- Mardi 28 janvier 2014
- Mercredi 29 janvier 2014
- Diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la santé - Examen du rapport et du texte de la commission
- Reconquérir l'économie réelle - Examen du rapport et du texte de la commission
- Reconquérir l'économie réelle - Désignation de candidats à une éventuelle commission mixte paritaire
Mardi 28 janvier 2014
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Coopération entre professionnels de santé - Présentation du rapport d'information
Mme Annie David, présidente. - Mes chers collègues, nous allons entendre la présentation par Catherine Génisson et Alain Milon de leur rapport d'information sur la coopération entre professionnels de santé.
Mme Catherine Génisson, rapporteure. - Madame la Présidente, mes chers collègues, l'amélioration de la qualité des soins et l'enrichissement des fonctions des professionnels de santé sont des objectifs premiers et concordants pour notre système de santé et une aspiration forte des professionnels du secteur.
L'un des ressorts pour atteindre ces objectifs est l'évolution des formes de prises en charge des malades au travers d'une nouvelle répartition des rôles entre professionnels de santé. C'est l'objet des coopérations prévus par l'article 51 de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), qui permettent de déroger aux règles de compétences qui s'imposent à eux.
Les coopérations entre professionnels de santé recouvrent une réalité plus vaste que le cadre de ce seul article 51. D'autres dispositions législatives ou réglementaires sont utilisées par les professionnels de santé et des coopérations anciennes, principalement dans le monde hospitalier, se sont développées en dehors de tout encadrement juridique. Si l'étude des conditions d'application de l'article 51 de la loi HPST nous a paru essentielle, c'est que celui-ci représente la tentative la plus aboutie pour amorcer la nécessaire évolution des professions et des prises en charge. L'enjeu, cependant, dépasse la simple question de l'application de cet article.
Notre présentation s'articulera donc en deux temps. La première partie permettra de dresser un bilan de la mise en oeuvre de l'article 51 de la loi HPST. La seconde, dans une perspective plus large, permettra de mesurer le dispositif au regard des attentes en matière d'évolution du système de soins.
Un dernier mot d'introduction. Nous avons été très tôt sensibilisés à l'importance des questions de sémantique, singulièrement à la différence entre délégation et transfert d'acte. La définition la plus claire paraît être celle proposée par le Pr Yvon Berland, selon lequel il n'y a transfert d'acte que lorsque celui-ci figure dans le décret de compétence d'une profession paramédicale et que les professionnels qui en relèvent disposent de l'autonomie décisionnelle pour pratiquer l'acte. Le terme de délégation suppose pour sa part que l'acte n'appartient pas au domaine propre du professionnel de santé paramédical qui l'effectue, mais relève, ainsi que l'a rappelé à plusieurs reprises la Cour de Cassation, de la responsabilité d'un autre professionnel.
Face aux débats que suscite le choix des termes, nous avons choisi d'utiliser le terme de coopération entre professionnels qui, utilisé depuis la loi HPST, a le mérite de ne pas préjuger du cadre réglementaire mais de viser uniquement les modalités d'organisation en vue de l'objectif de santé commun à l'ensemble des professionnels.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'article 51 de la loi HPST a créé un cadre permettant la mise en place de coopérations entre les professionnels de santé sous le contrôle des agences régionales de santé (ARS) et après examen par la Haute Autorité de santé (HAS). Cet article a été inscrit dans le code de la santé publique sous la forme d'un nouveau titre regroupant les articles L. 4011-1 à L. 4011-3. L'article L. 4011-1 précise que les coopérations ont pour objet de permettre à titre dérogatoire aux professionnels de santé « d'opérer entre eux des transferts d'activités ou d'actes de soins ou de réorganiser leurs modes d'intervention auprès du patient ».
L'encadrement légal et réglementaire des professions de santé auquel les coopérations permettent de déroger a d'abord pour but la protection des patients. Un professionnel de santé ne peut accomplir que les actes pour lesquels sa qualification est établie. Cette qualification est sanctionnée par un diplôme reconnu par l'Etat et, dès lors, inscrit dans le code de la santé publique. Le diplôme d'Etat est le fondement du monopole d'exercice de l'activité de soins. Tout exercice sans diplôme est illégal et passible de poursuites pénales.
Pour les médecins, la règle est celle de l'omnivalence du diplôme dans le cadre du code de déontologie et des règles de la responsabilité civile. Le champ de compétence des autres professions médicales, chirurgiens-dentistes et sages-femmes, est limité par rapport à celui des médecins : leur domaine est par nature borné et ne peut s'étendre à l'ensemble de la médecine.
Les professions paramédicales sont pour leur part déontologiquement et réglementairement tenues de n'accomplir que les actes inscrits sur une liste préétablie, généralement un décret simple dit de compétence.
La coopération se distingue du simple exercice collectif aujourd'hui devenu majoritaire chez les médecins. Celui-ci est ancien et quotidien dans le travail des équipes soignantes, que ce soit à l'hôpital, au sein des centres de santé ou, de plus en plus, des maisons de santé pluridisciplinaires. En effet, le regroupement pluriprofessionnel n'entraîne pas nécessairement la coopération entre professionnels, mais peut nécessiter une simple coordination dans le cadre d'un projet médical commun. A l'inverse, la coopération au travers de protocoles n'implique pas nécessairement l'exercice regroupé ou collectif. A Lille, nous avons ainsi pu prendre connaissance d'un protocole de soins de suite en cancérologie reposant sur les infirmières libérales.
Que sont, quantitativement et qualitativement, les protocoles de coopérations élaborés depuis l'entrée en vigueur de l'article 51 de la loi HPST ? A la fin de l'année 2013, plus de quarante protocoles avaient été examinés ou étaient en cours d'examen par la HAS. Plus d'une vingtaine ont été autorisés par les ARS - un même protocole ayant pu être autorisé dans plusieurs départements. Il existe donc une dynamique des coopérations, qui permet d'entrevoir ce qu'il est possible d'en attendre.
Contrairement à une idée généralement admise, les protocoles de coopérations entre professionnels de santé n'ont pas d'abord pour objectif de remédier aux difficultés posées par la démographie médicale. Si une nouvelle répartition des compétences entre médecins et autres professionnels médicaux ou paramédicaux peut effectivement aboutir à dégager du temps médical, cela ne saurait compenser qu'à la marge l'absence de professionnels dans les zones sous-dotées. Par ailleurs, il serait erroné de réduire la question des coopérations à un débat entre médecins d'un côté et autres professionnels de santé de l'autre. La question de la répartition des actes se pose pour l'ensemble des professions de santé, quel que soit le niveau de formation initial requis.
L'analyse selon laquelle les coopérations permettraient aux professionnels de santé de se concentrer sur les tâches pour lesquelles leurs qualifications sont les plus nécessaires en confiant à d'autres les tâches répétitives ne recouvre qu'une part de la réalité. Il ne peut s'agir du simple transfert d'un bloc d'activités chronophages. Celles-ci, qui concernent généralement des examens ou un suivi, sont essentielles pour la prise en charge du patient et étroitement liées à la détermination d'un diagnostic et à la mise en place d'un traitement. Toute coopération suppose dès lors la mise en place de nouvelles procédures d'échange d'information et de prise de décision au sein de l'équipe médicale. Par ailleurs, confier de nouvelles tâches à un professionnel de santé n'a de sens en termes de qualité des soins que si l'acte peut être effectué dans de meilleures conditions, notamment de manière plus approfondie, qu'il ne l'était auparavant.
De plus, les coopérations dont nous avons pu prendre connaissance se limitent rarement à un simple changement de la catégorie professionnelle effectuant un acte. Elles apportent le plus souvent des innovations en matière de prise en charge, impliquant par exemple la création de nouveaux actes ou de nouvelles formes de prise en charge.
L'apport des coopérations entre professionnels est double. Elles tendent à améliorer la qualité des soins dispensés en offrant une prise en charge plus adaptée aux besoins. Elles offrent à tous les professionnels de santé une perspective d'évolution de leur rôle en matière de soins, ainsi qu'un enrichissement de leurs tâches susceptible de renforcer leur motivation et leurs perspectives de carrières. C'est donc d'abord une meilleure adaptation aux besoins des malades et une prise en compte des aspirations légitimes des professionnels qui souhaitent faire évoluer leur activité de soins qu'offrent les coopérations.
De nos auditions, il découle que plusieurs dizaines de projets de protocoles sont en cours d'élaboration ou d'examen à l'heure actuelle. Cela montre l'intérêt porté par les professionnels pour l'innovation en matière de prise en charge. Afin de ne pas briser la dynamique amorcée par la loi HPST, il convient de simplifier et de clarifier les dispositifs et de mettre en place un système de financement simple.
Le dispositif des articles L. 4011-1 à L. 4011-3 du code de la santé publique comporte plusieurs difficultés rédactionnelles qui entravent sa mise en oeuvre. Ainsi, aucune dérogation n'est prévue qui permettrait aux protocoles de coopération d'intégrer une dimension de télémédecine. Une nouvelle rédaction des articles paraît donc nécessaire pour remédier à ces imperfections.
Surtout, le rôle de la HAS et des ARS doit être revu et simplifié afin de permettre, tout en garantissant l'examen de la qualité des protocoles, d'alléger des procédures aujourd'hui trop lourdes. Un système de rédaction de cahiers des charges par la HAS pourrait être une solution adaptée aux besoins de garantie de qualité et de rapidité d'examen de protocoles.
Les étapes nécessaires à la mise en oeuvre d'un protocole de coopération sont prévues aux articles L. 4011-2 et L. 4011-3 du code de la santé publique. L'initiative du protocole revient aux professionnels de santé qui doivent préciser l'objet et la nature de la coopération, dont les disciplines ou les pathologies concernées ainsi que le lieu et le champ d'intervention des professionnels de santé visés.
La logique des protocoles étant de répondre à un besoin de santé précis tel qu'il se présente sur un territoire donné, c'est aux ARS qu'il incombe de les contrôler. L'agence vérifie que les protocoles répondent à un besoin de santé constaté au niveau régional puis les soumet, à la HAS.
La HAS est pour sa part chargée du contrôle scientifique des protocoles, aucun ne pouvant être mis en place sans son autorisation. Il lui appartient de trouver les meilleurs experts pour l'évaluation, tâche qui peut s'avérer particulièrement difficile.
Les ARS doivent également, en application de l'article L.4011-3, enregistrer et contrôler l'adhésion individuelle des professionnels de santé souhaitant mettre en oeuvre les protocoles.
