- Mardi 31 octobre 2017
- Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 - Audition de Mme Marine Jeantet, directrice des risques professionnels à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés
Mardi 31 octobre 2017
- Présidence de M. Alain Milon, président -
La réunion est ouverte à 14 h 45.
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - Examen du rapport pour avis
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Le Parlement examine, pour la cinquième fois depuis 2008, un projet de loi de programmation des finances publiques.
Selon la Constitution, les lois de programmation définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques. Elles n'ont toutefois pas de portée juridique supérieure aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elles concernent l'ensemble des administrations publiques : l'État, les assurances sociales, qui intéressent plus particulièrement notre commission, et les collectivités territoriales.
Elles sont aussi, pour le Parlement, un outil de vérification de la trajectoire sur laquelle notre pays s'est engagé en ratifiant le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.
Comme les lois précédentes, ce projet de loi comprend une partie programmatique, qui définit les objectifs jusqu'à l'année 2022 et une partie législative relative aux règles de pilotage et de gouvernance des finances publiques. Notre commission s'est saisie pour avis en raison de la part que prennent les finances sociales au sein des finances publiques : en 2016, les dépenses des administrations de sécurité sociale ont représenté plus de 46 % des dépenses publiques et plus de la moitié des prélèvements obligatoires, soit un quart du PIB. Il est à noter que le périmètre des administrations de sécurité sociale (ASSO) est plus large que celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale et qu'il n'est pas exprimé dans la même comptabilité : elle est nationale pour les ASSO, générale pour la sécurité sociale. Le passage de l'une à l'autre suppose des retraitements, notamment pour les transferts entre branches et caisses.
J'aborderai tout d'abord la partie programmatique. Pour ce qui concerne la trajectoire financière de l'ensemble des administrations publiques, l'objectif est d'atteindre un solde effectif de - 0,2 point de PIB en 2022 et un solde structurel de - 0,8 point de PIB pour cette même année.
Le projet de loi de programmation repose sur des hypothèses macroéconomiques. Les prévisions pour l'année 2018 sont par construction les mêmes que celles du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Au-delà, il s'agit d'hypothèses d'évolution. J'ai principalement examiné les variables qui intéressent les finances sociales : la croissance du PIB et l'évolution de la masse salariale du secteur privé. L'hypothèse de travail du projet de loi de programmation est celle d'une croissance de 1,73 % en moyenne, à compter de 2019, avec une progression annuelle de 3,6 % de la masse salariale privée.
Saisi de ces hypothèses macroéconomiques, le Haut Conseil des finances publiques les a globalement validées. Elles sont effectivement plus prudentes que celles qui étaient attachées aux précédentes lois de programmation, alors même que la conjoncture s'annonce plus favorable.
Quel est notre point d'entrée en programmation ?
Le déficit des administrations de sécurité sociale a atteint, en 2016, 0,1 point de PIB, soit 2,9 milliards d'euros. Ce solde comprend des administrations de sécurité sociale qui sont par nature en excédent, soit parce qu'elles ont vocation à couvrir des engagements futurs, comme le fonds de réserve des retraites, soit parce qu'elles sont chargées d'amortir la dette, comme la Cades. Ces excédents ne sont pas de nature à couvrir les déficits des autres assurances sociales. Hors Cades, le déficit a été, en 2016, de 14,9 milliards d'euros.
Le déficit social n'est comparable ni en volume ni en part de la richesse nationale avec celui de l'État, mais la nature des dépenses n'est pas non plus la même. L'équilibre de la sécurité sociale n'est pas hors de portée : en 2008, l'excédent était de 0,7 point de PIB et de 14 milliards d'euros.
Par rapport à ce point d'entrée, le projet de loi prévoit un équilibre des comptes sociaux dès 2017, avec un excédent de 0,2 point de PIB. De fait, compte tenu de la nature du solde de la Cades, l'équilibre hors Cades serait atteint en 2019.
À partir de 2019, l'excédent est stabilisé à 0,8 point de PIB par an, soit environ 20 milliards d'euros. Ce montant est légèrement supérieur, de l'ordre de 3 milliards d'euros par an, à l'amortissement réalisé par la Cades. Ainsi que l'indique le Gouvernement dans le rapport annexé, il s'agit de transférer à l'État une partie de l'excédent des administrations de sécurité sociale afin de faire contribuer ce sous-secteur à l'amélioration du solde de l'État. Les modalités restent à définir ; un rapport est ainsi prévu par l'article 23 du texte sur la « rénovation » des relations entre l'État et la sécurité sociale. Elles prendraient a priori la forme d'une moindre compensation des allégements de cotisations à la sécurité sociale.
Si l'on peut comprendre le principe de cette solidarité entre sous-secteurs, elle fait peu de cas de la dette sociale hors Cades qui devrait représenter plus de 100 milliards d'euros à la fin de l'année. Elle comprend notamment la dette de l'assurance chômage - 33,8 milliards d'euros - et la dette du régime général de sécurité sociale portée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'Acoss - 23,3 milliards d'euros - ainsi que la dette hospitalière. Cette dette ne serait que très partiellement résorbée, contrairement à ce que nous entendons souvent, par la vigueur des excédents à venir.
Les dépenses continueraient à croître mais à un rythme très maîtrisé : 0,9 % en 2018, 0,4 % en 2019, 0,1 % en 2020. À ce stade, les outils que le Gouvernement entend mobiliser pour parvenir à ces résultats ne sont pas encore explicités.
