- Mardi 25 juillet 2017
- Mercredi 26 juillet 2017
- Article 13 de la Constitution - Audition de Mme Catherine Guillouard, candidate proposée aux fonctions de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens
- Vote sur la proposition de nomination aux fonctions de Président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens
- Déplacement de la commission en Australie - Communication
- Désignation d'un rapporteur
Mardi 25 juillet 2017
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -
La réunion est ouverte à 16h30.
Audition de M. Jacques Mézard, Ministre de la Cohésion des territoires
M. Hervé Maurey, président. - Nous sommes très heureux de vous accueillir Monsieur le ministre. Nous sommes aussi très heureux de voir que vous avez en charge la cohésion des territoires, car nous savons que vous y êtes très attaché et que vous êtes un de ceux qui connaissent le mieux la ruralité. Vous êtes d'ailleurs en quelque sorte toujours sénateur, puisque, comme vous me l'avez indiqué, en étant ministre vous êtes sénateur suspendu. La défense des territoires fait partie des gènes du Sénat, et encore plus de notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Nous avions créé l'année dernière un groupe de travail sur l'aménagement du territoire. Nous vous avons remis, avec Louis-Jean de Nicolaÿ notre rapport intitulé Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité. Nous faisons le constat que l'aménagement du territoire est devenu le parent pauvre des politiques publiques. Nos territoires souffrent et ont le sentiment d'être abandonnés. Il n'est pas étonnant que le Front national soit arrivé en tête dans 19 000 communes aux dernières élections ! Nous avons formulé vingt-six propositions. Nous appelons de nos voeux le retour d'un État stratège. Il nous semble également indispensable que l'impact de tous les projets de réforme soit désormais évalué en termes d'aménagement du territoire. Trop souvent ces enjeux sont négligés, pour ne pas dire évacués du débat public.
Vous dirigez un ministère complexe, dont le champ d'action est transversal. Quelle est votre feuille de route ? Les trois-quarts de la croissance constatée dans les années 2000-2010 ont été réalisés dans les métropoles. La question est simple : comment mieux répartir la richesse entre les territoires ? Entendez-vous poursuivre les contrats de ruralité, mis en place par le précédent Gouvernement et dont nous avions proposé la création ?
Le Gouvernement a annoncé un plan de lutte contre la désertification médicale à la rentrée. Qu'envisagez-vous concrètement pour lutter contre cette inégalité majeure ?
Le Président de la République a fait des annonces sur la couverture numérique du territoire. Comment interpréter ces annonces ? Certains avaient compris que l'échéance de 2022 pour le très haut débit (THD) était avancée à 2020, mais ce matin, lors des questions orales au Sénat, vous avez indiqué que 2020 restait un point d'étape. Le problème de la téléphonie mobile est tout aussi crucial que celui de l'Internet fixe. La situation ne cesse de se dégrader car les usages augmentent plus vite que le nombre d'antennes. Le Président de la République a annoncé la généralisation de la 3G et de la 4G d'ici deux ans. Comment ? Il importe que l'on cesse les effets d'annonce qui laissent croire aux gens que la situation va s'améliorer alors que les problèmes demeurent.
M. Jacques Mézard, ministre. - Je suis heureux d'être parmi vous. Vous connaissez mon attachement au Sénat, à ses travaux. J'ai toujours été, et je suis toujours, un fervent défenseur du bicaméralisme. Le ministère de la cohésion des territoires est effectivement un ministère transversal. Je partage avec le ministre de l'intérieur la tutelle de la direction générale des collectivités locales (DGCL). La dimension institutionnelle relève de l'intérieur tandis que le volet contractuel (CPER, contrats de ruralité) relève de mon ministère. De même, alors que les questions de fiscalité locale ou de péréquation relèvent de l'intérieur, mon ministère s'occupe des subventions. Mon ministère a aussi en charge le logement, la politique de la ville, la cohésion des territoires.
Nous avons organisé la Conférence nationale des territoires. Le Président de la République et le Premier ministre ont accepté qu'elle ait lieu au Sénat. J'en suis très heureux. Le Sénat n'est-il pas aux termes de l'article 24 de la Constitution le représentant des collectivités territoriales ? Il est normal qu'il soit associé à la réflexion sur ces questions. J'ai lu avec attention votre rapport très intéressant sur l'aménagement du territoire. Ses conclusions rejoignent parfaitement mes objectifs. Comme vous, je souhaite le retour d'un État stratège.
Vous avez raison de vous demander où est passée la politique d'aménagement du territoire ces dernières années. Je me posais la même question lorsque je siégeais sur les bancs de la Haute Assemblée. C'est pourquoi je souhaite redonner un sens à cette expression.
L'essentiel de la croissance est réalisé dans les métropoles. France Stratégie fait le même constat, mais semble souhaiter que cela continue comme cela... Mon but est de réduire non pas la fracture, mais bien les fractures territoriales, car elles sont multiples. Cela ne signifie pas briser la dynamique des métropoles, car celle-ci est nécessaire, mais mettre en place des politiques de rééquilibrage. Ce ne sera pas facile. Le fait métropolitain est entré dans les moeurs. Je n'étais pas favorable à la multiplication des métropoles, mais elles sont là, c'est un fait. Je me souviens des demandes nombreuses au Sénat pour obtenir le statut de métropole. Avec un brin de provocation, j'avais même déposé un amendement pour donner le statut de métropole à Aurillac... La fusion des départements et des métropoles a été évoquée dans le programme du Président de la République. J'ai toujours défendu l'existence des départements, considérant que les fusions avec des métropoles ne pouvaient se justifier que dans un nombre très limité de cas, dans la concertation, en réponse à une demande locale, comme ce fut le cas à Lyon. Le Gouvernement n'a pas la volonté d'imposer aux collectivités territoriales une solution mise au point par l'État. En revanche nous faciliterons les initiatives de ceux qui veulent créer des communes nouvelles ou fusionner des départements, dans la mesure où telle est la volonté exprimée des collectivités territoriales. Les consultations sur le Grand Paris ont commencé. Elles se poursuivront ces prochains mois. Il nous faudra parvenir à trouver un cadre à la hauteur des ambitions pour la capitale, en surmontant les oppositions, qui dépassent d'ailleurs le cadre partisan. En tout cas, nous ne souhaitons pas recommencer un Big Bang territorial. Les élus locaux sont las de ces réformes à répétition compliquées.
Quels dispositifs pour redonner un espoir à ces espaces interstitiels comme on le dit en termes technocratiques ? Je suis moi-même issu d'un espace interstitiel. Je n'oppose pas le rural et l'urbain : il y a des zones rurales prospères et des zones urbaines en crise. Nous devons nous intéresser à tous les territoires en difficulté. Je souhaite que les contrats de ruralité perdurent. J'espère convaincre Bercy. Je suis aussi convaincu de la nécessité d'une politique spécifique en faveur des petites villes et des villes moyennes, qui sont souvent en difficulté lorsqu'elles ne sont pas dans le noyau métropolitain. De même il faut aider les centres-bourgs. J'ai pris contact avec le président de la Caisse des dépôts pour commencer à réfléchir à des procédures adaptées. Le Président de la République a annoncé lundi la création d'une agence dédiée au monde rural. Sa forme n'est pas encore arrêtée. Avant de faire d'autres annonces, je procéderai à des consultations, à commencer par celle du Parlement. Des idées sont sur la table. Il faut notamment réfléchir à l'articulation avec le commissariat général à l'égalité des territoires. Nombre de collectivités territoriales hors agglomération ou métropole n'ont pas les moyens de mener leurs projets. Pour elles, cette agence sera une bonne nouvelle. Mon souhait en tout cas est de ne pas créer une nouvelle usine à gaz. L'essentiel sera de doter cette structure des moyens d'action nécessaires. La réflexion est lancée, je serai ouvert à toutes vos propositions.
Agnès Buzyn mène une réflexion sur la désertification médicale. Le gouvernement a l'objectif de créer 2 000 maisons de santé. Nous manquons de médecins, surtout de spécialistes. Mais le problème majeur est celui de la fracture territoriale liée à leur inégale répartition sur le territoire. La question du numerus clausus est posée, mais ce n'est pas à vous que j'apprendrai qu'il est plus facile de se soigner dans certains territoires que dans d'autres...
J'ai tenté de répondre ce matin, lors des questions orales, à vos interrogations sur le numérique, mais en deux minutes et trente secondes, l'exercice était délicat ! Notre pays est en retard pour la couverture numérique. Or donner accès à tous au très haut débit est un excellent moyen pour lutter contre la fracture territoriale. Je connais bien les rapports et les propositions du Sénat. La situation n'est pas satisfaisante. L'Arcep publiera demain un bilan partiel. Le Président de la République a annoncé sa volonté politique très claire d'avancer sur ce dossier. N'y voyez pas un effet d'annonce : c'est une priorité de l'action du gouvernement. Il y a déjà eu une réunion entre les trois secrétaires d'État en charge de ce dossier. Nous avons aussi réuni les opérateurs, avec l'Arcep et la CDC. À écouter les opérateurs, on a l'impression qu'un travail considérable a été réalisé ! C'est en partie vrai, mais nous avons réaffirmé notre volonté de tenir les objectifs fixés. Nous leur avons demandé de nous faire des propositions avant le 31 juillet car nous souhaitons aller vite en définissant les orientations et les objectifs avant la fin du mois de septembre. Après cette réunion, l'un des opérateurs a indiqué qu'il irait encore plus loin pour déployer le numérique, sans coût supplémentaire pour la puissance publique. Nous jugerons sur pièces pour apprécier s'il s'agit d'une annonce à des fins commerciales ou non. N'oublions pas que les opérateurs sont en concurrence. Tous les opérateurs ne sont pas d'accord sur tout... Nous examinerons leurs réponses et leurs propositions, avant d'entamer un cycle de discussion pour définir précisément la feuille de route et planifier les investissements avant la fin du mois de septembre. Nous voulons accélérer le déploiement dans les zones denses, où seulement trois millions de lignes sont été installées, sur les douze millions prévues en 2020. En ce qui concerne les réseaux d'initiative publique (RIP) 800 000 lignes avaient été réalisées en FttH fin 2016, pour un objectif de 7,3 millions en 2020. Le déploiement de la montée en débit est cependant plus avancé. Enfin, nous devons aussi trouver une solution pour les 15 % de la population non visés par la dynamique de déploiement. C'est un de nos devoirs.
Le délai de 2020 conduit à privilégier l'accélération du scénario de déploiement actuel, Orange et SFR devant couvrir en fibre les zones denses, tandis que dans les autres zones seront déployés les RIP par les collectivités territoriales en collaboration avec l'État. En raison de la fragilité des zones AMII, il est nécessaire de faire un suivi serré, contraignant et opposable, de l'évolution de la situation avec la possibilité de constater la carence si les engagements pris par Orange et SFR ne sont pas tenus. Free, Bouygues et les opérateurs RIP demandent d'ailleurs une redistribution au sein des zones AMII. C'est pour nous un levier dans la négociation. Des contreparties sont proposées aux opérateurs dans les zones moins denses. Pour couvrir toute la population, il faut privilégier un bouquet de solutions, ce qui n'exclut pas de couvrir à terme tout le territoire par la fibre. Nous voulons que la 4G soit disponible partout dès 2020. Pour cela, les opérateurs devront construire plus de 10 000 poteaux supplémentaires : il ne faut pas seulement couvrir les bourgs et les centres-villes, mais aussi les routes. Il est vraisemblable qu'il faudra négocier des contreparties avec les opérateurs. Il appartiendra à l'Arcep de les négocier. Les 3,3 milliards d'euros fléchés par l'État pour le financement des RIP ont déjà été engagés. La phase 2, en revanche, consistant à augmenter la part de la fibre n'est pas financée. Il manque entre 1,3 et 1,8 milliard d'euros, que nous prévoyons d'inscrire dans le volet numérique du grand plan d'investissement. L'équilibre économique de certains RIP dépend de l'engagement effectif de ces phases ultérieures de déploiement. L'objectif des 100 Mégabits ne pourra intervenir que plus tard, vers 2025. En attendant, nous demandons aux opérateurs de préciser leurs engagements commune par commune, tant pour le fixe que le mobile. À partir de ces contributions le gouvernement définira sa feuille de route, avec la volonté très ferme d'aller jusqu'au bout.
Votre diagnostic sur la téléphonie mobile correspond à la réalité de terrain. J'ai eu l'occasion d'échanger dans mon territoire avec les opérateurs et reçu les mêmes réponses que celles que vous avez eues : l'augmentation de la consommation, la saturation du réseau, le défaut d'entretien font que la téléphonie mobile passe souvent moins bien qu'il y a trois ans. Voilà une situation difficilement acceptable qui nécessite une action forte de l'État stratège.
