Mardi 28 octobre 2014
- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président -Simplification de la vie des entreprises - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis sur le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Mme Marie-Noëlle Lienemann s'étonnait de ce que les amendements n'aient pas été portés à la connaissance des membres de la commission avant cette réunion. C'est que nous ne sommes pas saisis de ce texte au fond ; la commission des lois nous en a uniquement délégué les articles 7, 9, 10, 11 bis A, 20, 28, 29, 31 bis et 34 bis. Nous nous sommes saisis pour avis des articles 7 bis, 7 ter, 27 et 34.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - Soumis à la procédure accélérée, le projet de loi portant simplification de la vie des entreprises a été déposé à l'Assemblée nationale le 25 juin dernier et adopté par les députés en première lecture le 22 juillet. Il compte désormais 48 articles.
Contrairement à l'Assemblée nationale, le Sénat a choisi de renvoyer le projet à la commission des lois qui, suivant l'usage pour les textes de simplification, a délégué aux autres commissions permanentes la responsabilité des articles relevant de leur compétence.
Nul ne doute de la nécessité de simplifier la vie des entreprises. Mes travaux ont été animés du souci d'être constructive et de soutenir, voire d'amplifier ou d'accélérer, les mesures répondant aux besoins des entreprises et de notre économie. Mes amendements en attesteront. Je suis néanmoins déçue par le manque d'ambition de ce texte, sa pauvreté, même, malgré son titre séduisant, comme par le choix du gouvernement de légiférer par ordonnances. Si les articles que j'ai examinés contiennent des mesures utiles, aucune n'est véritablement de nature à simplifier la vie de nos entreprises. On ne trouve pas ici de proposition forte, ni de stratégie, mais des micro-mesures dont l'impact sur les entreprises sera malheureusement microscopique.
Une grande partie d'entre elles ne justifie pas le recours à des ordonnances. L'article 7, relatif aux procédures d'autorisation d'urbanisme et aux documents de planification urbanistique, propose ainsi quatre pistes de simplification qui ne réduisent que marginalement la complexité du droit de l'urbanisme : instauration de modalités de participation du public alternatives à l'enquête publique pour l'autorisation de certains projets de construction ou d'aménagement ; extension des possibilités de dérogation aux règles du PLU lorsqu'elles font obstacle à la densification du bâti dans certains cas bien identifiés, en particulier quand les règles de retrait par rapport aux limites séparatives restreignent inconsidérément l'occupation du terrain disponible ; limitation du nombre de places de stationnement imposées par les PLU pour certaines catégories de logement comme les résidences universitaires et les centres d'hébergement des personnes âgées ; recours, enfin, à la procédure de modification simplifiée du PLU afin de favoriser la densification du bâti dans les zones d'entrée de ville ou à dominante commerciale.
Quoique bien orientées, ces mesures demeurent extrêmement circonscrites. Ces sujets ont d'ailleurs déjà été abordés dans plusieurs textes du gouvernement depuis un an, comme la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, l'ordonnance du 3 octobre 2013 relative au développement de la construction de logement, ou encore de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové dite loi ALUR. Alors qu'il y a urgence à relancer la construction de logements, le gouvernement remet son ouvrage sur le métier tous les six mois en moyenne et fait se succéder des textes partiels qui nuisent à la visibilité d'ensemble des réformes et désorientent les acteurs de l'urbanisme et du logement.
Enfin, trois des quatre habilitations demandées ne se justifient pas, les dispositions visées pouvant être introduites directement. Je vous proposerai des amendements en ce sens. Quant à la quatrième demande, il conviendra de la réécrire de manière beaucoup plus précise.
L'article 7 ter habilite le gouvernement à prendre par ordonnances des mesures modifiant certaines dispositions de la loi ALUR relatives au logement. Renforçant l'information des acquéreurs d'un bien en copropriété, ce texte avait prévu que leur soient remis un certain nombre de documents, comme le règlement de copropriété, le montant des charges ou les procès-verbaux des assemblées générales. Ces nouvelles dispositions ayant retardé la conclusion de ventes, la première ordonnance a pour objet de fluidifier les transactions en précisant le champ d'application et les modalités de l'information donnée à l'acquéreur - sans que l'on sache vraiment ce que cela recouvre. La loi ALUR disposait en outre que les promesses de vente mentionneraient la surface habitable en plus de la superficie de la partie privative (surface loi Carrez). Cette mesure de protection des propriétaires bailleurs risque de leur porter préjudice : en cas d'erreur dans la mesure de la surface habitable, le locataire pourrait se retourner contre le propriétaire, mais ce dernier ne le pourrait contre l'expert. Harmoniser ces mentions de superficie, comme le souhaite le gouvernement, peut se faire immédiatement en modifiant le droit en vigueur.
L'article 10 était destiné à simplifier le dispositif des certificats d'économie d'énergie. Ce mécanisme, institué par la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique dite loi POPE a, dans l'ensemble, bien fonctionné, puisque les objectifs chiffrés d'économie d'énergie ont été largement dépassés. La simplification envisagée par le gouvernement consistait à faciliter la vie de près de deux mille petits distributeurs de fioul domestique en transférant aux grossistes, soit à une cinquantaine d'entreprises, leur obligation de fournir les certificats d'économie d'énergie. Loin d'approuver cette simplification, les représentants des fioulistes indépendants ont indiqué aux députés qu'en les écartant de la fourniture des certificats, on mettait en péril les PME qui, en contact direct avec leurs clients, sont bien placées pour leur proposer des solutions d'économie d'énergie. L'Assemblée nationale a ainsi réintégré à la liste des obligés un groupement professionnel qui accomplira les formalités. Cette nouvelle rédaction a elle-même suscité de sévères critiques de la part des six fédérations professionnelles représentant les grossistes et les distributeurs, qui demandent, en vertu d'arguments opposés, le retour au texte initial.
Le doute subsiste, tant sur l'impact économique de la mesure proposée par le gouvernement que sur son caractère consensuel. Le texte transmis par l'Assemblée nationale soulève en outre des difficultés d'articulation avec l'article 8 du projet de loi relatif à la transition énergétique. À force de traiter les sujets connexes dans des projets de loi différents, on en vient à modifier les textes tous les mois, parfois même avant leur publication au J.O. Je vous proposerai la suppression de l'article 10 afin que le parlement puisse le réexaminer dans le volet ad hoc du projet de loi sur la transition énergétique.
L'article 11 bis A rétablit dans le code de l'énergie le mécanisme de soutien financier destiné à préserver la viabilité financière de certaines installations de cogénération, introduit par la loi du 16 juillet 2013, mais abrogé en juillet dernier par le Conseil constitutionnel saisi par voie de question prioritaire de constitutionnalité. Le texte proposé apporte les correctifs juridiques requis pour garantir sa conformité au principe d'égalité.
L'article 20 autorise les caisses de mutualité sociale agricole à communiquer directement aux services fiscaux les informations nécessaires au remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIC), de manière à faire l'économie des 200 000 attestations que doivent demander les agriculteurs avant de les transmettre aux services fiscaux.
L'article 28 habilite le gouvernement à créer, pour les écoles d'enseignement supérieur des chambres de commerce et d'industrie, un statut garantissant l'autonomie de leur gouvernance et facilitant la signature d'accords avec d'autres écoles ou universités, y compris étrangères. Si la nécessité, voire l'urgence de cette mesure sont unanimement reconnues, il n'est pas certain qu'il convienne de procéder par ordonnance. Quand cette question a été abordée lors de l'examen de deux projets de loi précédents, toutes les parties prenantes (gouvernement, CCI, dirigeants d'écoles consulaires, personnels) s'étaient exprimées. Les dispositions que devrait contenir la future ordonnance ont enfin fait l'objet de travaux approfondis et leur rédaction semble quasiment finalisée. C'est pourquoi je vous propose d'introduire directement la réforme dans le projet.