Pour la deuxième fois, des projections sont présentées pour les régimes d'assurance chômage et de retraites complémentaires. Comme pour la loi de programmation 2014-2019, des interrogations subsistent à leur examen.
L'assurance chômage reviendrait à l'équilibre en 2020, avec un excédent de 1,1 milliard d'euros. En raison d'hypothèses de masse salariale plus favorables, cette projection est plus optimiste que celle présentée par l'Unedic en juin et révisée le 25 octobre dernier, selon laquelle l'équilibre ne serait atteint qu'en 2021.
En revanche, les prévisions de dépenses sont globalement en ligne et elles ne ménagent aucune marge de manoeuvre pour des dépenses nouvelles. J'en tire comme conséquence que les annonces relatives à l'élargissement de l'assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants devront se faire au sein de l'enveloppe actuelle, dans le cadre d'une refonte globale des règles d'indemnisation.
Ce sujet est controversé. Les travailleurs indépendants ne sont d'ailleurs pas favorables à cette évolution. Les montants alloués aux démissionnaires font aussi l'objet d'un débat.
Les retraites complémentaires seraient à l'équilibre en 2020, avec un excédent de 5,5 milliards d'euros. À la même date, les prévisions associées à l'accord Agirc-Arrco du 30 octobre 2015 sont un déficit de 2,3 milliards d'euros. Les retraites complémentaires ne recouvrent pas que l'Agirc-Arrco qui représente cependant une part très majoritaire des dépenses. Une partie de l'écart s'explique, là encore, par des hypothèses de masse salariale plus conservatrices mais aussi par l'intégration, dans ce périmètre, d'autres régimes qui sont en excédent. En l'absence de réponse plus précise apportée par le Gouvernement, je ne suis en mesure ni de valider ni d'infirmer cette prévision de solde.
Nous parlerons très prochainement des régimes obligatoires de base et du FSV qui font l'objet du PLFSS. Leur retour à l'équilibre interviendrait en 2019. Pour l'assurance maladie, l'amélioration est très significative sur la période avec un excédent de 6,6 milliards d'euros en 2021. Les excédents des branches famille et AT-MP se consolident.
En revanche, le solde de l'ensemble assurance vieillesse - FSV se dégrade continûment pour atteindre un déficit de 4,7 milliards d'euros en 2021. Les déficits cumulés du FSV seraient de 15,5 milliards d'euros à l'horizon 2021. Aucune mesure n'est à ce stade prévue pour restaurer cette trajectoire mais le Gouvernement a fait des annonces sur les retraites dont nous aurons certainement à reparler.
Pour résumer, je dirai que la trajectoire des finances sociales qui nous est proposée est globalement satisfaisante puisque nous parvenons à l'équilibre. C'est un impératif pour les comptes sociaux. Cette trajectoire comporte néanmoins des zones d'ombre que l'état actuel des informations qui nous sont fournies ne permet pas totalement d'éclairer ; j'y reviendrai en vous présentant mes amendements.
Le solde des régimes à gestion paritaire ainsi que la nature et le montant des transferts à l'État dans le cadre de la rénovation de ses relations avec la sécurité sociale restent en particulier à clarifier.
Enfin, la trajectoire retenue laisse de côté la question de la dette dont l'amortissement n'est pas prévu au sein de la Cades, dette que le plafonnement des excédents ne permettra pas de résorber aussi rapidement que nécessaire. Ce choix est difficilement compréhensible si l'on souligne qu'il s'agit majoritairement d'une dette à court terme, fortement exposée au risque de remontée des taux d'intérêt, remontée qui devrait intervenir, si le scénario de reprise économique qu'envisage le Gouvernement se confirme, au cours de la période de programmation.
La deuxième partie du texte porte sur des mesures de pilotage des finances publiques et de bonne gouvernance. Comme dans les lois de programmation précédentes, on y trouve le principe d'un meilleur pilotage des niches fiscales et sociales, l'obligation d'une évaluation régulière de celles-ci et une règle de sécurisation des recettes. Les articles propres aux administrations de sécurité sociale sont peu nombreux.
L'article 9 fixe des plafonds de dépenses pour les régimes obligatoires de base et définit en valeur pour les années à venir l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'Ondam. Son évolution correspond aux 2,3 % annoncés.
L'article 11 fixe un objectif global de baisse des dépenses de gestion administrative de 1,5 % en rythme annuel pour les régimes dont les conventions d'objectifs et de gestion seront signées à partir du 1er janvier 2018. Si l'on comprend qu'il s'agit des branches du régime général, elles ne sont pas précisément visées et l'objectif est fixé pour cinq ans alors que les conventions d'objectifs et de gestion, les COG, sont quadriennales. Je vous proposerai néanmoins d'adopter un amendement visant à sortir les dépenses d'investissement de cet objectif global de réduction.
Comme dans la loi de programmation précédente, le Gouvernement se propose, à l'article 22, de remettre un rapport au Parlement sur la situation financière des établissements publics de santé. Dans la loi précédente, notre commission avait amendé l'article, qui portait uniquement sur les dépenses de personnel, pour l'élargir « à l'évolution des charges et des produits ainsi que de la dette des établissements de santé ». Ce rapport ne nous ayant jamais été remis, il est sans doute nécessaire de le prévoir à nouveau.
