Mercredi 2 novembre 2016

- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président -

Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - Examen des amendements de séance sur les articles délégués au fond sur le texte de la commission des lois

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Article 29 bis B

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 51 a déjà été présenté en première lecture et rejeté. Il introduit une question nouvelle par rapport aux dispositions déjà votées en première lecture en matière d'assurance emprunteur et semble tomber sous le coup d'une irrecevabilité au titre de l'article 45 de la Constitution, sur laquelle je souhaite que la commission des lois se prononce.

Sur le fond, les contrats de prêt et la prestation ou la vente qu'ils permettent de financer sont des opérations juridiquement et matériellement indépendantes, qui font intervenir des opérateurs exerçant des prestations et des métiers différents. Il ne semble pas raisonnable de mettre à la charge du prêteur une obligation de surveillance du professionnel qui exécute le contrat de vente ou de service, au risque de voir la distribution de crédits affectés s'effondrer du fait des risques de mise en jeu de la responsabilité des dispensateurs de crédit dans des conditions qu'ils ne seraient pas à même de contrôler matériellement. Défavorable sur le fond, donc, mais il me semble qu'il y a d'abord matière à irrecevabilité.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - En effet, nous suggérerons à la commission des lois de prononcer l'irrecevabilité.

La commission propose à la commission des lois de prononcer l'irrecevabilité de l'amendement n° 51.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Mon intervention vaudra pour les amendements nos53, 1, 4, 25, 59, 64, 102 et 125 déposés pour rétablir le III de cet article que nous avons supprimé en commission. Nous avons rejeté le rétablissement de ce dispositif pour deux raisons, qui tiennent plus à la méthode qu'au fond.

La première raison est de procédure : il convient en effet de réduire, au fur et à mesure de la navette, les dispositions ouvertes. Il y a donc lieu d'éviter de les rouvrir sur des questions qui ne sont pas directement en lien avec le texte. Je ne nie pas qu'il y a un lien avec les dispositions de l'article 29 bis B adopté en première lecture dans les deux chambres, mais la question traitée est malgré tout différente de celle qui faisait le coeur de cet article en première lecture, à savoir l'information des emprunteurs sur les documents qu'ils doivent produire au soutien de leur demande de substitution.

Mais surtout, le dispositif a été rejeté en première lecture par l'Assemblée puis par le Sénat. Pour le bon déroulement de la procédure parlementaire, dont on ne cesse de dire qu'elle est trop longue et complexe, est-il raisonnable de rouvrir une discussion sur un point que tant l'Assemblée que le Sénat n'ont pas entendu aborder en première lecture ? Le Conseil constitutionnel nous éclairera peut-être, s'il est saisi, sur la justesse de cette analyse.

Si l'on suit ce raisonnement, cet amendement et les amendements analogues semblent tomber sous le coup d'une irrecevabilité au titre de l'article 45, sur laquelle je souhaite également que la commission des lois, saisie au fond, se penche.

La seconde raison est relative à la manière dont nous devons légiférer. Voilà plusieurs années que la question du droit de substitution se pose. La loi du 17 mars 2014 l'a résolu partiellement et a imposé au Gouvernement la remise d'un rapport en mars 2017. Des travaux conduits par le Comité consultatif du secteur financier sont en cours : est-il raisonnable de décider immédiatement sur un sujet qui met en jeu des questions complexes, sans disposer de toutes les informations pertinentes ? Quel recul avons-nous sur la réforme de 2014 ? Peu de chose aujourd'hui, mais sans doute plus dans les prochains mois.

Mes différentes auditions montrent qu'il convient de s'interroger sur le modèle économique actuel de ce secteur et que les approches en la matière sont très divergentes. On peut avoir une approche à très court terme mais il faut aussi envisager les conséquences à plus long terme d'une modification de l'état du droit et, en conséquence, d'un renforcement de la segmentation du marché. Je regrette qu'aucune des auditions et aucune des contributions reçues n'aient été en mesure de m'éclairer suffisamment sur ce point.

Sur le plan juridique, ces amendements suscitent en outre deux interrogations : d'une part, s'appliquent-ils au stock des contrats en cours ? Si oui, n'y a-t-il pas un risque juridique à remettre en cause l'économie de contrats qui ont été négociés alors qu'un tel droit de résiliation annuel n'existait pas ? C'est tout le problème du principe de la sécurité juridique, dont la méconnaissance est sanctionnée par le juge. D'autre part, il conviendrait de prévoir des mesures de coordination au sein du code de la consommation, qu'aucun de ces amendements ne prévoit complètement.

Dans ces conditions, il y a lieu de renouveler la position initiale de la commission, étant entendu que dès que les études seront disponibles, il conviendra de trancher ce débat. Je propose que notre commission, éventuellement avec celle des finances, se saisisse de ce sujet et mène une réflexion approfondie à l'aune des informations prochainement disponibles. On ne peut donc être favorable aux amendements nos 53, 1, 4, 25, 59, 64, 102 et 125, et il convient que la commission des lois statue sur leur recevabilité.

M. Yannick Vaugrenard. - Ces amendements traitent de l'assurance emprunteur qu'il serait possible de résilier non pas seulement la première année mais à tout moment. De nombreux sénateurs ont déposé des amendements similaires, ce qui prouve la sensibilité du sujet. Les conséquences financières pour les emprunteurs peuvent être lourdes ou avantageuses, selon les situations. Les économies pourraient se monter à 1 000 euros par an et par dossier.

Je note que ce qui restait exceptionnel il y a encore six mois est devenu courant : le principe de l'entonnoir et le recours à l'article 45 de la Constitution sont désormais régulièrement évoqués. Peut-être est-ce un peu exagéré. Le Conseil constitutionnel a indiqué que des adjonctions ne sauraient être apportées au texte soumis à la délibération des assemblées après la réunion de la commission mixte paritaire. Ensuite, les amendements doivent avoir une relation directe avec les dispositions du texte qui restent en discussion. Or ces amendements ont une relation particulièrement directe avec l'article 29 bis B.

Les banques sont intervenues auprès de nous, estimant que le fait de remettre en cause l'assurance emprunteur sur toute la durée de l'emprunt leur poserait des problèmes d'équilibre financier. D'après elles, les taux extrêmement bas les mettent en difficulté. Or, les derniers résultats semestriel de BNP-Paribas, de la Société Générale, du Crédit Agricole, du Crédit Mutuel, du groupe Banques Populaires -Caisses d'épargne ont montré une augmentation de leurs profits de près de 14 milliards d'euros-, soit 8 % de plus que l'an passé. Les banques ont retrouvé leur niveau d'activité et de bénéfice d'avant la crise de 2008.

En revenant sur le texte adopté initialement, nous donnerions un coup de pouce au pouvoir d'achat des emprunteurs et au secteur du bâtiment et travaux publics.

Ne soyons pas timorés en invoquant des rapports à venir : votons ces amendements.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Le recours à l'article 45 de la Constitution est effectivement nouveau et il résulte des travaux des groupes de travail que le Président du Sénat a constitués avec tous les représentants des groupes parlementaires du Sénat. Parmi les résolutions adoptées, il a été décidé de rendre les lois moins bavardes. Le temps des lois « auberge espagnole », surtout en fin de mandature, devrait avoir vécu.

Lors de la discussion d'un précédent projet de loi en séance publique, un groupe d'opposition a laissé entendre que la mise à l'écart de certains amendements résultait d'un parti pris politique. Or, les groupes les plus touchés par l'application de l'article 45 étaient Les Républicains et l'UDI-UC : les deux groupes totalisent près de la moitié des amendements déclarés irrecevables.

Le grave inconvénient de ces amendements de dernière minute est que leur impact n'est pas mesuré. Si nous ne voulons plus de rapports, nous devons exiger des études d'impact sur les mesures qui nous sont présentées.

M. Bruno Sido. - Je vous rejoins, monsieur le Président, mais combien de projets de loi ne comportent pas d'études d'impact ?

L'article 45 n'est pas aussi détaillé qu'on veut bien le dire. En outre, pourquoi interdire de représenter un amendement qui a été repoussé en première lecture ? La situation peut avoir évolué entre temps.