L'article 29 prévoit de fusionner par ordonnance deux établissements publics industriels et commerciaux : UBIFrance, qui soutient les exportateurs, et l'Agence française des investissements internationaux (AFFI) qui s'efforce d'attirer les investisseurs étrangers. Si cette mesure va dans le bon sens, elle demeure insuffisante : nos discussions en commission, de multiples rapports et surtout les témoignages des entreprises conduisent à exiger une action plus lisible et plus cohérente non seulement de ces deux intervenants, mais d'une multitude d'autres.
L'article 31 bis, enfin, introduit à l'Assemblée nationale par le gouvernement, habilite celui-ci à prendre diverses mesures de simplification dans le secteur du tourisme. Je vous propose de le réécrire substantiellement : si, comme l'ont montré les Assises du tourisme ainsi que les rapports d'information de nos collègues André Ferrand et Michel Bécot en 2011, puis Luc Carvounas, Louis Nègre et Jean-Jacques Lasserre en 2013, le cadre normatif de ce secteur doit être simplifié, l'habilitation ouverte par cet article sur huit points rencontre plusieurs limites. Certains volets auraient leur place dans d'autres véhicules législatifs plus adaptés ; d'autres, de nature règlementaire, ne nécessitent pas d'habilitation ; d'autres encore, sans rapport avec la simplification de la vie des entreprises, doivent être écartés de ce texte. Je vous propose de ne retenir de cet article d'habilitation que les points qui ont ici leur place, ainsi que de réduire de neuf à six mois le délai prévu à l'article 36 pour prendre ces ordonnances.
Contrairement à ce que proclame son intitulé, cette loi, même si elle comporte des dispositions ponctuelles utiles, ne facilitera pas considérablement la vie des entreprises. C'est sans enthousiasme que je vous propose d'adopter les articles qui nous sont soumis au fond, sous réserve que les demandes d'habilitation injustifiées qu'ils contiennent soient remplacées par des modifications directes du droit, afin que soit accélérée leur entrée en vigueur et que soit respectée la compétence législative du parlement.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je remercie Élisabeth Lamure d'avoir en une dizaine de jours rédigé ce rapport dont je partage la conclusion : nombre de ces dispositions n'appellent pas une adoption par ordonnance, mais un vote du parlement. Ce sera pour nous une façon de rétablir son autorité, tout en accélérant la mise en application de mesures attendues.
M. Yannick Vaugrenard. - On parle de simplification administrative depuis longtemps, tout en sachant qu'elle dépend parfois des comportements : les greffes de tribunaux de commerce, par exemple, n'ont pas les mêmes exigences que d'autres. L'administration pourrait à elle seule, selon des études sérieuses, réaliser quinze milliards d'économies et alléger de 25 % la charge administrative des entreprises.
Observons également nos voisins européens : les Belges, en particulier, ont inventé le concept du « dites-le nous une fois ». On demande trop souvent la même chose aux différentes administrations, ce qui complique beaucoup la tâche des entreprises, surtout des plus petites. Les Français, eux, ont mis en oeuvre le « test Kafka », afin de n'avoir plus à répéter cinq, six, dix fois la même chose. Nos entreprises et nos concitoyens pâtissent également de l'instabilité du droit, et les maires nous font part des difficultés qu'elle leur cause. Il était bien nécessaire d'envisager, comme le fait ce texte, un allègement des obligations comptables des petites et très petites entreprises.
Si la commission des lois en est saisie au fond, d'autres le sont pour avis : la nôtre, mais aussi la commission des finances, dont les membres, eux, ont bien eu connaissance des amendements avant leur réunion. Cela n'étant pas notre cas, nous nous orientons plutôt vers l'abstention sur les amendements que vous nous proposerez, en attendant de pouvoir en avoir, d'ici le débat en séance, une connaissance plus approfondie.
Vous avez insisté, madame la Rapporteure, sur la pauvreté du texte, tout en reconnaissant que certaines dispositions partielles étaient utiles. Face aux difficultés que rencontre notre pays, en particulier ses petites et moyennes entreprises, ne pourrions-nous pas éviter, au moins sur certains sujets, des oppositions politiques systématiques ? Le premier discours du président Gérard Larcher ne nous y incitait-il pas ? Nous souhaitons de votre part, madame, une démarche constructive et efficace, pour le plus grand bien de nos entreprises qui attendent ces simplifications. Légiférer par ordonnance, c'est, dites-vous, aller trop vite en besogne, mais vous reconnaissez vous-même l'urgence de ces réformes. Si nous préférons évidemment, en tant que parlementaires, éviter la pratique des ordonnances, elle est parfois indispensable.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Votre remarque fait suite à celle de Marie-Noëlle Lienemann. La commission des finances était-elle saisie par délégation ? Dans un passé récent, il nous est souvent arrivé de prendre connaissance des amendements du rapporteur lorsqu'ils nous étaient distribués en réunion. Nous sommes tous d'accord pour travailler dans de bonnes conditions et disposer des documents en temps et en heure. Par ailleurs, je considère que modifier le droit en vigueur directement par un projet de loi est plus rapide que passer par une ordonnance, laquelle se justifie seulement lorsqu'il s'agit de l'adoption de mesures lourdes nécessitant des débats techniques complexes.
M. Jean-Pierre Bosino. - Nous avons beaucoup à faire sur la simplification, comme sur la vie des salariés et de nos citoyens. L'atomisation de ce texte entre différentes commissions empêchant d'en prendre une vue globale, le groupe CRC s'oriente plutôt vers un avis négatif, d'autant que la procédure des ordonnances constitue une négation du travail du parlement.
M. Daniel Dubois. - Le groupe UDI adhère globalement à l'analyse de la rapporteure pour avis : au regard de la situation des entreprises, l'apport du texte est très modeste même s'il contient certaines avancées. Quant aux amendements, il nous serait difficile de les voter aujourd'hui, puisque nous n'en avions pas connaissance. Nous nous exprimerons lors du débat en séance.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - Ces amendements étant ceux du rapporteur, il n'y a rien d'extraordinaire à ce qu'ils soient seulement diffusés en commission. Je m'efforcerai néanmoins de vous convaincre de les adopter. Je maintiens, Yannick Vaugrenard, que ce texte manque d'ambition : il ne contient que des mesures partielles.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 9 supprime les trois premières des quatre ordonnances prévues par cet article, au profit d'une modification du code de l'urbanisme par les amendements n°s 2, 3 et 4.
L'amendement n° 9 est adopté.
Articles additionnels après l'article 7
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 2 est identique à celui déposé par M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Il allège la procédure de consultation du public préalable à l'autorisation de certains projets de construction et d'aménagement susceptibles d'avoir une incidence environnementale : ceux qui ne requièrent une étude d'impact que sur décision de l'autorité administrative après examen au cas par cas. À la procédure lourde d'une enquête publique, on préférera la consultation simplifiée prévue à l'article L. 123-2 du code de l'environnement. Je déplore toutefois que l'on aborde ainsi la question des enquêtes publiques par le petit bout de la lorgnette, au lieu de poser la question d'ensemble.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je soutiens fortement cet amendement et les deux suivants qui favorisent l'engagement de procédures simplifiées et la réduction des délais. Je pense notamment aux travaux nécessaires à l'extension des sites des entreprises. Les projets demeureront consultables par le public.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 3 réduit les exigences d'aires de stationnement pour les résidences universitaires et les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes.
