Mercredi 30 novembre 2016
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -Audition de M. Jean-Marc Janaillac, président-directeur général du groupe Air France KLM
La réunion est ouverte à 9 h 35.
M. Hervé Maurey, président. - Nous désignerons demain le rapporteur pour avis du projet de loi relatif à l'égalité réelle outre-mer, de même que le rapporteur de la proposition de loi - examinée à l'Assemblée nationale cette semaine - portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, dont le groupe socialiste vient de demander l'inscription en séance publique dans son espace réservé du 11 janvier. Nous examinerons cette proposition de loi en commission le 21 décembre.
Monsieur Janaillac, nous sommes très heureux de vous accueillir, pour la première fois depuis votre prise de fonctions, le 4 juillet dernier, à la tête du groupe Air France-KLM. Quel constat dressez-vous de l'état du groupe, de ses forces et de ses faiblesses, de son positionnement commercial et de sa situation financière et sociale ? Les Français sont très attachés à cette entreprise qui porte le nom de notre pays. Nous avions auditionné vos prédécesseurs. La situation sociale n'est pas simple, bloquant des évolutions pourtant indispensables dans un environnement concurrentiel. Vous avez déjà pu faire des propositions dans votre nouveau plan Trust Together, succédant aux plans Transform 2015 et Perform 2020. A-t-il plus de chance d'aboutir que les précédents ? Le groupe relèvera-t-il les défis pour cesser de perdre des parts de marché ? Air France ne bénéficie pas de la croissance du trafic aérien mondial...
Vous avez annoncé la création d'une nouvelle compagnie pour concurrencer les vols à bas coûts et les compagnies du Golfe sur des lignes long-courrier que vous qualifiez d'hyper compétitives. Quel sera son positionnement commercial au sein du groupe ? Comment ce projet complètera-t-il efficacement les autres compagnies du groupe ? Comment est-il perçu dans l'entreprise ? Toute entreprise a besoin d'investir et de renouveler sa flotte ; ce n'est pas facile lorsque les résultats financiers ne sont pas au rendez-vous. La situation financière s'est améliorée sur les derniers exercices, mais surtout grâce à la réduction du coût de l'énergie. Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet de filialisation des activités de maintenance ?
M. Jean-Marc Janaillac, président-directeur général du groupe Air France-KLM. - Je suis impressionné d'être devant vous pour cette première audition. Le groupe Air France-KLM compte 85 000 salariés, dont 53 000 à Air France, il est le premier employeur privé de la région Ile-de-France, avec un chiffre d'affaires de 25 milliards d'euros, dont 16,5 milliards d'euros pour Air France.
Les points forts du groupe sont d'abord un vaste réseau long-courrier, avec un grand nombre de destinations, équilibrées géographiquement. Le groupe a comme hubs deux des principaux aéroports européens : Paris-Charles-de-Gaulle et Amsterdam-Schiphol qui, combinés pour des voyageurs d'Amérique ou d'Asie, sont un facteur d'attractivité importante. Les deux marques sont complémentaires et fortes, et ont une qualité de produits et services qui s'est fortement améliorée grâce aux mesures prises par mon prédécesseur Alexandre de Juniac. Nous avons une alliance importante sur l'Atlantique nord avec Delta Airlines. Notre activité de maintenance, numéro deux mondiale après celle de Lufthansa, génère des profits et se développe. Nous disposons d'un personnel de grande qualité, très attaché à ses métiers et à l'entreprise.
Le groupe présente trois faiblesses principales. Parmi les grands groupes, il est celui qui a la rentabilité la plus faible : son résultat opérationnel représente la moitié de celui de Lufthansa, un tiers de celui de British Airways, un quart de celui de Delta ou d'easyJet. Celui de KLM est un peu plus élevé, mais tout de même inférieur à celui de ses concurrents.
Le bilan financier du groupe est faible et sa valeur boursière ridicule - 1,6 milliard d'euros, soit quatre fois moins que Lufthansa ou easyJet, et dix fois moins que Ryanair. La dette s'est largement réduite grâce aux efforts des plans Transform et Perform, mais insuffisamment par rapport à nos concurrents. Les capitaux propres d'Air France sont négatifs. Cette structure financière délicate entrave notre développement et nous fragiliserait en cas de retournement de conjoncture.
Enfin, j'ai constaté un manque de confiance au sein du groupe, entre les différentes catégories de personnel, entre le personnel et le management, entre Air France et KLM ; un manque de confiance aussi en les capacités du groupe à relever les défis et à se projeter dans l'avenir. Un sondage au sein du personnel a confirmé cette impression. C'est pourquoi nous avons lancé le projet Trust Together, la confiance ensemble - nous recourons à l'anglais parce que nos salariés sont néerlandais et français - afin de donner au groupe des perspectives de croissance.
Après sept années de pertes entre 2008 et 2014, le groupe a retrouvé des résultats positifs en 2015. Ils le seront également en 2016, grâce aux efforts de productivité de Transform et Perform et surtout grâce à la réduction des coûts du pétrole, qui nous a fait économiser 1,5 milliard d'euros entre 2015 et 2016. Le résultat opérationnel est positif mais contrasté : l'activité domestique est équilibrée, l'activité long-courrier est bénéficiaire mais avec 35 % de lignes déficitaires - sachant que 10 % des lignes nous font perdre 200 millions d'euros. Le réseau moyen-courrier est déficitaire, et ce déficit s'accroît. Vers Roissy, seules 20 % des lignes moyen-courrier réalisent des bénéfices.
En effet, la concurrence s'est renforcée avec les compagnies low cost et celles du Golfe. L'écart de compétitivité tient aux conditions d'emploi du personnel, aux cotisations sociales et aux taxes et redevances aéroportuaires. Nous pourrions être comparés à une entreprise exportant plus de 50 % de son chiffre d'affaires, produisant dans une seule usine à Paris, dont 95 % des salariés sont sous contrat français, et qui paie des redevances à l'aéroport le plus cher en Europe après celui de Londres. Si les taxes et les redevances étaient réduites, nous économiserions plusieurs centaines de millions d'euros...
La concurrence des compagnies du Golfe s'accentue. En 2012, Emirates avait autant d'appareils long-courrier qu'Air France-KLM, et Qatar Airways la moitié. En 2020, Emirates en comptera deux fois plus, et Qatar Airways autant. Cette âpre concurrence est favorisée par des environnements fiscal, réglementaire et économique très différents. Sans parler des cotisations sociales, les seules « touchées » - taxes aéroportuaires pour l'arrivée et le départ - pour un Boeing 777 s'élèvent à 14 600 euros à Roissy-Charles de Gaulle, contre 3 500 euros à Dubaï, sachant que 100 % de nos avions se posent à Roissy, et 100 % de ceux d'Emirates à Dubaï : le différentiel s'élève à 360 millions d'euros.
Le trafic aérien progresse assez vivement en Asie et en Europe, mais la capacité augmente plus vite encore que la demande. D'importantes commandes d'avions ont été passées par les compagnies du Golfe, Turkish Airlines, Norwegian ou les compagnies chinoises ; or, en raison des faibles coûts du pétrole, les vieux avions, qui consomment plus, volent encore. De ce fait, les recettes unitaires sont réduites d'environ 8 %.
Notre projet stratégique se fonde sur une vision et une ambition : nous devons négocier avec les organisations sociales et le management du groupe pour atteindre notre objectif stratégique, car alors que le volume du transport aérien augmente, nous ne saurions nous résigner au repli, et devons trouver les moyens de la croissance. Si nous limitons nos vols, il sera difficile de gagner en productivité, car les coûts fixes sont importants. Nous devons être productifs pour gagner en croissance et réciproquement. Nous visons une croissance de 2,5 et 3 % par an sur les long-courriers d'ici 2020 ; elle entraînera celle des moyen-courriers. C'est un plan ambitieux, avec une croissance trois fois supérieure à celle que nous avons connue ces cinq dernières années, et qui nécessitera des efforts réels du personnel navigant. Ce plan est néanmoins réaliste par rapport à nos points forts.