Le rapport prévu à l'article 23 devrait nous éclairer sur ce que le Gouvernement entend par la « rénovation » des relations financières entre l'État et la Sécurité sociale. Il s'agirait a priori de revenir sur la règle instaurée par la loi de 1994, qui prévoit la compensation intégrale à la sécurité sociale des mesures d'exonérations ou d'allégements de cotisations. Comme évoqué précédemment, cette rénovation est d'ores et déjà intégrée dans la trajectoire.
J'insiste sur la nécessité de renforcer l'information du Parlement dans plusieurs domaines. Inséré à l'initiative de notre commission, l'article 28 de la précédente loi de programmation prévoyait que les recettes, les dépenses et le solde des différentes administrations de sécurité sociale seraient communiqués au Parlement, de même que les résultats de l'année écoulée et les projections pour l'année à venir pour ce qui concerne le solde structurel et le solde conjoncturel des administrations de sécurité sociale.
Ces informations, pour partie présentes dans le rapport économique, social et financier, restent aujourd'hui parcellaires. Quant au solde structurel des administrations de sécurité sociale, nous n'en avons connaissance qu'à l'occasion des lois de programmation, sans possibilité de suivi année après année.
Le projet de loi propose de supprimer cet article 28. Je vous proposerai quant à moi un amendement visant à ce que les informations nécessaires, que j'ai redemandées au ministre en commission, soient communiquées au Parlement.
Enfin, je vous proposerai d'adopter un amendement tendant à assurer que le bilan de la loi de programmation et la justification des écarts soient détaillés par sous-secteurs des administrations publiques.
En conclusion, il me semble que la trajectoire proposée par la programmation pluriannuelle pour les finances sociales est plus réaliste que celle qui était affichée dans la loi précédente. Je me félicite en particulier que le Gouvernement ait retenu des hypothèses prudentes pour l'évolution de la masse salariale du secteur privé.
Je précise que la commission des finances a examiné le projet de loi ce matin et a, pour sa part, proposé de supprimer, aux articles 3 et 7, la déclinaison du solde public par sous-secteurs en raison d'un tendanciel d'évolution des dépenses jugé insatisfaisant pour les collectivités territoriales mais aussi d'un manque de transparence sur les conditions du transfert à l'État d'une partie des excédents des administrations de sécurité sociale.
La question de la dette sociale reste à traiter dans le scénario qui nous est proposé ; nous aurons à y revenir à propos de la révision des relations financières avec l'État.
J'invite donc notre commission à émettre un avis favorable, compte tenu des positions prises par notre commission des finances sur la partie programmatique du projet de loi, et à compléter sur quelques points la partie relative au pilotage des finances publiques.
M. Michel Forissier. - La vision qui se dégage de ce texte est trop optimiste. Ainsi, dans le cas de l'Unédic, on répète d'année en année les prévisions de retour à l'équilibre mais on ne parle plus des 39 milliards d'euros de dette. Comment la rembourser, au-delà du retour à l'équilibre ? Une programmation raisonnable devrait s'attaquer à ce problème. Je reste sur ma faim. Il me semble que l'Unédic elle-même se soucie trop peu de sa dette. De fait, aux taux d'intérêt actuels, ce n'est pas un grand souci mais s'ils devaient être relevés d'un ou deux points, cela deviendrait préoccupant.
M. Yves Daudigny. - La trajectoire n'incorpore pas de marges nouvelles qui permettraient de faire face à des obligations supplémentaires en matière d'indemnités de chômage.
La dette portée par l'Acoss n'est toujours pas traitée : il n'est pas prévu qu'elle soit transférée à la Cades. Le solde de l'ensemble assurance vieillesse - FSV demeure négatif. Aucun gouvernement ne décide de s'attaquer à ce problème.
Je ferai remarquer que la trajectoire précédente a été respectée en matière sociale, notamment pour l'Ondam, mais aussi pour l'ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale, et ce sans qu'il soit porté atteinte à des remboursements de médicaments ou à des prestations rendues à l'ensemble de nos concitoyens.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Sur l'Unédic, Monsieur Forissier, je partage votre préoccupation même si la dette de l'assurance chômage, d'une maturité plus longue, est globalement moins exposée au risque de taux que celle portée par l'Acoss.
Je souligne que la dernière convention d'assurance chômage devrait permettre de supprimer la part structurelle du déficit. La question de la dette reste entière.
Il faut garder à l'esprit que l'Unédic craint de voir l'État interférer dans sa gestion et s'attache par conséquent à la défendre.
Le Gouvernement a d'ailleurs quelque peu reculé par rapport à l'idée émise par le Président de la République, lors de sa campagne électorale, de mettre à la charge de l'État la dette de l'Unédic.
Monsieur Daudigny, les évolutions possibles de l'assurance chômage ne sont pas intégrées dans la projection. Nous avons déjà débattu de la dette supportée par l'Acoss. L'Acoss a beau être très confiante quant à la gestion qu'elle en fait, il n'en demeure pas moins qu'elle s'élève à plus de 20 milliards d'euros et qu'elle est très exposée au risque de taux. Personne ne semble en effet pour le moment disposé à la résorber en l'intégrant à la Cades ou en augmentant la contribution au remboursement de la dette sociale.