Enfin, le droit d'amender est fondamental : si l'on retire ce droit au législateur, autant qu'il reste chez lui.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Non, les parlementaires ne sont pas privés de leur droit d'amender ! Mais ils doivent se concentrer sur l'objet du texte.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Ces amendements évoquent un sujet différent par rapport à ce qui a été voté en première lecture par l'Assemblée et par le Sénat : seule la question de l'information des emprunteurs figure dans le texte.

Les banques ont fait entendre leur position, mais les assurances aussi. Alors que le Sénat a commandé une étude d'impact pour le début de l'année prochaine, vous voudriez qu'on légifère déjà ? N'oublions pas les conséquences de ces dispositions sur les personnes les plus fragiles. Certes, les jeunes et les personnes en bonne santé tireraient profit de cette mesure, mais les autres ?

Dès que nous disposerons de cette étude, je vous proposerai de travailler, le cas échéant, avec la commission des finances pour parvenir à une solution équilibrée.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Notre rapporteur suggère à la commission des lois de déclarer ces amendements irrecevables au titre de l'article 45.

M. Yannick Vaugrenard. - Nous votons contre.

La commission propose à la commission des lois de prononcer l'irrecevabilité de l'amendement n° 53 ainsi que des amendements identiques nos 1, 4, 25, 59, 64, 102 et 125 au titre de l'article 45 de la Constitution.

Article 31 ter

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 15 propose que les entreprises de grande distribution prennent en charge les coûts de création des produits de marque de distributeur (MDD). L'idée est généreuse mais elle risque d'avoir des effets défavorables en encadrant de façon rigide le processus de création des produits MDD. Surtout, cet amendement risque de renforcer la position des distributeurs. Retrait ou avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 15 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 36

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Les amendements nos 24 et 27 avaient été déposés en commission en première lecture et rejetés. Certes, l'amende prononcée doit être proportionnée à la taille de l'entreprise, mais cette dernière n'est pas le seul paramètre à prendre en considération : la durée du délai de paiement effectivement pratiquée doit jouer dans la définition du quantum. D'autre part, d'ores et déjà, l'amende administrative doit respecter un principe de proportionnalité en fonction de la gravité de l'agissement, de son caractère volontaire et de la position de son auteur. Retrait ou avis défavorable.

La commission demande le retrait des amendements nos 24 et 27 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 38

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Contrairement à ce qu'indique le président Mézard dans son amendement n°124, nous n'avons pas supprimé le stage préalable à l'installation des artisans. Les artisans se sont d'ailleurs félicités du texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et le Sénat. Certes, le Gouvernement avait envisagé de remettre en cause ce stage préalable mais, en séance publique, il a été rétabli. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 124.

Article 43 ter

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Les amendements nos 28 et 26 proposent de réduire de 50 à 15 ou 30 salariés les seuils au-delà desquels une entreprise artisanale ne serait pas autorisée à demeurer immatriculée au répertoire des métiers.

Restons-en au seuil de 50 : le monde artisanal a nettement évolué. En outre, il ne faut pas créer de seuils supplémentaires : les seuils de 15 ou de 30 n'existent pas. Enfin, n'oublions pas les conséquences financières que de tels amendements auraient sur les chambres de métiers et les chambres de commerce et d'industrie. Retrait ou avis défavorable.

La commission demande le retrait des amendements nos 28 et 26 et, à défaut, y sera défavorable.

La réunion est levée à 9 h 56.

Les avis de la commission sont repris dans le tableau ci-après.

Article 29 bis B

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. CORNANO

51

Obligation pour le prêteur proposant des crédits affectés par le biais d'un partenaire de vérifier sa solvabilité et ses capacités professionnelles

Irrecevable

M. CORNANO

53

Instauration d'un droit de substitution annuel pour l'assurance-emprunteur dans le cadre d'un crédit immobilier, et diverses coordinations

Irrecevable

M. VASSELLE

1

Instauration d'un droit de substitution annuel pour l'assurance-emprunteur dans le cadre d'un crédit immobilier

Irrecevable

M. HOUPERT

4

Instauration d'un droit de substitution annuel pour l'assurance-emprunteur dans le cadre d'un crédit immobilier

Irrecevable

M. M. BOURQUIN

25

Instauration d'un droit de substitution annuel pour l'assurance-emprunteur dans le cadre d'un crédit immobilier

Irrecevable

M. CANEVET

59 rect.

Instauration d'un droit de substitution annuel pour l'assurance-emprunteur dans le cadre d'un crédit immobilier

Irrecevable

M. GATTOLIN

64

Instauration d'un droit de substitution annuel pour l'assurance-emprunteur dans le cadre d'un crédit immobilier

Irrecevable

M. BOCQUET

102

Instauration d'un droit de substitution annuel pour l'assurance-emprunteur dans le cadre d'un crédit immobilier

Irrecevable

M. COLLOMBAT

125

Instauration d'un droit de substitution annuel pour l'assurance-emprunteur dans le cadre d'un crédit immobilier

Irrecevable

Article 31 ter

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme GATEL

15

Mise à la charge des distributeurs des coûts de création des nouveaux produits alimentaires sous marque de distributeur

Défavorable

Article 36

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. REICHARDT

24

Gradation des sanctions pour méconnaissance des délais de paiement en fonction de la taille et du chiffre d'affaires

Défavorable

M. REICHARDT

27

Gradation des sanctions pour méconnaissance des délais de paiement en fonction de la taille et du chiffre d'affaires

Défavorable

Article 38

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. MÉZARD

124

Suppression de cet article.

Défavorable

Article 43 ter

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. CANEVET

28 rect.

Fixation à 15 salariés du plafond du droit de suite pour l'immatriculation au répertoire des métiers

Défavorable

M. RAISON

26

Fixation à 30 salariés du plafond du droit de suite pour l'immatriculation au répertoire des métiers

Défavorable

Loi de finances pour 2017 - Audition de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt

La réunion est ouverte à 16 h 35

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous avons le plaisir de recevoir M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, venu nous présenter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Au-delà des aspects purement budgétaires, cette rencontre nous offre l'occasion de débattre des orientations de la politique agricole du pays et de la situation du monde agricole.

Vous connaissez, monsieur le ministre, la contribution que le Sénat apporte au débat dans ce domaine et à l'élaboration de mesures utiles à l'agriculture française. Je pense en particulier à la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire : si elle n'est pas allée jusqu'au terme de son parcours parlementaire, un certain nombre de ses dispositions ont été reprises dans d'autres textes, en particulier le projet de loi de finances pour 2017 et le projet de loi dit Sapin II, notamment en ce qui concerne l'allègement des normes et la recherche d'un meilleur équilibre entre les acteurs des filières alimentaires.

Le Sénat joue son rôle pour rappeler que le secteur agricole reste un pilier de notre économie et de nos territoires. Or le monde agricole a dû faire face au cours de l'année 2016 à de graves difficultés, qui se sont ajoutées à celles de l'année précédente. Nous sommes, monsieur le ministre, d'autant plus impatients de vous entendre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. - J'ai toujours plaisir à venir au Sénat pour débattre des grands enjeux agricoles, notamment devant votre commission. Il me revient cet après-midi de vous présenter le budget de l'agriculture inscrit dans le projet de loi de finances pour 2017.

Ce budget est marqué par une hausse de 15 % des crédits de paiement par rapport à ceux inscrits dans la loi de finances pour 2016. Ces crédits s'établiront l'an prochain à 5,12 milliards d'euros en crédits de paiement, tandis que les autorisations d'engagement atteindront 5,16 milliards d'euros.

Cette augmentation du budget de l'agriculture est directement liée à la baisse de sept points des cotisations sociales décidée dans le cadre du plan de soutien aux agriculteurs en difficulté. Puisqu'il faut continuer à financer la sécurité sociale des agriculteurs, cette baisse de cotisations sera compensée à la Mutualité sociale agricole par des crédits budgétaires à hauteur de 480 millions d'euros.

