- Mercredi 7 octobre 2015
- Protection de l'enfant - Examen du rapport et du texte de la commission
- Modernisation de notre système de santé - Désignation des candidats appelés à faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire
- Loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 - Audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Daniel Lenoir, directeur général, de la caisse nationale d'allocations familiales
- Jeudi 8 octobre 2015
Mercredi 7 octobre 2015
- Présidence de M. Alain Milon, président -Protection de l'enfant - Examen du rapport et du texte de la commission
La réunion est ouverte à 10 h 05.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Parfois, et peut-être trop souvent, les propositions de loi que nous adoptons ici, au Sénat, ne prospèrent pas, par manque d'intérêt de la part de nos collègues députés ou par manque de volonté politique du Gouvernement. A l'inverse, on ne peut que se féliciter lorsqu'une initiative émanant de notre Haute Assemblée est reprise par l'Assemblée nationale, encouragée par le Gouvernement et nous revient pour une deuxième lecture. C'est le cas aujourd'hui de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant que j'avais déposée il y a un peu plus d'un an avec notre ancienne collègue Muguette Dini.
L'objet de cette proposition de loi était, je vous le rappelle, d'apporter les précisions et les ajustements nécessaire pour que le dispositif de la protection de l'enfance, réformé par la loi du 4 mars 2007, soit amélioré, en tant que de besoin, et puisse enfin porter pleinement ses fruits, sur l'ensemble du territoire national.
Depuis nos travaux de première lecture, plusieurs évènements dramatiques sont venus rappeler combien il est nécessaire d'agir pour que cette politique soit mieux pilotée et plus efficace. Il s'agit aussi de réinterroger certaines pratiques et certains principes qui guident aujourd'hui l'action des services départementaux, des juges et de l'ensemble des acteurs intervenant dans ce domaine.
Le texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale est bien différent de celui que nous avions adopté, à l'unanimité, le 11 mars dernier. Alors que le texte sorti du Sénat ne comptait que seize articles, il en compte aujourd'hui cinquante. Parmi les articles additionnels, douze sont issus d'amendements gouvernementaux, signe que la démarche que nous avons engagée s'est accompagnée d'une réelle mobilisation de la ministre et de ses services.
En effet, parallèlement à l'examen du texte par le Sénat en première lecture et avant sa transmission à l'Assemblée nationale, Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de l'enfance, a mené une large concertation associant les professionnels, les élus et l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance. A la clé, une feuille de route et un certain nombre de propositions dont certaines ont permis d'enrichir le texte lors de son passage à l'Assemblée nationale.
Ce texte d'initiative sénatoriale a donc été l'occasion d'une réforme, plus globale et de plus grande ampleur, des dispositifs de protection de l'enfance.
Sur certains points, l'Assemblée nationale a fait des choix différents de ceux du Sénat, revenant d'ailleurs parfois à la position qui avait été celle de notre commission. Je pense notamment aux dispositions relatives à l'adoption simple ou à l'introduction de la notion d'inceste dans notre code pénal. Je pense également à la création d'un Conseil national de la protection de l'enfance chargé de conseiller le Gouvernement sur les orientations nationales de cette politique, proposition forte de notre rapport d'information.
Dans l'ensemble, néanmoins, l'Assemblée nationale n'a pas remis en cause les dispositions que nous avions adoptées. Si aucun article n'a été adopté conforme, les modifications apportées sont souvent essentiellement rédactionnelles.
Les députés et le Gouvernement ont également souhaité approfondir certaines des orientations que nous avions données au texte, en cherchant à améliorer les échanges d'informations entre les différents acteurs de la protection de l'enfance ou en sécurisant le recours à un tiers de confiance afin de garantir à l'enfant placé un cadre stable et familier.
L'Assemblée nationale a également, je l'ai dit, souhaité aller plus loin que les pistes d'amélioration identifiées par notre rapport d'information. La problématique des jeunes majeurs sortant des dispositifs de protection de l'enfance sans parvenir à s'insérer socialement et professionnellement, ou celle des mineurs étrangers isolés, dont l'actualité montre à quel point elle est aigüe, étaient en effet en dehors du champ du rapport et de la proposition de loi initiale. Plusieurs articles additionnels visent à y apporter des réponses.
Enfin, les députés ont introduit des dispositions relatives à la prévention qui doit s'exercer auprès des parents susceptibles de rencontrer des difficultés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives avant même la naissance de l'enfant.
Parfois, la concision qui caractérisait le texte initial a pu souffrir de ces différents ajouts. Certaines dispositions nouvelles apparaissent superflues ou inutiles. Je vous proposerai donc de les supprimer.
En lien avec la commission des lois et son rapporteur pour avis, dont je salue le travail, je vous proposerai également de préciser et d'améliorer la rédaction d'un certain nombre d'articles additionnels.
Néanmoins, le texte dont nous allons entamer l'examen est plus riche, plus complet et pourra, j'en suis certaine, permettre au Sénat de retrouver dans une large mesure l'esprit de consensus qui avait marqué son examen en première lecture.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Je souscris à ce qui vient d'être dit. L'Assemblée nationale a largement suivi la position du Sénat, en particulier en ne rétablissant pas des articles que nous avions jugé bon de supprimer. Au-delà, elle a apporté un certain nombre d'améliorations rédactionnelles et surtout introduit une trentaine articles nouveaux qui vont alimenter nos débats.
M. Jean-Noël Cardoux. - Vous soulignez, dans votre rapport, dont j'apprécie la concision, un point fondamental : ce texte nous revient avec cinquante articles, dont douze introduits à l'initiative du Gouvernement, qui a quasiment réécrit le texte.
J'ajoute que depuis la première lecture, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a été votée. Les compétences du département sont attaquées et les budgets départementaux ont subi des coupes claires. Or, ce texte, qui rétablit des obligations que nous avions supprimées en première lecture, va susciter de nouvelles dépenses obligatoires. En réécrivant une proposition de loi initialement consensuelle, le Gouvernement et l'Assemblée nationale n'ont pas su distinguer entre ce qui devrait idéalement être et ce qui peut être, compte tenu des finances de l'Etat et des départements. Nous vous soumettrons donc à nouveau nos amendements votés en première lecture.
Deux sujets, qui ne sont pas sans conséquence sur les budgets des départements, nous préoccupent tout particulièrement. En premier lieu, s'il est louable de vouloir continuer d'assurer le suivi et l'encadrement des mineurs isolés étrangers, nous rappelons que c'est à l'Etat et non au département d'en assurer le financement. En second lieu, l'article, introduit sur initiative du Gouvernement, qui veut que l'allocation de rentrée scolaire (ARS) due au titre d'enfants placés soit constituée en pécule que le mineur récupérera à sa majorité nous a profondément ébranlés : cela est totalement contraire à l'objet d'une telle allocation, faite pour permettre à l'enfant d'effectuer sa rentrée dans des conditions matérielles satisfaisantes. Nous estimons de surcroit que lorsque le mineur est confié aux services départementaux, cette allocation de rentrée, comme les allocations familiales, devraient revenir au département, pour compenser les charges engagées.
Mme Claire-Lise Campion. - Nous nous réjouissons de retrouver ce texte qui fait suite à l'important travail mené de concert par Muguette Dini et Michèle Meunier. Il était de fait nécessaire, ainsi que l'ont montré les conclusions de leur rapport, de remettre sur le métier les dispositions relatives à la protection de l'enfance votées en 2007. Cela est essentiel tant pour les départements que pour l'ensemble des jeunes concernés.
Nous nous réjouissons également que le Gouvernement se soit saisi de ce travail sénatorial. Je salue, comme l'a fait notre rapporteure, l'effort de concertation mené par la secrétaire d'Etat à la famille avec l'ensemble des acteurs de l'aide sociale à l'enfance, dans le respect de la pluridisciplinarité qui en fait la marque. Cette façon de faire a été très bien accueillie par l'ensemble de ces acteurs.
Les disparités constatées dans la mise en oeuvre des politiques d'aide sociale à l'enfance sur le territoire engagent à introduire un pilotage national, afin de rappeler avec force les buts de cette politique : garantir la protection de l'enfant par des décisions prenant en compte son intérêt, lui assurer une vie et un parcours stables, développer la prévention - je pense notamment à l'accompagnement de la grossesse mais aussi à la prévention spécialisée. Nous serons attentifs sur tous ces sujets, tant en commission qu'en séance.
Mme Annie David. - Nous sommes favorables à ce texte, sur lequel nous nous sommes beaucoup impliqués. Sachant que l'Assemblée nationale a apporté des modifications, nous serons très attentifs aux travaux de notre commission comme aux discussions en séance. Notre position sur les nombreux amendements qui ont été déposés ira dans le même sens qu'auparavant. Nous nous opposerons à ceux qui contredisent le travail que nous avons réalisé, et qui visait à donner un meilleur cadre à la protection de l'enfance et à l'accompagnement des mineurs par les conseils départementaux. Ainsi de la position exprimée par Jean-Noël Cardoux sur l'allocation de rentrée scolaire, que nous ne partageons pas plus aujourd'hui qu'hier.
Mme Élisabeth Doineau. - Je remercie notre rapporteure qui subit, comme nous, l'agenda haché qui nous a été imposé sur ce noble sujet. La secrétaire d'Etat à la famille a certes engagé une large concertation, mais je veux ici exprimer, comme Jean-Noël Cardoux, des regrets. Les élus départementaux sont inquiets. Les départements, qui peinent à financer les politiques sociales dont ils ont la charge doivent, depuis quelques mois, assurer un nombre important de placements complexes. Les situations deviennent très difficiles à gérer : manque de moyens en pédopsychiatrie, baisse drastique du budget de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui complique les collaborations sur le terrain. Bien des jeunes, qui se trouvent pourtant sur une ligne de crête, ne sont plus pris en charge par la PJJ du fait de la fermeture de foyers d'accompagnement éducatifs. Ces difficultés, qui atteignent un paroxysme, suscitent une vive inquiétude chez nos collègues des départements. Or, ils ont le sentiment que ce texte, au lieu de mettre de l'huile dans les rouages, introduit des complexités supplémentaires dans l'exercice de leurs missions. Il est vrai que le degré d'investissement dans la protection de l'enfance n'est pas le même dans tous les départements, mais ce n'est pas en compliquant les procédures que l'on engagera ceux qui sont en retard sur le chemin de l'exemplarité. Ils ont besoin, au contraire, de simplification et des moyens financiers et humains pour les accompagner. Oui, il est important de revenir sur la loi de 2007, mais en facilitant la vie des conseils départementaux.
Mme Patricia Schillinger. - Je félicite Michèle Meunier qui travaille de longue date sur ce sujet et a su ici le faire de concert avec le Gouvernement. Les faits divers qui émaillent l'actualité témoignent assez qu'en matière de protection de l'enfance, nous sommes sans cesse appelés à nous réinvestir.
Je ne saurais suivre Jean-Noël Cardoux quand il met en avant les dépenses des départements : pour moi, chaque euro dépensé en matière de protection de l'enfance est un investissement, surtout quand les enfants sont en souffrance. De fait, l'engagement des départements n'est pas le même partout. Ce texte est le moyen d'aller de l'avant, d'assurer une efficacité dans la prévention, de susciter les échanges entre les acteurs de la protection de l'enfance. Puisse-t-il être mis en oeuvre sans tarder car je suis persuadée que les résultats seront au rendez-vous.
M. Michel Amiel. - Je reste un peu sur ma faim quant à la prise en charge des enfants en situation d'urgence, à la charnière des compétences de la justice, de la pédopsychiatrie et de la protection de l'enfance - dont le chef de file, faut-il le rappeler, est le département. Or, et je puis en témoigner pour avoir été en charge de la protection infantile dans les Bouches-du-Rhône, le département est débordé. Si bien que la prévention, que la loi de mars 2007 mettait en exergue, devient très difficile à assurer sur le terrain, tant les équipes sont mobilisées par des situations à traiter dans l'urgence. J'ai en tête l'exemple récent d'une enfant de 14 ans en perte de repères : impossible d'obtenir une consultation en pédopsychiatrie dans des délais décents, ni une hospitalisation en pédopsychiatrie, malgré la demande des parents. Le procureur de la République, qui reconnaissait que la situation était très difficile, m'a indiqué avoir saisi le juge pour enfant, qui convoquerait la famille, a-t-il ajouté, sous trois semaines ! Alors que cette enfant partait en vrille ! Face à des situations de plus en plus graves, la notion d'urgence, que la loi de 2007 laissait au second plan, doit être privilégiée. Faute de quoi, on en arrive à ces drames dont les médias font leurs choux gras. Au cas présent, la menace était bel et bien celle d'un départ en Syrie.
Attention, donc, à ne pas alourdir un texte déjà complexe. Il est vrai que tous les départements ne sont pas égaux. Faut-il pour autant tout niveler au plan national ? Je n'en suis pas certain. Prendre en charge des enfants en difficulté n'est pas la même chose dans la Mayenne ou dans les Bouches-du-Rhône. Pour être le plus efficace possible, le pilotage doit, à mon sens, rester local.
Mme Hermeline Malherbe. - Je remercie à mon tour Michèle Meunier et Muguette Dini. Il est heureux de voir repris le travail de notre assemblée. C'est le signe qu'il répond à une attente sur le territoire.
On ne peut pas faire comme si l'on découvrait aujourd'hui les difficultés financières des départements, alors qu'elles remontent à dix ans. Je parle en connaissance de cause, étant moi-même présidente de conseil départemental, et je ne m'étendrai pas sur le contexte dans lequel on doit gérer ces difficultés, pour ne pas attiser la polémique. Je m'étonne, cependant, des velléités recentralisatrices de certains. Cessons de nous focaliser sur quelques faits dont s'emparent les médias en oubliant tout ce qui, dans cette politique décentralisée où le département est chef de file, permet à bien des jeunes pris en charge par l'aide sociale à l'enfance de s'en sortir par un parcours positif.
Il s'agit ici de trouver un équilibre entre l'exigence de conditions minimales qui doivent se retrouver sur tout le territoire et la nécessité de laisser les départements s'adapter à leur territoire, comme ils le font en bien d'autres domaines. C'est là tout le mérite de ce texte, fruit du travail de Michèle Meunier et que la secrétaire d'Etat a su faire sien en organisant la concertation. Puissions-nous mener nos travaux dans cet esprit d'équilibre.
M. Michel Forissier. - Je me réjouis du travail considérable mené par le Sénat sur ce dossier. Pour avoir succédé à Muguette Dini au conseil général du Rhône, dont je fus premier vice-président, je puis témoigner combien l'action de ce département en matière de protection de l'enfance a été forte. Mais je puis témoigner aussi que ses actions de prévention ont dû être réduites par manque de crédits.
Ce texte qui, au départ, était simple et limpide, nous revient complexifié. Le Gouvernement est dans son rôle en intervenant dans le débat législatif, mais le Parlement ne doit pas se laisser dépouiller de ses prérogatives. Les dispositions votées ici en première lecture étaient, pour moi, mieux adaptées aux situations que l'on rencontre sur les territoires, et j'appelle à les rétablir. Une fois de plus, on veut passer par-dessus le département, que la loi NOTRe a déjà mis en position très difficile. N'allons pas lui imposer encore des obligations sans qu'elles soient financées.
M. Jean-Louis Tourenne. - Je me félicite de cette proposition de loi, belle initiative qui vient combler quelques lacunes.
Nous sommes, dans cette assemblée, des décentralisateurs par essence et des centralisateurs par dépit. La plupart du temps, nous voulons décentraliser et donner aux collectivités locales des pouvoirs, et cependant, lorsque nous constatons que tous les départements ne mènent pas la même politique, nous revenons vers l'Etat, pour assurer plus d'uniformité. Mais si l'on va par-là, le même raisonnement devrait valoir pour les communes, entre lesquelles on constate des disparités plus marquées encore. C'est la vertu de la décentralisation que de permettre d'appliquer des politiques spécifiques à des territoires, et le suffrage universel garantit assez que les élus défaillants seront sanctionnés.
Ma deuxième observation est d'ordre sémantique. J'ai toujours été choqué par les termes de « prévention spécialisée », que l'on retrouve dans ce texte. La prévention vise à faire en sorte que le tissu social ne se déchire pas. Or ce que nous appelons, dans nos départements, prévention consiste en fait à intervenir quand l'accroc est déjà là. Il s'agit bien plutôt de remédiation. Cette question sémantique n'est pas anecdotique, car nous ne devons pas nous tromper sur les actions que nous menons.
J'en viens à l'idée de verser au département les allocations servies aux familles quand les enfants lui sont confiés. C'est, pour moi, une anomalie que de verser une prime à des parents qui ne sont pas capables d'assumer leur fonction et n'ont plus leur enfant à charge.
Mme Catherine Deroche. - Ah !
M. Jean-Louis Tourenne. - Je ne dis pas que je me range à vos propositions, mais que le sujet mérite que l'on y réfléchisse.
Ma dernière observation portera sur les mineurs étrangers isolés. J'ai été chargé de conduire le groupe de travail qui a réfléchi à leur répartition nationale. Je rends hommage au Gouvernement : c'est le premier qui a admis la responsabilité de l'Etat en la matière, en tant que signataire de la convention internationale des droits de l'enfant et responsable de la politique d'immigration. Tous les gouvernements précédents avaient botté en touche, en dépit du rapport d'Isabelle Debré. C'est une question de justice et d'équité que de répartir la charge entre les départements. L'Etat assure une part de la dépense ; c'est peu, sans doute, au regard de la dépense totale, mais je m'étonne d'entendre ceux qui hier étaient contre venir réclamer davantage - preuve que l'appétit vient en mangeant.
Je forme également le voeu qu'une réflexion s'engage sur les jeunes majeurs. Nous recevons des mineurs étrangers auxquels nous apportons les moyens de suivre des études et dont un certain nombre termine avec des diplômes qui leur permettraient d'entrer sur le marché du travail. Or, ils n'ont pas le droit de travailler, si bien qu'ils n'ont d'autre ressource que de rester à la charge du département. S'ils avaient la possibilité de mettre en oeuvre leur qualification et de devenir autonomes, ce serait autant d'épargné pour le département et autant de gagné dans le parcours de ces jeunes.
M. Alain Milon, président. - Un mot sur la prévention : sur 150 000 jeunes retirés chaque année à la garde de leur famille, 80 % y sont réintégrés dans les douze mois. Preuve qu'en matière de prévention, la médiation familiale est utile.
M. Gérard Roche. - Je rends hommage à Muguette Dini et Michèle Meunier, qui se sont données avec générosité et ardeur à ce texte.
De nos débats de première lecture, il était ressorti que les conseils départementaux étaient un peu irrités par le sentiment que l'on tenait pour rien le travail de terrain des départements en matière de protection de l'enfance, alors même que beaucoup était fait, en dépit des difficultés. De fait, le président du conseil général se trouve souvent en guerre avec le juge des enfants, dont les orientations varient au gré des personnes en fonction, qui privilégient tantôt le maintien dans la famille avec surveillance des services sociaux, tantôt le placement en famille d'accueil, tantôt le placement en établissement - si bien qu'à chaque changement de juge, il faut changer de politique. De fait, les moyens manquent en pédopsychiatrie : les établissements recevant des enfants au comportement très perturbé ne parviennent pas à obtenir de consultation avant dix jours ou un mois, au point que des phénomènes préoccupants de contagion peuvent s'y développer. De fait, la justice, qui prenait jusqu'alors financièrement en charge les jeunes majeurs, ne le peut plus, du fait du désengagement de l'Etat, et la charge en revient au département. De fait, face au désengagement de l'Etat, les mineurs étrangers isolés deviennent une charge très lourde.
D'où un certain ressentiment face à cette proposition de loi. Mais en même temps, la nécessité d'une coordination nationale, d'une certaine homogénéisation entre les territoires est devenue nécessaire, et le texte va dans ce sens. C'est dans ce contexte que nous en avons discuté, et que nous avons voté cette proposition de loi, que j'estime utile.
Mais la partie s'annonce à présent difficile. Outre que nos débats de première lecture vont se rouvrir, comme en témoignent les interventions que nous avons entendues, les choses se compliquent du fait que l'on est passé de seize à cinquante articles, dont douze d'initiative gouvernementale. C'est, pour ainsi dire, un nouveau texte qui nous est soumis. Certains y voient un enrichissement apporté par la réflexion du Gouvernement, d'autres une complexification, d'autres encore une dénaturation. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain : il nous faudra examiner les amendements un à un et être très prudent pour ne pas dénaturer le travail du Sénat.
M. Yves Daudigny. - Dans un souci de cohérence et de clarté, je tiens à préciser ma position sur l'allocation de rentrée scolaire. Il y a deux ans, j'ai pris une position personnelle en défendant, contre l'avis du Gouvernement, le versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au département pour les enfants retirés à leur famille et confiés aux services départementaux. Je n'ai pas changé d'avis, mais c'est un autre problème qui est ici posé. J'ai été, dans mes responsabilités antérieures, confronté à la situation de ces jeunes qui, à leur majorité, sortent de l'aide sociale à l'enfance, et dont une proportion importante se retrouve en errance. C'est pourquoi il me semble que l'idée de leur constituer un pécule doit être regardée favorablement. Autant j'estime que les allocations familiales, qui représentent un enjeu financier plus important, devraient être versées au département, autant il me semble que constituer l'allocation de rentrée scolaire en pécule pourrait apporter un début de solution à ces jeunes majeurs.
Mme Isabelle Debré. - Merci à Mme Meunier et à Muguette Dini d'avoir eu l'initiative de ce texte.
Le rôle de l'éducation nationale n'a pas été jusqu'à présent évoqué. Or, c'est avant tout à l'école, où l'on détecte des maltraitances, que l'on peut prévenir. Un professeur de gymnastique peut détecter qu'un enfant refuse d'aller à la piscine parce qu'il est couvert de bleus ; une rédaction peut, de même, révéler beaucoup au professeur de français. Or, je le dis depuis des années, l'éducation nationale, qui devrait former les enseignants à la prévention, ne joue pas son rôle, et la charge se trouve reportée sur le département.
Le texte prévoit, si je ne m'abuse, un médecin-référent par département. A la charge de qui ? Et comment traitera-t-il tous les cas ?