La croissance passe par un effort de l'ensemble de l'entreprise sur tous les coûts - les salaires, la possession de la flotte, la productivité pour les navigants. Les coûts de possession de la flotte seront réduits par l'augmentation du nombre de vols, la réduction du leasing, l'augmentation des recettes, le renforcement des partenariats avec Delta et les compagnies chinoises, notamment pour desservir des villes secondaires en Asie et en Amérique. L'effort de productivité doit être modéré et réaliste sur tous les vols, mais important sur les 10 % des lignes long-courrier où les compagnies du Golfe nous concurrencent. C'est pourquoi nous lançons une nouvelle structure à bas coûts, pour sauver les lignes menacées, rouvrir des lignes fermées et ouvrir de nouvelles lignes. Ce projet se décline en neuf axes sur toutes les fonctions de l'entreprise, avec une réorganisation du groupe et des fonctions centrales. Les derniers départs volontaires ont réduit le nombre d'employés, mais nous souhaitons restructurer et rendre le siège plus efficace et plus mobile en recourant davantage au numérique.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis sur le budget du transport aérien. - Merci pour la qualité de votre exposé. Je vous souhaite un plein succès dans vos actions, pour donner un nouvel élan à Air France, notre grande compagnie nationale, à laquelle chacun d'entre nous est attaché.
Notre commission a adopté un amendement autorisant des tarifs différenciés de redevance pour services terminaux de la navigation aérienne (RSTCA) aux aéroports de Roissy-Charles de Gaulle et Orly, par rapport aux autres aéroports de la métropole, à hauteur de 26 millions d'euros. Cet amendement doit poursuivre son parcours législatif à l'Assemblée nationale, où Bruno Le Roux est prêt à le défendre. Qu'en pensez-vous ?
Le projet Trust Together, que vous avez présenté le 3 novembre, vise à atteindre 100 millions de passagers en 2020 pour Air France-KLM, en s'appuyant sur sa nouvelle compagnie, Boost. Le low cost long-courrier se développe très rapidement, à l'instar de la compagnie French Blue, que nous avons auditionnée il y a quelques semaines. Selon vos déclarations, Boost ne sera pas une compagnie low cost. Comment sera-t-elle, alors, concurrentielle ? Elle disposera, d'ici 2020, de 10 avions long-courrier, et se positionnera sur 30% de lignes nouvellement créées. Comment comptez-vous recruter des pilotes d'Air France, volontaires, avec « des règles de rémunération adaptées » ?
M. Louis Nègre. - Monsieur le président, nous vous remercions de ne pas masquer les difficultés ni de vous cacher devant l'avenir : vous faites un bilan en demi-teinte.
La part du pavillon français en France s'est réduite de 60 % en 1997 à 44 % en 2015, tandis que le trafic au départ de France a progressé de 0,9 % en moyenne pour les compagnies françaises, contre 4 % pour les compagnies étrangères. Le niveau des taxes et des charges sociales est le plus élevé. Le coût du contrôle aérien a augmenté de 17 % entre 2008 et 2014, et les taxes et redevances aéroportuaires de 25 %. La taxe de solidarité sur les billets d'avion, dite « taxe Chirac », instaurée en 2006, est applicable dans 30 pays sur 190, mais seuls neuf d'entre eux la paient - et parmi eux Madagascar, le Mali et le Niger... Elle coûte 90 millions d'euros à Air France.
Si l'on applique un taux de taxes ou de redevances équivalent à celui des Pays-Bas, les dépenses d'Air France seraient allégées de 350 millions d'euros, dont 150 millions d'euros de taxes aéroportuaires et 48 millions d'euros de frais de sûreté. La lutte contre le terrorisme est une mission régalienne mais elle coûte 11,2 euros à chaque passager, via la taxe aéroportuaire ; l'État n'y contribue qu'à hauteur de 0,93 euro.
Alors que Les Echos rappelaient hier la déconfiture d'Alitalia, la faillite de Swissair et la disparition du pavillon belge, se dirige-t-on vers la mort du pavillon français ? Comment l'État peut-il soutenir le transport aérien français ? On ne peut lui attacher des boulets aux pieds pour ensuite s'étonner de ses difficultés.
La taxe sur le Charles-de-Gaulle Express pénalisera directement Air France, dont Roissy est le hub.
Vous devriez porter attention à la qualité du service : sur les court-courriers, que j'utilise deux fois par semaine, les liseuses sont de plus en plus souvent en panne - c'est certes moins grave qu'une panne de réacteurs mais gênant.
M. Gérard Cornu. - Merci de votre exposé clair et lucide. Comment, avec des semelles de plomb, courir aussi vite que les autres ? La lucidité est-elle partagée par tous, au sein de l'entreprise ? Pourquoi ne pas réformer, sinon supprimer, les lignes les plus déficitaires, tout de même 10 % du total ? Enfin, vous n'avez pas évoqué l'avenir de Transavia, qui se porte assez bien semble-t-il.
M. Jean Bizet. - J'avais déposé un amendement en loi de finances l'an dernier, sur le statut particulier des personnels navigants, instaurant un parallélisme avec le personnel maritime. Ma proposition a été rejetée par le ministre, qui avait cependant laissé entendre que l'accueil pourrait être plus favorable si un progrès était fait du côté de l'entreprise. Il s'agit en particulier de supprimer le différentiel de cotisations sociales entre la compagnie française et les concurrents des autres États membres. Avez-vous des discussions sur cette question ?
J'ai plusieurs fois interrogé la Commissaire européenne Violeta Bulc à propos du mandat donné à la Commission européenne, concernant la libéralisation des services aériens avec les pays du Golfe, mais aussi la Turquie, les pays de l'Asean...
J'imagine que vous réfléchissez aux conséquences du Brexit pour des compagnies comme easyJet ou IAG : à la demande du président du Sénat, M. Raffarin et moi-même animons un groupe de suivi sur le Brexit. Je ne suis pas partisan d'un régime punitif, mais d'une situation claire, donc d'un Brexit plutôt hard !
Enfin, où en sont les négociations à l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) pour éviter la double taxation à la taxe carbone ?
M. Jean-François Mayet. - Air Inter, qui pratiquait des tarifs deux à trois fois supérieurs à ceux de ses concurrents, a connu un scénario catastrophe et a disparu, remplacé par des compagnies low cost qui font fortune sur les mêmes lignes. Votre endettement vous oblige-t-il à acheter ou louer les avions plus cher - faute de surface financière rassurante - et à acheter le carburant dans de moins bonnes conditions que d'autres ? Enfin, quelle différence de masse salariale y a-t-il entre Air France et ses concurrents ?
M. Gérard Miquel. - Dans ma région, emprunter la ligne aérienne exploitée par Air France est le seul moyen de se rendre à Paris rapidement. Je profite de l'occasion pour vous signaler que dans l'avion, les liseuses fonctionnent par intermittence... Sur Transavia, j'ai constaté l'exiguïté des sièges : pourquoi avoir acheté des Boeing 737 et non des Airbus A320, plus confortables ?
M. Claude Bérit-Débat. - À Périgueux, pas de liaison aérienne : au moins, nous n'avons pas de problème de liseuses ! Je me réjouissais que la commission ait voté cet amendement à 26 millions d'euros ; nous ne pourrons hélas pas profiter de la caisse de résonance de la séance publique pour nous faire entendre fortement par l'Assemblée nationale.