En pratique, une part importante du travail d'élaboration des protocoles réside dans la préparation de dossiers susceptibles d'être acceptés par la HAS. Dans les structures hospitalières importantes comme l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, un appui technique et administratif aux équipes de professionnels porteuses d'un projet de protocole est mis en place. Là où un tel appui n'a pu être organisé, et pour l'ensemble des professionnels exerçant en ville, c'est aux services de l'ARS que revient en pratique la charge d'accompagner les professionnels à chaque étape, depuis la soumission du dossier à la HAS jusqu'à la recherche de financements pour la mise en oeuvre des protocoles autorisés. Le succès des protocoles de coopération, spécialement pour les projets portés par les professionnels libéraux, repose donc en pratique largement sur les moyens mis en oeuvre par les ARS.
Lors de notre déplacement à l'ARS Nord-Pas-de-Calais, nous avons pu mesurer l'importance cruciale du travail mené par les personnels des ARS avec les professionnels, leur niveau d'implication et leur motivation, alors même que le temps imparti pour cette mission non prévue par les textes est nécessairement limité (20 % d'un ETP en l'occurrence).
Les protocoles de coopération étant des dispositifs dérogatoires soumis à évaluation, l'adhésion des professionnels de santé s'effectue sur une base individuelle. Le choix d'une adhésion personnelle aux protocoles pose cependant de nombreuses difficultés. Au premier rang d'entre elles figurent l'incompressible lourdeur des démarches d'adhésion, qui impliquent un délai d'examen par l'ARS, et la fragilité des protocoles, dont la pérennité peut dépendre de la permanence de la participation de ceux qui y ont adhéré au départ. Au- delà de la mise en place d'un protocole et si celui-ci a fait l'objet d'une évaluation démontrant son intérêt, il paraît logique que la notion de travail de l'équipe soignante prime sur celle de l'adhésion individuelle et que l'on puisse considérer que tout membre de l'équipe a vocation à participer d'emblée à la mise en oeuvre du protocole.
Reste enfin la question du financement. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a intégré au code de la santé publique trois nouveaux articles dédiés au financement de protocoles de recherche (articles L. 4011-2-2 à L. 4011-2-3) et qui créent un collège des financeurs chargé de l'examen préalable des protocoles afin de permettre, si nécessaire, une tarification dérogatoire des actes pratiqués.
La question du financement est effectivement une source de blocage pour la mise en oeuvre de nombreux protocoles et il convient de saluer l'initiative prise par le Gouvernement pour traiter cette question. L'essentiel de la recherche de financement passe par des négociations menées par l'ARS avec l'assurance maladie. Elle porte sur la mise en place d'une rémunération pour les actes confiés, dans le cadre du protocole, à d'autres professionnels de santé que ceux qui en seraient chargés en application des textes. Plutôt que cette négociation se fasse de manière entièrement décentralisée et à l'initiative des ARS, le collège des financeurs sera une instance permanente de dialogue constructif.
Néanmoins, ajouter au système déjà complexe de validation des protocoles prévu par la loi HPST une étape supplémentaire risquerait de décourager les professionnels dont le premier objectif est le soin et qui ne parviennent à se mettre en adéquation avec les obligations administratives nécessaires que grâce à l'appui des ARS.
Pour éviter que le collège des financeurs ne devienne un nouveau verrou bloquant les initiatives de terrain, nous avons suggéré d'en faire une force de proposition en lui confiant la mission de créer les modèles médico-économiques, et non pas simplement économiques, que les professionnels pourront reprendre dans l'élaboration de leurs projets.
Déposée sur forme d'amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, notre proposition concernant le rôle du collège des financeurs n'a cependant pas pu être discutée par les assemblées. Nous estimons cependant que la solution que nous proposions doit être étudiée.
Mme Catherine Génisson, rapporteure. - Les enseignements tirés de la mise en oeuvre de l'article 51 de la loi HPST permettent plus largement de poser les termes d'un débat sur l'évolution de la répartition des compétences entre les différentes professions de santé, dans le sens à la fois d'une meilleure qualité des soins pour les patients et d'une plus grande satisfaction pour les professionnels de santé.
La nécessité de recourir aux expérimentations de l'article 51 révèle en effet en creux les imperfections de l'organisation actuelle et les marges d'amélioration. Organisée autour du principe du monopole médical, celle-ci est structurée sous la forme d'une hiérarchie cloisonnée et rigide, comportant schématiquement trois niveaux. Parmi les professions médicales reconnues par le code de la santé publique, les médecins disposent seuls d'une habilitation générale et monopolistique à intervenir sur le corps d'autrui, tandis que les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes ne peuvent intervenir sur le corps d'autrui qu'au titre d'une habilitation spécialisée. Les professions paramédicales ou auxiliaires médicaux, enfin, ne peuvent accomplir que les seuls actes figurant sur une liste préétablie dans un décret de compétences.
Pour chacune de ces professions est déterminé un niveau de formation adapté aux compétences exercées. Tandis que les médecins poursuivent leurs études pendant 9 à 11 ans après l'obtention du baccalauréat, les sages-femmes sont diplômées au terme d'un cursus de 5 ans et les auxiliaires médicaux après 3 ans.
De cette organisation résulte une faible continuité entre les compétences et les niveaux de responsabilité reconnus aux médecins d'une part, et aux autres professions de santé d'autre part. En d'autres termes, on dispose, d'un côté, de professionnels très qualifiés et qui peuvent effectuer tous types d'actes, et, de l'autre, de professionnels au niveau de qualification sensiblement moins élevé et dont le champ de compétences est très limité. Les qualifications intermédiaires se trouvent en revanche pratiquement absentes de cette organisation. Parmi les professions paramédicales, il n'existe que très peu de métiers de santé effectuant cinq ans d'études après le baccalauréat (il s'agit des infirmiers spécialisés en anesthésie et en chirurgie). Il existe donc un vide dans la chaîne des compétences en matière de soins, qui conduit les médecins à endosser des compétences qui ne nécessiteraient pas un niveau de formation aussi élevé.
Cette situation est fortement dommageable à l'attractivité des métiers de la santé, ainsi qu'à l'efficacité du système de soins. Les aspirations des jeunes professionnels sont en effet aujourd'hui en profonde évolution. Il semble que les nouvelles générations de médecins tendent à organiser différemment leur activité, ce qui se traduit par une diminution du temps médical et par une préférence pour l'exercice au sein de structures collectives, qui facilitent la permanence des soins. Les autres professions médicales et paramédicales, quant à elles, réclament davantage de reconnaissance, d'autonomie et de possibilités d'évolution de carrière - ainsi que l'a récemment montré, et à juste titre, le mouvement de revendication des sages-femmes. En raison du cloisonnement des compétences, toute progression de leur carrière dans le domaine du soin est cependant impossible : l'avancement se fait le plus souvent dans des fonctions managériales ou dans l'enseignement. Cette situation n'est satisfaisante ni du point de vue des attentes de ces professionnels, ni sur le plan de la valorisation des compétences acquises.
Dans ce contexte, une meilleure répartition des compétences entre les médecins et les autres professionnels de santé aurait plusieurs effets positifs. Elle permettrait tout d'abord un important gain de temps médical, qui pourrait être recentré sur les situations pathologiques nécessitant véritablement l'intervention des médecins. La pratique de ces derniers pourrait alors être mieux orientée vers les actes sur lesquels leur compétence apporte une véritable plus-value. Une telle évolution permettrait dans le même temps d'enrichir la pratique des autres professions médicales et paramédicales. L'ensemble des professions médicales et paramédicales pourrait ainsi faire l'objet d'une requalification par le haut.
Une telle évolution aurait également un effet positif sur la qualité des soins offerts aux patients. Du développement des affections chroniques, notamment les cancers et les maladies cardio-vasculaires, et de la progression des pathologies liées au vieillissement résulte une évolution des besoins des malades vers une prise en charge plus globale et de plus grande proximité. Ceux-ci se trouvent en effet confrontés à un parcours de soins de plus en plus complexe dans le cadre d'une spécialisation grandissante de la prise en charge. Les consultations répétées de médecins spécialistes pour des actes rapides et de simple routine, dans des centres hospitaliers souvent éloignés de leur domicile, tendent à désorganiser le quotidien des malades. En outre, des inégalités persistantes dans l'accès aux soins de premiers recours sont toujours constatées sur le terrain. Dans le Nord-Pas-de-Calais, où nous avons effectué un déplacement, un délai pouvant aller jusqu'à 18 mois est nécessaire pour obtenir une consultation en ophtalmologie.
Une réorganisation de l'offre de soins qui confierait davantage de compétences aux professionnels de proximité que constituent par exemple les infirmiers ou les orthoptistes pourrait permettre de répondre efficacement à ces attentes. Il est probable que l'on assiste au cours des prochaines années à une augmentation de l'importance des fonctions de suivi et de surveillance ainsi que du nombre de certains actes techniques simples qui, dans le cadre juridique actuel, ne peuvent être assurés que par un médecin (notamment pour des pathologies chroniques stabilisées telles que le diabète). Certaines de ces missions pourraient cependant tout à fait être prises en charge par d'autres professionnels de santé dans des conditions satisfaisantes : ainsi, plusieurs protocoles de coopérations tendant à confier aux personnels infirmiers la réalisation d'examens de surveillance, la prescription d'examens de bilan ou encore l'adaptation de posologies médicamenteuses ont été bien accueillis par les malades en même temps qu'ils ont prouvé leur efficacité.
Partant de ce constat, nous avons identifié plusieurs séries de propositions qui, à plus ou moins long terme, pourraient permettre de valoriser l'ensemble des professions de santé tout en améliorant la qualité et l'efficacité des soins.
Un premier ensemble de préconisations viserait à développer une prise en charge graduée des patients en améliorant la continuité de la hiérarchie des professions de santé, dans le sens des recommandations qui nous ont été présentées par le Professeur Berland.
Cette ambition devrait se traduire dans un premier temps par une stabilisation des compétences dévolues aux métiers socles, c'est-à-dire aux professions actuellement existantes, en procédant, le cas échéant, à quelques ajustements et actualisations permettant d'assurer la sécurité juridique de certaines pratiques constatées sur le terrain et que l'état des textes ne prendrait pas en compte.