Je rejoins, enfin, Jean-Noël Cardoux : l'accompagnement des mineurs isolés qui arrivent sur le territoire ne doit pas être intégralement à la charge des départements, qui n'en ont les moyens ni financiers ni humains.
Alors que la protection de l'enfance relève d'un traitement interministériel, certains ministères ne jouent pas le jeu, et en particulier l'éducation nationale.
M. Olivier Cadic. - Le texte est certes passé de seize à cinquante articles, mais un article qui visait à protéger nos enfants à l'international n'en a pas moins été supprimé par l'Assemblée nationale. Grâce à l'intervention d'Elisabeth Doineau, j'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec la secrétaire d'Etat à la famille ; je crois que nous nous sommes compris et que nous pourrons y revenir. Il faut faire de ce sujet une priorité nationale, ainsi que je le soulignais il y a deux semaines dans une question au Gouvernement. Car ce sont des drames au quotidien : deux décès d'enfant par jour, en moyenne. Notre président, Alain Milon, a rappelé, lors de l'examen en première lecture, son expérience personnelle. Quand un enfant disparaît, cela hante pour toujours celui qui juge qu'il n'a pas pu l'empêcher, qu'il soit médecin, agent des services sociaux ou professeur. J'appelle à rechercher, dans nos discussions, un consensus sur ce sujet dramatique : il faut faire reculer les statistiques en matière de maltraitance à l'enfance.
M. Alain Milon, président. - Je rappelle que nous avons voté, à l'initiative de Colette Guidicelli, une proposition de loi qui protège pleinement les professionnels de santé qui font un signalement.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je me réjouis qu'enfin, grâce à l'article 22, l'inceste rentre dans le code pénal. C'est un débat ancien. Une proposition de loi avait été votée en 2009 que le Conseil constitutionnel a en partie vidée de son sens. Il est vrai que certains psychiatres ont émis des réserves sur cet article, mais face à ce problème douloureux et alors que les violences intrafamiliales augmentent, il me semble que c'est là une avancée, que les amendements de M. Pillet, qui vont dans le bon sens, consolideront.
Mme Isabelle Debré. - J'y insiste une fois encore : la formation des professeurs par est le maître-mot. L'éducation nationale devrait y pourvoir.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je vous remercie de vos commentaires, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir au cours de l'examen des amendements.
Non, le texte qui nous revient n'est pas un nouveau texte qui aurait été écrit par le Gouvernement. Le rapport d'information qu'avec Muguette Dini nous vous avions présenté était assorti de cinquante-deux recommandations qui abordaient tous les sujets, depuis la question des mineurs étrangers jusqu'à celle des jeunes majeurs. Mais nous avions choisi de resserrer notre proposition de loi sur l'intérêt de l'enfant, la sécurisation de son parcours et la gouvernance. C'est un choix que je revendique, mais je ne suis pas surprise par les ajouts de nos collègues députés et du Gouvernement, qui ne dénaturent pas l'esprit du texte. Je ne puis laisser penser que cette proposition de loi aurait échappé à l'initiative parlementaire.
Beaucoup a été dit sur le rôle des départements. Cette proposition de loi doit beaucoup au fait que Muguette Dini et moi-même avons exercé des responsabilités en matière de politiques de l'enfance et de la famille dans nos départements respectifs. Ces responsabilités sont sans doute parmi les plus importantes qu'un élu départemental puisse assurer, puisque lorsqu'un drame survient, c'est lui qui doit justifier, à la barre, de ce qui s'est passé.
Il ne s'agit pas, avec ce texte, de retirer quelque responsabilité que ce soit au département, mais de remédier à la grande disparité constatée dans la mise en oeuvre de cette politique sur le territoire. Je n'ignore pas les difficultés financières que connaissent les départements, notamment du fait de la charge que représentent pour eux les politiques sociales, mais on ne saurait réduire le sujet à la seule question des moyens. Car l'organisation est elle aussi en jeu. Un exemple, celui du médecin-référent. Il ne s'agit pas pour les départements de recruter un nouveau médecin, mais de s'assurer de la bonne formation en la matière de ceux qui sont déjà là, au service de la protection maternelle et infantile ou d'autres politiques. Ce n'est pas une charge supplémentaire pour les départements, et l'Association des départements de France n'a d'ailleurs jamais émis d'avis contraire sur les mesures ici proposées.
M. Alain Milon, président. - Je l'ai dit, sur 150 000 enfants qui sont chaque année retirés à leur famille et placés sous la responsabilité de l'aide sociale à l'enfance, 80 % réintègrent, in fine, leur famille. La médiation familiale ne marche donc pas si mal. Pour autant, cela ne doit pas nous faire oublier que 20 % d'entre eux, 30 000 enfants, restent placés. Ce n'est pas rien. Il faut savoir que ces enfants sont placés par le juge pour un mois, un an ou deux ans, parfois renouvelés et sont bien souvent ballotés de famille en famille ou d'établissement en établissement jusqu'à leur majorité. Ils deviennent de jeunes majeurs sans avoir d'attaches familiales et se retrouvent dans la rue, alors qu'ils n'ont souvent pas achevé leur formation et n'ont personne pour les aider ni les accueillir. D'où l'intérêt, peut-être, de leur constituer un pécule pour qu'ils puissent se prendre en charge - je ne vise pas les allocations familiales, qui devraient être versées au conseil départemental.
Il vaudrait aussi la peine de se pencher sur ce problème du placement des jeunes mineurs. Il arrive parfois qu'ils soient déplacés de mois en mois : en deçà d'une période de deux ans, est-il vraiment nécessaire de saisir le juge ? J'y reviendrai au cours de nos débats, car il est préoccupant que des jeunes majeurs, qui n'ont pas trouvé de famille et n'ont pu bénéficier d'une adoption simple, qui ont été régulièrement déplacés, puissent se retrouver, à 18 ans, à la rue.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Parfois, et peut-être trop souvent, les propositions de loi que nous adoptons ici, au Sénat, ne prospèrent pas, par manque d'intérêt de la part de nos collègues députés ou par manque de volonté politique du Gouvernement. A l'inverse, on ne peut que se féliciter lorsqu'une initiative émanant de notre haute assemblée est reprise par l'Assemblée nationale, encouragée par le Gouvernement et nous revient pour une deuxième lecture. C'est le cas aujourd'hui de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant que j'avais déposée il y a un peu plus d'un an avec notre ancienne collègue Muguette Dini.
L'objet de cette proposition de loi était, je vous le rappelle, d'apporter les précisions et les ajustements nécessaire pour que le dispositif de la protection de l'enfance, réformé par la loi du 4 mars 2007, soit amélioré, en tant que de besoin, et puisse enfin porter pleinement ses fruits, sur l'ensemble du territoire national.
Depuis nos travaux de première lecture, plusieurs évènements dramatiques sont venus rappeler combien il est nécessaire d'agir pour que cette politique soit mieux pilotée et plus efficace. Il s'agit aussi de réinterroger certaines pratiques et certains principes qui guident aujourd'hui l'action des services départementaux, des juges et de l'ensemble des acteurs intervenant dans ce domaine.
Le texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale est bien différent de celui que nous avions adopté, à l'unanimité, le 11 mars dernier. Alors que le texte sorti du Sénat ne comptait que seize articles, il en compte aujourd'hui cinquante. Parmi les articles additionnels, douze sont issus d'amendements gouvernementaux, signe que la démarche que nous avons engagée s'est accompagnée d'une réelle mobilisation de la ministre et de ses services.
En effet, parallèlement à l'examen du texte par le Sénat en première lecture et avant sa transmission à l'Assemblée nationale, la ministre a mené une large concertation associant les professionnels, les élus et l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance. A la clé, une feuille de route et un certain nombre de propositions dont certaines ont permis d'enrichir le texte lors de son passage à l'Assemblée nationale.
Ce texte d'initiative sénatoriale a donc été l'occasion d'une réforme, plus globale et de plus grande ampleur des dispositifs de protection de l'enfance.
Sur certains points, l'Assemblée a fait des choix différents de ceux du Sénat, revenant d'ailleurs parfois à la position qui avait été celle de notre commission. Je pense notamment aux dispositions relatives à l'adoption simple ou à l'introduction de la notion d'inceste dans notre code pénal. Je pense également à la création d'un Conseil national de la protection de l'enfance chargé de conseiller le Gouvernement sur les orientations nationales de cette politique, proposition forte de notre rapport d'information.
Dans l'ensemble, néanmoins, l'Assemblée nationale n'a pas remis en cause les dispositions que nous avions adoptées. Si aucun article n'a été adopté conforme, les modifications apportées sont souvent essentiellement rédactionnelles.
Les députés et le Gouvernement ont également souhaité approfondir certaines des orientations que nous avions données au texte, en cherchant à améliorer les échanges d'informations entre les différents acteurs de la protection de l'enfance ou en sécurisant le recours à un tiers de confiance afin de garantir à l'enfant placé un cadre stable et familier.
L'Assemblée nationale a également, je l'ai dit, souhaité aller plus loin que les pistes d'amélioration identifiées par notre rapport d'information. La problématique des jeunes majeurs sortant des dispositifs de protection de l'enfance sans parvenir à s'insérer socialement et professionnellement, ou celle des mineurs étrangers isolés, dont l'actualité montre à quel point elle est aigüe, étaient en effet en dehors du champ du rapport et de la proposition de loi initiale. Plusieurs articles additionnels visent à y apporter des réponses.
Enfin, les députés ont introduit des dispositions relatives à la prévention qui doit s'exercer auprès des parents susceptibles de rencontrer des difficultés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives avant même la naissance de l'enfant.
Parfois, la concision qui caractérisait le texte initial a pu souffrir de ces différents ajouts. Certaines dispositions nouvelles apparaissent superflues ou inutiles. Je vous proposerai donc de les supprimer.
En lien avec la commission des lois et son rapporteur pour avis, dont je salue le travail, je vous proposerai également de préciser et d'améliorer la rédaction d'un certain nombre d'articles additionnels.
Néanmoins, le texte dont nous allons entamer l'examen est plus riche, plus complet et pourra, j'en suis certaine, permettre au Sénat de retrouver dans une large mesure l'esprit de consensus qui avait marqué son examen en première lecture.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Je souscris à ce qui vient d'être dit. L'Assemblée nationale a largement suivi la position du Sénat, en particulier en ne rétablissant pas des articles que nous avions jugé bon de supprimer. Au-delà, elle a apporté un certain nombre d'améliorations rédactionnelles et surtout introduit une trentaine articles nouveaux qui vont alimenter nos débats.
M. Jean-Noël Cardoux. - Vous soulignez, dans votre rapport, dont j'apprécie la concision, un point fondamental : ce texte nous revient avec cinquante articles, dont douze introduits à l'initiative du Gouvernement, qui a quasiment réécrit le texte.
J'ajoute que depuis la première lecture, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a été votée. Les compétences du département sont attaquées, et les budgets départementaux ont subi des coupes claires. Or, ce texte, qui rétablit des obligations que nous avions supprimées en première lecture, va susciter de nouvelles dépenses obligatoires. En réécrivant une proposition de loi initialement consensuelle, le Gouvernement et l'Assemblée nationale n'ont pas su distinguer entre ce qui devrait idéalement être et ce qui peut être, compte tenu des finances de l'Etat et des départements. Nous vous soumettrons donc à nouveau nos amendements votés en première lecture.
Deux sujets, qui ne sont pas sans conséquence sur les budgets des départements, nous préoccupent tout particulièrement. En premier lieu, s'il est louable de vouloir continuer d'assurer le suivi et l'encadrement des mineurs isolés étrangers, nous rappelons que c'est à l'Etat et non au département d'en assurer le financement. En second lieu, l'article, introduit sur initiative du Gouvernement, qui veut que l'allocation de rentrée scolaire (ARS) soit constituée en pécule que le mineur récupérera à sa majorité nous a profondément ébranlés : cela est totalement contraire à l'objet d'une telle allocation, faite pour permettre au jeune mineur de faire sa rentrée dans des conditions matérielles satisfaisantes. Nous estimons de surcroit que lorsque le mineur est confié aux services départementaux, cette allocation de rentrée doit, comme les allocations familiales, revenir au département, pour compenser les charges engagées.
Mme Claire-Lise Campion. - Nous nous réjouissons de retrouver ce texte qui fait suite à l'important travail mené de concert par Muguette Dini et Michèle Meunier. Il était de fait nécessaire, ainsi que l'ont montré les conclusions de leur rapport, de remettre sur le métier les dispositions relatives à la protection de l'enfance votées en 2007. Cela est essentiel tant pour les départements que pour l'ensemble des jeunes concernés.
Nous nous réjouissons également que le Gouvernement se soit saisi de ce travail sénatorial. Je salue, comme l'a fait notre rapporteure, l'effort de concertation mené par la ministre avec l'ensemble des acteurs de l'aide sociale à l'enfance, dans le respect de la pluridisciplinarité qui en fait la marque. Cette façon de faire a été très bien accueillie par l'ensemble de ces acteurs.
Les disparités constatées dans la mise en oeuvre des politiques d'aide sociale à l'enfance sur le territoire engagent à introduire un pilotage national, afin de rappeler avec force les buts de cette politique : garantir la protection de l'enfant par des décisions prenant en compte son intérêt, lui assurer une vie et un parcours stables, développer la prévention - je pense notamment à l'accompagnement de la grossesse mais aussi à la prévention spécialisée. Nous serons attentifs sur tous ces sujets, tant en commission qu'en séance.
Mme Annie David. - Nous sommes favorables à ce texte, sur lequel nous nous sommes beaucoup impliqués. Sachant que l'Assemblée nationale a apporté des modifications, nous serons très attentifs aux travaux de notre commission comme aux discussions en séance. Notre position sur les nombreux amendements qui ont été déposés ira dans le même sens qu'auparavant. Nous nous opposerons à ceux qui contredisent le travail que nous avons réalisé, et qui visait à donner un meilleur cadre à la protection de l'enfance et à l'accompagnement des mineurs par les conseils départementaux. Ainsi de la position exprimée par Jean-Noël Cardoux sur l'allocation de rentrée scolaire, que nous ne partageons pas plus aujourd'hui qu'hier.
Mme Élisabeth Doineau. - Je remercie notre rapporteure qui subit, comme nous, l'agenda haché qui nous a été imposé sur ce noble sujet. La ministre a certes engagé une large concertation, mais je veux ici exprimer, comme Jean-Noël Cardoux, des regrets. Les élus départementaux sont inquiets. Les départements, qui peinent à financer les politiques sociales dont ils ont la charge doivent, depuis quelques mois, assurer un nombre important de placements complexes. Les situations deviennent très difficiles à gérer : manque de moyens en pédopsychiatrie, baisse drastique du budget de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui complique les collaborations sur le terrain. Bien des jeunes, qui se trouvent pourtant sur une ligne de crête, ne sont plus pris en charge par la PJJ du fait de la fermeture de foyers d'accompagnement éducatifs. Ces difficultés, qui atteignent un paroxysme, suscitent une vive inquiétude chez nos collègues des départements. Or, ils ont le sentiment que ce texte, au lieu de mettre de l'huile dans les rouages, introduit des complexités supplémentaires dans l'exercice de leurs missions. Il est vrai que le degré d'investissement dans la protection de l'enfance n'est pas le même dans tous les départements, mais ce n'est pas en compliquant les procédures que l'on engagera les plus en retard sur le chemin de l'exemplarité. Ils ont besoin, au contraire, de simplification et des moyens financiers et humains pour les accompagner. Oui, il est important de revenir sur la loi de 2007, mais en facilitant la vie des conseillers départementaux.
Mme Patricia Schillinger. - Je félicite Michèle Meunier qui travaille de longue date sur ce sujet et a su ici travailler de concert avec le Gouvernement. Les faits divers qui émaillent l'actualité témoignent assez qu'en matière de protection de l'enfance, nous sommes sans cesse appelés à nous réinvestir.
Je ne saurais suivre Jean-Noël Cardoux quand il souligne les dépenses des départements : pour moi, chaque euro dépensé en matière de protection de l'enfance est un investissement, surtout quand les enfants sont en souffrance.
De fait, l'engagement des départements n'est pas le même partout. Ce texte est le moyen d'aller de l'avant, d'assurer une efficacité dans la prévention, de susciter les échanges entre les acteurs de la protection de l'enfance. Puisse-t-il être soit mis en oeuvre sans tarder car je suis persuadée que les résultats seront au rendez-vous.
M. Michel Amiel. - Je reste un peu sur ma faim quant à la prise en charge des enfants en situation d'urgence, à la charnière des compétences de la justice, de la pédopsychiatrie et de la protection de l'enfance - dont le chef de file, faut-il le rappeler, est le département. Or, et je puis en témoigner pour avoir été en charge de la protection infantile dans les Bouches-du-Rhône, le département est débordé. Si bien que la prévention, que la loi de mars 2007 mettait en exergue, devient très difficile, sur le terrain, à assurer, tant les équipes sont mobilisées par des situations à traiter dans l'urgence. J'ai en tête l'exemple récent d'une gamine de 14 ans en perte de repères : impossible d'obtenir une consultation en pédopsychiatrie dans des délais décents, ni une hospitalisation en pédopsychiatrie, malgré la demande des parents. Le procureur de la République, qui reconnaissait que la situation était très difficile, m'a indiqué avoir saisi le juge pour enfant, qui convoquerait la famille, a-t-il ajouté, sous trois semaines ! Alors que cette enfant partait en vrille ! Face à des situations de plus en plus graves, la notion d'urgence, que la loi de 2007 laissait au second plan, doit être privilégiée. Faute de quoi, on en arrive à ces drames dont les médias font leurs choux gras. Au cas présent, la menace était bel et bien celle d'un départ en Syrie.
Attention, donc, à ne pas alourdir un texte déjà complexe. Il est vrai que tous les départements ne sont pas égaux. Faut-il pour autant tout niveler au plan national ? Je n'en suis pas certain. Prendre en charge des enfants en difficulté n'est pas la même chose dans la Mayenne ou dans les Bouches-du-Rhône. Pour être le plus efficace possible, le pilotage doit, à mon sens, rester local.
Mme Hermeline Malherbe. - Je remercie à mon tour Michèle Meunier et Muguette Dini. Il est heureux de voir repris le travail de notre assemblée. C'est le signe qu'il répond à une attente sur le territoire.
On ne peut pas faire comme si l'on découvrait aujourd'hui les difficultés financières des départements, alors qu'elles remontent à dix ans. Je parle en connaissance de cause, étant moi-même présidente de conseil départemental, et je ne m'étendrais pas sur le contexte dans lequel on doit gérer ces difficultés, pour ne pas attiser la polémique. Je m'étonne, cependant, des velléités recentralisatrices de certains. Cessons de nous focaliser sur quelques faits dont s'emparent les médias en oubliant tout ce qui, dans cette politique décentralisée où le département est chef de file, permet à bien des jeunes pris en charge par l'aide sociale à l'enfance de s'en sortir par un parcours positif.
Il s'agit ici de trouver un équilibre entre l'exigence de conditions minimales qui doivent se retrouver sur tout le territoire et la nécessité de laisser les départements s'adapter à leur territoire, comme ils le font en bien d'autres domaines. C'est là tout le mérite de ce texte, fruit du travail de Michèle Meunier et que la ministre a su faire sien en organisant la concertation. Puissions-nous mener nos travaux dans cet esprit d'équilibre.
M. Michel Forissier. - Je me réjouis du travail considérable mené par le Sénat sur ce dossier. Pour avoir succédé à Muguette Dini au conseil général du Rhône, dont je fus premier vice-président, je puis témoigner combien l'action de ce département en matière de protection de l'enfance a été forte. Mais je puis témoigner aussi que ses actions de prévention ont dû être réduites par manque de crédits.
Ce texte, qui, au départ, était simple et limpide, nous revient complexifié. Le Gouvernement est dans son rôle en intervenant dans le débat législatif, mais le Parlement ne doit pas se laisser dépouiller de ses prérogatives. Les dispositions votées ici en première lecture étaient, pour moi, mieux adaptées aux situations que l'on rencontre sur les territoires, et j'appelle à les rétablir. Une fois de plus, on veut passer par-dessus le département, que la loi NOTRe a déjà mis en position très difficile. N'allons pas lui imposer encore des obligations sans qu'elles soient financées.
M. Jean-Louis Tourenne. - Je me félicite de cette proposition de loi, belle initiative qui vient combler quelques lacunes.
Nous sommes, dans cette assemblée, des décentralisateurs par essence et des centralisateurs par dépit. La plupart du temps, nous voulons décentraliser et donner aux collectivités locales des pouvoirs, et cependant, lorsque nous constatons que tous les départements ne mènent pas la même politique, nous revenons vers l'Etat, pour assurer plus d'uniformité. Mais si l'on va par-là, le même raisonnement devrait valoir pour les communes, entre lesquelles on constate des disparités plus marquées encore. C'est la vertu de la décentralisation que de permettre d'appliquer des politiques spécifiques à des territoires, et le suffrage universel garantit assez que les élus défaillants seront sanctionnés.
Ma deuxième observation est d'ordre sémantique. J'ai toujours été choqué par les termes de « prévention spécialisée », que l'on retrouve dans ce texte. La prévention vise à faire en sorte que le tissu social ne se déchire pas. Or ce que nous appelons, dans nos départements, prévention, consiste en fait à intervenir quand l'accroc est déjà là. Il s'agit bien plutôt de remédiation. Cette question sémantique n'est pas anecdotique, car nous ne devons pas nous tromper sur les actions que nous menons.
J'en viens à l'idée de verser au département les allocations servies aux familles quand les enfants lui sont confiés. C'est, pour moi, une anomalie que de verser une prime à des parents qui ne sont pas capables d'assumer leur fonction et n'ont plus leur enfant à charge.
Mme Catherine Deroche. - Ah !
M. Jean-Louis Tourenne. - Je ne dis pas que je me range à vos propositions, mais que le sujet mérite que l'on y réfléchisse.
Ma dernière observation portera sur les mineurs étrangers isolés. J'ai été chargé de conduire le groupe de travail qui a réfléchi à leur répartition nationale. Je rends hommage au Gouvernement : c'est le premier qui a admis la responsabilité de l'Etat en la matière, en tant que signataire de la convention internationale des droits de l'enfant et responsable de la politique d'immigration. Tous les gouvernements précédents avaient botté en touche, en dépit du rapport d'Isabelle Debré. C'est une question de justice et d'équité que de répartir la charge entre les départements. L'Etat assure une part de la dépense ; c'est peu, sans doute, au regard de la dépense totale, mais je m'étonne d'entendre ceux qui hier étaient contre venir réclamer davantage - preuve que l'appétit vient en mangeant.