M. Rémy Pointereau. - Je salue votre nomination. Vous êtes un homme de volonté, élu d'un territoire rural. Nous vous connaissons bien. J'espère que nous pourrons avancer pour remédier au sentiment d'abandon, voire de décrochage. Nos territoires attendent des solutions concrètes pour reconquérir nos espaces ruraux, réconcilier nos concitoyens avec la politique. Pour dynamiser les territoires ruraux, il faut des moyens financiers. Or pour l'instant c'est la triple peine : réduction des dotations de 13 milliards d'euros, ponction du fonds de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), et bientôt la suppression de la dotation d'action parlementaire. Cela commence mal ! Qu'en sera-t-il de la DETR ?
Il est indispensable de retrouver un État stratège. Je regrette l'époque où la DATAR avait une vision de long terme... Un élément essentiel est la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs : un plan de rénovation d'une cinquantaine de centres-villes et des centres-bourgs avait été lancé il y a trois ans. Continuerez-vous cette politique ? Les crédits du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) sont en baisse. Quelle sera votre politique à l'égard des zones de revitalisation rurale (ZRR) ? Est-il envisagé de créer, sur le modèle de l'ANRU pour la politique de la ville, une agence de revitalisation des territoires ruraux ? Les centres-villes se dépeuplent, beaucoup d'exploitations agricoles sont en déshérence. Enfin, je note qu'il n'y a plus de ministre de la simplification normative. Il serait pourtant judicieux de prévoir un aménagement des normes pour les territoires ruraux. Bref, nos territoires ruraux ont besoin d'un véritable plan Marshall !
M. Pierre Camani. - Je suis de ceux qui sont satisfaits de vous voir assumer ces fonctions, car vous connaissez parfaitement les sujets. Les départements ruraux font face à des difficultés financières majeures : l'allocation individuelle de solidarité (AIS) est très mal compensée, les dotations diminuent, les ressources fiscales sont atones... La situation est explosive. En 2017, quinze départements n'ont pas réglé leur facture de RSA, pour un montant global de 215 millions d'euros, et le président de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a demandé au Premier ministre précédent de déférer ces départements devant les Chambres régionales des comptes. Président de département, j'ai choisi d'inscrire à mon budget, pour l'équilibrer, une dotation exceptionnelle de 20 millions d'euros de l'État - que je n'ai pas obtenue. Je vois M. Huré, qui est dans une situation similaire, opiner. Résultat : la fiscalité des départements ruraux est très lourde. Même moi, qui ai refusé pendant huit ans de l'accroître, j'ai dû me résoudre à le faire, tout en réduisant les politiques publiques. Ces questions ne relèvent peut-être pas de votre ministère, mais elles correspondent à son intitulé. Que comptez-vous faire pour que les départements ruraux sortent de ce cycle d'appauvrissement, qui accélère leur divergence avec les métropoles ?
M. Michel Vaspart. - Est-ce bien à la ministre de la Santé de gérer le dossier de la désertification médicale ? Nous avions proposé des amendements sur ce problème, qui relève autant de l'aménagement du territoire que de la santé publique. Sénateur, vous vous étiez montré soucieux de le résoudre. Quelle sera la position du ministre ? Si vous vous tenez en retrait, je suggère, monsieur le président, que nous auditionnions la ministre de la Santé.
M. Hervé Maurey, président. - C'est prévu : je l'ai rencontrée ce matin, et nous l'entendrons au plus tard en octobre.
M. Louis Nègre. - J'ai beaucoup apprécié certaines de vos interventions comme sénateur : vous êtes un défenseur des territoires. Pour ma part, je quitterai le Sénat dans deux mois pour me consacrer à mon mandat de maire. La commune est incontestablement la base de notre organisation territoriale. Pourquoi l'État demande-t-il des économies à des collectivités territoriales dont le budget de fonctionnement, nécessairement équilibré, ne saurait être accusé de contribuer à l'endettement public ? Comment faire ? Devrons-nous faire baisser la masse salariale ? Couper dans les services publics ? Réduire notre investissement, alors que celui-ci constitue 70 % de l'investissement public ? Le traitement de cheval qu'on inflige aux collectivités territoriales en leur retirant 13 milliards d'euros, après les 11 milliards d'euros soustraits au cours du quinquennat précédent, me rappelle les médecins de Molière qui, de saignée en saignée, finissaient par tuer le malade. Même remarque sur la baisse du nombre d'élus locaux : ce sont encore les communes qui trinquent ! Pourtant, les élus municipaux sont porteurs des vertus civiques, ils soudent le tissu social - et 90 % d'entre eux sont bénévoles. Comment justifier un tel massacre des innocents ? La dette de SNCF Réseau s'accroît de 1,5 milliard d'euros chaque année. Comment organiser une desserte ferroviaire ne sacrifiant pas certains territoires que vous avez-vous-même qualifiés d'interstitiels ?
Mme Odette Herviaux. - Merci de votre présence. Je partage beaucoup des opinions que vous avez exprimées. Vous avez raison d'encourager l'expérimentation locale, et de favoriser la déconcentration pour donner aux préfets une marge de manoeuvre dans l'adaptation des politiques nationales aux besoins des territoires. Je l'avais moi-même recommandé dans un rapport sur la simplification des normes : il faut placer les acteurs locaux en posture de responsabilité. Trois principes me semblent indispensables : la proportionnalité dans l'application des lois ; la généralisation de l'expérimentation, pour faciliter la prise de conscience et stimuler la capacité de réaction des élus ; l'extension de l'usage des dérogations, dont la possibilité n'est jamais utilisée. Le tout, assorti d'un peu plus de décentralisation - car il n'y a pas que les préfets - nous aidera à réaliser des économies.
M. Jean-Yves Roux. - Je suis heureux qu'un ancien sénateur soit ministre de la cohésion des territoires. Le Président de la République a déclaré que l'État devait rationaliser ses services et agences déconcentrés pour en accroître l'efficacité. Cela concerne-t-il aussi la présence postale dans les communes ? Celles-ci connaissent déjà les réductions horaires, qui diminuent l'attractivité et conduisent à des fermetures. Une réforme du statut de la Poste ou du maillage postal est-elle en préparation ?
M. Jacques Mézard, ministre. - Soyons clairs : vous connaissez la situation financière du pays. Si nous ne sommes pas capables de prendre quelques décisions transpartisanes, nous ne nous en sortirons pas, et la fracture avec nos voisins européens s'accroîtra. L'État est le premier à devoir faire des efforts - et ce n'est pas facile ! J'ai déjà eu à assumer des annonces impopulaires. Quant aux collectivités territoriales, je me suis efforcé d'éviter qu'on leur notifie - comme cela a été fait par d'autres - une baisse de 13 milliards d'euros de leur dotation, car l'inconvénient en ce cas est que la réduction frappe chacune de la même manière. Si l'on opère cette ponction sur la DGF, il n'en restera pas grand-chose. Pour la plupart d'entre vous, vous avez exercé, exercez ou exercerez des responsabilités exécutives dans une collectivité territoriale. Vous savez donc qu'il existe des marges de manoeuvre - pas dans toutes, certaines sont à l'os. Il faut donc nous montrer responsables, car enfin, nous devons faire des économies. Comme chaque département est dans une situation différente, nous ne pouvons demander la même chose à tout le monde. Je souhaite que le Gouvernement n'ait pas à imposer des baisses de dotation.
Je suis optimiste quant au maintien des crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) dans le prochain budget.
Sur la dotation d'action parlementaire, le Parlement est saisi. Je souhaite qu'in fine, cette enveloppe ne soit pas tout simplement absorbée par une autre, car si elle se fond par exemple dans la DETR, le résultat sera qu'elle diminuera. Je suis attentivement les débats à l'Assemblée nationale. Qu'un parlementaire parisien dise que cette dotation est inutile, je peux le comprendre. Il eût été bien, alors, que de tels parlementaires rétrocèdent leur quote-part à leurs collègues ruraux. Hélas, ils ne l'ont jamais fait.
J'ai déploré la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR). J'avais déposé une PPL pour revenir à l'état antérieur. Comment changer aujourd'hui des dispositions actées en 2015, avec effet au 1er juillet 2017 ? Certes, 3 000 communes sont sorties du dispositif, mais d'autres sont entrées ! Une mission avait été confiée à un député de droite, et un de gauche. La réforme tirée de leur rapport ne m'a pas parue très juste, d'autant qu'elle a coïncidé avec les fusions d'intercommunalités. Résultat : des communes de montagne, extrêmement rurales, sont exclues de la DRR. Mais celles qui y sont entrées en sont fort satisfaites : demandez donc à M. Retailleau ! J'ai demandé à l'administration des propositions. De même, je lui ai demandé de tirer parti du travail réalisé au Sénat sur la simplification.
Le Président de la République et le Gouvernement ont conscience de la difficulté dans laquelle se trouvent les départements ruraux. S'il faut travailler au financement du RSA, cette compétence doit rester aux départements. Cela nécessite des efforts de péréquation horizontale. J'avais dénoncé le fait que certaines mesures étaient étalonnées sur la situation de certains départements, ce qui n'était pas équitable. Les décisions ne doivent pas être prises en fonction du poids politique de tel ou tel responsable local.
Mon ministère ne se désintéresse évidemment pas de la désertification médicale. Il est concerné, au moins, par le premier volet du problème : comment aider les territoires à disposer de structures d'accueil satisfaisantes ? La question du numerus clausus et de la formation des praticiens relève plus directement de la ministre de la Santé, avec laquelle nous travaillons en parfaite coordination. Dans certains départements, il n'y a plus de spécialistes, y compris dans la préfecture. C'est très grave.
La baisse de la dotation aux collectivités territoriales prévue par le candidat qu'avait soutenu M. Nègre était, je crois, de 20 milliards d'euros... On se demande d'ailleurs comment il était passé de 20 milliards d'euros à 8 milliards d'euros ! Regardons la réalité en face : en 2008, notre dette atteignait 56 % du PIB, comme celle de l'Allemagne. Aujourd'hui, nous sommes presque à 100 %, quand l'Allemagne est au même niveau qu'en 2008. Cela ne peut pas continuer.
La diminution du nombre des élus locaux a été annoncée à la Conférence des territoires. Il nous faut des précisions sur les objectifs visés. S'il s'agit de diminuer le nombre de conseillers départementaux, cela implique une refonte du nombre de cantons. Même remarque pour les conseillers régionaux, vu la faible représentation de certains départements. Certes, les fusions de communes diminuent globalement le nombre d'élus. Et certains conseils municipaux pourraient être moins nombreux ; mais ils font du lien social, et garantissent que la commune sera gérée jusqu'à la fin du mandat. Sur ce sujet, soyons pragmatiques.
Sur la desserte ferroviaire, vous avez écrit un excellent ouvrage, monsieur Nègre. Il suffit, en somme, de trouver 200 milliards d'euros et le problème est réglé ! Ce qui a été annoncé est un ralentissement des investissements en faveur des grandes infrastructures, pour redonner de l'oxygène à l'entretien de nos routes nationales et des voies ferrées secondaires.
Il faut donner plus de latitude aux préfets, qui ne doivent plus se sentir obligés d'ouvrir à tout propos un parapluie. La déconcentration doit accompagner la décentralisation. Quant à la présence postale, il me semble que le président-directeur général de La Poste mène une politique globalement constructive, et les commissions départementales de présence postale effectuent un travail de qualité. Mais la diminution inexorable du volume du courrier contraint La Poste à évoluer. L'action du facteur ne doit pas se limiter au courrier, et son rôle doit être conçu en lien avec le développement de l'innovation numérique, du véhicule autonome et de l'intelligence artificielle.
M. Claude Bérit-Débat. - Vous avez annoncé un texte sur le logement. Abordera-t-il la question des communes qui, après fusion, franchissent le seuil des 3 500 habitants ? Elles peuvent n'avoir presque pas de bourg-centre. Dès lors, comment appliquer la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) ?