L'amendement n° 3 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - Étendant les possibilités offertes aux communes de déroger aux règles du PLU dans des cas très précis afin de favoriser certains projets de construction de logements, l'amendement n° 4 autorise des dérogations aux règles de retrait par rapport aux limites séparatives sous réserve que le projet s'intègre au milieu urbain environnant et ne crée pas de gêne anormale pour les constructions ou les propriétés voisines.
M. Franck Montaugé. - Que recouvre au juste la notion de gêne anormale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - Il appartiendra à l'autorité administrative chargée de délivrer l'autorisation de la définir, sous le contrôle du juge administratif.
L'amendement n° 4 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - Le gouvernement demande à prendre quatre ordonnances modifiant la loi Alur. La première faciliterait les modalités d'information de l'acquéreur d'un bien sous le régime de la copropriété en autorisant une remise des documents par voie dématérialisée et en restreignant le champ de l'information. L'amendement n° 15 précise ce second point : le gouvernement ne pourra procéder à cette restriction que pour l'acquisition de lots secondaires. La seconde ordonnance diffèrerait l'entrée en vigueur de l'obligation de remettre à l'acquéreur le règlement de copropriété, ce qui ne paraît pas opportun. L'amendement n° 15 supprime cette habilitation, ainsi que celle de qui porte sur des mesures réglementaires.
L'amendement ° 15 est adopté.
Article additionnel après l'article 7 ter
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - Il suffit de modifier directement le droit en vigueur pour harmoniser les mentions de surfaces dans les promesses de vente, d'où l'amendement n° 17.
L'amendement n° 17 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - Il subsiste un doute sur l'impact économique de l'article 10, dont le dispositif juridique n'est pas satisfaisant. C'est pourquoi l'amendement n° 12 le supprime.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Cette proposition est extrêmement sage, compte tenu des conflits dont nous avons écho dans nos départements. Nous aborderons à nouveau ce sujet lors de l'examen de la loi sur la transition énergétique.
L'amendement n° 12 est adopté.
Article 11 bis A
L'amendement rédactionnel n° 13 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 5 supprime l'habilitation à légiférer prévue par cet article et la remplace par des modifications directes du droit relatif au statut des écoles des chambres de commerce et d'industrie.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Cet amendement, évidemment assez consistant, fait suite à des travaux qui, depuis plus d'un an, réunissent le gouvernement, les CCI, les personnels et les dirigeants de ces écoles. Nous sommes en présence d'un texte bien élaboré, qui fait largement consensus.
L'amendement n° 5 est adopté.
Articles additionnels après l'article 28
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 6 donne aux CCI territoriales qui le souhaitent la possibilité de s'unir dans la chambre de région dans le cadre des schémas directeurs régionaux consulaires.
M. Marc Daunis. - Quelle marge de liberté les chambres restantes conserveront-elles ? Cette question n'est pas sans rapport avec le débat sur l'organisation régionale.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - Il est laissé toute liberté aux chambres de fusionner ou non.
L`amendement n° 6 insérant un article additionnel est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 7 autorise les chambres territoriales qui fusionnent au sein d'une chambre de région à continuer à exister comme chambres locales dépourvues de la personnalité, à l'exemple de celles d'Ile-de-France. Les membres de ces chambres seront élus dans les mêmes conditions que les membres des chambres territoriales ou de région.
L`amendement n° 7 insérant un article additionnel est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 11 simplifie l'action des opérateurs aidant les entreprises exportatrices ainsi que celles qui souhaitent s'implanter en France. Il va au-delà du projet en habilitant le gouvernement à créer un groupement d'intérêt économique (GIE), structure plus ouverte et plus souple que celle de l'établissement public qui résulterait de la seule fusion d'UbiFrance et de l'AFFI.
M. Gérard César. - Ayant eu l'honneur de représenter jusqu'à présent le Sénat au conseil d'administration d'UbiFrance, j'approuve cette mesure simplificatrice. Il est regrettable d'aller à l'exportation en ordre dispersé.
M. Alain Chatillon. - Passera-t-on toujours par la Sopexa ? Qui fait quoi et comment garantira-t-on les crédits, alors que la Coface n'intervient plus dans la plupart des pays à risques, aussi minimes soient-ils ? C'est un problème que nos concurrents, notamment allemands, ne connaissent pas. Quels documents seront-ils nécessaires pour obtenir ces garanties ?
M. Ladislas Poniatowski. - L'amendement n'est-il pas contreproductif ? La fusion des deux établissements, qui est une bonne proposition, serait retardée par l'adoption de l'amendement. Ne pourrait-on y procéder immédiatement, quitte à créer le GIE ensuite ?
M. Jean-Jacques Lasserre. - Le GIE constituerait, si je comprends bien, une étape intermédiaire pour mieux utiliser les moyens généraux des structures originelles ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - La mesure proposée par le projet est presque une régularisation : ces deux établissements travaillent déjà dans les mêmes locaux et ont la même comptabilité, comme s'ils avaient déjà fusionné. Loin de retarder, l'ouverture d'un GIE autorisera l'entrée de tous les acteurs qui le souhaitent, dont la Sopexa ou la Coface. Ce sera un établissement dynamique et ouvert.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Un GIE peut en effet rassembler des établissements de structures juridiques très différentes.
M. Marc Daunis. - L'argument de Ladislas Poniatowski est juste : nous avons bien constaté l'ambiguïté des interventions des deux opérateurs, en dépit de leur rapprochement. La situation n'est pas claire.
L'amendement n° 11 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 14 précise le champ de l'habilitation législative prévue à cet article relatif au secteur du tourisme.
L'amendement n° 14 est adopté.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 10 réduit de neuf à quatre mois le délai imparti au gouvernement pour la rédaction et la publication des ordonnances prévues à l'article 31 bis.
M. Alain Chatillon. - Notre commission pourrait-elle disposer de renseignements supplémentaires sur la manière dont les entreprises sont accompagnées en Allemagne ou au Japon ?
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous devons avoir plus fréquemment recours à l'expertise de la division de législation comparée de la Direction de l'initiative parlementaire et des délégations, surtout sur l'Allemagne.
Désignation d'un rapporteur
La commission désigne un rapporteur sur le projet de loi n° 16 (2014-2015) relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Notre commission est saisie au fond du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, adopté le 14 octobre dernier par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement a souhaité mettre en oeuvre la procédure accélérée pour ce texte important, qui sera examiné en séance publique début 2015. La ministre qui l'a préparé a plaidé pour un examen rapide, arguant de l'impact économique de ce texte en faveur du bâtiment dont on connait la situation difficile. Pour autant, nous devons prendre le temps de l'étudier de près. Le Premier ministre a adressé une lettre au Président du Sénat dans laquelle il exprime le désir que ce texte soit inscrit à l'ordre du jour début 2015. Son examen viendrait après celui du texte sur les départements et les régions, c'est-à-dire la semaine du 10 février, ce qui nous laisse le temps de procéder aux auditions nécessaires. Je vous propose de désigner Ladislas Poniatowski comme rapporteur.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Plusieurs dispositions, dans ce texte, concernent la commission du développement durable. En application de l'accord mentionné en Conférence des Présidents la semaine dernière, et en accord avec cette commission, nous lui déléguerons au fond 83 articles sur 175. Il s'agit du titre III relatif aux transports et à la qualité de l'air, du titre IV portant sur l'économie circulaire, de deux articles du titre V concernant l'impact environnemental de certaines installations d'énergies renouvelables, de quatre articles du titre VI sur l'information des citoyens - en particulier sur les commissions locales d'information (CLI) - et la gestion des déchets radioactifs, du chapitre 1er du titre VII, qui porte sur la simplification des procédures, et de dix articles du titre VIII sur la transition énergétique et environnementale dans les territoires. De plus, la commission du développement durable se saisira pour avis de 22 des 92 articles que nous examinerons au fond.