Je forme également le voeu qu'une réflexion s'engage sur les jeunes majeurs. Nous recevons des mineurs étrangers auxquels nous apportons les moyens de suivre des études et dont un certain nombre termine avec des diplômes qui leur permettraient d'entrer sur le marché du travail. Or, ils n'ont pas le droit de travailler, si bien qu'ils n'ont d'autre ressource que de rester à la charge du département. S'ils avaient la possibilité de mettre en oeuvre leur qualification et de devenir autonomes, ce serait autant d'épargné pour le département et autant de gagné dans le parcours de ces jeunes.
M. Alain Milon, président. - Un mot sur la prévention : sur 150 000 jeunes retirés chaque année à la garde de leur famille, 80% y sont réintégrés dans les douze mois. Preuve qu'en matière de prévention, la médiation familiale est utile.
M. Gérard Roche. - Je rends hommage à Muguette Dini et Michèle Meunier, qui se sont données avec générosité et ardeur à ce texte.
De nos débats première lecture, il était ressorti que les conseils départementaux étaient un peu irrités par le sentiment que l'on tenait pour rien le travail de terrain des départements en matière de protection de l'enfance, alors même que beaucoup était fait, en dépit des difficultés. De fait, le président du conseil général se trouve souvent en guerre avec le juge des enfants, dont les orientations varient au gré des personnes en fonction, qui privilégient tantôt le maintien dans la famille avec surveillance des services sociaux, tantôt le placement en famille d'accueil, tantôt le placement en établissement - si bien qu'à chaque changement de juge, il faut changer de politique. De fait, les moyens manquent en pédopsychiatrie : les établissements recevant des enfants au comportement très perturbé ne parviennent pas à obtenir de consultation avant dix jours ou un mois, au point que des phénomènes préoccupants de contagion peuvent s'y développer. De fait, la justice, qui prenait jusqu'alors financièrement en charge les jeunes majeurs, ne le peut plus, du fait du désengagement du Gouvernement, et la charge en revient au département. De fait, face au désengagement de l'Etat, les mineurs étrangers isolés deviennent une charge très lourde.
D'où un certain ressentiment face à cette proposition de loi. Mais en même temps, la nécessité d'une coordination nationale, d'une certaine homogénéisation entre les territoires est devenue nécessaire, et le texte va dans ce sens. C'est dans ce contexte que nous en avons discuté, et que nous avons voté cette proposition de loi, que j'estime utile.
Mais la partie s'annonce à présent difficile. Outre que nos débats de première lecture vont se rouvrir, comme en témoignent les interventions que nous avons entendues, les choses se compliquent du fait que l'on est passé de seize à cinquante articles, dont douze d'initiative gouvernementale. C'est, pour ainsi dire, un nouveau texte qui nous est soumis. Certains y voient un enrichissement apporté par la réflexion du Gouvernement, d'autres une complexification, d'autres encore une dénaturation. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain : il nous faudra examiner les amendements un à un et être très prudent pour ne pas dénaturer le travail du Sénat.
M. Yves Daudigny. - Dans un souci de cohérence et de clarté, je tiens à préciser ma position sur l'allocation de rentrée scolaire. Il y a quelque temps j'ai pris une position personnelle en défendant, contre l'avis du Gouvernement, le versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au département pour les enfants retirés à leur famille et confiés aux services départementaux. Je n'ai pas changé d'avis, mais c'est un autre problème qui est ici posé. J'ai été, dans mes responsabilités antérieures, confronté à la situation de ces jeunes qui, à leur majorité, sortent de l'aide sociale à l'enfance, et dont une proportion importante se retrouve en errance. C'est pourquoi il me semble que l'idée de leur constituer un pécule doit être regardée favorablement. Autant j'estime que les allocations familiales, qui représentent un enjeu financier plus important, devraient être versées au département, autant il me semble que constituer l'allocation de rentrée scolaire en pécule pourrait apporter un début de solution à ces jeunes majeurs.
Mme Isabelle Debré. - Merci à Mme Meunier et à Muguette Dini d'avoir eu l'initiative de ce texte.
Le rôle de l'Education nationale n'a pas été jusqu'à présent évoqué. Or, c'est avant tout à l'école, où l'on détecte des maltraitances, que l'on peut prévenir. Un professeur de gymnastique peut détecter qu'un enfant refuse d'aller à la piscine parce qu'il est couvert de bleus ; une rédaction peut, de même, révéler beaucoup au professeur de français. Or, je le dis depuis des années, l'Education nationale, qui devrait former les enseignants à la prévention, ne joue pas son rôle, et la charge se trouve reportée sur le département.
Le texte prévoit, si je ne m'abuse, un médecin-référent par département. A la charge de qui ? Et comment traitera-t-il tous les cas ?
Je rejoins, enfin, Jean-Noël Cardoux : l'accompagnement des mineurs isolés qui arrivent sur le territoire ne doit pas être intégralement à la charge des départements, qui n'en ont les moyens ni financiers ni humains.
Alors que la protection de l'enfance relève d'un traitement interministériel, certains ministères ne jouent pas le jeu, et en particulier l'Education nationale.
M. Olivier Cadic. - Le texte est certes passé de seize à cinquante articles, mais un article qui visait à protéger nos enfants à l'international n'en a pas moins été supprimé par l'Assemblée nationale. Grâce à l'intervention d'Elisabeth Doineau, j'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec la ministre ; je crois que nous nous sommes compris et que nous pourrons y revenir. Il faut faire de ce sujet une priorité nationale, ainsi que je le soulignais il y a deux semaines dans une question au Gouvernement. Car ce sont des drames au quotidien : deux décès d'enfant par jour, en moyenne. Notre président, Alain Milon, a rappelé, lors de l'examen en première lecture, son expérience personnelle. Quand un enfant disparaît, cela hante pour toujours celui qui juge qu'il n'a pas pu l'empêcher, qu'il soit médecin, agent des services sociaux ou professeur. J'appelle à rechercher, dans nos discussions, un consensus sur ce sujet dramatique : il faut faire reculer les statistiques en matière de maltraitance à l'enfance.
M. Alain Milon, président. - Je rappelle que nous avons voté, à l'initiative de Colette Guidicelli, une proposition de loi qui protège pleinement ceux qui font un signalement.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je me réjouis qu'enfin, grâce à l'article 22, l'inceste rentre dans le code pénal. C'est un débat ancien. Une proposition de loi avait été votée en 2009 que le Conseil constitutionnel a en partie vidée de son sens. Il est vrai que certains psychiatres ont émis des réserves sur cet article, mais face à ce problème douloureux et alors que les violences intrafamiliales augmentent, il me semble que c'est là une avancée, que les amendements de M. Pillet, qui vont dans le bon sens, consolideront.
Mme Isabelle Debré. - J'y insiste une fois encore : la formation des professeurs par est le maître-mot. L'Education nationale devrait y pourvoir.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je vous remercie de vos commentaires, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir au cours de l'examen des amendements.
Non, le texte qui nous revient n'est pas un nouveau texte qui aurait été écrit par le Gouvernement. Le rapport d'information qu'avec Muguette Dini nous vous avions présenté était assorti de cinquante-deux recommandations qui abordaient tous les sujets, depuis la question des mineurs étrangers jusqu'à celle des jeunes majeurs. Mais nous avions choisi de resserrer notre proposition de loi sur l'intérêt de l'enfant, la sécurisation de son parcours et la gouvernance. C'est un choix que je revendique, mais je ne suis pas surprise par les ajouts de nos collègues députés et du Gouvernement, qui ne dénaturent pas l'esprit du texte. Je ne puis laisser penser que cette proposition de loi aurait échappé à l'initiative parlementaire.
Beaucoup a été dit sur le rôle des départements. Cette proposition de loi doit beaucoup au fait que Muguette Dini et moi-même avons exercé des responsabilités en matière de politiques de l'enfance et de la famille dans nos départements respectifs. Ces responsabilités sont sans doute parmi les plus importantes qu'un élu départemental puisse assurer, puisque lorsqu'un drame survient, c'est lui qui doit justifier, à la barre, de ce qui s'est passé.
Il ne s'agit pas, avec ce texte, de retirer quelque responsabilité que ce soit au département, mais de remédier à la grande disparité constatée dans la mise en oeuvre de cette politique sur le territoire. Je n'ignore pas les difficultés financières que connaissent les départements, notamment du fait de la charge que représentent pour eux les politiques sociales, mais on ne saurait réduire le sujet à la seule question des moyens. Car l'organisation est elle aussi en jeu. Un exemple, celui du médecin-référent. Il ne s'agit pas pour les départements de recruter un nouveau médecin, mais de s'assurer de la bonne formation en la matière de ceux qui sont déjà là, au service de la protection maternelle et infantile ou d'autres politiques. Ce n'est pas une charge supplémentaire pour les départements, et l'Association des départements de France n'a d'ailleurs jamais émis d'avis contraire sur les mesures ici proposées.
M. Alain Milon, président. - Je l'ai dit, sur 150 000 enfants qui sont chaque année retirés à leur famille et placés sous la responsabilité de l'aide sociale à l'enfance, 80% réintègrent, in fine, leur famille. La médiation familiale ne marche donc pas si mal. Pour autant, cela ne doit pas nous faire oublier que 20% d'entre eux, 30 000 enfants, restent placés. Ce n'est pas rien. Il faut savoir que ces enfants sont placés par le juge pour un mois, un an ou deux ans, parfois renouvelés et sont bien souvent ballotés de famille en famille ou d'établissement en établissement jusqu'à leur majorité. Ils deviennent de jeunes majeurs sans avoir d'attaches familiales et se retrouvent alors dans la rue, alors qu'ils n'ont souvent pas achevé leur formation et n'ont personne pour les aider ni les accueillir. D'où l'intérêt, peut-être, de leur constituer un pécule pour qu'ils puissent se prendre en charge - je ne vise pas les allocations familiales, qui devraient être versées au conseil départemental.
Il vaudrait aussi la peine de se pencher sur ce problème du placement des jeunes mineurs. Il arrive parfois qu'ils soient déplacés de mois en mois : en deçà d'une période de deux ans, est-il vraiment nécessaire de saisir le juge ? J'y reviendrais au cours de nos débats, car il est préoccupant que des jeunes majeurs qui n'ont pas trouvé de famille et n'ont pu bénéficier d'une adoption simple, qui ont été régulièrement déplacés, puissent se retrouver, à 18 ans, à la rue.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 109, qui vise à supprimer l'article 1er. Cet article, qui institue un conseil national de protection de l'enfance et définit les missions de la protection de l'enfance, est au coeur de la proposition de loi.
Mme Élisabeth Doineau. - Outre que je m'interroge, avec d'autres, sur la question du pilotage national, je m'inquiète de voir encore créer un tel organisme, quand il en existe déjà tant d'autres qui ne fonctionnent pas. Pourquoi ne pas plutôt donner à l'Observatoire national de l'enfance en danger, qui va devenir Observatoire national de la protection de l'enfance, les moyens d'assurer ce pilotage ? Notre rapporteure a souligné tout à l'heure qu'une fructueuse concertation avait été menée par la secrétaire d'Etat : n'est-ce pas la preuve que l'on peut se passer d'un conseil national ?
Mme Annie David. - Notre commission avait voté cet article à l'unanimité en première lecture.
M. Alain Milon, président. - C'est exact, avant qu'il ne soit supprimé en séance.
M. Jean-Marie Morisset. - Je voterai cet amendement. Faisons confiance aux départements, qui se donnent beaucoup de mal pour mettre en place des structures d'aide sociale à l'enfance et les faire fonctionner.
L'amendement n° COM-109 n'est pas adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 84 vise à supprimer la notion de « risque » pour l'enfant dans la définition des missions de la protection de l'enfance, jugée trop floue. Je propose une rectification tendant à remplacer ce terme de « risque » par ceux de « risque de danger », auquel cas, j'y serais favorable.
Mme Hermeline Malherbe. - C'est en effet une expression reçue en matière de protection de l'enfance. J'accepte la rectification.
Mme Isabelle Debré. - Je comprends la préoccupation de ma collègue. La notion de risque est trop vague et comme, ainsi que je le disais tout à l'heure, la formation est mal assurée, certaines décisions pourraient donner lieu à contentieux.
L'amendement n° COM-84 rectifié est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable l'amendement n° 111, qui vise à supprimer le sixième alinéa.
Mme Élisabeth Doineau. - C'est rendre le département pleinement responsable des mineurs étrangers isolés, alors que cela rejoint la compétence sur l'immigration, qui relève de l'Etat.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'alinéa vise les mineurs privés de la protection de leur famille, ce qui va bien au-delà des seuls mineurs étrangers isolés. Il n'y a pas de distinction à faire entre les populations accueillies.
Mme Isabelle Debré. - Il est question, dans cet alinéa, d'assurer leur prise en charge. Dès lors que l'on vise les mineurs privés de la protection de leur famille, cela inclut les mineurs isolés étrangers. Or, c'est à l'Etat de prendre en charge les mineurs isolés à leur arrivée sur le territoire, et non au département, qui ne les prend en charge qu'ensuite. C'est l'Etat qui doit assurer, les cinq premiers jours, l'hébergement d'urgence, faire procéder aux tests osseux et déterminer si l'enfant est ou non de passage, comme cela est le cas de la plupart des jeunes afghans, qui cherchent à rejoindre l'Angleterre.
Mme Evelyne Yonnet. - Il n'y a pas de sens à proposer la suppression de cet alinéa, qui donne à la protection de l'enfance mission de prendre en charge les mineurs privés de la protection de leur famille, qu'ils soient ou non étrangers. Si vous voulez instituer une distinction entre les mineurs étrangers isolés et les autres, libre à vous, mais proposez alors une nouvelle rédaction.
Mme Hermeline Malherbe. - Il est vrai que la prise en charge des mineurs isolés étrangers relève de l'Etat. Si cet alinéa le remet en cause, c'est un problème. Au reste, quand un mineur étranger isolé de seize ou dix-sept ans arrive sur le territoire, les services d'aide sociale à l'enfance ne sont pas les mieux armés pour le prendre en charge, sachant que la priorité est de veiller à lui assurer un statut clair à sa majorité. Or, les départements n'en ont pas la compétence. C'est un problème que j'avais évoqué avec la Garde des sceaux, et un travail interministériel est en cours.
M. Michel Amiel. - J'irai dans le même sens. Que tous les mineurs doivent être pris en charge avec la même humanité, cela va de soi. Mais il y a là un double enjeu, juridique et financier. Qui fait quoi à l'arrivée du mineur sur le territoire ? Cela doit être clair, et il ne faudrait pas que l'Etat trouve là une fois de plus le moyen de se défausser financièrement sur le département.
M. Jean-Louis Tourenne. - Il faut s'entendre sur les termes de « prise en charge ». En réalité, c'est le département qui met ses services à disposition pour tenter de déterminer, en recherchant l'histoire de ce jeune, s'il est mineur ou majeur. A la suite de quoi il décide si le jeune relève ou non de l'aide sociale à l'enfance. Une décision susceptible d'appel. La prise en charge physique et juridique est donc assurée par le département, l'Etat se chargeant de la prise en charge financière, de l'ordre de 150 euros par jour et par jeune. En ce sens, le texte n'est peut-être pas assez clair.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - J'entends bien, mais vous allez un peu vite. Il ne s'agit ici que de l'article 1er, qui définit la politique de protection de l'enfance, sans entrer dans le partage des compétences entre l'Etat et les départements. J'ajoute que cet alinéa était déjà présent dans le texte de 2007. Mon avis reste défavorable.
Mme Corinne Imbert. - Mais cet article chapeaute tout le reste. On pourra ensuite lui faire dire n'importe quoi. Certes, cet alinéa était déjà présent dans le texte de 2007, mais depuis, les départements ont dû faire face à un afflux beaucoup plus important de mineurs étrangers isolés. Si on ne le supprime pas, il faudrait au moins retrancher cette notion de prise en charge.
L'amendement n° COM-111 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 71, qui apporte une précision superflue : les conseils départementaux sont évidemment associés à la définition et à l'évaluation des politiques de protection de l'enfance.
M. Louis Pinton. - Cela va mieux en l'écrivant.
M. Alain Milon, président. - C'est du moins le sentiment de l'Association des départements de France...
L'amendement n° COM-71 est adopté et l'amendement n° COM-94 devient sans objet.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n° 110. L'article 1er bis prévoit l'établissement dans chaque département d'un protocole, rassemblant les différents acteurs de la protection de l'enfance. Vos interventions témoignent que nombreux sont les partenaires concernés. L'éducation nationale, madame Debré, en fait partie au premier chef.
Mme Annie David. - On ne peut pas demander d'un côté, comme vous le faisiez tout à l'heure, que toute la charge ne repose pas sur le département et refuser, de l'autre, une politique de partenariat. C'est contradictoire. Je ne voterai pas cet amendement.
Mme Élisabeth Doineau. - Dans mon département, comme dans bien d'autres, il existe déjà, depuis la mise en place des observatoires, des partenariats très actifs. L'ajout de cet article ne me semble donc pas utile. Sans compter que prévoir que les modalités de sa mise en oeuvre seront définies par décret me fait tiquer.
M. Jean-Marie Morisset. - Qui établira, en effet, ce protocole, le département ou le préfet ? Dans les départements, il existe déjà des partenariats, avec l'éducation nationale, la justice, les communautés d'agglomération ou de communes. Je voterai l'amendement.
Mme Claire-Lise Campion. - Cet article est pour moi important. Le cloisonnement entre les acteurs est une réalité que nous connaissons tous. Il faut favoriser le travail collectif. L'article ne remet nullement en cause la compétence du département ni l'autorité du président du conseil départemental. Le texte est clair là-dessus. Que certains départements aient déjà mis en place de tels protocole montre combien ils sont nécessaires : il est utile d'envisager leur généralisation.
M. Georges Labazée. - J'entends les arguments de Mme Doineau, mais les départements n'ont pas tous les mêmes pratiques.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Recentralisons !
M. Georges Labazée. - Il n'est donc pas inutile de l'inscrire dans la loi. Cela ne changera rien pour ceux qui pratiquent déjà ces partenariats...
M. Alain Milon, président. - Pas sûr.
M. Georges Labazée. - ... et engagera les autres à se mettre à niveau. Je ne voterai pas cet amendement.
M. Alain Milon, président. - Ce qui m'inquiète dans cet article, c'est que ses modalités d'application seront définies par décret.
Mme Agnès Canayer. - Je n'étais pas favorable à cet article. Ce n'est pas en imposant un protocole que l'on va développer des partenariats, comme il en existe déjà dans les grandes villes, autour des actions éducatives et de prévention. Il faut laisser la main aux territoires, qui savent très bien fonctionner en mettant autour de la table les associations de prévention et les acteurs institutionnels, dont l'éducation nationale, qui oeuvrent dans ce domaine.
Mme Hermeline Malherbe. - Je rejoins Mme David. Il y a quelque contradiction à mettre en avant le rôle du département et proposer la suppression de cet article, qui la valorise. Au sein des observatoires départementaux de protection de l'enfance, les partenaires travaillent de concert, même si ce n'est pas toujours formalisé en un protocole. C'est bien pourquoi il me semble intéressant de valoriser ce travail, à travers un protocole. Le décret devra, il est vrai, préserver clairement le rôle de chef de file du département.
M. Michel Amiel. - Je rejoins également Mme David. Il n'est pas cohérent de protester contre l'introduction d'un pilotage national et de supprimer cet article, qui met le département en avant. Je ne voterai pas l'amendement.
M. Gérard Roche. - La décentralisation n'est pas l'autonomie. Si l'on veut que la loi s'applique sur l'ensemble du territoire, il faut des règles générales sur la prise en charge de la petite enfance. Ce que craignent, cependant, les conseils généraux, c'est qu'on leur impose, par décret, des charges financières qu'ils ne pourront pas assumer parce qu'elles ne seront pas compensées. Nous ne voulons pas revivre ce que nous avons vécu avec les services départementaux d'incendie et de secours. L'effet de ciseau, dans les départements, devient terrible. Un rapport récent souligne qu'en 2016, un tiers des départements, et deux tiers d'entre eux en 2017, devront emprunter pour continuer à payer les prestations sociales. Le déficit de fonctionnement, dans le département du Nord, va s'élever à 50 millions, et l'Etat s'apprête à lui donner l'autorisation d'emprunter. Les collectivités vont entrer dans la même spirale que l'Etat, qui emprunte pour son fonctionnement et fait reposer la dette sur les générations futures.
M. Michel Forissier. - Je suis entièrement d'accord avec ce que vient de dire mon collègue. Plutôt qu'un décret, je préfèrerais une convention de partenariat. C'est ce qui s'est fait entre la Métropole de Lyon et le département du Rhône. Et sur certains sujets, nous menons même un travail interdépartemental. D'accord pour fixer un cadre législatif global, mais faisons confiance aux départements pour son application. Sauf à vouloir les faire disparaître sous le boisseau d'un centralisme radical.
M. Jean-Louis Tourenne. - Je vais être un peu hérétique. Les conditions d'éligibilité aux prestations servies par le département, y compris les plus coûteuses d'entre elles, comme le RSA (revenu de solidarité active), l'APA (allocation pour l'autonomie) ou la PCH (prestation de compensation du handicap) sont toutes fixées par l'Etat. Il en va de même de leur montant. Si bien que le département n'est plus qu'un tiroir-caisse dans lequel on vient puiser. Dans mon département, le budget est rigide à 95 % et il ne reste que 5 % de marge de manoeuvre. Pourquoi ne pas laisser aux départements le soin de décider certaines choses, comme les modalités d'application du RSA. Certains départements sont contraints de ne payer que 11 mois. S'ils avaient plus de liberté, peut-être auraient-ils pris de meilleures décisions.
Un protocole ? Pourquoi pas, mais je reste circonspect sur le décret.
M. Louis Pinton. - Exceptionnellement, je ne suis pas tout à fait d'accord avec mon collègue Roche. Il est vrai que les départements craignent une aggravation de leur participation financière, mais je fais observer que celle-ci nait de la création de règles décidées par l'Etat.