Mme Évelyne Didier. - Que signifie l'intitulé de votre portefeuille ? Vos compétences semblent transversales et reliées à celles des ministères des transports, de la santé ou de Bercy - où les politiques publiques sont d'abord définies. Les dotations ont été réduites. Elles pourraient être rééquilibrées entre zones urbaines et rurales. La théorie du ruissellement, chère aux économistes, n'est guère probante. Il faut prendre en compte le territoire, la population et le potentiel fiscal. Et surtout, l'enveloppe doit être à la hauteur. Mais chaque candidat surenchérissait sur le nombre de milliards à en ôter. Le grand plan d'investissement recouvre-t-il les investissements d'avenir ? La téléphonie et la fibre semblent des priorités. De plus, SFR déclare n'avoir plus besoin d'argent public. Mais les communes doivent participer aux décisions d'investissement.
M. Jean Bizet. - La baisse des dotations est une réalité. Pourquoi ne pas donner aux collectivités territoriales des revenus annexes ? J'y ai réfléchi avec M. Belin et M. Carenco, et dans le rapport sur la réforme de la PAC que nous allons bientôt présenter, nous expliquons qu'il faut ménager aux agriculteurs et aux communes rurales la possibilité de produire de l'énergie renouvelable. Pourquoi ne seriez-vous pas chef de file pour ce projet ? Au fond, la question est surtout l'accès au capital. Et cela permettrait de donner aux agriculteurs une meilleure image : de l'agriculteur-pollueur à l'acteur de la transition énergétique.
M. Michel Raison. - Nous connaissons votre détermination, mais aussi l'état des finances du pays, et les rigidités de l'administration. Pourquoi ne pas faire de votre portefeuille une instance interministérielle ? Sur les routes, sur la santé, les solutions de bon sens peinent à s'imposer face aux revendications catégorielles. Mme Cresson avait essayé, par exemple, de décentraliser des administrations... Les territoires coupés des centres économiques ont vu leurs recettes stagner, puisqu'ils ne bénéficient pas de la reprise. Si vous diminuez leur dotation, ils vont périr ! Et la diminution du nombre de parlementaires ne devra pas priver de représentation certaines catégories de territoires. La Poste est un bel exemple d'aménagement du territoire : c'est une entreprise qui souffre, car son chiffre d'affaires baisse inexorablement, mais aucun habitant ne s'en trouve moins bien desservi que les autres.
M. Jean-François Longeot. - Nous savons que vous défendrez les territoires. Votre ministère peut être l'aiguillon de politiques transversales, par exemple pour lutter contre les déserts médicaux : pourquoi construire des maisons de santé s'il n'y a pas de médecins ? De même, dans l'éducation. Douze élèves par classe dans les zones urbaines difficiles, pourquoi pas ? Mais la question se pose aussi dans certaines zones rurales.
M. Pierre Médevielle. - En matière de santé, la situation se dégrade. En trente ans, ma commune de 2 500 habitants est passée de quatre cabinets médicaux, accessibles 365 jours sur 365, à un médecin visible la semaine jusqu'à 20 heures, et rien les week-ends et jours fériés. Nous ne sommes plus égaux devant une offre de soins de qualité et de proximité. Les syndicats sont tous d'accord pour que l'on mette en place une régulation : il est temps de prendre le taureau par les cornes !
Mme Évelyne Didier. - Très bien !
M. Jacques Mézard, ministre. - Sur la - bonne - question des communes nouvelles dépassant le seuil des 3 500 habitants, je demanderai à mon administration de vous fournir une réponse détaillée. Oui, madame Didier, nous devons utiliser le potentiel fiscal de chaque territoire ; au moins y verrons-nous plus clair. Cela posera la question de la péréquation, qui elle-même implique une volonté partagée, dans toutes les strates de collectivités territoriales. M. Pisani-Ferry travaille au grand plan d'investissement. Il recueille les avis et les suggestions : c'est le moment de lui faire parvenir les vôtres ! Je souhaite que nous intégrions à ce plan le plus possible de financement de l'innovation. Sur la question des revenus annexes, je suis d'accord avec vous, surtout si l'on pense à l'un de nos voisins...
M. Jean Bizet. - Qui n'a pas eu les bonnes réponses !
M. Jacques Mézard, ministre. - Il a posé le problème. D'ailleurs, les revenus annexes deviennent parfois principaux. Nos agriculteurs sont confrontés aux prix - lors de mon passage au ministère de l'agriculture, j'ai fait de la valorisation une priorité. Il faut les aider à construire des sources de revenus annexes via la transition écologique.
M. Jean Bizet. - Ainsi que les communes rurales.
M. Jacques Mézard, ministre. - Absolument. L'origine même de mon ministère, issu de la fusion de ceux du logement, de la ville, de l'aménagement du territoire, de la ruralité et même des collectivités territoriales, en fait une instance interministérielle. Les décentralisations conduites par Mme Cresson lui avaient été beaucoup reprochées, alors que c'était une excellente initiative : l'ENA s'en souvient !
Je n'ai jamais été convaincu qu'il faille diminuer le nombre de parlementaires, au risque de les couper des territoires. Bien des propositions en ce domaine sont plus populistes que réalistes. Je me suis exprimé pendant la campagne, mais mon opinion n'a pas été majoritaire. J'observe toutefois que d'autres candidats avaient des positions plus dures encore : M. Fillon voulait en supprimer la moitié.
M. Michel Raison. - Nous l'avons échappé belle...
M. Jacques Mézard, ministre. - Certains candidats ont même proposé d'en tirer un certain nombre au sort : dérive scandaleuse dans un pays démocratique où des hommes se sont battus pour obtenir et conserver le droit de vote... J'estime en tous cas que la baisse du nombre de parlementaires ne doit pas être strictement ajustée à la démographie.
Je travaille avec le ministre de l'éducation nationale sur plusieurs propositions susceptibles de revitaliser les territoires ruraux. Sur les questions de santé et de sécurité, nous savons bien quels obstacles corporatistes ont créé des blocages. Lorsque la concertation a montré ses limites, il appartient à l'État - et au Parlement - de prendre les décisions qui s'imposent.
M. Benoît Huré. - Nous sommes rassurés par votre nomination. Vous avez dit qu'il n'y aurait pas de nouveau Big Bang. Dont acte. Des adaptations sont toutefois nécessaires, car les réformes ont été conduites à la hussarde. Je vous suggère à cet égard de travailler sur les bassins de vie pour que nos concitoyens se réapproprient les nouvelles structures. Le volontarisme ne suffira pas, il faudra des incitations. L'argent public étant rare, il faut sélectionner avec soin les interventions, et les concentrer sur les territoires les plus démunis : on ne peut pas laisser croître encore l'écart de richesse entre territoires. Toutes les communes ne sont pas dans la même situation : certaines ont des moyens financiers importants - ce sont souvent elles qui bloquent des évolutions pour tout un bassin de vie.
Notre système de dotations n'est plus adapté. Il faut le remettre à plat, tout comme la fiscalité locale.
M. Ronan Dantec. - À l'heure de la transition écologique, il convient de donner aux collectivités territoriales les moyens de la financer. Pourquoi ne pas employer à cette fin les 150 millions de la réserve parlementaire ?
Sinon, Monsieur le ministre, je vous souhaite bon courage ! Votre projet ressemble à la quadrature du cercle ! La baisse des dotations sera de 13 milliards d'euros durant le mandat, avec un effort accru à partir de 2019. En Allemagne ou en Suède les efforts budgétaires n'ont pas réduit les capacités d'investissement public. On risque de pénaliser les territoires les plus pauvres. Faut-il comprendre que vous entendez mettre en place un système de rééquilibrage fort ? Cela implique de mettre à contribution les collectivités territoriales les plus riches au moment même où on leur demande un effort soutenu pour construire de nouveaux logements... C'est la quadrature du cercle !
M. Didier Mandelli. - Je me suis réjoui à l'annonce de votre nomination à ce poste. Je suis heureux en entendant votre volonté de réinstaurer un État stratège, mais je crains que ce ne soit finalement Bercy qui décide... Je ne vois pas l'intérêt de créer une nouvelle agence. La Cour des comptes ne cesse de fustiger les démantèlements de l'État. L'exécutif est constitué des ministères qui ont pour mission de mettre en oeuvre la politique pour laquelle le Gouvernement a été élu. Les annonces sur les maisons de santé relèvent de l'incantation : comme pour les crèches, ce sont toujours les collectivités territoriales qui financent. Il faut aussi des mesures pour inciter les médecins à s'installer dans les zones sous-dotées. Enfin je regrette l'absence de concertation. Aucune concertation avant l'annonce de la suspension des projets de grands travaux. Aucune concertation non plus avant l'annonce de la baisse des dotations et du nombre d'élus locaux à la Conférence des territoires. Dernières annonces arbitraires, celles relatives à la baisse des aides au logement (APL) et à une possible restriction du champ du dispositif Pinel. Entendez-vous mener une consultation à l'automne sur le logement pour définir une véritable stratégie de long terme ?
Mme Annick Billon. - La France se classe au 27e rang sur 28 en Europe en matière de déploiement de la fibre optique FttH ; 1 300 zones d'intérêt économique sont à couvrir dans les cinq ans. Comptez-vous réduire ce délai ? De même que comptez-vous faire pour simplifier les procédures, longues et fastidieuses, d'autorisation des équipements numériques qui retardent l'avancée des projets ? Les opérateurs nous ont indiqué qu'ils étaient en avance sur leurs obligations réglementaires. SFR aurait sept ans d'avance. Entendez-vous revoir le calendrier de ces obligations, car celles-ci dépendent de la population, non des territoires ?
S'agissant du ferroviaire, certains territoires n'ont bénéficié d'aucun grand projet d'investissement tandis que leur réseau n'a pas été entretenu et que le matériel roulant vieillit. Pour ces territoires, c'est la double peine.
Je partage l'avis de Pierre Médevielle sur la désertification médicale : sans régulation ni contrainte on n'avancera pas. La désertification médicale concerne beaucoup de territoires, y compris les territoires littoraux. Dans une ville comme les Sables-d'Olonne, les listes d'attente chez le médecin sont très longues. Enfin, je partage les inquiétudes sur la loi SRU : les communes nouvelles risquent de se voir imposer des pénalités fortes alors qu'elles ont souvent été vertueuses.
M. Gérard Miquel. - Je suis moi aussi heureux de vous voir à la tête ce ministère important. Vous étiez sénateur du Cantal, mais vous avez aussi des attaches dans le Lot !
J'ai apprécié vos propos sur l'expérimentation et la souplesse que vous voulez laisser aux préfets. Toutefois je constate que, ces dernières années, la haute administration s'est appliquée à reprendre le pouvoir qu'elle avait perdu, grâce à la concentration des pouvoirs dans les grandes préfectures de région. Nos préfectures de département sont exsangues. Je préférerais que nos préfets puissent jouer un rôle de facilitateur sur le terrain plutôt que de s'épuiser dans du pointillisme administratif, qui nous empêche d'agir à cause de procédures d'une lourdeur insupportable. Comment rendre aux préfets leur capacité d'initiative et de soutien aux collectivités territoriales ? Songez qu'un préfet ne peut donner l'autorisation d'engager des travaux avant la réception de l'arrêté subventions : c'est un fonctionnaire de la préfecture de région qui tranche...
M. Jacques Mézard, ministre. - Je partage votre avis, monsieur Huré : il faut tenir compte des bassins de vie. C'est ce que demandent nos concitoyens. Vous voulez indexer les dotations sur les capacités financières des territoires : c'est un bel objectif, mais vous connaissez les difficultés...
Votre remarque sur la trésorerie de certaines collectivités locales est pertinente. Il faut avoir le courage de le dire : certaines collectivités territoriales veillent jalousement sur leur trésor de guerre, elles profitent de la proximité d'une commune voisine qui a des infrastructures étendues et des taxes locales élevées pour maintenir leurs taux à un bas niveau. Si l'on veut aller dans le sens de l'intérêt général, on doit demander des efforts à tous et pas seulement à l'État ! Les inégalités entre collectivités existent au sein de chaque strate de collectivités. Le système des dotations n'est plus adapté. La difficulté est de le réformer en respectant certains équilibres.
Monsieur Dantec, je reconnais votre admiration pour le modèle suédois. En France nous avons toujours tendance à considérer que ce qui se fait à l'étranger est toujours meilleur. Mais la France est un grand pays, rappelons-le !
Ce n'est pas forcément l'investissement qui doit être réduit. Comme d'autres, j'ai subi dans ma collectivité locale des baisses de dotation. En seize ans, je n'ai jamais augmenté les impôts locaux. J'ai maintenu la capacité d'autofinancement ainsi que les effectifs malgré la hausse du nombre de communes, et j'ai réduit la capacité de désendettement. C'est un exercice constant, fait par certaines collectivités territoriales et pas par d'autres. Il est vrai, certes, que certaines sont à l'os.