À titre de comparaison, je rappelle que, dans la loi de finances pour 2012, le budget de l'agriculture s'élevait à 5,07 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 5 milliards d'euros en crédits de paiement. Il a donc connu une augmentation qui mérite d'être soulignée dans le contexte que vous connaissez.

Ce budget s'inscrit dans une action globale en faveur de l'agriculture, qui inclut l'ensemble des aides versées au titre de la politique agricole commune, à hauteur de 9 milliards d'euros - nous reviendrons sans doute sur les retards de versement consécutifs à la redéfinition globale du registre parcellaire graphique français - ainsi que des dépenses fiscales, pour près de 1,5 milliard d'euros supplémentaires l'année prochaine. Il faut mentionner aussi les allègements de charges fiscales et sociales liés au pacte de responsabilité et de solidarité : au-delà des 480 millions d'euros dont j'ai déjà parlé, ces allègements représenteront 4 milliards d'euros en 2017, contre 1,8 milliard en 2012. En d'autres termes, l'effort consenti pour la compétitivité de l'agriculture, un enjeu qui vous tient à coeur, atteint 2 milliards d'euros.

Parallèlement à ces efforts, j'ai cherché à maintenir des priorités budgétaires.

Ainsi, dans le domaine sanitaire, nous allons poursuivre la création de postes de vétérinaires : 60 postes supplémentaires seront créés l'année prochaine, en sorte que, en trois ans, nous aurons créé 180 postes au total, dans un domaine où les contrôles sont très importants, notamment dans les abattoirs. La hausse de près de 5 % de ce poste de dépenses reflète une orientation structurante de notre politique agricole ; je ne reviens pas sur les images diffusées par l'association L214, ni sur les travaux de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français.

De même, nous continuons à financer la priorité pour la jeunesse à travers l'enseignement agricole, qui se voit allouer 1,42 milliard d'euros pour 2017, une dotation en hausse de 2,5 % par rapport à 2016. Quant aux crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche dans le domaine agricole, ils s'élèveront l'année prochaine à 341 millions d'euros, en hausse de 3 %. Au terme du quinquennat, le ministre de l'agriculture que vous avez devant vous aura atteint l'objectif qu'il s'est fixé de créer 1 000 postes d'enseignants et d'aides enseignants dans l'enseignement agricole. Encore faut-il tenir compte des 80 postes que nous aurons créés dans la recherche. Au total, ce sont 1 095 postes qui auront été créés dans ce domaine : un peu plus, donc, que l'objectif prévu. Cet effort porte ses fruits, puisque les inscriptions dans l'enseignement agricole sont en hausse, dans le public comme dans le privé, au point que le retard qui avait été pris, en particulier dans le public, a été rattrapé. Il y a là un progrès très important du point de vue de l'équilibre général de la présence territoriale de l'enseignement agricole.

Nous donnons aussi la priorité à l'élevage, comme en témoigne l'augmentation des crédits alloués à l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), qui s'élèvent désormais à 264 millions d'euros, permettant d'atteindre au total avec les crédits européens une enveloppe de 1,056 milliard d'euros, soit le milliard annoncé par le Président de la République lors de son discours de Cournon-d'Auvergne. L'ICHN se voit donc allouer pour l'année prochaine près de 300 millions d'euros de plus qu'en 2012. Vous n'ignorez pas combien ce sujet est sensible dans toutes les zones d'élevage, en particulier dans le bassin allaitant.

Nous poursuivons également le travail entrepris avec les régions dans le cadre du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE), au profit de la modernisation des bâtiments d'élevage ; près de 85 millions d'euros d'autorisations d'engagement sont inscrits dans le budget pour 2017, ce qui porte à 350 millions d'euros le soutien public, permettant un montant d'investissements de 1 milliard d'euros au total. Cet enjeu est important, car la modernisation des bâtiments, notamment d'élevage, et l'investissement dans l'agriculture sont aussi un facteur de compétitivité.

Par ailleurs, le ministère de l'agriculture poursuit ses efforts de fonctionnement partout où ils sont nécessaires, au niveau de l'administration centrale comme des services déconcentrés. Désormais, en termes de fonctionnement et de personnel, l'enseignement et la recherche représentent un peu plus de 60 % du budget du ministère de l'agriculture.

S'agissant enfin de la forêt, j'avais pris l'engagement, devant le Sénat, de mobiliser au moins 100 millions d'euros pour le fonds stratégique de la forêt et du bois : un quart apporté par l'État, un autre par l'Union européenne, un troisième par les régions et le dernier issu de financements innovants. En ce qui le concerne, l'État va abonder ce fonds stratégique à hauteur de 28 millions d'euros, soit au-delà des 25 millions d'euros sur lesquels je m'étais engagé devant votre assemblée. Un appel a été lancé la semaine dernière à Mende au sujet du renouvellement des plantations forestières : cet enjeu correspond tout à fait à l'objectif du fonds stratégique. Par ailleurs, une réunion se tiendra lundi prochain sur les financements innovants. Je tenais à insister devant vous sur notre politique forestière, car, chaque fois qu'il s'est agi de discuter du budget de la forêt, les sénatrices et les sénateurs ont été au rendez-vous !

M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur pour avis. - Je tiens à revenir sur l'initiative que nous avons prise en ce qui concerne les risques économiques, une question qui préoccupe beaucoup notre commission. Sur ce sujet, je crois que nous avons réalisé un travail plutôt convenable et assez consensuel. Il nous a permis de mesurer toutes les difficultés liées à ce dossier, des difficultés qui ne pourront être résolues qu'avec une architecture de la PAC complètement différente. J'espère que notre investissement intellectuel et technique sera poursuivi au moment de la révision des mécanismes de la PAC.

S'agissant des risques climatiques, nous poursuivons notre réflexion avec la conviction que de beaux progrès peuvent être rapidement accomplis. Il s'agit de savoir quelles cultures seront concernées, s'il faut ou non une généralisation du dispositif et, bien entendu, quelles seront les contributions publiques. Si nous pouvions compter sur les contributions de l'État, des collectivités territoriales et, surtout, de l'Union européenne, des avancées seraient possibles dans un délai assez court, au moins pour une partie des cultures. Nous considérons que ce n'est pas impossible ! En tout cas, les masses financières en jeu sont importantes, et un tel dispositif soulagerait assurément le monde agricole.

Nous savons très bien que, dans l'état où elle est, notre agriculture ne peut plus se payer le luxe de pépins climatiques. Nous savons également que les systèmes actuels sont perfectibles. Monsieur le ministre, quel est votre point de vue sur le sujet ?

Par ailleurs, nous espérons obtenir cet après-midi des explications complémentaires sur les critères de redécoupage des zones défavorisées. Si les critères européens sont maintenus, il y aura des mini-catastrophes ! Mais si nous parvenons à définir des critères différents, correspondant aux réalités régionales, le coup pourra être amorti. Le monde agricole est très attentif à ce sujet, étant donné que diverses aides financières, à commencer par l'ICHN, sont étroitement liées à ce zonage. Sa révision ne peut pas être opérée à l'aune des seuls critères européens.

M. Gérard Bailly. - Je ne nie pas les efforts que vous faites, monsieur le ministre, et loin de moi l'idée de vous faire un procès d'intention. Reste que, quand on parcourt nos campagnes, comme vous le faites, on voit bien que les problèmes demeurent. De fait, la conjoncture est difficile, et les difficultés climatiques de cette année n'ont évidemment rien arrangé.

Je voudrais savoir où l'on en est sur les produits phytosanitaires, car une certaine cacophonie règne sur le sujet.

En ce qui concerne les zones défavorisées, 149 communes de mon département en sont exclues par le redécoupage, et 17 seulement y sont intégrées : au total, le Jura perdrait donc 132 communes avec les nouveaux critères ! La prime à l'herbe ayant été conjuguée à l'ICHN, la perte sera très forte pour les exploitations concernées - entre 5 000 et 20 000 euros par exploitation, selon les organisations agricoles. Sans compter qu'une bonification est prévue pour l'installation des jeunes agriculteurs en zone défavorisée. Peut-être ne pourra-t-on rien faire, parce que c'est Bruxelles ; mais le mécontentement risque de grossir encore dans nos campagnes ! Je crois que nous pouvons rattraper 10 % des possibilités, mais les communes concernées sont des dizaines, voire des centaines, dans nombre de départements.

