- Mardi 19 janvier 2016
- Mercredi 20 janvier 2016
- Accueil d'un nouveau commissaire
- Prévention et lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs - Examen du rapport pour avis
- Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité - Suite de l'examen des amendements aux textes de la commission
- Jeudi 21 janvier 2016
Mardi 19 janvier 2016
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité - Examen des amendements aux textes de la commission
La réunion est ouverte à 13 h 30.
M. Hervé Maurey, président. - Nous examinons les amendements de séance sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. 600 amendements ont été déposés. Une discipline est nécessaire. Je suggère que le rapporteur, comme lors du texte sur la transition énergétique, soit très bref lorsque l'amendement a déjà été vu en commission et qu'il propose le même avis.
Je rappelle que notre commission s'était réunie les 7 et 8 juillet derniers pour élaborer son texte. Nous avions alors examiné 562 amendements et en avions adopté 222, pour parvenir à un texte équilibré et pragmatique.
Le gouvernement a déposé plusieurs amendements ce matin. Il a notamment, conformément à nos demandes, supprimé le renvoi à des ordonnances pour intégrer directement leur contenu dans le texte.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Nous étions parvenus ensemble à un texte équilibré il y a six mois. Cette longue interruption a eu pour effet de laisser cours à une grande imagination, parfois débridée, perceptible dans les amendements sur le texte de la commission. Le gouvernement a déposé peu d'amendements sur le texte mais il a tenu compte de notre irritation sur les renvois à des ordonnances, préférant intégrer directement dans la loi le texte des ordonnances. Certains de ces amendements gouvernementaux font plusieurs pages. Nous n'avons pu les examiner en détail mais la navette permettra d'affiner la rédaction.
600 amendements ont été déposés. Beaucoup avaient déjà été déposés et rejetés lors de l'élaboration de notre texte. C'est pourquoi je me contenterai d'indiquer, dans ces cas-là, que mon avis est défavorable.
La commission examine d'abord les amendements de coordination du rapporteur.
Article 4
L'amendement rédactionnel n° DEVDUR-18 est adopté.
Article 6
L'amendement de coordination n° DEVDUR-19 est adopté.
Article 7
Les amendements de coordination n° DEVDUR-45 et DEVDUR-20 sont adoptés.
Article 9
L'amendement de coordination n° DEVDUR-43 est adopté.
Article 14
L'amendement de coordination n° DEVDUR-21 est adopté.
Article 16
L'amendement de coordination n°DEVDUR-22 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel n° DEVDUR-23.
Article 16 bis
L'amendement de coordination n° DEVDUR-25 est adopté.
Article 17 bis
L'amendement de coordination n° DEVDUR-27 est adopté.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-57 conforte la place des parlementaires dans les instances de bassins. En effet, avec le non-cumul des mandats, les parlementaires qui y siègent, souvent en tant qu'élu local, n'y seront plus représentés.
M. Hervé Maurey, président. - Excellent amendement !
L'amendement de coordination n° DEVDUR-57 est adopté.
Article 17 quater
L'amendement de coordination n° DEVDUR-58 est adopté.
La commission examine ensuite les amendements extérieurs.
Le sort des amendements est repris dans le tableau ci-dessous :
M. Claude Bérit-Débat. - Je ne comprends pas.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Les amendements n° 79 rectifié ter et 528 rectifié sont satisfaits par un amendement que nous avions adopté à l'article 2.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements qui modifient l'article 2 bis. Ils ont déjà été rejetés par notre commission. Cet article reprend la proposition de loi sur la réparation du préjudice écologique adoptée à l'unanimité par le Sénat lorsque le Sénat avait une autre majorité. Notre commission a choisi volontairement de ne pas le modifier afin de laisser au gouvernement le soin de s'en emparer pour aboutir à un grand texte sur le sujet, ce que beaucoup appellent de leurs voeux sur tous les bancs. Pour l'instant le gouvernement n'a pas bougé.
M. Hervé Maurey, président. - Je rappelle que cette proposition de loi sur le préjudice écologique avait été déposée par M. Retailleau. Comme la procédure accélérée n'a pas été déclarée, nous aurons l'occasion au cours d'une deuxième lecture d'améliorer la rédaction, le cas échéant.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Il sera opportun aussi éventuellement de consulter à nouveau la commission des lois.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - L'amendement n° 596 du Gouvernement, déposé ce matin, inscrit dans la loi le texte d'une ordonnance dont le renvoi était auparavant prévu à l'article 59. C'est la bonne démarche, mais cet amendement réécrit entièrement, sans doute par erreur, l'article 3 ter. Aussi j'y serai favorable sous réserve d'insérer après le mot « géologique », le mot « pédologique ».
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - L'alinéa 9 avait été introduit à l'initiative de M. Dantec, dans le prolongement d'une réflexion de la Délégation du Sénat à l'outre-mer. Il prévoit que chaque espèce classée inscrite sur la liste rouge de l'UICN fait l'objet d'un plan d'action pour assurer sa préservation. Indéniablement ces plans sont efficaces : la population d'albatros d'Amsterdam, endémique sur l'ïle d'Amsterdam, a ainsi doublé en très peu de temps. Il semble toutefois peu pertinent que toutes les espèces fassent l'objet d'un tel plan d'action : 1 048 espèces sont menacées, dont une grande partie en Nouvelle-Calédonie. J'émets un avis défavorable à l'amendement n° 343 rectifié qui supprime l'alinéa 9, ainsi qu'à l'amendement n° 217, dont le champ, à l'inverse, est trop large, et à l'amendement n° 251 rectifié bis. Je suis en revanche favorable à l'amendement n° 310 rectifié bis, qui définit un dispositif plus resserré, en ne visant que les espèces « en danger critique » et « en danger » de la liste rouge de l'UICN.
M. Ronan Dantec. - Cet amendement n° 310 rectifié bis est, volontairement, très restrictif. Il ne concerne que les espèces en danger mondial. Il vise ainsi les espèces endémiques menacées de l'outre-mer. Même l'ours n'est pas visé.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Les amendements identiques n° 271 rectifié et 314, qui prévoient une consultation du comité régional de la biodiversité lors de l'élaboration du schéma régional d'aménagement de développement durable et d'égalité des territoires, sont de bon sens. Avis favorable sous réserve d'une rectification : comme l'article L. 4251-4 du code général des collectivités territoriales n'est pas encore entré en vigueur, il convient de viser l'article de la loi Notre qui crée cet article du code : en conséquence, il convient de les insérer après l'alinéa 7, et non l'alinéa 8.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Le lien entre l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et les collectivités territoriales doit être innovant et collaboratif. Avis favorable à l'amendement n° 580 du gouvernement : l'agence pourra établir des délégations territoriales en région à la demande des régions de telle sorte que l'initiative vienne du bas et non du haut. C'est une démarche tout à fait moderne.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 583 du gouvernement : pourquoi inscrire dans la loi que le directeur général de l'Agence française pour la biodiversité est nommé par arrêté du ministre chargé de l'environnement ? Les modalités de nomination sont d'ordre réglementaire.
Mme Évelyne Didier. - C'est pour éviter un renvoi à un décret d'application.
M. Hervé Maurey, président. - Il en faut de toute façon un pour que l'agence puisse se mettre en place...
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - L'amendement n° 589 prévoit que les articles du titre III créant l'AFB entrent en vigueur lors de la parution du décret, et non le 1er janvier. Avis favorable. Cette précision est nécessaire.
La séance est levée à 14 h 25.
Mercredi 20 janvier 2016
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -Accueil d'un nouveau commissaire
La réunion est ouverte à 9 h 05.
M. Hervé Maurey, président. - Je souhaite la bienvenue à Jean-François Rapin, qui nous rejoint après la démission de Natacha Bouchart, qui était membre du bureau de notre commission, en espérant qu'il s'y sente bien.
Prévention et lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs - Examen du rapport pour avis
M. Hervé Maurey, président. - Nous examinons le rapport pour avis d'Alain Fouché sur la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs. Nous examinerons ensuite les 400 amendements de séance sur lesquels nous devons encore nous prononcer du projet de loi relatif à la biodiversité.