M. Louis Nègre. - D'où l'importance d'un traitement différencié.
M. Ronan Dantec. - Mais selon quels critères ?
M. Jacques Mézard, ministre. - La DGCL excelle dans la détermination de critères. Et Bercy ne décide pas, monsieur Mandelli - mais il a des exigences, et ce quelle que soit la majorité au pouvoir. Le Président de la République a toute l'autorité nécessaire, tout comme le Premier ministre. Au terme d'abandon de grands projets d'infrastructure, je préfère celui de rééchelonnement. Le Gouvernement y réfléchit, oui. Certains territoires ont été complètement laissés de côté et n'ont pas vu un investissement en infrastructure depuis un demi-siècle.
Ce n'est jamais un plaisir pour le pouvoir exécutif d'annoncer des baisses de dotation. La situation de la France est atypique : alors que l'État consacre 30 milliards d'euros par an au logement, ce qui est un sommet en Europe, nous construisons moins que les autres et nos loyers sont plus chers. Nous devons donc remettre en question notre système. Cela impose des efforts. Le Gouvernement présentera à l'automne un projet de loi sur le logement. Pour l'heure, nous consultons toutes les parties prenantes. L'objectif est de simplifier, de réduire les délais d'instruction, de lutter contre les recours abusifs, qui bloquent la construction de 40 000 logements... Ainsi, la production pourra croître. Le PTZ, qui devait s'arrêter au 31 décembre, sera prolongé. Nous devons aussi contenir la hausse des loyers.
Si nous arrivons à avoir le numérique pour tout le monde dans cinq ans, ce sera bien. Idem pour la 4G en 2020. Les opérateurs se targuent d'avoir tenu leurs engagements. Oui, mais c'est que leurs objectifs étaient trop bas ! Nous allons les réévaluer dans le cadre d'une négociation où l'État jouera pleinement son rôle de stratège.
Certaines préfectures ont vu leurs effectifs diminuer de moitié. Mais nous savons bien qu'aux protestations lorsqu'on supprime une gendarmerie répondent les récriminations contre l'excès de contrôle. Je passerai consigne aux préfets d'être moins tatillons : ils sont là pour faciliter, pas pour bloquer. S'ils ne le font pas, je vous invite à nous saisir.
M. Benoît Huré. - Des points de croissance dorment dans les parapheurs de l'administration...
M. Hervé Maurey, président. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir répondu à dix-sept de nos membres sans langue de bois. Nous reconnaissons en vous le sénateur que nous avons apprécié dans l'hémicycle !
La réunion est close à 18 h 45.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Mercredi 26 juillet 2017
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Article 13 de la Constitution - Audition de Mme Catherine Guillouard, candidate proposée aux fonctions de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens
M. Hervé Maurey, président. - Mes chers collègues, en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous entendons Mme Catherine Guillouard, candidate proposée aux fonctions de président-directeur général de la RATP.
Cette nomination ne peut en effet intervenir qu'après l'audition de la personne pressentie devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, auditions qui doivent être suivies d'un vote.
Les modalités de cette audition et du vote ont été précisées par la loi organique et la loi ordinaire du 23 juillet 2010. Il est ainsi prévu que l'audition est publique et ouverte à la presse. À l'issue de cette audition, je raccompagnerai Mme Guillouard et demanderai aux personnes extérieures de bien vouloir quitter la salle, afin que nous puissions procéder au vote qui se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis de notre règlement.
Je vous rappelle qu'il ne peut y avoir de délégation de vote et que le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat. Je vous informe que l'Assemblée nationale procédera à l'audition de Mme Guillouard cet après-midi à 16h30. Nous pourrons donc dépouiller le scrutin aux alentours de 18 heures.
Je vous rappelle enfin que, en application de l'article 13 de la Constitution, il ne pourrait être procédé à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Madame Guillouard, vous avez un parcours qui peut être qualifié de brillant. Après des études de droit et une scolarité à l'ENA, vous avez commencé votre carrière à la direction du Trésor. Vous avez ensuite occupé plusieurs postes à Air France, pendant dix ans, avant de rejoindre l'opérateur de satellites Eutelsat, où vous êtes restée pendant six ans, puis de devenir directrice générale déléguée du fournisseur de matériel électrique Rexel, que vous avez quitté en début d'année.
Je précise également que vous avez démissionné de la fonction publique en 2010, témoignant ainsi de votre volonté de consacrer votre carrière au monde de l'entreprise. Vous êtes actuellement membre des conseils d'administration d'ENGIE et d'Airbus SE.
Nous souhaiterions bien sûr connaître les raisons pour lesquelles vous avez postulé à ce poste. Autrement dit, quelles sont vos motivations pour exercer la fonction de président-directeur général de la RATP ?
Nous savons que la procédure de nomination a été innovante. Elle vous a été favorable, alors que vous n'étiez pas donnée favorite. J'ai lu dans la presse que vous aviez « bluffé » tout le monde. Je ne doute donc pas que tel sera le cas aujourd'hui.
Si vous avez une réputation de « bosseuse », votre excellent parcours ne comporte aucune expérience dans le secteur des transports urbains ni dans le domaine ferroviaire : n'y voyez-vous pas là une difficulté ?
Quelle sera votre feuille de route pour la RATP au cours des prochaines années ? Vous inscrirez-vous dans la dynamique initiée par Élisabeth Borne avec le plan Défis 2025 et les dix chantiers prioritaires qu'elle a définis, chantiers dont le champ est très vaste, puisqu'ils vont de la sécurité ferroviaire à la transformation numérique, de l'amélioration du service à la « dédieselisation » du parc des bus ?
Comment envisagez-vous votre relation avec les grands acteurs et partenaires des transports en Île-de-France, qu'il s'agisse du STIF, de la région ou de la société du Grand Paris ?
Par ailleurs, si elle est saine, la situation financière de l'entreprise est néanmoins fragile, comme l'ont montré les résultats de 2016. Avez-vous déjà approfondi cette question ?
Nous souhaiterions également que vous abordiez la question du dialogue social, qui est importante dans cette entreprise, notamment en raison des dates prévues pour l'ouverture à la concurrence : 2025 pour les bus, 2030 pour les tramways et 2040 pour le métro et le RER.
Après votre présentation, je laisserai la parole à mes collègues, pour qu'ils puissent également vous poser des questions.
Mme Catherine Guillouard, candidate proposée aux fonctions de président-directeur général de la RATP. - Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un grand d'honneur d'être devant vous aujourd'hui, après la proposition du Président de la République de me nommer présidente-directrice générale de la RATP.
La RATP est aujourd'hui une référence mondiale dans le transport urbain. C'est une entreprise dynamique, rentable et innovante, dotée d'équipes de grande qualité : 60 000 hommes et femmes au service de 16 millions de voyageurs, qui empruntent quotidiennement son réseau en Île-de-France, en France et dans le monde. Son histoire est celle d'une entreprise responsable sur le plan environnemental, avec une très forte culture de service public et d'innovations techniques et sociales. La qualité, le dévouement et l'attachement aux valeurs du service public des équipes en font une entreprise à la fois attachante et performante.
La RATP entretient des relations étroites avec les collectivités locales et les autorités organisatrices, au premier rang desquelles Île-de-France mobilités. En tant que gestionnaires d'infrastructures et opérateurs de transport, elles jouent un rôle majeur dans le développement territorial et économique.
Enfin, l'entreprise est résolument engagée dans une politique de lutte contre les gaz à effet de serre et de réduction de son empreinte environnementale. Socialement et économiquement responsable, elle est un acteur incontournable de la ville durable.
La RATP est une entreprise au coeur du quotidien de nos concitoyens, avec une forte notoriété, qui devra affronter dans les années à venir de nombreux défis.
Le premier est celui de la mise en concurrence progressive du réseau en Île-de-France, qui transformera l'entreprise et, plus généralement, le paysage des transports franciliens.
Dans le contexte sécuritaire que nous connaissons, nous devons aussi relever le défi de la sécurité et de la sûreté des voyageurs, des salariés et des installations.
La qualité de service est également une préoccupation majeure, car le niveau d'exigence des voyageurs et des autorités organisatrices n'a jamais cessé de croître.
Autre défi, celui de la conception et de la construction de nouvelles infrastructures de transport, pour répondre aux besoins grandissants de mobilité et à la saturation de certaines lignes franciliennes.
La RATP devra également faire face au défi de la lutte contre les gaz à effet de serre, par le recours à des modes de transport sobres en énergie et peu polluants.
Enfin, elle devra relever le défi de l'innovation, et notamment celui des nouvelles mobilités et des opportunités offertes par la révolution digitale.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les enjeux de la RATP sont particulièrement nombreux et importants. C'est avec une détermination sans faille, mais aussi beaucoup de modestie que je viens aujourd'hui solliciter votre confiance.
Permettez-moi d'évoquer mon parcours professionnel. J'ai été dirigeante d'entreprise, dans le secteur public comme dans le secteur privé. J'ai accumulé une expérience de dix ans dans les transports et de six ans dans le secteur des infrastructures et des télécommunications. Ces trois dernières années, j'ai été mandataire social de Rexel, société dont j'étais la directrice générale déléguée. Il s'agit d'un leader de la distribution professionnelle de matériel électrique, dont les produits et services sont destinés à réduire la consommation d'énergie et d'électricité. Il regroupe 27 000 salariés, est présent dans 32 pays, et a réalisé l'année dernière un chiffre d'affaires de 13,2 milliards d'euros.
Je suis juriste de formation. J'ai commencé ma carrière à la direction du Trésor, au ministère de l'économie et des finances, où je suis restée quatre ans. J'ai rapidement choisi de travailler dans une entreprise publique, Air France, que j'ai servie pendant dix ans, dans le cadre d'un parcours riche et complet et dans des domaines variés : projets de transformation, opérations, finances, ressources humaines.
J'ai travaillé non seulement aux affaires financières, mais également aux opérations aériennes, dont j'ai été le directeur délégué. Ce service englobe le personnel navigant technique, c'est-à-dire les 4 000 pilotes de la compagnie, ainsi que la direction technique et la direction des plannings des navigants. Je me suis également investie dans les ressources humaines : j'ai été déléguée générale ressources humaines et changements. C'est tout simplement le poste n° 2 de la direction générale des ressources humaines. À ce titre, j'ai été présidente du comité d'établissement des personnels navigants.
Il existe des enjeux communs à Air France et à la RATP. Ainsi la politique sociale est-elle un facteur clé de la productivité et de la compétitivité, ce qui passe par un dialogue social permanent, loyal et constructif. À cet égard, mon expérience de DRH et de présidente de comité d'établissement me sera indiscutablement utile.
La qualité des services aux voyageurs et la qualité des processus d'exploitation sont au coeur des modèles d'affaires, avec des enjeux similaires de qualité de l'offre de transport, de ponctualité, de régularité, d'information aux voyageurs, de sûreté et de sécurité.
Mon parcours professionnel m'a également permis d'avoir une bonne connaissance des modèles d'infrastructures, au travers de deux expériences distinctes, puisque j'ai été administratrice d'Aéroports de Paris et directrice financière de la société Eutelsat. Ce sont des métiers à forte intensité capitalistique, où la maîtrise des politiques d'investissement et des risques est déterminante. Or la RATP engage chaque année des programmes d'investissement très significatifs. Dans le contrat avec Île-de-France mobilités, il s'agit de 8,5 milliards d'euros, dont 4,2 milliards d'euros sur les fonds propres de l'entreprise.
J'ai également une expérience de développement à l'international. En effet, Eutelsat et Rexel se sont développés par acquisitions et voie organique. J'ai été pendant douze ans directrice financière de sociétés cotées, et j'ai donc acquis une solide expérience en matière de pilotage de la performance opérationnelle et financière de groupes internationaux.
J'ai aussi développé une expertise sur la transition énergétique, notamment chez Rexel, puisque notre but était de vendre des produits et services de plus en plus connectés, pour réduire la consommation d'énergie de nos clients.
Les raisons qui me poussent à présenter ma candidature sont extrêmement claires : je suis convaincue que la RATP peut devenir un leader mondial de la mobilité durable, si elle réussit sa transformation, en relevant le défi de l'ouverture à la concurrence. Son atout essentiel est la qualité des équipes, leur implication dans le projet d'entreprise et la richesse du savoir-faire technique. C'est une entreprise publique, attachée aux valeurs du service public, comme je le suis moi-même, résolument tournée vers l'avenir, et dont le modèle d'affaires est porté par des tendances de fond positives telles que l'urbanisation croissante de la population mondiale et l'augmentation de la demande de mobilité durable.
