléments interviennent en matière de sécurité routière : la qualité des automobiles, la qualité des infrastructures et l'attention des conducteurs. Or, le Premier ministre a basé son action sur une baisse de la vitesse pour avoir moins d'accidents. Mais les autres facteurs ne sont pas pris en compte. En comparant avec les autres pays où il y a moins d'accidents par kilomètre parcouru, on se rend compte que d'autres méthodes que l'adaptation de la seule vitesse sont utilisées. Votre mesure phare ne procède d'aucune analyse scientifique, ni de réelles évaluations ou d'expérimentations menées. Le plus important en matière de sécurité routière est l'attention des conducteurs. Enfin, les infrastructures pourraient être améliorées. On l'a encore malheureusement constaté il y a peu aux passages à niveau.

M. Éric Gold. - À mon avis, il aurait été plus judicieux de cibler les zones accidentogènes, plutôt que de fixer une règle générale, mal perçue dans les campagnes.

Mme Brigitte Lherbier. - Ce qui m'étonne, dans ce plan global, c'est la proposition d'apporter des solutions mathématiques à des problèmes qui n'en sont pas. Pour ma part, les comportements inadmissibles doivent être suivis de sanctions extrêmement sévères. Je m'étonne également que l'on ne parle pas du comportement de certains vélos et deux roues qui ne respectent pas le code de la route, que ce soit les stops ou les feux rouges. Il ne se passe pas une journée sans que l'on en voie commettre ces infractions.

M. Olivier Jacquin. - Je note la timidité de certaines mesures par rapport à la radicalité de la baisse de la limitation de vitesse. Les accidents très graves ont lieu en France sur des routes départementales dans des situations de dépassement. Il y a eu trois expérimentations en France d'une limitation de la vitesse, mais qui n'ont pas abouti. Il y a ainsi un goût d'inachevé. La timidité des mesures dont je parlais concerne les pertes d'attention du conducteur. Certes, le portable est interdit au volant, quand on le tient en main. Or, il m'arrive d'avoir des conversations téléphoniques en voiture avec mon préfet - via le kit main libre - lesquelles peuvent être tendues ou requérant une attention particulière. Il en est de même lorsque l'on programme un GPS. Ce sont autant de moment où l'attention du conducteur n'est pas entière.

M. Henri Leroy. - La vitesse, l'alcool, les drogues, les fautes de comportements sont les principales causes d'accidents de la route. J'adhère à ce qu'a dit notre collègue Michel Raison.

Par ailleurs, pour en avoir discuté avec les brigades et pelotons de gendarmerie, tous ne sont pas en adéquation avec le principe d'un abaissement général de la limitation de vitesse. Ils sont plutôt en faveur d'une sectorisation. De même, vous avez indiqué que les maires s'étaient emparés de la possibilité de réduire à 30 km/h la vitesse dans leur commune. Or, si cela a été fait, c'est de façon sectorielle. Vous avez tous les éléments pour faire une mesure qui serait acceptée par les forces de l'ordre.

M. Benoît Huré. - La suspension du permis de conduire représente une pénalité importante pour ceux qui habitent en milieu rural. En effet, vous n'avez pas d'autres choix que de prendre votre voiture. D'ailleurs, vous l'avez vous-même constaté puisque vous nous avez annoncé que celles et ceux qui installeront un système d'éthylotest anti-démarrage, pourront continuer à conduire jusqu'à la tenue de leur procès. Combien coûte un tel dispositif ? Est-il possible de l'installer sur des modèles anciens de voiture, qui sont encore nombreux dans le monde rural ?

Les causes du manque d'attention sont multiples. Certes, il y a le portable, mais aussi la discussion avec un passager, la radio. En suivant votre raisonnement sur la limitation de vitesse, on peut craindre un durcissement dans ce domaine.

Les avancées technologiques en matière de sécurité routière ne sont que trop peu évoquées. Ainsi, sur certains nouveaux modèles, vous avez un équipement sur le siège conducteur qui détecte un endormissement et envoie un petit choc pour vous faire regagner votre attention.

Enfin, je partage la remarque de notre collègue indiquant que la mention « vitesse excessive » est parfois mise sur les procès-verbaux d'accidents, lorsqu'aucune autre cause n'est visible.

Mme Catherine Troendlé. - Je vais souvent en Allemagne. Sur de nombreux tronçons d'autoroute, il n'y a pas de limitations de vitesse, alors que sur d'autres, connus pour être accidentogènes, une limitation est indiquée. Vous avez également évoqué la possibilité pour les maires de réduire à 30 km/h la vitesse dans leur commune. Si les maires ont pris leur responsabilité, ils l'ont fait au moyen d'appareillages spécifiques, comme des chicanes, ou des gendarmes couchés. Or, aucune pose d'instruments de ce type n'est prévue pour la réduction de la vitesse à 80 km/h hors agglomération.

Dans mon département, des milliers de frontaliers font plusieurs dizaines de kilomètres pour aller travailler en Suisse. Ils ont l'impression d'être matraqués fiscalement - d'autant plus que le risque de contravention est perçu comme un versement fiscal. Une traduction de ce sentiment dans les urnes n'est pas à exclure.

Pour moi, ce sont les mauvais comportements du conducteur qui sont les plus dangereux. Dès lors, que pensez-vous du débat sur une légalisation du cannabis ? Souvent le week-end, cannabis et alcool sont consommés par les jeunes qui peuvent ensuite prendre le volant.

Enfin, nous avons tous demandé à avoir les conclusions des études citées et des expérimentations menées. J'espère que nous les recevrons bientôt.

M. Patrick Chaize. - Vous nous avez indiqué que 85 % des automobilistes respectent les limitations de vitesse. Cette mesure concernerait donc 15 % de la population. Or, si ces 15 % ne respectent pas la limitation de vitesse à 90 km/h, ils ne la respecteront pas non plus à 80 km/h.

En outre, dans le contexte ambiant de droit à l'erreur, il arrive de perdre un point de permis pour un dépassement de quelques kilomètres par heure. Il y a, à mon sens, une inadaptation de la perte de point pour un dépassement de un ou deux kilomètres par heure.

Peut-être qu'au final, la voiture connectée résoudra beaucoup de nos problèmes !

M. Jérôme Durain. - Lors d'un stage de sensibilisation à la sécurité routière que j'ai dû effectuer, j'ai appris que la majorité des accidents avait lieu par beau temps, en ligne droite et de jour. Dès lors, plus que la vitesse, c'est l'attention du conducteur qui est en jeu. Aussi, il est important que les usagers de la route soient informés, mieux formés et plus vigilants dans leur conduite.

Mme Nicole Bonnefoy. - Je souhaite vous interpeller sur la sécurité du transport scolaire. L'association nationale pour les transports éducatifs de l'enseignement public (ANATEEP) a récemment alerté sur une modification des conditions de transports scolaires. Avec les dernières lois de réforme territoriale, certaines autorités organisatrices de transport ont vu les réseaux dont elles ont la charge s'étendre de manière significative. Certaines font ainsi voyager les élèves debout, sans ceinture, et dans des bus sans pictogramme « bus scolaire » à l'avant et à l'arrière du véhicule. Certes, le transport debout est normalement interdit pour les transports scolaires. C'est pourquoi, on a vu apparaître ces « lignes à vocation scolaire » qui n'existent pas juridiquement. Il me paraît important que le Gouvernement rappelle le texte et l'esprit de l'article 60 de l'arrêté du 2 juillet 1982 relatif aux transports en commun de personnes.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Actuellement, la vitesse est limitée à 80 km/h pour les jeunes conducteurs et lorsque la chaussée est mouillée. Quelle sera la conséquence de la baisse générale de la limitation de vitesse sur ces derniers ?

Vous nous avez indiqué que 15 % des conducteurs ne respectent pas les limitations de vitesse. Une mesure de probation pour ce type de conducteur est-elle envisagée ? En outre, les équipementiers ont fait des efforts importants pour réduire la durée de perception et de réponse à un danger sur la route. De même, des progrès importants ont été faits en matière de pneumatique, de freinage et de qualité de la chaussée. Ces différents paramètres ont-ils été pris en compte ?

M. Guillaume Gontard. - Ma question porte sur les cyclistes dont le nombre a augmenté de 22 % depuis 2010. Les chiffres du dernier trimestre montrent une forte hausse. Les deux tiers des accidents impliquant des cyclistes ont lieu hors agglomération. Les nouveaux aménagements et travaux dans ces zones prennent-ils en compte ce nouveau mode de déplacement ?

M. Michel Dagbert. - Mon département dispose de 6 200 kilomètres de routes secondaires. Certaines sont d'anciennes routes nationales d'intérêt local, sur lesquelles, une fois transférées, le préfet a insisté sur la nécessité de faire des travaux.

Actuellement, les limitations de vitesse se font de 20 en 20. Cela permet au conducteur d'avoir une lecture de la route cohérente. L'abaissement de la vitesse à 80 km/h a-t-il une conséquence sur les autres limitations de vitesse ?

M. Hervé Maurey, président. - Pourquoi ne pas avoir mis en place un système différencié ? On aurait pu ainsi imaginer un système similaire à celui du pouvoir du maire, pour le préfet. En outre, si la limitation de vitesse à 80 km/h est une panacée, pourquoi d'autres pays en reviennent ?

M. Philippe Bas, président. - La rétention d'informations par l'État est inacceptable. Cela jette le doute sur la bonne foi du Gouvernement, et est peu respectueux de la représentation nationale.

M. Emmanuel Barbe. - Une information erronée au sujet du Danemark circule depuis plusieurs jours, véhiculée par une association opposée à cette mesure. J'ai interrogé l'ambassade du Danemark en France qui m'a confirmé qu'à aucun moment le pays n'était revenu sur la limitation à 80 km/h. Ce qui a été mis en place est seulement une expérimentation sur une centaine de kilomètres, après avoir entrepris des travaux importants en matière d'aménagement de l'infrastructure. L'ambassade du Danemark l'a ainsi confirmé sur son compte facebook : il n'y a pas eu de modification de la limitation de vitesse au Danemark.