Le rapport d'information d'Alain Fouché et François Bonhomme sur la sécurité dans les gares éclairera les travaux de ce matin ; leurs quinze propositions pourront être reprises dans la proposition de loi. Les amendements du rapporteur seront soumis à la commission des lois, saisie au fond.
M. Alain Fouché, rapporteur pour avis. - Cette proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale le 7 octobre 2015, par les députés Bruno Le Roux et Gilles Savary. Elle y a été examinée en commission le 8 décembre et en séance publique les 16 et 17 décembre. Ces délais très courts s'expliquent par la volonté d'agir sans tarder dans la lutte contre le terrorisme. La procédure accélérée ayant été déclarée, une commission mixte paritaire pourra être réunie le cas échéant dès la fin de l'examen du texte au Sénat.
La proposition de loi comporte deux volets sans lien entre eux : la lutte contre le terrorisme et les atteintes graves à la sécurité publique, et la lutte contre la fraude.
Nous nous sommes penchés sur le premier volet la semaine dernière, lors de l'examen du rapport d'information réalisé avec François Bonhomme de la commission des lois. Je proposerai plusieurs amendements mettant en oeuvre ses recommandations. François Bonhomme déposera les mêmes devant la commission des lois.
Le texte issu de l'Assemblée nationale renforce les moyens des services internes de sécurité de la SNCF - la Surveillance générale (Suge) - et de la RATP - le groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) - en autorisant, à l'article 1er, la fouille des bagages et la palpation. L'article 3 élargit la possibilité d'agir en civil aux services internes de sécurité. Je m'en félicite. Nous vous proposerons un amendement de réécriture à l'article 3 pour en sécuriser le dispositif.
L'article 2 soumet ces agents au contrôle des forces de l'ordre et à un code de déontologie spécifique. Il faut aller plus loin dans le rapprochement du régime de ces agents de celui applicable aux sociétés de sécurité privées, défini par le code de la sécurité intérieure et des transports. Nous vous proposerons de voter la transmission au Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) du bilan des actions de contrôle effectuées par la Suge et le GPSR, et l'application à leurs agents du code de déontologie du Cnaps pour les activités de sécurité privées. La formation de ces agents sera également soumise au contrôle de l'instance.
Des dispositions facilitent l'action des forces de l'ordre et de la justice dans les transports. Nous sommes favorables à l'article 6, qui permet aux forces de l'ordre de réaliser un contrôle préventif des bagages dans les emprises des opérateurs de transport et dans les matériels roulants.
L'article 3 bis répond au risque créé par l'occupation de postes sensibles par des personnels radicalisés en prévoyant que le recrutement ou l'affectation de ces personnels pourront être précédés, à la SNCF et à la RATP, d'enquêtes administratives pour vérifier que le comportement des candidats n'est pas incompatible avec l'exercice de leurs missions. Nous vous proposerons d'étendre cette possibilité à l'ensemble des opérateurs de transport public et d'autoriser l'employeur à demander une enquête administrative si le comportement de personnes en poste évolue.
L'article 12 prévoit l'intervention des polices municipales dans les transports, ce qui ne relève pas nécessairement de leur rôle. Je proposerai de prévoir le transfert des pouvoirs de police des transports au président de l'intercommunalité lorsque celle-ci est compétente en matière de transports, l'objectif étant l'homogénéisation de la réglementation relative au transport sur l'ensemble du périmètre de l'intercommunalité. Un maire pourra néanmoins s'opposer à ce transfert du pouvoir de réglementer.
Je proposerai un article additionnel autorisant la transmission en temps réel des images filmées par les opérateurs aux forces de l'ordre.
Enfin, une dernière mesure en mon nom propre : l'autorisation, à titre expérimental, de caméras-piétons pour les agents de la Suge et du GPSR, activables en intervention. Cet outil, déjà utilisé à titre expérimental par la police et la gendarmerie, sécurise leur action, en dissuadant les contrevenants d'adopter un comportement violent.
Je suis défavorable à l'instauration d'une redevance sur la sûreté. Outre que je suis opposé à la création d'une nouvelle taxe, cette augmentation du prix du billet écarterait un certain nombre d'usagers des transports en commun. Des mesures concrètes sont possibles pour améliorer la sûreté à un coût maîtrisé. Je proposerai la suppression de l'article 6 quinquies prévoyant la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur ce sujet.
Le second volet de cette proposition de loi concerne la lutte contre la fraude dans les transports - elle peut sembler relative au regard de l'importance de la lutte contre le terrorisme, mais reste importante pour les opérateurs et les autorités organisatrices de transport en cette période budgétaire contrainte. Le manque à gagner dû à la fraude est estimé à 500 millions d'euros pour l'ensemble des opérateurs de transport, dont au moins 300 millions pour la SNCF et 100 millions pour la RATP. Si une présence accrue des contrôleurs et l'augmentation du nombre de contrôles répondent en partie à ce phénomène, il ne sera endigué que si l'efficacité de ces contrôles est renforcée. Les contrôleurs sont désarmés lorsque les contrevenants leur donnent une fausse identité ou une fausse adresse ; le taux de recouvrement des amendes n'est que de 10 %.
L'article 9 autorise les exploitants des services de transport ferroviaires et guidés à obtenir les données relatives aux contrevenants, tels que leur nom et adresse auprès des administrations publiques et des organismes de sécurité sociale. Je proposerai quelques modifications rédactionnelles et de coordination.
Les députés ont prévu, à l'article 8 bis, de sanctionner le fait, pour un fraudeur incapable de justifier de son identité, de ne pas rester à la disposition du contrôleur dans l'attente de la décision de l'officier de police judiciaire.
L'article 13 augmente la peine applicable en cas de déclaration de fausse adresse ou identité, à deux mois d'emprisonnement, en plus des 3 750 euros d'amende déjà existants.
L'article 8 de la proposition de loi assouplit les conditions de caractérisation du délit de fraude d'habitude, puisque cinq contraventions et non plus dix suffiront, sur une période d'un an.
Les appels à souscription des mutuelles de fraudeurs, qui remboursent les contraventions contre une faible cotisation annuelle, sont interdits à l'article 8 ter.
Je m'en remets à l'expertise de la commission des lois et de son rapporteur quant à l'économie générale de cette proposition de loi et me limiterai à vous proposer les modifications déjà évoquées à l'article 9.
Les députés ont inséré un article additionnel, l'article 11, prévoyant des dérogations au droit commun pour le prêt de main d'oeuvre à but non lucratif entre les agents de la SNCF, de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau. C'est un cavalier législatif relatif à l'organisation interne du groupe public ferroviaire, sans incidence directe sur la lutte contre les incivilités ou le terrorisme.
En conclusion, vous l'avez compris, ma priorité a été d'intégrer les propositions de notre rapport d'information, ainsi que de contribuer à l'amélioration du volet consacré à la fraude.
M. Jean-Claude Leroy. - Je félicite notre collègue pour son rapport. Certaines mesures sont consensuelles. Cette proposition de loi a connu une évolution notable à l'Assemblée nationale afin de prendre en compte au-delà des enjeux récents, la fraude, qui coûte 500 millions d'euros, dont 100 millions à la RATP. L'orientation de la proposition de loi vers la lutte contre le terrorisme n'en fait pas un texte de circonstance. Elle a de nombreux précédents. La proposition de loi est passée de neuf articles à vingt-quatre. Un troisième titre a été créé par le groupe socialiste de l'Assemblée nationale pour traiter des violences et comportements sexistes.
Les deux volets de ce projet sont corrélés puisque la fraude contribue à l'insécurité vécue ou ressentie quotidiennement par les voyageurs ou les agents. La moitié des agressions de contrôleurs sont le fait de fraudeurs. Les moyens de sécurité ont déjà été renforcés - par exemple, 510 caméras ont été installées gare du Nord à Paris. La proposition de loi s'appuie donc sur les dispositifs existants pour traiter non pas seulement de l'Île-de-France, mais de l'ensemble des réseaux de transport en commun. Elle renforce les moyens de contrôle et leur efficacité afin d'améliorer la sécurité des voyageurs, même si le risque zéro n'existe pas. On se heurte par ailleurs au flux important de voyageurs, dont 201 millions transitent par la gare du Nord, soit vingt fois plus que dans les aéroports.