Si vous m'accordez votre confiance, c'est cette expérience que je souhaite mettre au service de la RATP, en mesurant le poids des responsabilités qui pourraient être les miennes à la tête de cette grande entreprise.
Avant de partager avec vous ma vision des grandes priorités de la RATP, je voudrais vous faire part de deux réflexions préliminaires.
C'est un fait, la RATP aura changé trois fois de PDG en deux ans. Il me paraît donc important d'avoir une approche pragmatique et efficiente et de m'inscrire dans la continuité des travaux lancés par mes prédécesseurs, notamment Élisabeth Borne, dont je tiens à saluer l'action.
Le contrat avec Île-de-France mobilités pour la période 2016-2020 a été signé et les grandes lignes de la feuille de route stratégique, nommée Défis 2025, qui ont été validées par le conseil d'administration en février dernier, me paraissent claires. Mon action se concentrera donc prioritairement sur l'exécution opérationnelle de ces priorités stratégiques, en veillant à la juste allocation des ressources humaines et financières nécessaires au succès de l'entreprise.
Par ailleurs, dans un contexte d'ouverture à la concurrence, la qualité des services offerts aux voyageurs doit être au coeur de la stratégie et des plans d'action de la RATP. Parce que la qualité des services devient en effet un avantage compétitif, je veillerai à une amplification des démarches de retours d'expérience clients et de comparaisons avec la concurrence.
Enfin, en termes de méthode, il me paraît indispensable que la RATP demeure à l'écoute de toutes les parties prenantes : voyageurs, autorités organisatrices, collectivités locales, associations d'usagers et, bien entendu, salariés et partenaires sociaux. Il s'agira pour moi de poursuivre un travail de dialogue, dans le respect de chacun et des valeurs du groupe, afin que l'entreprise s'adapte au nouveau paysage concurrentiel et trouve de nouvelles voies de développement.
J'articulerai ma vision de la RATP autour de quatre priorités stratégiques et de trois leviers majeurs de développement.
Tout d'abord, la RATP doit viser l'excellence opérationnelle au service des voyageurs, dans un contexte où le premier des devoirs est celui de la sécurité et de la sûreté. L'enjeu est de taille, face à l'ampleur des flux de voyageurs.
S'agissant de la sécurité ferroviaire et du risque d'incendie, l'expertise de la RATP fait autorité dans le monde des transports. Mais il ne faut jamais baisser la garde sur ces sujets, et je m'attacherai à ce que le niveau d'expertise soit préservé, voire amélioré.
La sécurité routière doit faire l'objet d'une même exigence. Car l'entreprise, en période de pointe, voit ses bus du réseau francilien parcourir une fois le tour de la Terre en une heure. En tant que gestionnaire d'infrastructures, la RATP a un haut niveau de suivi et de maintenance du réseau, grâce à des moyens très significatifs. L'enveloppe d'investissement pour la modernisation et l'entretien des infrastructures et des équipements a atteint cette année 743 millions d'euros.
La cybersécurité sera également au coeur de mes préoccupations. La RATP se doit d'avoir un haut niveau de vigilance en ce domaine, et l'actualité récente démontre que toutes les entreprises sont conduites à redoubler d'efforts pour la protection de leurs données.
En ce qui concerne l'enjeu de sûreté, la RATP devra continuer à faire face, avec le même professionnalisme, au niveau de menace particulièrement élevé que connaît notre pays, aux côtés de la préfecture de police de Paris. Elle dispose de son propre service de sécurité, le GPRS, Groupe de protection et de sécurisation des réseaux, qui compte aujourd'hui plus de 1 000 agents. Une centaine de recrutements sont prévus dans le contrat en cours avec Île-de-France mobilités. Depuis la loi du 22 mars 2016, ce personnel dispose de prérogatives amplifiées.
La sécurité et la sûreté sont la base du contrat de confiance passé avec nos concitoyens et les pouvoirs publics. Je m'attacherai donc à faire vivre et à amplifier la coordination avec l'ensemble des parties prenantes.
En outre, la RATP doit assurer un excellent niveau de services. Le contrat avec Île-de-France mobilités est exigeant, avec 141 indicateurs définissant un système de bonus-malus. En termes de régularité et de ponctualité, la satisfaction des voyageurs est mesurée annuellement. Le dernier état de cette mesure fait apparaître un taux de satisfaction supérieur à 81 % en 2016. Si les chiffres sont bons pour le métro, le tram et le bus, des améliorations sont attendues sur le RER A et B, dont la qualité de services reste perfectible, malgré les importants efforts d'investissement consentis ces dernières années. Une nouvelle enveloppe de 1 milliard d'euros est d'ailleurs prévue d'ici à 2020 pour le RER.
Je veillerai à ce que la mobilisation de l'entreprise sur les nombreux plans d'action en cours soit organisée de façon efficiente, afin d'améliorer de façon sensible et durable la qualité de service pour les voyageurs.
Quant à l'information aux voyageurs, elle doit être toujours plus claire, personnalisée, multimodale et multiopérateurs. Les voyageurs peuvent également compter, dans les gares et les stations, sur 6 000 agents, qui leur assurent, au quotidien, un service personnalisé.
S'agissant de l'accessibilité, la RATP a déployé des efforts très importants pour assurer sa mission de service public. Il en est de même pour la propreté, dont le budget représente désormais 80 millions d'euros par an.
Gérer la qualité de services, c'est aussi produire une offre supplémentaire de mobilité en Île-de-France. Ainsi 3,4 milliards d'euros seront-ils consacrés à l'augmentation des capacités de transport. En 2016, la RATP a consacré 1,7 milliard d'euros à l'amélioration des services en Île-de-France, dont 972 millions d'euros sur ses fonds propres, au travers de plus de 1 500 projets de taille variable, qui permettent aux voyageurs de disposer de transports plus confortables, plus accueillants, ainsi que d'espaces et de matériels roulants rénovés.
Au sein de cette enveloppe, la RATP a investi massivement dans l'augmentation des capacités de transport, à hauteur de 743 millions d'euros, en faveur du prolongement de quatre lignes de métro et de trois lignes de tramway, ainsi que l'achat de matériel roulant.
Elle doit aujourd'hui faire face au défi que représente l'exécution d'un nombre inédit de chantiers de construction, d'extension et de modernisation de son réseau, dans le contexte géologique complexe de la région parisienne. Ce sera pour moi un enjeu majeur.
Autre priorité stratégique, la réussite de l'ouverture à la concurrence. La réalité de la RATP est duale : elle est à la fois un opérateur de transport en situation de quasi-monopole sur son territoire historique et un groupe international, qui répond à de nombreux appels d'offres sur un marché fortement concurrentiel en France et à l'étranger.
C'est un groupe intégré, qui inclut une centaine de filiales proposant leurs services dans une trentaine de villes sur le territoire national et dans quinze pays du monde. Notre filiale RATP Dev opère sur quatre continents et Systra, copiloté par la SNCF, est leader de l'ingénierie en transport urbain. La concurrence est une réalité pour la RATP en Île-de-France depuis la loi du 8 décembre 2009, qui impose une mise en concurrence pour tout nouveau service de transport. Cela concernera prochainement les lignes de tramway T9 et T10, le réseau de bus OPTILE et, bien entendu, les lignes du Grand Paris Express.
La RATP devra progressivement affronter l'ouverture à la concurrence sur ses réseaux historiques : les bus seront concernés au 31 décembre 2024 ; les trams, au 31 décembre 2029 ; et le RER et le métro, le 31 décembre 2039.
Le passage d'une situation de quasi-monopole à une situation concurrentielle est un défi de taille, pour n'importe quelle entreprise confrontée à un tel changement de paradigme. Je suis convaincue que la RATP a de nombreux atouts pour réussir cette transformation, sans perdre son identité et ses valeurs. J'en citerai cinq, qui devront être approfondis sans relâche dans les mois et années à venir.
Premièrement, il s'agit du professionnalisme et de la motivation des 60 000 salariés travaillant aujourd'hui pour le groupe RATP. Deuxièmement, c'est sa capacité à fournir une excellente qualité de services, qu'il s'agisse de la régularité, de la ponctualité, de la sécurité, de la sûreté, de l'accessibilité, de la propreté ou de l'information aux voyageurs. Troisièmement, je pense à la recherche continue d'amélioration de la productivité et à la maîtrise des coûts de production, nécessaires pour assurer sa compétitivité. Quatrièmement, c'est la diffusion des savoir-faire au sein du groupe, en gagnant des appels d'offres en province et à l'étranger. Cinquièmement, c'est sa capacité d'innovation.
La RATP devra être en mesure de remporter les appels d'offres, dans le respect de la concurrence, en conjuguant son expertise francilienne et internationale. À ce titre, l'ouverture à la concurrence peut également être l'occasion de nouveaux partenariats permettant d'enrichir son offre de services.
Concrètement, cela conduit à deux actions majeures. Il convient de préparer les appels d'offres des projets de ligne T9 et T10, du réseau de bus OPTILE et du Grand Paris Express, en veillant, par la qualité de nos propositions en transports et en services, à maximiser nos chances de succès. La RATP est déjà, en vertu de la loi, responsable de la maintenance de la future infrastructure du Grand Paris Express et les appels d'offres sur ces lignes constituent un gisement de croissance important. Elle a déjà su convaincre les autorités organisatrices de son savoir-faire et de compétitivité. Toutefois, l'appel d'offres de la future ligne 15 est un enjeu majeur pour la RATP, qui est le leader du métro automatique de grande capacité. Je le rappelle, la ligne 1 et la ligne 14, qui constituera l'épine dorsale du Grand Paris Express, sont à ce titre exemplaires.
Parallèlement, nous devrons développer une offre de bus attractive et compétitive. L'ambition fixée par Pierre Mongin et Élisabeth Borne est claire : la mise à disposition, à l'échéance 2024, d'une flotte complète de bus zéro émission, dont 80 % rouleront à l'électricité et 20 % au biogaz. Il faudra surmonter des défis opérationnels et techniques tels que la transformation des centres de bus, ce qui placera la RATP dans une position favorable pour l'appel d'offres en Île-de-France et lui ouvrira également des perspectives de développement en France et à l'étranger.
Dans ce contexte, il est indispensable que la RATP dispose d'un cadre social harmonisé, afin d'éviter tout dumping social. Je le rappelle, l'entreprise emploie 15 000 conducteurs de bus, ainsi que 2 000 mainteneurs. Elle doit pouvoir faire jeu égal avec ses concurrents.
Autre priorité stratégique, faire de la RATP un leader de la mobilité durable et un acteur incontournable de la ville durable. La lutte contre le changement climatique est un combat à la fois local, national et international. La RATP place la protection de l'environnement au coeur de son action, en proposant des modes de transport plus propres, plus respectueux de l'environnement et de la santé des populations. Elle déploie dans la durée une politique environnementale cohérente et crédible. Elle vise une décarbonisation de ses modes de transport - le plan bus zéro émission est bien évidemment l'exemple le plus emblématique -, tout en s'efforçant de maîtriser les consommations et de réduire les nuisances, par des mesures concrètes de préservation de la qualité de l'air et de l'eau et de lutte contre le bruit. Elle s'est d'ailleurs fixé un objectif ambitieux : réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50 % par voyageur et kilomètre d'ici à 2025. Pour ce faire, elle a recours au principe d'écoconception, à des matériels roulants plus performants et à des bâtiments plus économes.
La RATP réussit donc à réduire son empreinte environnementale à une échelle ayant un réel impact sur les territoires.
Autre priorité, le développement international dans un cadre de croissance rentable. En 2016, la RATP était présente dans quinze pays, pour un chiffre d'affaires de 724 millions d'euros, soit 17 % du chiffre d'affaires du groupe.
Les grandes tendances que sont la constitution de grandes métropoles urbaines et le développement de villes intelligentes constituent un environnement bénéfique pour le développement international de la RATP. En effet, son savoir-faire est unique sur plusieurs vecteurs porteurs. Elle est leader dans le transport à haute densité, avec ses trois lignes de métro automatique ; elle est également leader dans l'exploitation des tramways, avec plus de 300 kilomètres de voies en France ; elle est un acteur incontournable dans le domaine du bus, avec une flotte internationale de 8 000 bus ; elle est leader dans l'ingénierie de l'infrastructure des transports publics, puisque Systra est à l'origine de 60 % de son chiffre d'affaires à l'international.