D'après ce véritable peignage du texte, nous reviennent les dispositions relatives à l'énergie et à la transition énergétique, qui constituent le coeur du projet. Il s'agit du titre I définissant les objectifs communs pour réussir la transition énergétique et renforcer l'indépendance énergétique de la France, du titre II portant sur la rénovation des bâtiments, du titre V relatif aux énergies renouvelables, des articles du titre VI qui concernent la sûreté nucléaire - c'est notre commission qui valide la nomination du président de l'Autorité de sûreté nucléaire -, du titre VII sur la régulation des réseaux et d'une large partie des articles du titre VIII.
Avant d'examiner le rapport et d'adopter notre texte fin janvier, nous procéderons à une série d'auditions, dont certaines avec la commission du développement durable. Le rapporteur en tiendra aussi, qui seront ouvertes à l'ensemble des membres de la commission. Celles-ci seront très nombreuses, car beaucoup de personnes physiques ou morales sont directement intéressées par ce texte. Enfin, je souhaite vous indiquer que la création d'une commission spéciale avait été évoquée, pour associer à son examen des sénateurs d'autres commissions. L'exemple de l'Assemblée nationale nous a convaincus d'adopter une autre méthode, notamment parce que trop d'entre vous auraient été exclus des débats.
La réunion est levée à 16 heures.
Mercredi 29 octobre 2014
- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président -Loi de finances pour 2015 - Audition de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international
La commission entend M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangère et du développement international, sur la politique de son ministère dans la perspective de l'examen du projet de loi de finances pour 2015.
La réunion est ouverte à 16 h 15.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - En tant qu'élu de Basse-Normandie, je suis heureux d'accueillir ici un élu de Haute-Normandie. Nous avons toujours eu d'excellentes relations de voisins et les autres régions ne vont pas tarder à s'en rendre compte ! Vous êtes, Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, le premier ministre que notre commission reçoit depuis le renouvellement sénatorial. Nous souhaitons vous entendre sur la diplomatie économique. Grâce à votre position de numéro deux au sein du Gouvernement, vous pesez sur la définition des politiques transversales indispensables pour renforcer le commerce extérieur, l'attractivité économique de la France et le tourisme. Quelles sont les priorités que vous défendez ?
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. - Si j'ai souhaité élargir le périmètre du ministère des Affaires étrangères au commerce extérieur et au tourisme, c'est que dans le monde ouvert qui est le nôtre, une politique étrangère efficace est indissociable d'un rayonnement économique fort. Avec l'accord du Président de la République et du Premier ministre, j'ai transformé le ministère des affaires étrangères en ministère de l'action extérieure de l'État. Les préfets dirigent l'action de l'État sur le territoire national ; à l'étranger, la même tâche revient aux ambassadeurs. Qu'il s'agisse d'économie, de commerce ou d'éducation, la diplomatie est une seule et même chose. Une diplomatie qui exclurait l'économique se bornerait à être une « diplomatie Ferrero » - je n'ai rien contre cette marque de chocolat dont une usine se trouve au Grand-Quevilly... On parle beaucoup du déficit des finances publiques. Pour avoir exercé la fonction, je sais que lorsqu'un Premier ministre décide de dépenser 98 plutôt que 100, sa décision produit ses effets, même désagréables. Agir sur le commerce extérieur est plus difficile. En 2000, j'étais ministre de l'économie et des finances. À mon retour au Gouvernement en 2012, la compétitivité des entreprises avait chuté de manière considérable. C'est aujourd'hui le principal problème de la France, il explique la politique générale mise en place par le Gouvernement - crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), pacte de responsabilité... Une action spécifique est nécessaire pour soutenir notre commerce extérieur. Trop peu d'entreprises moyennes exportent. Le ratio par rapport à l'Allemagne est de 1 pour 4. Il est vrai que nous n'avons pas misé sur les bons pays. La prolifération des organismes -Ubifrance et l'Agence française pour les investissements internationaux (Afii), par exemple - nuit aussi à l'efficacité d'une action de l'Etat. Certes, l'administration ne remplacera pas les entreprises, mais elle peut les aider. Beaucoup d'ambassadeurs font déjà de la diplomatie économique. Je souhaite que cela devienne leur priorité.
Le tourisme est une mine d'or extraordinaire pour la France. Nous devons l'exploiter davantage. Les économistes diraient que notre pays dispose d'un avantage comparatif en matière de tourisme, car c'est le plus beau pays du monde. Dans le classement des destinations qui font rêver, la France est au premier rang - sur 193 pays. Mais certains de nos concurrents sont très bons, comme l'Italie et l'Espagne, qui nous talonnent. Et nous avons aussi des points faibles et des défauts, la qualité de l'accueil, par exemple. Le Premier ministre m'a confié le secteur du tourisme. On compte 1 milliard de touristes à travers le monde chaque année. Dans 15 ans, ils seront 2 milliards. Nous devons nous organiser pour y faire face. Tel était par exemple le but des Assises du tourisme qui ont montré l'enthousiasme des professionnels du secteur. Matthias Fekl travaille avec eux et le constate en permanence. L'évolution de la nomenclature budgétaire suit les nouveaux rattachements de compétences. Atout France est ainsi désormais intégré dans mon budget.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Merci, monsieur le ministre, pour cet exposé concis. Je participais ce matin au comité stratégique parlementaire à l'invitation de Matthias Fekl. On y a beaucoup parlé des traités transatlantiques entre l'Europe, les États-Unis et le Canada. Même chose au Salon international de l'agro-alimentaire (Sial), à Villepinte, la semaine dernière. Qu'en est-il de la ratification attendue par les parlements nationaux en Europe et au Canada ? Les provinces canadiennes auront-elles à délibérer et à prendre position sur le contenu du traité ? L'accord conclu entre le Canada et l'Union européenne n'est pas encore formalisé. Des points restent à discuter, des entraves demeurent, concernant en particulier l'accès aux marchés publics ou la circulation des cadres des entreprises européennes qui se rendent au Canada. Dans le cas des États-Unis, le problème vient de l'empilement des barrières administratives et sanitaires qui bloquent nos exportations de viande et de produits dérivés du lait, fromages au lait cru notamment. Un amendement a été adopté qui donne à Ubifrance le statut d'agence française pour le développement international. Vous avez mis en place un Conseil de promotion du tourisme, qui s'est réuni pour la première fois en septembre. En quoi se distingue-t-il d'Atout France et de Destination France ? Qu'en attendez-vous ?
M. Laurent Fabius, ministre. - Le traité transatlantique devra faire l'objet d'une double ratification par le parlement européen et par les parlements nationaux. Un voyage est prévu au Canada, en fin de semaine, où j'accompagne le président de la République. Ce sera l'occasion de faire le point sur ce traité. L'ISDS (investor-state dispute settlement) continue de poser problème. Le circuit de contestation passe-t-il par les Etats ou les entreprises peuvent-elles attaquer les États ? Je crois que cet accord avec le Canada est bon pour nous. L'erreur a été de considérer que l'ISDS devait faire jurisprudence pour l'accord avec les États-Unis, car la législation commerciale du Canada n'est pas celle des États-Unis, les volumes d'échanges non plus. Deux questions doivent être résolues pour rendre possible un accord avec les États-Unis, celle des nombreuses barrières non tarifaires et celle des marchés publics. Je ne suis ni pour ni contre un traité avec les Américains : tout dépendra de son contenu. En France, 85 % des marchés publics sont ouverts, contre 25 % aux États-Unis. Il faudra, bien sûr, protéger nos appellations. Sur ce point comme sur l'ISDS, nous attendrons des propositions claires avant de décider quoi que ce soit.