Cette réflexion de court terme devrait notamment permettre de clarifier plusieurs questions problématiques. Celle, tout d'abord, du statut des radiophysiciens, qui interviennent dans les pratiques radiologiques médicales aussi essentielles que la radiothérapie, la médecine nucléaire thérapeutique ou le radiodiagnostic sans être cependant reconnus comme profession de santé par le code de la santé publique. Celle, ensuite, de l'organisation de la filière visuelle, au sein de laquelle les compétences sont éclatées au sein d'un véritable millefeuille de professions qui se sont développées parallèlement et sans véritable cohérence d'ensemble : ophtalmologistes (pratiquant ou non la chirurgie), orthoptistes, optométristes et opticiens. Nous avons eu l'occasion, lors de notre déplacement dans le Nord-Pas-de-Calais, de rencontrer un médecin ophtalmologiste à l'origine d'un protocole de coopération avec des orthoptistes qui donnait des résultats très satisfaisants, notamment en termes d'accès aux soins primaires. Sans préjuger de la place accordée aux optométristes, qui ne sont pas pour l'heure reconnus dans le code de la santé publique mais constituent une profession très courante à l'étranger, il nous semble indispensable de conforter la place des orthoptistes. Enfin, la question de la revalorisation du statut des sages-femmes, auxquelles il revient bien souvent en pratique d'assurer l'intégralité des accouchements, doit être posée.
Dans un deuxième temps, il nous semble nécessaire de s'engager résolument sur la voie de la création de professions intermédiaires. Il ne s'agit pas bien sûr de créer un niveau de complexité supplémentaire dans la hiérarchie des professions de santé : une telle démarche impliquerait que les contours de ces nouveaux métiers fassent l'objet d'une définition prospective en amont, en identifiant les nouveaux besoins du système de santé et les continuités à assurer entre les diverses professions existantes. La mise en place de tels métiers devrait prioritairement passer par une élévation du niveau de compétence des professions socles et la définition de pratiques avancées. A ce titre, la profession d'infirmier clinicien, qui existe déjà au Canada et aux Etats-Unis depuis les années 1960 avec des résultats très satisfaisants (selon une étude conduite en 2010 par l'OCDE), constitue une piste intéressante.
La définition juridique du périmètre des compétences attribuées à ces nouvelles professions d'expertise pourrait, pour les professionnels qui le souhaitent, prendre la forme de missions. Je vous rappelle qu'à l'heure actuelle, l'exercice des professions de santé non médicales est juridiquement borné par une liste limitative d'actes ; il ne semble pas opportun de revenir aujourd'hui sur ce principe pour les métiers socles, dans la mesure où il présente l'avantage de stabiliser et de sécuriser les compétences reconnues aux différentes professions de santé. Le droit d'opter pour des missions de santé pourrait cependant permettre aux nouvelles professions de bénéficier d'un cadre plus souple, plus responsabilisant et mieux adapté à une prise en charge intermédiaire des patients recouvrant notamment des missions de suivi, de surveillance, de conseil d'adaptation éventuelle de prescriptions avec un encadrement décisionnel strict.
Une telle évolution, dont nous mesurons l'ambition, ne sera possible qu'à la condition que l'offre de formation soit adaptée en conséquence. Cette adaptation devra bien sûr concerner la formation initiale, qui devra permettre aux nouvelles professions intermédiaires d'acquérir les connaissances nécessaires à la mise en oeuvre du référentiel de compétences préalablement défini. Plusieurs initiatives intéressantes ont d'ores et déjà été lancées en ce sens, notamment avec le master en « Sciences cliniques infirmières » cohabilité entre l'Ecole des hautes études en santé publique et l'Université d'Aix-Marseille - étant entendu qu'à l'heure actuelle, les diplômes sanctionnant cette formation ne constituent cependant que des diplômes universitaires et ne sont pas reconnus comme diplôme d'exercice. Il nous semble par ailleurs indispensable de renforcer et de développer la formation continue de l'ensemble des professionnels de santé. Il s'agirait en premier lieu d'assurer l'actualisation régulière des compétences dans un contexte où les connaissances et les techniques médicales évoluent très vite et alors que l'hyperspécialisation croissante des disciplines pose un véritable défi. Ce développement permettrait en outre de favoriser la montée en compétence des professionnels qui souhaitent s'orienter vers des pratiques avancées, à tous les niveaux de la hiérarchie et à tous les stades de leur carrière.
La position exprimée par la ministre des affaires sociales et de la santé le 23 septembre dernier, lors de la présentation de la stratégie nationale de santé, nous semble aller dans ce sens. Celle-ci a en effet déclaré que « demain, nous développerons les pratiques avancées, à partir d'un métier socle, et nous accélérerons la délégation de tâches, ainsi que la création de nouveaux métiers, par exemple d'infirmier clinicien. Dès 2014, mes services, en lien avec ceux de [la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche], travailleront avec les professionnels de santé pour identifier ces pratiques avancées et ces nouveaux métiers ».
Nous souhaitons enfin souligner que ces réflexions sur la répartition des compétences doivent aller de pair avec une réflexion portant plus spécifiquement sur le statut des professions de santé, les deux questions étant intimement liées. Il sera sans doute indispensable au cours des prochaines années de faire évoluer en partie le mode de rémunération des professionnels, qui n'est pas adapté à la coopération aux seins d'équipes ni à une organisation juridique sur le modèle des missions de santé. Les expérimentations menées dans le cadre de l'article 51 de la loi HPST ont permis de constater que la rémunération à l'acte constituait un frein majeur à l'évolution de la répartition des tâches. Les initiatives les plus pérennes en la matière sont d'ailleurs favorisées dans les structures fonctionnant sur un modèle salarial, qui permet de rémunérer les professionnels délégataires de certaines tâches même en l'absence d'acte spécifiquement reconnu dans la nomenclature. Si l'expérimentation des nouveaux modes de rémunération (NMR), mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, est positive et permet de penser un nouveau mode de financement des équipes, elle reste cependant limitée et la question de sa pérennité demeure posée. La question pourra également être posée d'instituer un statut pour les équipes de professionnels libéraux.
J'aimerais enfin insister sur la nécessité de clarifier deux questions qui se posent aujourd'hui avec une grande acuité dans nos hôpitaux : celle, d'une part, de la place des médecins étrangers et celle, d'autre part, du développement de l'intérim médical. Ainsi que l'a récemment montré le rapport remis par notre collègue député Olivier Véran, la difficulté croissante de recrutement de praticiens hospitaliers et la perte de plusieurs professionnels parmi les plus expérimentés qui choisissent l'exercice libéral intérimaire à l'hôpital doit conduire à une réflexion sur le statut et le déroulement de carrière des praticiens hospitaliers. L'hôpital public continue en effet de s'appuyer sur les médecins titulaires d'un diplôme extra-européen sans leur offrir plus qu'un statut précaire et peu de possibilités de carrière. Il est parallèlement contraint, faute de praticiens, de recourir à des praticiens libéraux aux exigences financières parfois excessives. Cette situation pose la question de l'équité entre les professionnels hospitaliers, et, partant, de la possibilité d'un véritable fonctionnement en équipe.
M. Alain Milon, rapporteur. - En conclusion, il nous paraît important de souligner que les coopérations entre professionnels de santé sont un développement naturel du travail en équipe et que, par le biais de l'article 51 de la loi HPST, elles peuvent être un moyen de faire évoluer les prises en charge dans l'intérêt des patients. Il importe toutefois de simplifier le mécanisme existant et d'avancer sur plusieurs questions : rôle de professionnels, rémunération, statut, nouvelles professions de santé, sur lesquelles les attentes des professionnels de santé sont fortes.
Les propositions que nous formulons, à court ou moyen terme, ont pour but de permettre d'accompagner l'évolution des mentalités et des pratiques en s'appuyant sur le dialogue avec l'ensemble des professionnels de santé. Il s'agit de trouver le véhicule législatif le plus adapté à leur mise en oeuvre.
Mme Catherine Deroche. - Je vous présente mes félicitations pour ce rapport intéressant et très attendu. Certains d'entre nous avaient déjà eu l'occasion d'aborder ce thème à travers l'exemple des infirmières cliniciennes au Québec lors du déplacement effectué par la commission en juin dernier. Il me semble qu'un point d'étape était nécessaire sur l'application de l'article 51 de la loi HPST après quelques années de mise en oeuvre.
La question des sages-femmes constitue le symbole des difficultés liées au statut des professions intermédiaires. Il s'agit en effet d'une profession médicale, ainsi que vous l'avez rappelé, mais dont le statut s'apparente davantage en pratique à celui des paramédicaux. Elles apparaissent même transparentes en ce qu'aucune cotation adaptée n'est associée aux actes qu'elles effectuent, alors même que ce sont bien souvent elles qui réalisent les accouchements. Les radiophysiciens font également face au problème de la reconnaissance de leur statut.
Une clarification doit par ailleurs être apportée sur les professions de la filière visuelle, et notamment sur la place de l'optométriste. Nous travaillons sur ce champ dans le cadre de la loi sur la consommation, examinée en ce moment en second lecture par le Sénat : j'aimerais souligner à ce propos que ce véhicule législatif me semble peu adapté à une question médicale et de santé publique, et qui ne peut être réduite à son aspect marchand.
Enfin, le débat sur le paiement à l'acte est ancien. Il me semble clair qu'il n'est plus adapté au cadre d'exercice actuel.
M. Jean-Noël Cardoux. - Je m'associe aux remerciements exprimés pour ce rapport, qui rejoint sur plusieurs aspects le travail précédemment engagé par le groupe de travail relatif à la présence médicale sur l'ensemble du territoire. Les transferts d'actes entre professions de santé figuraient notamment parmi les pistes avancées. Avez-vous eu l'occasion de réfléchir à la question des pharmaciens, qui souhaitent entrer dans une logique de conseil auprès des patients ? Qu'en est-il par ailleurs de la télémédecine, et quel devrait être le niveau de formation des professionnels auxquels serait confiée la réalisation de consultations de ce type ? Des maisons de santé regroupant des professionnels paramédicaux peuvent être installées dans les communes rurales et pourraient fonctionner sur ce modèle.
M. René-Paul Savary. - Existe-t-il des exemples de pratiques avancées à l'étranger ? Il me semble que si la profession d'infirmier clinicien était introduite dans le système français, leur formation devrait passer par la filière médicale - et je conçois que ce mode de formation des infirmiers puisse être assez révolutionnaire par rapport à celui qui existe actuellement. Il poserait en tous cas la question du numerus clausus des professionnels, dont je souligne encore une fois ici qu'il ne me paraît pas adapté.