Il y a aussi le problème du commerce extérieur. Pour ce qui est du lait, une petite reprise se manifeste, mais la conjoncture reste très difficile. S'agissant de l'élevage, des veaux sont aujourd'hui vendus à 40, voire 30 euros ! Au moment où nous vendons des bêtes de réforme, nous souffrons particulièrement de la mauvaise conjoncture. Ne peut-on pas mieux faire au niveau de l'exportation de bétail ? Dès que les courants d'exportation repartent, la conjoncture s'améliore, sans qu'il en coûte beaucoup au ministère de l'agriculture.

Mon propos n'est pas destiné à vous attaquer, monsieur le ministre, mais à nous permettre de trouver des solutions ensemble.

M. Henri Cabanel. - Cette audition est l'occasion de dresser le bilan de la mandature et des engagements du président Hollande.

Le budget de l'agriculture sera plus élevé en 2017 qu'en 2012. L'ICHN a augmenté de plus de 30 %, et l'aide à la modernisation des exploitations de plus de 77 %. Dans le domaine agro-environnemental, les crédits ont crû de plus de 97 %. Quant aux aides à l'agriculture biologique, elles ont augmenté de plus de 78 %.

En ce qui concerne la sécurité sanitaire, 185 postes supplémentaires ont été créés depuis 2015. L'enseignement agricole a bénéficié de 1 095 postes supplémentaires, et les bourses ont augmenté de plus de 12 %.

Les effectifs du ministère ont été stabilisés - 200 postes en moins ; ses moyens de fonctionnement ont été réduits de 23 %, ce qui représente un effort considérable.

Notre agriculture a subi de très nombreux aléas qui l'ont placée dans une situation dramatique : certains économiques - je pense à l'embargo russe et à la fin des quotas laitiers -d'autres sanitaires, d'autres enfin climatiques. Sur ce dernier point, nous partageons tous la volonté, exprimée par Jean-Jacques Lasserre, d'aller plus loin dans le domaine assurantiel. Nous nous réjouissons que le Sénat ait voté à l'unanimité la proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture.

Nous saluons l'effort réalisé en faveur de la dotation jeunes agriculteurs, mais nous sommes un peu critiques en ce qui concerne l'évolution des subventions aux Safer. Ces organismes sont en mesure d'aider les jeunes agriculteurs à s'installer, mais il faudrait leur donner davantage de moyens. Dans mon département, un rapprochement a été conduit avec les établissements publics fonciers, qui ont parmi leurs compétences le foncier agricole. Ce rapprochement me paraît souhaitable, car les établissements publics fonciers peuvent apporter un financement et les Safer prendre des mesures en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs et du soutien aux entreprises.

M. Daniel Dubois. - Un certain consensus a entouré le rapport du groupe de travail du Sénat sur l'excès des normes en agriculture. Je n'ignore pas, monsieur le ministre, que vous avez oeuvré à la simplification ; je pense en particulier au régime d'enregistrement des porcins. Une commission a été installée et notre collègue Odette Herviaux a été chargée par le Gouvernement de présenter des propositions. Je crois que vous avez annoncé une simplification de la procédure d'enregistrement pour les bovins. Qu'en est-il et, d'une manière générale, où en est le travail de simplification des normes ? S'agissant plus particulièrement des pesticides, comment le dispositif évolue-t-il par rapport au premier projet, qui était quasiment inapplicable ?

M. Joël Labbé. - Je veux mettre l'accent sur le programme Ambition bio 2017, au moment où l'on observe une croissance fulgurante de la demande de conversion vers l'agriculture biologique - une agriculture extrêmement normée, mais de façon acceptée.

En cette période dramatique de crise agricole, il y a des solutions possibles, notamment via l'ancrage territorial de l'alimentation.

Les moyens nécessaires doivent être prévus non seulement pour la conversion - certains agriculteurs conventionnels seraient prêts à franchir le pas, mais sont coincés faute de moyens - mais aussi pour le maintien jusqu'à ce que la rentabilité soit assurée et pour l'accompagnement à travers les crédits d'animation. Malgré tous vos efforts, monsieur le ministre, les moyens prévus ne seront pas à la hauteur des attentes.

En ce qui concerne l'aide à la modernisation, les discours tournent toujours autour de la compétitivité ; Gérard Bailly vient encore d'insister sur le soutien à l'exportation. D'autre part, les possibilités d'importation de viande canadienne vont être multipliées par quatre à la suite de la signature de l'accord Ceta. Cette politique ne peut nous convenir.

Il ne s'agit pas d'opposer les agricultures les unes aux autres, mais d'encourager la forte demande vers l'agriculture biologique, qui est vertueuse en termes d'environnement et de santé et correspond aux attentes de nos concitoyens, notamment en matière de proximité. Encore 40 % de la volaille consommée dans notre pays est importée, alors que nous sommes exportateurs de volailles...

M. Daniel Gremillet. - L'un de nos collègues a parlé tout à l'heure de bilan ; il me semble que l'agriculture et l'agroalimentaire de notre pays n'ont pas besoin de bilan, mais d'une stratégie d'avenir.

M. le ministre, vous avez souligné l'effort budgétaire accompli en faveur de l'enseignement agricole. De fait, on ne parle pas assez de l'engouement qui se manifeste pour cette filière, ni du délai extrêmement court, plus court que dans toutes les autres filières, qui sépare la fin d'études d'un jeune et son entrée dans la vie active. La création de 1 000 postes supplémentaires dans l'enseignement agricole profitera non seulement à l'agriculture, mais aussi aux autres secteurs d'activité, puisqu'un nombre notable de jeunes gens formés dans cette voie ne restent pas dans le secteur agricole.

Pour préparer l'avenir, il faut, même en situation de crise, continuer d'investir. Il est donc essentiel que le budget de l'agriculture pour 2017 comporte des crédits fléchés vers l'aide à l'investissement, notamment dans les secteurs en crise, comme l'élevage. Les périodes difficiles sont l'occasion de rebattre les cartes et de réfléchir de manière plus hardie pour imaginer de nouvelles perspectives.

Vous avez mentionné la création de 60 postes de vétérinaires pour, notamment, contrôler les abattoirs. Ces postes supplémentaires n'apporteront rien sur le plan de la sécurité alimentaire ! Je ne le dis pas pour critiquer, mais parce qu'on est en train de tomber dans le piège d'images parfois choquantes, mais qui ont aussi été exploitées. Il y a des abattoirs qui fonctionnent bien. Malheureusement, dans notre pays, on a tendance à parler surtout de ce qui va mal... Peut-être les mesures prises amélioreront-elles le bien-être animal dans la phase finale avant l'abattage, mais elles n'apporteront rien du point de vue de la compétitivité ni du point de vue de la qualité sanitaire, qui est déjà élevée.

Cette année, la situation ne s'est pas redressée en ce qui concerne les productions animales et les conditions climatiques ont été très mauvaises ; de nombreuses productions sont dans une situation très dégradée, de sorte que le vieux dicton paysan « il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier » n'a pas fonctionné. Le budget présenté pour 2017 n'est pas à la hauteur des pertes financières supportées par l'agriculture. En particulier, les moyens alloués à l'aide aux agriculteurs en grande difficulté sont très insuffisants au regard de la gravité de la situation.

La dégradation des marchés est aussi liée à la situation internationale, notamment à l'embargo décidé par la Russie. Or l'Union européenne ne met en oeuvre aucun accompagnement budgétaire significatif sur des crédits extérieurs à la PAC. En d'autres termes, on fait supporter par le seul budget agricole les conséquences financières d'une décision politique européenne !

En ce qui concerne les zones défavorisées, il est nécessaire que le ministre nous apporte des éclaircissements. N'oublions pas que la France a été pionnière en Europe pour la politique de compensation des handicaps naturels ! Il ne s'agirait pas que nous soyons les perdants du nouveau zonage, parce que nous n'aurions pas été suffisamment attentifs aux critères définis à Bruxelles.