Pouvez-vous nous livrer votre analyse de la concurrence entre l'aérien et le ferroviaire ? La prochaine mise en service de la ligne à grande vitesse Bordeaux-Poitiers vous inquiète-t-elle ?
M. Rémy Pointereau. - Monsieur Janaillac, vous tenez des propos de vérité, c'est courageux. L'équation est difficile : éteindre la crise sociale, devenir compétitif, rééquilibrer l'accord entre Air France et KLM, réduire l'endettement... tout cela en respectant l'engagement de votre prédécesseur, aucun plan de départs en retraite avant 2018. Je reprends l'expression de mon collègue à mon compte, le groupe a chaussé des semelles de plomb ! Faut-il faire voler plus les avions, à des prix plus compétitifs ? Quelles sont vos intentions sur le long-courrier, le moyen-courrier, les liaisons franco-françaises ? Avez-vous prévu dans le nouveau plan un service minimum les jours de grève, ces épisodes qui détruisent l'image de la compagnie ?
M. Jean-Marc Janaillac. - L'amendement de Mme Bonnefoy va dans la bonne direction, celle de la réduction des coûts : je ne peux que vous encourager à continuer ! Nous travaillons avec les services de l'État sur d'autres pistes. Les nouvelles compagnies comme French Blue ou Norwegian proposent des long-courriers low cost. Air France, il y a une dizaine d'années, avait complètement méconnu l'arrivée des compagnies comme easyJet ou Ryan Air, estimant avec une certaine arrogance qu'elles ne faisaient pas le même métier, ne jouaient pas dans la même catégorie. Or ces compagnies ont pris de grosses parts de marché. Nous ne ferons pas la même erreur sur le long-courrier. Néanmoins ces compagnies dont la flotte compte trente ou quarante avions, neufs mais densifiés, avec des services payants, ne sont pas pour nous la principale menace : les compagnies du Golfe, elles, exploitent 500 avions !
Parmi les lignes long-courrier, celles que nous appelons « ultra-business » sont rentables, tout comme les lignes ultra-tourisme. Les lignes mixtes sont celles qui souffrent, notamment sur les liaisons avec l'Asie du sud-est. L'effort, face à Emirates, ne peut passer par des avions densifiés, mais par un service de qualité avec une structure de coût révisée. Nous devons regarder attentivement ce qui se passe dans le low cost long-courrier pour déterminer la meilleure réponse à apporter.
Oui, pour piloter les avions low cost, il y a des volontaires, même s'ils travaillent plus. En particulier, les co-pilotes ont ainsi l'opportunité de devenir capitaines, d'exercer des responsabilités, de progresser en fonctions comme en rémunération. C'est le cas pour Transavia.
Monsieur Nègre, je suis arrivé à Air France il y a cinq mois et non un an : mais il est vrai que ces quelques mois ont été très denses !
Notre compagnie fournit un tiers du produit mondial de la taxe de solidarité. Les seuls autres pays ayant adopté la taxe et disposant d'une flotte suffisante pour contribuer véritablement à la ressource sont la Corée et le Chili. Les objectifs sont louables, mais l'initiative est coûteuse, 60 millions d'euros par an : à titre d'exemple, ce sont 45 euros de taxe pour un billet vers les États-Unis et 1,2 euro pour un vol intérieur... Ce serait formidable si tous les pays y participaient...
Le pavillon français peut-il mourir ? Mourir, non, mais décliner, bien sûr : c'est pourquoi il faut reprendre l'offensive et capter des parts de marché. L'État peut nous y aider. Voyez comment le gouvernement allemand a pris à sa charge une partie des coûts de sécurité.
Nous sommes favorables au Charles-de-Gaulle Express, mais ce n'est ni aux passagers, ni aux compagnies de le préfinancer. Payer lorsque l'infrastructure sera en fonctionnement, bien sûr, mais pas avant les travaux : les usagers des routes nationales ne préfinancent pas la construction des autoroutes !
Je prends bonne note de vos remarques sur les liseuses. Quant aux semelles de plomb, certes, nos coûts sont supérieurs à ceux des compagnies du Golfe ou des low cost ; néanmoins nous n'avons pas à réduire la totalité du différentiel, parce que nous avons également un différentiel de recette unitaire, grâce à un certain nombre de facteurs, les alliances, le programme de fidélité, les accords avec les entreprises, notre image, etc. Il importe de maintenir nos points forts pour conserver ce différentiel.
La conscience qu'il est nécessaire de faire des efforts en tenant compte de l'environnement concurrentiel - ce que vous appelez lucidité - n'est pas générale mais elle grandit.
Dans un réseau, toutes les lignes ne peuvent être bénéficiaires ; les déficitaires ont tout de même leur intérêt, pour compléter le réseau. Il faut un équilibre. En long-courrier, 85 % des lignes de KLM sont bénéficiaires, 15 % déficitaires, ce qui est normal. Couper des lignes affaiblit le réseau, rend les hubs moins attrayants, supprime des possibilités de connexion, notamment sur le moyen-courrier. C'est ce que nous voulions éviter en créant la nouvelle compagnie.
S'agissant du mandat de la Commission européenne, la question pour les grandes compagnies est la suivante : pour l'Europe, est-il ou non important - sur les plans social, culturel, stratégique - de conserver des compagnies indépendantes des intérêts extra-européens, plutôt que de voyager toujours au moindre coût ? De la réponse découle la politique à mener en matière d'ouverture du ciel... Ayons à l'esprit aussi que les compagnies du Golfe ont reçu quelque 40 milliards de dollars d'aides directes d'État en dix ans. Les Allemands et les Anglais s'interrogent pareillement - en Italie en revanche, Alitalia est déjà possédée à 49 % par Etihad - sur l'arbitrage entre le prix des voyages et l'indépendance des compagnies. Ces considérations n'exonèrent pas cependant le personnel d'efforts de réduction des coûts et des prix.
On est dans l'Europe, ou en dehors. En cas de Brexit sans accord, easyJet ne pourra bien sûr pas continuer à opérer entre Paris et Toulouse ou Nice. Il lui faudra créer une autre compagnie. British Airways possède aujourd'hui Aer Lingus, Iberia et Vueling, il n'en aurait plus le droit : l'ensemble éclaterait. Nous serons vigilants et comptons sur l'appui de l'État afin que toutes les compagnies qui auront les mêmes droits aient aussi les mêmes devoirs.
Au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale, un accord a été signé pour limiter les émissions de CO2, avec l'engagement d'une croissance neutre en carbone à partir de 2020 et une réduction par la suite. Les compagnies européennes souhaitent que les mesures internationales et européennes en la matière soient cohérentes entre elles.
Air Inter a été racheté par Air France. Notre structure de coûts dépend des charges salariales et du coût des escales, supérieurs à ceux de nos concurrents : Transform et Perform comportaient précisément des mesures visant à diminuer ces coûts.
Si nous avons choisi pour Transavia des Boeing et non des Airbus, c'est que le Transavia néerlandais créé précédemment exploite des Boeing, et que la maintenance est moins onéreuse avec une flotte unique. Ce n'est pas la nature des appareils mais le pitch de la configuration interne - largeur des sièges, espace entre les sièges - qui détermine le confort... et la rentabilité. Nos standards sont conformes à ceux de nos concurrents low cost européens. Transavia n'est pas encore à l'équilibre, il est en phase d'ouverture des lignes. L'offre a augmenté de 20 % cette année et les résultats s'améliorent. Le projet était naguère de développer des lignes entre de nombreux pays européens. Néanmoins, nous ne pouvons tout faire et j'ai recentré le modèle, qui ressemble plus désormais à celui de Vueling ou Eurowings, avec un développement à partir de la base nationale, des vols au départ des Pays-Bas ou de la France vers des destinations européennes.