Je partage par ailleurs vos réflexions sur l'évolution du mode de rémunération. La mise en place de rémunérations complémentaires au paiement à l'acte me semble être une piste adaptée. Il faut tenir compte du fait que les patients peuvent faire face différemment à une même pathologie, notamment selon leur niveau social et intellectuel, et qu'il faut assurer à tous un traitement égalitaire.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Vous avez évoqué la question du temps médical : je pense qu'il faut tenir compte des charges administratives, qui sont souvent importantes. Certaines secrétaires médicales sont capables de prendre des initiatives, comme par exemple rappeler aux patients la liste des examens à effectuer entre deux rendez-vous, ce qui permet de dégager du temps médical. Sur la situation des sages-femmes, je sais pour l'avoir moi-même observé à l'hôpital que ce sont le plus souvent les sages-femmes qui assurent l'intégralité des accouchements.
Mme Patricia Schillinger. - Avez-vous réfléchi à la mise en place de nouvelles règles d'installation des médecins généralistes en fonction du nombre d'habitants de chaque zone géographique, sur le modèle de celles qui existent pour les pharmacies ? La bonne répartition des professionnels sur le territoire constitue une condition de réussite des coopérations.
Mme Annie David, présidente. - Je regrette moi aussi que notre commission n'ait pas pu se pencher sur les questions relatives à la filière visuelle, qui ont été abordées au cours de l'examen du projet de loi relatif à la consommation. Celui-ci a été enrichi en cours d'examen et nous n'en avions pas été antérieurement saisis.
Mme Catherine Génisson, rapporteure. - Nous avions, comme M. Cardoux, envisagé d'abord les coopérations comme un moyen de répondre à la question de la désertification médicale. Mais nous avons abandonné cette approche, car il me semble que ce qu'apportent d'abord les coopérations, c'est une amélioration de la prise en charge des malades et un enrichissement des perspectives de carrière des professionnels de santé dans le soin, en mettant fin à la rigidité du système actuel.
S'agissant du niveau de niveau de formation des professionnels qui participent à la télémédecine, il me semble qu'il faut que tant celui qui est présent du côté du patient que celui qui fait la consultation soient au plus haut niveau. Je me demande s'il ne vaut pas mieux que la consultation soit faite par un professionnel de santé, même non médecin, formé plutôt que d'avoir recours à la mécanisation. Il est très important en tous cas de ne pas négliger l'interrogatoire qui permet de bien établir la pathologie dont souffre le patient.
En ce qui concerne le paiement à l'acte, il nous est apparu souvent comme un obstacle majeur au développement des coopérations et des parcours de soins. Il ne saurait être question de nous passer du paiement à l'acte mais il faut développer les forfaitisations et le paiement aux équipes.
Mme Deroche a abordé la question des revendications des sages-femmes. Je pense qu'il est urgent de faire correspondre leur statut à la réalité de leur rôle. Elles n'ont pas aujourd'hui la reconnaissance qui devrait être la leur.
Enfin, sur la question du numerus clausus, je constate qu'il n'y a jamais eu autant de médecins en France qu'aujourd'hui. Le problème est plutôt de parvenir à une organisation harmonieuse des professions, avec la reconnaissance de l'infirmière clinicienne notamment, et de parvenir à une installation équilibrée des praticiens sur l'ensemble du territoire. Je ne suis pas sûre que l'augmentation du numerus clausus permette de pallier la désaffection pour les spécialités auparavant nobles (chirurgie, obstétrique, anesthésie) et aujourd'hui délaissées.
M. Alain Milon, rapporteur. - Pour répondre à Jean-Noël Cardoux, je confirme que les pharmaciens n'étaient pas inclus dans le champ de l'article 51 de la loi HPST mais que la proposition de loi Fourcade a permis de mettre en place d'autres formes de coopération les incluant.
S'agissant de l'installation des pharmacies, il faut bien garder présent à l'esprit qu'il s'agit d'une interdiction de s'installer dans un bassin de population déjà desservi par une pharmacie, mais qu'il n'existe aucune obligation d'installation.
Mercredi 29 janvier 2014
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la santé - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Ce projet de loi adapte notre législation au droit de l'Union européenne en matière de santé. Peu nombreuses, ses dispositions sont de nature technique ou de portée restreinte. La mesure susceptible d'avoir l'effet économique le plus significatif, celle concernant la vente de lentilles de contact sur internet, a été intégrée au projet de loi sur la consommation.
Cinq textes européens font l'objet d'une transposition : la directive 2011/24/UE dite « soins transfrontaliers » ; le règlement n° 1223/2009 relatif aux produits cosmétiques ; la directive 2011/62/UE relative à la prévention de l'introduction dans la chaîne d'approvisionnement légale de médicaments falsifiés ; la directive 2012/26/UE modifiant la directive 2001/83/CE en ce qui concerne la pharmacovigilance ; la directive d'exécution 2012/52/UE établissant des mesures pour faciliter la reconnaissance des prescriptions médicales établies dans un autre Etat membre.
L'Assemblée nationale a adopté ce texte en première lecture le 16 janvier 2014 ; nous l'examinerons en séance publique le 13 février. Un calendrier resserré afin d'éviter une condamnation : le traité de Lisbonne autorise la Cour de justice de l'Union européenne à condamner les Etats membres à payer des astreintes journalières et des amendes s'ils ont manqué à leur obligation de transposition. En l'occurrence les directives 2011/24, 2012/26 et 2012/52 devaient être transposées avant la fin du mois d'octobre 2013.
Mme Catherine Procaccia. - On a connu pire...
M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Cette mise en conformité de notre droit aux textes européens apporte peu d'évolutions notables, sinon une clarification de l'état du droit et un renforcement de la sécurité de ceux qui ont recours aux soins ou aux produits de santé. Le droit européen n'impose pas, comme on l'entend parfois, de manière systématique ou aveugle une ouverture à la concurrence. Les prestations de santé ne sont en effet pas considérées comme un simple service et les enjeux de sécurité ne sont pas minimisés.
S'il est vrai que le droit européen reste d'abord le droit du marché intérieur, c'est-à-dire un droit de la concurrence, la sécurité des citoyens de l'Union est une préoccupation constante comme l'illustre l'harmonisation ou l'unification des contrôles, sous l'égide d'instances créées à cet effet. Ainsi l'Agence européenne du médicament, chargée en 1995 des autorisations de mise sur le marché, du contrôle et, si nécessaire, du retrait de ces produits, s'appuie sur les laboratoires nationaux de référence, comme ceux de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Les normes européennes, comme la directive 2011/62/UE contre la contrefaçon de médicaments ou les directives de 2001 et 2012 sur la pharmacovigilance traduisent la volonté européenne de protection des personnes. La directive 2011/24 renforce les garanties des personnes faisant appel aux chiropracteurs ou aux ostéopathes, en imposant à ces derniers, comme à l'ensemble des prestataires de soins, de souscrire une assurance civile professionnelle. Notre droit limitait cette obligation aux seuls professionnels de santé.
Certaines dispositions européennes, telle la vente en ligne de produits de santé, quoiqu'en rupture avec les pratiques françaises, constituent une adaptation nécessaire aux enjeux commerciaux et aux impératifs de sécurité. Pour garantir la sécurité des citoyens la France doit, dans une économie mondialisée, encourager l'apparition d'une offre de produits de santé sur internet qui présente toute les garanties en termes de qualité, de contrôle et d'approvisionnement des produits. Le droit européen n'impose pas la fin de nos mécanismes de contrôle et de protection. Les directives laissent systématiquement aux Etats le choix des moyens de transposition. L'organisation du système de soins relevant de leur seule compétence, la France a choisi de limiter aux seuls pharmaciens d'officine la possibilité de vendre en ligne des médicaments non soumis à prescription. De même, elle a adopté l'interprétation la plus large de l'obligation imposée aux laboratoires pharmaceutiques de justifier le retrait d'un médicament.
Le droit européen facilite aussi la diffusion des produits français dans des secteurs majeurs de notre économie, comme la cosmétique, troisième poste excédentaire de notre balance commerciale. Les entreprises françaises du secteur, dont deux tiers de la production sont exportés, nous ont dit leur attachement à l'uniformité des règles européennes apportée par le règlement de 2009 qui a aussi renforcé les exigences en matière de justification de l'innocuité des produits cosmétiques.
Ainsi, dans le domaine de la santé comme dans celui du commerce, les objectifs du droit européen coïncident avec ceux du droit national. Les professionnels concernés ont d'ailleurs manifesté leur satisfaction lors de leur audition. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale ont levé des incertitudes rédactionnelles et apporté des compléments importants en matière de sécurité des patients.
Conformément à l'article 4 de la directive « Soins transfrontaliers » de 2011, les deux premiers articles instaurent, pour les chiropracteurs et les ostéopathes, l'obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle, alors que le droit français, réservait cette obligation à la seule catégorie des professions de santé, dont ils sont exclus. Or, au sens du droit de l'Union européenne, ostéopathes et chiropracteurs entrent dans le champ des professions réglementées visées par cette directive.
L'article 1er, qui énonce le principe de responsabilité pour faute des ostéopathes et des chiropracteurs, fixe une obligation de souscription d'assurance pour ceux d'entre eux exerçant leur activité à titre libéral. Ces contrats pourront comporter des plafonds de garantie dont le montant minimal sera fixé par décret en Conseil d'Etat. Leur régime sera aligné sur celui des contrats d'assurance souscrits par les professionnels de santé. Enfin la date d'entrée en vigueur de l'obligation d'assurance, initialement fixée au 1er janvier 2014, a été reportée d'un an par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, afin de tenir compte du délai d'entrée en vigueur de la loi.
L'article 2 prévoit les mêmes sanctions pénales que celles qui s'appliquent aux professionnels de santé en cas de non-respect de cette obligation d'assurance : une amende de 45 000 euros assortie éventuellement d'une peine complémentaire d'interdiction d'activité professionnelle.
En pratique, la portée de cette modification législative devrait être faible. Une très large majorité des ostéopathes et chiropracteurs français sont déjà assurés dans le cadre de contrats de groupe auxquels l'adhésion est prévue par les statuts respectifs de leurs groupements et syndicats professionnels. En outre, il semble que l'exercice de ces deux professions soit marqué par une faible sinistralité. Cette évolution renforcera cependant la sécurité des patients : à l'heure actuelle, le patient victime d'une faute ne peut être indemnisé que dans la limite du patrimoine propre du professionnel fautif si celui-ci n'a pas pris de lui-même l'initiative de souscrire une assurance.