Les propositions sont mesurées. Elles placent la sécurité sous la responsabilité de la police et de la gendarmerie, sans confusion, et prévoient la possibilité de diligenter une enquête administrative pour s'assurer de la compatibilité entre le comportement des agents et leur poste. Sur ce dernier point, le contrôle a posteriori est un motif de légère divergence. Le passage des conditions de caractérisation du délit de fraude d'habitude à cinq infractions est important, tout comme la constitution du délit de manquement à l'obligation de rester à la disposition du contrôleur et la lutte contre les mutuelles de fraudeurs. Le groupe socialiste est favorable à cette proposition de loi.
M. Louis Nègre. - Je me félicite de la qualité du rapport et de la proposition de loi, qui était fortement attendue par les opérateurs et les élus, autorités de la mobilité. La lutte contre la fraude est l'axe principal de la politique du Groupement des autorités responsables de transport (Gart), que je préside. Si les opérateurs demandent la réduction de dix à cinq infractions le nombre nécessaire pour caractériser le délit de fraude d'habitude, le Gart, gauche et droite confondues, préfère que l'on descende à trois. Actuellement, dans notre pays, on a le droit de frauder dix fois par réseau, et au 1er janvier, le compte est remis à zéro. Réduire le nombre d'infractions à cinq n'a pas de sens. Chacun d'entre nous peut se tromper une fois, deux fois, mais à partir de trois fois, comment croire que c'est involontaire ? Le message envoyé par cette proposition de loi n'est pas satisfaisant. Je l'ai dit au Comité national de sécurité dans les transports.
Dès qu'on prend l'avion, des agents privés ouvrent les bagages. Cette mesure de sécurité n'est pas attentatoire aux libertés individuelles. Il est souhaitable que les forces de l'ordre y soient autorisées.
L'estimation du Gart de 500 millions d'euros de coût pour la fraude dans les transports n'a pas été démentie. Le président de la SNCF lui-même dit que les contrôleurs baissent les bras devant la situation actuelle, qui envoie un message civique contraire à nos valeurs. Lutter contre la fraude améliore le civisme et apporte une reconnaissance à ceux qui paient.
Je suis moins optimiste que le rapporteur sur la capacité de la proposition de loi à faire poursuivre les contrevenants sans pièce d'identité. L'officier de police judiciaire bloquera-t-il un train, fera-t-il descendre sur le quai le délinquant, avant qu'il ne s'enfuie ? J'ai besoin de précisions concrètes. Le texte de la proposition de loi de M. Savary ne contenait rien concernant la lutte contre les fraudeurs. Lorsque nous avons dénoncé les mutuelles de voyageurs au Conseil national des transports, le ministre en a découvert l'existence. J'approuve leur intégration dans le texte.
Je suis totalement favorable aux caméras-piétons contre la petite délinquance. Je suis en revanche réservé sur l'article 6 ter qui dispose que « les exploitants sont tenus d'assurer la sûreté des personnes et des biens transportés ». Il s'agit d'un pouvoir régalien, dont le transfert pose un problème intellectuel et juridique. Vérifions au moins s'il est possible.
M. Claude Bérit-Débat. - Je suis déjà intervenu sur le sujet lors de la présentation du rapport de nos collègues : à mes yeux, le transfert des pouvoirs de police aux intercommunalités prévu par l'amendement n° 13 doit être rendu facultatif.
M. Jean-Jacques Filleul. - Je n'ai rien à ajouter, au nom du groupe, à l'intervention précise de mon collègue Jean-Claude Leroy.
Mme Chantal Jouanno. - Ce texte est particulièrement attendu en Île-de-France, où nous avons commencé le regroupement des services de sécurité dans les transports sous une même autorité.
La question, soulevée par Louis Nègre, de la répartition des pouvoirs entre les autorités publiques et les opérateurs, et parmi les opérateurs n'est pas tranchée. Au-delà des préoccupations d'opportunité et d'efficacité, le transfert de pouvoirs de police aux intercommunalités n'est pas anodin.
Le recouvrement des amendes ne dépasse pas 10 % en Île-de-France. Je souhaite bon courage aux officiers de police judiciaire qui seront chargés de vérifier l'identité des contrevenants ! En plus de cela, la vérification d'identité ne garantit pas le recouvrement effectif. La lutte contre la fraude reste très largement un vain mot.
Mme Odette Herviaux. - La lutte contre la fraude est nécessaire, mais attention à ne pas aller trop loin. Si le cadre sécuritaire se rapproche trop de celui du transport aérien, les pertes de temps occasionnées par les contrôles détourneront les usagers de la SNCF vers l'avion.
Les conditions de mise en oeuvre des contrôles sont décourageantes. Les fraudeurs ne sont pas toujours ceux qu'on croit, et il arrive que des contrevenants fassent un véritable esclandre.
M. Jean-François Rapin. - S'il incombe désormais aux exploitants d'assurer la sécurité dans les transports dont ils ont la charge, le coût des délégations de service public risque d'augmenter fortement.
Examen des amendements
Article additionnel après l'article 1er
M. Alain Fouché, rapporteur. - L'amendement n° 1 prévoit l'utilisation à titre expérimental, par les agents des services internes de la sécurité de la SNCF et de la RATP, la Suge et le GPSR, de caméras-piétons, afin de sécuriser leurs interventions en dissuadant les comportements violents à leur égard : accrochée à la boutonnière, cette caméra peut enregistrer des éléments de preuve le cas échéant.
Limitée à trois ans, l'expérimentation est assortie de plusieurs garanties : le renvoi aux dispositions du code de la sécurité intérieure sur la vidéoprotection, la limitation de l'enregistrement à la seule durée de l'intervention, et dans des conditions permettant aux personnes filmées d'en être informées, et enfin son interdiction hors des lieux dans lesquels interviennent les agents de la Suge et du GPSR (les gares et les matériels roulants).
Une clause de revoyure est prévue au bout de deux ans, afin d'évaluer l'opportunité du maintien de cette mesure.
M. Gérard Cornu. - Il est écrit dans l'amendement que les agents des services de sécurité de la SNCF et de la RATP « peuvent procéder à l'enregistrement ». Si c'est facultatif, je ne vois pas la nécessité de fixer une date de mise en place du dispositif.
M. Louis Nègre. - C'est facultatif parce que l'opportunité de mettre en place un tel dispositif doit être appréciée au regard du contexte. La SNCF ayant 160 000 agents, l'équipement de tous présenterait un coût considérable.
J'ai pu éprouver l'efficacité de la caméra-piéton dans ma commune de Cagnes-sur-mer, où la police municipale en est équipée. C'est la meilleure arme contre la petite délinquance. Le contrevenant peut voir qu'il est filmé grâce au voyant rouge. Cet amendement, qui apporte des garanties d'encadrement du dispositif, me semble bienvenu.
M. Jean-Jacques Filleul. - Il s'agit d'une évolution légale très importante. Je comprends les dispositions de l'amendement destinées à laisser le temps aux opérateurs de s'organiser : un tel dispositif n'est pas applicable partout. Nous voterons en faveur de l'amendement.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Le lancement du dispositif a été fixé au 1er janvier 2017 pour attendre la fin de l'expérimentation menée par la police et la gendarmerie. Quant au caractère facultatif, il s'explique principalement par des préoccupations de coût. On peut envisager une expérimentation dans les grandes gares comme la gare du Nord.
L'amendement n° 1 est adopté.
M. Alain Fouché, rapporteur. - L'amendement n° 7 soumet les formations des personnels de la Suge et du GPSR au contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), afin de rapprocher le cadre juridique de leur intervention de celui qui s'applique aux sociétés de sécurité privée. Mon collègue François Bonhomme a déposé un amendement identique auprès de la commission des lois.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Dans la même logique, l'amendement n° 8, qui sera lui aussi présenté en commission des lois, prévoit la transmission au Cnaps, en plus du Défenseur des droits du bilan, des contrôles opérés par les forces de l'ordre sur les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.