M. Jean-Noël Cardoux. - La Cour des comptes le suggère aussi !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Quant au FSV, le Gouvernement compte sur les excédents pour revenir à des niveaux acceptables de déficit, sinon à l'équilibre. Encore faudrait-il que la rénovation des relations entre l'État et la sécurité sociale ne se fasse pas au détriment de cette dernière et que la compensation des exonérations ne reste pas dans la poche de l'État. Le grand sujet, c'est bien la relation qui se nouera, au cours de cette période, entre l'État et la sécurité sociale : quelque chose est en train de changer, notamment à travers les changements apportés à la CSG.
M. Alain Milon, président. - Selon votre rapport, monsieur le rapporteur général, la sécurité sociale atteindrait l'équilibre dès 2018. Je voudrais simplement rappeler que, en 2018, la hausse de la CSG affectera l'année entière alors que les cotisations sociales ne baisseront qu'au second semestre. Six mois de cotisations sociales à taux plein, ce sont près de 3 milliards d'euros qu'on ne retrouvera pas en 2019 : il n'est donc pas sûr que l'équilibre perdure en 2019.
Nous devrons discuter de l'excédent de la branche famille. Le Gouvernement continue la diminution de la prestation d'accueil du jeune enfant entamée sous le précédent quinquennat. La diminution des allocations familiales pour certaines familles, qui représentait une économie de 850 millions d'euros, n'est par ailleurs pas remise en cause, de même que la réduction de trois ans à deux ans du congé parental.
Certains points importants restent donc compliqués à déterminer pour l'instant mais nous ne manquerons pas d'en débattre lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les principes mêmes qui avaient été fixés en 1945 semblent disparaître progressivement sans que nous ayons la possibilité de dire quoi que ce soit !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Sans vous contredire, monsieur le président, je tiens à mentionner que la CSG transférée, pour partie, à l'État, s'élèverait en 2018 à 3,8 milliards d'euros, une somme qui pourrait rester à la sécurité sociale en 2019.
M. Alain Milon, président. - Nous en débattrons dès la semaine prochaine !
EXAMEN DES ARTICLES
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 1 a pour objet la construction de l'Ondam. Celle-ci est présentée succinctement par l'annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale. L'estimation de l'évolution tendancielle des dépenses par rapport à laquelle est déterminé le montant des mesures nouvelles nécessaires au respect de l'objectif n'est communiquée au Parlement que sous la forme d'un pourcentage d'évolution. Cet amendement vise à la rendre plus détaillée.
Mme Laurence Cohen. - Le groupe CRCE est hostile à la façon dont les dépenses de santé sont enfermées dans un carcan « austéritaire ». Dès lors, nous ne pouvons approuver ni le projet du Gouvernement ni les amendements de M. le rapporteur général, qui expriment la même philosophie. Nous voterons donc contre les amendements et le texte.
L'amendement n° 1 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 2 tend à exclure les dépenses d'investissement de l'objectif de diminution de 1,5 % des dépenses de gestion administrative des régimes de sécurité sociale.
L'amendement n° 2 est adopté.
Article additionnel après l'article 23
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 3 vise à demander au Gouvernement de présenter chaque année au Parlement une décomposition du solde du sous-secteur des administrations de sécurité sociale entre les régimes obligatoires de base et les organismes concourant à leur financement, les organismes qui concourent à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, les autres régimes d'assurance sociale et les organismes divers de sécurité sociale. Nous demandons également au Gouvernement de nous présenter les prévisions, pour l'année à venir, de solde structurel, de solde conjoncturel et de solde effectif des administrations de sécurité sociale.
L'amendement n° 3 est adopté.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'amendement n° 4 vise à compléter l'information du Parlement sur la mise en oeuvre de la loi de programmation des finances publiques pour ce qui concerne les différents sous-secteurs des administrations publiques.
L'amendement n° 4 est adopté.
La commission adopte le rapport pour avis.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 - Audition de Mme Marine Jeantet, directrice des risques professionnels à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés
M. Alain Milon, président. - Nous poursuivons à présent nos auditions préalables à l'examen, la semaine prochaine, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Nous recevons Mme Marine Jeantet, directrice des risques professionnels à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, pour évoquer la situation de la branche des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), aux spécificités de laquelle nous sommes particulièrement attachés.
Avec un peu plus de 13 milliards d'euros de dépenses, cette branche pèse d'un poids relativement modeste au sein de la sécurité sociale. Pour autant, elle soulève des enjeux majeurs pour l'amélioration de la prévention des sinistres d'origine professionnelle. Le renforcement des actions portant sur la santé au travail est l'une des priorités définies dans la convention d'objectifs et de gestion, ou COG, signée par la branche avec l'État pour les années 2014 à 2017.
D'autres objectifs ont été assignés à la branche AT-MP au cours du temps, comme la prise en charge des victimes de l'amiante. Depuis le 1er octobre dernier, elle est également en charge du compte personnel de prévention réformé par les ordonnances « travail ». L'enjeu est de faire de ce compte un réel outil de prévention et non pas seulement de réparation.
Dans ce contexte qui semble évoluer très vite, pourriez-vous, madame la directrice, nous dresser un panorama général de la branche et des principales orientations retenues pour les années à venir ?