Je voudrais partager avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques convictions. Tout d'abord, le développement à l'international est un moyen d'acquérir et de diffuser les savoir-faire au sein non seulement de la RATP, mais aussi de la filière industrielle française des transports urbains. Ensuite, la croissance à l'international doit être rentable et faire l'objet d'un suivi spécifique de ses résultats, séparément des contrats passés sur le territoire national. Enfin, concernant l'allocation des ressources en capital et en moyens humains entre les différentes priorités stratégiques de la RATP, nous devons faire preuve d'une certaine sélectivité dans le choix des appels d'offres. Une analyse des risques doit systématiquement être réalisée en amont, ainsi qu'un retour d'expérience en cas d'échec.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite évoquer trois leviers de développement fondamentaux pour réaliser nos ambitions.
Premier levier, le dialogue social et une politique de ressources humaines innovante sont indispensables pour atteindre les ambitions fixées. La RATP est une entreprise où le dialogue social, profond, constant et organisé, constitue une priorité de premier plan. Comme les présidents précédents, je ferai mienne cette priorité si vous m'accordez votre confiance.
L'entreprise doit également poursuivre une politique de développement des ressources humaines innovante. C'est un employeur important, notamment en Île-de-France, avec 45 000 salariés et 25 000 emplois indirects au travers de la politique achats. L'entreprise recrutera cette année 3 100 personnes, ce qui témoigne de son dynamisme en matière de création d'emplois. Dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, elle devra veiller activement à la protection de ses savoir-faire et à la rétention de ses talents.
Par ailleurs, la RATP s'est dotée, au fil du temps, d'une politique de responsabilité sociale des entreprises, qui constitue un véritable levier de sa performance. Il est rare qu'une entreprise ait une politique RSE aussi poussée et cohérente. Cela lui permet de contribuer à la vitalité économique et à la solidarité dans les territoires, en favorisant l'accès à l'emploi et en soutenant, avec sa fondation de nombreux projets d'insertion, d'éducation et de culture.
Pour finir, je porterai une attention particulière au plan Travailler ensemble, lancé par Élisabeth Borne en 2016 et élaboré avec les organisations syndicales. Il réaffirme les principes de laïcité, de non-discrimination et de neutralité, qui doivent impérativement être respectés dans une entreprise chargée de missions de service public. Je veillerai à ce que les managers de proximité, lesquels sont parfois confrontés à des situations difficiles, bénéficient d'une aide concrète.
Deuxième levier, une structure financière saine. La RATP doit veiller au maintien de ses grands équilibres financiers. Elle dispose d'un modèle économique vertueux et spécifique, puisque, contrairement aux délégations de service public classiques, elle est propriétaire et gestionnaire d'infrastructures. Elle participe donc au renouvellement des actifs de l'opérateur de transport en Île-de-France. Pour financer ses investissements, elle doit impérativement dégager des résultats significatifs et disposer d'une capacité d'autofinancement suffisante, les seuls amortissements ne permettant pas d'assurer la pérennité des actifs. Grâce à la contractualisation avec son autorité organisatrice, elle dispose d'une visibilité pluriannuelle et n'est pas dépendante des subventions d'investissement. Elle peut ainsi assurer la pérennité du réseau et adopter une politique continue d'investissements élevés, ce qui constitue un facteur de sécurité.
En 2016, les résultats du groupe RATP ont fait preuve de solidité dans un environnement peu porteur. Je pense notamment à la baisse de la fréquentation touristique et à l'inflation, quasi nulle. Deux éléments sont importants : l'impact du nouveau contrat conclu avec Île-de-France mobilités, qui a eu pour conséquence une baisse des contributions de 100 millions d'euros, et la normalisation fiscale de la RATP. Le chiffre d'affaires du groupe a diminué de 2 %, et le résultat opérationnel est en baisse de 216 millions d'euros. Fort heureusement, cela n'a pas eu d'incidence sur la capacité d'autofinancement. La RATP a ainsi pu poursuivre sa politique intensive d'investissement, avec 1,85 milliard d'euros investis, dont 1,784 milliard en Île-de-France. Quant à son endettement net, il s'est légèrement accru.
Troisième levier, sans doute l'un des plus importants, la politique d'innovation. Elle est nécessaire pour assurer les missions de service public auprès des voyageurs, et renforcer la compétitivité. Si la culture de la RATP en ce domaine est grande, elle doit s'ouvrir davantage vers l'extérieur pour gagner en agilité. La création d'un fonds d'investissement dédié aux start-up, RATP capital innovation, est un pas en ce sens. L'innovation, et notamment l'innovation digitale, doit se traduire concrètement dans de nouveaux services et de nouvelles formes de mobilité offertes aux voyageurs. Ainsi la RATP devra-t-elle chercher à intégrer de plus en plus d'autres mobilités, en proposant notamment des trajets porte-à-porte.
Par ailleurs, les données recueillies par la RATP sur les voyageurs constituent un actif incorporel précieux pour innover et créer de nouveaux services personnalisés. Dans un contexte d'ouverture à la concurrence, il conviendra de trouver un juste équilibre entre le devoir de libre accès aux données et celui de la protection du secret des affaires.
L'innovation est aussi un moyen pour faire gagner en efficacité les équipes et améliorer les performances opérationnelles. Le numérique est un facteur clé de l'efficience de notre exploitation. La RATP est donc en train de mettre en place un écosystème favorable à l'innovation. Je compte accélérer les actions en ce domaine, en interne et par la voie d'acquisition de savoir-faire et de technologies nouvelles.
En conclusion, je dirai que la RATP est une entreprise multidimensionnelle. Elle permet à des millions de voyageurs de bénéficier, chaque jour, d'une offre de mobilité durable, connectée et sûre. Elle est un puissant vecteur de développement des territoires qu'elle dessert. Elle est aussi une entreprise citoyenne, par son impact positif sur la politique de l'emploi et la réduction de son empreinte environnementale. Elle est engagée depuis plusieurs années dans une diversification de ses activités, qui doit la conduire à voir son chiffre d'affaires passer de 5,4 milliards d'euros à 7 milliards d'euros en 2020, dont 30 % seront engendrés par ses filiales.
La RATP est entrée dans une dynamique de transformation, pour se préparer à l'ouverture à la concurrence, qui s'amplifiera dans les mois et années à venir. Souvent appréhendée comme une menace, cette ouverture peut se transformer en opportunité de taille, si nous parvenons à mobiliser tous les atouts de l'entreprise.
Car le sens de l'histoire, c'est une urbanisation croissante. Ainsi, à l'horizon de 2050, 67 % de la population mondiale sera urbaine. La planète comptera une cinquantaine de mégacités, soit des villes de plus de 10 millions d'habitants, et la demande de mobilité urbaine sera multipliée par 2,6 entre 2010 et 2050. Le développement des villes intelligentes et de politiques environnementales plus respectueuses constitue un terrain propice au développement des activités de la RATP.
C'est donc un projet ambitieux que je vous propose. Il conjugue performance économique et performance sociale et environnementale et se fonde sur une vision partagée avec les salariés de l'avenir de l'entreprise. Grâce à leur professionnalisme et à la pertinence des politiques menées par les PDG précédents, que je tiens à saluer ici, la RATP dispose de tous les atouts pour devenir un leader mondial de la mobilité durable, répondre aux besoins de mobilité croissants des Franciliens, offrir un meilleur accès à l'emploi, aux services et à la culture et conforter l'attractivité de la région capitale, qui accueillera les grands évènements que seront les Jeux olympiques et paralympiques en 2024 et l'exposition universelle en 2025.
Si vous approuvez la proposition de nomination du Président de la République, c'est avec modestie et détermination que je m'efforcerai de mobiliser tous les atouts de cette entreprise, en particulier le professionnalisme des 60 000 hommes et femmes qui la composent, pour relever les défis et montrer qu'une entreprise publique innovante et performante peut trouver sa juste place dans le secteur concurrentiel, tout en restant fidèle aux valeurs du service public et du dialogue social.
M. Louis Nègre. - Vous semblez afficher, madame, une détermination sans faille, et il vous en faudra assurément pour occuper le poste que vous briguez !
Vous portez un projet ambitieux et vous avez notamment mis l'accent sur la qualité de service et la maîtrise de la dette, deux éléments très importants dans le contexte actuel.
Comme l'aurait dit, en d'autres temps, le général de Mac Mahon, il ne manquait pas un bouton de guêtre au texte que vous avez lu scrupuleusement ! J'espère simplement que, dans un an, lorsque la commission procédera à nouveau à votre audition, vous pourrez vous exprimer plus librement.
Je nourris également une certaine frustration. Selon la Constitution, notre commission doit se prononcer sur votre nomination. Hélas, une semaine après en avoir fait la demande à Mme la ministre des transports, je n'ai toujours pas reçu copie du rapport rédigé par le chasseur de têtes qui vous a sélectionnée ! Pour accomplir convenablement notre mission constitutionnelle, nous devrions pouvoir nous prononcer sur la base d'éléments plus substantiels.
Vous avez en effet un très beau parcours professionnel. La presse spécialisée précise toutefois que vous avez quitté Rexel pour « divergences de vues sur l'orientation stratégique ». Pourriez-vous détailler quelque peu les raisons de votre départ ?
Contrairement à d'autres candidats qui convoitaient le poste, vous n'avez pas d'expérience dans le domaine des transports terrestres. C'est peut-être un handicap.
En revanche, vous préférez « avoir les mains dans le cambouis plutôt que de jouer les éminences grises ». Ces termes, que vous avez tenus à Davos voilà 15 ans, ne me déplaisent pas et sont plutôt de bon augure pour la mission qui vous attend.
La bonne maîtrise des relations sociales est un atout de la RATP. Vous avez insisté à plusieurs reprises sur l'importance de ce point, et je ne peux que souscrire à votre propos.
Je veux aussi vous alerter sur la difficulté de la transition énergétique et ses conséquences sur la politique industrielle en France. La RATP, entreprise leader en la matière, s'est fixé un objectif de 80 % de véhicules électriques d'ici à 2024. Mais si elle doit, pour cela, n'acheter que des bus chinois, qui semblent être pour l'heure les plus performants, il n'y aura plus d'industrie française dans ce domaine, la RATP étant son plus gros client. Nous souhaitons donc que vous engagiez un large partenariat avec les industriels français, qui ont en effet pris un certain retard. Je souhaiterais également qu'un partenariat soit noué avec l'industrie ferroviaire, afin de promouvoir l'excellence française à l'international.
Vous avez qualifié l'ouverture à la concurrence d'« option stratégique forte ». Mais la voyez-vous plutôt comme une contrainte ou comme une opportunité ? Je n'ai pas très bien compris.
Mme Catherine Guillouard. - Les deux !
M. Louis Nègre. - Enfin, quelle sera la doctrine de la RATP en matière de protection des données ? Que comptez-vous conserver ? Qu'allez-vous verser aux bases open data ?
Mme Catherine Guillouard. - Si je disposais du rapport du chasseur de têtes, je vous le communiquerais bien volontiers, monsieur Nègre. Mais tel n'est pas le cas.
J'ai connu d'autres processus de sélection par le passé - j'ai déjà été « chassée » pour entrer chez Eutelsat et Rexel - : celui de la RATP me semble en ligne avec ceux des grandes entreprises privées. Pour une entreprise publique, c'est plutôt une normalisation positive du processus de recrutement. J'ai d'abord été auditionnée par le chasseur de têtes, puis j'ai présenté mon projet aux services de l'État, qui ont ensuite établi un classement.
J'ai pour ma part fait le choix d'une totale discrétion sur ma candidature, d'où une certaine surprise lorsque mon nom a émergé. Mais cela ne veut pas dire que je suis moins déterminée ou moins compétente.
M. Hervé Maurey, président. - Comment avez-vous fait la différence avec vos concurrents ?
Mme Catherine Guillouard. - Trois éléments sont essentiels dans ce type de sélection : la personnalité du candidat, son parcours et son projet.
Sur les divergences stratégiques qui m'ont amenée à quitter Rexel, n'oublions pas que l'on parle d'une société cotée, scrutée en permanence par les analystes financiers et soumise à des obligations légales de transparence. Je ne peux toutefois pas dévoiler le détail de ces divergences, par fidélité à l'entreprise et à l'équipe de management actuellement en place.
Je suis en effet extrêmement motivée par la direction de la RATP, en particulier à l'heure où le groupe doit préparer activement son ouverture à la concurrence.
Le plan élaboré par Élisabeth Borne trace très clairement le chemin, et ce sont maintenant principalement des enjeux d'exécution qui attendent l'entreprise. Le succès de la RATP tiendra à sa capacité à appliquer et à dérouler au quotidien cette orientation stratégique.