S'agissant de l'installation des jeunes, je regrette que nous ayons manqué l'occasion de nous rapprocher des pays du nord de l'Europe, où des prêts de carrière facilitent l'accès du plus grand nombre au métier d'agriculteur.

Par ailleurs, je signale que tous les paysans continuent de payer pour le fonds national de gestion des risques en agriculture, alors que tous ne peuvent pas en bénéficier ; en effet, dès lors qu'une calamité est assurable, le fonds ne peut pas être sollicité. Dommage que nous n'ayons pas été beaucoup plus offensifs sur la stratégie à adopter en matière de calamités.

Enfin, le fonds stratégique de la forêt et du bois suscite une grande espérance, mais la réalité n'en est pas à la hauteur. Chaque année, notre pays gagne en forêt, mais perd en reboisement, alors que la forêt qui est une ressource pour l'économie est celle qui résulte d'un reboisement maîtrisé. L'attente est très forte, mais le budget pour 2017 n'est pas au niveau de l'ambition que l'on doit avoir en matière forestière !

M. Franck Montaugé. - Je salue la réussite de la négociation du dernier budget de la PAC jusqu'en 2020. Bien sûr, on peut toujours regretter que ce niveau ne soit pas encore supérieur, mais on se rendra compte en 2020 qu'il est resté élevé pour l'agriculture française.

Je salue également l'action menée par le ministère depuis cinq ans, notamment sur le plan structurel. Les agriculteurs en appellent souvent, à juste titre, à des réformes structurelles. Il reste certainement beaucoup à faire dans ce domaine, mais le pacte de responsabilité et le CICE ont été bénéfiques pour notre agriculture. D'autre part, le ministère a su faire face à des crises multiples et répétées dans pratiquement tous les secteurs en mettant en place des aides conjoncturelles.

En ce qui concerne l'ICHN et les zones défavorisées, vous avez souligné, M. le ministre, l'enjeu de la réforme pour les bassins allaitants. Dans le Gers, des bassins allaitants ont disparu, mais il reste de la production de viande ; la préservation des cheptels dans les territoires à faible potentiel agronomique, notamment les territoires de coteaux, est un enjeu considérable. Comme nos collègues, nous nous interrogerons sur les critères utilisés pour définir les zones défavorisées. Nous ne comprenons pas pourquoi, sur un même territoire, une commune est classée en zone défavorisée mais la commune voisine ne l'est pas, alors que les deux présentent les mêmes caractéristiques. Un important travail de clarification et de cohérence doit donc être mené ; je sais, monsieur le ministre, que vous vous y appliquez.

Nous considérons tous que la gestion des risques est une question qui doit être approfondie. Nous ne demandons pas que des mesures définitives soient prises l'année prochaine, mais nous souhaitons que des expérimentations soient lancées, notamment sous la forme de fonds de stabilisation du revenu agricole créés avec la participation des nouvelles régions. La PAC doit être réformée pour être rendue plus intelligente, plus active et plus utile aux agriculteurs en difficulté, ce qui rend d'autant plus pressante la nécessité de mener des expérimentations en liaison avec tous les experts compétents.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Paradoxalement, les zones dites à faible potentiel, ou à faible rendement, sont aujourd'hui sévèrement frappées par le système de convergence nationale et de paiements redistributifs. De fait, les aides versées au titre de la PAC y sont historiquement inférieures à la moyenne nationale. Monsieur le ministre, comment comptez-vous y remédier ?

Par ailleurs, les zones de piémont doivent être reconnues. Je suis issue d'un territoire, le Morvan, où l'on s'interroge beaucoup sur l'avenir des exploitations dans ces secteurs particulièrement difficiles.

Peut-être les dossiers des jeunes agriculteurs pourraient-ils être traités avec un peu plus de souplesse par les administrations locales. Je songe à un jeune agriculteur qui est venu me voir : installé en 2014, il doit aujourd'hui 30 000 euros de cotisations sociales !

S'agissant enfin de la forêt, monsieur le ministre, quelle est votre position au sujet du fléchage d'une partie des crédits carbone vers l'investissement pour le renouvellement de la ressource ? Ce serait un juste retour, la forêt étant un puits de carbone.

M. Roland Courteau. - Je me réjouis que le décret instaurant le nouvel outil de préservation des terres agricoles ait été publié. La publication de l'arrêté permettant la mise en place de l'étiquetage de l'origine du lait et de la viande dans les produits transformés dès le 1er janvier 2017 est un autre motif de satisfaction. Nous apprécions aussi la création de plus de 1 000 postes dans l'enseignement agricole.

Du fait du réchauffement climatique, le manque d'eau va s'aggraver dans les régions où il se manifeste déjà. Dans le Midi, la sécheresse de 2016 s'est approchée des records historiques ! Le problème est que le déficit en eau dure depuis une quinzaine d'années. Résultat : les rendements dans le secteur viticole ont chuté cette année de 30 à 50 %. Il s'agit d'un véritable sinistre, qui requiert des mesures ciblées.

Dans ces conditions, nous sommes condamnés à multiplier les possibilités d'irrigation. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi visant à faciliter la création de retenues en période de hautes eaux en vue de restituer l'eau en période de sécheresse. Remarquez que je ne propose pas de pomper dans les rivières, ni dans les masses d'eau souterraines ; je propose que la réalisation d'affouillements des sols pour la création de réserves d'eau à usage agricole ne soit pas soumise au respect des schémas régionaux de carrières. Monsieur le ministre, quelle est votre position au sujet de cet impérieux besoin d'irrigation ?

Je signale enfin que les coopératives agricoles, qui sont des employeurs importants en zone rurale, ne bénéficient pas du CICE. Pourquoi ne leur accorderait-on pas une compensation, par exemple un allègement de charges ? C'est une proposition que nous défendrons dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, peut-être par voie d'amendement.

Mme Sophie Primas. - La simplification proposée par Roland Courteau de la réglementation relative aux réserves d'eau est une mesure de bon sens.

Monsieur le ministre, comment le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu sera-t-il appliqué aux agriculteurs ? Des éléments de souplesse devraient être prévus, en relation avec des revenus qui ne sont pas toujours linéaires.

M. Yannick Vaugrenard. - Chacun sait bien que l'agriculture et le monde rural traversent une crise majeure ; elle se vérifie malheureusement à travers quelques résultats électoraux sur l'ensemble du territoire.

De manière générale, les problèmes agricoles et ruraux ne seront pas résolus d'un coup de baguette magique ; il y faudra de la persévérance et de la détermination. De ce point de vue, l'augmentation de 15 % du budget de l'agriculture dans une période où tous les ministères connaissent une restriction budgétaire est un élément incontestablement positif. La création de 1 000 postes d'enseignant et de 80 postes de chercheur n'est pas rien non plus : c'est l'expression d'une volonté politique qui s'attache au moyen et au long terme, au-delà des échéances électorales. De la même manière, l'aide à l'investissement pour la modernisation des bâtiments d'élevage est un effort important qui doit être souligné.

Je m'interroge sur les 3,6 milliards de repas servis chaque année en restauration collective. Monsieur le ministre, vous avez envoyé un courrier à l'ensemble des maires et présidents de conseil départemental et régional, en indiquant que l'ancrage territorial était l'une des quatre priorités de la politique nationale d'alimentation. Comment votre ministère peut-il faciliter la mise en oeuvre de cette priorité au bénéfice de l'ensemble du monde agricole ?

M. Bruno Sido. - Monsieur le ministre, vous nous avez fait distribuer une magnifique plaquette sur les allègements structurels de charges sociales et fiscales. Sur la première page, je lis que l'employeur d'un salarié touchant le SMIC ne paierait plus aucune cotisation de sécurité sociale. En êtes-vous bien sûr ? Avez-vous déjà fait une feuille de paie à un salarié agricole qui touche le SMIC ? Moi oui, et j'aimerais bien des explications.