Mme Marine Jeantet, directrice des risques professionnels à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés. - La branche AT-MP, quoique plus que centenaire, produit encore des résultats, notamment en matière de sinistralité. Le nombre d'accidents du travail s'est stabilisé depuis quelques années, après avoir été diminué de près de 80 % depuis 1945. Quant aux maladies professionnelles, elles s'atténuent légèrement ; les troubles musculo-squelettiques y sont désormais dominants. Ces résultats ne sont pas dus au hasard : ils sont le fruit de l'accompagnement quotidien des entreprises qu'effectue le réseau des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, ou Carsat.
Investir dans la prévention est rentable ! Il est important de le rappeler quand on débat, dans le cadre de la renégociation de la COG, d'une possible réduction des moyens qui y sont alloués.
Par ailleurs, nous restons un assureur ; nous tarifons en fonction du risque. Cette tarification modulée, incitative à la prévention, est efficace. Elle produit également de bons résultats financiers : notre branche est en excédent de plus d'un milliard d'euros.
Les transferts représentent toujours un poids financier important : 15 % de nos ressources font l'objet d'un transfert vers la branche maladie. Le poids historique de l'amiante diminue au cours du temps, grâce à la réduction de l'exposition, mais reste important. La branche supporte désormais un nouveau poids, qui sera sans doute durable, du fait de la réforme du compte professionnel de prévention, ancien compte pénibilité, qui a été transféré vers notre branche par les ordonnances « travail ». Ce poids a été mutualisé, dans une majoration de taux, entre l'ensemble des entreprises, quelle que soit l'exposition de leurs salariés à la pénibilité.
Le poids du contentieux reste lui aussi important : l'employeur ou l'assuré font souvent grief à la branche AT-MP de la reconnaissance ou non d'un sinistre. Notre gestion des contentieux a été améliorée mais ils pèsent toujours plus de 400 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable.
Notre branche a su s'adapter aux évolutions du monde du travail et, notamment, à la tertiarisation de l'économie. Les lombalgies représentent aujourd'hui 20 % des accidents du travail et nous coûtent 1 milliard d'euros par an ; nous lancerons prochainement une campagne de prévention sur ce sujet. Les risques psycho-sociaux sont aussi très importants ; il faut documenter la réalité dans les différents secteurs d'activité afin de développer par la suite des actions de prévention.
Notre branche s'adapte aussi au vieillissement de la population des travailleurs salariés. Toujours plus de travailleurs âgés, souffrant de maladies chroniques, doivent être pris en charge. La France est en retard par rapport à d'autres pays européens quant au maintien en emploi de ces personnes. C'est un réel enjeu de société : maintenir quelqu'un dans l'emploi non seulement lui assure une insertion sociale, mais lui permet aussi de continuer de cotiser. Il faut accompagner les entreprises pour qu'il ne soit pas plus avantageux pour elles de licencier ou de placer ces travailleurs en invalidité. Ce sera un grand volet de notre prochaine COG.
Notre branche essaie de s'adapter aux besoins de ses publics. Pour les assurés, nous pouvons faire plus pour la détection en amont des maladies professionnelles et pour permettre aux salariés d'accéder à leurs droits : la sous-déclaration est un problème. Accompagner les assurés dans leur demande de reconnaissance de maladie professionnelle est crucial ; c'est encore aujourd'hui un parcours du combattant. Pour les entreprises, nous développons, conjointement avec l'assurance maladie, une offre de services numériques moderne, notamment pour répondre aux besoins des TPE. Une offre « grands comptes » est aussi en cours de développement.
M. Gérard Dériot, rapporteur de la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Si la branche est bénéficiaire, c'est grâce à son mode de financement, qui repose quasi-exclusivement sur les entreprises, via les cotisations employeurs. Celles-ci sont donc incitées à faire diminuer le nombre d'accidents du travail et le résultat est là. En revanche, on constate une légère fluctuation de l'incidence des accidents de trajet qui surviennent entre le domicile et le lieu de travail.
La branche a été capable de prendre en charge l'indemnisation des travailleurs victimes de l'amiante, ce qui représente une charge importante puisque ces prestations constituent 16 % des dépenses totales.
Depuis le 1er octobre dernier, elle assure une nouvelle mission : le financement de la réforme du compte professionnel de prévention de la pénibilité. Quelles en sont les conséquences pour l'organisation de la caisse ? Quelles seront les modalités précises de financement par la branche AT-MP ? Quid de l'impact sur la fraction mutualisée du taux de cotisation ? Comment envisagez-vous la montée en charge du dispositif, en termes à la fois de nombre d'assurés et de dépenses ? Il s'agit d'une nouvelle dépense mutualisée de la branche, à rebours de la logique de prévention qui constituait sa vocation historique.
Je voudrais également évoquer la contribution de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration. Le montant de cette contribution s'élève aujourd'hui à 1 milliard d'euros, soit près de 8 % des dépenses de la branche. J'ai interrogé le directeur général de la Cnam sur ce point, mais il m'a pas répondu ne pas disposer de statistiques précises, alors que la Cnam se montre capable d'en produire sur les sujets les plus divers ! Comment mieux évaluer cette sous-déclaration ? La commission ad hoc l'a estimée à un montant compris entre 800 millions et 1,5 milliard d'euros, une fourchette vraiment très large !
La situation financière de la branche AT-MP est saine, avec une dette apurée et des excédents depuis cinq exercices. Nous avons donc les ressources financières pour renforcer les efforts de prévention. Pouvez-vous nous indiquer comment seront employés les excédents ?