S'agissant du partenariat avec les industriels et des enjeux de filière, la RATP effectue déjà plusieurs tests. La ligne 341 est ainsi équipée de Bluebus électriques conçus par Bolloré. Sur deux autres lignes, nous travaillons avec six prestataires différents, le chinois BYD, en effet, mais aussi les français Dietrich Carebus, Heuliez et Alstom, le polonais Solaris et l'espagnol Irizar. Cette volonté de stimuler la filière nous semble déterminante pour réussir l'appel d'offres de 2025. Elle devrait aussi profiter à d'autres collectivités en France et à l'étranger.
La RATP va également lancer un gros chantier de rénovation d'environ 400 rames fer du métro. En unifiant les matériels, l'objectif est d'optimiser les coûts de maintenance, sur le modèle du transport aérien, mais aussi de stabiliser les cahiers des charges pour les industriels.
La qualité des relations sociales dans l'entreprise me semble en effet déterminante. Si vous m'accordez votre confiance, il est déjà prévu que je rencontre les organisations syndicales début septembre. Je vous rappelle aussi que j'ai travaillé pendant quatre ans au sein de la direction des ressources humaines d'Air France, présidant notamment le comité d'établissement où siègent les 15 syndicats de personnels navigants. J'aime le dialogue et la pédagogie et il faudra en faire preuve à la RATP, notamment dans la perspective de l'ouverture à la concurrence.
En matière de développement international, la RATP sait déjà nouer des partenariats quand il le faut. RATP Dev travaille ainsi avec Keolis sur des projets au Moyen-Orient. Si l'on ajoute Transdev, la France peut se réjouir de disposer de trois champions mondiaux dans la filière des transports publics. Il reste à choisir le bon partenaire pour le bon projet et à s'assurer que la concurrence reste loyale entre compétiteurs français. Je tâcherai d'oeuvrer en ce sens.
Enfin, sur la protection des données, nous sommes sur une ligne de crête étroite, définie en particulier par les lois Lemaire et Macron. La RATP a toujours été exemplaire en matière d'ouverture des données, devançant les prescriptions légales. Des développeurs ont ainsi pu proposer de nouveaux services utiles aux usagers. Mais, dans un contexte d'ouverture à la concurrence, il faudra aussi que les règles en matière de respect de la vie privée ou de secret des affaires soient respectées. Le cadre réglementaire fait pour l'instant défaut. La RATP sera extrêmement vigilante et active pour trouver un juste équilibre entre les besoins des développeurs et la protection de ses intérêts.
M. Alain Fouché. - Une remarque pratique tout d'abord : je prends très souvent le métro et j'ai remarqué que les messages vocaux transmis sur les quais étaient trop souvent inaudibles.
Ensuite, j'imagine que Mme Borne faisait aussi partie du jury qui vous a auditionnée...
Mme Catherine Guillouard. - Je l'ai rencontrée après.
M. Alain Fouché. - Enfin, quels sont les projets de la RATP en matière de sécurité dans les transports, notamment pour développer de nouveaux outils innovants ?
Mme Catherine Guillouard. - Pour répondre à votre interrogation sur le processus de sélection, il y avait dans le jury le directeur général des infrastructures, des transports et de la mer. J'ai ensuite rencontré un certain nombre de membres du Gouvernement, dont Mme Borne.
La sécurité est la priorité absolue de la RATP. J'ai d'ailleurs tenu à aborder ce thème en premier dans mon propos liminaire. Le contrat Ile-de-France mobilités prévoit d'augmenter d'une centaine les effectifs du groupe de protection et de sécurisation des réseaux, le GPSR. Il faut toutefois un peu de temps pour recruter et former ces nouveaux agents, en dépit des efforts de la RATP pour accélérer le processus.
La RATP dispose d'un savoir-faire reconnu en matière de sécurité, et les moyens vont encore être augmentés.
Je souhaite par ailleurs poursuivre et renforcer nos relations quotidiennes avec la préfecture de police de Paris et la brigade des réseaux ferrés.
Le réseau comprend pour l'heure 40 000 caméras de vidéosurveillance, et un outil d'analyse des images est actuellement testé à la station Châtelet. Les conducteurs de bus sont aussi en contact permanent avec le PC sécurité.
Je prends enfin bonne note de votre remarque sur les messages inaudibles, un élément dont je n'avais pas nécessairement conscience. La RATP déploie des efforts considérables pour informer ses voyageurs, notamment via les applications mobiles comme MaRATP, qui compte 2 millions d'utilisateurs réguliers. Nous avons aussi déployé, sur 50 % du réseau, de nouveaux moyens pour informer les voyageurs atteints de déficiences sensorielles, notamment les personnes malvoyantes.
Mme Évelyne Didier. - Quelle stratégie envisagez-vous en matière de formation des salariés, d'emploi, de salaires et de santé au travail ?
J'insiste notamment sur le problème de la qualité de l'air dans le métro pour les salariés qui y travaillent.
Mme Catherine Guillouard. - Le professionnalisme de ses salariés est le premier atout de la RATP, qui devra toutefois relever le défi d'une meilleure adéquation des compétences et des moyens dans le contexte de l'ouverture à la concurrence.
En matière de pilotage des ressources humaines, j'entends suivre très scrupuleusement l'accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences - GPEC - signé en 2016 au sein du groupe. Ainsi, nous ne pourrons pas mener une politique digitale innovante si nous ne savons pas attirer et retenir des talents susceptibles de la mettre en oeuvre.
Par ailleurs, dans 70 métiers identifiés par la politique de gestion des risques de la RATP, les savoir-faire sont si spécifiques qu'un tuilage s'avère indispensable avec la nouvelle génération pour éviter une perte de compétences.
La RATP dispose des outils et des moyens financiers de ses ambitions en matière de formation. Elle y consacre 6,8 % de sa masse salariale et dispose, à l'instar des grands groupes privés, d'une académie interne. Trois salariés sur quatre sont en formation tous les ans. Il reste à définir la meilleure allocation possible des ressources humaines et financières, dans un contexte changeant.
S'agissant de la qualité de l'air dans le métro, Élisabeth Borne a incontestablement fait avancer le dossier, et je m'inscrirai dans la continuité de son action.
Sur les 60 000 employés du groupe, 13 500 sont plus ou moins directement concernés par ce problème. Nous nous efforçons de réduire les risques au maximum.
La RATP est totalement transparente : les résultats des prélèvements quotidiens effectués dans trois stations de métro sont mis en ligne sur son site internet.
Selon le rapport de l'ANSES, la qualité de l'air dans le métro est correcte. Il est dépourvu d'ozone, convenablement renouvelé, la pollution étant principalement due aux particules issues du freinage des rames.
Plus de 96 millions d'euros ont été investis au cours des dix dernières années pour améliorer la qualité de l'air et le contrat Ile-de-France mobilités prévoit 31 millions d'euros d'investissements supplémentaires entre 2016 et 2020.
En renouvelant le matériel roulant et en améliorant les systèmes d'extraction de l'air, nous pourrons à l'avenir assurer une meilleure qualité de l'air. Il est déjà intéressant de constater que la pollution particulaire a baissé de 60 % à la station Franklin Roosevelt depuis le début des mesures systématiques.
En outre, une étude médicale de suivi a montré que les personnels exposés à cette pollution n'avaient pas développé de pathologies particulières.
M. Didier Mandelli. - Lorsque le conseil d'administration de Rexel a mis fin à vos fonctions, vous avez, conformément à la loi, touché une indemnité de 1,6 million d'euros, correspondant à 24 mois de salaire, ainsi qu'une indemnité liée à l'application de la clause de non-concurrence.
À l'heure où l'on exige beaucoup de transparence de la part des élus locaux et des parlementaires, je souhaiterais connaître le montant de la rémunération qui vous a été proposée pour diriger la RATP.
Si, comme je le suppose, votre rémunération est proche du plafond légal, cela signifie que vous acceptez une baisse de 40 % de votre salaire ? Est-ce supportable ?
Mme Catherine Guillouard. - Chez Rexel, je bénéficiais de rémunérations conformes à celles pratiquées dans les entreprises équivalentes du SBF120. De tous les candidats en lice pour prendre la tête de la RATP, j'étais d'ailleurs celui dont la rémunération était la plus transparente. En tant que mandataire social, toutes les données me concernant étaient disponibles dans un document de référence, consultable en ligne. Les indemnités qui m'ont été versées ont été approuvées en assemblée générale et sont conformes à la convention réglementée.
Ma rémunération à la RATP sera en ligne avec celle d'Élisabeth Borne.
M. Hervé Maurey, président. - C'est-à-dire ?
Mme Catherine Guillouard. - Un salaire fixe de 300 000 euros bruts annuels et une part variable de 100 000 euros bruts.
Pour l'instant, je n'ai pas encore reçu de contrat de la part de l'État. Mais je suis suffisamment motivée par ce poste pour accepter une perte de rémunération.
Mme Annick Billon. - Vous l'avez souligné à plusieurs reprises, vous vous êtes naturellement approprié le projet d'Élisabeth Borne. Mais quelle valeur ajoutée entendez-vous lui apporter ?
J'imagine que tous les candidats en lice avaient une personnalité forte et un parcours brillant. S'ils n'ont pas pu être départagés sur la plus-value de leur projet, la sélection a dû être difficile, même avec le concours d'un chasseur de têtes...
Mme Catherine Guillouard. - J'essaye d'avoir sur la question un regard pragmatique et efficient. Les chantiers identifiés dans Défis 2025 me semblent pertinents, à la nuance près que j'insiste peut-être davantage sur le chantier de préparation et de transformation de l'entreprise dans la perspective de l'ouverture à la concurrence.
Je ne vais pas refaire un plan stratégique pour le plaisir. Il faut se concentrer à présent sur son exécution. Il faudra veiller au timing de sa mise en oeuvre, mais aussi convaincre nos partenaires publics et nos autorités de tutelle.
Le cadre social harmonisé dont on parlait à propos de la RATP est strictement encadré par les pouvoirs publics. À titre d'exemple, la RATP ne peut pas s'engager dans une convention collective de branche. Je me réjouis dans ce contexte de pouvoir prendre appui sur Mme Borne, qui connaît parfaitement le secteur des transports et l'entreprise.
La RATP est soumise à une double tutelle, du ministère des transports et de Bercy. J'essaierai de travailler efficacement avec ces autorités, en m'efforçant de faire avancer les dossiers et de défendre les droits fiduciaires du groupe.
M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie, madame Guillouard.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Vote sur la proposition de nomination aux fonctions de Président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens
La commission procède au vote sur la candidature de Mme Catherine Guillouard, candidate proposée aux fonctions de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens, en application de l'article 13 de la Constitution.
M. Hervé Maurey, président. - Voici les résultats du scrutin : 16 voix pour, 2 voix contre et 1 bulletin blanc.
Déplacement de la commission en Australie - Communication
M. Hervé Maurey, président. - Ce déplacement était le principal déplacement de l'année 2017 pour notre commission. Il s'est déroulé du 25 mars au 1er avril derniers et notre délégation comprenait 5 sénateurs, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Louis Nègre, Jean-Yves Roux ainsi que moi-même.
Pourquoi l'Australie ? Parce que nous savions y trouver des réalisations intéressantes sur plusieurs des thématiques intéressant notre commission, que ce soit en matière de couverture numérique du territoire, de protection de la biodiversité, de développement des énergies renouvelables ou encore de mobilité. Par ailleurs, au moment de la COP21, nous avions un peu suivi les débats politiques internes australiens sur les questions climatiques et nous souhaitions en savoir plus.
Grâce au programme établi par l'ambassadeur de France en Australie et ses services, nous avons pu aborder l'ensemble de ces problématiques, ce qui a rendu ce déplacement particulièrement riche et intéressant.
Malgré l'immensité du pays, nous avons réussi à visiter 3 des 6 Etats fédérés - le Queensland, la Nouvelle-Galles du Sud et l'Australie méridionale - et l'un des 3 Territoires de la fédération - le Territoire de la capitale australienne - qui constituent cet immense pays fédéral.
Concrètement, nous avons passé deux journées à Cairns, deux journées à Sydney, une journée à Canberra et deux journées à Adelaide.
A Cairns, ville qui se situe au nord de l'Australie, sur sa côte est, notre séjour a été entièrement consacré à la grande barrière de corail.
Cette barrière, qui constitue le plus grand récif corallien du monde, s'étend sur plus de 2 600 kilomètres, à une faible distance de la côte nord-est australienne. La structure du récif est composée de milliards d'organismes vivants, les coraux polypes, qui permettent une grande diversité de vie marine. C'est la plus grande structure vivante sur Terre.