L'article 3 concerne les produits cosmétiques et de tatouage. Il se borne à faire correspondre le code de la santé publique avec le droit en vigueur, puisque le règlement réformant les normes applicables à la mise sur le marché des produits cosmétiques est applicable depuis 2009. La réécriture des articles du code sur les produits cosmétiques impose celle des articles concernant les produits de tatouage. L'Assemblée nationale a ajouté à ces modifications essentiellement rédactionnelles des précisions concernant les enquêtes entraînées par à un signalement d'effet indésirable lié à un produit de tatouage pour renforcer la « tatouvigilance ».
Les dispositions de l'article 4 encadrant la vente sur internet de lentilles de contact ont été intégrées à l'article 17 quater du projet de loi relatif à la consommation adopté hier par le Sénat.
L'article 5 précise le champ d'application de la vente en ligne de médicaments, autorisé par l'ordonnance du 19 décembre 2012. Il ratifie l'ordonnance et précise, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat, que seuls sont concernés les médicaments hors prescription.
L'article 6 renforce l'obligation d'information des laboratoires qui retirent du marché l'un de leurs produits, dans un pays membre de l'Union ou un pays tiers. Il complète la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé et s'inscrit également dans la suite des préconisations de la mission commune d'information du Sénat sur le Mediator.
Transposant les principes fixés par la directive « Soins transfrontaliers » et par la directive du 20 décembre 2012, l'article 7 achève l'harmonisation de la rédaction des prescriptions de médicaments biologiques établies en France mais destinées à être utilisées par le patient dans un autre Etat membre afin de garantir l'identification et la délivrance des produits. Cette transposition avait déjà été largement opérée par la loi du 29 décembre 2011. L'article L. 5121-1-2 du code de la santé publique qui porte sur l'obligation de prescription des spécialités pharmaceutiques en dénomination commune internationale, sera modifié à des fins de coordination. Un nouvel article L. 5121-1-4 prévoira que la prescription d'un médicament biologique destinée à être utilisée dans un autre Etat membre devra comporter, outre la désignation de ses principes actifs, nécessaire pour tous les médicaments, la mention du nom de marque et, le cas échéant, du nom de fantaisie de la spécialité. La notion européenne de médicament biologique recouvre à la fois les médicaments biologiques au sens de la législation française, les médicaments biosimilaires, les médicaments immunologiques, certains médicaments de thérapie innovante ainsi que les médicaments dérivés du sang.
Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui autorise le Gouvernement à fixer par décret la liste des caractéristiques à préciser lors de la prescription transfrontière d'un dispositif médical. Un tel ajout me semble conforme aux objectifs de cet article. La commission a également décidé la création d'un label éthique pour identifier les produits sanguins collectés à partir de dons anonymes et gratuits. Même si je m'interroge sur la portée de cette mesure, je partage le souci de valoriser le don de sang.
Je propose d'adopter conforme ce texte qui a fait l'objet d'un large consensus à l'Assemblée nationale et met la France en conformité avec ses obligations de transposition.
M. Hervé Poher. - Sur certains sujets, notre société refuse de s'adapter aux réalités. Ainsi les chiropracteurs ou les ostéopathes sont agréés, mais ils n'ont pas de statut ni, du coup d'obligation d'assurance - et celle dont il est question ne protège pas entièrement les patients. La famille d'un patient décédé d'un malaise vagal consécutif à une injection intramusculaire réalisée par un médecin sera indemnisée. Mais que le réflexe vagal survienne à la suite d'une manipulation pratiquée par un chiropracteur ou un ostéopathe, et la famille ne sera indemnisée que s'il a commis une faute. C'est une anomalie.
Il n'est pas question de transfert de compétence entre médecins, chiropracteurs et ostéopathes : les domaines d'intervention sont complémentaires. En cas de lumbago, il vaut parfois mieux aller chez le chiropracteur que de prendre des anti-inflammatoires pendant six jours. Réglons ce problème. Cela ne coûtera pas plus cher à la sécurité sociale qui craint une hausse des demandes de remboursements Il ne faut pas hésiter sur ce point à faire violence à la sécurité sociale, au Gouvernement et au corps médical, très conservateur et imbus de sa science.
Je regrette la suppression de l'article 4. Hier soir, tandis que nous discutions de la vente de lunettes et de médicaments sur internet, un reportage sur une chaîne de la TNT montrait que de grande marques fabriquent leurs lunettes en Chine pour 15 euros et les revendent jusqu'à 700 euros en Europe. Il est aussi possible de mesurer l'écart pupillaire par webcam. Il y a certainement des problèmes de prix mais retirer cette mesure d'une loi sur la santé pour l'inscrire dans un texte sur la consommation est symbolique. Et choquant ! Nous mettons le doigt dans l'engrenage et tous les appareils médicaux deviendront bientôt des produits de grande consommation.
La France compte une pléthore d'organismes de contrôle, mais ne désigne pas toujours le plus compétent. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est chargée du contrôle des cosmétiques. Ce n'est pas son métier et elle manque de personnel pour traiter 200 signalements d'effets négatifs de cosmétiques chaque année, alors que 80 000 signalements concernent des médicaments. C'est l'ARS qui autorise les pharmacies à ouvrir un site internet. Est-ce la plus habilitée ? Sans doute pas, car les pharmacies ne peuvent y vendre que des produits non soumis à prescription. L'ordonnance date de 2012 mais seulement 70 sites ont été créés. De plus, autre incohérence, s'il est possible d'ouvrir un site internet, la publicité est interdite. Enfin, en dépit des contrôles, les faussaires seront toujours capables d'imiter les sites légaux. Le seul contrôle, celui de la douane, est aléatoire. La sécurité totale sur internet est impossible.
Mme Annie David, présidente. - Je partage votre avis et sur les lunettes et sur les médicaments.
Mme Isabelle Pasquet. - Ce texte de transposition nous laisse peu de marge. Je partage les doutes qui viennent d'être émis sur la vente en ligne de lunettes et de médicaments. Je suis choquée que ces dispositions figurent dans une loi sur la consommation et non sur la santé. Si l'on juge l'intervention de professionnels de santé essentielle, il faut en tirer les conséquences. La vente en ligne de médicaments non soumis à prescription accentue les risques. En outre, 60 millions de consommateurs a montré que les traitements contre le rhume n'étaient pas anodins : le conseil d'un pharmacien est important. La réflexion mérite d'être approfondie.
M. Gilbert Barbier. - Que signifie le premier alinéa de l'article 1er ? Les ostéopathes et les chiropracteurs ne sont-ils responsables qu'en cas de faute ? Des personnes dans le malheur se trouveront démunies. Il est difficile d'apporter la preuve de la faute : la bataille d'experts reste indécise. Cet article me laisse perplexe. De même, que recouvre la notion de « personnes physiques coupables » à l'article 2 ? Quelle est la responsabilité des personnes morales ?
Je partage l'avis de notre collègue sur les produits cosmétiques. Un étiquetage européen fait défaut. Nous sommes en avance s'agissant du bisphénol A ou des parabènes. Ne faut-il pas renforcer les exigences de présentation ?
Quelle est la portée de la disposition restreignant la vente en ligne de médicaments à ceux hors prescription ? Cette mesure est symbolique puisqu'il est déjà possible d'acheter sur internet des médicaments soumis à prescription. Enfin, la création d'un label éthique sera-t-elle suffisante pour empêcher le commerce de produits dérivés du sang que certains laboratoires pratiquent dans notre pays ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Les chiropracteurs et les ostéopathes réclament un statut. Ils soutiennent la mise en place de ce cadre fondé sur la responsabilité en cas de faute, comme les autres catégories à laquelle ils n'appartiennent pas, en France. Vous appelez à faire violence au corps médical. C'est interdit... Il est d'ailleurs beaucoup plus difficile de violer l'article 40 de la Constitution, sous le coup duquel tomberait un élargissement du champ de l'assurance allant jusqu'à la couverture de l'absence de faute. De plus, une grande majorité sont déjà assurés et la sinistralité est faible. L'assurance est individuelle pour les professionnels de santé ; elle couvre la personne physique pour les actes qu'elle réalise. C'est le cadre approprié. Comme vous je regrette le basculement de l'article 4 vers le projet de loi consommation. Ses dispositions relèvent autant du champ de la santé...
Mme Catherine Procaccia. - La pharmacie, c'est le privé et le social !
M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Le contrôle des cosmétiques, de l'aveu même de ceux qui en sont chargés, est difficile. Il faudra revoir ce mécanisme dans la loi sur la santé publique, ainsi, plus généralement, que la lutte contre la contrefaçon. Les bonnes pratiques sont essentielles, mais il faudra durcir la réglementation.
Mme Pasquet a des doutes sur les dispositions encadrant la vente en ligne des médicaments. J'ai rencontré l'ordre des pharmaciens, avec son expert internet. Les faussaires ont toujours un temps d'avance. Ce texte limitera les dérives. L'article 1er est clair, monsieur Barbier. Il est calqué sur les dispositions applicables aux professionnels de santé.
M. Gilbert Barbier. - Et pour les produits de santé ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Le responsable est le producteur.
M. Gilbert Barbier. - Non l'utilisateur ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Non, sauf en cas de mauvaise utilisation.
M. Gilbert Barbier. - Un professionnel de santé a le devoir de s'assurer que le produit qu'il utilise est conforme. Voyez l'affaire des prothèses PIP : certaines plaintes visent les praticiens suspectés de n'avoir pas repéré la mauvaise qualité du produit.
M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Avant tout, c'est le producteur qui est responsable. C'est le bon sens. Les tribunaux trancheront. Enfin, une commission à Bruxelles travaille à une harmonisation en matière d'étiquetage pour aboutir à un consensus.
Mme Annie David, présidente. - Ce texte, parfois compliqué, clarifie quelques situations. On peut s'opposer à la vente en ligne de médicaments ou de lentilles mais il est un fait qu'elle se pratique déjà. La loi de la jungle prévaut et ce projet, sans doute imparfait, s'efforce de mettre de l'ordre. Je partage vos doutes, mais la sécurité des acheteurs sera renforcée. Il faut distinguer les patients qui ont besoin de soins, consultent un médecin ou un ophtalmologue, des consommateurs, qui achètent des lunettes en ligne. J'ai dit hier mon regret de l'insertion de cette disposition dans le texte sur la consommation et non dans celui sur la santé. D'ailleurs les sénateurs qui se sont exprimés sur l'article 17 quater étaient membres de notre commission. En tout état de cause, notre rapporteur n'y est pour rien.