Notre grosse faiblesse demeure la part de marché des vols reliant les villes de province et les destinations internationales, européennes en particulier, qui n'est que de 5 %. Je précise cependant que Périgueux n'est pas très éloigné de grands aéroports, Bordeaux en particulier ! C'est là que nous avons fêté les vingt ans de la « navette ». La première navette avait certes été créée entre Marseille et Paris : le choix de Bordeaux pour nos festivités visait à réaffirmer notre volonté de conserver ce service entre la ville aquitaine et Paris-Orly mais aussi Paris-Roissy, en dépit de la création de la LGV, grand concurrent.
Comment faire voler davantage nos avions ? Air France fait voler ses avions 15% de moins que KLM, parce que la maintenance des appareils est plus longue. Nous nous attelons à réduire ce temps d'immobilisation, car un avion au sol coûte et ne rapporte rien...
Le service minimum dépend des pouvoirs publics, non du groupe. Une loi sur le dépôt des préavis de grève a facilité la prévision et donc la gestion des flux de passagers. Au-delà, il importe de trouver un mode de dialogue avec le personnel navigant - et les autres catégories - plus apaisé, dégagé de la pression de la grève, celle-ci devant être l'ultime recours et non planer sur toutes les discussions, au risque de les bloquer.
M. Hervé Maurey, président. - Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est de la filialisation de la maintenance ?
Nos téléphones ont crépité il y a quelques instants : nous venons d'apprendre que trois des auteurs des violences d'octobre 2015 au sein du groupe ont été condamnés par le TGI de Bobigny à trois ou quatre mois de prison avec sursis, les deux autres ayant été relaxés. Qu'en pensez-vous ?
M. Jean-Marc Janaillac. - Je ne commenterai pas une décision de justice. A fortiori sur une affaire qui date d'avant mon arrivée dans le groupe.
La maintenance est l'un des points forts d'Air France-KLM : c'est une activité intégrée, coordonnée, qui à plus de 40 % concerne des services aux tiers. Nous avons donc lancé une étude - j'insiste, il s'agit d'une simple étude - pour savoir si une organisation différente favoriserait une plus grande efficacité. Nous avons aussi à l'esprit la valorisation du groupe, qui aujourd'hui n'autorise pas le financement des investissements par augmentation de capital. Une structure de maintenance pourrait valoir entre 3 et 4 milliards d'euros, soit plus de deux fois la valeur du groupe aujourd'hui... Nous nous penchons sur les questions managériales et étudions toutes les options, notamment avec les représentants des salariés.
M. Hervé Maurey, président. - Nous sommes tous attachés à cette belle entreprise, sommes inquiets de son avenir et nous tenons à vos côtés pour la soutenir. La réforme est une nécessité impérieuse, dans ses aspects sociaux et économiques, qui conditionnent la compétitivité. Nous souhaitons aussi que l'Union européenne agisse, car nombre de compagnies européennes sont menacées par leurs concurrentes du Golfe. Monsieur Janaillac, nous vous remercions.
La réunion est close à 10 h 50.
Jeudi 1er décembre 2016
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -Projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne - Audition de M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales
La réunion est ouverte à 16h20.
M. Hervé Maurey, président. - Monsieur le ministre, merci de revenir devant notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, deux semaines après votre précédente audition, cette fois-ci non plus sur votre budget et la politique d'aménagement du territoire du Gouvernement, mais sur le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.
Je vous prie d'excuser notre collègue Cyril Pellevat, rapporteur pour notre commission, qui devait être présent mais a raté son avion. Nous avons également convié les rapporteurs des trois commissions saisies pour avis, Gérard Bailly pour la commission des affaires économiques, Patricia Morhet-Richaud pour la commission des affaires sociales, et Jean-Pierre Vial pour la commission des lois. Nous avons aussi invité nos collègues du groupe d'études de la montagne, présidé par Jean-Yves Roux.
Comme vous le savez, ce texte a été envoyé au fond à notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, ce dont nous pouvons d'autant plus nous réjouir que tel n'a pas été le cas à l'Assemblée nationale.
Un certain nombre de dispositions sont d'ordre économique et des avis seront rendus par la commission des lois et celle des affaires sociales. Il n'est bien sûr pas question d'opposer l'économique ou le social à l'aménagement du territoire, mais de montrer que toutes ces questions sont liées mais que, sur certains territoires, c'est l'aménagement du territoire qui doit primer.
Ce projet de loi est examiné dans des délais rapides. Il a été présenté en Conseil des ministres le 14 septembre dernier. Il a été adopté par l'Assemblée nationale à peine un mois plus tard, le 18 octobre. De notre côté, nous l'examinerons en commission le 7 décembre et les débats en séance publique auront lieu du 12 au 14 décembre.
Ce texte est attendu par nos collègues montagnards, mais pas seulement, car il comporte quelques mesures d'application générale, comme par exemple les articles relatifs au numérique.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. - C'est un bonheur que de me retrouver pour la troisième fois devant votre commission où les débats sont toujours denses, intéressants et sérieux. Cette audition m'offre le plaisir de vous présenter le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. Monsieur le président, il est vrai que nous sommes allés vite. Cependant, on nous reproche souvent aux uns comme aux autres, Gouvernement et Parlement, de mettre trop de temps à faire la loi, de sorte que nous ne pouvons que nous féliciter quand nous parvenons à mener nos projets avec célérité.
Ce texte a été adopté à l'unanimité moins une voix, à l'Assemblée nationale. Quand on sait que c'est Jean Lassalle qui a voté contre, cet homme de tempérament, truculent, qui aime à « se distinguer pour qu'on le remarque », selon ses propres dires, on peut considérer que si les votes n'ont pas été unanimes, l'adhésion au texte l'a été.
À l'Assemblée nationale, nous avons mené nos travaux dans un esprit de concertation et d'ouverture. J'ai rencontré Laurent Wauquiez, alors président de l'Association nationale des élus de montagne (Anem), Annie Genevard, mais aussi Marie-Noëlle Battistel et Bernadette Laclais, l'une membre du groupe Les Républicains, l'autre du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, qui avaient préparé ensemble une proposition de loi dont le Premier ministre a souhaité faire un projet de loi. Nous avons travaillé ensemble, dans un esprit transpartisan, pour définir la meilleure manière de faire prospérer notre projet dans des délais brefs. Le quinquennat touchant à sa fin, nous avons choisi de procéder en urgence, et la majorité et l'opposition ont travaillé main dans la main pour co-construire le texte.
Trente ans après le vote de la loi Montagne, en 1985, qualifiée de loi fondatrice, tous s'accordaient sur la nécessité de son actualisation. Non pas pour remettre en cause ses principes fondateurs - je veux parler de l'équilibre entre les enjeux relatif au développement de ces territoires et l'impératif de protection d'un environnement qui reste fragile - mais pour tirer les conséquences des évolutions importantes que la société a connues depuis 1985, tant sur les plans économique, environnemental et social, que dans les modes de vie et les besoins de nos concitoyens. Le déploiement du numérique et de la téléphonie sur l'ensemble du territoire suscite notamment l'impatience légitime de la population, car c'est un enjeu essentiel pour le développement économique et social.
Le rapport que le Premier ministre avait demandé à vos collègues députés nous a été remis en septembre 2015. Il a fait consensus et s'est imposé comme le support d'un projet de loi visant à refonder le pacte entre l'État et les territoires de montagne.
En plus de désigner deux rapporteures à l'Assemblée nationale, nous les avons choisies l'une dans l'opposition, l'autre dans la majorité, et nous avons veillé à associer tous les acteurs, députés, représentants de l'Anem, membres de mon cabinet, mais aussi plusieurs sénateurs. L'accord avec l'Anem a également porté sur le calendrier, puisque nous voulions que le texte soit adopté avant la fin du quinquennat, ce qui supposait un examen au Parlement dans le cadre de la procédure accélérée.