Les expérimentations menées en France n'avaient pas pour but de faire diminuer le nombre de morts, mais d'étudier l'influence d'une baisse de la vitesse maximale autorisée sur la vitesse effectivement pratiquée. On constate ainsi une diminution de 4 à 5 km/h sur la vitesse effectivement pratiquée. On a également constaté que les poids lourds avaient diminué leur vitesse pratiquée, alors même qu'ils étaient déjà soumis à une limitation à 80 km/h. En outre, il n'y a pas eu d'effet de report du trafic sur d'autres axes routiers. Cette étude du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ne portait pas sur l'accidentologie, car un délai de deux ans est trop court pour mener une telle étude. D'ailleurs, s'agissant des conséquences de l'implantation de radars sur l'accidentologie, le calcul se fait sur une durée de cinq ans.

M. Philippe Bas, président. - Nous entendons ce que vous nous dites, mais nous aimerions avoir cette étude. En outre, il serait bon que le but recherché soit précisé de manière explicite dans l'étude.

M. Emmanuel Barbe. - Une limitation de vitesse adaptée au réseau a été envisagée. Toutefois, il s'agit de faire face à l'homéostasie du risque, car on roule toujours à la vitesse maximale à laquelle on pense pouvoir rouler. Aussi par lisibilité, et pour éviter des confusions entre des zones où la limitation est de 80 km/h et celles où elle est de 90 km/h, le Gouvernement a préféré recourir à une baisse généralisée.

Le linéaire structurant du réseau secondaire est fortement touché par les accidents. Nous avons fait des études sur plusieurs départements. Ainsi, dans le département des Deux-Sèvres, le linéaire structurant représente 21 % du réseau, mais 65 % des tués. Là où le conducteur pense pouvoir aller vite, c'est là où se trouve le danger.

La ruralité paie le tribut le plus cher en matière de sécurité routière. Je le constate en lisant la presse quotidienne régionale chaque lundi matin, qui fait état des accidents survenus le week-end. L'objectif de sauver des vies implique d'intégrer les routes où il y a malheureusement le plus de morts.

Le chauffard représente une maximisation du risque, mais 52 % des auteurs d'accidents mortels ont tous leurs points. C'est souvent un moment d'inattention qui est à l'origine des accidents. Si l'on s'appuie sur ceux qui respectent les normes, on aura un impact fort. Une évaluation de la mesure est prévue dans deux ans. Mais baisser la vitesse doit permettre de laisser un peu plus de temps pour répondre à un comportement anormal. Le problème en voiture c'est que notre comportement est dangereux pour les autres. La violence routière coûte entre 35 et 45 milliards d'euros. Il est logique que l'État prenne des mesures. Je constate que personne ne parle des autres mesures.

En Angleterre, la vitesse moyenne est de 97 km/h sur les 400 000 kilomètres de routes. Toutefois, pour un grand nombre d'entre elles, la vitesse moyenne est très basse. En Allemagne, notre annonce de la baisse de la limitation de vitesse a été accueillie avec enthousiasme par le comité allemand de sécurité routière.

Il n'est pas facile d'agir sur les comportements de somnolence. Nous travaillons avec l'ordre des pharmaciens, afin que les pictogrammes sur les boîtes de médicaments soient plus visibles. Il y a également un travail de sensibilisation avec l'ordre des médecins.

Les petits excès de vitesse font l'objet, en France, de faibles sanctions. Par comparaison avec les pays voisins, le montant de l'amende est peu élevé. En outre, le point perdu est récupéré dans un délai de six mois, si aucune autre infraction n'est sanctionnée. Le problème est que l'ensemble des petits risques font porter un risque important aux 43 millions de voitures en circulation en France. Enfin, tous les radars fixes sont précédés de panneaux.

Le radar embarqué en voiture doit permettre de vérifier le respect de la vitesse. Jusqu'à présent, il fallait deux policiers ou gendarmes présents. Dès lors, ce procédé était peu utilisé. Un contrat a été passé avec une société privée qui sera chargée de le faire. Cela permettra notamment d'employer ailleurs les forces de police et de gendarmerie ainsi mobilisées. Il n'y a pas d'excès de zèle possible de la part de l'entreprise privée. Le parcours de la voiture est donné par les autorités, et elle ne peut pas s'en écarter : c'est prévu dans le contrat. S'il n'est pas possible de publier l'intégralité de ce dernier, je pourrai vous transmettre les extraits concernant ces points précis.

Une réflexion pour récompenser le conducteur vertueux est en cours. Toutefois, c'est un sujet délicat, car il s'agit d'une politique de masse. Or, un micro effet sur une population aussi massive peut avoir des effets négatifs importants.

Le véhicule connecté est une voie intéressante, même si nous en sommes encore loin. Mais de nombreuses innovations technologiques sont désormais intégrées dans les véhicules. Je pense notamment à l'aide au freinage. D'ailleurs, en matière de distance de freinage, nous nous basons sur les calculs des experts, qui prennent en compte à la fois le temps de réaction - une seconde en moyenne, alors que dans les faits il est souvent plus long - et le temps d'action du freinage.

Certes, on constate une hausse des mauvais comportements à vélo. Toutefois, le nombre d'accidents impliquant un vélo est également dû à l'augmentation du nombre de cyclistes.

Pour les transports scolaires, c'est à l'autorité organisatrice des transports de veiller au respect des règles. J'en parlerai à mon collègue du ministère des transports.

Il n'est pas prévu de modification de la vitesse maximale en cas de chaussée mouillée sur le réseau secondaire.

On estime que cette baisse de la limitation de la vitesse entraînera une augmentation des recettes. Toutefois, comme le montre le jaune budgétaire, ces dernières seront affectées à la sécurité routière.

M. Alain Marc. - Il faudra vérifier dans les prochains jaunes budgétaires que ces sommes supplémentaires soient bien affectées à la sécurité routière.

M. Emmanuel Barbe. - En conclusion, je rappellerai qu'entre 2002 et 2005, la vitesse moyenne a baissé de 7 km/h et le nombre de tués a été réduit de 37 %. La perte de temps en voiture est productrice d'un bienfait pour la société.

M. Philippe Bas, président. - Nous restons pour beaucoup d'entre nous encore interrogatifs à l'égard des raisonnements par analogie qu'a faits le Gouvernement. Aussi, un groupe de travail commun à nos deux commissions est mis en place pour approfondir l'ensemble de ces questions. Il est composé de nos collègues Michel Raison, Michèle Vullien et Jean-Luc Fichet. Les sénateurs que nous sommes, en contact avec la population - surtout en ce mois de janvier - ont entendu beaucoup de réactions chez nos concitoyens, pour la plupart négatives. Or l'acceptation de la mesure est quand même une condition de sa réussite. Il y a une dimension psychologique qui n'est pas négligeable.

M. Hervé Maurey, président. - Le groupe de travail devrait rendre ses conclusions dans un délai de deux à trois mois. Nous espérons que certaines de ces recommandations attireront l'attention du Gouvernement avant l'entrée en vigueur des mesures annoncées au 1er juillet 2018. Sur l'acceptabilité des mesures proposées, il y a encore beaucoup de pédagogie à faire. Nous attendons avec beaucoup d'impatience, puisque vous avez pris cet engagement ce matin, la transmission des expérimentations. En effet, malgré tous les efforts que vous avez déployés, reste l'impression d'une mesure davantage empirique que scientifique.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Groupe de travail sur la sécurité routière, commun à la commission des lois et à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable - Nomination des membres

M. Michel Raison, Mme Michèle Vullien et M. Jean-Luc Fichet sont nommés membres du groupe de travail sur la sécurité routière.

La réunion, suspendue à 10 h 45.

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

La réunion est reprise à 10h50.

Proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux - Examen du rapport et du texte de la commission, en première lecture

M. Hervé Maurey, président. - Nous examinons à présent le rapport de notre collègue Didier Mandelli sur la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, présentée par Michel Vaspart et plusieurs de ses collègues des groupes Les Républicains et Union Centriste.

Je rappelle que ce texte, qui sera examiné en séance publique mardi prochain, reprend, en partie, une proposition de loi adoptée par le Sénat en 2017, dont l'examen n'est pas allé à son terme du fait de la suspension des travaux parlementaires. Ce texte entend répondre aux attentes des élus des territoires littoraux, confrontés à des contraintes d'aménagement du territoire liées au changement climatique, et à la difficulté de concilier les exigences de protection et d'aménagement du littoral.

EXAMEN DU RAPPORT

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Ce texte semble peut-être familier à certains d'entre vous. Il vise en effet à relancer le processus d'examen des dispositions de la proposition de loi n° 3959 portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, déposée à l'Assemblée nationale en juillet 2016 et adoptée en première lecture au Sénat en janvier 2017.

En deuxième lecture, le texte transmis par l'Assemblée au Sénat n'avait pas pu être examiné, compte tenu de la suspension des travaux parlementaires.

Au Sénat, Michel Vaspart avait été rapporteur de notre commission, et Philippe Bas avait été nommé rapporteur pour avis de la commission des lois. Je tiens à saluer la qualité de leur travail d'alors, et leur implication sur ce nouveau texte, le président Bas étant à nouveau rapporteur pour avis. Nous avons travaillé en étroite collaboration et plusieurs amendements que nous examinerons dans un instant font l'objet de propositions identiques de nos deux commissions.

La présente proposition de loi reprend l'essentiel du précédent texte dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.