Ubifrance et l'Afii doivent fusionner au 1er janvier prochain, avant de s'ouvrir à la Sopexa dans un second temps. Il faut procéder par étapes pour les regrouper, mais nous ne pouvions pas conserver trois structures. La formule la plus souple est la meilleure. Les Assises du tourisme ont été un rendez-vous satisfaisant pour les professionnels du tourisme. Si bien que nous avons prévu d'en organiser chaque année pour faire le point sur les difficultés, les avancées. Nous commencerons dès la fin de l'année prochaine. Le Conseil de promotion du tourisme rassemble aussi bien des sénateurs - M. Luc Carvounas y siège - que des professionnels du tourisme, comme M. Bazin, patron d'Accor, des restaurateurs, des responsables syndicaux, etc. Il est animé par Philippe Faure. Cinq ou six sujets sont passés en revue, tels que gastronomie et oenologie, la formation, le rôle de l'Internet, destinations et marques, hôtellerie et tourisme d'affaires, ou bien encore l'accueil. Un rapport de synthèse sera publié en début d'année prochaine.
Si l'on veut développer le tourisme, il faut délivrer plus de visas. La situation s'est beaucoup améliorée : en Chine, par exemple, 56 % de visas supplémentaires par rapport à l'an dernier. D'ici quinze à vingt ans, il y aura 500 millions de touristes chinois. Pour l'instant, nous en accueillons 1,5 million, sachant qu'un Chinois dépense 1 600 euros en moyenne lors de son séjour en France. Nous avons besoin de recruter des agents pour traiter les demandes de visas : cela est délicat quand la tendance est à la réduction de l'emploi public. J'ai obtenu ce matin du Secrétaire d'État au budget, Christian Eckert, la mise en place d'une procédure spéciale pour garantir un certain nombre d'emplois dont une partie bénéficiera à Atout France. C'est une agence peu dotée, si on la compare à ses homologues espagnole ou italienne.
Nous avons lancé une opération « Goût de France » ou « Good France » : le 19 mars prochain, dans le monde entier, 1 500 restaurants serviront de la cuisine française. Tous nos ambassadeurs en poste convieront ce jour-là à dîner les notables locaux. L'opération est parrainée par Alain Ducasse. Au même moment se déroulera un repas à Versailles : les ambassadeurs du monde entier en poste à Paris seront invités à déguster notre cuisine. La gastronomie est un ambassadeur extraordinaire pour la France. Talleyrand, dans une note conservée au Quai d'Orsay, suppliait son ministre de lui envoyer « moins d'instructions et plus de casseroles ».
Mme Élisabeth Lamure, rapporteure pour avis des crédits du commerce extérieur. - Les entreprises françaises confrontées à la concurrence chinoise nous indiquent souvent que le pouvoir d'influence du gouvernement chinois est une arme redoutable sur les marchés mondiaux. Comptez-vous exercer le même genre d'influence, en soutenant les sociétés françaises qui exportent ?
M. Laurent Fabius, ministre. - Bien sûr !
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis. - Comment doivent-elles s'y prendre pour demander votre aide ?
L'examen budgétaire prévoit d'attribuer 109 millions d'euros à l'Afii et à Ubifrance. Ces agences sont placées sous la gouvernance d'Emmanuel Macron, ministre de l'économie. S'agit-il d'une anomalie ou l'intendance n'a-t-elle pas suivi ? Au-delà de la fusion de ces deux agences, pour qu'un guichet unique des acteurs du commerce extérieur existe, il faudrait également regrouper la Coface, Sopexa et les chambres de commerce. Quel regard portez-vous sur ce projet de regroupement ?
De 1980 à 2000, nous avons parié sur l'Asie-Pacifique comme zone d'avenir. Le XXIème siècle sera africain, nous dit-on à présent. Les Chinois sont déjà très présents sur ce continent. Quelle stratégie envisagez-vous en Afrique ? Un pays comme l'Algérie, qui a besoin d'infrastructures et qui dispose de moyens financiers, pourrait-il servir de base aux entreprises françaises ? Enfin, certaines petites entreprises reçoivent des aides pour exporter à l'étranger. Leurs produits ont du succès, mais elles n'ont pas les financements suffisants pour élargir la fabrication ou la diffusion. Comment pérenniser le soutien dont elles disposent ?
M. Laurent Fabius, ministre. - Mon travail, je n'ai pas honte de le dire, s'apparente beaucoup à celui d'un VRP. Quand je vais en Algérie - un voyage est prévu la semaine prochaine - j'emmène avec moi des entrepreneurs, comme le patron d'Airbus Helicopter. Je parlerai commerce avec M. Bouteflika ou son premier ministre. C'est ainsi que tout le monde fait ! Cela ne suffit pas bien sûr, encore faut-il que les produits soient de qualité et compétitifs en prix. Mais cela surprendrait si nous ne soutenions pas nos entreprises. Le travail de nos ambassadeurs est également de vendre des hélicoptères, des trains ou des produits pharmaceutiques. C'est inscrit dans leur lettre de mission.
En revanche, lorsque deux grandes entreprises françaises sont en concurrence, pour un marché en Chine par exemple, aucune ne le remporte, car le gouvernement chinois pense que le gouvernement français n'en soutient aucune.
Nous avons beaucoup fait cette année en Chine, pour le cinquantième anniversaire de nos relations diplomatiques. Notre déficit commercial avec ce pays s'élève à 27 milliards d'euros -hors Hong-Kong, avec qui nous avons un excédent de 4 milliards d'euros - mais les Chinois nous ont attribué la conception de l'aéroport et du musée national de Pékin.
Le rattachement des organismes aux ministères, au lendemain des changements de périmètres, n'est pas encore totalement cartésien. Les dotations d'Atout France figurent déjà le budget de mon ministère. L'année prochaine, tout sera rattaché au budget du ministère des affaires étrangères. C'est une question d'intendance sans intérêt.
Il faudra faire converger les structures. Je sais qu'il y a encore certaines réticences à travailler ensemble chez Ubifrance, les CCI, et les autres. Vous le voyez bien dans vos régions et vos départements. Mais l'objectif doit être le guichet unique. À Shanghai, un bon exemple de cette coopération est donné par le French tech hub - dénomination un peu prétentieuse au demeurant. Les CCI participent à cette maison de la France. Créée à l'initiative de la région Rhône-Alpes, elle traite désormais d'oenologie, de culture, d'affaires économiques.... L'objectif est de faire en sorte que chaque entreprise sache à qui s'adresser. À nous de faire fonctionner le back-office. Les circuits ont été simplifiés, mais il reste des marges de progression.