Le texte présenté par le Gouvernement comprenait 25 articles, organisés autour de quatre grands axes qui font, chacun, l'objet d'un titre distinct.
Le titre 1er englobe les dispositions qui prennent en compte les spécificités des zones de montagnes, et celles pouvant exister dans chaque massif. Il réaffirme le principe d'adaptation des politiques publiques à ces particularités, éventuellement sous la forme d'expérimentations.
Le Conseil national de la montagne est renforcé dans ses missions et dans sa représentation grâce à la désignation d'un vice-président, par ailleurs président de la commission permanente, qui assurera un fonctionnement plus régulier de cette instance. Ce dernier pourra désormais saisir directement le Conseil national de l'évaluation des normes.
Le renforcement des institutions concerne également les comités de massif : il est pris acte, notamment, des modalités de leur association à l'élaboration des schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SDREII), et des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).
La question du numérique et de l'accès à la téléphonie mobile, qui se pose avec plus d'acuité encore dans les zones de montagne, a nourri le débat à l'Assemblée. Le premier chapitre du titre II vise à adapter les investissements publics aux fortes contraintes du relief, par exemple en facilitant l'expérimentation de technologies alternatives à la fibre. Je pense aux connexions radio ou satellitaires, qui ont connu des innovations notables ces dernières années.
J'en profite pour rappeler, en sortant du cadre de ce texte, qu'avec le programme de résorption des zones blanches, l'État prend en charge l'intégralité du coût de construction des pylônes permettant aux opérateurs de relier les centres-bourgs au réseau mobile, au minimum en 3G, d'ici à mi-2017.
En dehors des centres-bourgs, 1 300 sites seront également équipés en 3G, puis en 4G, d'ici à 2019. L'État participe au financement des pylônes à hauteur de 75% pour ceux qui sont situés en zone de montagne, ce qui représente 42,5 millions d'euros de subventions.
Autres sujets d'importance pour les territoires de montagne, le travail saisonnier et la pluriactivité, qui font l'objet du chapitre II. Plusieurs mesures visent à une meilleure prise en compte de ces particularités, que ce soit dans la formation professionnelle des salariés concernés ou dans leur accès aux services.
L'expérimentation d'un dispositif d'activité partielle pour les agents contractuels saisonniers de régie est également proposée, afin de mieux sécuriser les parcours professionnels tout en fiabilisant le fonctionnement des régies dans les stations de ski.
Enfin, pour répondre aux difficultés que les saisonniers rencontrent dans l'accès au logement - dont les conséquences sont trop souvent dramatiques - plusieurs actions sont proposées : la mobilisation de logements vacants par les bailleurs sociaux pour les attribuer en intermédiation locative, ou la mise en place de plans d'action concertés entre les communes et les acteurs locaux du logement.
Favoriser le développement économique des massifs implique aussi d'encourager des secteurs vitaux pour la montagne : l'agriculture et le tourisme.
Parmi les mesures prévues, je veux citer la dérogation au transfert de compétence « promotion du tourisme » pour les communes classées « station de tourisme ». Vous le savez, la loi NOTRe a prévu de confier cette compétence aux EPCI, au plus tard au 1er janvier 2017. Cette disposition a suscité les craintes de certaines communes attachées à leur notoriété et à leur identité propre. Le Premier ministre les a entendues, lors d'un déplacement à Chamonix.
L'article 18, dans sa rédaction initiale, apportait une souplesse en permettant aux communes « stations classées de tourisme » ou en cours de classement de conserver cette compétence, sous réserve de l'adoption d'une délibération par le conseil municipal avant le 1er janvier 2017. Celles qui n'obtiendront pas ce label perdront le bénéfice de la mesure. Le débat à l'Assemblée a modifié les contours du dispositif, j'y reviendrai. Quoiqu'il en soit, l'application de cette dérogation suppose que le texte soit adopté avant la fin de l'année.
Toujours dans le secteur touristique, des assouplissements sont proposés pour faciliter la réhabilitation de l'immobilier de loisir. Il s'agit de lutter contre le phénomène dit des « lits froids », c'est-à-dire durablement inoccupés, qui s'est fortement développé ces dernières années. Couplée à la mesure du projet de loi de finances pour 2017, adoptée en première lecture à l'Assemblée et qui réoriente le dispositif fiscal « Censi-Bouvard » vers le soutien à la réhabilitation des résidences de tourisme, cette disposition devrait avoir un impact concret pour les propriétaires de résidences en montagne et favoriser la rénovation de l'existant plutôt que d'encourager, sans discernement, les constructions neuves.
Le projet de loi modifie également la procédure des unités touristiques nouvelles (UTN). J'ai souhaité, pour répondre à la demande de la présidente de l'Anem, que cette réforme, initialement prévue dans le cadre d'une ordonnance, telle que l'habilitait l'article 106 de la loi pour la croissance et l'activité d'août 2015, soit finalement inscrite dans ce projet de loi. La concertation engagée en amont avec l'Anem et les représentants des professionnels du secteur, dont Domaines skiables de France, s'est prolongée avec les députés tout au long du débat à l'Assemblée, avec intensité, pour parvenir à un point d'équilibre qui, je crois, est convenable.
S'agissant des politiques environnementales enfin, une disposition du projet de loi vise, dans les territoires de montagne, à renforcer le rôle des parcs naturels régionaux dans la mise en cohérence des politiques publiques, notamment afin d'améliorer la protection de la biodiversité.
Par ailleurs, et sans imposer une règlementation supplémentaire, il est prévu la possibilité de mettre en place des « zones de tranquillité » afin de concilier les différents usages tout en préservant le développement les espèces animales et végétales.
Sur cette base, l'intense débat parlementaire à l'Assemblée nationale a favorisé un réel enrichissement du projet de loi du Gouvernement. Il comportait 25 articles. Il en compte désormais 74. Les apports de l'Assemblée sont multiples.
S'agissant des grands principes du titre 1er, les députés ont souhaité préciser les objectifs spécifiques des politiques publiques dans les territoires de montagne, en détaillant les différents domaines d'intervention comme, par exemple, l'usage partagé de la ressource en eau, la prise en compte des temps de trajet dans l'organisation scolaire en montagne ou la représentation équitable des territoires de montagne.
De la même manière sont détaillés les domaines pour lesquels s'applique le principe d'adaptation de l'action publique. Les députés ont adopté plusieurs dispositions pour compléter le schéma régional de santé d'un volet prenant en compte les besoins spécifiques aux populations des territoires de montagne et les temps raisonnables d'intervention des secours. Ils ont également prévu la participation d'un membre du comité de massif au Conseil territorial de santé.
La place de l'agriculture, et plus particulièrement, le pastoralisme, est confortée à l'issue de l'examen à l'Assemblée, qui a entendu faciliter cette activité, notamment au travers de groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC).
Le projet de loi vise également à une meilleure reconnaissance de l'agriculture de montagne et des soutiens qui lui sont nécessaires.
S'agissant des grands prédateurs, après de longs débats très engagés, a été retenu un principe d'adaptation des moyens de lutte à la situation particulière de chaque massif, dans des termes qui atteignent désormais un point d'équilibre qu'il me semble utile de préserver.
S'agissant des « zones de tranquillité » envisagées dans la rédaction initiale, un accord a été trouvé en réservant aux seuls parcs nationaux la possibilité de créer des espaces de quiétude pour favoriser et protéger le développement d'espèces animales et végétales. Les parcs naturels régionaux ne sont donc plus concernés.