Elle vise à mieux prendre en compte les effets du changement climatique sur l'érosion et l'élévation du niveau de la mer, afin de concilier le phénomène de recul du trait de côte avec le développement d'activités dans les territoires littoraux.

Je rappelle que le trait de côte représente environ 5 800 km pour la France métropolitaine et près de 10 000 km pour les outre-mer, et on estime qu'un quart de la côte en métropole connaît un phénomène d'érosion marquée, auquel s'ajoute l'élévation du niveau de la mer, accélérée par le changement climatique.

L'objectif principal du texte est d'intégrer et de gérer ce phénomène en améliorant l'information des acteurs locaux et en sécurisant juridiquement leurs activités. Il s'agit également de permettre aux collectivités territoriales de mener des opérations de recomposition spatiale, en tenant compte du recul à venir du trait de côte.

Pour cela, le texte prévoit la création d'une série d'instruments nouveaux, notamment de stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, de zones d'activité résiliente et temporaire, et d'un nouveau type de bail immobilier.

Par ailleurs, le texte reprend un ajout du Sénat dans la précédente proposition de loi, permettant de déroger au principe d'urbanisation en continuité de l'urbanisation existante, sous certaines conditions.

Bien que le présent texte reprenne fidèlement la précédente proposition de loi, j'ai souhaité mener une nouvelle série d'auditions avec les principales parties prenantes, et j'ai effectué deux déplacements, dans le Finistère et en Vendée, afin de prendre la mesure exacte des difficultés rencontrées dans les territoires littoraux et d'entendre les observations de chacun sur ce texte, qu'il s'agisse d'élus locaux, de professionnels, d'usagers ou de représentants associatifs engagés en faveur de l'environnement. Des délais contraints ne m'ont malheureusement pas permis de faire des déplacements dans d'autres territoires littoraux.

Je rappelle que notre commission avait adopté en 2014 un rapport très complet sur l'application de la loi Littoral présenté par nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet. Ce travail, que je salue, a fait date en établissant un constat clair, équilibré et transpartisan sur les difficultés et les défis rencontrés dans les territoires littoraux, qui a directement nourri le texte que nous examinons aujourd'hui.

Comme ce point a été évoqué lors des auditions, je précise dès à présent qu'une meilleure prise en compte du recul du trait de côte dans l'aménagement du littoral n'implique aucunement de renoncer à lutter par ailleurs contre ce phénomène, par des investissements et des ouvrages de défense contre la mer à la hauteur des enjeux.

Ce n'est pas l'objet du texte mais c'est un sujet indissociable, pour lequel nous souhaitons une présence et un soutien forts de l'Etat car il s'agit d'une mission véritablement régalienne, de protection des populations et des biens. Il est indispensable d'avancer sur les deux fronts à la fois.

J'ajoute que les pouvoirs publics doivent impérativement agir de concert et mettre en cohérence leurs initiatives. Lors d'un déplacement, j'ai été alerté de décisions de l'État autorisant des prélèvements massifs de granulats ayant pour conséquence d'amplifier fortement l'évolution du trait de côte, cette fois-ci en raison de facteurs humains, alors que les élus locaux, qui n'en ont pas été informés, s'employaient à la limiter ! Une meilleure coopération doit permettre de prévenir de telles incohérences.

Je vous propose à présent de vous présenter synthétiquement le contenu du texte, dont les dispositions sont réparties entre trois chapitres.

Le chapitre Ier comprend un article 1er unique, qui prévoit l'élaboration par l'État d'une stratégie nationale de gestion du trait de côte, servant de cadre de référence. Il prévoit également l'élaboration facultative par les collectivités de stratégies locales sur ce sujet, afin de mettre en oeuvre les principes de la stratégie nationale, et de proposer, le cas échéant, l'établissement d'un zonage dédié pour gérer ce phénomène.

Le chapitre II comprend les articles 2 à 8.

L'article 2 - c'est nouveau - définit le recul du trait de côte : il s'agit d'un déplacement vers l'intérieur des terres de la limite du domaine maritime en raison de l'érosion côtière ou de l'élévation permanente du niveau de la mer. Cet article permet donc de préciser le phénomène qui motive l'ensemble du texte.

L'article 3 prévoit de rendre éligible à une indemnisation par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), également appelé « fonds Barnier », les propriétaires de l'immeuble du Signal, à Soulac-sur-mer en Gironde, devenu emblématique des difficultés en matière de gestion du recul du trait de côte. La spécificité de cet article est qu'il concerne une affaire en cours d'examen devant le Conseil d'Etat, ce dernier ayant récemment transmis une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

L'article 4 intègre aux plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) une évaluation du risque de recul du trait de côte et prévoit la possibilité de délimiter des zones d'activité résiliente et temporaire (ZART) sur proposition d'une collectivité ou d'un groupement concerné. Le PPRN précisera alors la durée maximale pendant laquelle des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations peuvent être réalisés, utilisés, exploités ou déplacés dans les ZART. Ce zonage pourra être assorti d'interdictions ou de prescriptions.

En cohérence avec ce mécanisme, l'article 5 prévoit, lorsqu'une stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte a été élaborée et portée à sa connaissance, que le préfet de département décide si une révision ou une modification du PPRN est nécessaire.

L'article 6 prévoit, à titre général, que le préfet transmet aux collectivités un document relatif aux caractéristiques, à l'intensité et à la probabilité des risques naturels existants, dans le cadre du « porter à connaissance » en matière d'urbanisme.

La bonne information des différents acteurs économiques est essentielle pour intégrer le phénomène du recul du trait de côte. L'article 7 impose donc au vendeur ou au bailleur d'un bien situé dans une ZART d'informer l'acheteur ou le preneur de la durée pendant laquelle les constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations peuvent être réalisés, utilisés ou exploités au regard du risque de recul du trait de côte.

Quant à l'article 8, il prévoit qu'en l'absence d'objectifs de gestion du trait de côte dans les SRADDET, les schéma régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, les schémas de cohérence territoriale prennent en compte les objectifs fixés par la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte.

Le chapitre III est constitué des articles 9 à 19, qui comprennent des dispositions plus diverses.

L'article 9 permet de déroger au principe d'urbanisation en continuité de l'urbanisation existante dans les communes littorales dans plusieurs cas : pour densifier les hameaux, pour relocaliser des constructions dans le cadre d'une ZART, pour réaliser des constructions ou installations liées aux activités agricoles et forestières ou aux cultures marines, ou pour établir des annexes de taille limitée.

Cet article a soulevé des réactions qui me semblent disproportionnées par rapport à l'objet véritable du texte. En effet, ces opérations sont strictement encadrées.

Tout d'abord, elles ne peuvent pas cibler les espaces proches du rivage. Par ailleurs, elles doivent faire l'objet d'une autorisation par l'autorité compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, et elles ne peuvent être autorisées si elles portent atteinte à l'environnement ou aux paysages. Enfin, elles n'ouvrent pas de droit ultérieur à une extension de l'urbanisation.

Ces nombreux garde-fous permettront de prévenir les risques de dérives. Il me semble donc très inapproprié de prétendre qu'il s'agit par cet article de permettre un « bétonnage du littoral », comme nous avons pu parfois le lire ou l'entendre lors des débats sur le précédent texte. Aucun d'entre nous ne souscrit à cette vision et nous avons tous en partage le souhait de préserver le patrimoine naturel du littoral.

Par ailleurs, les auteurs de la présente proposition de loi, et Michel Vaspart au premier chef, ont été à l'écoute des parties prenantes, en ne reprenant pas une disposition adoptée lors de l'examen du précédent texte qui permettait la création de zones d'activités économiques mais qui avait soulevé des inquiétudes. Cela montre, je crois, l'esprit d'ouverture qui guide l'intention du législateur sur ce sujet.

Il nous semble néanmoins indispensable de faire évoluer l'état du droit, car les difficultés dans les territoires littoraux sont réelles, nombreuses et durent depuis trop longtemps. Je rappelle que plus de 1 200 communes sont soumises au régime de la loi littoral, y compris les communes accueillant des lacs de plus de 1 000 hectares, et ce sur l'ensemble de leur territoire, y compris les zones rétro-littorales éloignées du rivage. Nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler lors de l'examen de cet article.

L'article 10 précise les motifs d'élargissement de la bande littorale (dite « bande des 100 mètres ») dans le cadre d'un Plan local d'urbanisme (PLU), en y ajoutant la prévention des risques naturels liés à la submersion marine. Cet ajout, consensuel lors du précédent texte, vise à intégrer une préconisation du rapport de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet.

L'article 11 procède à une coordination concernant les dispositions à viser en matière d'enquête publique préalable à une modification de la servitude de passage longitudinale, qui vise à assurer la circulation des piétons le long du littoral. L'objectif est de sécuriser juridiquement ces procédures.

L'article 12 vise à intégrer l'exposition aux risques naturels dans le processus d'évaluation environnementale, afin d'améliorer la prise en compte de ces enjeux lors de l'autorisation des projets.

L'article 13 permet au département de déléguer son droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles à un établissement public foncier de l'État. Cette faculté vise à tenir compte des territoires qui ne comprennent pas d'établissement public foncier local.

L'article 14 prévoit que les immeubles du domaine privé de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements, et des établissements publics fonciers, situés dans une ZART sont inaliénables, en ne permettant que des cessions ou des échanges entre personnes publiques.

L'article 15 permet de recourir à des actions ou opérations d'aménagement, des opérations de préemption et de réserves foncières afin de réduire la vulnérabilité des territoires face au risque de recul du trait de côte. L'objectif est de prévoir la mobilisation d'outils classiques à disposition des collectivités pour réaménager les territoires affectés par le recul du trait de côte.

L'article 16 crée un nouveau type de bail, le bail réel immobilier littoral, dit « BRILi », destiné à prendre en compte le risque de recul du trait de côte dans les zones d'activité résiliente et temporaire (ZART) tout en permettant d'y développer des activités.