Mme Françoise Boog. - Vu les interrogations et le contenu imparfait de ce projet, l'UMP s'abstiendra.
Mme Muguette Dini. - Je regrette le retard de transposition. C'est une mauvaise habitude. Pour l'heure, nous nous abstiendrons.
M. Gérard Roche. - Nous adaptons notre législation à la législation européenne. Nous aurions aimé que l'Europe examine au préalable notre législation.
La commission adopte le projet de loi sans modification.
Reconquérir l'économie réelle - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Annie David. - Nous examinons la proposition de loi visant à reconquérir, l'économie réelle, adoptée par l'Assemblée nationale le 1er octobre dernier en procédure accélérée. Je salue la présence de Félix Desplan, rapporteur pour avis de la commission des lois, et de Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis de la commission des finances.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Cette proposition de loi, dont l'intitulé initial visait à redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel, a été enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 15 mai 2013. Déposée par le groupe socialiste, le groupe écologiste et le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, elle est le fruit d'une longue réflexion et je souligne l'engagement de ses auteurs et de sa rapporteure, Clotilde Valter.
Le texte donne plus de pouvoirs aux salariés dans la gouvernance des entreprises et renforce la capacité de celles-ci à résister à la spéculation et aux prises de contrôle déstabilisantes.
Ses 12 articles se répartissent en deux grands volets. Le premier (articles 1er à 3), est consacré à la reprise d'entreprise, et plus particulièrement à la recherche de repreneur en cas de fermeture d'un établissement. Le second volet (articles 4 bis à 8 bis) favorise l'actionnariat à long terme des entreprises françaises, en renforçant essentiellement la législation relative aux offres publiques d'acquisition (OPA).
Trois commissions se sont saisies pour avis. Félix Desplan s'est penché sur les articles 1er, 3, 5, 7, 8 et 9 au nom de la commission des lois, tandis que Jean-Marc Todeschini, pour la commission des finances, a examiné l'ensemble des dispositions du titre III relatif à l'actionnariat de long terme. Notre collègue Martial Bourquin a rendu pour la commission des affaires économiques un avis sur l'ensemble du texte.
L'actualité de ces dernières années a été émaillée d'exemples d'entreprises refusant de céder à des repreneurs des sites industriels qu'elles fermaient pour des raisons stratégiques et financières. Même si les abus sont rares, comment tolérer qu'un employeur condamne un site industriel rentable, supprime des emplois et fragilise l'économie de territoires entiers ?
Une proposition de loi a été déposée dès le 28 février 2012 tendant à garantir la poursuite de l'activité des établissements viables. Au même moment, François Hollande, lors de la campagne présidentielle, prenait l'engagement de « dissuader les licenciements boursiers » en renchérissant leur coût et en donnant la possibilité aux salariés de saisir le tribunal « dans les cas manifestement contraires à l'intérêt de l'entreprise ».
Puis le Gouvernement a souhaité que les partenaires sociaux s'emparent de la question dans le cadre des négociations sur la sécurisation de l'emploi. L'engagement des partenaires sociaux au point 6 de l'article 12 de l'Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 a ensuite été transposé dans la loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l'emploi qui a inséré un nouvel article L. 1233-90-1 dans le code du travail. Il concerne les entreprises employant plus de 1 000 salariés. Lorsque l'une de ces entreprises envisage un licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d'un établissement, elle doit rechercher un repreneur et en informer le comité d'entreprise. Ce dernier peut alors recourir à l'assistance d'un expert-comptable, il est informé des offres de reprise formalisées et il peut émettre un avis. Enfin, les actions engagées par l'employeur sont prises en compte dans la convention de revitalisation conclue entre l'entreprise et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Dirrecte).
Toutefois, lors de l'examen du projet de loi de sécurisation de l'emploi, un groupe de travail réunissant de nombreux députés s'est mis en place, sous la houlette du président de la commission des affaires économiques, François Brottes, afin d'approfondir la procédure de recherche de repreneur. Il était clair que les dispositions de l'article L. 1233-90-1 seraient rapidement revues.
Dans un souci de sécurité juridique, le président de l'Assemblée nationale a ensuite saisi le Conseil d'Etat pour avis en application de l'article 39 de la Constitution. Cet avis a justifié de très nombreux amendements en commission et en séance de la part de la rapporteure de la commission des affaires économiques et du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, sans dénaturer l'esprit du texte.
Mesure-phare du volet consacré à la reprise d'entreprise, l'article 1er reprend le cadre posé par l'article L. 1233-90-1 du code du travail. Il renforce d'abord les obligations d'information imposées avant la fermeture d'un site rentable. En plus du comité d'entreprise, l'employeur doit informer l'administration tout au long de la procédure de recherche et informer très en amont le maire de la commune concernée. Ensuite, l'article énumère clairement les actions de recherche d'un repreneur pour que soient prises en compte les bonnes pratiques observées ces dernières années. Le comité d'entreprise doit donner son avis sur l'offre de reprise à laquelle l'employeur souhaite donner une suite favorable. L'objet du rapport de l'expert auquel peut recourir le comité est défini de manière extensive. En outre, le comité d'entreprise peut participer à la recherche d'un repreneur. Enfin, le tribunal de commerce sanctionne le non-respect de la procédure de recherche, non seulement d'un point de vue formel, mais aussi en s'assurant que l'employeur n'a pas refusé de donner suite à une offre dont le caractère sérieux est librement apprécié par le juge. Le texte ne reconnaît qu'un seul motif légitime de refus de cession: la mise en péril de la poursuite de l'activité de l'entreprise. La pénalité, qui peut atteindre 20 smic par emploi supprimé, est plafonnée à 2 % du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise, et le tribunal peut lui faire injonction de rembourser tout ou partie des aides publiques perçues, sous conditions, et dans la limite des deux dernières années.
L'article 1er bis assure les coordinations juridiques nécessaires. L'article 2 demande au Gouvernement un rapport sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1er.
L'article 3 oblige l'administrateur judiciaire à informer le comité d'entreprise, ou, à défaut, les délégués du personnel ou les représentants des salariés, de la possibilité qu'ont les salariés de présenter une offre de reprise.
Le second volet de la proposition de loi favorise l'actionnariat de long terme. L'article 5 pose comme principe que les actionnaires des sociétés cotées bénéficieront automatiquement d'un droit de vote double pour les actions détenues depuis deux ans, entièrement libérées et nominatives, sauf clause contraire des statuts ou opposition d'une assemblée générale extraordinaire ultérieure. Une personne auditionnée y a vu l'une des mesures phares de la législature. Grâce à cet encouragement à l'investissement, à la recherche et au développement à long terme, l'Etat actionnaire pourra vendre certaines participations tout en conservant le même niveau de contrôle dans les entreprises où il est présent.
L'article 6 introduit une procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise lors d'une OPA, alors que seule une procédure d'information est actuellement prévue. Le comité d'entreprise pourra entendre l'auteur de l'offre dans un délai d'une semaine après le dépôt de celle-ci. Assisté des personnes de son choix, il présentera sa politique industrielle et financière et ses plans stratégiques pour la société cible, mais également les répercussions de l'offre sur l'ensemble des intérêts, l'emploi, les sites d'activité et la localisation des centres de décision de cette société.
Le comité d'entreprise pourra se faire assister d'un expert-comptable, dont le rapport sera établi dans un délai de trois semaines. Il devra rendre son avis sur le projet d'offre au plus tard un mois après son dépôt, faute de quoi il sera réputé avoir été consulté. Il pourra saisir le président du tribunal de grande instance s'il estime ne pas disposer d'éléments suffisants pour rendre son avis. Cette saisine ne suspendra pas le délai d'un mois, sauf si le juge estime que le comité est soumis à des difficultés particulières d'accès aux informations, auquel cas il pourra prolonger le délai initial. Enfin, le comité bénéficiera d'un droit de suite si l'offre réussit.
L'article 8 met fin au principe de la neutralité des organes de gouvernance en cas d'OPA : dans les sociétés cotées, le conseil d'administration n'aura plus besoin d'une autorisation préalable de l'assemblée des actionnaires pour faire échouer une offre hostile. Les organes de gouvernance pourront prendre les décisions utiles, dans le respect des pouvoirs attribués à l'assemblée des actionnaires.
L'article 4, qui abaissait à 25 % du capital ou des droits de vote le seuil de déclenchement obligatoire d'une OPA, a été supprimé. Le second volet de la proposition de loi comporte également des dispositions techniques et une demande de rapport.
Deux articles font l'objet d'un relatif consensus. L'article 4 bis introduit un seuil de caducité pour les OPA qui ne débouchent pas sur la détention de plus de 50 % du capital ou des droits de vote. L'objectif est d'éviter une offre volontairement inférieure au marché pour s'assurer à bon compte le contrôle de fait d'une entreprise. L'article 4 ter autorise un actionnaire qui détient entre 30 % et 50 % du capital d'une société à augmenter sa participation sans être obligé d'informer l'AMF ni de déposer d'OPA, à condition que la progression de sa part soit inférieure à 1 % par an, au lieu de 2 % actuellement : cet article abaisse ce que le jargon boursier appelle le seuil de l'excès de vitesse.
Autre arme contre des OPA, l'article 7 autorise sous condition l'attribution d'actions gratuites à l'ensemble des salariés jusqu'à 30 % du capital d'une société. L'article 8 bis demande au Gouvernement un rapport...
Mme Catherine Procaccia. - Encore un rapport !
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - ... dressant dans les six mois un bilan de l'utilisation, au cours des dix dernières années, des actions spécifiques dont dispose l'Etat dans certains capitaux de société. Avec ces actions spécifiques, ou golden shares, l'Etat conserve un droit de veto sur l'évolution du capital et des activités de sociétés cotées.
Enfin, l'article 9, qui se rattache indirectement au premier volet du texte, renforce les règles d'urbanisme pour protéger les anciens îlots industriels de plus de 2 000 mètres carrés et imposer la révision du plan local d'urbanisme avant tout changement de destination d'une zone où existent des installations industrielles.
Ce texte témoigne d'un travail de qualité accompli par les députés et il convient d'en respecter les grands équilibres. J'ai néanmoins voulu renforcer la sécurité juridique du texte par rapport aux normes constitutionnelles comme le droit de propriété et la liberté d'entreprendre. J'ai veillé à ne pas imposer de contraintes injustifiées aux entreprises qui jouent le jeu.