Par ailleurs, où en est la saga sur les bandes enherbées le long des bois et des maisons ? Une étude d'impact a-t-elle été menée sur la surface concernée en France ? Si maintenant on prend des mesures sans étude d'impact...

M. Alain Duran. - Le bilan que vous avez dressé des quatre dernières années prouve, s'il en était besoin, que les fondations sont consolidées.

Nous sommes interpellés sur le terrain au sujet des zones défavorisées. Une inquiétude très vive s'exprime à propos non seulement de la perte de l'ICHN, qui risque d'être économiquement insupportable, mais aussi des risques de déprise agricole. Monsieur le ministre, pouvons-nous placer un espoir dans les futures zones soumises à contraintes spécifiques ?

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Moi-même je représente au Sénat un département durement touché par la révision des zones défavorisées. Dans le Perche ou la vallée de l'Orne, les pertes de revenu paraissent absolument insupportables pour les agriculteurs ! Monsieur le ministre, entendez-vous corriger la nouvelle carte ? Dans le cas contraire, comment comptez-vous corriger ses effets très néfastes pour le monde agricole ?

Par ailleurs, avez-vous fait procéder à une étude d'impact sur les avantages et les contraintes qui résulteront pour nous de l'accord Ceta conclu entre l'Union européenne et le Canada ? Nous savons très bien que notre élevage de viande, en particulier, va être touché. Du côté canadien, on s'inquiète beaucoup de l'arrivée massive de produits laitiers européens. Comme tout accord, celui-ci aura des effets positifs et d'autres qui le seront moins.

Enfin, pouvez-vous faire le point de manière extrêmement précise sur l'arrêté de 2006 relatif aux produits phytopharmaceutiques ? Nous avons cru comprendre que Mme la ministre de l'environnement avait finalement consenti l'ouverture attendue par les agriculteurs.

M. Stéphane Le Foll, ministre. - Monsieur Lasserre, notre système de gestion des risques en agriculture a été construit il y a plus de trente-cinq ans. Le Fonds national de garantie des risques en agriculture (FNGRA) est abondé par la taxe que paient les agriculteurs sur leurs propres contrats d'assurance, mais n'a pas été conçu pour prendre en compte les sécheresses récurrentes et les phénomènes structurels qui ont diminué le rendement à l'hectare. En production viticole, par exemple, les rendements baissent, avec 48 millions d'hectolitres en 2012-2013 contre 42 ou 43 millions désormais. Nous pouvons certes replanter, irriguer, mais il faudra aussi changer de modèle agricole - nous ne pourrons plus nous reposer sur nos anciennes pratiques, comme par exemple l'habitude de désherber entre les ceps. En matière de risques sanitaires, la fièvre catarrhale et l'influenza aviaire ont coûté 230 millions d'euros l'année dernière ; la bactérie Xylella, la brucellose et la sécheresse ont aussi coûté 145 millions d'euros ! Nos systèmes de gestion des risques ne sont plus très adaptés à la fréquence et à l'intensité des nouveaux aléas climatiques. Cette année, dans le Loiret et le Loir-et-Cher, certaines zones ressemblaient à des rizières en juin, et étaient complètement sèches quatre mois plus tard. L'État fait face comme il peut aux problèmes sanitaires et climatiques, qui s'accumulent et croissent en intensité, mais ses outils d'action ne sont plus adaptés à ces nouveaux risques.

Le problème de la proposition de loi sénatoriale mettant en place des outils de gestion des risques en agriculture, c'est qu'elle mobilise des financements régionaux. Le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales rendra par conséquent sa mise en oeuvre difficile sans accord avec l'Association des régions de France. Nous travaillons pour notre part, avec le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), à remettre à plat tout ce qui existe.

Mon document d'orientation sur la PAC après 2020 contient des propositions pour créer au sein de celle-ci une sorte de troisième pilier assurantiel destiné à faire face aux aléas sanitaires, climatiques et économiques. Lors de la réunion des ministres de l'agriculture de l'Union européenne à Chambord, j'ai constaté qu'une vingtaine de pays pourraient ne pas être hostiles à cette idée. Aujourd'hui, une enveloppe de 100 millions d'euros est disponible pour assurer une couverture assurantielle encore limitée, couvrant 25 % à 28 % des agriculteurs, et nous avons mis en place un contrat-socle. L'étape suivante sera de couvrir tous les hectares par l'assurance. Tant que cela n'est pas le cas, le régime des calamités est appelé à être sollicité. Le système actuel de couverture du risque climatique par l'assurance est encore peu compréhensible : une baisse de 25 % des fourrages ne donne pas lieu à versement d'indemnités, mais une baisse de 30 % y donne droit : il n'est pas facile d'expliquer le déclenchement d'une aide à 5 points près. Bref, le système doit être entièrement revu.

J'ai demandé au CGAAER d'étudier les pratiques de nos voisins - l'Espagne dispose par exemple d'un système efficace, quoique cher. Je vous donne rendez-vous mi-décembre pour discuter de ses conclusions. Alors seulement nous pourrons décider de modifier le régime assurantiel. La question de l'assurance obligatoire, impossible à mettre en oeuvre aujourd'hui au vu de la crise que traverse l'agriculture, se posera à l'issue de ces travaux. Nous en reparlerons également dans le cadre du débat présidentiel.

Ma proposition reste celle-ci : prélever 1 % ou 2 % du premier pilier pour financer une épargne de précaution mise à la disposition des agriculteurs, pour faire face à des pertes de revenu situées entre 0 et 30 %. Au-delà de 30 %, c'est la solidarité nationale qui doit jouer.

L'arrêté de 2006 sur l'utilisation des produits phytosanitaires n'avait pas été notifié à la Commission européenne. Il a été attaqué au Conseil d'État par l'association nationale pommes et poires. Le Conseil d'État a donc demandé de le refaire. Les professionnels du syndicat majoritaire sont immédiatement venus me voir pour défendre les milliers d'hectares qui, selon eux, allaient disparaître faute de traitement... Je me souviens qu'à l'occasion des débats sur la loi d'avenir pour l'agriculture, un jeune agriculteur de Saint-Brieuc, opposé à la règle interdisant l'épandage à proximité des habitations, m'avait présenté un calcul indiquant que 55 millions d'hectares étaient menacés... soit la superficie de la totalité de la France métropolitaine ! Je vous rassure : on ne sacrifiera pas l'agriculture ! Le Premier ministre a arbitré entre les ministères de la santé, de l'environnement et de l'agriculture : les règles de l'arrêté de 2006 seront reconduites. Les autorisations de mise sur le marché des produits concernés devront naturellement être respectées. Mais nous reconduirons les mêmes règles que celles de l'arrêté de 2006 concernant par exemple les cours d'eau ou les haies. Concernant les épandages à proximité des habitations, il convient de faire respecter les arbitrages rendus en loi d'avenir pour l'agriculture. Toutefois, les préfets devront aussi prendre des arrêtés pour la protection de zones particulièrement sensibles. Une vingtaine d'arrêtés départementaux ont déjà été pris, dans la concertation, et les choses se passent bien sur le terrain.

Les critères de définition des zones défavorisées simples (ZDS) dataient de 1970. Leur actualisation a été décidée en 2010 à Bruxelles - je l'ai d'ailleurs votée en tant que député européen. Les choses étant bien faites, je me trouve désormais chargé de les mettre en oeuvre. Nous avons commencé par appliquer huit critères géophysiques simples, à l'origine de la carte dont vous avez pris connaissance. Les nouveaux bénéficiaires n'y ont évidemment rien trouvé à redire ; les perdants du nouveau dispositif, eux, se sont fait entendre. Il s'agit désormais d'affiner la carte en justifiant de nouveaux critères objectifs au niveau européen, qui pourront intégrer jusqu'à 10 % de territoires supplémentaires. Certaines zones ne sont objectivement plus défavorisées... Environ 5 % des communes seront amenées à sortir de la carte. L'herbe sera un élément structurant. Mais soyons clairs : tout le monde ne pourra en bénéficier.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Quel est le calendrier ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. - Nous avons jusqu'à la fin 2017, pour une application du nouveau dispositif en 2018.