M. Gérard Roche. - Mais nous sommes bien d'accord !
Mme Aline Archimbaud. - Le décret portera, ainsi que je le comprends, sur l'application du principe général, ce qui ne préempte en rien le contenu de chaque protocole, qui dépendra évidemment de la nature des partenaires en présence. Il ne s'agit de rien d'autre ici que d'un principe général, qui veut que chaque département définisse un protocole. Cela me semble une bonne chose car la charge est lourde et il est bon que chaque département recherche quels partenariats sont possibles. Je ne voterai pas l'amendement.
M. Alain Milon, président. - Cet article 1er bis est nouveau. Je ne suis pas opposé à l'idée du protocole, mais je me défie du décret. Nous savons bien que les décrets peuvent parfois prendre des libertés avec la volonté du législateur. Une information récemment parue dans la presse sur un projet de décret relatif au don de gamètes laisse entendre que celui-ci pourrait s'écarter de ce que nous avions voulu lors du vote de la loi de bioéthique. Je préfèrerais voir supprimer cet article, pour revenir, en séance, sur cette question du décret.
L'amendement n° COM-110 est retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je serais prête à émettre un avis favorable à l'amendement n° 72 si ses auteurs acceptaient d'écrire que le protocole de chaque département est établi « en lien avec le schéma départemental en faveur de l'enfance et de la famille », plutôt que « sur la base du schéma départemental ».
M. Louis Pinton. - J'accepte la rectification
Mme Hermeline Malherbe. - Mon amendement n° 95 allait dans le même sens.
L'amendement n° COM-72 rectifié est adopté et l'amendement n° COM-95 devient sans objet.
L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
Les amendements nos COM-96 et COM-112 sont retirés.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 93 qui supprime le quatrième alinéa, prévoyant qu'un décret fixe la composition de l'observatoire départemental de la protection de l'enfance.
Mme Hermeline Malherbe. - Je comprends, mais je pensais au cas de mon département, dont l'observatoire est le seul à travailler avec l'université. Il ne faudrait pas que le décret l'en empêche. Je proposerai une nouvelle rédaction en séance.
L'amendement n° COM-93 est retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 73. Il est évident que l'Association des départements de France (ADF) sera consultée sur le décret. J'ajoute que l'ADF n'a pas été créée par la loi ; on ne saurait donc y inscrire cette précision.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - En effet. Si elle disparaissait demain, le texte ne serait plus applicable.
M. Alain Milon, président. - Et s'il se créait demain deux associations, l'une de gauche et l'autre de droite, laquelle consulter ?
L'amendement n° COM-73 est retiré.
L'article 2 est adopté sans modification.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon amendement n° 14 tend à supprimer l'article 2 bis, qui vise à rattacher les séances de formation à la maltraitance dispensées dans les écoles au parcours de santé prévu par l'article 2 du projet de loi de santé. Cela est sans incidence sur l'organisation des séances de formation, déjà prévues au code de l'éducation.
M. Gérard Roche. - « Formation à la maltraitance » ? Le choix de l'expression est curieux...
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - C'est en effet un raccourci malheureux. Il aurait été plus juste de parler de formation à la prévention de la maltraitance.
M. Alain Milon, président. - Je précise que cet article ne fait pas partie de ceux que nous avions votés en première lecture.
L'amendement n° COM-14 est adopté, et l'article 2 bis est supprimé.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon amendement n° 12 tend à supprimer l'article 2 ter, superflu : la coopération avec l'éducation nationale doit faire l'objet d'un protocole dans chaque département.
L'amendement n° COM-12 est adopté et l'article 2 ter est supprimé.
Article 3
L'article 3 est adopté sans modification.
M. Alain Milon, président. - Voilà à présent trois amendements, nos 74, 106 et 113, de suppression de l'article 4 que l'ADF ne renierait pas.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon avis est défavorable. Il y a, je crois, méprise : il ne s'agit pas de recruter un médecin-référent de protection de l'enfance mais bien d'en désigner un dans chaque département. Cet article est le fruit d'un amendement porté par Claude Dilain, et que nous avions adopté en première lecture.
Mme Catherine Génisson. - Il n'est en effet pas question de créer des postes mais bien de demander à des médecins déjà en poste d'exercer cette compétence.
L'amendement n° COM-74 est retiré.
Mme Hermeline Malherbe. - Il existe certes des médecins en poste dans les départements, mais lorsque l'on souhaite remplacer un partant, cela devient très difficile. Mon idée était de pouvoir désigner un professionnel de santé, et pas nécessairement un médecin, en cas de difficulté.
L'amendement n° COM-106 est retiré.
Mme Élisabeth Doineau. - Beaucoup de départements connaissent en effet un problème de recrutement, et ce sont souvent des puéricultrices qui assument ces tâches.
M. Alain Milon, président. - Présentez donc un amendement en ce sens en séance, afin que puisse être désigné référent un professionnel de l'enfance.
L'amendement n° COM-113 est retiré.
L'article 4 est adopté sans modification.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je souhaiterais le retrait de l'amendement n° 128 rectifié : les règlements européens sont directement applicables.
M. Olivier Cadic. - Nous avons eu une discussion la semaine dernière avec la secrétaire d'Etat à la famille et avons travaillé avec son cabinet la rédaction de cet article. En droit, les règlements européens s'imposent, mais dans les faits, les services sociaux ne les appliquent pas. Nous sommes tombés d'accord sur la nécessité de l'inscrire dans la loi pour en imposer le respect.
Il faut savoir que certains pays pratiquent l'adoption forcée, qui consiste à retirer les enfants de la garde de leurs parents pour les confier à une famille d'accueil. Or, nous nous sommes rendu compte que les services sociaux, par ignorance du règlement européen, pouvaient faciliter ces adoptions forcées. La secrétaire d'Etat l'a clairement compris, et je crois que nous pourrons arriver à un consensus.
M. Alain Milon, président. - Présenter cet amendement en séance serait précisément l'occasion de solliciter l'avis du Gouvernement.
L'amendement n° COM-128 est retiré, et l'article 4 bis demeure supprimé.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable aux amendements de suppression nos 75, 97 et 114. L'article 5 AA prévoit l'évaluation de la situation familiale par une équipe pluridisciplinaire. Il est important, dans de telles situations, de croiser les regards.
Mme Élisabeth Doineau. - Je maintiens mon amendement n° 114 : c'est déjà la pratique courante.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Dans votre département. Mais c'est bien parce que cela n'est pas le cas partout qu'il nous semble important de le préciser dans la loi.
M. Louis Pinton. - Cela se pratique déjà au quotidien dans les départements !
Mme Hermeline Malherbe. - J'avais le même sentiment, mais j'ai appris qu'en effet, cela n'avait pas cours partout. Je retire mon amendement, étant entendu, cependant, que là encore le renvoi au décret me gêne.
L'amendement n° COM-97 est retiré.
Les amendements identiques nos COM-74 et COM-114 sont adoptés, et l'article 5 AA est supprimé.
L'amendement n° COM-6 devient sans objet.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n° 21. Il est important de prévoir la saisine du ministère public en cas de danger grave et immédiat.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Les précisions qu'introduit cet article sont superfétatoires. On reproche souvent à la loi d'être bavarde, ne la faisons pas jacasser ! Si le mineur est en danger, le procureur saisit le juge pour enfants : c'est déjà la règle. J'ajoute que la rédaction est restrictive. Actuellement, le procureur peut prendre des mesures d'urgence visant à mettre un enfant en sécurité. Ainsi, l'article 375-5 du code civil lui permet d'ordonner, en cas d'urgence, une mesure d'assistance éducative. Enfin, s'il se posait, ce dont je doute, des difficultés sur le terrain, cela relèverait d'une circulaire adressée par la Garde des sceaux à ses procureurs.
J'ajoute que préciser quelles sont les situations concernées à l'aide d'un « notamment » pose, ici comme ailleurs, problème. Dès lors que l'on ne saurait mentionner toutes les situations à prendre en compte, n'en mentionner que certaines revient à hiérarchiser.
Quant à l'exigence d'un signalement « sans délai » dans les cas de danger grave et immédiat, la commission des lois a considéré que cette hypothèse était d'ores et déjà couverte par l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles.
Mme Annie David. - J'entends ces arguments, notamment sur le « notamment », mais je regrette la suppression de la référence au développement physique, social et affectif de l'enfant. Quand on évoque la maltraitance, on pense avant tout à la maltraitance physique, et l'on oublie le reste. Il me semblait bon de le rappeler et c'est pourquoi je ne pourrai vous suivre.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Vos craintes sont légitimes, mais tout est déjà dans d'autres textes. La commission des lois n'a fait là qu'un travail légistique.
L'amendement n° COM-21est adopté et l'article 5 AB est supprimé.
Les amendements n° COM-22 et COM-56 deviennent sans objet.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Défavorable à l'amendement n° 68, satisfait par le texte.
L'amendement n° COM-68 est retiré.
L'article 5 A est adopté sans modification.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Qu'un enfant soit confié par le président du conseil général à un tiers de confiance ne doit pas entrainer de transfert de responsabilité de celui-là vers celui-ci. Tel est le sens de mon amendement n° 132.
M. Alain Milon, président. - Il me semble que l'amendement n° 23 de M. Pillet contredit le vôtre ?
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Mme Meunier et moi partageons la même préoccupation. Il s'agit d'éliminer toute ambiguïté quant au fait que le président du conseil départemental reste le responsable. La différence est purement rédactionnelle. Celle que vous propose la commission des lois vise à clarifier le fait que lorsque le président du conseil départemental remet l'enfant à un tiers bénévole, il dirige bien l'action de ce tiers pour tout ce qui a trait à l'accueil de l'enfant.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je suis prête à vous suivre, mais pouvez-vous me rassurer quant au pouvoir de direction que le président du conseil départemental est susceptible d'exercer sur ce tiers ?
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Le juge administratif exige que le commettant dispose sur son préposé d'un pouvoir de direction pour que sa responsabilité soit engagée. L'amendement ne fait que préciser l'existence de ce pouvoir de direction.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Ne considérez-vous pas que cet amendement est satisfait ?
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Non. Cette précision est nécessaire au regard de la jurisprudence.
L'amendement n° COM-132 est retiré.
L'amendement n° COM-23 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 85 est à mon sens satisfait par l'article 11 bis. Retrait ?
L'amendement n° COM-85 est retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 86. L'accueil de l'enfant par un tiers de confiance est déjà soumis au juge.
Mme Hermeline Malherbe. - Dans quel cadre ?
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Les mesures d'assistance éducative sont par définition décidées par le juge.
L'amendement n° COM-86 est retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 123 est à mon sens satisfait par l'article 11 bis.
L'amendement n° COM-123 est retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 124 est satisfait. Le projet pour l'enfant prévoit déjà que le suivi de la situation de l'enfant confié à un tiers digne de confiance ou un membre de la famille par le juge des enfants est assuré par un référent du service de l'aide sociale à l'enfance.
L'amendement n° COM-124 est retiré.
L'article 5 B est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'article 5 C est relatif aux échanges d'information entre conseils départementaux. C'est le président du conseil départemental qui doit être ici visé, plutôt que ses services, et il doit être obligatoire de répondre à une telle demande. Tel est le sens de mon amendement n° 131.
L'amendement n° COM-131 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 125, relatif aux jeunes majeurs, prévoit que l'entretien avec l'adolescent doit avoir lieu non pas un an mais deux ans avant sa majorité. Autant j'estime important d'anticiper sur la majorité, autant il me semble un peu prématuré de l'entendre dès l'âge de 16 ans.
Mme Élisabeth Doineau. - C'est pourtant ce que nous faisons dans mon département, et c'est le moyen d'assurer un suivi efficace, car rien n'interdit de renouveler ultérieurement l'entretien. Il me semblait bon de faire état des bonnes pratiques.
M. Alain Milon, président. - Peut-être pourriez-vous affiner la rédaction, et présenter l'amendement en séance ?
L'amendement n° COM-125 est retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 126 vise, plutôt que les « institutions », les « acteurs de la protection de l'enfance ». Je comprends l'intention, mais j'estime que l'expression est trop réductrice. Seriez-vous prête à viser plutôt « les institutions et organismes de la protection de l'enfance » ?
Mme Élisabeth Doineau. - J'accepte la rectification.
L'amendement n° COM-126 rectifié est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je souhaiterais le retrait des amendements identiques n° 76 et n° 98 qui visent à supprimer la mention du « caractère exceptionnel » d'un nouvel entretien avec le mineur.
M. Louis Pinton. - Laissons les services juger de la nécessité de mener plusieurs entretiens.
M. Alain Milon, président. - Peut-être Mme Doineau pourrait-elle présenter un amendement de réécriture en séance ?
Mme Hermeline Malherbe. - Tout cela relève du projet pour l'enfant, mais on me dit que seuls 20 % des départements en formalisent un. Il faut pourtant bien assurer un suivi du parcours de l'enfant.
Les amendements identiques n° COM-76 et n° COM-98 sont retirés.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon amendement n° 16 tendait à supprimer la mention du caractère exceptionnel de l'entretien de préparation à l'autonomie.
Mme Annie David. - Il serait logique de le retirer, pour travailler à une réécriture de l'article. Peut-être la commission pourrait-elle porter un tel amendement de réécriture. Nous sommes d'accord sur le fond, reste à définir une rédaction.
L'amendement n° COM-16 est retiré.
L'article 5 D est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n° 115. L'article 5 EA vise précisément à éviter de nouvelles ruptures dans le parcours du jeune devenu majeur.
Mme Élisabeth Doineau. - Les élus départementaux souhaitent la suppression de cet article qui crée des charges financières obligatoires pour le département.
M. Alain Milon, président. - Et pourquoi ne viser que la vie scolaire et universitaire ?
M. Jean-Noël Cardoux. - On ne peut pas supprimer ce principe, car les problèmes sont loin d'être réglés une fois que le jeune est devenu majeur. Mais ce que je souhaiterais, c'est que les obligations financières de l'Etat soient clairement exprimées.
L'amendement n° COM-115 n'est pas adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Défavorable à l'amendement n° 116, qui transforme l'obligation d'accompagnement en une simple faculté.
Mme Élisabeth Doineau. - Mon amendement vise aussi à alerter sur le problème de l'assiduité. L'intention ici affichée ne sera pas nécessairement suivie d'effet.
Mme Catherine Génisson. - N'oublions pas que ces jeunes sont ballotés dans l'existence, changent sans cesse de famille et de lieu. Introduire cette réserve de l'assiduité me semble mal venu, car cela reviendrait à les exclure de l'école ou de l'université, au risque de créer une nouvelle rupture. Je me félicite que l'amendement de suppression n'ait pas été adopté.
L'amendement n° COM-116 est retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Même avis défavorable sur les amendements n° 77 et n° 99, qui tendent à substituer à l'obligation une simple faculté
L'amendement n° COM-77 est retiré, ainsi que l'amendement n° COM-99.
L'article 5 EA est adopté sans modification.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis favorable aux amendements nos 117, 78 et 100 qui prévoient que le protocole est conclu par le président du conseil départemental avec le concours de l'ensemble des institutions concernées.
Les amendements n°s COM-117, COM-78 et COM-100 sont adoptés.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 65 est satisfait. L'agence régionale de santé fait partie de « l'ensemble institutions concernées ».
Mme Corinne Imbert. - Mais cela va mieux en le disant.
Mme Catherine Génisson. - On nous recommande de ne pas jacasser...
Mme Corinne Imbert. - Certains jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance connaissent de réelles difficultés, et c'est pourquoi j'estimais important que l'ARS soit clairement mentionnée.
L'amendement n° COM-65 est retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je serais favorable à l'amendement n° 127 s'il visait, plutôt que « l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance » l'ensemble des « institutions et organismes concernés ».
Mme Hermeline Malherbe. - Le terme d'acteurs me paraît pourtant plus fidèle.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mais il est restrictif. Les missions locales d'insertion, par exemple, qui ne sont pas des acteurs de la protection de l'enfance à proprement parler, sont parfois appelées à intervenir.
Mme Aline Archimbaud. - Pourquoi ne pas écrire « les acteurs concernés » ?
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je préfère le terme d'organismes.
Mme Élisabeth Doineau. - J'accepte la rectification.
L'amendement n° COM-127 rectifié est adopté.
L'article 5 EB est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable aux amendements de suppression nos 79, 101 et 118. L'article concerne l'accompagnement au retour de l'enfant dans sa famille, qui doit se faire dans les meilleures conditions possibles.
L'amendement n° COM-101 est retiré.
M. Louis Pinton. - Il est évident que lorsqu'un enfant connaît des difficultés, il est toujours souhaitable qu'il puisse retourner, à terme, dans sa famille. A quoi bon ajouter cette disposition supplémentaire ?
Mme Élisabeth Doineau. - Même remarque. S'agit-il d'apprendre au département comment il doit procéder ? Cet article ajouté par l'Assemblée nationale est pour moi superfétatoire.
Mme Catherine Génisson. - Les situations sont très diverses selon les départements et souvent, on porte moins d'attention à la réinsertion de l'enfant dans sa famille qu'à sa prise en charge de départ par l'aide sociale à l'enfance. Bien souvent, l'enfant retourne dans une famille où les choses n'ont pas changé et se retrouve confronté aux mêmes difficultés. D'où l'importance de cet article.
Mme Hermeline Malherbe. - J'avais déposé cet amendement parce que je pensais que ces pratiques avaient cours dans tous les départements, avant de me rendre compte que tel n'est pas le cas, et c'est pourquoi je l'ai retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Le fait est que la loi de 2007 n'est pas appliquée sur l'ensemble du territoire. On est hélas confrontés à des drames qui montrent que le retour n'a pas été suffisamment préparé.
Mme Élisabeth Doineau. - Malheureusement, des drames surviendront toujours quelles que soient les précautions prises. Vous nous dites que la loi de 2007 n'est pas partout appliquée, et qu'il faut enfoncer le clou. Il faut alors en conclure que dans dix ans, il en sera de même, et qu'il faudra encore y revenir. Mieux vaudrait faire en sorte que l'Inspection générale des affaires sociales vienne plus souvent dans nos départements pour nous aider à y développer les bonnes pratiques, en demandant des résultats à ceux qui sont le plus en retard.
M. Jean-Marie Morisset. - Si la question est si importante, comment expliquer qu'on ne l'ait pas abordée en première lecture ? On ne cesse d'en rajouter par défiance envers les départements, auxquels on adresse injonctions sur injonction, sans y mettre les moyens.
Les amendements identiques nos COM-79 et COM-118 sont adoptés, et l'article 5 EC est supprimé.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Nous en arrivons à l'article 5 ED, qui prévoit la constitution, grâce à l'allocation de rentrée scolaire, d'un pécule au bénéfice de l'enfant placé devenu majeur. Je serai défavorable à l'amendement de suppression n° 63, ainsi qu'aux amendements n° 70 et n° 129 qui veulent que l'allocation de rentrée scolaire soit versée au département qui a la charge de l'enfant.
Cet article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, fait suite à un important travail mené avec les anciens de l'aide sociale à l'enfance, qui ont pu témoigner des grandes difficultés qu'ils ont pu rencontrer dans leur parcours d'insertion. C'est une mesure qui me paraît intéressante, étant entendu, cependant, que les sommes concernées restent modestes - 180 à 400 euros par an. Cela peut aider le jeune, sans grever les finances du département. On est loin du coût de l'accueil en établissement.
Mme Catherine Deroche. - Dans la ligne de la proposition de loi présentée par Christophe Béchu et adoptée par le Sénat, dont j'avais été le rapporteur, nous souhaitons, par notre amendement n° 70, que l'allocation de rentrée scolaire soit versée au département lorsque l'enfant est placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance. Cela est parfaitement cohérent. Puisque ce texte ne nous permet pas d'introduire une telle disposition pour l'ensemble des allocations familiales, qu'on le fasse au moins pour l'ARS. Plutôt que supprimer cet article, modifions-le pour réaffirmer cette disposition que le Sénat avait votée. Quand on explique que l'ARS n'est pas versée au service départemental qui acquitte tous les frais de la rentrée scolaire de l'enfant, nos concitoyens ne le comprennent pas.
Mme Corinne Imbert. - Je retire mon amendement de suppression au profit de celui de Mme Deroche.
L'amendement n° COM-63 est retiré.
Mme Hermeline Malherbe. - Il serait bon que le pécule ne soit reversé à l'enfant devenu majeur que sous contrôle : il doit effectivement servir à la poursuite de ses études.
Mme Catherine Génisson. - De son parcours.
Mme Hermeline Malherbe. - N'oublions pas qu'il s'agit d'une allocation de rentrée scolaire.
M. Yves Daudigny. - Je suivrai notre rapporteure, ce qui ne contredit en rien mes prises de positions antérieures. Je trouvais logique que l'allocation soit versée au département plutôt qu'à la famille qui n'a plus la charge de l'enfant, mais le débat n'est plus là : il s'agit ici de la constitution d'un pécule au moyen de l'ARS, ce qui me semble une bonne solution.
Mme Catherine Deroche. - Le département, lorsque l'enfant est confié à l'aide sociale à l'enfance, assume toutes les charges de la rentrée scolaire, de la même manière que le font les familles bénéficiaires dont l'enfant n'est pas placé. Il est normal que cette allocation lui revienne.
Mme Corinne Imbert. - Cela relève du bon sens. Ce peut être aussi le moyen, le département gardant la main sur la dépense, de sensibiliser les parents à la rentrée scolaire de l'enfant. Un peu de pédagogie ne nuit pas.
Mme Claire-Lise Campion. - Je rappelle que les sommes concernées ne dépassent pas 180 à 400 euros par an. On est loin du montant des allocations familiales. On sait que 40% des jeunes sont en réelle difficulté lorsqu'ils sortent de l'aide sociale à l'enfance. N'oublions pas que c'est pour les amener dans de bonnes conditions à ce moment où ils vont se lancer dans la vie que les départements auront travaillé durant toutes ces années de prise en charge. La constitution d'un pécule sera très utile à tous ces jeunes, qui peinent à entrer dans la vie active.