Ce bail sera ouvert aux personnes publiques disposant de biens dans ces zones caractérisées par une certaine précarité de l'occupation et des constructions existantes ou nouvelles. Il doit permettre aux personnes publiques de valoriser ces biens tout en apportant des garanties au preneur de ce bail réel, lui-même en mesure de consentir un bail sur le bien concerné.

L'article fixe les droits et obligations du bailleur et du preneur, en tenant compte des cas où le recul du trait de côte se réaliserait de manière anticipée par rapport au contrat.

Afin de renforcer l'attractivité de cet outil, l'article 17 applique aux entreprises nouvellement créées et signataires d'un BRILi les exonérations fiscales prévues pour les zones de revitalisation rurale (ZRR).

L'article 18, porte sur l'éligibilité au « fonds Barnier », et comprend deux volets.

Le premier vise à rendre les expropriations de biens exposés aux mouvements de terrain côtiers éligibles à une indemnisation par le fonds.

Le second volet permet de mobiliser le fonds pour les acquisitions de biens lors d'une opération d'aménagement pour réduire la vulnérabilité au recul du trait de côte, pour mener certains travaux de démolition ou de limitation d'accès dans le cadre d'une ZART, et pour indemniser les éventuelles pertes liées à la réalisation anticipée du risque de recul du trait de côte dans un BRILi.

Enfin, l'article 19 reprend une disposition adoptée dans la précédente PPL en vue de permettre aux départements de soutenir financièrement les comités des pêches et les comités de la conchyliculture.

Ce texte ayant été adopté dans cette version par le Sénat il y a tout juste un an, avec de nombreux points de convergence avec l'Assemblée nationale, je vous proposerai d'y apporter plusieurs ajustements, sans remettre en cause son économie générale.

Parmi les amendements que nous examinerons dans un instant, je vous proposerai à l'article 8 de préciser l'articulation entre l'élaboration des SRADDET et la prise en compte par les SCoT des objectifs en matière de recul du trait de côte. Un amendement visera par ailleurs à supprimer l'article 6 qui est redondant avec ce que prévoit déjà le code de l'urbanisme en termes d'information des collectivités territoriales sur les risques naturels auxquels leurs territoires sont exposés.

S'agissant de l'urbanisation en discontinuité, à l'article 9, je ne vous proposerai pas de modification à ce stade, car la rédaction me semble équilibrée, entre possibilités nouvelles et modalités d'encadrement, et je sais que nombre d'entre vous sont attachés à maintenir l'équilibre existant.

Je vous proposerai une réécriture de l'article 12 relatif à l'intégration des risques naturels dans le processus d'évaluation environnementale, afin de procéder à une modification plus opérante que celle actuellement prévue dans le texte.

Par ailleurs, je vous proposerai de supprimer l'article 14, qui prévoit de rendre inaliénables les immeubles du domaine privé des personnes publiques situés dans une ZART. Cette disposition me semble excessivement contraignante, pour les collectivités territoriales comme pour l'Etat, et risque d'avoir un effet contre-productif en dissuadant les parties prenantes d'utiliser ce nouvel outil.

À l'article 15, je vous proposerai de sécuriser les opérations de préemption dans les ZART en leur apposant une présomption d'utilité publique, peu contestable au regard des objectifs partagés que sont la protection des populations et la protection de l'environnement.

Pour l'article 16 relatif au BRILi, je vous proposerai d'apporter une série de précisions afin de consolider cet outil et l'équilibre entre les obligations du bailleur et du preneur, notamment en fixant les modalités de cession au bailleur des constructions réalisées par le preneur au cours du bail, et en précisant les droits dont dispose le preneur vis-à-vis du bien.

Enfin, je vous proposerai un amendement visant à limiter dans le temps le recours au « fonds Barnier » en vue de mener des acquisitions de biens dans le cadre d'opérations d'aménagement. Il me semble important de fixer un terme à ce dispositif transitoire, afin de pouvoir élaborer un outil plus pérenne de financement.

Voici en substance, les modifications que je vous proposerai sur ce texte, qui doit permettre de répondre concrètement et rapidement à des difficultés qui deviennent critiques pour l'avenir de nos territoires littoraux, avec le souci permanent d'assurer la protection de cet environnement exceptionnel, tout en créant de réelles possibilités de développement.

Mme Nelly Tocqueville. - Nous savons les menaces qui pèsent sur nos côtes, dont vous avez rappelé la superficie considérable. Le texte qui nous est soumis reprend presque intégralement les dispositions de la proposition de loi socialiste de janvier 2017, dont l'objectif était d'adapter les territoires littoraux au changement climatique, et dont l'examen n'a pu aboutir pour les raisons que le président a rappelées.

Mais des divergences significatives nous séparent, en particulier sur trois articles.

L'article 4 avait fait l'objet de discussions qui avaient abouti à une modification concernant les ZART, dont l'initiative avait été donnée aux collectivités. Il avait été précisé, lors de la seconde lecture à l'Assemblée nationale, qu'il appartient bien au plan de prévention des risques de déterminer le recul du trait de côte.

L'autre point de divergence sur cet article concerne les zones de mobilité du trait de côte (ZMTC), qui permettaient d'interdire toute construction dans certains secteurs. Ce dispositif nous paraît nécessaire, en particulier pour les territoires ultramarins, où la biodiversité appelle une protection spécifique. Or, le texte n'intègre pas cette notion. Pouvez-vous nous préciser pourquoi ?

L'article 9 vise à assouplir la loi Littoral en introduisant plusieurs dérogations au principe d'extension en continuité de l'urbanisation dans les parties rétro-littorales des communes littorales. Il s'agit d'une réécriture de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme, qui reprend en grande partie la rédaction que vous aviez proposée en 2017, à ceci près que vous ne reprenez pas les dérogations alors proposées pour la création de zones d'activité économique - ce qui est un motif de satisfaction.

Cependant, quatre dérogations nous interpellent : la densification des hameaux, la relocalisation des biens menacées, les constructions « liées » aux activités agricoles et forestières ou aux cultures marines - avec les imprécisions qu'emporte ce terme -, et les constructions d'annexes. Pourquoi de telles propositions, qui menacent les dispositions de la loi Littoral, alors que les députés avaient déjà fait un pas supplémentaire sur lequel vous avez rappelé que nous avions trouvé un terrain d'entente ? Je veux parler du compromis sur le principe de l'extension dans les hameaux existants, sur l'autorisation de s'implanter en discontinuité des agglomérations et des villages pour les exploitants agricoles, forestiers et de cultures marine, et sur l'identification des zones situées dans les ZART.

S'agissant de l'article 16, nous divergeons également sur les dispositions précisant les conditions du BRILi, notamment du bail entre bailleur et repreneur, en particulier en cas de non-réalisation du recul du trait de côte.

Pour nous, plusieurs mesures de ce texte remettent en cause des dispositions essentielles de la loi Littoral, dont nous savons tous qu'elle est non seulement essentielle à la préservation des milieux naturels mais aussi la seule possibilité de préserver des risques et de protéger les biens et les personnes. Certaines dérogations ici prévues risquent de laisser le champ libre à des interprétations qui, selon les territoires, pourront satisfaire des intérêts qui se révèlerons parfois difficiles à combattre.

Nous disposons de critères de comparaison avec certains de nos voisins, qui nous envient la qualité de nos paysages littoraux, et il serait risqué d'enclencher une marche arrière alors que le recul du trait de côte s'impose à nous. Faut-il rappeler qu'en Normandie, en octobre et en décembre, ce sont encore des milliers de mètres cubes qui se sont effondrés ?

M. Christophe Priou. - Je salue le travail de notre collègue sur un sujet qui mérite d'être dépassionné. Je suis d'une région, la Loire-Atlantique, où l'on a eu à gérer, il y a peu, deux catastrophes, l'une qui n'était pas d'origine naturelle, la marée noire de l'Erika, et l'autre, qui a eu des conséquences dramatiques, la tempête Xynthia. Les élus locaux furent alors aux côtés de l'Etat, voire en avant lorsque celui-ci était défaillant ou mal organisé.

Autre remarque : nous avons à gérer le décret relatif aux concessions de plages, qui s'est appliqué sur toutes les côtes du littoral atlantique parce que l'on n'avait pas su faire respecter la loi en Corse... laquelle devra sans doute gérer en son propre sein le sujet, non résolu en son temps...

On établit désormais des plans de prévention des risques naturels, pour assurer la protection des biens et des personnes. Il faudra voir comment l'Etat calcule tout cela, sachant qu'une élévation moyenne du niveau de la mer de 5 % peut signifier qu'en certains endroits, elle sera nulle, tandis qu'elle sera de 20 % dans d'autres. On a quelquefois l'impression que les services de l'Etat, qui s'appuient sur le principe de précaution mais en recherchant, désormais, le risque zéro, sont très conservateurs, au point que les élus s'interrogent.

Nous avons besoin d'un partenariat avec le gouvernement. Il y a quelques années, avec le ministère du logement et de l'écologie, une initiative très intéressante avait été mise en place, l'Atelier littoral. Plusieurs sites avaient été choisis dont Coutances, dans la Manche, la presqu'île guérandaise, la côte vermeille autour de Collioure, Juan-les-pins et Antibes. Il s'agissait, au lieu d'opposer un « non » aux élus, de leur dire que l'Etat était là pour les aider et faire en sorte de dire « oui » ensemble. Cette expérience s'exporte très bien dans certains pays, comme la Chine, mais le ministère l'a abandonnée ; c'est regrettable, car elle était un exemple de coconstruction des PLU et des SCoT.

Dans ma commune de Guérande, qui compte 8 000 hectares, avec la Brière au nord, avec ses marais salants, si l'on additionne tous les textes en vigueur, sur douze villages et 80 hameaux, seule Guérande n'est pas concernée par la loi Littoral. Pourtant, nous parvenons à développer un certain nombre d'activités.