Enfin, pouvez-vous faire un point sur l'évolution de la sinistralité, à la fois pour les accidents du travail et les maladies professionnelles ?
Mme Marine Jeantet. - Le nombre d'accidents de trajet est en réalité extrêmement fluctuant, ni en hausse ni en baisse. Deux éléments expliquent leur nombre : la politique de sécurité routière - les accidents ont beaucoup baissé au moment de la mise en place du permis à points et des radars - et la météo.
J'insiste sur le changement de nom du compte pénibilité, devenu compte professionnel de prévention (C2P). Il est axé sur une logique de prévention, et sa gestion, auparavant confiée à la Cnav, nous revient désormais. Le transfert s'achèvera d'ici à la fin de l'année. La Cnav avait mis en place un dispositif d'ouverture et de gestion des droits, et n'avait pas développé l'activité de prévention en entreprise.
Quatre facteurs - trois portant sur les troubles musculo-squelettiques, un sur l'exposition aux risques chimiques - ont été « renvoyés » vers le dispositif de 2010 et ne permettent plus de créditer des points. La contrepartie de l'accord conclu avec les partenaires sociaux sur ce sujet a été le renforcement de la prévention. Nous évoquerons cette question avec l'État lors des négociations, qui commenceront la semaine prochaine, sur les moyens alloués à la convention d'objectifs et de gestion. Pour l'instant, nous sommes soumis à la réduction moyenne envisagée pour l'ensemble des branches de la sécurité sociale. Mais la prévention suppose l'emploi de personnels chargés de se rendre dans les entreprises pour y encourager les actions nécessaires, une méthode que nous savons efficace. Ne serait-il pas préférable d'investir dans ces effectifs pour éviter un coût social ? La ministre du travail approuve tout à fait cette logique de prévention. Nous verrons quels seront les arbitrages faits dans les prochains mois et les moyens qui nous seront attribués.
Je veux aussi évoquer l'impact sur le processus de reconnaissance des maladies professionnelles. Les quatre facteurs supprimés représentent 100 000 personnes : si 30 % d'entre elles font une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, nous aurons une augmentation de 30 % du nombre de dossiers à examiner, ce qui ne pourra qu'avoir un impact sur les délais d'instruction.
Les ordonnances ouvrent un nouveau droit à la formation aux assurés. La branche s'est construite à la fin du XIXe siècle sur la nécessité de prévoir un revenu de substitution pour ceux qui devaient s'arrêter de travailler. Les rentes constituaient une forme de réparation. Aujourd'hui, dans une économie tertiarisée, la problématique est différente. Les victimes, notamment celles qui ont fait un burn-out, cherchent avant tout une forme de reconnaissance et une aide pour retrouver du travail. Il s'agit souvent de personnes assez jeunes, qui doivent encore travailler plusieurs décennies. Le droit à la formation peut être intéressant dans cette perspective.
J'en viens à la sous-déclaration, qui est un sujet sensible au sein de la branche ! Elle concerne surtout les maladies professionnelles, car les accidents du travail doivent être déclarés dans les 48 heures par l'employeur, qui risque gros s'il ne le fait pas. La demande de reconnaissance de maladie professionnelle, à l'inverse, doit être faite par l'assuré. Or nombreux sont ceux qui ne connaissent pas leurs droits.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Ils ont peur de perdre leur travail !
Mme Marine Jeantet. - Généralement non, car les cancers touchent le plus souvent des personnes qui sont déjà à la retraite.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Pourquoi ne déclarent-ils pas leur maladie ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Plus les personnes sont modestes, moins elles connaissent leurs droits.
Mme Marine Jeantet. - Effectivement, les personnes concernées sont plutôt d'origine modeste et sont davantage préoccupées par la lutte contre leur maladie que par une éventuelle demande de reconnaissance de maladie professionnelle.
Nous proposons deux mesures. Il s'agit, d'une part, d'améliorer la détection de ces maladies, comme nous l'avions fait pour les cancers de la vessie il y a quelques années, en démarchant les personnes atteintes d'une affection de longue durée et en utilisant les médecins-conseils pour sensibiliser les patients à l'origine éventuellement professionnelle de leur maladie. Il s'agit, d'autre part, de développer un accompagnement des malades, par exemple en les aidant à constituer leur dossier. Nous essayons d'ailleurs de simplifier la procédure.
Malgré les efforts menés par la branche, le montant de la sous-déclaration est toujours de 1 milliard d'euros.
M. Gérard Dériot, rapporteur. - Il n'a pas évolué depuis trois ans mais il avait augmenté auparavant !
Mme Marine Jeantet. - Certes, mais on craignait que le montant n'atteigne 1,2 milliard d'euros. Tout cela relève d'un arbitrage politique qui n'est pas de ma compétence.
M. Gérard Dériot, rapporteur. - Il faut voir la réalité : cela contribue à l'équilibre de la branche maladie...
Mme Marine Jeantet. - ... qui sera à l'équilibre dans quelques années !
M. Gérard Dériot, rapporteur. - Je ne comprends vraiment pas pourquoi la Cnam ne peut parvenir à des évaluations plus précises !
Mme Marine Jeantet. - L'assurance maladie n'est pas la mieux placée pour établir de telles statistiques. Le recours à une commission extérieure est une bonne solution car elle permet d'agréger les données provenant d'autres organismes.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Un transfert de cotisations AT-MP de 0,3 point à l'assurance maladie n'est-il pas prévu l'an prochain ?