M. Daniel Chasseing. - Je suis d'accord avec Mme Deroche, mais je pense aussi aux mineurs étrangers isolés, qui ont grand besoin, à leur majorité, d'être accompagnés. Il pourrait être utile de mettre un pécule au service d'un réel projet d'accompagnement.
Mme Catherine Deroche. - Je ne suis pas hostile à l'idée d'accompagner ces enfants quand ils arrivent à leur majorité mais cela n'a pas de sens de le faire financer par l'ARS. On n'a que trop tendance, dans notre pays, à financer des actions par des dispositifs dont ce n'est pas la vocation. L'ARS est versée à toutes les familles françaises dont le niveau de ressource le justifie. Lorsque les charges de rentrée scolaire ne sont pas assumées par la famille mais par le département, il est normal que l'allocation lui soit versée. Que l'on trouve un autre moyen de constituer ce pécule.
Mme Annie David. - L'ARS, ainsi que vient de le souligner Mme Deroche, est versée aux familles en fonction du quotient familial. Or, tous les enfants placés ne viennent pas de familles modestes. La maltraitance n'est pas le seul fait des familles modeste. Ce qui est ici proposé ne prend pas en compte cette réalité.
Cela étant dit, si l'on peut assurer, par la loi, un pécule à tous les enfants placés auprès de l'Ase, cela me semble positif. Pourquoi le constituer avec l'ARS, nous dit Mme Deroche. Et pourquoi pas ? Vous connaissez mes positions : je ne suis pas favorable à voir les familles privées de leurs allocations. Si l'on veut que les familles conservent un lien avec leur enfant placé, et, comme il a été suggéré, faire oeuvre de pédagogie, il faut leur accorder un minimum de moyens. Je ne voterai pas ces amendements.
M. Alain Milon, président. - Pour moi, ce sont plutôt les allocations familiales que l'ARS qui devraient être versées au département lorsqu'il prend en charge un enfant. Cela dit, on ne pourra pas empêcher nos concitoyens de se livrer à un calcul : 180 euros d'ARS multipliés par 150 000 enfants placés, cela représente 27 millions, qui ne seront pas versés aux départements. Le raisonnement est certes un peu sommaire mais comment nos concitoyens qui, comme contribuables, se sentiront appelés à payer deux fois, et pour les frais engagés par le département, et pour ce pécule, pourraient-il comprendre ? Nous ne pouvons pas ne pas en tenir compte. C'est pour cette raison, en pensant aux temps difficiles que traverse mon département du Vaucluse, que je voterai l'amendement.
Mme Nicole Bricq. - L'ARS est désormais pérennisée, dans la loi de financement de la sécurité sociale. C'est dans le cadre du débat budgétaire que cette discussion devrait être menée. C'est là que peut être posé le problème financier qui se pose au département. Cela nous éviterait d'opposer ici deux points de vue qui ne portent pas exactement sur le même objet.
Mme Evelyne Yonnet. - J'ai bien entendu ce que vient d'exprimer notre président, mais la question de fond ne porte pas tant sur l'ARS que sur la constitution d'un pécule pour la majorité de l'enfant. C'est, en tout état de cause, par la solidarité, par l'impôt qu'elle pourra intervenir. On pourrait imaginer, plutôt que de recourir à l'ARS, une allocation spécifique, et c'est en quoi je rejoins Nicole Bricq. C'est ici la sortie de l'enfant qu'il faut avoir en vue, sans pénaliser ni les familles ni le département.
M. Alain Milon, président. - Dès lors que le pécule est débloqué à la majorité de l'enfant, il est vrai que seuls les enfants restés à l'Ase jusqu'à leur majorité seront concernés.
Mme Hermeline Malherbe. - L'amendement ne pourrait-il être rectifié, pour s'assurer au moins, si ces sommes vont au département, qu'elles soient fléchées, afin qu'elles ne bénéficient qu'aux enfants concernés, ce qui permettrait, du même coup, de prévoir un accompagnement de sortie.
Mme Catherine Génisson. - J'entends les arguments de notre président, conjoncturels mais pour moi très audibles. Les préoccupations dont il fait état pour le Vaucluse valent aussi dans mon département du Pas-de-Calais. Pour autant, le vrai sujet est celui du pécule et je suivrai notre rapporteure, car nous devons avoir une discussion avec le Gouvernement sur ce sujet. Il s'agit d'éviter que de jeunes majeurs deviennent SDF au terme de leur prise en charge.
M. Alain Milon, président. - Le problème, c'est que ce n'est pas le pécule qui les en empêchera.
Mme Caroline Cayeux. - Je comprends mal le choix de ce terme de « pécule ». Il ne s'agit pas de constituer une cagnotte année après année, mais bien de verser, en faveur du jeune, une somme pour la rentrée scolaire. Le département va assumer la rentrée scolaire, et on parle en plus d'un pécule ? Je m'y perds.
M. Yves Daudigny. - Comme Catherine Génisson, je suis sensible aux arguments exposés par notre président. Mais je pose une question : en l'état actuel du droit, à qui est versée l'ARS ?
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - A la famille.
M. Yves Daudigny. - Donc le texte la lui retire. Cela valait d'être dit.
M. Michel Amiel. - L'allocation de rentrés scolaire est faite, comme son nom l'indique, pour la rentrée scolaire. On va la détourner pour constituer un pécule - qui soit dit en passant ne le mettra pas le jeune à l'abri quand il sortira de l'Ase. Pour moi, ces sommes doivent revenir au département, qui prend en charge les frais de rentrée scolaire.
Mme Evelyne Yonnet. - Notre rôle est bien de donner toutes les chances à ces jeunes. Rien ne nous interdit d'engager une réflexion en vue de la loi de finances.
M. Alain Milon, président. - Les enfants placés à l'Ase y restent, en moyenne, une dizaine d'années : 180 euros multipliés par dix font un pécule de 1 700 euros. Cela ne les aidera guère plus d'un mois à vivre.
Mme Catherine Deroche. - Je veux répondre à Mme Bricq. Une proposition de loi avait été votée à la quasi-unanimité du Sénat, contre l'avis du Gouvernement, pour qu'une partie des allocations familiales et la totalité de l'ARS soient versées au département. Cette proposition de loi n'a pas prospéré à l'Assemblée nationale, où la secrétaire d'Etat à la famille, qui l'avait pourtant votée alors qu'elle était sénatrice, a donné un avis défavorable au nom du Gouvernement. Nous avons alors déposé des amendements dans le même sens au projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui ont été votés au Sénat. Si nous revenons sur ce sujet dans cette proposition de loi, c'est parce qu'elle prévoit désormais de constituer l'ARS en pécule. Nous ne le souhaitons pas, car nous estimons qu'elle doit être versée au département, qui tous les ans engage des dépenses de rentrée pour ces jeunes. Si nous retirons ces amendements pour les porter en loi de financement, ainsi que vous le suggérez, ce texte restera en l'état, et l'ARS servira à financer un pécule.
L'amendement n° COM-70 est adopté et les amendements nos COM-129, COM-11 et COM-19 deviennent sans objet.
L'article 5 ED est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5 E (nouveau)
L'amendement rédactionnel n° COM-9 est adopté.
L'article 5 E est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'amendement de coordination n° COM-50 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 69. Prendre en compte, dans le projet pour l'enfant, les relations avec tous les membres de la famille serait trop lourd.
L'amendement n° COM-69 est retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 87. Le bilan médical et psychologique est important et ne saurait être subordonné à des questions financières.
L'amendement n° COM-87 est retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon amendement n° 5 vise à garantir le respect des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs lors de la transmission du projet pour l'enfant aux différentes personnes qu'il identifie
L'amendement n° COM-5 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement rédactionnel n° 88.
L'amendement n° COM-88 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable aux amendements identiques nos 80, 102 et 119. Il est important qu'un référentiel donne une ossature nationale. C'est une disposition que le Sénat avait votée en première lecture.
Les amendements identiques n° COM-80 et n° COM-102 sont retirés.
M. Alain Milon, président. - Le sujet est important. Les départements se sont alarmés car l'alinéa n'est pas très explicite, mais il s'agit en fait d'un référentiel national sur lequel ils pourront s'appuyer pour définir leurs propres références et leur propre façon d'agir en matière de protection de l'enfance. Cela va pour moi dans le bon sens.
L'amendement identique n° COM-119 est retiré.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 6
L'amendement de coordination n° COM-53 est adopté.
L'article 6 est adopté dans sa rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Mon amendement n° 24 tend à supprimer l'article 6 bis, introduit à l'Assemblée nationale, et qui vise à imposer au juge aux affaires familiales de motiver spécialement sa décision lorsqu'il décide que le droit de visite du parent qui n'a pas la garde de l'enfant ne peut s'exercer que dans un espace de rencontre. Or, l'article 373-2-9 du code civil impose déjà au juge de motiver sa décision.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable. Ce qui s'est passé à Nantes en mars dernier, où un travailleur social a été tué au cours d'une telle visite, montre hélas assez qu'il est important de motiver. Dans un contexte de violence familiale, il fallait aussi protéger la mère.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - L'obligation de motivation existait déjà, ce qui montre qu'elle ne protège pas de tout. J'ajoute qu'à l'article 17 bis A, vous suggérez une suppression identique.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon avis reste défavorable.
L'amendement n° COM-24 n'est pas adopté.
L'article 6 bis est adopté sans modification.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Mon amendement n° 25 tend là encore à supprimer des dispositions inutiles, sans remettre en cause l'extension du dispositif de visite en présence d'un tiers dans lesquelles l'enfant est confié à une personne et non pas à un service ou un établissement et l'exigence d'un avis « spécialement motivé ».
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon avis est défavorable.
L'amendement n° COM-25 n'est pas adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon amendement n° 130 est rédactionnel. Il vise à clarifier le fait que les modalités d'organisation de la visite en présence d'un tiers sont décidées par le juge et que le décret a pour objet d'en fixer le cadre.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Il est plus que rédactionnel. Les termes de « modalités de fonctionnement » n'emportent pas les mêmes effets juridiques que ceux de « modalités d'organisation ».
M. Alain Milon, président. - En effet.
L'amendement n° COM-130 est retiré.
L'article 6 ter est adopté sans modification.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement de suppression n° 26. L'article 6 quater fait de l'exposition d'un enfant à des agissements violents un motif de retrait de l'autorité parentale. C'est un sujet dont nous avions longuement débattu en première lecture.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Comprenez bien que les amendements que je vous soumets n'expriment pas, à l'exception d'un seul, à venir, une divergence de fond quant aux objectifs. Ils résultent d'un simple travail légistique, destiné à éviter une superposition de textes de même vocation et de même portée. En l'espèce, cet article introduit des dispositions déjà prévues à l'article 378-1 du code civil, qui dispose que « peuvent se voir retirer totalement l'autorité parentale, en dehors de toute condamnation pénale, les père et mère qui, soit par de mauvais traitements, soit par une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques ou un usage de stupéfiants, soit par une inconduite notoire ou des comportements délictueux, soit par un défaut de soins ou un manque de direction, mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l'enfant. » Toutes vos hypothèses sont ici couvertes.
Mme Evelyne Yonnet. - Il est plus simple d'avoir le texte sous les yeux dans la loi que de devoir aller se reporter au code civil.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Il n'y restera pas puisqu'il vise à modifier le code civil.
Mme Annie David. - Ce que ne mentionne pas le texte que vous venez de nous lire, ce sont les agissements violents du père contre la mère. Je fais confiance à votre analyse juridique, mais le fait est que l'on oublie souvent, dans les textes, de mentionner les violences conjugales. Et j'observe que chaque fois que l'on essaie d'ajouter une précision en ce sens, on nous rétorque que c'est redondant. Je veux m'assurer qu'un enfant témoin de violences conjugales sera protégé.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Les termes de « comportements délictueux » couvrent les violences conjugales, qui sont des délits. Nous voulons tous être aussi précis que possible dans l'écriture de la loi, mais à vouloir inscrire explicitement tous les cas de figure, on enlève de la portée au terme général.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon amendement à venir n° 60 vise précisément à prendre en compte le cas des violences conjugales. Ce qui s'est passé à Nantes montre bien qu'elles sont mal prise en compte, ce qui a été fatal à un travailleur social.
L'amendement n° COM-26 est adopté et l'article 6 quater est supprimé.
L'amendement n° COM-60 devient sans objet.
Article 7
L'amendement de coordination n° COM-4 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 89, qui supprime la mention du décret fixant la composition de la commission pluridisciplinaire.
L'amendement n° COM-89 est retiré.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - J'espère que la commission me donnera acte de mon objectivité. : je retire mon amendement n° 27, relatif à l'information du juge des enfants en cas de modification du placement, au bénéfice de l'amendement n° 17 de votre rapporteure, dont la rédaction est mieux aboutie.
L'amendement n° COM-27 est retiré.
L'amendement n° COM-17 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je souhaite le retrait de l'amendement n° 107. La modification des modalités d'accueil n'est évidemment envisagée que dans l'intérêt de l'enfant.
L'amendement n° COM-107 est retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Même avis sur l'amendement n° 108, satisfait.
L'amendement n° COM-108 est retiré.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 9
L'amendement de coordination n° COM-51 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'article 9 précise que le rapport annuel rédigé par le service de l'Ase pour tout enfant qui lui est confié doit permettre de vérifier la bonne mise en oeuvre du projet pour l'enfant. Mon amendement n° 2 ajoute une référence aux objectifs éventuellement fixés par le juge.
L'amendement n° COM-2 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable aux amendements identiques nos 81, 103 et 120, qui suppriment l'alinéa prévoyant un référentiel.
Les amendements identiques nos COM-81, COM-103 et COM-120 sont retirés.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Même avis sur les amendements de repli identiques nos 82, 104 et 121.
Les amendements identiques nos COM-82, COM-104 et COM-121 sont retirés.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable aux amendements de suppression nos 83, 105 et 122. Cet article, qui prévoit que le service de l'aide sociale à l'enfance, lorsque la durée du placement excède un seuil fixé par décret, examine l'opportunité d'autres mesures susceptibles de garantir la stabilité des conditions de vie de l'enfant, avait été adopté en première lecture par le Sénat.
Les amendements identiques nos COM-83, COM-105 et COM-122 sont retirés.
L'article 11 est adopté sans modification.
Article 11 bis
L'article 11 bis est adopté sans modification.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon amendement n° 20 précise les dispositions relatives à l'entretien prénatal précoce, de prévention et d'accompagnement.
M. Alain Milon, président. - Nous avions en effet prévu, lors de nos discussions sur la loi santé, d'introduire ici les dispositions relatives à cet entretien.
L'amendement n° COM-20 est adopté.
L'article 11 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Mon amendement n° 12 vise à supprimer l'article 12, non comme auparavant pour des raisons de légistique, mais bien en vertu d'une position de fond sur le sujet de l'adoption simple.
J'attire votre attention sur le fait que le Sénat, en première lecture, avait supprimé cet article, réintroduit par l'Assemblée nationale. Cet article rend l'adoption simple quasiment irrévocable durant la minorité de l'adopté, puisque seul le ministère public pourra demander la révocation de cette adoption. Or, l'affirmation, que l'on retrouve dans des travaux récents, selon laquelle la révocabilité de l'adoption simple serait un frein à son développement n'est étayée par aucune étude sérieuse. L'adoption simple, et c'est regrettable, est déjà très peu utilisée ; les demandes de révocation sont très peu nombreuses et les cas où elle est effectivement prononcée par le juge le sont encore moins. Le raisonnement qui sous-tend l'article 12 n'est donc nullement corroboré dans les faits. Pire, ces dispositions pourraient avoir un effet contraire à l'objectif recherché, puisque les candidats à l'adoption simple seront moins nombreux encore. J'ajoute qu'à réformer l'adoption par ce biais, nous risquons d'en fragiliser tout l'édifice. Mieux vaudrait, peut-être par une mission d'information pouvant déboucher sur un texte d'initiative parlementaire, réexaminer l'ensemble du mécanisme de l'adoption, simple et plénière, ce qui permettrait d'examiner les problèmes inhérents à l'arrêt Carsalade de même que ceux que pose l'institution du parrainage, inexistante dans les textes mais réalité sur le terrain. Mon sentiment sur l'adoption est qu'il ne pourrait y en avoir qu'une s'effectuant selon diverses modalités. Voilà pourquoi je vous invite à confirmer la position qu'avait prise le Sénat en première lecture.
J'attire votre attention sur le fait que si tout ce qui a été voté aujourd'hui contre l'avis de la commission des lois n'emporte pas de risque particulier, tel n'est pas le cas ici : il y a véritablement un risque.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Il y a divergence entre nous. L'article avait en effet été supprimé en première lecture, contre mon avis. Je réaffirme que ces dispositions, qui font de l'adoption simple un outil de sécurisation du parcours de l'enfant placé à long terme, sont protectrices. Elles permettront à des enfants ballotés en permanence de trouver une famille. Mon avis est donc défavorable.
M. Georges Labazée. - Pourquoi ne pas mettre à profit le temps qui nous reste avant la séance plénière pour recueillir l'avis du Conseil supérieur de l'adoption, dont la réflexion sur cette question ne date pas d'hier, afin d'interroger le Gouvernement en séance sur cette base ?
Mme Catherine Génisson. - J'ai écouté avec attention le rapporteur pour avis et entends sa proposition de mener une réflexion cohérente et globale sur le sujet de l'adoption. Ce serait sans doute la meilleure solution, mais je crains qu'elle ne tarde à venir. Or, on ne peut ignorer plus longtemps la situation erratique de bien des enfants placés, qui mériteraient de bénéficier d'une stabilité affective et être accompagnés dans cet âge de la vie. C'est pourquoi je suivrai avec conviction l'avis de notre rapporteure.
M. Michel Amiel. - Le sujet est sensible et suscite des divergences d'opinion que nous ne résoudrons pas en quelques jours. L'adoption relève de deux logiques. Dans celle de Mme Meunier, qui est aussi la mienne, c'est un outil de protection de l'enfance. Mais dans l'esprit de bien des gens, on le constate dans nos conseils généraux, elle répond aussi au droit d'avoir un enfant, un droit qu'ils revendiquent.
Je suivrai avec conviction Mme Meunier : l'adoption simple peut être un outil permettant à l'enfant de trouver une relative stabilité affective. Il est vrai qu'il est peu connu, mais ce n'est pas en supprimant cet article qu'on le fera mieux connaître.
Mme Hermeline Malherbe. - On constate d'ailleurs que dans les départements où les services savent le valoriser, le nombre d'adoptions s'en trouve multiplié par trois, voire par cinq. Entre le groupement d'intérêt public Enfance en danger et l'Association pour l'adoption, un rapprochement est en cours. Le désir d'enfant n'est pas inconciliable avec le besoin de protection de l'enfance. Ne les opposons pas car on doit pouvoir répondre conjointement à l'un et à l'autre. Je suivrai notre rapporteure.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Entendons-nous bien, il n'a jamais été question pour moi de supprimer l'adoption simple, qui est de fait un bon outil de protection de l'enfance. Mais quand le candidat à l'adoption simple demandera conseil sur son projet, immanquablement, le procureur de la République, le notaire ou l'avocat le mettra en garde, en lui rappelant qu'elle est irrévocable. Je crains qu'ainsi l'adoption simple, déjà trop peu utilisée, ne devienne totalement inusitée, au rebours de votre objectif.
M. Michel Amiel. - C'est une appréciation que vous portez, et votre prédiction pourrait bien être contredite par les faits.
Mme Catherine Procaccia. - Quelle est la position de notre président ?
M. Alain Milon, président. - Je suis, comme en première lecture, de l'avis de notre rapporteure.
Mme Catherine Procaccia. - Pour moi, je m'abstiendrai.
L'amendement n° COM-28 n'est pas adopté.
L'article 12 est adopté sans modification.
Article 13
L'amendement de coordination n° COM-55 est adopté.
L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 13 bis (nouveau)
L'amendement de coordination n° COM-52 est adopté.
L'article 13 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - On en revient ici à des questions rédactionnelles. Mon amendement n° 29 vise à revenir sur l'introduction par l'Assemblée nationale d'une précision selon laquelle l'enfant devrait être entendu selon des modalités adaptées à son âge et à son degré de maturité. Cette précision pose deux difficultés. Cette rédaction s'inspire, sans la reprendre, de la rédaction proposée pour l'article 388-1 du code civil dans la proposition de loi relative à l'autorité parentale en cours d'examen à l'Assemblée nationale. On risque ainsi de voir retenues deux rédactions différentes, ladite proposition de loi n'ayant pas encore été inscrite à l'ordre du jour du Sénat. Ce serait, en tout état de cause, de mauvaise technique législative que d'adopter une rédaction qui risque d'être bouleversée sous peu.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je suis défavorable à l'amendement. Il s'agit ici de l'audition de l'enfant dans le cadre de son adoption.
L'amendement n° COM-29 n'est pas adopté.
L'article 15 est adopté sans modification.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - L'extension du régime fiscal applicable aux transmissions à titre gratuit entre adoptants et adoptés prévue par l'Assemblée nationale nous semble présenter un risque d'inconstitutionnalité. C'est également l'avis du Gouvernement. Tel est le sens de mon amendement n° 30, qui, en prévoyant la suppression des alinéas concernés, ne met nullement en cause l'objectif recherché.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je m'en remets à la sagesse de la commission.
L'amendement n° COM-30 est adopté.
L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - En imposant que l'administrateur ad hoc désigné pour représenter les intérêts du mineur soit indépendant du service de l'Ase ou de la personne auquel l'enfant a été confié, l'article 17 présuppose que, dans tous les cas, il y a conflit d'intérêts entre ce service ou cette personne et le mineur. Or, tel n'est pas le cas. J'ajoute que cette disposition risque d'être quasiment inapplicable, car le vivier de ces administrateurs est restreint et l'on ne pourrait non plus faire appel à ceux qui viennent d'associations subventionnées par leur département. D'où mon amendement de suppression n° 31.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon avis est défavorable, mais je serai en revanche favorable à votre amendement de repli n° 32.
L'amendement n° COM-31 est adopté et l'article 17 est supprimé.
L'amendement n° COM-32 devient sans objet.