Malheureusement cet écosystème très riche, vieux de 18 millions d'années, est gravement menacé par les conséquences du ruissellement et du changement climatique, dont le principal effet est le blanchissement des coraux, autrement dit la mort de ces organismes vivants. Selon des études récentes, le récif a perdu plus de la moitié de sa surface corallifère depuis 1985 et, au rythme actuel de l'augmentation de la température de l'eau et de la progression de l'acidification de l'océan, pourrait en perdre encore plus vite une surface importante au cours des prochaines années.
Nous avons vu certains de ces récifs blanchis. C'est effectivement impressionnant. Hélas, même si l'on prend des mesures fortes pour mettre en oeuvre l'accord de Paris afin de limiter le réchauffement climatique d'ici la fin du siècle, une partie de la perte du récif est désormais irréversible.
Deuxième étape de notre déplacement : Sydney. Première ville d'Australie, Sydney s'étend autour d'une des plus belles baies du monde. C'est une ville jeune qui connait une croissance très dynamique.
Notre séjour y a été surtout consacré aux questions d'infrastructures - numérique et de transport - et de mobilité. Nous y avons rencontré des autorités locales, des entreprises françaises et nous y avons fait plusieurs visites de terrain très instructives.
Le ministre des infrastructures du gouvernement de Nouvelle-Galles du Sud nous a exposé la stratégie mise en oeuvre depuis cinq ans pour relancer et développer les infrastructures de l'Etat. Pour lutter contre la saturation de plus en plus forte des infrastructures en place, dont l'impact négatif sur l'économie de l'Etat devenait sensible, il a été décidé à la fois de lancer plusieurs nouvelles lignes de métro et de tramway et de rénover des infrastructures routières et ferroviaires.
Ce qui a surtout retenu notre attention est le mode de financement choisi pour en assurer rapidement la mise en oeuvre. Cela s'est fait par un très gros programme de cession d'actifs - une usine de désalinisation, la gestion des trois principaux ports maritimes de l'Etat, deux grands distributeurs d'électricité, etc. Tout le produit des cessions d'actifs a été réinvesti dans la constitution de nouveaux actifs. Un fonds d'investissement du Gouvernement de New South Wales a été créé. Des obligations « infrastructures » ont été émises au profit de ce fonds qui a aussi bénéficié d'un surplus de recettes fiscales inattendues. Ce sont au total 73 milliards de dollars sur 4 ans consacrés aux infrastructures de l'Etat.
Sur le terrain, nous avons vu le chantier d'une des lignes de tramway en construction dont Transdev a obtenu le marché. Nous avons également visité le centre de contrôle des ferrys de la baie de Sydney opéré par Transdev.
En ce qui concerne les infrastructures numériques, nous avons rencontré l'équipe dirigeante du National Broadband Network qui nous a exposé les modalités de déploiement des réseaux numériques en Australie. Ce pays gigantesque a la particularité de voir l'essentiel de sa population habiter sur les côtes, le reste du territoire étant très peu habité. C'est donc à un mix technologique que recourt cet organisme national.
Plusieurs particularités peuvent être soulignées : la place du satellite comme solution pour les zones peu denses ; le couplage de la fibre au réseau cuivre existant pour une grande partie de la population, seuls 17 % bénéficiant de la fibre jusqu'à l'utilisateur ; la possibilité pour les entreprises qui le demandent d'obtenir un raccordement à la fibre mais en échange de payer le raccordement ; l'obligation pour les abonnés fibrés de passer à la fibre ; une tarification liée à la vitesse des débits. Au total, nous avons compris que l'ambition initiale du plan de déploiement numérique - cité en exemple jusque chez nous - avait été revue à la baisse et adaptée de façon assez pragmatique aux spécificités australiennes.
Notre séjour à Canberra, ensuite, avait un côté plus institutionnel.
Nous y sommes bien entendu allés au Parlement où nous avons d'abord rencontré le ministre fédéral de l'environnement et de l'énergie. Il nous a paru ouvert mais prudent sur les questions climatiques et de transition énergétique. Dans un pays où le charbon est toujours aussi abondant, facile à exploiter et pourvoyeur d'emplois, la décarbonation du modèle énergétique est naturellement plus complexe qu'ailleurs.
Cela étant, les engagements pris à Paris font partie des objectifs clairs du gouvernement australien de même que la nécessité de protéger l'environnement, dont la grande barrière de corail.
Au Parlement encore, nous avons rencontré la présidente de la commission de l'environnement et des communications du Sénat, ainsi que l'un de ses collègues. Ils ont insisté sur la nécessité de privilégier la sécurité énergétique de l'Australie, ce qui implique de ne pas miser trop vite sur les énergies renouvelables car il faudra un certain temps avant qu'elles puissent prendre le relais du charbon. Ils ont regretté l'insuffisance des discussions sur les différentes solutions qui peuvent être mises en oeuvre pour faire face au changement climatique.
Le deuxième volet marquant de notre séjour dans la capitale fédérale a été consacré à une séquence mémorielle. Après la visite de l'Australian War Memorial, nous avons participé à la cérémonie dite du dernier appel qui se tient tous les jours à 17 heures. Au côté de jeunes élèves de différentes régions d'Australie, nous avons déposé une gerbe au nom du Sénat et assisté à une cérémonie très émouvante qui rappelle, en particulier, que plus de 400 000 Australiens sont venus sur notre sol pendant la Première Guerre mondiale et 60 000 n'en sont pas revenus.
A Adelaide, enfin, capitale de l'Australie méridionale, nous avons là encore fait plusieurs rencontres et visites d'un grand intérêt.
Parmi les rencontres, je citerai celle du ministre en charge de la transformation numérique et de l'innovation, ainsi que celle du ministre en charge de l'environnement, de l'eau et du changement climatique. L'un comme l'autre nous ont fait part de développements innovants, comme celui du projet « Gig City » de déploiement d'un réseau ultrarapide ou celui d'aménagement d'une rivière pour permettre l'irrigation de vastes zones de l'Etat.
Tous ces officiels nous ont paru extrêmement ouverts à notre pays et impliqués dans la signature de nombreux partenariats avec nos collectivités et entreprises, à la suite du contrat conclu entre nos deux pays pour la construction et l'achat de sous-marins.
Sur le terrain, nous avons visité une très grande ferme éolienne mise en place par une entreprise française, Neoen. La conduite de ce projet nous a permis de mesurer à la fois les difficultés de l'implantation de ce type d'équipements et de comprendre les spécificités australiennes, comme par exemple la gestion de l'occupation d'un terrain avec les communautés aborigènes.
Nous avons également visité plusieurs exploitations viticoles, dont l'une appartenant au groupe Pernod Ricard. Ces exploitations, de très grande taille, ont mis en place un système d'irrigation des vignes - indispensable en raison de la sécheresse du climat - soucieux de la préservation de la ressource en eau qui nous a beaucoup intéressés.
Quelles conclusions tirer de ce voyage ?
La première est la très grande qualité de l'accueil que nous avons reçu. Il témoigne du bon état actuel des relations entre nos deux pays, ce qui n'était pas le cas auparavant. Il nous a semblé important de continuer à entretenir ces bonnes relations, ce qui, il est vrai, n'est pas très simple compte tenu des distances. Néanmoins, nous avons rencontré des entrepreneurs et de jeunes français à chaque étape de notre voyage qui nous permettent de penser que l'élan actuel va se poursuivre.
La deuxième conclusion est que l'Australie est moins fermée qu'on ne le pense au sujet de la lutte contre le réchauffement climatique. Certes le secteur du charbon reste puissant dans ce pays. Mais, sous l'effet de la mobilisation de l'opinion publique, ses dirigeants ont bien conscience de la nécessité d'évoluer. Les campagnes médiatiques sur la disparition progressive de la grande barrière de corail et ses désastreuses conséquences écologiques ont également un impact. Les think tanks rencontrés sur ces questions de climat et d'environnement nous ont paru certes inquiets mais un peu moins, nous ont-ils dit, qu'il y a quelques années.
Sur le sujet particulier des infrastructures et de leur financement, enfin, il nous a semblé que certaines leçons pouvaient être tirées de l'expérience de l'Etat de Nouvelle-Galles du Sud et que nos entreprises Transdev et Keolis, entre autres, qui participent à ce grand chantier, sont certainement prêtes à contribuer à la modernisation de nos propres réseaux.
Je laisse maintenant la parole aux collègues qui ont participé à ce voyage pour compléter ce rapide compte rendu.
M. Louis Nègre. - Deux choses m'ont particulièrement marqué lors de ce séjour. La première est le constat des extraordinaires possibilités de développement économique de l'Australie, auquel participent d'ailleurs de nombreux jeunes Français, dont beaucoup n'ont pas l'intention de revenir dans notre pays. La seconde est l'exploitation publicitaire par l'université d'Adelaïde des conséquences en termes de recherche de la vente des douze sous-marins français à l'Australie. Une telle communication à partir d'armements parait inimaginable pour des universités françaises !
M. Didier Mandelli. - Ce déplacement nous a permis de mesurer l'immensité du territoire australien sur lequel vivent quelque 20 millions d'habitants. Le contrat des sous-marins qui doit se dérouler sur cinquante ans va entrainer une présence durable de la France en Australie. Plusieurs entreprises françaises y emploient déjà plusieurs milliers de personnes comme Veolia ou Sodexo. L'entreprise Neoen dont nous avons visité le parc éolien doit prochainement installer une centrale photovoltaïque. Ce qui est frappant, c'est que si les normes environnementales qui s'appliquent à ce genre de projets sont proches des nôtres, les délais d'autorisation sont bien plus brefs, moins de deux ans en général. Certains de ces projets sont d'ailleurs financés par des banques françaises.
L'économie australienne présente une situation particulièrement saine avec une croissance dynamique et un très faible endettement, ce qui laisse de vraies capacités d'investissement pour le pays.
La cérémonie au Mémorial de la guerre est émouvante car elle se fait chaque jour en présence de jeunes élèves australiens venus de tout le pays. Cette visite à Canberra est obligatoire dans le cours de la scolarité de tous les élèves.
M. Hervé Maurey, président. - Nous avons en effet observé une présence française forte, notamment de jeunes ingénieurs dans le secteur des télécommunications.
M. Philippe Madrelle. - Sur la grande barrière de corail, le phénomène de blanchiment du récif corallien est très marquant. La présence française en Australie est un atout incontestable pour notre pays.
Mme Évelyne Didier. - J'observe avec regret qu'aucune femme sénatrice ne faisait partie de la délégation. Pouvez-vous nous dire quelle est la politique du pays à l'égard des populations aborigènes ? Par ailleurs, les kangourous sont-ils une espèce en liberté dans ce pays ?
Mme Annick Billon. - J'ai pu constater, y compris dans ma famille, que de très nombreux jeunes Français vont en Australie dans le cadre de leurs lycées ou de programmes d'échanges. C'est un pays très sécurisé avec des frontières maîtrisées.
M. Pierre Médevielle. - La dégradation de la grande barrière de corail peut paraître un problème lointain mais nous sommes également concernés, notamment en Méditerranée où les conséquences de l'acidification sur la biodiversité marine sont déjà très sensibles.
M. Rémy Pointereau. - Quel est l'état des routes en Australie ? Y a-t-il un réseau autoroutier et un réseau ferroviaire, par exemple entre les villes de la côte est, qui pourraient constituer une alternative au transport aérien ?
M. Hervé Maurey, président. - Les participants aux déplacements de la commission sont désignés par les groupes politiques.
La question des aborigènes n'a pas pu malheureusement être creusée pendant ce séjour. Nous l'avons néanmoins abordée lors de la visite du parc éolien où nous avons compris que les communautés locales avaient bénéficié de retours financiers. Elles ont également été invitées à peindre l'un des mâts.
Il existe différentes espèces de kangourous, plus ou moins dangereuses, que l'on peut croiser au bord des routes, un peu comme les chevreuils en France.
Observer la grande barrière de corail était très impressionnant. Le biologiste qui nous accompagnait a pu nous montrer l'évolution rapide de certains récifs que nous avons vus entièrement blanchis alors qu'ils ne l'étaient pas l'année dernière ou il y a deux ans.
L'avion est bien le mode de transport dominant en Australie. Le réseau ferroviaire y est peu développé.
Vous le voyez, ce déplacement a été très riche et instructif.
Désignation d'un rapporteur
La commission a désigné M. Alain Fouché rapporteur sur le projet de loi n° 666 (2016-2017), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement.
La réunion est close à 11 h 35.