M. Alain Fouché, rapporteur. - L'amendement n° 9 applique le code de déontologie édicté par le Cnaps aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, une disposition qui sera aussi présentée à la commission des lois.
L'amendement n° 9 est adopté.
M. Alain Fouché, rapporteur. - L'amendement n° 10, identique à celui de François Bonhomme déposé en commission des lois, réécrit entièrement l'article 3 qui élargit l'exercice des fonctions des agents des services internes de sécurité en tenue civile. À l'instar de ce qui est prévu pour les policiers en civil, l'amendement propose qu'en intervention, les agents portent un signe distinctif (brassard ou carte professionnelle apparente) pour éviter toute confusion avec les forces de l'ordre.
L'amendement n° 10 est adopté.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Également présenté en commission des lois, l'amendement n° 11 réécrit le dispositif de vérification administrative, notamment pour éviter que des postes sensibles soient pourvus par des personnes en voie de radicalisation. Il étend le dispositif à l'ensemble du transport collectif et traite la question des personnes dont le comportement évoluerait après leur recrutement ou leur affectation. L'enquête serait menée à l'initiative de l'employeur, qui serait averti de son résultat par l'autorité administrative.
M. Louis Nègre. - Compte tenu des événements récents, c'est un amendement intéressant. L'extension du dispositif à tout le transport collectif répond à un souhait des autorités organisatrices. L'information de l'employeur est bienvenue : on avait parfois des surprises, y compris en découvrant que des agents avaient perdu leur permis de conduire ! Enfin, je me félicite que l'enquête puisse être menée à l'initiative de l'employeur.
M. Jean-Jacques Filleul. - Je ne m'oppose pas à cet amendement, qui porte sur un sujet important. Notre groupe s'abstiendra.
L'amendement n° 11 est adopté.
Article additionnel après l'article 6
M. Alain Fouché, rapporteur. - L'amendement n° 12 transcrit une recommandation du rapport de la mission d'information commune au développement durable et à la commission des lois, autorisant la transmission en temps réel d'images de vidéoprotection aux forces de l'ordre par les opérateurs privés. Un amendement identique sera présenté par François Bonhomme à la commission des lois.
L'amendement n° 12 est adopté.
M. Alain Fouché, rapporteur. - L'amendement n° 6 supprime l'article 6 quinquies prévoyant la présentation d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'opportunité de créer une redevance de sûreté. Nous ne sommes pas favorables à une nouvelle taxe, et toute augmentation du prix des billets risquerait d'écarter les usagers des modes de transport collectifs. Des mesures concrètes pour l'amélioration de la sûreté dans les transports peuvent être mises en oeuvre à un coût maîtrisé, comme François Bonhomme et moi-même l'avons démontré dans notre rapport d'information.
M. Hervé Maurey, président. - Nous ne sommes favorables ni à une nouvelle taxe, ni à un rapport.
M. Louis Nègre. - La SNCF est en mesure de dégager des moyens en interne, d'autant que son président a annoncé d'importants efforts de compétitivité et de productivité.
M. Claude Bérit-Débat. - Peut-on prévoir une série de mesures, notamment des équipements, sans accorder de moyens supplémentaires ? Même si des efforts de productivité sont consentis, il serait regrettable qu'un manque de moyens remette en cause la mise en oeuvre des mesures votées. Je m'abstiendrai.
M. Jean-Jacques Filleul. - Notre groupe s'abstiendra pour les raisons que vient d'évoquer Claude Bérit-Débat.
M. Louis Nègre. - Lors de ses voeux, la semaine dernière, le président de la SNCF a annoncé une augmentation des capacités de réaction de l'entreprise pour répondre à la situation actuelle. Cela montre que cette institution possède les ressources nécessaires.
M. Hervé Maurey, président. - Nous allons entendre des représentants de la SNCF dans le cadre du bilan de la mise en oeuvre de la réforme ferroviaire.
M. Jean-Jacques Filleul. - Je n'ai pas la même analyse des propos tenus par le président de la SNCF !
M. Alain Fouché, rapporteur. - La SNCF peut dégager des ressources grâce à une meilleure organisation et surtout une remise à plat de la gestion scandaleuse de son parc immobilier.
M. Claude Bérit-Débat. - C'est un investissement. Il ne faut pas confondre le compte de gestion et le bilan ; la SNCF ne va pas vendre une partie de son patrimoine immobilier pour financer ces mesures !
L'amendement n° 6 est adopté.
M. Alain Fouché, rapporteur. - L'amendement rédactionnel n° 3 clarifie l'application de la communication de données prévue par l'article 9 aux agents de l'ensemble des exploitants de services de transport, y compris ceux qui exploitent des services de bus.
M. Alain Fouché, rapporteur. - L'amendement n° 4 de coordination avec l'article 10 rappelle que la transaction ne se limite pas au versement d'une indemnité forfaitaire mais inclut le versement de la somme due au titre du transport.
M. Alain Fouché, rapporteur. - L'amendement n° 5 précise que l'administration fiscale transmet les données relatives aux contrevenants aux agents de l'exploitant du service de transport chargés du recouvrement des sommes dues au titre de la transaction, et non aux agents ayant constaté l'infraction.
M. Jean-Jacques Filleul. - Notre groupe s'abstiendra sur cet amendement.
M. Louis Nègre. - Qui veut la fin, veut les moyens !
L'amendement n° 5 est adopté.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Identique à un amendement déposé par François Bonhomme auprès de la commission des lois, l'amendement n° 13 prévoit la possibilité d'un transfert au président de l'intercommunalité des compétences relatives à la réglementation de l'activité de transport, quand l'intercommunalité est compétente en ce domaine. C'est une disposition analogue à ce qui existe pour l'assainissement ou les déchets. La possibilité est également prévue, pour un maire, de s'opposer à ce transfert en ce qui le concerne.
M. Claude Bérit-Débat. - Je suis opposé au transfert automatique. Au lieu de « les maires des communes membres transfèrent au président de cet établissement les attributions lui permettant de réglementer cette activité », il serait préférable d'écrire « peuvent transférer ».
Lorsqu'elles sont autorités organisatrices de transports, les petites communautés d'agglomération de 40 ou 50 000 habitants n'ont pas forcément les moyens d'assurer la police des transports. Évitons d'engendrer des surcoûts : même s'il est prévu de demander l'autorisation aux maires, il faudrait rendre le transfert explicitement facultatif.
M. Gérard Cornu. - Je partage cette analyse et cette proposition de reformulation. Il n'est pas sûr que les présidents d'intercommunalités soient toujours demandeurs de ce transfert ; de leur côté, les maires sont vigilants sur le maintien de leurs pouvoirs régaliens. La formulation « peuvent transférer » ne dénature pas le texte.
M. Louis Nègre. - Concrètement, de quels pouvoirs le maire est-il démuni en cas de transfert à l'intercommunalité ? Quelle est la réalité du transfert sur le terrain ?
M. Alain Fouché, rapporteur. - Il s'agit d'un transfert du pouvoir réglementaire, par exemple celui de fixer les horaires de fermeture des transports. Le III de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales en précise déjà le caractère facultatif : « Dans un délai de six mois suivant la date de l'élection du président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales ou suivant la date à laquelle les compétences mentionnées aux trois premiers alinéas du I ont été transférées à l'établissement ou au groupement, un ou plusieurs maires peuvent s'opposer, dans chacun de ces domaines, au transfert des pouvoirs de police. À cette fin, ils notifient leur opposition au président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales. Il est alors mis fin au transfert pour les communes dont les maires ont notifié leur opposition.