La partie du texte consacrée au numérique a donné lieu à d'intenses débats et à une multiplication d'amendements, visant à donner priorité aux territoires de montagne dans le cadre du programme de couverture des zones blanches ou à inciter au déploiement des services numériques. Sur cette question essentielle, vous connaissez ma position. Je reste ouvert à vos propositions si vous considérez qu'il faut aller plus vite, plus loin et plus fort dans la couverture des territoires de montagne.
En ce qui concerne la promotion des activités touristiques, les députés ont souhaité préciser la notion de « classement en cours ». Pour ma part, je ne reviendrai pas sur les élargissements adoptés même si je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on en précise les modalités, la rédaction actuelle me semblant perfectible.
Un amendement a introduit une obligation d'information des copropriétaires en cas de vente d'un logement en résidence touristique dans le périmètre d'une opération de réhabilitation de l'immobilier de loisir (Oril). Cette disposition complète utilement celles que prévoyait le texte initial pour favoriser la réhabilitation des résidences de tourisme.
L'objectif de la réforme des unités touristiques nouvelles (UTN) était de concilier la planification de ces projets par les élus et la souplesse requise pour répondre, dans des délais rapides, à des projets nouveaux. C'est la raison pour laquelle nous avons conservé une procédure spécifique, en dehors des SCoT.
Par ailleurs, après un échange nourri, un accord a été trouvé nuitamment entre majorité, opposition et Gouvernement sur une procédure spécifique aux territoires de montagne pour mettre en compatibilité les documents d'urbanisme nécessaires à la réalisation d'UTN qui n'auraient pas été prévues dans les documents d'urbanisme approuvés (SCoT et PLU). Cette procédure intégrée et encadrée dans le temps, donnera davantage de visibilité aux opérateurs.
Cet accord exigeant, qui s'est attaché à répondre aux difficultés soulevées, a contribué à valider l'ensemble de la réforme des UTN. Il me paraît sage de ne pas trop le déséquilibrer. Les SCoT et les PLU nécessitent des procédures longues. Nous avons souhaité favoriser la construction des UTN tout en l'encadrant.
Vous le voyez, le débat à l'Assemblée a considérablement enrichi le texte initial du projet de loi, et je m'en réjouis. Les sujets n'ont pas manqué pour nourrir nos échanges, souvent toniques, parfois tendus, en particulier sur quelques sujets emblématiques : UTN, offices de tourisme, services numériques et de téléphonie mobile, lutte contre les grands prédateurs ou encore « zones de tranquillité ».
L'écoute, le dialogue, et la recherche pragmatique de solutions ont favorisé les accords sur ces sujets difficiles et abouti à l'adoption du texte à la quasi-unanimité. J'aborde notre discussion dans le même esprit d'écoute, de dialogue et d'ouverture. Je souhaite poursuivre cette co-construction du projet de loi entre le Gouvernement et le Sénat, avec l'ensemble de ses composantes. Je ne doute pas que nous y parviendrons dans l'intérêt des habitants des territoires de montagne.
Je considère néanmoins que le compromis qui s'est dégagé sur les principaux points d'achoppement doit être préservé ; j'y veillerai. Mais je ne n'entends pas empêcher le Sénat de faire son travail de législateur.
Espérons que nous pourrons adopter le texte dans les délais que nous nous sommes collectivement donnés, c'est-à-dire avant la fin de l'année 2016, pour que nous puissions mettre en application le plus rapidement possible les dérogations concernant les offices de tourisme.
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Nous avons reçu beaucoup de sollicitations pour les auditions. Les députés ont réalisé un travail important. Si leurs ajouts sont constructifs, ils méritent pour certains d'être précisés, ajustés ou renforcés. Nous sommes contraints par l'obligation de faire aboutir la CMP d'ici à la fin de l'année, en parvenant à un compromis satisfaisant pour tous.
Nous avons déjà trouvé bien des points d'accord sur la partie économique. Des problèmes subsistent, comme celui du défrichement - à distinguer du déboisement - qui sévit surtout dans le Massif central, largement exposé ces dernières années. La profession agricole est unanime à se plaindre de ce qu'un simple dégagement du paysage lui coûte des charges. Les discussions sont en cours, des solutions sont en vue.
Nous avons progressé en ce qui concerne la lutte contre les prédateurs. Le texte ne devrait pas beaucoup modifier la situation, même si la demande est forte.
Un gros différend persiste, en revanche, avec les gens de terrain au sujet du classement des offices de tourisme. L'Anem et les représentants des communes touristiques sont en complet désaccord, sans compter les réclamations de la métropole de Marseille ou celles du maire du Touquet. Ce matin, j'ai sommé l'Anem et les communes touristiques de trouver un terrain d'entente. Pas moins de 49 clauses pour le classement des offices de tourisme ! Il faut espérer qu'une sérieuse concertation ait lieu d'ici à mardi.
Quant aux « zones de tranquillité », notre seule demande vise à éviter qu'elles ne mettent en danger le pastoralisme. Assurer la tranquillité ne veut pas dire supprimer les moutons.
Autre sujet sur lequel nous devrons nous accorder, le stockage de l'eau.
Ce matin, nous auditionnions un représentant du ministère de l'agriculture, et je lisais dans Pour la Montagne, le journal de l'Anem, un manifeste des gens de montagne qui réclament des normes à cor et à cris. Or, le ministère de l'agriculture semble réticent à ce terme. Loin de nous l'idée de toucher aux normes sanitaires mais pour le bâtiment, par exemple, les normes ne peuvent être identiques en zone de montagne, ne serait-ce que parce que les charges des collectivités ne sont pas les mêmes que dans les plaines pour le chauffage ou le coût des bâtiments.
Je suis sûr que les négociations aboutiront. C'est le souhait de tout le monde.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Je ne doute pas que les sollicitations aient été nombreuses. Elles l'ont également été auprès des députés et des membres de mon cabinet. Les lobbies ont de beaux jours devant eux dans notre pays, et ils savent à quelle porte frapper. J'ai refusé de recevoir qui que ce soit, y compris les opérateurs de téléphonie. Le débat entre le Gouvernement et le Parlement ne doit pas être pollué par des pressions extérieures qui ne donnent que rarement dans la modération et le bon sens.
Je suis d'accord avec vous sur la nécessité de trouver un accord entre les sénateurs et les députés. Je crois que nous n'aurons pas trop de difficultés.
Quant au défrichement, l'article 15 quater répond déjà à vos préoccupations, en exonérant de demande d'autorisation le défrichement de parcelles dont le boisement s'est développé naturellement par abandon au cours des 40 dernières années, soit dix ans de plus que dans la réglementation actuelle. Cette dispense exonère les propriétaires qui défrichent de la compensation d'indemnité prévue par le code forestier.
Je vous remercie d'indiquer que nous sommes arrivés à un point d'équilibre en ce qui concerne la lutte contre les prédateurs. Je rappelle que Ségolène Royal a largement ouvert les possibilités de régulation en élargissant la liste des espèces protégées dans la convention de Berne.
En ce qui concerne le classement des offices de tourisme, j'ai eu vent des désaccords entre élus marseillais. En cette affaire, ce n'est ni à vous, ni à moi d'arbitrer. Je suis moins au courant de celle du Touquet, où je me suis pourtant rendu, récemment, pour assister au congrès des stations du littoral. J'ai rencontré le maire, le président de la communauté d'agglomération, les parlementaire mais ce sujet n'a pas été abordé de manière spécifique.