Article 17 bis A (nouveau)
Les amendements identiques n° COM-13 et n° COM-33 sont adoptés et l'article 17 bis A est supprimé.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Cet article 17 bis crée une procédure inédite. Dans le cadre de la délégation forcée de l'autorité parentale, le juge aux affaires familiales serait saisi, par l'intermédiaire du procureur de la République. Or, quand on délègue l'autorité parentale, celui qui va la recevoir doit nécessairement être entendu. Je vous propose donc, par mon amendement n° 34, une précaution procédurale qui ne recueille pas d'objection de la ministre.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Favorable.
L'amendement n° 34 est adopté.
L'article 17 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 17 ter (nouveau)
L'amendement de clarification rédactionnelle n° COM-35 est adopté.
L'amendement n° COM-62 devient sans objet.
L'article 17 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Mon amendement n° 36 vise à revenir à la rédaction proposée par le Sénat en première lecture, et qui impose que le délaissement parental ait un caractère volontaire - je préférais le terme d'abandon, mais j'ai dû finir par me rendre à cette expression. Or, l'Assemblée nationale a substitué à ce caractère volontaire une disposition qui veut que pour que le délaissement soit prononcé, les parents ne devront pas avoir été empêchés d'entretenir avec leurs enfants les relations nécessaires à son développement, pour quelque cause que ce soit. C'est une précision qui couvre de fait le cas d'empêchement involontaire des parents que la commission des lois souhaitait voir prise en compte mais qui, retenant un champ très large, risque de mettre en échec la procédure tenant au comportement des parents eux-mêmes. Son imprécision risque de donner lieu à d'abondantes interprétations jurisprudentielles, au risque de divergences regrettables.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - C'est un sujet dont nous avons beaucoup débattu en première lecture. Vous faites une concession sur le terme d'abandon, mais mon avis reste défavorable.
L'amendement n° COM-36 est adopté, et l'amendement n° COM-90 devient sans objet.
L'amendement de précision n° COM-37 est adopté.
L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Il n'y a pas lieu, dans la mesure où le mineur ne peut demander le retrait de l'autorité parentale, d'ouvrir à l'administrateur ad hoc chargé de le représenter de saisir le juge afin d'engager une action en retrait total ou partiel de l'autorité parentale. D'où mon amendement n° 3.
M. Alain Milon, président. - Il est en concurrence avec les amendements n° 38 et n° 39 de M. Pillet.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Nos rédactions sont proches. Celle de la commission des lois résout un double problème d'interprétation qui pourrait se poser dans le cas où l'enfant soit a été confié au tiers par le juge des enfants, soit a été confié par les parents à une autre personne.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je souhaite le retrait de ces deux amendements au profit du mien.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Je dois les maintenir.
L'amendement n° COM-3 n'est pas adopté.
L'amendement n° COM-38 est adopté, ainsi que l'amendement n° COM-39.
L'article 21 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'alinéa 2 de cet article doit viser les seuls enfants recueillis par décision de justice : tel est le sens de mon amendement n° 61.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Je me rallie à cette rédaction, qui apporte des garanties supplémentaires et retire mon amendement n° 40.
L'amendement n° COM-40 est retiré.
L'amendement n° COM-61 est adopté.
L'article 21 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon amendement n° 10 vise à supprimer cet article. Les techniciens de l'intervention sociale et familiale jouent un rôle bien défini.
L'amendement n° COM-10 est adopté et l'article 21 ter A est supprimé.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Les dispositions ici visées devraient entrer dans le code de l'action sociale et des familles plutôt que dans le code civil. Tel est l'objet de mon amendement n° 41.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Défavorable.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Ces dispositions ne sauraient figurer dans le code civil. Je suis prêt à rectifier mon amendement, afin que ces dispositions restent dans la loi, sans être codifiées.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Dans ce cas, mon avis peut être favorable.
L'amendement n° COM-41 rectifié est adopté.
L'amendement n° COM-91 est retiré.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 67, qui vise à constituer un comité d'éthique départemental chargé de statuer sur la minorité d'un jeune. Il n'est pas cohérent de dénoncer la surcharge de travail dans les services départementaux et de proposer une telle disposition.
Mme Corinne Imbert. - Parce que ce n'est pas surcharger les départements que de les faire accompagner des mineurs isolés étrangers soi-disant mineurs et qui sont en réalité majeurs ?
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - De là à créer un comité d'éthique !
Mme Corinne Imbert. - Qui ne comptera pas plus de trois personnes, mais permettra d'avoir accès aux données Visabio. Je rappelle que cet article prévoit que le mineur peut refuser le test osseux, qui devient aujourd'hui impossible à réaliser. Ce comité serait le moyen d'avoir une idée de l'âge de l'enfant.
M. Michel Amiel. - La détection de l'âge par voie de test osseux n'est pas une méthode infaillible. Elle est basée sur des abaques américains qui remontent aux années 1950. Je regrette, en revanche, que Mme Malherbe ait retiré son amendement, qui supprimait l'exigence de recueillir l'accord de l'intéressé.
Mme Corinne Imbert. - Sans mettre en cause l'autorité judiciaire, encore faudrait-il qu'elle donne son aval.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Mon avis reste défavorable.
L'amendement n° COM-67 est adopté.
L'article 21 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Cette article 22 a trait à l'inceste. Vous vous souvenez que le Sénat avait, en première lecture, repoussé son introduction dans le code pénal. La réflexion n'était pas aboutie, et le Conseil constitutionnel avait auparavant, sur le même sujet, rendu une décision très sévère.
Je n'en jugeais pas moins, à titre personnel, qu'il n'était pas aberrant de réfléchir à l'introduction de cette notion dans le code pénal, même si je rappelais, en juriste, que toutes les sanctions dont vous prévoyiez de l'assortir existaient déjà, même si les faits n'étaient pas ainsi qualifiés. Et citant Robert Badinter, j'indiquais que la vocation répressive du code pénal pouvait être assortie d'une vocation « expressive », c'est à dire conforme à ce que tout un chacun comprend des termes.
Le texte tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale me permet de vous dire aujourd'hui, au nom de la commission des lois, que nous pouvons accepter l'introduction de ce mot, qui ne sera qu'une surqualification puisque cela ne change strictement rien aux sanctions encourues pour des faits de cette nature. Cependant, je vous proposerai, par mes amendements, de coordonner au plus près l'emploi de ce terme avec son emploi dans le code civil et avec ce que les gens ressentent, et d'éliminer de cette incrimination des faits qui n'ont rien à y faire et sont en tout état de cause de nature à faire encourir la même peine lorsque l'aggravation est acquise. Il serait dommageable que nous votions des dispositions que le Conseil constitutionnel serait à nouveau amené à sanctionner.
J'en viens à présent à mon amendement n° 42. Le Gouvernement, qui redoute la censure du Conseil constitutionnel, a indiqué que l'inceste ne serait reconnu entre un frère et une soeur que si celui qui le commet a une autorité de droit ou de fait sur l'autre, ce qui exclurait de cette qualification les faits commis par un frère mineur sur une soeur plus âgée que lui. Je vous proposerai donc de supprimer cette notion d'autorité. Je ne crains pas là le risque d'inconstitutionnalité mais je rappelle en revanche que l'incrimination ne pourra être rétroactive, comme cela est classique en matière pénale, et que cette qualification d'inceste ne pourra s'appliquer qu'aux faits connus à compter de l'application de la loi.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je salue à mon tour l'inscription de l'inceste dans le code pénal, au nom des associations de victimes. Cela étant, je ne pourrai être favorable à vos amendements car le périmètre retenu à l'Assemblée nationale me semble satisfaisant.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Qu'il soit bien clair que si vous n'adoptez pas cet amendement n° 42, il n'y aura pas de condamnation possible pour inceste dans le cas que j'ai mentionné.
L'amendement n° COM-42 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Il a été ajouté, parmi les personnes pouvant être poursuivies pour inceste, le tuteur d'un enfant ou la personne qui, disposant d'une délégation d'autorité parentale, ne serait pas de sa famille. Outre que cela ne correspond pas au périmètre de l'inceste dans le domaine civil, cette mention pourrait poser des problèmes insurmontables car dans le cas où l'Ase est le tuteur, l'agent des services départementaux ayant commis l'agression sexuelle pourrait être poursuivi sous l'incrimination d'inceste. C'est une originalité juridique que je vous invite, par mon amendement n° 43, à éviter.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable. Il est vrai que vos propos sont troublants et portent à s'interroger sur la question du périmètre, mais c'est tout de même bien le lien d'autorité qui compte.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Je vous rassure : la peine encourue sera la même.
M. Alain Milon, président. - Ce n'est pas un inceste, mais un viol.
M. Michel Amiel. - Au-delà de l'aspect pénal, il s'agit de répondre à la représentation symbolique de l'inceste que se fait tout un chacun. Je suivrai M. Pillet.
L'amendement n° COM-43 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale retient les anciens conjoints, concubins ou partenaires de Pacs parmi les personnes susceptibles d'encourir l'incrimination d'inceste, si bien que dans certains cas, pourrait être qualifié d'inceste une agression contre l'enfant d'un ex-conjoint pourtant né après la séparation. Mon amendement n° 44 y remédie, et vous vous ne vous déjugerez pas en l'adoptant, puisque c'est ce que vous aviez retenu en première lecture. Nous devons être aussi précis que possible si nous voulons éviter la sanction du Conseil constitutionnel.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Quand un rapport d'éducation a existé avec l'enfant, il existe bien un rapport d'autorité. Je suis donc défavorable, même s'il est vrai que l'inconstitutionnalité nous guette.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Une infraction ne se définit jamais par l'idée que la victime s'en fait. Ce serait radicalement inconstitutionnel. Qu'un enfant considère que son voisin fait partie de sa famille et l'appelle tonton n'est pas de nature à caractériser des faits en inceste.
L'amendement n° COM-44 est adopté.
L'article 22 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 22 bis (nouveau)
L'amendement de précision rédactionnelle n° COM-45 est adopté.
L'article 22 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 22 ter (nouveau)
L'article 2 ter est adopté sans modification.
Article 22 quater A (nouveau)
Les amendements identiques n° COM-18 et n° COM-46 sont adoptés.
L'article 22 quater A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Mon amendement n° 47 remplace la fixation par le ministère de la justice d'objectifs d'accueil de mineurs isolés étrangers par une évaluation des « capacités d'accueil » de chaque département - termes utilisés par le Conseil d'Etat dans un arrêt récent. Cela devrait apaiser les craintes des départements.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Défavorable. Ce sont précisément les termes derrière lesquels se retranchent les départements pour refuser l'accueil. Même avis sur l'amendement n° 92.
L'amendement n° COM-47 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n° COM-92.
L'article 22 quater est adopté sans modification.
Article 22 quinquies (nouveau)
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je souhaite le retrait de l'amendement n° 48. Mieux vaudrait un vote conforme sur cet article, pour ne pas rouvrir le débat.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Vous nous enlevez un argument de poids en CMP...
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Sagesse.
L'amendement n° COM-48 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Favorable, puisqu'il en est ainsi, au n° 49.
L'amendement de précision n° COM-49 est adopté.
L'article 22 quinquies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 23
La commission maintient la suppression de l'article 23.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Modernisation de notre système de santé - Désignation des candidats appelés à faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire
La commission procède à la désignation des candidats appelés à faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de notre système de santé.
Elle désigne en tant que membres titulaires : MM. Alain Milon, André Reichardt, Mmes Catherine Deroche, Elisabeth Doineau, M. Yves Daudigny, Mmes Catherine Génisson, et Laurence Cohen, et en tant que membres suppléants : Mme Corine Imbert, M. Philippe Mouiller, Mmes Catherine Procaccia, Aline Archimbaud, Stéphanie Riocreux, et M. Gilbert Barbier.
La réunion est levée à 13 h 50.
- Présidence de M. Alain Milon, président, puis de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général -
La réunion est ouverte à 17 h 30.
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 - Audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Daniel Lenoir, directeur général, de la caisse nationale d'allocations familiales
M. Alain Milon, président. - Nous sommes heureux d'accueillir M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), et M. Daniel Lenoir, directeur général, dans le cadre de l'examen du PLFSS pour 2016, qui a été délibéré ce matin en conseil des ministres, et dont l'avant-projet avait été transmis il y a quelques jours aux caisses de sécurité sociale. Le conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales lui a donné un avis défavorable le 30 septembre dernier. Nous souhaitons faire le point sur la situation de la branche « famille » et sur les évolutions envisagées à la lumière du projet que le Sénat examinera à partir du 9 novembre.
M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf. - Malgré son avis défavorable, le conseil d'administration a approuvé une grande part des mesures qui concernent la branche « famille », avec en premier lieu la généralisation de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires (Gipa), expérimentée dans vingt départements avec des remontées très positives. La prise en charge par les caisses d'allocations familiales des prestations familiales assurées aux fonctionnaires des DOM rétablira l'égalité entre la métropole et l'outremer. Enfin, l'extension du complément de libre choix du mode de garde et de l'allocation de soutien familial (ASF) à l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon a répondu aux besoins d'une population de 6 000 habitants. En revanche, des réserves se sont exprimées sur la modification de la date de revalorisation des prestations familiales. C'est une mesure de simplification qui se traduira par un décalage de la revalorisation en 2016. Il est vrai cependant que l'impact d'une telle mesure est atténué en période de faible inflation. Nous regrettons également le maintien d'un déficit structurel dans la branche, et cela même si la modulation des allocations familiales a contribué à le réduire d'environ 800 millions d'euros, alors qu'il avait atteint un peu plus de 3 milliards.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - L'article 15 du projet de loi prévoit que la prise en charge des majorations de pensions pour enfant ne transite plus par le fonds de solidarité vieillesse (FSV). Quel sera l'effet d'une telle disposition sur la Cnaf ? À ce stade de la mise en oeuvre de la convention d'objectifs et de gestion, quel bilan tirez-vous ? À la suite de la modulation des allocations familiales et de l'établissement de la prime d'activité, à combien estimez-vous les besoins en ETP et en financement par rapport aux prévisions de la convention ?
M. Jean-Louis Deroussen. - Nous ne pouvons faire qu'un bilan intermédiaire de la convention d'objectifs et de gestion qui couvre les années 2013 à 2017. Une mission commune de l'Inspection générale des Affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des Finances (IGF) a fait le point sur les charges de travail des caisses d'allocations familiales. Au moment de la signature de la convention, nous avions bénéficié de renforts temporaires, pour faire face à un pic d'activité difficile à assumer, soit 200 emplois de techniciens et 500 emplois d'avenir que nous devrons restituer en 2017 au plus tard, en y ajoutant 1 000 autres emplois, et sans doute 300 emplois supplémentaires en raison des propositions de simplification validées par les services de l'Etat. La mission Igas-IGF a salué nos efforts de productivité, dus notamment à la mutualisation de l'accueil des allocataires, et grâce auxquels nous devrions, à activité inchangée, être en mesure de restituer ces 1 700 emplois. Elle a également noté que nous avions pu absorber la charge de travail dégagée par la modulation des allocations familiales, en juillet dernier, soit 300 ETP. En revanche, nous restons inquiets sur la charge de travail supplémentaire que nous devrons assumer au 1er janvier prochain, avec la mise en place de la prime d'activité. La mission estime qu'il faudra sans doute prévoir 500 ETP en plus. Nous essayons d'anticiper et des négociations sont en cours pour obtenir les renforts nécessaires au passage de ce pic d'activité : 800 000 nouveaux bénéficiaires, dont 400 000 ne sont pas connus comme allocataires au titre d'une autre prestation. La restitution envisagée à iso-activité doit être réévaluée.
M. Daniel Lenoir, directeur général de la Cnaf. - Nos efforts ont porté : nous avons tenu le rendez-vous du 1er juillet pour réaliser la modulation des allocations familiales, et nous avons absorbé la charge de travail supplémentaire qui a été légèrement inférieure à ce que nous avions pu prévoir. En effet, nous avons travaillé en liaison étroite avec la Direction générale des finances publiques (Dgfip), qui nous a communiqué les informations nécessaires, de sorte que nous n'avons eu que 80 000 ménages « non-trouvés », auxquels il a fallu demander le montant de leurs revenus. Les 300 ETP nécessaires ont été absorbés par les gains de productivité que nous avons réalisés ces dernières années.
La mise en place de la prime d'activité demandera des modifications importantes de notre logiciel. Nous mettrons en place à partir des télédéclarations un dispositif d'accueil numérique accessible à tous, et nous améliorerons notre couverture du territoire grâce à des partenariats avec la Poste, les associations, les centres communaux d'action sociale mais aussi en passant des accords avec les volontaires du service civique désireux de s'engager dans cette démarche d'accueil. Nous inaugurerons également le 1er novembre un simulateur grâce auquel les bénéficiaires du RSA activité et de la PPE pourront connaître le montant des indemnités auxquelles ils ont droit.
Le taux de recours à la prime d'activité apparaît comme une variable non négligeable pour calculer la charge de travail supplémentaire. Chacun espère qu'il sera important tout en ayant conscience que l'objectif des 100 % est difficilement atteignable. L'Igas et l'IGF ont proposé une estimation moyenne de 500 ETP. Nous souhaitons pouvoir ralentir la pente de restitution des emplois et prévoir une clause de revoyure. Des mesures de simplification sont indispensables pour gagner en productivité. Il faudra également préserver les emplois d'avenir, qui donnent aux jeunes une occasion de s'insérer dans un parcours professionnel.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Au nom de Mme Cayeux, rapporteure pour la branche « famille », je voudrais rappeler qu'après la budgétisation des APL, l'année dernière, est prévu en 2016 le transfert de la Cnaf vers l'Etat du financement des allocations de logement familiales. Le RSA est quant à lui financé par les départements. Quelle est la charge supportée par la Cnaf du fait de la gestion de ces aides ? Les coûts de gestion associés sont-ils intégralement compensés ? Par ailleurs, l'objectif de création de classes d'accueil pour les jeunes enfants, fixé par la convention, avait pris un retard conséquent, l'année dernière. Où en est-on ? Pouvez-vous nous présenter l'évolution des ressources du Fonds national d'action sociale (Fnas) ?
M. Jean-Louis Deroussen. - Les nouvelles places d'accueil n'ont pas été créées au rythme prévu, de sorte que nous n'avions pas pu atteindre en 2013 l'objectif des 100 000 places supplémentaires. Le travail a pourtant été bien mené l'an dernier et continue à l'être. Si l'on considère les engagements que nous avons pris pour 2015 en partenariat avec les collectivités locales, et ceux que l'on voit naître pour l'année suivante, et compte tenu d'un taux d'occupation des berceaux en hausse (2,6 enfants par berceau), on peut espérer atteindre les 100 000 places d'accueil à la fin de la convention d'objectifs et de gestion. Quant aux places d'accueil chez les assistantes maternelles, c'est un dispositif que son caractère libéral rend difficile à maîtriser. D'autant qu'il subit une certaine désaffection de la part des parents qui n'y trouvent leur compte ni en termes d'heures de garde, ni en termes financiers.
M. Daniel Lenoir. - La sous-exécution du Fnas en 2013 s'explique par le trou d'air sur les créations de places. En 2014, le fonds a augmenté de 6,8 % pour une sous-exécution de 89 milliards d'euros par rapport aux prévisions, ce qui est tout à fait raisonnable sur un budget de 5 milliards. Il faut compter entre six mois et trois ans pour que la décision de créer des places en crèche se concrétise, d'où la reprise encore peu perceptible de 2014, qui se prolonge en 2015. Tous les indices donnent à penser que nous rattraperons notre retard d'ici la fin de l'année. Quant à l'évolution inquiétante du dispositif des assistantes maternelles, elle doit faire l'objet d'une étude économique dédiée.
L'autre priorité de la convention d'objectifs et de gestion est d'assurer le financement des activités périscolaires dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Nous finançons également des foyers de jeunes travailleurs, des vacances, etc. Après les attentats de janvier, nous avons engagé une réflexion sur les interventions que nous pourrions destiner aux jeunes, pré-adolescents ou jeunes adultes, afin de les prémunir contre la tentation de l'engagement djihadiste.
La Cnaf ne prend en charge qu'une partie de la gestion des aides. Aucun frais de gestion n'est prévu pour l'allocation aux adultes handicapés. On consacre 250 millions d'euros aux frais de gestion des allocations logement et 37 millions pour le RSA qui n'ont pas été actualisés. Le dispositif de coût complet n'est pas encore en place. Il le sera l'an prochain. On peut augurer sans trop prendre de risques que les coûts de gestion ne sont pas totalement couverts, notamment dans le cas du RSA. Cependant, comme nous faisons des efforts de productivité, les coûts diminuent.
Mme Laurence Cohen. - La modulation des allocations familiales a généré un gain de 800 millions d'euros. Nous y étions hostiles et nous le sommes encore. Quel est le déficit de la branche « famille » ? Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (Cice) et le pacte de responsabilité ont exonéré les entreprises de charges sociales, notamment des cotisations familiales, pour un montant élevé. Peut-on tirer un premier bilan de cette mesure ? Vous avez parlé de gains de productivité nécessaires. Il ne faudrait pas que cela dégrade les conditions de travail des salariés. Pouvez-vous étayer votre propos ?
M. Jean-Marie Morisset. - L'exercice n'est pas facile. On vous demande de simplifier et chaque année on ajoute de nouveaux dispositifs. Où en est-on pour les impayés des pensions alimentaires ? Combien de familles sur les 5 millions qui en bénéficient ont vu baisser leurs allocations familiales ? Les collectivités sont en attente de projets pour relancer les crèches ; qu'en pensez-vous ? Quel effet a eu votre gestion du RSA ? Les conseillers départementaux s'interrogent sur le bien-fondé du versement de certaines allocations. En se restructurant, vos services doivent fermer certains lieux d'écoute. Dans ces conditions, le dispositif d'accueil numérique est tout à fait utile.
M. Dominique Watrin. - Sur le terrain, on constate que les missions des caisses d'allocations familiales s'élargissent sans que leurs moyens de fonctionnement soient revalorisés. Cela ne peut que favoriser une déshumanisation de l'accueil et allonger la durée de traitement des dossiers. On ne peut pas manquer de faire le lien avec la diminution des recettes de la branche « famille » : les cotisations ont baissé de 1,8 point en 2015 jusqu'à 1,6 Smic et, pour le budget 2016, cette baisse s'appliquera jusqu'à 3,5 Smic. Autant de manque à gagner que les compensations de l'Etat et les transferts de dépenses sur d'autres budgets ne suffiront peut-être pas à combler. Les caisses d'allocations familiales peuvent récupérer en une fois des impayés qui sont plus souvent des indus que des fraudes. Cela provoque parfois la suppression de la totalité des allocations familiales. Même lorsqu'il y a un recours amiable, celui-ci n'est pas suspensif. Ne faudrait-il pas lancer une étude pour évaluer les conséquences de mesures aussi draconiennes ?