Mme Marine Jeantet. - La contribution au titre de la sous-déclaration représente ce que doit la branche AT-MP pour des accidents de travail ou maladies professionnelles pris en charge par l'assurance maladie.
La logique assurantielle de la branche AT-MP veut qu'une fois la dette remboursée, les cotisations doivent baisser. Les négociations ont effectivement conduit à diminuer les cotisations AT-MP et à augmenter, en parallèle, les cotisations pour l'assurance maladie, qui est déficitaire. Il a peut-être été maladroit de lier les deux, car si l'impact sur les cotisations des employeurs était neutre, les cotisations AT-MP avaient, elles, réellement baissé !
Il va se passer de nouveau la même chose en 2018. Comme la branche AT-MP est excédentaire de 1 milliard d'euros, une baisse des cotisations devrait être prochainement décidée. Elle conduira à une réduction du solde de 500 millions d'euros. Le taux est ajusté en fonction des besoins de la branche, ce qui est une mesure de bonne gestion.
Comme la trajectoire financière du C2P n'est pas encore très claire, il est préférable d'attendre de voir comment la situation va évoluer. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas intérêt à diminuer trop rapidement les cotisations, d'autant que nous devons investir dans la prévention.
S'agissant de l'utilisation des excédents, en plus de la baisse des cotisations, nous souhaitons développer des mesures incitatives pour les entreprises. J'aimerais notamment mettre en place, sur le modèle du bonus de rémunération des médecins qui ont rempli leurs objectifs de bonnes pratiques, une rémunération sur objectifs des entreprises. Ma cible prioritaire est les PME qui ont moins de moyens pour investir dans des services de prévention et auxquelles serait proposé un contrat générique, avec des objectifs définis (taux de maintien en emploi des seniors, respect des obligations légales...). Ce type d'instrument incitatif plaît aux entreprises.
Je n'exclus pas non plus d'utiliser les excédents de la branche pour accompagner les entreprises dans le maintien d'assurés spécifiques dans l'emploi. J'ai fait des voyages d'études à l'étranger pour examiner les dispositifs qui pourraient être transposés en France. Pour l'instant, nous n'anticipons pas le retour à l'emploi des personnes en arrêt maladie, alors qu'il s'agit d'une question fondamentale.
Présidence de Mme Colette Giudicelli, vice-présidente
Mme Pascale Gruny. - Je veux évoquer la médecine du travail. La loi « travail » a réduit le nombre de visites et en a modifié les modalités. C'est, à mon avis, une erreur du point de vue de la prévention. Le travail du médecin, en collaboration avec l'entreprise, est souvent très positif pour le maintien dans l'emploi tout au long de la carrière. Les moyens ont diminué...
Mme Laurence Cohen. - On se demande qui les a diminués !
Mme Pascale Gruny. - Par exemple, de nombreuses entreprises, même les plus petites, préparent les documents uniques d'évaluation des risques (DUER), en se faisant aider, le cas échéant, par les chambres de commerce. Mais elles ont aussi besoin des médecins.
Vous évoquez les dispositifs d'incitation à la prévention. J'insiste, mettez des médecins du travail et tout ira mieux !
Mme Marine Jeantet. - Les médecins du travail sont nos partenaires privilégiés. Dans le cadre de la précédente COG, nous avons conclu avec eux des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) sur lesquels le rapport d'évaluation de la COG réalisé par l'IGAS était assez critique. Cela a néanmoins permis de montrer aux ingénieurs et aux médecins que nos approches étaient complémentaires. Nos 1 500 préventeurs et les 15 000 personnes travaillant dans les services de santé au travail sont notre force de frappe. Nous devons mieux nous organiser, ce qui passera par des regroupements de ces services. Nous savons concevoir des programmes, et à terme nous ne ferons plus que cela ; leur déploiement dépendra des services de santé au travail.
Sur le rôle du médecin du travail, il a certes un poids très important mais nous pouvons aussi nous appuyer sur des personnels paramédicaux, des ingénieurs, des techniciens, des ergonomes... Au Danemark, le maintien dans l'emploi est assuré par des assistantes sociales et l'approche est multidisciplinaire. Nous devons sortir de notre vision très « médico-centrée ». Vu le manque de praticiens, je suis persuadée que la médecine du travail n'existera plus dans dix ans. Il faut trouver d'autres moyens d'action et travailler davantage avec les généralistes. C'est le cas au Danemark qui dispose aussi d'ergonomes très bien formés, intermédiaires entre l'entreprise et le médecin généraliste.
Une précision en ce qui concerne les DUER : une étude conduite avec l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a montré que 50 % des TPE n'en disposaient pas.
Nous allons également élaborer un programme spécifique à destination des experts-comptables afin qu'ils relayent nos offres auprès des chefs d'entreprise car ils sont les tiers de confiance des petites entreprises.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Une estimation financière de l'extension de la reconnaissance de maladies professionnelles au burn-out a-t-elle été réalisée ?
Mme Marine Jeantet. - Nous organisons une conférence de presse le 5 décembre prochain sur cette question. Nous essayons d'évaluer les conséquences de la reconnaissance des risques psychosociaux non seulement en maladie professionnelle mais aussi en accident du travail. De nombreux cas de burn-out sont déjà reconnus comme accidents du travail. Quand nous disposerons d'informations plus détaillées (secteurs d'activité concernés, impact de la consommation d'anxiolytiques sur la santé...), nous pourrons intervenir de manière préventive et plus efficacement. Je veux souligner que la prise en charge n'est en tout cas pas négligeable.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Une réflexion est-elle menée sur le déclenchement de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle ? Je pense au récent jugement sur l'amiante.