Si un ou plusieurs maires des communes concernées se sont opposés au transfert de leurs pouvoirs de police, le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales peut renoncer, dans chacun des domaines mentionnés aux trois premiers alinéas du I, à ce que les pouvoirs de police spéciale des maires des communes membres lui soient transférés de plein droit. Il notifie sa renonciation à chacun des maires des communes membres dans un délai de six mois à compter de la réception de la première notification d'opposition. Dans ce cas, le transfert des pouvoirs de police prend fin à compter de cette notification. »
M. Hervé Maurey, président. - La question du transfert des pouvoirs de police a déjà été débattue en 2010, à l'occasion de la réforme des collectivités territoriales : les uns étaient favorables au transfert, les autres estimaient que ces pouvoirs relevaient par essence des maires. Nous étions parvenus à un compromis : les pouvoirs de police peuvent être transférés à l'intercommunalité, mais il suffit qu'un seul maire s'y oppose pour que le président de l'EPCI annule la décision. C'est ce principe qui est appliqué dans l'amendement.
M. Claude Bérit-Débat. - Le cas est différent. Ici je m'oppose au transfert obligatoire de la compétence, qui revient parfois à se délester d'un problème. Cela a notamment été le cas pour le traitement des déchets ménagers ou la mise en place du schéma départemental d'accueil des gens du voyage. Je suis donc opposé à un transfert obligatoire, surtout dans le cas des petites intercommunalités.
M. Louis Nègre. - Je conviens que les petites intercommunalités ont des moyens limités. Cependant, le transfert de la réglementation d'une activité est une chose, celui de son contrôle en est une autre. Quelles sont les conséquences concrètes du transfert ?
M. Jean-Claude Leroy. - De fait, les pouvoirs des maires sont réduits par ce transfert. C'est un problème de nature presque constitutionnelle, qui appelle des précautions.
M. Gérard Cornu. - Les intercommunalités recherchent généralement le consensus. Pour un maire, il est plus facile de mettre en oeuvre une possibilité que de s'opposer au président de l'intercommunalité ou à d'autres maires. Je suis donc favorable à la formulation « peuvent transférer ». De plus, il existe une ambiguïté sur la nature du transfert.
M. Alain Fouché, rapporteur. - Le transfert ne porte pas sur la gestion au quotidien de la police, mais sur la réglementation, comme pour les déchets ou l'assainissement. Il devrait faciliter l'homogénéisation de la réglementation.
M. Claude Bérit-Débat. - Je reste favorable à la formulation que j'ai évoquée, sous la forme d'un sous-amendement ou, si le rapporteur l'accepte, d'un amendement rectifié.
M. Hervé Maurey, président. - Je mets donc l'amendement ainsi modifié au vote.
L'amendement n° 13 ainsi modifié est adopté.
Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité - Suite de l'examen des amendements aux textes de la commission
M. Hervé Maurey, président. - Monsieur Filleul a demandé la parole.
M. Jean-Jacques Filleul. - Le groupe socialiste s'interroge après les débats d'hier. En commission, les propositions de notre rapporteur, Jérôme Bignon, sont acceptées sans difficulté par la majorité sénatoriale - avec raison d'ailleurs, puisqu'il a fait un excellent travail que nous soutenons. En revanche, en séance, hier, notre rapporteur a été très bousculé par la majorité sénatoriale et j'aimerais savoir où vous en êtes. Nous avons entendu des propos extrêmement vigoureux contre ce texte, qui est pourtant important. Je m'interroge donc sur la suite des débats et sur ce que la majorité sénatoriale va voter en fin de ces longues séances. Je n'attends pas de réponse, mais souhaitais vous soumettre cette interrogation.
M. Hervé Maurey, président. - Merci Monsieur Filleul. Je vous propose que nous reprenions l'examen des amendements.
M. Gérard Cornu. - Je voudrais revenir sur les remarques de notre collègue Jean-Jacques Filleul en début de réunion. Nous soutenons notre rapporteur, c'est une évidence. Mais vous avez remarqué que par moments il y a des divergences d'appréciation entre le rapporteur et la majorité sénatoriale. Et notamment sur cet amendement n° 5 rect. quater pour lequel le rapporteur émet un avis défavorable, ce qui est son droit. Mais il est aussi du droit de la majorité sénatoriale de dire dans l'hémicycle qu'elle n'est pas forcément d'accord avec le rapporteur. Il n'y a pas d'incohérence. Ce n'est pas parce qu'un amendement reçoit un avis défavorable en commission que les membres de la majorité sénatoriale - qui ont, au surplus, cosigné en nombre cet amendement - ne peuvent pas avoir un débat dans l'hémicycle et donner un avis différent du rapporteur.
M. Rémy Pointereau. - J'ajouterais que la plupart des amendements, notamment ceux de Jean-Noël Cardoux, sont aussi déposés par le groupe socialiste et ont d'ailleurs été votés en séance hier.
M. Guillaume Arnell. - Ce qui me surprend sur ce texte, c'est le grand nombre d'avis défavorables.
M. Hervé Maurey, président. - Je voudrais vous rappeler que lorsque nous avons adopté le texte au mois de juillet dernier, un tiers des amendements proposés ont été retenus, soit 222, ce qui n'est pas rien. Mais beaucoup d'amendements proposés en juillet sont à nouveau proposés et, ainsi que l'a dit le rapporteur, il est cohérent de ne pas les accepter aujourd'hui.
M. Ronan Dantec. - Notre collègue Jean-Jacques Filleul a ouvert un débat important. Je pense que nous avions fait un vrai travail en commission, notamment pour essayer de trouver des compromis, et que nous étions dans notre rôle d'amélioration du texte. Ce qui s'est passé hier c'est qu'à partir d'une entrée principale qui est la chasse nous avons détricoté une partie du travail que nous avions fait en commission.
Il n'est évidemment pas question de remettre en cause le droit de chacun de soutenir dans l'hémicycle les amendements qui lui tiennent à coeur. Cela m'est aussi arrivé et c'est tout à fait normal.
Encore une fois, je ne remets pas en cause le fait que le groupe chasse, par exemple, considère qu'il y a des points importants pour lui, c'est la démocratie parlementaire. Mais la manière dont cela s'est passé à détricoté très largement le texte de la commission. Nous aurions pu trouver des compromis. Nous ne sommes plus dans le travail d'amélioration de texte.
M. Claude Bérit-Débat. - Chacun est libre de défendre sa vision de la biodiversité. Je ne pense pas que les amendements cosignés par un certain nombre de collègues dénaturent le projet de loi. Je n'ai pas été virulent dans mes propos, mais j'ai défendu mes amendements. La vision de certains collègues de territoires ruraux est largement partagée au Sénat, ce qui est normal puisque nous sommes les représentants des collectivités territoriales. Il est vrai qu'ils font l'objet d'un consensus au sein du groupe « chasse et pêche ».
Notre collègue Jean-Jacques Filleul s'exprime de façon générale, je ne pense pas qu'il fasse forcément référence aux amendements concernant la chasse, il y en avait d'autres aussi. C'est le débat parlementaire.
Je voudrais dire au rapporteur qu'il a fait un très bon travail. Il défend sa propre vision. Pour avoir été, en son temps, rapporteur d'un projet de loi, la loi ALUR, qui m'a valu les mêmes problèmes, je sais ce que c'est que d'être rapporteur et de défendre des positions même contre son camp.
Mme Évelyne Didier. - Il n'est pas question de remettre en cause le droit de chacun de s'exprimer. Au Sénat, le travail en commission a été renforcé. La séance vient par la suite. Pour afficher des convictions on présente des amendements dont on sait souvent qu'ils ne seront pas adoptés.
Si au moment de la séance on rebâtit tout, c'est perturbant et, du coup, il y a des concessions que j'ai pu faire que je n'ai plus envie de faire. Nous sommes tous en train de faire des concessions quand on fait ce travail parlementaire. C'est une méthode de travail et il faut savoir si cette première étape de la réunion de commission est déterminante ou pas.
Il faut faire confiance au travail des collègues qui ont vraiment approfondi les choses. Il ne faut pas s'étonner qu'un rapporteur cherche à avoir une cohérence, tous les rapporteurs ont toujours fait ça.