Nous nous sommes tournés vers l'Asie et le Pacifique, dites-vous. Très insuffisamment ! Le ministère des affaires étrangères a sa part de responsabilité. Jusqu'à une date récente, nous n'avions pas plus d'agents en Chine qu'en Belgique hors Bruxelles... Il y a un rééquilibrage à faire. Notre spécialisation géographique et sectorielle, comme disent les spécialistes, n'est pas idéale. Nous devons être présents à la fois en Asie-Pacifique et en Afrique ; nous n'avons pas à choisir l'un ou l'autre. Les Chinois eux-mêmes sont très présents en Afrique. Il faut aller chercher la croissance là où elle se trouve. Nous nous y employons : regardez ce qui se fait dans un certain nombre de secteurs ; nous avons défini six familles de produits, et défendons notre production partout.
Il faut simultanément favoriser l'investissement étranger en France. Lorsque je dis à mes interlocuteurs que la France est la meilleure plateforme pour s'implanter ensuite en Afrique ou au Moyen-Orient, l'argument fait mouche. La Chine est active en Afrique, mais ce n'est pas son milieu naturel. Nous avons des liens privilégiés avec l'Afrique francophone, mais aussi avec l'Afrique anglophone, arabophone et lusophone. J'étais lundi au Nigéria : ce pays comptera à la fin du siècle, selon l'ONU, 950 millions d'habitants, ce qui en fera le troisième pays au monde derrière l'Inde et la Chine. Aujourd'hui c'est Boko Haram qui attire notre attention, mais le Nigéria est aussi un immense producteur de pétrole. Nous devons y être présents.
S'agissant du soutien à l'exportation, nous avons des progrès à faire. Les financements sont là, mais les mécanismes sont trop compliqués. Les chefs d'entreprise s'y perdent. Participer à un salon ou une foire ne suffit pas, il faut une présence durable sur place, pour tisser un réseau. Nos entrepreneurs ont peut-être aussi une part de responsabilité, lorsqu'ils estiment à tort le défi trop difficile à relever. C'est pourtant là qu'ils trouveront des marges. Les Allemands, les Italiens savent le faire mieux que nous. Les grands groupes se débrouilleront toujours ; pas les PME. C'est pourquoi Emmanuel Macron et moi-même travaillons à l'amélioration du crédit export.
M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur pour avis des crédits du tourisme. - Avec MM. Louis Nègre et Luc Carvounas, nous avons produit il y a six mois un rapport sur ces enjeux. J'ai présidé le groupe d'études du tourisme et des loisirs du Sénat. Vos initiatives nous intéressent vivement. Laissez-moi vous présenter les grandes lignes de notre réflexion.
Les atouts de la France sont reconnus, mais prenons garde à ne pas nous reposer sur nos lauriers. Nous ne battrons jamais nos concurrents sur leurs points forts : nous n'aurons jamais le soleil espagnol ni les prix de Saint-Domingue. Le destin touristique d'un pays est fondé sur ses avantages concurrentiels. Nous en avons beaucoup, et ils correspondent au goût des nouvelles clientèles touristiques : la culture culinaire par exemple. Voilà ce qu'il faut cibler. L'obsolescence des installations est un objet de préoccupation, surtout compte tenu des capacités actuelles d'investissement. Elle touche différemment les secteurs. L'hôtellerie est bien sûr particulièrement concernée. Nous suscitons un fort intérêt de la part des pays émergents. Je le vois dans le pays basque, qui attire la nouvelle clientèle russe. Prêtons attention à leurs attentes. Pour entretenir l'intérêt de ces nouvelles clientèles, il faut des moyens. Or le budget d'Atout France est de moitié inférieur au budget touristique de la Catalogne...
La nouvelle économie numérique est un autre souci, car elle déséquilibre certains métiers. Le site de réservation Booking est en passe de rendre captive une énorme clientèle, grâce à une grande sophistication technique. Soyons attentifs à ces pratiques.
Nous approuvons totalement l'idée de promouvoir des destinations phares, à condition d'imaginer comment tirer parti de leur rayonnement pour développer le tourisme dans leurs territoires alentour. Le tourisme est un facteur d'aménagement rural. Articulons par conséquent cette politique à la réforme territoriale, car les choses sont liées. Du reste, il faudra redéfinir le rôle, les compétences et les responsabilités des différents acteurs du secteur. Celui-ci est truffé d'organisations qui commencent à dater un peu, comme les comités régionaux et départementaux du tourisme, et les compétences font parfois doublon avec celles des structures nationales.
En matière de tourisme, les choses bougent très vite et rien n'est définitivement acquis. Soyons fiers d'être la première destination mondiale en nombre de visiteurs, et tâchons de pérenniser cette situation.
M. Laurent Fabius, ministre. - Je suis à 150 % d'accord avec votre analyse. Bien que nouveau dans ce domaine, je sens les choses comme vous. Nous avons des atouts, mais nous ne sommes pas les seuls. L'Espagne attire 25 % de touristes en moins, mais engrange 20 % de revenus de plus...
Je dirais que notre avantage comparatif réside dans la diversité de ce que nous avons à offrir. Si tous les touristes se concentraient à Paris pour voir la Joconde, la malheureuse n'y résisterait pas, et nous nous priverions de toutes les beautés que compte le reste de la France. Récemment, je me suis rendu à Marseille pour la première fois depuis un long moment : c'est un lieu sublime ! Je parcours 40 000 kilomètre par mois, et je peux vous assurer que peu de sites dans le monde sont aussi beaux. Marseille - pour ne prendre que cet exemple, mais je pourrais en trouver dans tous les départements que vous représentez - devrait accueillir bien plus de touristes qu'elle ne le fait actuellement. Jouons la carte de la diversité.
La diversité, cela s'organise. L'accueil est décisif, surtout dans les gares et les aéroports. C'est le premier et le dernier contact avec le pays visité. Lorsqu'aucun panneau ne souhaite aux visiteurs la bienvenue dans leur langue, que les couloirs d'aéroport qu'ils empruntent sont tristes, qu'il leur faut patienter interminablement aux douanes, que l'autoroute est embouteillée et les rues d'une saleté repoussante, alors il faut s'émerveiller que 83 millions de touristes internationaux nous rendent visite ! On nous dit les meilleurs au monde : nous ne le sommes pas. Faisons en sorte que la bonne image de la France à l'étranger devienne réalité.
Les clientèles ont changé, c'est vrai. J'ai échangé récemment avec Jack Ma, fondateur d'Alibaba, site chinois de e-commerce qui reçoit chaque jour 100 millions de connexions. Il vient d'être introduit à la bourse de New York, faisant de son président l'homme le plus riche de Chine. Il a lancé il y a deux semaines à peine Alitrip, nouveau site de e-tourisme, signe que les Chinois ne se déplacent plus en groupe, et sont désormais demandeurs de prestations individualisées. Nous devrons être capables de répondre à leurs attentes.
L'obsolescence des équipements est un vrai problème. Nous regardons les choses avec la Caisse des dépôts et consignations pour y remédier. Certaines stations de ski, en particulier, construites dans les années soixante-dix, ont vieilli. Il faut se mettre au niveau de ce que les clients attendent.
Le budget d'Atout France n'est pas négligeable. Certes, dans la situation où sont les finances publiques, on ne fait pas de miracles. Nous essaierons de l'aider.
Nous avons tous désormais le réflexe de naviguer sur les sites de Booking ou d'Expedia pour réserver un hôtel. Auparavant, ces sites prélevaient 5 % de commission ; désormais celle-ci atteint plutôt 20 % ou 25 %, parfois jusqu'à 50 %. Il faudrait qu'un gros industriel français se lance sur ce marché, sans trop amputer les ressources des professionnels du secteur. Cela demande des fonds. Accor a son propre système ; la SNCF a essayé, sans succès. Je vois dans le rachat de Lafourchette par Tripadvisor une forme de confiscation de valeur ; nous devons réagir.