Mme Michelle Meunier. - Je me félicite de la généralisation de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires car l'on sécurise ainsi de nombreuses familles monoparentales qui conservent leur pouvoir d'achat et peuvent continuer à assurer l'éducation des enfants. Cette généralisation au 1er avril 2016 émane d'un rapport intermédiaire. Les rapports ne sont donc pas aussi inutiles qu'on le dit ! Le regroupement des assistantes maternelles en maisons est une piste à explorer, car les horaires plus larges répondent mieux à la demande des parents. Quant à votre initiative à destination des jeunes, elle est tout à fait bienvenue.
Mme Françoise Gatel. - La réforme des rythmes scolaires a généré un surcroît de dépenses pour la Cnaf. En ce qui concerne les modes de garde, la crèche est une réponse urbaine à une attente de plus en plus forte des parents. Les maisons d'assistantes maternelles comblent à la fois les besoins des assistantes maternelles qui souhaitent exercer en dehors de leur domicile et ceux des parents soucieux de sociabiliser leur enfant. C'est un excellent moyen de renforcer le maillage du territoire.
- Présidence de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général -
M. Jean-Louis Deroussen. - Une moindre dépense de 800 millions d'euros par rapport au budget prévu l'année précédente a réduit le déficit de la branche « famille » de 1,1 milliard. Il est prévu à 1,6 milliard en 2015, à 800 millions en 2016, avec un retour à l'équilibre en 2018. Nous partageons votre souci d'améliorer les conditions de travail des agents tout en évitant le risque d'un accueil déshumanisé, grâce aux guichets numériques. La généralisation de l'accueil sur rendez-vous est une facilité offerte à l'allocataire qui est pris en charge préalablement. Les agents sont moins soumis aux incivilités et travaillent dans de meilleures conditions. La durée de traitement des dossiers ne s'est pas allongée ; elle s'est au contraire améliorée. Les allocataires demandent à pouvoir gérer leur compte sur leur smartphone, à l'image de ce qui se fait en médecine avec le dispositif Ameli. Les points d'accueil numérique restent très utiles, notamment pour ceux qui ne sont pas équipés à leur domicile. Nous nous réjouissons d'avoir pu généraliser la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, qui concerne un pourcentage important de femmes. Beaucoup de collectivités apportent une ouverture de grande qualité aux jeunes. Nous souhaitons que ces bonnes pratiques se diffusent. Quant à l'accueil individuel des jeunes enfants, nous avons beaucoup travaillé avec les relais d'assistantes maternelles pour repenser le dispositif.
M. Daniel Lenoir. - Une enquête auprès des allocataires a montré qu'on pouvait améliorer les délais d'attente dans les points d'accueil. En revanche, la télédéclaration sur www.caf.fr et l'accueil sur rendez-vous sont perçus comme des évolutions positives. J'ai eu l'occasion de dire, hier, alors que nous célébrions les 70 ans de la sécurité sociale, qu'il n'y avait rien de plus impersonnel qu'une file d'attente, d'où la multiplication des incivilités, inexcusables certes, mais qui peuvent s'expliquer. On pourrait diminuer les délais de traitement des dossiers en développant les télédéclarations avec un accompagnement personnalisé. Certaines caisses doivent encore faire des efforts. Celle du Pas-de-Calais, monsieur Watrin, est en pointe. Le dispositif d'accueil sur rendez-vous est un vrai succès. L'an dernier, nous avons organisé 163 000 rendez-vous de droits en trois mois alors même que toutes les caisses ne participaient pas à l'opération. Les conditions de travail de nos agents sont un sujet qui nous préoccupe. Dans le cadre de l'instance nationale de concertation des caisses d'allocations familiales, nous avons engagé une expertise pour mesurer les répercussions de la modification des conditions de travail en termes de risques psychosociaux. Cette enquête a donné lieu à des recommandations que nous diffusons aussi largement que possible pour mieux gérer les évolutions du travail.
Enfin, si nous avons publié un rapport intermédiaire sur la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, c'est que les éléments d'appréciation très positifs nous dispensaient d'attendre le rapport définitif. Ce dispositif garantit une pension alimentaire minimale, tout en se chargeant d'assurer le recouvrement auprès du débiteur. Grâce à la mutualisation, nous n'y avons affecté que 100 postes sur les 200 qui nous étaient alloués. Nous avons développé notre collaboration avec la justice pour améliorer notre connaissance des pensions à verser.
Nous réfléchissons pour que les maisons d'assistantes maternelles aient un statut juridique - ce qui est souvent le cas en zone rurale. Ce ne sont pas des micro-crèches mais des assistantes maternelles, et cela répond à des besoins. Familles rurales est un des principaux acteurs des crèches en milieu rural. Le modèle de la crèche peut se développer sur des bassins de vie suffisamment importants. Les ménages sont très demandeurs d'accueils collectifs car ils contribuent à l'apprentissage précoce du langage et à la socialisation.
L'allocation de logement familial est reprise dans le budget de l'Etat, avec des transferts de financement au FSV ou au budget de l'Etat. Le Gouvernement s'est engagé à compenser à l'euro près.
M. Jean-Louis Deroussen. - Les nouveaux rythmes éducatifs coûtent 250 millions d'euros en année pleine, qui n'ont pas été entièrement dépensés : c'est une des raisons de la sous-exécution du Fonds national d'action sociale. La modulation des allocations familiales concerne 10 % des allocataires, soit 500 000 personnes.
Mme Françoise Gatel. - Un complément : 250 millions d'euros pour les nouveaux rythmes scolaires, c'est un effort significatif de l'Etat - mais normal en tant que dépense obligatoire. Indépendamment de la qualité des activités proposées par les communes, ce sont des dépenses supplémentaires qui pèsent sur votre budget.
Des associations comme Familles rurales pourraient aussi créer des crèches en milieu rural. Les crèches ont un coût par enfant très élevé pour les collectivités. Les maisons d'assistantes maternelles seraient des solutions moins coûteuses permettant de garder davantage d'enfants en garde collective.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - Les questions sont épuisées. Merci pour vos interventions.
M. Jean-Louis Deroussen. - Merci pour vos messages, que nous transmettrons à nos équipes ; elles y seront sensibles.
La réunion est levée à 18 heures 35.
Jeudi 8 octobre 2015
- Présidence de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général -Loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 - Audition de M. Christian Eckert, secrétaire d'État au budget
La réunion est ouverte à 9 h 05.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - Bienvenue, monsieur le ministre. Je vous prie d'excuser l'absence de M. Milon, retenu dans son département, ainsi que celle de M. Roche, rapporteur pour la branche vieillesse. La situation des comptes sociaux est plus satisfaisante, comme vous l'avez déclaré à la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS). Les déficits sont revenus à leur niveau d'avant la crise. Un bémol à ce satisfecit : la situation d'alors n'était pas brillante et cette amélioration résulte surtout d'un niveau record des prélèvements obligatoires affectés à la sphère sociale. Les défis sont encore nombreux. Le retour à l'équilibre des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) n'est pas encore en vue : nous aurons encore 2 milliards de déficit en 2019. Les retraites complémentaires, comme l'assurance-chômage, appellent de la part des partenaires sociaux des mesures urgentes et difficiles. J'ai eu la surprise de constater, le jour de la dernière réunion de la CCSS, que le retour à l'équilibre de la branche retraite faisait la une d'un grand quotidien du soir. Une telle nouvelle méritait certes les honneurs de la presse mais c'était oublier un peu vite les quelque 3,7 milliards d'euros du déficit du FSV ! Aussi ne serez-vous pas surpris que celui-ci fasse aujourd'hui l'objet de plusieurs questions.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Le PLFSS pour 2016 a été examiné hier en conseil des ministres. Il ne sera discuté au Sénat que dans quelques semaines. Secrétaire d'État chargé du budget, je ne pourrai sans doute pas répondre à toutes vos questions - mais je sais que vous auditionnerez prochainement Mme Touraine. Traditionnellement, je présente plutôt les recettes et celle-ci évoque les dépenses. Le ministre des finances est aussi en charge des « comptes publics », au sein desquels les dépenses sociales sont prépondérantes, puisqu'elles avoisinent 500 milliards d'euros, sans compter les dépenses qui sont hors du champ de la sécurité sociale. Il s'agit du premier poste des quelques 1 200 milliards d'euros de dépenses publiques. D'où l'importance d'une bonne coopération entre le ministre des finances et celui chargé des affaires sociales. Ma relation de travail avec Mme Touraine est étroite et confiante.
Loin de l'augmentation, voire de l'explosion des comptes sociaux évoquée par certains, la réduction du déficit se poursuit et plus rapidement que prévu. Cela témoigne de l'efficacité de notre démarche budgétaire. Nous la prolongerons en 2016, grâce à des efforts d'économie prévus par ce PLFSS, en particulier en matière de santé, sans renoncer à nos priorités et tout en accordant de nouveaux droits aux affiliés. Ce PLFSS poursuit la mise en oeuvre de notre politique économique, puisqu'il prévoit une baisse des prélèvements sociaux et de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), en application des engagements du pacte de responsabilité et de solidarité.
Il illustre notre crédibilité budgétaire, que vous avez bien voulu reconnaître, monsieur le président - quoiqu'avec quelques nuances - puisque nos comptes sociaux se redressent et que nous enregistrons des résultats. Je vous avais présenté en mars dernier l'exécution du budget en 2014 : nous avions constaté une amélioration très nette du solde budgétaire de la sécurité sociale, qui s'établit à 13,2 milliards d'euros, soit 2 milliards d'euros de moins que prévu. Depuis, la Cour des comptes, qui a certifié pour la deuxième année consécutive les comptes de chacune des branches du régime général, a confirmé ce résultat. Le solde des comptes de l'ensemble des administrations publiques pour 2014 a été récemment révisé à la baisse par l'Insee. Il s'établit désormais à 3,9 % du PIB. En 2015, nous devrions atteindre 3,8 %. Pour l'heure, aucun signal ne nous permet de mettre en doute cette prévision. Ce sera la première fois depuis longtemps que les recettes correspondent aux prévisions - peut-être à un milliard d'euros près.
Depuis le début de la législature, le déficit de la sécurité sociale recule chaque année. Il est passé de 21 milliards d'euros en 2011 à 12,8 milliards d'euros prévus en 2015. Cela nous ramène à la situation d'avant la crise - ce qui n'est pas, je vous l'accorde, la meilleure jauge ! L'an prochain, deux des quatre branches du régime général seront à l'équilibre : la branche « accidents du travail » et la branche « vieillesse » qui devient excédentaire. Le déficit de la branche « famille » ne sera plus que de 800 millions d'euros, et l'équilibre devrait être atteint en 2017, incontestablement grâce à nos réformes. Quant à la branche « vieillesse », des calculs d'apothicaires sont faits pour savoir si l'amélioration est due à la réforme récente ou à la précédente. C'est probablement le cumul des deux - même si elles ne sont pas de même nature - qui a été efficace.
Pour la première fois, le montant de la dette sociale va reculer : la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) va rembourser 13,6 milliards d'euros, alors que le déficit qu'elle prendra en charge sera de 12,8 milliards d'euros. Cette inversion de la tendance devrait persister l'an prochain, puisque le déficit devrait être encore moindre. L'horizon de remboursement intégral de la dette sociale, fixé à 2024, ne s'éloigne plus, au contraire. Nous allons donc transférer à la Cades 23,6 milliards d'euros de dettes de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), ce qui nous portera au plafond, fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, à 62 milliards d'euros. Nous profiterons ainsi des taux d'intérêt favorables et nous nous mettrons à l'abri d'une remontée des taux, puisque la Cades, contrairement à l'Acoss, emprunte à long terme.
En 2016, la contribution des administrations de sécurité sociale au plan d'économies de 50 milliards d'euros sera de 7,4 milliards d'euros et elle se fera sans suppression de droits ni augmentation des franchises. Le rythme d'évolution des dépenses sociales en 2016 sera le plus faible enregistré : 0,5 % après 0,8 % en 2015.
Certains doutent que nous puissions parler d'économies dès lors que les dépenses augmentent. Mais les Français sont de plus en plus nombreux, ils vivent de plus en plus longtemps et les soins sont de plus en plus coûteux. Chaque année, nous comptons 200 000 Français supplémentaires. Il faut bien des maternités, des soins au coût croissant pendant une durée de vie de plus en plus longue. Par exemple, l'hépatite C nous a coûté 650 millions d'euros l'an passé. Tant mieux puisque nous avons ainsi guéri plus de 10 000 personnes - qui, du coup, n'auront plus à être soignées. D'ailleurs, le Parlement a adopté une disposition limitant le coût de ce traitement, sans laquelle nous aurions dépensé 1 milliard d'euros. En l'absence de mesures, les dépenses d'assurance maladie augmenteraient chaque année d'environ 3,8 %. En prévoyant un objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) de 1,75 %, nous prétendons avec aplomb faire des économies. Ce n'est pas de l'esbroufe, c'est ainsi que les standards européens, qu'il s'agisse de Bruxelles ou des agences de notation, apprécient ce type d'évolution.
Pour contenir les dépenses, nous allons favoriser la prévention : gratuité du dépistage du cancer du sein et des examens complémentaires, programme de prévention de l'obésité chez les jeunes enfants, gratuité et confidentialité du parcours de contraception des mineures... Nous allons également modifier les parcours de prise en charge, par exemple en soutenant la modernisation de la filière visuelle pour raccourcir les délais d'attente en ophtalmologie. Nous favoriserons l'accès aux soins des salariés précaires en soutenant la souscription d'un contrat complémentaire santé et celui des retraités par une mesure diminuant le coût des contrats souscrits par les plus de 65 ans. Nous créons la protection universelle maladie, qui sera l'une des réformes sociales importantes de cette législature. Désormais, les assurés seront tous rattachés individuellement à la sécurité sociale, et ce à vie, pourvu qu'ils continuent à remplir les conditions de résidence, qui demeurent inchangées. Leur affiliation ne dépendra plus de leur statut professionnel ni de leur situation personnelle. De nombreuses personnes bénéficient de la sécurité sociale en tant qu'ayant-droit d'un autre assuré. Comme la couverture maladie universelle (CMU) couvre des personnes qui ne sont pas des ayants-droit, cette situation n'a plus guère de sens. L'ensemble des personnes en situation régulière qui résident en France depuis plus de six mois auront droit à leur carte Vitale, ce qui simplifiera beaucoup la vie de certains assurés.
Le PLF et le PLFSS prévoient, chacun pour ce qui le concerne, de nouvelles modalités de revalorisation des prestations sociales. Beaucoup de prestations étaient indexées sur l'inflation prévue. Une correction était effectuée une fois l'inflation exacte connue. Cette règle aurait dû conduire, le 1er avril dernier, à diminuer les prestations familiales de 0,7 % ! Nous allons harmoniser les dates de revalorisation, dont le nombre passera de cinq à deux : le 1er octobre pour les retraites et le 1er avril pour les autres. En cas d'inflation négative, les prestations ne pourront être diminuées. Cette année, le Gouvernement a décidé de ne pas appliquer la formule de revalorisation. Personne n'a protesté, mais il est curieux de voir un Gouvernement ne pas appliquer la loi... À long terme, cette réforme est neutre, puisque l'inflation constatée et l'inflation prévisionnelle ont vocation à converger. En période de faible inflation, il s'agit d'une source d'économies, partagées entre l'État et la sécurité sociale, d'un montant compris entre 400 et 600 millions d'euros pour 2016.
Ce PLFSS met en oeuvre les mesures du pacte de responsabilité en prévoyant une baisse de 1,8 point des cotisations sociales pour les salaires allant jusqu'à 3,5 fois le SMIC. Certes, cette mesure entrera en vigueur le 1er avril et non le 1er janvier. Certains ont hurlé à la trahison. Mais en 2015 des mesures ont été prises : suramortissement pour les entreprises - qui correspond en fait à une subvention d'un montant égal à 40 % de l'investissement -, mesures concernant l'apprentissage, mesures relatives aux seuils qui déclenchent le versement transport ou des modifications de la fiscalité, modification des charges sociales sur les attributions gratuites d'actions. Cumulées, elles représentent une dépense annuelle de 1,3 milliard d'euros en faveur des entreprises. Le pacte a prévu 9 milliards d'euros de réduction d'impôts et de cotisations. C'est pour respecter ce volume que nous avons décalé de trois mois l'entrée en vigueur de la baisse des cotisations sociales, qui est une mesure à un coup, quand les 1,3 milliard d'euros que j'ai évoqués constituent un coût renouvelé chaque année. D'autres décisions auraient pu être retenues, y compris par le Parlement.
La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui suscite de nombreux commentaires, est un impôt curieux, puisqu'il porte sur le chiffre d'affaires. Pour une entreprise en difficulté, qui ne fait pas de bénéfices mais dont le chiffre d'affaires augmente, ce n'est pas très pertinent... Aussi allons-nous poursuivre sa diminution : après un milliard d'euros en moins l'an dernier, nous souhaitons supprimer encore un milliard d'euros en augmentant jusqu'à 19 millions d'euros l'abattement sur le chiffre d'affaires que nous avions créé. Alors que 300 000 entreprises payaient la C3S, nous en avons dispensé 200 000 l'an dernier et en exemptons cette année 80 000. Seulement 20 000 entreprises continueront à y être assujetties. Il s'agit notamment des entreprises du secteur bancaire et financier. Les entreprises individuelles constituent 25 % des bénéficiaires de cette mesure, alors qu'elles ne comptent que pour 14 % de la valeur ajoutée.
Ce PLFSS tient compte des conséquences de l'arrêt de Ruyter. Nous devrons rembourser les sommes indûment prélevées pendant la période non prescrite, selon des modalités que je serai à même de vous préciser dans une dizaine de jours. En France, la CSG a toujours été classée parmi les impositions de toute nature : même si son produit est versé à la sécurité sociale, elle n'ouvre pas de droits comme une cotisation. Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel l'ont toujours confirmé. Mais la Cour de justice de l'Union européenne a considéré, au nom du principe d'unicité du régime d'assurance sociale, qu'on ne pouvait pas prélever la CSG sur les revenus du capital d'une personne affiliée à la sécurité sociale d'un autre Etat membre. Il ne s'agit pas seulement du cas des Français qui résident à l'étranger mais aussi, et surtout, de celui des travailleurs frontaliers : la règle, en Europe, est qu'on est affilié au régime de sécurité sociale du pays où l'on perçoit ses revenus salariaux. Pour ne pas être privé, à l'avenir, des quelques 300 millions d'euros de recettes dont il est question, nous les affecterons au FSV, qui n'est pas un régime contributif. Nous pensons ainsi nous mettre en conformité. Certains souhaiteraient que nous traitions aussi le cas des contribuables résidant aux États-Unis ou au Japon, mais l'arrêt de Ruyter ne concerne que les pays de l'espace économique européen - ce qui inclut la Suisse, le Liechtenstein et la Norvège.
Je m'abstiendrai de faire un historique du régime social des indépendants (RSI) car cela pourrait mettre mal à l'aise certain d'entre vous...
Mme Nicole Bricq. - Surtout sur certains bancs !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Nous poursuivons nos efforts de redressement et de mise aux normes du RSI. Sur le plan financier, la situation est loin d'être rétablie : rappelons que le RSI perçoit 11 milliards de cotisations et verse environ 17 milliards d'euros de prestations ! Si ses affiliés étaient au régime général, leurs cotisations seraient plus élevées. Pour l'heure le RSI fonctionne mal malgré des progrès certains, effectués sous notre pression - ou sous la vôtre. Nous avons développé la médiation, réinternalisé l'accueil téléphonique, imposé, depuis le mois d'avril, un calcul des cotisations sur l'année n-1 et non plus sur l'année n-2, harmonisé le délai de carence - mais il s'agit d'une mesure réglementaire -, travaillé sur le nombre de trimestres de retraite pour les faibles revenus et nous allons supprimer les cotisations minimales maladie pour les ressortissants du régime agricole et du RSI. Bref, nous avons pris en compte les préconisations du rapport de M. Verdier et Mme Bulteau ainsi que celles du rapport sénatorial de MM. Cardoux et Godefroy.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - Merci pour la précision de cette présentation.
Quelle proportion du produit global des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement représentent, d'une part, les prélèvements sur des résidents fiscaux non-affiliés au régime français de sécurité sociale et, d'autre part, les prélèvements sur des non-résidents non-affiliés au régime français de sécurité sociale ? Quel montant la France va-t-elle être amenée à rembourser ? Vous avez évoqué un chiffre de 300 millions d'euros ; lors de la CCSS, vous aviez parlé de 150 millions d'euros... Avez-vous, sur ce même sujet, obtenu des assurances sur le fait que l'affectation au FSV des recettes des prélèvements sociaux sur les revenus du capital suffise à satisfaire à l'arrêt de Ruyter ? Le règlement sur l'unicité de législation n'opère aucune distinction entre le contributif et le non-contributif et le FSV est intégré administrativement, sinon financièrement à la caisse nationale d'assurance vieillesse. N'était-il pas envisageable d'affecter ces produits, collectés par la direction générale des finances publiques, à l'État ?
L'article 17 du projet de loi transfère par anticipation à la Cades 13,6 milliards d'euros supplémentaires, soit 23,6 milliards d'euros en tout, saturant ainsi le plafond fixé par la loi de financement pour 2011. Ce transfert laisse entière la question de la dette sociale restant en trésorerie à l'Acoss, dont le montant atteindra environ 30 milliards d'euros. Le Gouvernement envisage-t-il un nouveau transfert ? Conservez-vous l'objectif d'une extinction de la dette en 2024 ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Oui, environ 30 milliards d'euros de dettes resteront à l'Acoss. À ceux qui s'en émeuvent, je rappelle qu'en 2010 ce montant était de 60 milliards d'euros. Certains régimes reviennent à l'équilibre, ou deviennent même légèrement excédentaires. Soyons réalistes : les excédents se chiffrent plutôt en centaines de millions d'euros qu'en dizaines de milliards... Pour l'heure, le Gouvernement n'a pas prévu de stratégie supplémentaire de réduction de cette dette.