J'interviendrai en séance sur l'article 9, notamment sur les équipements d'intérêt général et d'intérêt public. Nous avons créé le deuxième périmètre d'espaces agricoles naturels après celui de Lyon. Nous avons 600 hectares agricoles non exploités en rétro-littoral, entre La Turballe, Guérande et la Baule ; nous voulons les remettre en exploitation. Or, même avec les services de l'Etat, la création d'équipements liés à l'agriculture au sein d'un hameau agricole est chose extrêmement complexe. Il me semble donc important que nous puissions faire avancer de manière consensuelle, à travers ce texte, certaines procédures, dans l'intérêt général et l'intérêt public.

M. Ronan Dantec. - Je ne préjugerai pas des choix de l'Assemblée nationale, mais nous avons tout de même quelques indications... qui pourraient bientôt nous conduire à nous exclamer « Caramba ! Encore raté ! ». Ce texte, de fait, est mal parti. Associant deux questions différentes, l'une liée à la loi Littoral, l'autre au trait de côte, il est en train de provoquer contre lui une forte mobilisation et ne fait pas consensus. L'association France Nature Environnement alerte sur ce sujet.

Les deux questions sont légitimes, mais relèvent de problématiques distinctes. Celle du trait de côte, d'abord, si l'on considère que le niveau de la mer doit monter d'un mètre environ sur un siècle, crée une perte de valeur importante en gelant certains territoires. L'immeuble Le Signal va tomber dans l'eau - mais il est vrai qu'il a été construit sur une dune qui bouge d'elle-même, sans qu'il soit besoin de montée des eaux... Il n'en reste pas moins que cette question du trait de côte emporte des enjeux législatifs à traiter en tant que tels, et cela a un sens d'examiner une proposition de loi sur le sujet.

Il faudrait avoir le courage d'assumer qu'un certain nombre de territoires, aujourd'hui, ne sont pas propices à l'activité humaine. La ZART n'est qu'une façon de retarder les échéances. C'est une usine à gaz qui créera d'énormes difficultés dans quelques décennies. J'ajoute que vu l'enjeu, il faudrait une étude d'impact, donc plutôt un projet de loi. Je voterai par conséquent contre ce dispositif, même si la question posée est légitime.

Autre chose est la question de la loi Littoral. Il est des territoires qui lui sont soumis mais qui ne seront pas touchés par la montée des eaux. Nous sommes tous d'accord pour considérer qu'il faut lever certains blocages dus à la loi, et qu'il convient de trouver des moyens d'urbanisation de bon sens, mais cela ne saurait passer par une dérogation générale. Il y faut des dérogations particulières, par consensus. Or, l'article 9 s'appuie sur les difficultés que l'on connaît tous - je pense par exemple à l'aéroport de Guipavas. Il faut trouver une instance de consensus et non pas détricoter la loi Littoral, comme le fait l'article 9, qui va soulever des contentieux et ne créera aucun consensus.

Ce texte n'atteindra pas ses deux objectifs, en dépit de leur caractère légitime. Et j'ai même tendance à penser que la navette ne se poursuivra pas.

M. Frédéric Marchand. - Ce qui pose problème au groupe de La République en marche, c'est ce fameux article 9. Comme l'ont dit Nelly Tocqueville et Ronan Dantec, il remet en cause la loi Littoral, et les arguties juridiques auxquelles s'emploie le rapporteur, dont je salue le talent, n'y font rien.

On peut aussi s'interroger sur le règlement de la situation que connaît Soulac-sur-Mer, avec l'immeuble Le Signal. Sans doute y a-t-il d'autres moyens qu'une proposition de loi pour parvenir à régler le problème de l'indemnisation.

M. Jean Bizet. - Je me réjouis que le Sénat ait pu reprendre le texte initié par les députés Bruno Leroux et Pascale Got. L'introduction des problématiques de la loi Littoral dans le SRADDET et d'un droit à l'expérimentation pour les élus me semblent bienvenus.

Le travail que nous avions conduit, il y a quelques années, avec Odette Herviaux, soulignait clairement l'importance de la loi Littoral, inscrite quasiment dans le marbre. Cela étant, dans le département de la Manche, qui compte 350 kilomètres de côte, nous nous sommes heurtés pendant des années à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et de la protection des paysages. J'ose le rappeler, cette administration, qui n'a strictement rien fait, a stérilisé toute réflexion en la matière.

L'article 9 ne me pose pas problème, car il ne comporte rien de systématique : toutes les dents creuses ne sont pas urbanisables. Je préfère la densification à l'étalement. Pour avoir vu quelques dents creuses emblématiques lors de la préparation de notre rapport, nous avons pu constater qu'elles étaient devenues des zones de déprise, qui, sans rien apporter à la biodiversité, étaient le refuge de prédateurs, source de nuisances pour les riverains. On y voit proliférer les mauvaises herbes et des espèces animales...

Mme Nelly Tocqueville. - La nature, en somme...

M. Jean Bizet. - ... qui poussent le voisinage à interpeller les élus.

Je déposerai un amendement concernant le financement de la protection contre la submersion marine. Je n'ai pas voté la compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations). Laisser cela à des collectivités locales, surtout sur des côtes sableuses, peut devenir ingérable.

On ne fera pas l'économie, dans le cadre du projet de loi de finances, d'une certaine péréquation financière. Je ne suis pas insensible à ce qu'a dit notre collègue Ronan Dantec. Certains territoires vont voir se fermer leurs perspectives économiques. Pourquoi ne pas prévoir une péréquation financière entre communes littorales et rétro-littorales ? J'ajoute que les collectivités ne pourrons faire financièrement face seules, et que l'on ne pourra les laisser livrées à elles-mêmes.

Mme Françoise Cartron. - Je vais faire entendre la voix de la Gironde, en évoquant à mon tour l'immeuble Le Signal.

Ce texte peut sans doute paraître technique, mais si vous venez à Soulac, vous verrez très concrètement ce que provoque le recul du trait de côte. Ce n'est pas seulement un immeuble, dont, je le rappelle, le permis de construire avait été délivré par l'Etat, qui est condamné, mais 70 familles modestes qui sont dans la détresse, depuis des années, alors qu'elles ont engagé leurs économies pour réaliser leur rêve de vivre en bordure de l'océan. L'immeuble est aujourd'hui muré, et les familles, à cause d'un vide juridique, ne peuvent être indemnisées. On leur propose, à ce jour, 10 000 euros, alors qu'elles se sont endettées et ont engagé les économies d'une vie de labeur. Drame humain supplémentaire, ces familles vieillissent ; à chaque assemblée générale de copropriétaires, on égrène les noms des disparus, décédés sans avoir vu venir de solution. Et l'imbroglio s'aggrave pour les héritiers.

Comme l'a dit Ronan Dantec, cette proposition de loi mêle deux questions, et je crains qu'à trop vouloir satisfaire de multiples intérêts, on oublie l'objectif majeur : répondre à ces familles en détresse.

M. Guillaume Gontard. - Ce texte est attendu, comme le montre l'exemple de l'immeuble Le Signal. Il vise à prendre en compte des phénomènes nouveaux qui, avec la montée des eaux et le réchauffement climatique vont prendre de l'ampleur. Il contient des éléments positifs en matière d'information des élus et des riverains, de prise en compte et d'anticipation des risques, d'adaptation des territoires au changement dans un souci de protection. Voilà des objectifs utiles et nécessaires, mais nous avons, en revanche, de gros doutes sur la question du financement.

Le groupe CRC s'inquiète de la brèche que l'article 9 pourrait ouvrir dans l'application de la loi Littoral, puisqu'en l'absence d'une définition du groupement ou hameau, on élargit à l'excès les possibilités d'extension. Il serait bon, en la matière, de s'inspirer de la loi Montagne. Oui à la possibilité de construire dans les dents creuses, mais uniquement dans celles-ci. Nous proposerons une modification en ce sens.

L'objectif de cette proposition de loi doit rester d'accompagner les territoires face aux phénomènes naturels ; elle ne doit pas faciliter à l'excès la construction sur le littoral.

M. Michel Vaspart. - Je veux commencer par un rappel historique, à l'intention de nos nouveaux collègues. Sous le mandat précédent, dans le texte sur le recul du trait de côte, issu de l'Assemblée nationale, à l'initiative de Pascale Got, et dont j'avais été le rapporteur pour le Sénat, nous avions ajouté les dispositions que l'on retrouve à l'article 9, parce que le texte a de toute évidence un rapport avec le littoral, d'autant plus que nous étions d'accord avec l'Assemblée nationale pour éviter que les ZART se créent en continuité de l'urbanisation existante. Si nous dérogions ainsi à la loi Littoral, c'est parce que ceux qui vivent dans certains territoires, comme la Gironde, ont envie de continuer d'y vivre et d'y avoir des activités. Pascale Got avait donc réfléchi avec le ministère à ces zones d'aménagement résilientes et temporaires, sur lesquelles est prévu un bail très spécifique.

Je veux attirer votre attention sur l'attente, forte, des élus du littoral. Il ne s'agit pas de remettre en cause la loi Littoral, mais de répondre, par voie législative, aux dérapages intervenus dans les décisions des juridictions administratives et les jurisprudences qui en ont découlé. Là est le fond du problème. La loi Littoral est à ce point un totem que quiconque évoque ce problème est soupçonné de la remettre en cause. Je le dis haut et fort, tel n'est pas le cas. Ronan Dantec sait combien je suis attaché à cette loi, pour avoir été maire pendant 25 ans d'une commune littorale. Mais les dérapages de la jurisprudence, notamment sur l'interprétation des dents creuses, doivent trouver remède. La loi SRU a voulu, à juste titre, réduire la consommation foncière de terres agricoles - l'équivalent d'un département tous les dix ans - ; c'est indispensable. Cependant, dans un certain nombre de départements, il existe, dans des hameaux et des villages, des dents creuses perdues pour l'agriculture, et que nous ne pouvons pas urbaniser. Nous avons rencontré des conchyliculteurs qui ne peuvent pas, sur des terres proches du rivage, étendre leur activité ou regrouper des installations affreuses et vétustes disséminées dans la bande des 100 mètres !