À mon sens, nous avons trouvé un bon équilibre. En effet, quand le Premier ministre s'est rendu à Chamonix, il a donné son accord pour une dérogation en faveur des stations de montagne. Pour ma part, j'ai indiqué dès ma prise de fonction que l'on n'en resterait pas là. Puis, j'ai reçu l'ensemble des associations du littoral, et de l'intérieur, qui se demandent pourquoi favoriser Val-d'Isère, Courchevel et Megève, et non Saint-Tropez, Deauville, Évian, Vichy ou Arcachon. Devant cette demande pressante et la fragilité constitutionnelle de ces arguments, j'ai décidé, dans le cadre du débat à l'Assemblée nationale, d'ouvrir cette dérogation à l'ensemble des stations.
Je n'ai pas connaissance de difficultés rencontrées, mais on ne peut demander à la loi de rendre cette dérogation opérationnelle à tous dès 2017, et, dans le même temps, dire qu'il faut attendre 2019 ou 2020. Quand les textes sont votés, il faut les appliquer. Je sais que ces demandes sont à la mode, notamment concernant les collectivités, pour lesquelles certains points de la loi NOTRe ne devraient s'appliquer qu'en 2022. Mais je suis toujours sidéré que l'on nous suggère, après nous avoir demandé de légiférer, de reporter l'application de la loi de plusieurs années. C'est une curieuse conception du travail législatif.
Monsieur le rapporteur pour avis, je suis prêt à examiner la situation des dossiers particuliers d'ici à la séance publique. Mais je n'ai pas été saisi de manière plus spécifique là-dessus.
M. Gérard Bailly, rapporteur pour avis. - Je n'ai pas dit que j'y étais favorable !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - J'étais au Touquet récemment, et personne ne m'en a parlé.
M. Michel Raison. - L'affaire du Touquet nous complique la vie. Il faut laisser cela de côté et se pencher plutôt sur les problèmes de rédaction posés par l'article 18.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Nous sommes d'accord sur tout !
Concernant les zones de tranquillité, je me suis là aussi tourné vers l'Assemblée nationale : nous ne les avons préservées que pour les parcs nationaux, et non plus régionaux. En outre, ces zones sont facultatives ; la décision reviendra à ceux qui seront chargés de la gestion du parc. Cela étant, si l'on aménage des parcs, il faut tout de même s'assurer du respect de certains critères liés à l'environnement et à la vie animale.
S'agissant du stockage de l'eau, je suis allé dans le sens souhaité par les députés et les sénateurs, même si cette position demeure contestée. À mon sens, si l'on veut préserver une vie agricole, pastorale dans les zones de montagne, mais aussi dans les plaines, la maîtrise de l'eau est indispensable. Quand j'ai été élu en 1985 au conseil général, dont j'ai été le président durant trente ans, nous étions extrêmement à la traîne pour l'irrigation. Aujourd'hui, je suis très fier que mon département du Tarn-et-Garonne figure parmi les cinq SAU les mieux irriguées de France. Cette irrigation permet de préserver l'agriculture, mais elle ne doit pas se faire dans n'importe quelles conditions.
Quant aux normes, nous reprendrons ce débat ultérieurement.
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. - Monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser deux questions.
La première concerne l'article 10 relatif à la formation. Il semble que les dispositifs traditionnels de formation ne permettent pas d'apporter de solutions adaptées en zones de montagne, puisque l'entreprise ne peut pas intervenir dans le parcours de formation au niveau du financement, de la planification et de l'organisation administrative et matérielle. Le développement de la formation des salariés impliquerait donc une réflexion sur les dispositifs actuels et leur adaptation au caractère saisonnier. Quelles réponses pouvez-vous apporter à ces entreprises, monsieur le ministre ?
La seconde porte sur l'apprentissage. Si l'on ouvre cette possibilité aux entreprises saisonnières, comment résoudre les blocages d'ordre organisationnel et juridique, en particulier sur les rythmes d'alternance entre l'école et l'entreprise ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Concernant la formation, aucun problème n'a été identifié à ce jour, ce qui prouve que le Sénat est extrêmement utile. Ce sujet n'a été évoqué ni dans les consultations menées lors de la préparation de ce texte ni lors de mon audition devant la commission de l'Assemblée nationale. Je vais bien sûr en parler avec ma collègue Myriam El Khomri avant de vous répondre en séance publique. Il en sera de même pour l'apprentissage, sur lequel aucune question ne nous a jamais été posée.
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteur pour avis. - La question n'a pas été posée seulement sur mon territoire.
M. Jean-Yves Roux. - Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir maintenu votre position d'ouverture lors du débat à l'Assemblée nationale, et ce dans le respect des idées de chacun. Je tiens également à remercier les rapporteurs, qui ont aussi adopté une attitude d'ouverture.
Ce projet de loi est un texte équilibré, au carrefour de la perspective du développement économique et d'une nécessaire protection du cadre de vie et des espèces naturelles. Je citerai en particulier une amélioration significative concernant les UTN et les prédateurs. Je salue la volonté de faire de ce texte, non pas un prêt-à-penser montagnard, mais un cadre d'action dont pourront se saisir les élus, un outil avant tout au service de la vie quotidienne de nos montagnes.
C'est la raison pour laquelle le groupe d'études Développement économique de la montagne que je préside a souhaité, de la même manière, approfondir deux thèmes en organisant une table ronde sur l'école en milieu montagnard et sur le numérique. Sans école située à proximité, sans numérique et sans accès aux services publics, il me paraît difficile, comme vous l'avez indiqué dans ce texte, de mener une politique d'aménagement du territoire pleinement efficace.
Parallèlement, nous sommes attachés à ce que la montagne, vigie du réchauffement climatique, puisse préserver et surtout faire vivre ses espaces naturels, ainsi que des pratiques agricoles vivaces et renouvelées. En conséquence, dès le mois de juillet, notre groupe d'études a organisé plusieurs tables rondes sur le pastoralisme.
Enfin, certaines des dispositions qui seront adoptées dans le cadre de ce texte seront sans doute très utiles dans d'autres territoires. C'est une grande avancée. Les territoires de montagne sont aussi les lieux d'expérimentations sociales, scientifiques ou d'autres formes de solidarités.
Je tenais enfin à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vos services pour cet accompagnement tout au long des auditions qui se poursuivent.
M. Bernard Delcros. - Je voudrais à mon tour vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir amené l'acte II de cette nouvelle loi Montagne devant le Parlement. Elle était attendue, car la précédente datait de 1985. Cet acte fondateur reconnaissait les spécificités de la montagne et la nécessité de se doter de politiques spécifiques en la matière. Évidemment, en trente ans, le monde a changé, tant la montagne que les villes ou l'organisation territoriale, rendant cet acte II nécessaire. Je souhaite que tout soit mis en oeuvre pour que cette loi aboutisse avant la fin de l'année.
Cela étant, cette réforme ne sera réussie que si elle se traduit par des avancées très concrètes sur le terrain, notamment concernant la téléphonie ou le très haut débit, aujourd'hui indispensables à la vie quotidienne des habitants, leur sécurité et le développement de ces zones. Qui séjournera quelques jours à la montagne s'il ne peut utiliser son téléphone portable ? Il faut par conséquent contraindre par la loi les opérateurs à assurer ces services universels de base sans lesquels l'auto-développement de la montagne sera impossible.
Sur quelques sujets fondamentaux, à propos desquels vous avez fait une ouverture tout à l'heure, nous devons avancer de manière concrète, au risque de rater le rendez-vous de cette deuxième loi Montagne.
Pour ce qui est des zones blanches, les critères retenus pour identifier celles-ci ne sont pas adaptés à la réalité du terrain. Ce n'est pas parce que la couverture est assurée devant la mairie que le territoire est couvert dans son ensemble ; au contraire ! Je connais bien le milieu rural où les hameaux sont dispersés. Nous avons une opportunité unique de faire évoluer la situation. Cela implique d'aller un peu plus loin en matière d'urbanisme et de tenir compte des spécificités de la montagne pour le tissu scolaire et les effectifs. Ensemble, nous pouvons trouver des solutions. Ne manquons pas ce rendez-vous !