M. Hervé Maurey, président. - Je propose que nous reprenions l'examen des amendements.
Quand le rapporteur s'exprime ce n'est pas à titre personnel, il exprime le point de vue de la commission. Il faut que les choses soient claires. Je ne suis pas d'accord avec l'idée selon laquelle l'avis du rapporteur serait personnel. On l'a vu encore une fois hier : il ne peut pas changer de position, même si les débats pourraient l'y conduire, puisqu'il doit donner la position de la commission.
Ensuite, nous avions élaboré un texte équilibré, mesuré, ce serait bien de rester sur cette ligne-là.
Enfin, ce n'est pas la première fois que l'on constate des votes différents entre la commission et la séance. Souvenez-vous du vote à l'unanimité en commission de l'amendement de Jean-François Longeot sur la démographie médicale : un certain nombre de commissaires n'ont pas eu le même vote en séance.
Vous savez très bien que dans le rapporteur donne son avis, s'il n'y a pas de remarques ou de vote, c'est une acceptation tacite.
M. Gérard Cornu. - Monsieur le Président, nous avons tous été rapporteurs. Le rapporteur présente des avis, il peut être désavoué dans l'hémicycle : ça nous est tous arrivé. Ca me paraît naturel d'avoir un débat dans l'hémicycle. Sur la méthode, faut-il voter sur tous les amendements en commission ? Cela voudrait dire qu'on pourrait désavouer le rapporteur en commission. C'est le rôle du rapporteur de chercher l'équilibre et je ne remets pas du tout ce rôle en cause, il le fait très bien. D'autres sénateurs peuvent avoir une appréciation de cet équilibre.
M. Ronan Dantec. - Je ne me retrouve pas tout à fait dans les propos de Gérard Cornu. Ce n'est pas la commission contre le rapporteur. Ce qui sort de la commission c'est un point d'équilibre politique de la commission. Si le travail d'équilibre collectif que nous avons fait en commission n'est pas respecté dans l'hémicycle par une part importante des membres de la commission, cela remet en cause le travail de la commission.
M. Rémy Pointereau. - Je souhaiterais qu'on vote sur l'amendement n° 64 rectifié.
M. Hervé Maurey. - On va demander au rapporteur de préciser sa pensée, puis on votera sur l'amendement n° 64 rectifié.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Cet amendement vise à préciser par un « notamment » que les différentes modalités de la mise en oeuvre de la compensation des atteintes à la biodiversité visées par l'article 33 A ne sont pas exclusives d'autres modalités qui ne seraient pas mentionnées par l'article. Or, les options envisagées intègrent toutes les modalités possibles sans exclure les formes innovantes. La personne soumise à l'obligation de compensation y satisfait soit par elle-même, soit en confiant la mise en oeuvre à un opérateur de compensation, soit enfin en acquérant des unités de compensation auprès d'une réserve d'actifs naturels. La définition d'un opérateur de compensation est large, pour intégrer les tiers, personnes publiques ou privées, chargées de mettre en oeuvre les compensations pour une personne soumise à une telle obligation. Je crains qu'on ne fragilise la norme en multipliant les « notamment ».
M. Hervé Maurey, président. - Est-il retiré ?
Je vous remercie. L'avis sur les amendements suivants est défavorable.
Nous en venons à l'amendement n° 65.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Cet amendement vise à permettre à une personne soumise à une obligation de compensation de confier sa mise en oeuvre à des exploitants agricoles ou forestiers.
La rédaction actuelle n'exclut aucunement la participation des exploitants et la valorisation des services écologiques qu'ils produisent.
Cet amendement me paraît donc parfaitement satisfait. Si toutefois l'objectif d'un tel amendement était de soustraire les exploitants agricoles à l'obligation d'agrément préalable, en les distinguant de la catégorie des opérateurs de compensation, j'y serais opposé. L'agrément est un principe que nous avons posé, il n'y pas de raisons qu'un opérateur de compensation, quel qu'il soit, soit dispensé de l'agrément.
M. Rémy Pointereau. - Il peut y avoir des contrats, un peu ouverts, différents de ce qui est proposé. La contractualisation doit pouvoir être faite par des opérateurs qui ne soient pas nécessairement ceux prévus dans le texte.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Tout le monde peut être opérateur de compensation. Le problème en désignant un exploitant agricole - exploitant qui n'est pas exclu du dispositif et qui a la faculté de postuler pour dire qu'il est l'opérateur de compensation - c'est qu'on peut avoir le sentiment que puisqu'il est désigné spécifiquement, il doit être dispensé de l'agrément.
M. Ronan Dantec. - Je pense que si on rajoute ça, on sous-entend que les opérateurs de compensation normaux ne sont pas les exploitants agricoles ou forestiers. Donc l'amendement, tel qu'il est écrit, va à contre-sens de ce qui est recherché. Or, effectivement - et c'est là l'intérêt de discuter entre nous - quand on pense aux opérateurs de compensation, il s'agit d'abord des exploitants agricoles et forestiers !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - L'intérêt de l'amendement et des débats législatifs, c'est qu'on retrouvera une trace, si jamais un jour quelqu'un dit « non, vous êtes exploitant agricole, vous n'avez pas le droit d'être opérateur de compensation », on pourra lui répondre : « mais pas du tout ! Le législateur a entendu que l'exploitant agricole ou forestier ne soit pas exclu du dispositif ». Il n'y a d'exclusion pour personne. La seule condition posée est l'agrément.
M. Rémy Pointereau. - Je maintiens mon amendement.
M. Hervé Maurey, président. - Nous en arrivons à l'amendement n° 434 rectifié.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Je voudrais redire un mot sur ce texte, parce qu'il y a un problème d'incompréhension. Je reviens sur l'obligation réelle environnementale et la façon dont on l'a bâtie. L'obligation est une faculté. C'est assez paradoxal de dire cela, ce n'est pas une obligation. En droit, celui qui s'oblige s'impose de le faire en contrepartie d'autre chose. C'est un droit qui existe depuis le code civil, et qui était déjà présent dans le droit romain. C'est quelque chose de très ancien, et on l'appelle peut-être à tort droit des obligations. Cela veut dire qu'il y a une obligation réciproque qui est consentie.
L'obligation réelle environnementale est une faculté. C'est une possibilité, offerte à un propriétaire. Les obligations, pour avoir une vraie existence juridique - c'est la jurisprudence de la cour de cassation -, doivent être limitées dans le temps. On ne peut pas consentir ce contrat au-delà de 99 ans, parce qu'il devient alors « éternel » et il est donc nul. On n'oblige pas les gens à signer pour 99 ans ; l'idée de 99 ans, c'est que l'obligation ne peut pas dépasser cette durée. Signer est donc non seulement une faculté, mais on peut signer une obligation de un an, de deux ans, de trois ans... jusqu'à 99 ans maximum.
Donc : c'est une obligation, donc une faculté ; sa durée varie de un jour à 99 ans ; le preneur est consulté et doit donner avant que l'obligation soit contractée son consentement écrit ; l'obligation est garantie par une inscription au régime des hypothèques. Je ne comprends pas ces amendements ! J'y suis opposé parce qu'ils n'ont rien à voir avec ce qui est prévu dans le texte !
M. Gérard Cornu. - Ces explications que vient du rapporteur sont importantes. Le rapporteur est juriste : on n'est pas tous juristes !
M. Michel Raison. - On a bien compris, le rapporteur est pédagogue. Je crois que la crainte de certains c'est qu'il y ait beaucoup de contrats signés sur une longue durée et que ça handicape un certain nombre de terres pour l'avenir, pour d'autres preneurs. Mais je vois difficilement des bailleurs handicaper leurs héritiers - parce que ça peut être un handicap - et si le bailleur qui a 50 ans signe pour 99 ans, il peut handicaper deux générations.
M. Hervé Poher. - Il est écrit « obligation réelle environnementale supérieure à 99 ans » : ce qui serait problématique, c'est si l'on avait écrit « inférieure ». Supérieur à 99 ans, ça donne de la marge. Par contre si on avait écrit que le contrat ne pouvait pas être inférieur à une durée, là on faisait peser une réelle pression sur le propriétaire.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Il a le choix de signer entre un jour et 99 ans.