Tel est l'esprit du texte, dont a été retirée une disposition qui ne faisait pas consensus et qui consistait à proposer l'installation de zones d'activité, en discontinuité de l'urbanisation existante, pour éviter les conflits d'usage.

M. Hervé Maurey, président. - Nous avons eu un débat riche et intéressant. Les opinions peuvent diverger, notamment sur l'article 9, mais je constate qu'il y a des points d'accord, en particulier sur la question du trait de côte.

Tout le monde a ici réaffirmé son attachement à la loi Littoral, et je crois que nous sommes tous d'accord pour considérer qu'elle a besoin de certains aménagements destinés à répondre à l'attente des élus. Tout est question de curseur, et il nous appartient de trouver ce difficile équilibre. Le retrait de la disposition concernant les zones d'activité va, de ce point de vue, dans le bon sens.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Merci de votre intérêt sur ce sujet sensible. L'examen des amendements me sera l'occasion de répondre à certaines interrogations. Je me contenterai pour l'heure d'observer que la loi Littoral a donné lieu à une jurisprudence nourrie, et que le rapport de nos collègues Jean Bizet et Odette Herviaux répondait au souci de prendre en compte certaines dérives, qui vont à l'encontre du développement durable des territoires littoraux. Tel est au reste l'intitulé de cette proposition de loi. L'objectif est de permettre à ceux qui vivent sur ces territoires, façonnés par la main de l'homme - je pense notamment à la saliculture mais aussi à la conchyliculture - de pérenniser leur activité, tout en préservant notre patrimoine commun. Ce texte y répond, en prenant en compte à la fois la problématique du trait de côte et la nécessité de rééquilibrer la jurisprudence par des mesures mesures proportionnées, placées sous le contrôle permanent des services de l'Etat.

J'insiste sur le fait que l'article 9 s'applique en dehors des espaces proches du rivage, lesquels sont notamment définis par plusieurs critères : la distance par rapport au rivage, la covisibilité avec la mer ou la configuration de l'espace, qui encadrent suffisamment les choses, à mon sens, pour éviter les dérives. Je rappelle que dans un certain nombre de communes littorales, dont le territoire est très important, certaines parcelles sont très éloignées du rivage - jusqu'à 7 ou 8 kilomètres - et qu'à l'inverse, le territoire de certaines autres, qui ne sont pas concernées par la loi Littoral, ne s'en trouve pas moins à 500 mètres des côtes.. Il faut à mon sens, sur ces espaces, faire de la dentelle, et le texte va le permettre.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement  COM-16 porte sur l'élaboration de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, dont l'existence est consacrée par l'article 1er de la proposition de loi.

Il poursuit deux objectifs. En premier lieu, il prévoit que le Conseil national de la mer et des littoraux est associé à l'élaboration de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Ce Conseil, qui constitue l'instance de concertation de référence sur les projets relatifs à la mer et au littoral, participe déjà à l'élaboration de la stratégie nationale pour la mer et le littoral. Il paraît donc cohérent qu'il soit associé aux réflexions relatives à la gestion du trait de côte.

En second lieu, cet amendement précise les modalités de participation du public préalablement à l'adoption de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Il renvoie pour cela aux dispositions actuelles du code de l'environnement relatives à la participation du public lors de l'élaboration des plans et programmes, qui prévoient la possibilité d'organiser un débat public ou une concertation préalable.

M. Ronan Dantec. - Je voterai cet amendement, tout en défendant un amendement complémentaire en séance, pour proposer que la montée des eaux soit appréhendée dans le cadre du Programme national d'adaptation au changement climatique, qui réunit tous les acteurs et constitue un espace de concertation publique

L'amendement COM-16 est adopté.

L'amendement de précision rédactionnelle COM-17  est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 4

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-3 prévoit la possibilité pour les préfets de créer, à travers les plans de prévention des risques naturels (PPRN), des zones de mobilité du trait de côte (ZMTC) au sein desquelles tout ouvrage, construction ou aménagement pourraient être interdits, à l'exception des ouvrages de défense contre la mer et des aménagements de culture marine.

La possibilité de créer de telles zones était prévue dans la proposition de loi initiale de la députée Pascale Got. En première lecture de cette proposition de loi, le Sénat avait supprimé ce zonage pour ne conserver que les zones d'activité résiliente et temporaire (ZART). En effet, les ZMTC paraissent redondantes avec la possibilité qui existe déjà, pour les préfets de délimiter via les PPRN des "zones rouges" au sein desquelles les constructions peuvent être interdites. 

Je ne vois pas en quoi cette rédaction apporte une solution spécifique au problème du recul du trait de côte par rapport aux dispositions existantes du code de l'environnement. Avis défavorable.

Mme Nelly Tocqueville. - Les territoires ultramarins méritent une protection spécifique de leur biodiversité, que les ZMTC peuvent apporter.

M. Claude Bérit-Débat. - Le groupe socialiste votera l'amendement.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

Article 5

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 6

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-26 vise à supprimer l'article 6, qui prévoit que l'Etat doit remettre aux communes à leurs groupements compétents en matière d'urbanisme un document relatif aux risques naturels existants sur leur territoire.

En effet, le « porter à connaissance » des collectivités en matière de prévention des risques est déjà prévu à l'article R. 132-1 du code de l'urbanisme. L'article 6 de la proposition de loi est donc réglementaire et redondant avec le droit existant.

Surtout, le fait de prévoir une transmission des études techniques sur les risques techniques à travers un document unique serait source de complexité, puisque ces études sont généralement transmises par les services de l'Etat en continu, en fonction de leur réalisation ou actualisation.

L'amendement COM-26 est adopté et l'article 6 est supprimé.

Article 7

L'amendement rédactionnel  COM-18 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-21, identique à l'amendement COM-29 de la commission des lois, prévoit de mieux articuler la prise en compte des objectifs de gestion du trait de côte dans les SRADDET et les SCoT prévue par la proposition de loi.

L'article 8 du texte prévoit en effet que de tels objectifs doivent être pris en compte par les SCoT en l'absence de dispositions relatives au trait de côte dans les SRADDET. Or, comme vous le savez, les conseils régionaux ont jusqu'au 28 juillet 2019 pour élaborer leurs nouveaux schémas d'aménagement. Par conséquent, pour éviter d'avoir à modifier des SCoT inutilement, je vous propose de retarder l'entrée en vigueur de cet article au 28 juillet 2019.

Les amendements identiques COM-21 et COM-29 sont adoptés.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-9 vise à supprimer l'article 9. J'y suis défavorable, ainsi que je m'en suis expliqué. Nous sommes très attachés à la loi Littoral, mais la doctrine administrative et la jurisprudence qui se sont développées à partir du texte de 1986 ne permettent pas une approche équilibrée entre protection de l'environnement et développement local dans certains territoires, alors que l'esprit du législateur était de promouvoir une logique alors novatrice de développement durable.

M. Ronan Dantec. - En supprimant l'article 9, on pourra peut-être sauver la question du trait de côte. Si l'on veut répondre à cette urgence, il faut que ce texte survive à la navette, ce qui ne sera pas le cas si cet article demeure.

M. Hervé Maurey, président. - Je me permets de vous faire remarquer que l'on peut laisser à l'Assemblée nationale le soin de supprimer l'article 9. Dire que si l'on ne le supprime pas cet article ici et maintenant, il n'y aura pas de navette n'est guère dans l'esprit du bicamérisme. Je m'attendais plutôt à vous voir présenter un amendement de nature à permettre le consensus que vous appelez de vos voeux.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Il ne m'a pas semblé, dans les échanges que j'ai pu avoir avec le Gouvernement, que les positions fussent aussi tranchées que vous le dites.

L'amendement  COM-9 n'est pas adopté.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-8 vise à lever la restriction relative aux espaces proches du rivage pour les seules constructions ou installations liées aux cultures marines.

Cet ajustement très circonscrit me semble de bon sens, car la nature même de ces activités nécessite une localisation à proximité du rivage. Nous avons été alertés sur des difficultés d'application possibles sur ce point, auxquelles la rédaction actuelle de l'article 9 ne permettrait pas de répondre efficacement. À titre d'exemple, lors d'un déplacement nous avons eu connaissance d'un projet de regroupement d'une vingtaine de constructions conchylicoles dispersées, y compris dans la zone des 100 mètres, pour optimiser les moyens. La disposition proposée me semble de bon sens pour les cultures marines. J'y suis donc favorable.

M. Jean Bizet. - Je voterai cet amendement des deux mains, d'autant qu'il est plus simple que celui que j'aurais imaginé, et plus conforme à la sensibilité de certains sur le sujet... Les professionnels du secteur attendent une telle disposition.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Dans le milieu agricole, on peut construire sous réserve de disposer d'un nombre minimum d'hectares. Est-ce le cas ?

M. Charles Revet. - Je voterai moi aussi cet amendement des deux mains. Je vous rappelle que la France, qui dispose de l'une des zones maritimes les plus importantes du monde, importe 85 % de ses poissons et crustacés. Faisons en sorte de produire chez nous ! Ne pas le faire serait une faute économique grave - ce qui ne signifie pas qu'il ne faille pas être attentifs aux modalités.

L'amendement  COM-8 est adopté.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise à encadrer la notion de hameau, en faisant notamment référence à un nombre et à une densité significatifs de constructions, tout en renvoyant la définition de ces critères à un décret en Conseil d'État.