Oui, il convient de mettre l'accent sur les destinations phares. Des placards publicitaires défraîchis vantant, à New York, des localités françaises dont nous-mêmes n'avons jamais entendu parler, cela ne peut pas marcher. Churchill disait pendant la guerre : « nous ne nous battons pas seulement pour la France, nous nous battons également pour le champagne ! » ; il faut faire de nos destinations des marques reconnues. Nous avons besoin de vaisseaux amiraux - pas de bulldozers. La diplomatie est essentielle. Nous avons fait le choix de confier le « chef de filât » du tourisme à la région, mais elle travaillera en liaison avec les comités locaux. Nous avons déjà reçu un certain nombre de propositions de contrats de destination. Atout France fera le choix ; une première liste sera publiée le 4 novembre.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Vous me rassurez sur ce dernier point : le Perche, région spécifique - Alain ne disait-il pas « je suis Percheron, c'est à dire autre que Normand » ? - n'avait pas de nouvelle de son contrat de destination.
M. Gérard César. - J'ai l'honneur de représenter le Sénat au conseil d'administration d'Ubifrance. Vous n'avez pas abordé la question des volontaires internationaux en entreprise (VIE). Ces VIE, 6 000 ou 7 000 selon les années, sont les porte-drapeaux de nos exportations et soutiennent l'action des PME. Je fais mienne votre définition des ambassadeurs : ce sont les chefs de l'action économique de la France à l'étranger.
Une précision sur le rôle des régions dans l'aide à l'exportation. En réalité, tout le monde participe : les régions, les départements, les chambres de commerce... Compte tenu de la baisse des moyens des CCI, comment feront celles-ci pour remplir leur mission ? Donner le leadership à Ubifrance est un geste important. Les Italiens, les Espagnols, les Allemands, sont bien mieux organisés, nous le voyons à la disposition des stands dans les salons à l'étranger : les leurs forment des ensembles soudés, les nôtres sont dispersés.
M. Laurent Fabius, ministre. - Les VIE sont essentiels. Ce sont des jeunes dynamiques, qui souvent s'installent dans le pays où ils ont commencé à travailler. Ils rencontrent parfois des problèmes, néanmoins, lorsque le pays d'accueil voit en eux des concurrents de ses ressortissants sur le marché de l'emploi.
Il faut en effet réorienter le travail des missions économiques et des ambassades. Internet fournit des analyses macroéconomiques aussi pertinentes ; nous avons moins besoin de telles études que d'un appui aux entreprises à l'étranger et à l'investissement étranger en France.
Il faudra regrouper nos forces autour des chefs de file que seront les régions. Ce n'est peut-être pas dans la tradition française, mais c'est la seule façon pour nous de devenir plus efficaces, avec les moyens que nous avons. Les efforts des régions sont divers : certaines font beaucoup, d'autres moins. Par-dessus tout, évitons les doublons et les chevauchements de compétences.
M. Daniel Dubois. - Vous avez dit qu'un touriste chinois dépensait en moyenne 1 600 euros en France, et souligné le gisement énorme que constituait le nombre de touristes chinois. Êtes-vous favorable à l'ouverture des magasins le dimanche, du moins s'agissant des zones touristiques ? Où en est ce dossier ?
M. Laurent Fabius, ministre. - Concernant les touristes chinois, nous avons pris des mesures pratiques. Depuis le 29 janvier 2013, les visas sont délivrés en 48 heures. Mon homologue allemand a reconnu que nous leur avions ainsi damé le pion... Résultat : leur nombre a progressé de 56 %. Il faudra faire pareil avec les touristes indiens.
S'agissant de l'ouverture de commerces le dimanche, nous parlons bien sûr des zones touristiques. Il y a quelques années, on se disait que le pouvoir d'achat n'était pas extensible et que l'ouverture des magasins le dimanche se traduirait seulement par un déplacement de la consommation d'un jour à l'autre. La situation a changé. Les touristes qui trouvent les magasins fermés le dimanche ne reviennent pas le lundi. Du reste, les tours opérateurs prévoient que le dimanche se passe en Angleterre, pour le shopping. On observe aussi que les achats sur Internet connaissent un pic le dimanche. Ce sont des évolutions dont on doit tenir compte. L'essentiel est que le travail le dimanche soit strictement encadré, qu'il repose sur le volontariat des salariés et s'accompagne de primes. Le patron des Galeries Lafayette se dit prêt à recruter immédiatement 600 personnes et à payer double les volontaires ! La loi sur l'activité économique et la croissance que prépare Emmanuel Macron comprendra des dispositions sur cette question. Le travail le dimanche ou le soir devra faire l'objet d'une compensation et respecter la règle du volontariat. Les petits commerçants qui étaient déjà ouverts dans ces zones seront exonérés de l'obligation de compensation qui pourrait déséquilibrer leurs résultats. A ce stade des arbitrages, seules les entreprises de plus de 11 salariés seraient concernées par l'obligation.
Cette possibilité doit être également donnée aux commerces situés dans les grandes gares, qui ne bénéficient pas du régime applicable dans les aéroports. Cela peut représenter quelques milliers d'emplois. Dans le même ordre d'idées, je me bats pour améliorer l'accueil des voyageurs dans la gare du Nord, qui en accueille 700 000 par jour et nous relie à Londres par l'Eurostar. La comparaison entre la gare Saint-Pancras et la gare du Nord n'est pas à notre avantage... Sur ce sujet, j'ai besoin de votre aide ! Encourageons le patron de la SNCF et la maire de Paris à faire bouger les choses.
M. Roland Courteau. - En 2013, notre déficit commercial sera moins élevé qu'en 2012 et moins encore qu'en 2011. Certains de nos fleurons, comme l'aéronautique, l'industrie pharmaceutique, la viticulture, se portent bien à l'étranger. Mais ce n'est pas le cas de notre tissu de PME : 15 000 exportateurs ont disparu depuis 2000, soit 1 300 par an... Que fait-on contre cela ?
Parmi les touristes étrangers, 45 % feraient le choix de la France pour sa gastronomie et ses vins. Or l'oenotourisme est sous-exploité, de même que les 39 biens français inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco. Les gares et les aéroports doivent jouer davantage le rôle de points d'accueil et d'orientation des visiteurs.
M. Laurent Fabius, ministre. - Je vous rejoins sur la gastronomie. Il faut également des capacités d'accueil. Un gros travail reste à faire. Florence Cathiard, propriétaire des Sources de Caudalie, a été élue présidente du Conseil supérieur de l'oenotourisme. Il y a là une perspective extraordinaire : allons-y !
M. Yves Rome. - Je vous félicite pour les orientations fortes que vous avez données. J'ai bien noté les améliorations attendues de la fusion Afii-Ubifrance. Comment attirer davantage d'investissements étrangers en France ? Qu'attendez-vous de la mobilisation importante réalisée autour de la Conférence sur le climat de 2015 - ou Cop 21 - qui se tiendra à Paris ?
M. Franck Montaugé. - Je partage pleinement vos orientations. Nombre d'entreprises situées dans les territoires ruraux veulent développer des partenariats à l'étranger. Dans le Gers, l'union de coopératives viticoles Plaimont, qui regroupe plus de mille viticulteurs, est en joint-venture avec une grande entreprise chinoise. Comment envisagez-vous l'implication de la région dans ce domaine ? Les prochains projets de contrats de plan État-région intègreront-ils des dispositifs d'intervention et de soutien spécifiques ? Plus globalement, quelles dispositions seraient susceptibles d'accroître l'activité dans les zones rurales - et pas seulement dans les métropoles - et d'y attirer des investissements directs étrangers, de sorte que le tourisme bénéficie à l'ensemble du territoire ? Quelles sont vos pistes de réflexions : dispositifs fiscaux, accompagnement spécifique, zones franches de coopération internationale...?