Le coût de l'arrêt de Ruyter sera d'environ 300 millions d'euros. Le PLFSS en tient compte. Il s'agit d'une évaluation car il est difficile d'obtenir les chiffres précis. Pour les plus-values immobilières, les notaires disposent des informations utiles et pourront indiquer au Trésor les montants à rembourser. Les informations sur les revenus locatifs figurent sur les déclarations d'impôts : la direction générale des finances publiques en dispose, certes, mais comment peut-elle savoir à quel régime chaque contribuable est affilié ? Je ne puis, hélas, appuyer sur un bouton pour obtenir la liste de ceux qui doivent être remboursés ! Les sommes prélevées sur les revenus des capitaux mobiliers ont été perçues par les banques, qui, pas plus que la direction générale des finances publiques, ne peuvent savoir où leurs clients sont affiliés. Bref, nous devons attendre que les contribuables se manifestent.
Nous aurions pu décider d'affecter ces sommes à l'État, ce qui aurait à coup sûr évité tout risque de contentieux. Nous avons refusé car cela aurait été contraire aux principes qui ont présidé à la création de la CSG. Bien sûr, il y a des tuyaux entre le budget de l'État et celui la sécurité sociale. D'ailleurs, la réduction des cotisations est entièrement compensée par le budget de l'État. Évitons donc de dire que le déficit de l'État se réduit moins vite que celui de la sécurité sociale ! Il baissera d'un milliard d'euros l'an prochain mais en tenant compte des cinq milliards de dépenses de la sécurité sociale qu'il prend à sa charge. Transférer la CSG au budget de l'État, quitte à la reverser la sécurité sociale, aurait été un coup de canif à la vocation de la CSG, que la Cour de Luxembourg aurait aussi pu interpréter comme un contournement de ses décisions.
Tel est notre choix. Vous dire qu'il est d'une solidité juridique totale serait exagéré.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - L'intégration administrative du FSV à la Cnav débouchera-t-elle sur une intégration financière ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Non, il s'agit simplement du transfert d'une dizaine d'ETP.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - C'était une recommandation de la Cour des Comptes. L'intégration financière aurait posé problème vis-à-vis de cet arrêt.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Nous distinguerons bien, au sein du FSV, ce qui est contributif de ce qui ne l'est pas. Nous affecterons les recettes à la partie non contributive du FSV.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - La parole est à M. Cardoux qui préside la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss).
M. Jean-Noël Cardoux. - Vous avez évoqué le risque de dérive des taux à court terme qui pèse sur le stock de dette demeurant à l'Acoss. J'espère qu'il se réalisera le plus tard possible mais il existe. Aussi conviendrait-il de transférer au plus vite ces 30 milliards d'euros à la Cades.
En vitesse de croisière, la C3S rapportait chaque année environ 5 milliards d'euros, qui étaient affectés pour moitié au FSV et pour moitié au RSI. Pour le FSV, la compensation se fera sur les fonds de la sécurité sociale. Comment sera-t-elle faite pour le RSI qui souffre déjà d'un déficit de 6 milliards d'euros ? Le rapport que j'avais rédigé avec M. Godefroy a fait son chemin : ayant récemment représenté le président Larcher devant le Conseil économique, social et environnemental, qu'il avait saisi pour recueillir son avis sur le dysfonctionnement du RSI, j'ai constaté que le rapport établi par deux députés à la demande du Premier ministre est parvenu presque aux mêmes conclusions que nous. Il ne faut pas mélanger le poids des cotisations et la façon dont elles sont recouvrées par le RSI. Les professions indépendantes cotisent moins que les salariés, pour lesquels il faut aussi prendre en compte la part patronale. La baisse de la cotisation forfaitaire pour les nouveaux entrants me paraît une bonne décision. Le passage de l'année n-1 à l'année n-2 me convainc moins : par définition, les revenus des professions indépendantes sont très fluctuants.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 permet aux contributeurs de limiter les provisions appelées au montant qu'ils auront calculé en fonction de leurs revenus. Il en va de même, d'ailleurs, en matière fiscale. À l'inverse, en cas de gros résultat en fin d'exercice, les contributeurs ont la possibilité de calculer ses conséquences sur leur charge de RSI et de le déduire de leur résultat fiscal. Malgré nos efforts de sensibilisation de l'ordre des experts comptables à ces possibilités, elles restent peu exploitées alors qu'elles pourraient apaiser la situation. Cela dit, le fond du problème est l'obsolescence du logiciel informatique de l'Acoss et sa non-compatibilité avec les logiciels qui fonctionnaient avec les anciennes caisses. Tant que ce problème n'est pas abordé, on ne parle que de toilettage. Un gros effort s'impose.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Je souscris pleinement à ces propos de M. Cardoux.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Je n'ai pas de certitude sur le niveau futur des taux - sinon je serais riche ! Il y a trois mois, tout le monde affirmait que les problèmes de la Grèce allaient faire exploser les taux d'intérêt. Rien de tel ne s'est produit. La France emprunte à 0,9 %, et nous tablons, prudemment, sur des taux de 1,4 % en fin d'année et de 2,6 % fin 2016. Actuellement, les emprunts à court terme se font à taux négatif ! En tout cas, les taux auxquels l'Acoss a accès sont proches de ceux qui s'appliquent à la Cades. Il est vrai que la structure des emprunts est différente. Pour l'heure, nous n'avons pas prévu d'accélérer.
La compensation de la suppression de la C3S pour le RSI sera faite par des mouvements internes de sécurité sociale. Le RSI étant désormais adossé à la caisse nationale d'assurance maladie, il y aura pas de problème de trésorerie. Je me réjouis que les principales conclusions de votre rapport soient proches de celle du rapport de M. Verdier et Mme Bulteau et que presque toutes aient été appliquées. Le n-1 vaut mieux que le n-2. Vous avez raison, les assujettis n'utilisent pas suffisamment la possibilité d'ajuster leur versement provisionnel, non plus d'ailleurs que les contribuables : sur 30 % de personnes dont l'impôt sur le revenu diminue, seulement 2 % utilisent ce dispositif. Tant est vive la crainte de la pénalité ! Pourtant, en déclarant en ligne, on dispose immédiatement d'une simulation du montant de l'impôt. En 2014, 200 000 cotisants au RSI, soit 10 % du total, ont choisi de moduler leur cotisation : c'est un progrès substantiel. Nous avons supprimé la pénalité en cas d'erreur de calcul. La pédagogie envers les experts comptables donne des résultats mitigés.
M. Jean-Noël Cardoux. - Le président de l'Ordre avait pris le ferme engagement de communiquer sur ce dispositif. Une piqûre de rappel de votre part ou de la nôtre serait peut-être utile auprès de son successeur.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Comme vous l'avez rappelé, les indépendants s'acquittent à la fois de la part salariale et de la part employeur. Il faut y songer lorsqu'on établit des comparaisons avec les autres régimes. Nous pourrions travailler sur le mode de calcul car le pourcentage des cotisations est établi par rapport au résultat net, ce qui rompt le parallélisme des formes et donne l'impression d'un taux excessif. Le problème du logiciel est bien identifié. Vous avez raison de le mentionner : les députés ont aussi, par écrit, attiré notre attention sur ce point.
M. Jean-Marie Morisset. - Vous avez déclaré être davantage spécialiste des recettes que des dépenses. Mais un déficit résulte-t-il de recettes insuffisantes ou de dépenses excessives ? Malgré une amélioration très nette de la gestion des caisses et un recul des déficits, le Premier président de la Cour des comptes nous a annoncé que le retour à l'équilibre des comptes sociaux était repoussé à un horizon indéterminé. On entend dire que la branche vieillesse revient à l'équilibre, mais le FSV s'enfonce davantage chaque année : 3,7 milliards d'euros à présent. La Cour des comptes a recommandé de mettre fin au sous-financement structurel de ce fonds. Comment comptez-vous suivre cette préconisation récurrente ? Pour respecter un budget, une technique consiste à annuler des crédits en fin d'exercice. Confirmez-vous que le Gouvernement projette d'annuler 500 millions d'euros de crédits pour les hôpitaux ? Je n'ose le croire.
M. Jean-Pierre Caffet. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir confirmé que la tranche 2016 du pacte de responsabilité serait bien appliquée, même si la baisse des cotisations interviendra avec un décalage de trois mois - décalage compensé par un montant équivalent de mesures en faveur des entreprises. Je partage votre analyse sur la réduction des déficits : en quatre ans, de 2010 à 2014, les déficits de la sécurité sociale ont été divisés par deux, passant de 28 à 13 milliards d'euros. Pourtant, en 2012, 2013 et 2014, la croissance a été très faible. Les économies réalisées ont donc été efficaces. On peut les désapprouver, qu'il s'agisse de l'allongement de la durée de cotisation de retraite, de la modulation des prestations familiales en fonction des revenus ou des économies programmées sur l'assurance-maladie. Mais le taux de remboursement a augmenté au cours des dernières années et le reste à charge a diminué. Ainsi, ces économies n'ont pas été faites sur le dos des assurés. En 2015, il semble que la réduction du déficit marque le pas, puisqu'elle se limite à 400 millions d'euros. De plus, elle pèsera essentiellement sur l'assurance-maladie, dont le déficit se creusera d'un milliard d'euros en 2015 alors même que l'Ondam de 2,1 % semble devoir être respecté. Que s'est-il passé ?
M. Yves Daudigny. - Merci, monsieur le ministre, pour votre optimisme, raisonné naturellement, car le contexte n'est pas facile, vu la faible progression du PIB et de la masse salariale. Aussi prévoyez-vous la poursuite des efforts. Ce PLFSS s'inscrit dans la continuité des décisions du Gouvernement et de la loi de modernisation de notre système de santé autour de trois piliers : réduction des déficits, refus de mesures défavorables aux assurés sociaux et dispositions nouvelles, telles que la garantie de paiement des pensions alimentaires ou la protection universelle maladie, qui pourrait marquer le basculement d'un système « bismarckien » de protection sociale vers un système « beveridgien ». Quelle part de la TVA finance les budgets sociaux ? Si nous transférons plus de dettes à la Cades, il faudra lui affecter davantage de recettes ou modifier la loi organique pour allonger sa durée de vie au-delà de 2025. Le taux de la CRDS est fixé à 0,5 % et sa modification semble taboue. Peut-être s'avère-t-elle nécessaire, cependant. Le rapporteur général a cité un grand quotidien du soir, dont le titre lui semblait trop optimiste. Aujourd'hui, un grand quotidien du matin titre : « La sécu transfère son déficit aux hôpitaux pour tenir ses objectifs : le Gouvernement a supprimé 425 millions d'euros de crédits. » Qu'en dites-vous ?
M. Olivier Cadic. - L'an dernier, j'avais déposé un amendement relatif à la procédure en cours devant la Cour de Luxembourg, par lequel je demandais que, pour les contribuables concernés, la CSG et la CRDS soient suspendues en 2015. Je n'ai pas été suivi. Résultat : nous avons été condamnés en février dernier, par un arrêt confirmé par le Conseil d'État en juillet. Et en septembre, alors que tous les non-résidents s'attendaient à une procédure de remboursement, voilà qu'ils reçoivent un nouvel appel de fonds ! Vous prenez cela avec un certain flegme, alors que plus de 15 000 appels téléphoniques ont été passés au centre des impôts des non-résidents, qui a cessé de répondre depuis trois semaines : on tombe sur un message enregistré, d'ailleurs très clair. Vous annoncez des remboursements pour toutes les périodes non prescrites. Pouvez-vous être plus précis ? Quelles périodes sont prescrites ? L'État aurait alors prélevé de l'argent à tort et, même après condamnation, ne le rembourserait pas !
L'article 15 du PLFSS n'assure pas la conformité des prélèvements sociaux sur le capital avec le droit de l'Union européenne. Il contrevient directement à l'autorité de la chose jugée et contourne des décisions judiciaires, dont l'arrêt de la Cour de Luxembourg. Les prélèvements sociaux sont déjà en partie affectés au FSV et à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Vous donnez l'impression de faire de la cavalerie : votre démarche amènera inévitablement à une nouvelle condamnation de la France vers 2018 ou 2019. Ne prendre en compte que les Français affiliés à un régime de sécurité sociale de l'espace économique européen, c'est une rupture d'égalité devant l'impôt ! Quant à ceux qui résident aux États-Unis, en Australie ou au Canada, ils sont en situation de double imposition. Confirmez-vous que vous n'allez rien y faire ? Vous avez avoué que ce montage n'était pas d'une grande solidité juridique...
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Dire autre chose serait prétentieux !
M. Olivier Cadic. - En 2012, j'ai écrit à la ministre que nous serions condamnés. Elle m'a répondu que ce ne serait pas le cas. C'est grave ! Vous annoncez des précisions sous huit jours sur les modalités de remboursement. Mais ce n'est pas d'hier que nous avons appris le risque de condamnation ! Quelle note donneriez-vous, sur dix, à votre administration, qui est incapable de vous dire comment nous allons rembourser ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Lorsqu'un contentieux est engagé, il n'est pas d'usage de reconnaître avant l'arrêt que l'on a tort : ce serait fragiliser notre position. Plusieurs autres condamnations ont frappé la France, qui portent sur des sommes dix à quinze fois supérieures à ce dont nous parlons : précompte mobilier, contentieux sur l'agriculture, OPCVM étrangères... Il s'agissait non de 300 millions mais de cinq à six milliards d'euros. Et les ministres n'étaient pas informés ! Nous n'avons donc pas de leçons à recevoir en matière de contentieux. D'ailleurs, quand celui-ci a-t-il commencé ?
M. Olivier Cadic. - En 2008.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Et même avant, au début des années 2000. Ce n'est donc pas la disposition prise en 2012 qui a été sanctionnée. La procédure a pris beaucoup de temps et M. de Ruyter est décédé depuis... Non, nous ne ferons pas droit aux demandes faites par les affiliés de régimes sociaux n'appartenant pas à l'espace économique européen, car nous n'avons aucun fondement juridique pour le faire. Vos propos sont contradictoires : vous considérez la CSG à la fois comme un impôt et comme une cotisation sociale.
M. Olivier Cadic. - Comment ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Vous avez parlé d'égalité devant l'impôt. En effet, les revenus du capital perçus en France, d'origine française, doivent être assujettis à la CSG, que nous considérons, avec le Conseil constitutionnel, comme un impôt. Je n'ai pas de certitude : sur les prévisions de croissance, de taux, sur le résultat d'un procès, j'essaie de ne pas être prétentieux. J'ai vu tant d'avocats qui promettaient la victoire... Vous prétendez avoir annoncé l'issue du procès. Si vous aviez eu tort, vous en seriez-vous vanté ?
Je n'ai pas à noter mon administration, je prétends plutôt la piloter. J'ai tendance à la soutenir, même s'il m'arrive de la mettre sous pression. En cette affaire, elle rencontre des difficultés que je vous ai expliquées. Prenez, par exemple, un couple marié, où lui travaille au Luxembourg et elle en France, et qui perçoit un loyer sur un immeuble possédé en commun. Que faire ? Vous voudriez qu'en une semaine nous traitions ces sujets ? Les années non prescrites sont les années 2013, 2014 et 2015. Nous sommes en train de réfléchir à une mesure législative qui intégrerait aussi l'année 2012. En tout état de cause, les réclamations faites interrompent le délai de prescription. Nous nous efforçons de gérer cette situation au mieux et en toute transparence.
Les transferts de TVA à la sécurité sociale s'élèvent à 8 ou 9 milliards d'euros, montant relativement stable. Par ailleurs, la sécurité sociale transfère à l'État environ 4,5 milliards d'euros d'allocations logement, pour compenser les exonérations de cotisations. Sur le transfert de la dette de l'Acoss à la Cades, je n'ai pas encore de position arrêtée. En tout cas, nous n'avons pas aggravé la dette de l'Acoss.
Le FSV est très sensible à la situation du chômage. Vu le nombre de créations d'emplois industriels, la situation devrait s'améliorer.
Les mises en réserve sur les dépenses hospitalières, d'un montant de 500 millions d'euros, ne font l'objet d'aucune mesure particulière. Les 425 millions d'euros évoqués par les médias sont une partie de l'effort supplémentaire prévu dans le cadre du programme de stabilité transmis en août 2015. Nous avons abaissé l'Ondam de 182,3 à 181,9 milliards d'euros et nous rectifierons ces montants dans le PLFSS. Cet effort correspond largement à la pérennisation de la sous-exécution de 300 millions d'euros constatée en 2014.
La réduction du déficit en 2015 a peut-être été un peu faible, mais les résultats de 2014 ont été meilleurs que prévu, ce qui génère un effet de base pour l'année suivante. Et je répète que c'est la cinquième année consécutive que l'Ondam est respecté. Que ceux qui expliquent qu'il faut réduire les dépenses publiques de 100 milliards d'euros m'expliquent où ils trouvent les économies !
Mme Aline Archimbaud. - Merci pour vos explications. Existe-t-il un moyen de calculer les économies générées par les mesures de prévention, ou par celles qui facilitent l'accès à la santé ? Le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique a constaté qu'après un an, les familles ayant accès à la CMU-C sont moins malades, ce qui réduit les dépenses de santé. Lutter contre le non-recours aux soins, aussi, générerait des recettes : un rapport de l'Igas, que nous a présenté M. Chérèque en mai dernier, a montré que des sommes prévues pour l'aide sociale ne sont pas utilisées. Bien sûr, les budgets sont conçus de manière annuelle...
M. Gilbert Barbier. - Je vous félicite, monsieur le ministre, pour l'habileté sémantique avec laquelle vous avez présenté ce PLFSS. Il s'agit, je suppose, du langage de Bruxelles. Je ne crois pas que les Français le parlent. Ils voient plutôt, pour citer un hebdomadaire satirique, une baisse de la hausse...
Mme Nicole Bricq. - C'est déjà pas mal !
M. Gilbert Barbier. - Il y a sur les comptes de l'Acoss quelque 25 milliards d'euros qui ne correspondent pas à ses besoins courants. M. Daudigny a évoqué plusieurs pistes : augmenter le taux de la CRDS, allonger la durée de vie de la Cades ou imaginer d'autres solutions fiscales. Qu'en pensez-vous ? Vous êtes optimiste mais, pour les retraites, il y aura un passage difficile dans cinq à sept ans. Quelles sont les perspectives ? La prise en charge des maladies lourdes aggrave-t-elle le déficit ? On est passé du taux K au taux L, puis au taux W... N'est-ce pas trop complexe ? Les dépenses consacrées à certaines pathologies, comme le cancer, vont exploser. Mieux vaudrait que les prévisions soient faites par le spécialiste des recettes...
M. Dominique Watrin. - Merci pour vos réponses claires, monsieur le ministre. Vous avez reconnu qu'en 2016 l'État verserait 5 milliards d'euros à la sécurité sociale pour compenser les exonérations de cotisations sociales des entreprises, notamment au titre de la branche famille. Nous arrivons à presque 30 milliards d'euros d'exonérations, ce n'est pas rien ! Encore ce chiffre ne tient-il pas compte du crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice)... Ces exonérations devraient être modulées en fonction des politiques d'emploi, de salaires et de formation des entreprises. La Cour des comptes, qui n'est pas d'extrême gauche, commence à s'interroger sur l'efficacité de cette politique sur l'emploi et sur son coût. Elle souligne le manque d'outils fiables pour mesurer les effets des exonérations de cotisations sociales sur les emplois à bas salaires, et pointe l'apparition d'une trappe à bas salaires. Quelles conséquences en tirez-vous ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Comment mesurer l'effet de la prévention ? Question délicate ! Les budgets sont annuels. Je ne sais comment vous répondre, étant concentré sur les recettes plutôt que sur les dépenses. Un de mes interlocuteurs m'a récemment confirmé que cet été la chaleur avait causé une légère surmortalité : en fait, la date du décès des personnes les plus fragiles est un peu avancée par la canicule. Certains vont jusqu'à en analyser les conséquences sur les dépenses de retraites. Voilà à quelles réflexions affreuses peut mener l'exigence de tout chiffrer. Dans le même esprit cynique, on pourrait dire qu'une meilleure prévention accroît l'espérance de vie, ce qui coûte plus cher en termes de retraites !
Baisse de la hausse, peut-être, mais où souhaitez-vous faire des économies ? Quelles dépenses supprimez-vous ? Les Français comprennent bien que, s'ils sont de plus en plus nombreux, qu'ils vivent de plus en plus longtemps et que les soins coûtent de plus en plus cher, les dépenses d'assurance-maladie ont vocation à augmenter. Contenir cette hausse est, en soi, un bon résultat.
Vous évoquez à nouveau l'Acoss. Certains gouvernements avaient prélevé une somme importante dans le fonds de réserve des retraites et allongé la durée de remboursement de la dette...
M. Gilbert Barbier. - Regardons vers l'avenir !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Le passé éclaire l'avenir. Nous verrons s'il faut puiser dans le fonds de réserve des retraites. Il n'est pas actuellement dans notre intention de le faire, ni d'augmenter la CRDS ou de changer les paramètres d'affectation des recettes. La réduction des déficits devrait produire ses effets.
Mesurer l'efficacité des exonérations de cotisations sociales n'est pas simple. Nous vous avons envoyé un très bon rapport sur le sujet en juillet. Ce PLFSS comporte aussi une réforme des exonérations de cotisations outre-mer. Je vois d'ici le débat : celles-ci sont parfois devenues moins favorables que le droit commun ! Nous allons donc les retravailler.
Mme Nicole Bricq. - Difficile !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Certaines exonérations vont jusqu'à des salaires de 6 500 euros ! Pour éviter des trappes à bas salaires, nous avons toujours veillé à ce que nos dispositifs aient des sorties en sifflet, plutôt qu'en marches d'escalier. Globalement, les taux de marge des entreprises se reconstituent et dans certains secteurs, l'activité repart. Nous ne comprenons pas toutes les évolutions des recettes. Par exemple, au premier trimestre, la masse salariale a crû de 0,9 %, sans que la croissance soit extraordinaire : du jamais vu ! Cette hausse continue au deuxième trimestre. Bref, il y a de l'espoir...
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - Merci pour la précision et la franchise de vos réponses.
La réunion est levée à 11 heures.