Cette nouvelle rédaction reprend la solution proposée par le précédent gouvernement en séance au Sénat en janvier 2017. En réalité, elle restreindrait significativement la possibilité créée par l'article 9, en reprenant pour l'essentiel les critères consacrés par la jurisprudence en 2015, qui posent justement problème aujourd'hui. Cela n'apportera pas de solution à la majeure partie des difficultés aujourd'hui rencontrées dans les territoires littoraux. Avis défavorable donc.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-6 vise à faire référence à des constructions ou installations "nécessaires" aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines, plutôt qu'à des constructions ou installations "liées" à ces activités. La sémantique a son importance.

Mme Nelly Tocqueville. - Absolument.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Cet amendement a évidemment des conséquences sur le périmètre des opérations concernées. Je n'ai pas de position de principe sur cet ajustement mais je souhaiterais disposer de davantage d'éléments avant de nous prononcer sur ce point. À l'Île de Ré, par exemple, les ostréiculteurs aménagent des espaces d'accueil du public pour commercialiser leurs produits. Retenir le terme de « nécessaire » pourrait donner lieu à interprétation.

Je suis favorable aux circuits courts, aux filières locales, et crains que votre amendement ne restreigne les possibilités.

Si vous en êtes d'accord, je vous propose de retirer cet amendement, et de le redéposer pour la séance. Nous en rediscuterons avec les éléments dont nous disposerons alors.

Mme Nelly Tocqueville. - Ecrire que les dérogations doivent être nécessaires au développement de l'activité doit précisément permettre la vente en circuit court.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mais la jurisprudence n'intègre pas nécessairement la commercialisation.

Mme Nelly Tocqueville. - Cependant, écrire que les dérogations doivent être « liées » à l'activité permet des interprétations très larges.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Pourrions-nous nous rejoindre en écrivant qu'elles doivent être « nécessaires à ces activités et à leur valorisation locale » ?

M. Claude Bérit-Débat. - Cette proposition nous convient. Nous présenterons un amendement de séance en ce sens.

L'amendement  COM-6 est retiré.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-7 vise à supprimer la dérogation bénéficiant aux annexes de taille limitée à proximité des bâtiments existants.

Cette dérogation reprend pour le littoral une disposition adoptée de manière consensuelle par les deux assemblées dans le cadre de la loi Montagne de décembre 2016. Il s'agit par ailleurs d'une demande ancienne des élus du littoral, qui me semble suffisamment encadrée par l'ensemble des conditions de l'article que j'ai déjà évoquées. En visant des constructions de taille limitée, et en renvoyant à la voie réglementaire pour préciser ces possibilités, nous avons une solution qui comporte des garanties supplémentaires.

Mme Nelly Tocqueville. - Je le retire.

L'amendement  COM-7 est retiré.

Article additionnel après l'article 9

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-1, qui concerne le logement des travailleurs saisonniers, vise à créer un cas de dérogation relatif aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines mentionnant expressément le logement des saisonniers et du chef d'exploitation.

Sa rédaction est en partie redondante avec l'article 9 que nous venons d'examiner, et contrevient à l'ajustement adopté à l'initiative de Michel Vaspart sur les cultures marines dans les espaces proches du rivage. Avis défavorable.

M. Michel Vaspart. - Lors de la discussion du texte précédent, certains élus avaient souhaité pouvoir loger les travailleurs saisonniers. La ministre de l'époque s'était engagée à rechercher des solutions réglementaires. Il faudra reposer la question en séance.

L'amendement  COM-1 n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

L'article 10 est adopté sans modification.

Article 11

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'article 11 procède à une correction de référence pour l'enquête publique préalable à une modification de la servitude de passage longitudinale. Cette modification, prévue par le texte initial de la proposition de loi, pour sécuriser juridiquement les procédures, gagnerait à être étendue à la servitude de passage transversale. Tel est l'objet de mon amendement COM-13, identique à l'amendement COM-30 de la commission des lois.

Les amendements identiques COM-13 et COM-30 sont adoptés.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-12 vise à réécrire l'article 12 en vue de le rendre plus opérant. Dans la rédaction actuelle, il prévoit d'étendre le champ de l'évaluation environnementale aux projets ayant pour effet d'accroître l'exposition aux risques naturels prévisibles identifiés dans un PPRN. Mais cette modification n'aura pas d'effet notable car la clef d'entrée dans la nomenclature des projets soumis à étude d'impact se fait par catégories de projets et selon des critères techniques, et non par enjeu environnemental.

La réécriture proposée par l'amendement privilégie une modification du contenu de l'étude d'impact, en la complétant par une évaluation des effets du projet sur l'exposition aux risques naturels. Outre qu'elle enrichira l'évaluation environnementale, cette disposition visera par ailleurs un champ plus large que les seuls risques identifiés dans le cadre d'un PPRN.

L'amendement  COM-12 est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13

L'amendement rédactionnel  COM-11 est adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 14

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-10, identique à l'amendement COM-31 de la commission des lois, vise à supprimer l'article 14, qui prévoit que les immeubles du domaine privé des personnes publiques situés dans une ZART seront inaliénables. Cette contrainte paraît excessive au regard de la temporalité du recul du trait de côte. Il me semble trop rigide de n'offrir aux pouvoirs publics que la possibilité d'échanges entre eux ou de location via un BRILi. La perspective de blocage dans la gestion du domaine privé des personnes publiques risque de les dissuader dès l'origine de s'engager dans le nouveau zonage. A trop encadrer cet outil, nous allons étouffer les initiatives en méconnaissant certains configurations locales.

M. Ronan Dantec. - Imaginons que l'Etat vende un terrain, sur lequel la montée des eaux se révèle plus rapide que prévu. C'est s'exposer à d'énormes risques de contentieux, et à de lourdes difficultés de gestion de patrimoines abandonnés. Tant que l'on n'écrira pas dans la loi qu'il ne saurait y avoir de ZART sur des terrains inondables à échéance de 100 ans, on ne s'en sortira pas.

Mme Nelly Tocqueville. - Nous voterons contre ces amendements, pour les mêmes raisons.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Votre choix est un facteur d'alourdissement pour les collectivités concernées.

Les amendements identiques COM-10 et COM-31 ne sont pas adoptés.

L'article 14 est adopté sans modification.

Article 15

L'amendement rédactionnel  COM-14 est adopté.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-15 précise que l'exercice du droit de préemption dans les ZART dispose d'une présomption d'utilité publique.

Deux éléments principaux justifient cette précision : d'une part, l'adaptation au recul du trait de côte et sa prévention renvoient à des objectifs d'intérêt général peu contestables comme la protection des populations et la protection de l'environnement ; d'autre part, l'acte mixte que constitue la déclaration d'utilité publique peut être contesté devant le juge administratif. La présomption d'utilité publique dont bénéficiera la préemption dans les ZART permettra de sécuriser son sort.

L'amendement  COM-15 est adopté.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 16

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-19, identique à l'amendement COM-32 de la commission des lois est de cohérence.

La loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain a prévu la création de sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt national (SPLA-IN), qui se distinguent des SPLA classiques par le fait que l'État peut entrer dans leur capital pour accompagner les collectivités territoriales dans des opérations d'aménagement.

Dès lors que la faculté de conclure un BRILi est ouverte aux sociétés publiques locales compétentes pour les actions d'aménagement, l'extension au SPLA d'intérêt national apparaît logique.

M. Ronan Dantec. - On crée un droit de construction sur des zones dont on sait qu'elles sont inondables. C'est aller à l'inverse du développement durable. Autant je peux partager votre diagnostic sur la loi Littoral, même si nous n'avons pas les mêmes réponses, autant j'estime qu'une telle disposition est insensée.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - C'est le principe même de la ZART que d'intégrer ces zones, à terme, quelle que soit l'échéance. On ne peut pas dire aux élus que rien n'est possible. Il s'agit de zones d'activités résilientes et temporaires : l'idée n'est pas, précisément, de les abandonner et de tout y geler. Cela permet à l'Etat d'intervenir et de conforter des projets d'aménagement, qui ne se traduisent d'ailleurs pas forcément par de la construction.

M. Michel Vaspart. - Evitons la confusion. Je ne suis pas, comme vous le savez, à l'origine de cette partie du texte, qui a été travaillée par Pascale Got avec les services du ministère et les élus locaux concernés par le recul du trait de côte, notamment dans le Sud-Ouest. Le risque n'est pas du tout de même nature qu'une vague de submersion, un tsunami. Car il est prévisible dans le temps, et une étude est d'ailleurs menée sur l'ensemble du territoire pour identifier le risque d'érosion et la rapidité du recul du trait de côte.

Si ce dispositif est mis en place, monsieur Dantec, c'est justement pour que les communes concernées puissent mettre en place des zones d'activité résiliente et temporaire - je souligne ce dernier terme. Ces zones seront en place pour 20 ou 50 ans.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - C'est anticiper, tout simplement.

M. Michel Vaspart. - Il s'agit de faire en sorte que certaines activités soient maintenues. Les élus concernés et nos contacts au ministère sont attachés à voir ce dossier aboutir. Attention à ne pas déstructurer le texte.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Absolument. Et vous le verrez sur la question du financement de ces actions.

Après la tempête Xynthia, qui a touché un département qui m'est cher, on a reproché à notre pays de manquer de cette culture du risque et du réflexe de la prévention. En traitant de cette façon le sujet, nous faisons un pas important. Nous inversons notre façon de raisonner sur un risque que l'on peut anticiper. Le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, le Cerema, a engagé une étude sur l'ensemble des territoires concernés. Nous aurons donc des échéances. Il s'agit de sécuriser le dispositif et d'éviter le problème emblématique de l'immeuble Le Signal, auquel nous sommes très sensibles, comme en témoigne l'article 3, dont l'objet unique est de régler le problème de l'indemnisation des propriétaires, à hauteur de 75 %.