M. Patrick Chaize. - Je m'attarderai plus particulièrement sur les articles ayant trait au numérique, mon sujet de prédilection.
Monsieur le ministre, au lieu de vous poser une question, je sollicite votre soutien. Lors de notre rencontre au ministère cette semaine, vous avez déclaré votre attachement à ces sujets. J'en suis fort aise, mais lors de nos prochains débats, il faudra que nous soyons unis, quelle que soit notre appartenance politique, pour faire avancer ce texte dans le bon sens.
Il s'agit effectivement d'un texte d'équilibre, mais ces équilibres me semblent un peu fragiles. En effet, lors des discussions à l'Assemblée nationale, nous avons constaté des tentatives de retour, de modération, d'atténuation de certaines avancées retenues. Ce texte vise la montagne, mais il concerne d'abord l'aménagement du territoire, notamment en faveur du numérique. Sur ce point, vous ne pouvez que nous accompagner, monsieur le ministre.
Le Sénat apportera quelques nouveautés destinées à faciliter les déploiements en téléphonie mobile ou en très haut débit. Je pense à la Base Adresse nationale, aux conventions de zones AMII qui débordent de la montagne, mais dont l'incidence est forte sur l'aménagement du territoire de nos communes, ou aux actions destinées à faciliter les démarches administratives pour la construction des pylônes ou le déploiement des réseaux. Pour ce faire, nous devons exprimer une exigence de couverture auprès des opérateurs. Les moyens sont difficiles, les leviers délicats dans un monde concurrentiel, mais si nous portons ces sujets ensemble, les opérateurs nous entendront. Jusqu'à présent, ils nous écoutaient seulement d'une oreille du fait de l'insuffisance de l'association entre les collectivités et l'État.
J'insiste sur cet aspect, car il doit orienter les débats qui se tiendront au Sénat la semaine prochaine.
M. Jean-François Longeot. - Je partage ces propos : un accord doit être trouvé entre les élus, les parlementaires et le Gouvernement sur le déploiement de la téléphonie mobile et du numérique. Annie Genevard, élue dans le même département que moi, m'avait déjà alerté à ce sujet. Nous devons aller vite, mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Trente ans après le texte fondateur, profitons de ce projet de loi pour montrer notre volonté commune de convaincre les opérateurs et, ainsi, envoyer un signal très fort à nos territoires ruraux, qui en ont bien besoin. C'est l'occasion de faire aboutir ce projet du haut débit numérique et de la téléphonie mobile.
M. Claude Bérit-Débat. - Je me félicite du bon climat dans lequel s'est déroulé l'examen de ce projet de loi à l'Assemblée nationale et des moyens que vous avez employés pour y parvenir, monsieur le ministre. Sur ce texte de consensus, les sénateurs ont manifesté une volonté commune d'avancer.
Concernant la téléphonie mobile et le très haut débit, il ressort de nos débats que ce problème est spécifique non pas aux zones de montagne, mais aux territoires ruraux. Je représente la Dordogne, où l'on ne trouve aucune montagne, mais étant béarnais, en bas du pic du midi d'Ossau, je connais bien la problématique des montagnes !
J'espère que nous pourrons profiter de cette loi Montagne pour avancer sur ces deux problématiques. L'absence de couverture est un problème récurrent en montagne, dans les vallées d'Aspe et d'Ossau, mais aussi dans nombre de communes situées dans un territoire rural. Le problème se pose dans les mêmes termes pour le très haut débit, en faveur duquel des efforts financiers importants ont été réalisés, même s'ils ont fait l'objet de nombreux débats au sein de notre commission. Mettons-les à profit pour les zones AMII. Surtout, il faut exercer du lobbying pour obtenir des changements de la part des opérateurs. Monsieur le ministre, votre rôle est essentiel pour que l'État soit un interlocuteur exigeant.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Je me félicite de l'excellent état d'esprit dans lequel démarre ce débat. Par nature, je préfère cultiver les convergences. En outre, lorsqu'il s'agit de sujets d'intérêt général et du bien-être de nos concitoyens, il est préférable de travailler main dans la main. Quelle que soit notre sensibilité politique, nos administrés rencontrent les mêmes difficultés.
Monsieur Roux, je vous remercie de votre contribution en faveur de la montagne, et plus généralement de la ruralité.
Pour ce qui est de l'accès à la téléphonie mobile et au numérique, il faut remonter au péché originel : quand l'État a vendu les fréquences, il a remarquablement négocié le prix de vente, ce qui est tout à son honneur ! Mais il n'a mené aucune discussion avec les opérateurs concernant un cahier des charges de l'aménagement du territoire. Par conséquent, ces grandes sociétés multinationales, qui ne sont pas des philanthropes, sont allées là où les gains pouvaient être fructueux, c'est-à-dire vers les centres urbains. Elles ont complètement délaissé la ruralité, la montagne, les zones défavorisées, enclavées, parfois même le périurbain.
Nous avons l'impérieux devoir de revenir sur cette situation. Commençons par le faire au travers de la loi Montagne. Les opérateurs ont certes été sollicités parfois bien au-delà de leurs propres problématiques, mais ce n'est pas une raison pour qu'un certain nombre de nos concitoyens en pâtissent. Essayons donc d'imposer plus de contraintes aux opérateurs. Je le dis avec d'autant plus de liberté que, lors de ce débat à l'Assemblée nationale, j'avais légèrement freiné le processus en m'engageant à rencontrer les opérateurs, qui nous avaient eux-mêmes promis de formuler des propositions avant le débat sénatorial. Ils ne nous ont rien proposé du tout !
Nous devons donc avancer ensemble, dans le respect des grands équilibres et de ce qui est possible, y compris pour les zones AMII. Nous devrons faire face à des oppositions, et non des moindres. Je me souviens avoir été invité par Emmanuel Macron à Bercy pour participer à une réunion avec les opérateurs, contrariés d'être ensemble ce jour-là. Le ministre leur avait annoncé que, si personne ne voulait avancer, il aurait recours à la loi. Nous y sommes avec cette loi Montagne, qui devra ensuite s'appliquer à l'ensemble du territoire.
J'ai rencontré le président de l'ARCEP, Sébastien Soriano, pour évoquer les problèmes liés aux fameuses mesures de couverture. L'Autorité a réalisé un travail remarquable et publiera très prochainement de nouvelles cartes afin d'identifier les zones bien couvertes, celles où la couverture touche seulement l'extérieur des immeubles et les zones dépourvues de couverture. Nous saurons ainsi de quoi nous parlons. L'ARCEP est très désireuse de créer les conditions pour que l'on avance rapidement sur ce sujet.
Messieurs les sénateurs, vous pourrez compter sur mon soutien sur ce dossier. Nous pourrions trouver des points d'accord d'ici à la séance publique. Si nous ne prenons pas quelques mesures législatives contraignantes, nous n'en sortirons pas. C'est pourtant indispensable, car la fracture numérique n'est plus acceptable !
M. Rémy Pointereau. - Les zones de montagne sont moins bien pourvues en très haut débit et en téléphonie mobile, mais c'est aussi la situation de certaines zones de plaines. La fracture numérique entre les zones rurales et les zones urbaines s'étend, les premières devant financer elles-mêmes leurs équipements. C'est inacceptable ! Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour négocier avec les opérateurs.
Désignations de rapporteurs
La commission a désigné M. Jean-François Mayet, rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 19 (2016-2017), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
La commission a désigné M. Michel Vaspart, rapporteur sur la proposition de loi n° 176 (2016-2017), adoptée par l'Assemblée nationale, portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique.
La réunion est close à 17 h 25.