M. Hervé Poher. - Voilà ! Donc ce n'est pas contraignant ! C'est le mot « inférieur » qui aurait été contraignant.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Michel Raison a clairement identifié la difficulté.
Sur une terre agricole, il y a souvent à la fois un propriétaire et un exploitant. Le propriétaire n'est pas toujours l'exploitant. Quand le propriétaire est l'exploitant, il n'a pas besoin de se demander à lui-même son consentement. Les bailleurs ont des preneurs, et le statut des baux en droit français est assez protecteur du preneur. Derrière l'amendement, ce n'est pas le propriétaire qui est défendu, mais l'exploitant. L'idée est de mettre un frein à la faculté du propriétaire de signer une obligation réelle environnementale pour ne pas gêner la mutation ou le transfert de terres comprenant des obligations que n'aurait pas nécessairement consenties le deuxième preneur, et que celui-ci serait obligé de prendre parce qu'elles sont inscrites au régime des hypothèques. Donc les preneurs considèrent que c'est non pas une atteinte au droit de propriété, mais au droit du preneur ; ils essaient donc de limiter la capacité du propriétaire.
M. Hervé Maurey, président. - Merci, monsieur le rapporteur, de ces précisions qui ont, je crois, été utiles à tout le monde.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - L'amendement vise à supprimer l'article 51 quinquies, qui renvoie à l'autorité administrative le soin de définir, par arrêté, les modalités d'utilisation des pesticides dans les cuves, l'épandage des fonds de cuves et leur nettoyage. L'objet de l'article n'est pas de créer une contrainte législative supplémentaire. Il s'agit simplement de donner une base législative à l'arrêté du 12 septembre 2006 relative à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytosanitaires. La contrainte existe, il s'agit simplement de lui donner une base législative. Cet arrêté n'a pas de base législative, il a donc une fragilité juridique réelle.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - J'aurais bien déposé un amendement sur ce sujet mais les débats d'hier ne m'ont pas incité à le faire. Les néonicotinoïdes sont une famille de pesticides introduite en 1994. De l'avis des scientifiques que j'ai entendus en audition, notamment l'INRA, on constate une corrélation nette entre le développement de ces substances et le début des problèmes avec les abeilles.
Le récent rapport Neumann remis à l'EFSA va dans le même sens. Neumann est un biologiste suisse qui a travaillé sur ces questions et qui préconise avec force une réévaluation de l'ensemble des molécules de cette famille et un maintien du moratoire existant déjà sur quelques molécules. Le rapport de l'ANSES, remis la semaine dernière, ne dit pas autre chose.
Dans cet avis, l'ANSES rappelle, qu'en l'absence de mesures de gestion adaptées, l'utilisation des néonicotinoïdes entraîne de sévères effets négatifs sur les espèces pollinisatrices. L'avis souligne, à ce titre, la pertinence du moratoire européen décidé en 2013 sur ces substances. L'agence conclut, dans cet avis, qu'il y a des usages pour lesquels les risques pour les abeilles domestiques, les bourdons et les abeilles sauvages sont faibles. Mais, en même temps et en revanche, il subsiste une très forte incertitude concernant certains usages et en particulier deux : le traitement des semences pour les céréales d'hiver et en pulvérisation sur les vergers et sur les vignes. Ces substances agissent sur les abeilles de façon sublétale, cela veut dire que les abeilles ne meurent pas nécessairement mais deviennent désorientées et ne travaillent plus. Si elles sont désorientées, elles ne rentrent plus à la ruche et si elles ne travaillent plus, elles ne contribuent plus à fabriquer leur nourriture et donc elles mettent en péril la ruche.
Leurs défenses immunitaires sont affaiblies et sont ensuite plus sensibles, par exemple au virus des ailes déformées. La science est de plus en plus formelle sur la dangerosité de ces molécules, mais pas encore totalement formelle.
Très peu d'expérimentations dans la nature ont été menées sur l'effet de ces substances. Les firmes mettent en avant, pour leur part, d'autres facteurs d'explications qui iraient jusqu'à 22 virus identifiés. Les abeilles sont donc soumises à un cortège de stress extrêmement important.
Le problème est essentiellement lié aux modalités d'utilisation de ces molécules. Avant la semence enrobée, lorsque l'on pulvérisait les phytosanitaires, les abeilles connaissaient des pics de mortalité ponctuels qui ne menaçaient pas à moyen terme la viabilité des ruches. Désormais, en utilisation enrobées les abeilles sont exposées de façon continue, c'est le paradoxe de ce progrès que constitue la semence enrobée. Cette utilisation par prophylaxie, va à l'encontre de l'agriculture raisonnée, prophylaxie cela signifie que l'on soigne avant, de façon préventive, alors que le traitement était curatif c'est-à-dire quand l'attaque était là, on traitait. Il y avait l'aléa de l'abeille qui se trouvait dans le champ quand on traitait, ce n'était pas systématique. Mais lorsque c'est prophylactique, cela a un côté systématique qui fait que l'abeille prend 100 %.
Cela va à l'encontre de l'agriculture raisonnée, de la lutte intégrée. On retrouve dans les sols, dans les eaux de ruissellement, ces produits : cela signifie que l'enrobage ne disparaît pas immédiatement.
On connaît, par ailleurs, mal l'effet combiné des produits. On sait qu'il existe un effet de synergie entre les différentes espèces et les différents produits, Bayer a même déposé un brevet là-dessus. On sait que les abeilles sont exposées à plusieurs néonicotinoïdes. Il faudrait tester les molécules non pas seules mais avec les autres molécules les plus pertinentes. L'idée serait donc d'interdire, non pas d'une façon générale, mais un usage en semences enrobées sur les céréales, et cette interdiction ne s'appliquerait qu'aux prochains semis, ce qui laisserait des délais d'adaptation d'un an pour les différents acteurs au service des firmes ou des agriculteurs.
C'est l'analyse sur laquelle j'avais travaillé. Mais, encore une fois, il faudrait qu'il y ait un consensus général.
M. Ronan Dantec. - Je voudrais explorer le consensus. L'amendement de Mme Bonnefoy me gêne sur le fait qu'elle laisse le ministre prendre l'avis de l'ANSES et interdire plutôt que de faire un article d'interdiction à partir des préconisations de l'ANSES. Je suis bien conscient d'être en-deçà de ce que mon groupe défend. Que les usages ciblés par l'ANSES soient interdits très vite est vraiment un compromis. Laisser le ministre de l'agriculture lui-même statuer, cela ne fonctionne pas. Je me demandais si l'on pouvait se mettre d'accord là-dessus, ce n'est pas une interdiction générale mais nous reprendrions l'avis clair de l'ANSES et de nombreux rapports scientifiques préalables. Je pense que cela peut être un compromis possible qui donnerait, de la part du Sénat, un bon signal.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - On ne peut pas interdire la substance mais on peut interdire l'usage de la substance. Le rapport de l'ANSES différencie très nettement les différents usages.
Mme Chantal Jouanno. - D'expérience, renvoyer à un arrêté ou à une décision des ministres, c'est les mettre dans une situation impossible et, quel que soit leur avis personnel, cela se passe rarement comme on l'a envisagé. C'est normal car ils se trouvent pris dans un étau. J'ai mis la date de 2018 par compromis. Le problème du compromis c'est que cela ne satisfait personne. On peut tout à fait, sur la base de ce qu'a évoqué le rapporteur, modifier cet amendement pour prendre en considération de manière plus précise l'avis de l'ANSES, mais ne pas poser le principe et simplement renvoyer à une décision réglementaire me semblerait une erreur et un jour ou l'autre notre responsabilité sera engagée sur ces sujets.