M. Jérôme Bignon. - Pour avoir participé au groupe de travail que vous évoquez, je confirme que le consensus des acteurs locaux était assez fort. Il s'agissait, avec les ZART, d'un risque pris de façon consciente, dont tout le monde serait informé - ce qui n'a pas été le cas à Soulac.

M. Ronan Dantec. - Lisez l'amendement Com-22 à venir, qui trahit la fragilité du dispositif. Il n'est pas question de risque, mais d'environnement, et de charge pour l'Etat - au point que l'on est obligé d'écrire dans la loi que le preneur, sous 30 ou 40 ans, devra démolir à ses frais. Je puis vous assurer qu'à cette échéance, il se sera évaporé, et que l'Etat devra financer lui-même la déconstruction.

Si vous aviez envisagé des constructions temporaires, qui ne soient pas en dur, on aurait pu discuter. Ce qu'a dit Jean Bizet tout à l'heure était pertinent. On pourrait être plus souples sur la loi Littoral, et envisager des constructions vers les villages, pour des activités historiques qui doivent rester sur le territoire, mais on en est loin. L'idée est que l'Etat autorise des constructions sur des terrains inondables y compris à 10 ans, puisqu'aucune date n'est fixée, en disant au constructeur qu'il doit s'engager à déconstruire ! Ce n'est pas sérieux ! C'est créer une charge pour l'Etat à échéance de quelques décennies.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Il ressort des discussions que nous avons eues avec les services de l'Etat qu'il n'est pas envisagé d'intégrer les ZART dans les PPRN, pour les laisser dans les PLU, justement afin de ne pas faire de lien entre le risque et la réalisation de ces ZART. C'est le moyen, bien sûr, de désengager la responsabilité de l'Etat, mais les PLU, comme vous le savez, sont de toute façon soumis à la procédure que vous connaissez...

Ceci pour dire que la dissociation entre le risque et la création d'activité est une donnée intégrée par l'Etat - ce qui n'était pas le cas il y a quelques mois.

M. Hervé Maurey, président. - Fort bien. Passons sans plus tarder au vote sur les amendements identiques de notre commission et de la commission des lois...

Les amendements identiques°COM-19 et COM-32  sont adoptés.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement de précision COM-24 doit permettre de sécuriser les BRILi qui seront conclus par les personnes publiques au regard des règles applicables à la commande publique.

L'article 101 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics a modifié le code général de la propriété des personnes publiques, dont l'article L. 2122-6 dispose désormais que : « Une autorisation d'occupation temporaire ne peut avoir pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d'une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, pour le compte ou pour les besoins d'un acheteur soumis à l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ou d'une autorité concédante ».

L'ajout de cette précision est importante. Elle n'empêche cependant pas que certaines constructions accessoires ou mineures soient mises à la charge du preneur, tant que l'objet principal du BRILi n'est pas la réalisation de travaux mais bien le maintien et le développement d'une activité économique ou, par ricochet, d'habitation, dans une ZART.

L'amendement  COM-24 est adopté.

L'amendement de coordination  COM-20 est adopté.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-22 vise à laisser davantage de marges de manoeuvre au bailleur d'un BRILi pour déterminer le sort des constructions et améliorations réalisées par le preneur du BRILi à la fin de ce bail.

La rédaction actuelle, à l'indicatif, prévoit une cession obligatoire de ces constructions en l'absence de retrait du trait de côte au terme du BRILi, sans préciser si cette cession est réalisée à titre gratuit ou à titre onéreux.

Cet amendement de précision permet de laisser aux parties le soin de déterminer, dans le contrat de BRILi, les modalités de cession de ces ouvrages au regard, par exemple, de critères tels que l'amortissement des constructions réalisées ou leur prix et de prévoir la démolition de ces ouvrages aux frais du preneur, dans le cas où le bailleur ne souhaiterait pas ou ne pourrait pas les acquérir.

Je précise que cet amendement est identique au I de l'amendement COM-33 de la commission des lois.

L'amendement  COM-22 est adopté.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-4 est quasiment identique à l'amendement que nous venons d'adopter. Je propose qu'il soit rectifié pour rejoindre la rédaction que j'ai proposée.

Mme Nelly Tocqueville. - J'accepte la rectification.

L'amendement COM-4 rectifié, identique à l'amendement COM-22,  est adopté.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-23 vise à affirmer la liberté dont jouit le preneur dans l'exercice de ses droits réels, reconnus par le BRILi. L'idée provient d'une disposition adoptée par le Sénat le 11 janvier 2017 lors de l'examen de la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique de M  Le Roux et Mme Got.

La liberté d'action du preneur à l'égard des constructions et ouvrages concernées par le BRILi n'est désormais limitée que sur deux aspects : la destination initiale des immeubles concernés, qui témoigne d'une volonté exprimée par la collectivité dans l'aménagement spatial et temporel ; la remise des biens à l'issue du bail dans l'état dans lequel il a été convenu.

Ici, les parties sont libres de fixer les modalités d'application de cette disposition puisqu'elles conviennent, dans le contrat portant BRILi, de l'état dans lequel les constructions existantes et nouvelles seront remises au bailleur à la fin du BRILi.

Cet amendement est identique au III de l'amendement ?COM-33 de la commission des lois.

L'amendement  COM-23 est adopté.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-33 est identique, dans son I, à l'amendement COM-22. Son II est identique au III de l'amendement COM-20 et son III est identique à l'amendement COM-23.

L'amendement  COM-33 est adopté.

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-25 précise la rédaction du nouvel article L. 567-18 du code de l'environnement. Il renforce la liberté contractuelle des parties à un bail réel immobilier littoral (BRILi). Le prix du bail sera remis par le preneur au bailleur à des dates et dans les conditions prévues au contrat de BRILi.

L'amendement  COM-25 est adopté.

L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 17

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'article 44 quindecies du code général des impôts établit le régime fiscal applicable aux zones de revitalisation rurale (ZRR) : l'exonération fiscale touche l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu, de façon dégressive. En outre, aux termes de l'article 1465A du Code général des impôts visé par l'article 44 quindecies précité, les collectivités peuvent exonérer les entreprises en ZRR de cotisation foncière.

En revanche, l'article 44 quindecies ne mentionne pas la référence à l'article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale qui prévoit des exonérations de charges sociales pour les entreprises qui s'installent en ZRR.

Cette précision est donc inutile dans la rédaction actuelle de l'article 17. Mon amendement COM-27 y remédie.

L'amendement  COM-27 est adopté.

L'article 17 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 18

M. Didier Mandelli, rapporteur. - Mon amendement COM-28 vise à limiter dans le temps la possibilité de recourir aux ressources du « fonds Barnier » pour des opérations d'aménagement dans des zones où des biens sont menacés par le recul du trait de côte à une échéance inférieure à 10 ans.

Cette limitation doit permettre d'assurer une transition avant la mise en place d'une solution de financement englobante et pérenne pour les problématiques d'aménagement en proximité avec le littoral.

Les dispositions instituées par le I et le II du présent article ne sont pas modifiées et permettront, par ailleurs, de faire financer les risques de mouvements de terrain côtiers par le « fonds Barnier », ce qui incitera les collectivités locales à engager ces opérations au plus vite.

L'amendement  COM-28 est adopté.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 19

L'article 19 est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 19

M. Didier Mandelli, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à préciser que la compétence dont sont dotés les EPCI en matière de promotion du tourisme se limite aux seules missions confiées aux offices de tourisme.

Au titre de l'article 45 de la Constitution, les amendements doivent, pour être recevables, présenter un lien, même indirect, avec le texte examiné. Or, en ce qu'il concerne la compétence "tourisme" de l'ensemble des EPCI, cet amendement ne présente pas de lien même indirect avec la proposition de loi qui a trait aux territoires littoraux. Retrait ?

M. Cyril Pellevat. - Je veux rappeler un élément de contexte. La loi NOTRe a transféré la compétence tourisme au niveau intercommunal. Dans le cadre de la loi Montagne, dont j'étais le rapporteur, nous avions prévu une dérogation pour les offices de tourisme classés. Or, en Haute-Savoie, le préfet en a une interprétation très rigoureuse, à la différence de ce qui a cours dans d'autres départements, où les compétences optionnelles sont également renvoyées au niveau intercommunal. Sur certains territoires, des communes ne peuvent ainsi plus financer certaines de leurs activités associatives, le préfet ayant bloqué les mandats. On en est, pour l'heure, à un semi-accord, par lequel les communes doivent classer les activités, et décider si le « concours de pétanque » est ou non touristique.

J'ai conscience qu'il s'agit d'un cavalier, que j'ai néanmoins déposé en ayant à l'esprit ce qui a été fait dans le cadre de la loi Montagne, étant entendu que sont principalement concernés les offices de tourisme classés dans le cadre des lois Littoral et Montagne. Je suis prêt à retirer l'amendement pour soulever ce problème, dont le gouvernement a été saisi, en séance.

M. Hervé Maurey, président. - C'est précisément ce que j'allais vous suggérer.

L'amendement COM-2 est retiré.

M. Hervé Maurey, président. - Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

M. Claude Bérit-Débat. - Le groupe socialiste s'abstiendra.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Désignation d'un rapporteur

M. Hervé Maurey, président. - La Conférence des Présidents, qui se réunira mercredi 31, pourrait inscrire à l'ordre du jour du jour du mardi 6 mars la proposition de loi déposée par notre collègue Patrick Chaize tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit. Je vous propose de désigner notre rapporteur sur ce texte.

La Commission désigne Mme Marta de Cidrac rapporteure de la proposition de loi tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit, sous réserve de son inscription à l'ordre du jour.

La réunion est close à 12h35.