En matière d'élevage, les marchés sont dans une situation extrêmement difficile. Celui du lait se redresse, tant mieux. Il a fallu neuf mois de bataille pour faire comprendre à dix pays européens qu'il valait mieux réduire la production que d'acheter des tonnes de poudre de lait au prix d'intervention. Nous avons perdu neuf mois ! Les prix auraient pu se redresser si nous avions agi en début d'année. Les Néozélandais sont plus efficaces : en cas de surproduction, la coopérative intervient, des bêtes sont abattues, et la filière restructurée.

M. Daniel Gremillet. - Quel dommage que n'ayons pas été entendus, et que nous n'ayons pas agi plus tôt au niveau européen... Ceux qui s'engagent à réduire leur production sur trois mois en échange d'un accompagnement sont ceux qui, contractuellement, devaient de toute façon réduire leur production laitière. Les producteurs qui se seront montrés raisonnables dans leur production, eux, ne bénéficieront d'aucun accompagnement financier. On aurait dû calculer l'aide sur l'ensemble de l'année laitière.

M. Stéphane Le Foll, ministre. - Le calcul se fera sur les trois derniers mois de 2015 et les derniers mois de l'année 2016. Certes, nous aiderons des agriculteurs ayant déjà baissé leur production, mais cela envoie un signal important au marché, ce qui n'est pas négligeable. Depuis le mois d'août, pas un kilo de poudre de lait n'a été mis à l'intervention publique. Restent 219 000 tonnes dans les frigos européens... Tout ce qui importe, c'est que le prix augmente et, pour l'heure, les signaux sont positifs. Par ailleurs, la Commission européenne a acheté le lait à l'intervention à 22 centimes le litre, et y gagnera lors de la revente.

Le marché du porc a connu une belle remontée, avant de baisser à nouveau. Il devrait se tenir, en dépit de la baisse généralement observée après l'été. Nous restons vigilants. En matière de viande bovine, nous avions ouvert de nouveaux marchés à l'export, comme le marché turc, où nous avons exporté 80 000 bêtes en 2015... juste avant le déclenchement de l'épidémie de fièvre catarrhale ovine, qui a conduit la Turquie à fermer son marché. Nous avons maintenu à niveau nos flux de ventes vers les pays méditerranéens comme l'Algérie, et tentons de renégocier avec la Turquie. Nous respectons tous les critères de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) : toute bête destinée à l'export est vaccinée. Nous essayons en outre d'orienter une partie de l'excédent lié à l'abattage de vaches de réforme sous forme de corned beef destiné aux missions humanitaires, en mobilisant à cette fin nos ambassadeurs à l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, dans le cadre du programme alimentaire mondial. Le dossier progresse lentement, comme souvent dans les instances internationales...

Nous travaillons à la structuration de la filière. Je le dis à ceux qui vantent le « made in France » ou le produire en France : c'est une réalité en matière agricole, et cela grâce au label Viandes de France, qui désigne les produits issus de bêtes nées, élevées, abattues et transformées en France. L'arrêté relatif à l'étiquetage des produits transformés procède de la même logique. Nous sommes pionniers en Europe en la matière, et sept pays européens sont d'ailleurs en train de copier notre modèle. La Commission européenne s'y opposait initialement au motif que cela ferait fuir les consommateurs en renchérissant les produits. Les premiers seront mis à la vente d'ici à la fin de l'année : je suis convaincu que cet argument sera invalidé.

M. Cabanel m'interroge sur la baisse des subventions aux Safer. D'abord, nous avons réglé leur problème d'endettement. Ensuite, il leur reste à trouver un modèle économique viable. Nous avons renforcé leurs pouvoirs, leurs modes d'action, leurs capacités de préemption... Nous discutons désormais de leur organisation, dans le cadre de la réforme territoriale. Notre dialogue est prometteur.

Monsieur Dubois, nous avons simplifié les procédures pour les élevages de porcs et de volailles relevant des installations classées pour la protection de l'environnement, et nous le ferons pour les bovins d'ici la fin de l'année.

Le comité de rénovation des normes en agriculture (Corena) présidé par le préfet Bisch fonctionne bien. Nous essayons d'éliminer les règlementations nationales en trop. Mais nous ne pouvons pas modifier de notre propre chef les normes européennes : il faut aussi changer la PAC. Plutôt que de contrôler a posteriori l'absence de pollution par les agriculteurs, mieux vaudrait leur fixer des objectifs, à charge pour eux de les atteindre ensuite. Cela suppose certes des changements profonds dans les modèles de production, mais cela finira par arriver.

Je rejoins M. Labbé sur l'agriculture biologique. Les aides sont en la matière passées de 90 millions d'euros en 2012 à 180 millions d'euros en 2016 et 2017. C'est une vraie réussite en termes de développement. Le budget de l'Agence bio a reçu 4 millions d'euros supplémentaires. Mais attention, il convient que le développement de l'agriculture biologique ne conduise pas à des baisses de prix pour les agriculteurs. Ainsi, les viticulteurs bio se plaignent que les prix du vin bio soient trop proches des prix du vin conventionnel. Les producteurs bio ne peuvent pas simultanément promouvoir un bio accessible à tous et réclamer l'aide du ministère dans le cas où les prix baisseraient... Il est normal que le ministère finance la conversion à l'agriculture biologique, mais pas qu'il soutienne des prix élevés ! J'ai été saisi par le groupe vert au Parlement européen sur les questions de mixité bio/non bio, de lien au sol et de place de l'herbe dans la perspective du débat à venir sur le nouveau règlement sur l'agriculture biologique. Dans les pays du Nord, les élevages biologiques peuvent l'être même s'ils ne laissent pas sortir les animaux à l'air libre : le bio à ce prix-là, non merci...

Notre enseignement agricole, dans lequel nous créons en effet de nouveaux postes, fonctionne très bien. Dans certaines régions, le nombre d'inscriptions croît de 2 % ou 3 % par an. Un taux de déperdition de 10 % ou 12 % est tout à fait normal ; 90 % des jeunes qui s'y engagent pour devenir agriculteurs, ou qui rejoignent ensuite les filières agroalimentaire, forestière, maraîchère ou environnementale, c'est le signe que notre système fonctionne, et je vous encourage à le soutenir - je sais pouvoir compter sur vous.

J'ai eu tort de lier les nouveaux postes de vétérinaires à la seule question du bien-être animal. Ils sont aussi nécessaires pour agréer les exportations ! La Cour des comptes a d'ailleurs pointé en 2013 notre manque de vétérinaires pour remplir cette mission. Il était temps que nous redressions la barre.

Monsieur Labbé, notre taux d'importation de volailles est proche de 40 %, mais il baisse. Nous essayons de reconquérir ce marché.

Les aides déclenchées dans le cadre du plan d'aide à l'agriculture en difficulté sont élevées. Le fonds d'allègement des charges a permis d'aider 47 000 éleveurs. Au total, 200 millions d'euros d'aide ont été versées aux éleveurs, dont 45 millions en provenance de l'Union européenne ; la prise en charge de cotisations destinées à la MSA s'élève à 110 millions d'euros en 2015 et 2016, dont 90 millions pour les seuls éleveurs ; l'année blanche représente une aide de 4 millions d'euros ; l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties s'élève à plus de 50 millions d'euros ; le report de charges dans le calcul des cotisations représente 80 millions d'euros pour 2015 et 2016 dont 13 millions financés par l'Union européenne ; les mesures de soutien aux producteurs de lait et de viande bovine à venir s'élèvent à 49 millions d'euros de la part de l'Union européenne, auxquels nous avons ajouté une cinquantaine de millions d'euros. Au total, ce sont 700 millions d'euros de soutien conjoncturel. Les mesures plus structurelles s'élèvent à 725 millions d'euros, grâce à la suppression de l'assiette minimale maladie, la baisse de 7 points (soit 600 millions d'euros), des charges sociales des agriculteurs, sans parler des majorations du programme des investissements d'avenir, du suramortissement, de la promotion à l'export, etc. Soit, au total, 1,4 milliard d'euros.