M. Gérard Bailly. - La position française et européenne dans la crise ukrainienne a mis un certain nombre de nos productions agricoles dans une situation très inquiétante. Si l'embargo perdure, ce sera une catastrophe. Les conséquences de ces décisions, dans une conjoncture économique difficile, ont-elles été seulement mesurées ? Interbev, Coop de France s'inquiètent également du traité en cours de négociation avec les États-Unis. Faisons très attention à ne pas déstabiliser nos secteurs de production, d'autant que tout le monde prédit une grande crise en 2015.
Nous partageons vos orientations en matière de tourisme. Mais n'oubliez pas, au cours de vos réunions interministérielles, que le tourisme rural ne peut se développer si les services et les équipements disparaissent de ces territoires : je pense aux médecins, aux pharmaciens, sans parler du haut débit.
Nous avons la chance de disposer d'un beau pavillon en bois pour l'exposition universelle qui se tiendra à Milan en 2015. Dans l'attente de cet événement, ne faudrait-il pas miser beaucoup sur notre gastronomie ?
M. Joël Labbé. - Quelqu'un a dit que le XXIème siècle serait spirituel ou ne serait pas. C'est profondément juste. Mais le XXIème siècle sera surtout africain, compte tenu de l'âge moyen du continent ; à la condition toutefois que nous aidions les Africains à relever les défis du développement, de la santé et de l'éducation. Les percevoir comme des cibles commerciales serait dramatique.
Le plaisir culinaire est un atout extraordinaire de notre pays, c'est vrai. Mais attention aux dérives. Nous avons tenté de les prévenir par la mention du « fait maison » pour la restauration, mais le décret d'application a été très décevant. Nous reviendrons à la charge pour promouvoir, dans la restauration, la véritable cuisine faite maison, à partir de produits bruts, frais, et si possibles locaux, toutes caractéristiques créatrices d'emplois de proximité.
M. Laurent Fabius, ministre. - S'agissant du label « fait maison », nous allons laisser reposer les choses, pour les reprendre l'année prochaine. Nous avons dû naviguer entre de trop nombreux intérêts contradictoires. Il faudra en effet revenir à l'idée initiale : promouvoir ce qui est véritablement fait maison.
L'exposition universelle est une formidable occasion. Son thème est en effet « nourrir la planète, énergie pour la vie » : j'ai bien l'intention d'en faire une plateforme de promotion. Nous allons en outre déposer notre candidature pour l'exposition universelle de 2025. C'est une manière de se projeter dans l'avenir. Les Chinois ont applaudi à cette annonce. Quel autre pays que le nôtre est capable d'obtenir la même année deux prix Nobel - l'un en économie, l'autre en littérature - et la médaille Fields ?
Quant aux sanctions prises contre l'Ukraine, elles nous pénalisent bien sûr tout autant que ceux à qui nous les destinons. Mais pouvions-nous laisser les Russes annexer la Crimée sans réagir ? Souhaitons que la diplomatie apaise des tensions qui restent vives.
Peut-être faudrait-il prendre des mesures fiscales pour encourager l'investissement dans les zones rurales. Nous n'en sommes pas encore là.
Nous devons, bien sûr, jouer la carte des investissements étrangers. La Chine a beaucoup d'argent à placer dans le monde. Les Chinois ont des salaires bien supérieurs à ceux d'autres pays d'Asie, le Vietnam, par exemple. Les cadres des entreprises chinoises n'ont rien à envier aux Américains. Les investisseurs cherchent désormais une Chine pour la Chine. Les mesures de politique générale favorisant le développement des investissements étrangers en France sont bonnes. Cependant, il nous faut rester prudents - je rappelle que si le déficit commercial a reculé, c'est surtout parce que l'activité et la croissance, donc les importations ont diminué en France - et continuer à aller chercher ces investissements. C'est le rôle dévolu à l'Afii.
La Cop 21 est une formidable plateforme pour les technologies innovantes développées autour du climat. Nous sommes excellents dans ce domaine et nous devons faire connaître nos atouts, en montrant que la technologie française est la meilleure du monde. Il est prévu que 25 000 délégués officiels et 50 000 personnes au total participent à l'événement. On se désole souvent du manque de performance de la France. Nous sommes pourtant meilleurs que les autres dans les secteurs d'avenir, comme la santé, la ville durable ou le tourisme.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Merci, Monsieur le ministre, pour cet échange vivant. Je sais par expérience que les représentants de la France à l'étranger font preuve d'un engagement et d'une motivation extraordinaires.
M. Laurent Fabius, ministre. - Le Président Mitterrand disait à juste titre qu'il ne faut pas « prendre toutes les mouches qui volent pour des idées ». On dit souvent que les Français partent à l'étranger pour fuir une fiscalité trop lourde. Certes, l'évasion fiscale existe. Cependant, la présence des Français à l'étranger est une force extraordinaire. Par ailleurs, nous avons beaucoup moins de candidats à l'exil que dans d'autres pays. Ne restons pas calfeutrés. Les Français de l'étranger sont pour nous des ambassadeurs formidables. Nous devons les encourager.
Relations entre la grande distribution et les industriels - Communication de M. Jean-Claude Lenoir
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Vous savez les relations commerciales tendues qui existent entre les représentants de la grande distribution et les industries agroalimentaires. La délégation que je conduisais, la semaine dernière, au Sial de Villepinte a constaté une vraie dégradation dans ces relations. MM. Macron et Le Foll ont également tenu une réunion sur le sujet. Pour garantir un plus grand respect des industriels et des producteurs dans les négociations commerciales avec la grande distribution, le Gouvernement envisage de saisir l'Autorité de la concurrence. Le Sénat ne peut rester à l'écart de cette démarche. Je vous propose d'exercer notre droit de saisine en posant deux questions : la concentration des centrales d'achat contribue-t-elle à déséquilibrer le jeu du marché ? Comment limiter la concentration des achats de la grande distribution dans le secteur de l'agro-alimentaire ?
M. Ladislas Poniatowski. - Avez-vous une position déjà arrêtée ?
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous avons quelques idées mais il serait prématuré de les exprimer.
M. Jean-Jacques Lasserre. - C'est un thème très porteur pour notre commission, et passionnant. Poursuivez dans cette voie.
Mme Élisabeth Lamure. - Un courrier ne suffit pas ; des mesures législatives sont nécessaires.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Le président de l'Autorité de la concurrence dressera un bilan et fera des propositions pour corriger les dysfonctionnements.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Notre saisine ne fera-t-elle pas doublon avec celle du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Au contraire. J'ai informé le Gouvernement de mon intention.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Les centrales d'achat servent à l'optimisation fiscale. Je souhaite que nous posions aussi la question de leur localisation et de leur contribution au développement économique et aux recettes fiscales de notre pays. Une partie d'entre elles ont leur siège en Suisse, même dans l'agro-alimentaire.
Mme Annie Guillemot. - C'est vrai.
M. Gérard Bailly. - Une certaine inquiétude se manifeste quant aux quotas qui découleront certainement de l'accord avec les États-Unis. Il y a aussi l'Ukraine. C'est un thème d'actualité qu'il est urgent de traiter.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous ferons avec le Gouvernement une saisine conjointe.
M. Roland Courteau. - Nous sommes d'accord sur le principe.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est levée à 17 h 45.