M. Gérard Longuet. - De quel jeu parlons-nous ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - S'il convient de sanctionner sévèrement les abus de quelques entreprises, il serait inopportun d'imposer aux autres la charge de règles inadaptées. Enfin, je n'ai pas souhaité, sauf exception, empiéter sur les compétences des autres commissions et je forme le voeu que notre commission accueille avec bienveillance les amendements proposés par les différents rapporteurs pour avis sur des sujets qui dépassent le cadre de nos réflexions habituelles.
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Notre commission a été saisie sur le titre 3, articles 4 bis à 8. Votre rapporteure, avec qui j'ai travaillé étroitement, proposera des modifications à l'article 6 qui relève du code du travail. Les neuf amendements que la commission des finances a adoptés hier ne devraient pas poser problème, car nous avons travaillé en liaison avec le cabinet du ministre.
Mme Catherine Procaccia. - Nous vivons des choses surprenantes depuis deux jours : hier, la loi sur la consommation traitait de problèmes de santé ; maintenant, la commission des affaires sociales étudie une proposition où il est question d'actionnariat, d'OPA, de collectivités et d'urbanisme. Comment pourrait-elle avoir un avis précis ? Mme la rapporteure a heureusement reçu l'aide de trois autres commissions. Espérons que certains de mes collègues sont compétents sur les OPA et les éléments financiers... Je ne comprends pas pourquoi notre commission est saisie au fond. Ce texte comporte si peu d'éléments sociaux relevant du droit du travail qu'il aurait suffi que notre commission soit saisie pour avis.
Avant d'entendre notre rapporteure, je me demandais ce qu'était l'économie réelle. Après qu'elle nous a présenté le sujet, je ne comprends pas le titre de cette proposition de loi. C'est du n'importe quoi ! D'ailleurs, quand avons-nous eu la procédure accélérée pour une proposition de loi sinon lorsqu'elle répondait à une demande émanant du Gouvernement ?
Hormis ce qui concerne la représentation devant les instances du comité d'entreprise, j'aurai bien du mal à donner un avis. J'ai cependant des questions : comment s'intègre cette proposition de loi par rapport au texte voté sous peu et examiné en commission des affaires sociales sur l'économie sociale et solidaire ? Comment s'articule-t-elle avec le projet de loi ALUR et les lois sur les collectivités et l'urbanisme ? Comment la comprendre par rapport aux déclarations récentes du Président de la République destinées à redonner confiance aux entreprises mal en point ? Même si vous précisez, ce que j'ai apprécié, que peu d'entreprises commettaient des abus, ce texte, qu'il soit d'affichage ou qu'il ait une application réelle, portera une nouvelle fois atteinte, au moins dans sa présentation, à la confiance des entreprises.
Le passé a montré que les avis du Conseil d'Etat n'étaient pas forcément partagés par le Conseil constitutionnel. Je me demande quel sort subiront un certain nombre des dispositions...
C'est un choc de complexification et non de simplification qui est en route. Je m'interroge pour savoir si vous avez entendu comme moi le Président de la République parler d'un virage à prendre ?
Mme Annie David, présidente. - La commission des lois, celle des affaires économiques et celle des finances ont débattu de ce texte complexe. Certains de nos collègues de groupe ont participé aux travaux de ces commissions. Quant à nous, nous nous sommes informés mutuellement de ses enjeux. Ce n'est pas la première fois qu'un texte est débattu dans plusieurs commissions. Puisque l'emploi est le thème principal de cette proposition de loi, il nous a semblé qu'elle relevait de notre commission.
M. Jean-Noël Cardoux. - Je comprends bien l'embarras des conclusions de Mme la rapporteure : quel décalage entre un texte initié avant l'élection présidentielle de 2012, et les récentes déclarations du Président de la République ! Il est difficile pour la majorité de continuer à défendre ce qui était une proposition de loi d'affichage préélectoral. Dans le climat actuel, ce texte est un très mauvais signal envoyé aux investisseurs étrangers qui se plaignent déjà de la complexité du droit en France. C'est également un texte inutile : il se superpose à l'ANI transposé il y a moins d'un an qui faisait obligation aux entreprises de plus de mille salariés de rechercher un repreneur. Nous avons mieux à faire que de compléter un texte de moins d'un an avec des mesures marginales.
L'article 1er donnera lieu à un rapport de plus du Gouvernement sur le sujet. Quand je lis qu'« obligation est faite à l'entreprise d'informer par tout moyen approprié les repreneurs potentiels de son intention de céder l'établissement », je souhaite bien du courage aux juges pour définir ce que sont ces moyens appropriés et pour identifier le repreneur potentiel. C'est la quadrature du cercle ! Un tel article, quels que soient les rapports qu'on fera ultérieurement pour en préciser la portée, sera un nid à contestation permanente qui en limitera la portée.
J'attire votre attention sur le montant considérablement élevé des amendes en cas de non-respect de l'obligation de chercher un repreneur. Non seulement, les conditions de ce non-respect ne sont pas claires, mais en plus l'amende est très élevée. Je m'interroge sur l'effet dissuasif de celle-ci. Si une entreprise cherche un repreneur, c'est qu'elle ne va pas bien. Si elle est condamnée, comment règlera-t-elle son amende ? Il s'agira une fois de plus de sanctions affichées, mais pas appliquées. Leur portée est extrêmement limitée.
L'article 9 porte sur les îlots industriels d'une surface de 2 000 mètres carrés. Lorsqu'une entreprise est obligée de quitter son site, les repreneurs reprennent son savoir-faire, ses cadres, son fichier clients, mais pas un site obsolète et vétuste. En opposant aux maires de telles règles d'urbanisme, on encourage la création de friches industrielles à proximité des villes ou même parfois en centre-ville, ce qui crée une image négative. Si un site est abandonné, ou bien on peut le réhabiliter dans des conditions économiques acceptables, ou bien on ne le peut pas et le mieux est alors de le raser et de réaliser une autre opération immobilière. Ce texte est incohérent et inopportun.
Mme Catherine Deroche. - Très bien !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je suis d'accord avec mes collègues Procaccia et Cardoux sur l'opportunité de voir ce texte traité ici. La technicité de ses articles fait qu'il relève davantage de la commission de l'économie ou de celle des lois. La liasse des amendements venus de cette dernière en témoigne : c'est elle qui se saisit de ce texte.
Le titre pose problème : l'économie réelle, c'est quoi ? Je l'ai dit à Mme Emery-Dumas, dont j'ai apprécié le rapport mesuré. J'ai pourtant connu des situations de ce type avec des entreprises de moins de 1 000 salariés. Le problème était identique : il fallait faire face à des défaillances d'unités de production commandées par des propriétaires étrangers, en état de surcapacité de production au niveau mondial et de manque de productivité au niveau local, toutes choses difficiles à constater et à contester. Ce texte n'a pas pris la mesure d'un problème dépassant largement la vision territoriale que donne en première impression cette proposition de loi « Florange ».
Nous avions voté pour ratifier l'ANI une loi intéressante qui apportait des garanties nouvelles pour la sauvegarde de l'emploi. Ce texte s'y superpose sans rien ajouter. De plus, la proposition de loi s'applique aux entreprises de plus de 1 000 salariés : l'information est renforcée pour les comités d'entreprise et pour les élus locaux. Le texte risque de dissuader les entreprises de moins de 1 000 salariés de faire cet effort qu'elles fournissent pourtant parfaitement actuellement. L'expérience m'a montré que même pour des entreprises de 100 personnes, dans des situations analogues, le maire souhaitait être informé en amont.
Enfin, la modification du plan local d'urbanisme est déjà un fait. On ne peut pas changer la destination d'un terrain, surtout industriel, sans modifier le plan local d'urbanisme. L'article 9 est une garantie superfétatoire.
M. Dominique Watrin. - Le groupe CRC n'a pas encore arrêté le vote qu'il émettra en séance publique. A ce stade, nous nous garderons d'avoir un vote d'ensemble, tranché.
Ce texte est beaucoup moins ambitieux que celui qui était initialement annoncé. L'ambition de la proposition de loi « Florange » était d'obliger un employeur désireux de se débarrasser d'un site rentable à vendre à un repreneur. Nous avons des exemples vécus de gâchis industriel lié à cette situation.
Ici, la procédure est tout autre. Il s'agit d'informer le comité d'entreprise, de lui demander un avis, de le consulter et tout au bout du processus, s'ouvrira la possibilité d'un recours au tribunal de commerce, l'employeur étant au final jugé par ses pairs, suivant une doctrine patronale. La sanction est uniquement financière. On sait les capacités des entreprises employeurs d'anticiper les coûts, voire d'user de stratégies pour les diminuer ou les contourner - l'économie réelle, monsieur Vanlerenberghe, c'est le contraire de la finance. Aussi manque-t-il une possibilité de référé pour obliger l'employeur à céder son site dès lors qu'il y a un repreneur.
Le choix de séparer le recours concernant les licenciements collectifs de celui concernant les reprises de sites est discutable : il peut arriver que les salariés soient licenciés et qu'ensuite il y ait un repreneur.
Nous avons des réserves sur ce texte. Il nous paraît trop limité, très insuffisant, dans la mesure où il ne concerne que les entreprises de plus de 1 000 salariés. Une autre condition cumulative est que la fermeture du site se fasse dans le cadre d'une procédure collective de licenciement. Cela fait beaucoup de conditions : il y a peu d'entreprises de plus de 1 000 salariés et d'autres moyens que le licenciement collectif.
M. Jean Desessard. - Je me réjouis de la genèse de cette proposition de loi, présentée par les groupes écologiste et socialiste. J'ai assez demandé dans l'hémicycle une élaboration commune de certains textes par les différents partis de la majorité gouvernementale, voire sénatoriale. La complexité de ce texte n'est pas liée à cela, mais à l'équilibre à établir pour respecter la propriété privée, le droit du travail et le maintien d'une activité dans le territoire.
Pourquoi l'économie réelle ? Parce qu'elle se fait avec les gens, avec les territoires, dans la proximité. Lorsqu'on emprunte pour acheter une entreprise et qu'avant de rembourser on a déjà vendu ses actifs pour réaliser un bénéfice, c'est de l'économie virtuelle. L'économie virtuelle, c'est la finance, la spéculation ; l'économie réelle, c'est faire travailler les gens, permettre l'enrichissement par le travail et les compétences plutôt que par la maîtrise des marchés boursiers.