Mme Marine Jeantet. - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 clarifie les choses : la prise en charge pourra prendre effet à compter de la date qui précède de deux ans la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle.
M. Dominique Watrin. - Nous devons bien évidemment avoir un débat sur l'utilisation des excédents de la branche AT-MP. Nous ne sommes pas favorables à une baisse des cotisations. Mais il faut surtout avoir une réflexion plus large, pour passer d'une culture réparatrice et compensatrice à une démarche de prévention, d'éducation et de promotion du travail et de la santé. Les inégalités en termes d'espérance de vie sont telles entre les catégories professionnelles que ce sujet doit être au centre de notre réflexion.
Une part des excédents ne serait donc pas siphonnée et il existerait une marge de manoeuvre dans le cadre de la COG. J'évoquerai trois pistes.
D'abord, la réparation. En Lorraine, comme dans le Nord-Pas-de-Calais, des mineurs ont du mal à faire reconnaître leur maladie professionnelle ou l'aggravation de leur taux de silicose. Les organismes instructeurs de l'assurance maladie poussent au contentieux, ce qui retarde de quelques années les décisions de reconnaissance de maladie professionnelle.
Ensuite, les services à la personne. Le taux de sinistralité est trois fois supérieur à la moyenne nationale. Chaque année, la situation empire. Le travail est normé et cadencé dans ce secteur qui est en crise financière et dont il faudrait revoir le modèle économique.
Enfin, le C2P. Les risques chimiques ayant été retirés, les employeurs sont-ils dorénavant dispensés de rédiger les fiches d'exposition ? La possibilité d'un risque de vide juridique avait été évoquée, ce qui constituerait un recul majeur en termes de traçabilité des modalités des durées d'exposition.
Mme Marine Jeantet. - Les syndicats de mineurs que j'ai récemment reçus m'ont plutôt fait part de leurs inquiétudes quant au suivi post-professionnel qui ne fonctionne pas bien, pour les mineurs comme pour l'ensemble des assurés d'ailleurs. Avant une éventuelle reconnaissance de maladie professionnelle, les assurés ont droit à un dépistage renforcé s'ils ont été exposés à certains risques. Les mineurs sont particulièrement concernés, car ils sont polyexposés. Nous avons préparé une nouvelle mouture du dispositif que nous avons présentée aux syndicats, lesquels ont semblé satisfaits. Elle sera testée sur cette catégorie professionnelle dès 2018 et nous espérons ensuite une rapide montée en charge.
Les services à la personne seront un des axes prioritaires de la future COG qui fixera les objectifs pour les quatre ans à venir. L'État employeur s'est préoccupé de la question car ce service est principalement financé par des fonds publics. La ministre prépare un plan d'action pour les Ehpad. Nous avions déjà testé des actions, puisque les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) avaient mis en place des programmes régionaux d'action sur les soins à la personne. Il faut sensibiliser le payeur, le donneur d'ordre. Le taux de sinistralité est plus important encore que dans le BTP car il n'y a pas de culture de la prévention. Le personnel - il s'agit souvent de femmes très peu qualifiées, en deuxième partie de carrière - est particulièrement exposé. Il ne faut pas oublier non plus de mentionner le problème de la ressource : les conseils généraux peinent à trouver des candidats pour exercer ces métiers !
Sur les fiches d'exposition, la suppression des quatre facteurs n'exonère pas les entreprises de la mise en place d'actions de prévention au-dessus d'un certain seuil qui sera défini par décret. Les Carsat devront suivre les entreprises concernées.
Mme Brigitte Micouleau. - Les lombalgies constituent 20 % des accidents du travail. Les services d'aide à domicile et les maisons de retraite sont les premiers à en pâtir. Outre la prévention et la formation, que faire de plus pour aider ces professionnels lorsqu'ils n'ont plus de personnels ?
Mme Marine Jeantet. - Cela fait cinquante ans que nous travaillons sur cette question ! Nous allons adresser aux établissements une liste des aides techniques existantes car ils les connaissent mal. Je citerai un exemple simple : il faut s'échauffer avant de porter un malade. Nous allons sensibiliser les agences régionales de santé et les conseils départementaux, bref tous les donneurs d'ordre, afin qu'ils intègrent cette dimension dans les exigences de qualité qu'ils imposent aux établissements.
Mme Corinne Imbert. - Je ferai juste une remarque. En ce qui concerne les métiers d'aide à la personne, votre priorité va à la prévention dans les établissements. Mais il ne faut pas oublier les services d'aide à domicile qui sont confrontés à des problèmes de financement et de tarification mais qui souffrent aussi de l'absentéisme des personnels. Ces derniers travaillent de façon isolée, au domicile des personnes dont ils sont chargés. Je rappelle que le maintien à domicile est une priorité. Les départements font déjà beaucoup mais ils ne peuvent être les seuls à intervenir.
Mme Marine Jeantet. - Vous avez raison, d'autant que, comme je l'ai dit, la situation devient critique en raison de l'absence de réserve d'emplois.
La réunion est close à 16 h 30.