Mme Nicole Bonnefoy. - Je suis d'accord pour que l'on essaie de trouver ce compromis parce que depuis le temps que nous savons, et l'ANSES vient de le confirmer, que ce sont des produits qui sont dangereux, nous avons les apiculteurs qui nous contactent, nous avons beaucoup d'agriculteurs qui se sont tournés vers de l'agriculture raisonnée ; nous avons les associations environnementales. On ne peut pas avoir à la fois un rapport aussi précis, aussi fouillé, aussi évident que celui de l'ANSES et ne pas se prononcer. Ce n'est pas possible, nous allons être complètement décrédibilisés sur ce sujet-là. Il s'agit quand même de la santé des gens !
Je pose après la question : qu'est-ce qui va remplacer tout cela ? Nous ne sommes pas dupes. On sait que les laboratoires vont peut-être trouver des molécules qui risquent d'être encore pires. En tout état de cause, si nous avons l'occasion de faire consensus autour d'une mesure que l'on souhaite promouvoir, allons-y ! Ne faisons pas la fine bouche !
Mme Chantal Jouanno. - Juste quatre points.
Premièrement, on se réfère très souvent à la science pour nous expliquer que l'on ne peut pas parler du principe de précaution, qu'il y a certaines recherches à faire. Là, nous avons des données scientifiques. L'ANSES n'est pas un lobby, c'est une instance indépendante qui en plus construit ses avis de manière contradictoire et collective.
Deuxièmement, mon amendement visait les usages. Il faut, d'ailleurs pour qu'il soit acceptable, l'amender, on ne peut pas le laisser tel quel.
Troisièmement, sur la question de la substitution, en cas d'interdiction, nous avons eu exactement le même débat sur le bisphénol, dans les mêmes termes. C'est la raison pour laquelle effectivement l'interdiction immédiate, même pour certains usages, n'est pas possible, il faut donc laisser un certain délai.
Renvoyer systématiquement le débat en disant que c'est européen n'est pas acceptable, même si ça l'est ! Je vous rappelle que nous avons aussi eu le débat sur l'amiante. Là, nous avons des données scientifiques, nous sommes dans l'obligation d'agir.
M. Hervé Maurey, président. - Nous devrions pouvoir trouver une synthèse ou un compromis dans l'idée évoquée tout à l'heure par Jérôme Bignon qui est de cibler l'utilisation la plus contestée et critiquée par le rapport de l'ANSES, c'est-à-dire la mise en culture de semences enrobées pour les céréales. Sur ce point-là, je crois que le rapport est très clair. On pourrait peut-être, si une majorité en est d'accord, essayer de retenir cette idée qui n'est pas une interdiction généralisée, qui ne paraît pas excessive, et qui paraît, au contraire, par rapport à ce qu'a dit l'ANSES, quelque chose de tout à fait mesuré et nécessaire.
M. Michel Raison. - Très simplement, monsieur le président, je trouve que l'amendement de Mme Bonnefoy et de ses collègues, tant sur le plan juridique que scientifique, est préférable et je suis prêt à le soutenir.
M. Rémy Pointereau. - Je suis un peu du même avis que mon collègue car l'amendement de Mme Bonnefoy permet justement de prendre du temps, car il n'y a pas d'alternative aujourd'hui aux néonicotinoïdes. Nous allons être en distorsion de concurrence au niveau européen - c'est un fait - et de toute façon si vous supprimez aujourd'hui ce produit, vous aurez des produits, comme le disait une collègue, qui seront pires. Lorsque vous ne mettez pas de néonicotinoïdes, vous avez des attaques de pucerons et il faut traiter trois ou quatre fois plus afin d'essayer de détruire ces pucerons. Finalement, le remède est pire que ce que l'on veut faire aujourd'hui. Attendons le résultat des travaux européens, afin de ne pas encore faire de la surtransposition européenne comme cela est fait en permanence.
M. Jean-Jacques Filleul. - Je pense qu'il faut effectivement travailler autour de la proposition de Mme Bonnefoy parce qu'il me paraît important - tout le monde le sent bien -, qu'il ne faut pas que l'on se déchire sur ce point. Ce que je propose c'est peut-être qu'autour de cette proposition d'amendement, il y ait un travail de réalisé cet après-midi avec quelques-uns d'entre nous pour bien se caler autour d'un texte commun, étant donné que nous sommes tous d'accord sur la question des usages et que nous sommes tous méfiants sur les produits de substitution qui peuvent être dangereux. Nous sommes d'accord sur le principe après nous devons nous entendre sur un texte.
Mme Nicole Bonnefoy. - Je pense que l'on peut trouver un consensus à partir de mon amendement.
M. Ronan Dantec. - Le dossier d'expertise, nous l'avons, nous ne pouvons plus y échapper, c'est un risque. Le coût économique induit du maintien des néonicotinoïdes est supérieur au coût pour les agriculteurs qui les utilisent, c'est cela qu'il faut dire aujourd'hui. Ce n'est pas juste un coût pour les céréaliers, c'est l'ensemble du monde agricole qui paie la disparition des pollinisateurs.
Je pense que si nous sommes vraiment, dans un esprit de compromis, sur les usages, comme le dit l'ANSES, et que l'on met la date du 1er septembre 2017, ce qui laisse un an et demi alors le groupe de travail que Mme la ministre va mettre en place aura un cadre précis et nous avons pris nos responsabilités en laissant un peu de temps au temps.
M. Hervé Maurey, président. - Monsieur le rapporteur, quel est, à votre avis, l'amendement qui peut faire un certain consensus ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - La première chose que je partage, c'est l'idée que si l'on donne l'impression que l'on botte en touche, nous n'aurons pas fait notre travail. La deuxième chose qui me gêne est de demander un arrêté à un ministre, on peut toujours lui demander mais s'il ne le prend pas, il est dans son rôle de ne pas le prendre.
S'il n'est pas euro-compatible d'interdire la totalité des néonicotinoïdes en tant que tels, on peut parfaitement, dès lors qu'il y a le rapport de l'ANSES, et en s'appuyant sur ce rapport, dire que dans un certain nombre de circonstances, on ne peut pas les utiliser. Cela, nous en avons le droit. Après, le problème est de savoir comment on fait pour que cette mesure soit opérationnelle le plus rapidement possible. Il est certain qu'il faudra un arrêté du ministre. N'y a-t-il pas une combinaison pour poser le principe et demander que celui-ci soit mis en application par un arrêté ?
Jeudi 21 janvier 2016
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité - Suite de l'examen des amendements aux textes de la commission
La réunion est ouverte à 14 h 00.
M. Hervé Maurey, président. - Nous avons quatre amendements à examiner. Je donne tout de suite la parole au rapporteur.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-66 vise à autoriser la ratification du protocole de Nagoya à la convention sur la diversité biologique. Je crois que c'est une bonne chose que notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable lance le processus. C'est un signal fort.
M. Ronan Dantec. - J'ai deux doutes. Nous ne sommes qu'en première lecture et nous ne savons pas quand la loi sera adoptée. Est-ce qu'on ne se prive pas de la possibilité de permettre la ratification du protocole de Nagoya plus vite par le biais d'une proposition de loi ? Deuxièmement, est-ce une bonne chose de ratifier avant de savoir exactement quel sera le dispositif adopté ? Cela me semble être un amendement de deuxième lecture.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - Il n'y a pas de difficulté juridique à le voter aujourd'hui et à le faire dans un autre véhicule législatif plus rapide le cas échéant. Je trouve que c'est un encouragement à aller de l'avant. On donne un élan et on montre que ce projet de loi s'inscrit dans le cadre du protocole de Nagoya auquel on croit.
L'amendement n° DEVDUR-66 est adopté.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - L'amendement n°670 du Gouvernement supprime une habilitation à prendre des ordonnances. Celle-ci n'a plus lieu d'être puisque la mise en conformité avec la convention pour la gestion des eaux de ballast est effectuée par l'article 51 undecies.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 670.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - L'amendement n°669 du Gouvernement supprime un décret d'application.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n°669.
M. Hervé Maurey, président. - Nous examinons enfin un amendement du rapporteur sur la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-1 est un amendement de coordination avec la loi organique n° 2015-911 du 24 juillet 2015 relative à la nomination du président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
L'amendement n° DEVDUR-1 est adopté.
La séance est levée à 14 h 10.