Nous nous employons également à compenser la faiblesse des rendements dans les zones intermédiaires, mais le sujet est complexe. Les difficultés se chiffrent à 6 ou 7 milliards d'euros de pertes de rendement et de prix sur les marchés, que nous ne pouvons bien sûr pas compenser budgétairement. Le nouveau plan sur les garanties bancaires fournit une piste de travail. Il faudra le mettre en oeuvre rapidement, en particulier les aides spécifiques sur les exploitations dont les revenus sont négatifs depuis deux ans. La convergence joue, c'est vrai, mais ce n'est pas le seul facteur explicatif. Une autre partie du problème réside dans les calculs faits en 1992 sur les compensations de la baisse des prix : le rendement départemental a été surpondéré, et le rendement national sous-pondéré, en conséquence de quoi nous avons pénalisés ceux qui avaient les rendements les plus faibles.

M. Bruno Sido. - Ce problème dure depuis trente ans. La Beauce et la Brie ont des prix PAC supérieurs à ceux de la Haute-Marne, de la Meuse ou de la Côte-d'Or. Ce n'est pas normal, il faudrait inverser les choses ! C'était, au départ, une compensation économique, mais au bout de trente ans, cela suffit, la récréation est terminée ! Y remédier ne coûterait rien, à part un bras-de-fer avec la profession...

M. Stéphane Le Foll, ministre. - Nous sommes tous d'accord. Cela se fera avec la convergence, mais en lissant les aides plus que par un rattrapage brutal dans les zones intermédiaires. Le sujet, croyez-moi, n'est pas facile.

Monsieur Gremillet, le recul des prêts bonifiés n'est pas en cause. La loi de finances initiale pour 2015 prévoyait 25,5 millions d'euros pour la dotation jeunes agriculteurs (DJA), et 21,6 millions d'euros pour les prêts bonifiés ; or cette année-là, 15  millions d'euros de DJA seulement ont été consommés, et 3,4 millions d'euros de prêts bonifiés. En 2016, nous avons basculé les sommes non consommées sur la DJA, qui passe donc à 40 millions d'euros. Je connais ainsi des jeunes qui attendent de s'installer pour bénéficier de la majoration de la DJA. La réalité, c'est qu'en raison de la baisse des taux d'intérêt, les prêts bonifiés n'étaient plus intéressants. Nous avons en conséquence réutilisé les sommes qui leur étaient affectées.

M. Daniel Gremillet. - Je ne conteste pas les chiffres. Les crédits sont mieux consommés et les jeunes en bénéficieront, soit. Mais l'expérience paysanne des territoires montre que de telles primes ne bénéficient pas forcément à ceux à qui elles sont destinées. L'un des principaux freins à l'installation, nous le savons, réside dans la durée de remboursement du capital. Si nous avions privilégié les prêts de carrière, nous aurions dynamisé les installations.

M. Stéphane Le Foll, ministre. - Sauf qu'une partie des financements des prêts bonifiés échappe à leurs bénéficiaires puisqu'elle est captée par le système financier ! La dotation, au moins, va directement au jeune agriculteur et peut être intégrée aux fonds propres. Je reconnais toutefois que toute aide est potentiellement captée en amont ou en aval.

M. Daniel Gremillet. - Les taux bas ne dureront peut-être pas...

M. Stéphane Le Foll, ministre. - Mes successeurs pourront toujours faire évoluer le fléchage des crédits.

Le fonds stratégique de la forêt et du bois est doté de 28 millions d'euros. Mais c'est l'équilibre général de la filière qui rend efficace une politique. Le plan bois, la création du conseil supérieur de la forêt et du bois, l'appel de Mende, toutes ces initiatives témoignent d'une prise en compte de la forêt dans sa globalité. Pour créer de nouveaux débouchés, nous avons lancé des appels à projets pour trente bâtiments de grande hauteur en bois - une première mondiale. Bref nous cherchons à organiser la filière, de la production à la dernière transformation, et développons les débouchés dans le bâtiment et l'ameublement. Un mètre cube de bois utilisé dans le bâtiment permet de stocker une tonne de CO2 : cela vaut le coup.

Le fonds stratégique carbone nécessite que le marché du carbone soit mieux structuré qu'aujourd'hui. C'est important pour le bois, mais aussi pour les sols agricoles, qui seront aussi des enjeux de stockage de CO2 - je pense à l'initiative « 4 pour 1000 ».

Nous avons fait des efforts importants en termes budgétaires sur le deuxième pilier de la PAC : pour la période de programmation 2007-2013, les régions recevaient 6,7 milliards d'euros du Fonds européen agricole pour le développement rural  (Feader) ; entre 2014 et 2020, elles reçoivent 11,4 milliards. Cela ne permet pas de satisfaire toutes les demandes, mais la hausse est significative !

Madame Loisier, je crois impossible, compte tenu de toutes les exonérations, qu'un jeune agriculteur installé depuis 2014 paie 30 000 euros de cotisations...

Mme Anne-Catherine Loisier. - C'est pourtant le cas d'un éleveur du Morvan, qui paie 10 000 euros de cotisations par an...

M. Stéphane Le Foll, ministre. - Nous verrons cela ensemble.

Un plan irrigation est en cours de mise en oeuvre avec le ministère de l'environnement pour remédier aux effets de la sécheresse. Les retenues collinaires ne résoudront qu'une partie du problème. Nous devrons revoir l'ensemble des dispositions relatives à la sécheresse, qui est un sujet complexe. L'irrigation seule ne suffira pas.

Le CICE est un crédit d'impôt sur les sociétés ; or les coopératives n'y sont pas assujetties... Nous avons toutefois supprimé la C3S pour les coopératives avant qu'elle ne soit supprimée pour les autres entreprises. Les plus grandes, de l'agroalimentaire notamment, ne bénéficiant pas de cette suppression, les coopératives conserveront un avantage.

Madame Primas, le prélèvement à la source conduit à faire payer l'impôt correspondant au revenu de l'année en cours : si vous percevez un revenu, vous payez un impôt, dans le cas contraire, vous n'en payez pas. Les agriculteurs pourront en outre faire des déclarations trimestrielles, de sorte que leur impôt soit calculé au plus près de leurs flux de revenus, et bénéficieront d'acomptes adaptés. Nous vous transmettrons une note complète sur ce sujet.

Les cotisations sociales obligatoires autour du Smic sont égales à zéro.

Monsieur Vaugrenard, j'ai lancé une politique sur l'ancrage territorial de l'alimentation, avec le troisième axe du plan national pour l'alimentation. Nous avons en outre ouvert le site Localim, qui permet aux acheteurs de produits agricoles et alimentaires de s'informer sur le processus à suivre pour s'approvisionner localement. J'ai présenté le dispositif à Toulouse la semaine dernière, et les préfets de région ont été chargés de réunir tous les acteurs pour le faire connaître sur l'ensemble du territoire. Les appels à projet s'élèvent à 2 millions d'euros. Nantes a été retenue cette année, après Rennes l'an dernier. Le système marche très bien, avec le concours des chambres d'agriculture.

Le Ceta reconnaît d'abord les indications géographiques protégées (IGP), ce qui nous permet de mettre un pied en Amérique du Nord. Le fond du problème avec les Américains, c'est qu'ils refusent de reconnaître ce qui fait notre culture et notre patrimoine. Pour eux, seules les marques comptent. Une chaussure est une chaussure, ai-je tenté de faire valoir à mon homologue américain ; un fromage est un fromage, m'a-t-il répondu... La reconnaissance par le Canada d'une cinquantaine d'IGP est donc un progrès important. Ensuite, nos normes en matière de viande seront respectées : aucune importation de viande traitée aux hormones de croissance ne sera autorisée. Enfin, le remplacement, pour régler les litiges, des arbitres initialement prévus par des juges nommés par les États achève d'en faire un accord bien charpenté.

Merci pour vos questions, mêlant considérations budgétaires et politiques, toutes très importantes.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Monsieur le ministre, merci à vous.

La réunion est levée à 18 h 20.