Je comprends qu'il y ait une vraie opposition. Et c'est avec plaisir que je dis qu'il faut défendre l'emploi et l'activité sur le territoire. Un certain nombre d'entreprises sont vendues simplement pour éviter la concurrence. Il est important qu'il y ait une production dans tous les territoires - c'est l'idée forte des écologistes - et qu'elle reste proche de la consommation, grâce à des circuits courts.
Nous voterons avec satisfaction sur la démarche. Mon unique question porte sur l'article 7 qui prévoit de donner gratuitement des actions au personnel. Je ne voudrais pas que ces 30 % soient proportionnels aux salaires, sinon, ce serait surtout les cadres qui en bénéficieraient. Il faudrait plutôt une répartition forfaitaire.
M. Gérard Longuet. - J'exprime ma gratitude à Mme Emery-Dumas pour son rapport intelligent, mesuré et descriptif.
A l'interrogation de Mme Procaccia sur la légitimité de la commission à s'exprimer sur ce texte, je réponds qu'il s'agit d'un vrai débat politique. Si on considère que l'emploi procède des entreprises, alors l'examen du texte relève de la commission des affaires économiques. Si on considère que l'emploi se décrète en dehors de l'entreprise, alors nous sommes compétents. Il y a là un vrai et beau débat sur l'organisation de l'économie.
Ce qui me frappe dans la décision de la majorité de reprendre cette proposition du candidat Hollande par voie de proposition de loi, c'est que cette idée, du point de vue même du Président de la République, est obsolète : il a renoncé à cette orientation. Il ne veut pas assumer par un projet de loi gouvernemental autre chose que ce qui a été décidé dans l'article 1233-90-1 de la loi issue de l'ANI de 2013 et il renvoie à sa majorité parlementaire la responsabilité de défendre un texte auquel il ne croit pas. Il a raison de ne pas y croire. Au moment où il découvre - véritable chemin de Damas - que l'emploi vient de l'entreprise, il confie à sa majorité parlementaire le soin de porter un texte archaïque qui ne correspond ni à la réalité, ni à ses convictions.
Vous avez dit, madame la rapporteure, que les cas étaient exceptionnels et vous avez raison de le dire. Dans cette salle, nous sommes quatre sénateurs lorrains, mon collègue Todeschini, Mme Printz, notre ami Husson et moi-même, deux à gauche, deux à droite. Nous avons vécu directement l'affaire de Florange. Nous nous rappelons les promesses du Président de la République, nous les regardions avec sympathie et s'il avait été capable de régler Florange, nous aurions reconnu cette réussite. Or le Gouvernement a choisi de ne pas donner suite à une reprise possible, considérant qu'une décision ponctuelle serait désastreuse en termes d'image pour l'ensemble de l'économie française. Obliger Arcelor-Mittal à se plier à une demande locale, d'ailleurs assez bien construite, aurait entraîné un effet négatif sur tous les projets des investisseurs étrangers et aurait entretenu chez les salariés des entreprises en difficulté l'illusion que tout était possible. Le Gouvernement, Jean-Marc Ayrault en tête, a décidé d'abandonner le projet que M. Montebourg avait préparé, parce que traiter en force quelque chose d'exceptionnel aurait été désastreux.
Pourquoi diable le Premier ministre change-t-il d'avis et demande-t-il d'adopter un texte dont les effets d'affichage seront négatifs sur les investisseurs étrangers et risque d'entretenir des illusions ? Nous avons tous des contacts permanents avec des salariés d'entreprises en difficulté. Le premier devoir d'un responsable envers un salarié est de ne pas lui mentir, de ne pas lui laisser croire que tout est possible. Ce texte de loi a un effet d'affichage auquel le Président de la République a renoncé et auquel le Premier ministre avait déjà renoncé, lorsqu'en janvier 2013 il avait décidé d'abandonner le projet de M. Montebourg.
La loi est à peu près inapplicable. En effet, l'Etat lui-même est acteur de la fermeture. Dans de nombreux secteurs d'activité, l'Etat organise le repli d'activités en apparence rentables, mais en réalité déséquilibrées, car ne vivant que de subventions. J'ai, comme ministre de l'industrie, fermé des mines de charbon qui appartenaient à l'Etat. J'ai participé à la restructuration de l'industrie de la fonderie avec des entreprises qui pouvaient survivre, mais dont la rentabilité était impossible au regard des normes environnementales à venir. Des décisions politiques absurdes en matière d'économie d'énergie aboutissent à ralentir des filières qui pourraient se développer et à en encourager d'autres que l'on fermera dans quelques années. L'Etat est acteur d'un volontarisme économique qu'il ne peut ensuite plus assumer. Il sera en difficulté lorsqu'il devra appliquer votre texte.
Qu'est-ce que la rentabilité ? C'est un sujet qui prête en permanence à polémique. Je vis dans mon département le cas d'un fabricant de câble d'acier, dans l'industrie du pneumatique, qui n'est pas intégré. Il serait rentable s'il l'était. C'est le problème de tous les équipementiers. Devant l'ambiguïté, les juges seront paralysés, prendront des décisions incertaines, et décourageront les investisseurs tandis qu'on aura entretenu pendant quelques mois l'illusion pour les salariés qu'un avenir est possible.
L'économie réelle ? Une machine sans client est un tas de ferraille. Un client sans machine n'est pas plus intéressant, je suis d'accord. Mais, comme nous avons ouvert les frontières, s'il y a des clients, il y aura toujours des machines pour les servir, l'inverse n'est pas vrai. Il n'y a pas de machines sans financement, pas de projets sans investissement en amont. Produire exige des capitaux considérables. Lorsque j'ai commencé ma carrière, au siècle dernier, un emploi industriel consommait 20 à 30 000 euros de capital, dans le meuble ou la confection. Aujourd'hui, en dessous de 300 à 500 000 euros par salarié, dans la mécanique, vous ne pouvez plus créer d'emploi. Il faut des financements et des capitaux. L'économie financière fait partie du monde de l'économie à part entière. Ce n'est pas un monde fictif. Certes, il y a des spéculateurs et des joueurs, mais c'est un phénomène marginal. En revanche, il n'y a pas d'emploi sans investissement, pas d'investissement sans capitaux, pas de capitaux sans bénéfices. L'économie réelle intègre les machines, les clients et les capitaux.
Voilà la raison pour laquelle j'ai eu beaucoup de plaisir à ce que la commission des affaires sociales soit saisie. Nous sommes au coeur d'un débat de société et notre métier à nous autres, hommes et femmes politiques, est de définir notre conception de la société.
M. René-Paul Savary. - Au sujet de l'article 1er, la rapporteure a dit que « les pouvoirs du comité d'entreprise sont renforcés. Son avis est obligatoire sur l'offre de reprise à laquelle l'employeur souhaite donner une suite favorable ». Est-ce à dire que si l'employeur ne souhaite pas donner de suite favorable, il n'y aura par de réunion du comité d'entreprise ? La loi n'aura plus d'utilité... En outre, on s'honorerait à supprimer l'article 9, qui est aussi incongru que l'article 17 quater dans le projet de loi sur la consommation.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Un amendement identique des rapporteurs pour avis de la commission des lois et de la commission des affaires économiques supprime l'article 9. En décalage avec le projet de loi ALUR, il n'a en effet pas sa place dans un texte de cette nature.
Nous avons vérifié la compatibilité de la proposition de loi avec le texte sur l'économie sociale et solidaire : celui-ci ne concerne que les établissements de moins de 250 salariés et ne modifie pas les attributions des institutions représentatives du personnel.
Pour sécuriser le texte du point de vue constitutionnel, nous proposons des amendements d'éclaircissement, notamment sur ce qui a trait à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété, auxquels le Conseil constitutionnel est très attentif.
Les dispositions du nouvel article 1er écrasent celles de l'article L. 1233-90-1 du code du travail comme le prévoit l'article 1er bis. L'effet dissuasif de la sanction est discutable. Tout dépend de l'entreprise mise en cause : quand elle peut consacrer 70 millions d'euros au PSE, les 9,8 millions de pénalité ne sont pas suffisants. La difficulté est de trouver une sanction acceptable par le Conseil constitutionnel en termes de montant, et dissuasive pour l'entreprise. Cela dit, la procédure ne sera appliquée que dans très peu de cas, au maximum une dizaine de cas par an, selon les chiffres donnés lors des auditions. L'on peut espérer que la sanction amènera celles-ci à revoir leur point de vue sans que la procédure s'applique entièrement.
Le dispositif apprécie la rentabilité en creux. Il ne parle pas des entreprises rentables, il ne concerne pas celles qui font l'objet de redressement ou de sauvegarde. Enfin, il serait souhaitable de réfléchir à un encadrement des dispositions de l'article 7 relatif aux distributions d'actions gratuites aux salariés, comme le souhaite Jean Desessard.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Le premier amendement clarifie la rédaction du nouvel article L. 1233-57-9. Il réintroduit le seuil de 50 salariés pour les établissements, et vise explicitement le plan de sauvegarde de l'emploi plutôt que la notion plus large de licenciement économique. Il exclut de la procédure de recherche d'un repreneur les entreprises en liquidation et en redressement, ainsi que celles en procédure de conciliation ou de sauvegarde.
Mme Catherine Procaccia. - Vu la quantité d'amendements, même si quelques-uns sur le droit du travail semblent aller dans le bon sens, nous préférons nous abstenir.
M. Dominique Watrin. - J'ai déploré le caractère trop restrictif de cette proposition de loi. Or l'amendement rajoute une autre condition cumulative. Nous ne sommes pas d'accord.
M. Gérard Longuet. - En l'état actuel de notre connaissance de la proposition de loi, nous ne comprenons pas ce qui arriverait pour un site rentable d'une entreprise qui ne le serait pas ; ni, inversement, ce qui arriverait pour un site non-rentable d'une entreprise rentable, qui serait subventionné par la maison mère. Les cas de figure sont d'une telle complexité que cet amendement ne suffit pas à les clarifier.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Cet amendement mériterait d'être plus clairement rédigé. Pourquoi le seuil ne s'applique-t-il pas en cas de procédure de sauvegarde ? Vous videz la loi de son contenu... ce qui n'est pas pour me déplaire.
M. Gérard Longuet. - C'est bien l'esprit du Gouvernement.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je comprends alors la position de notre collègue Watrin. Revoyez la formulation : ce qui se conçoit bien s'énonce clairement.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - C'est le droit du travail qui n'est pas clair. Nous ajoutons le seuil de 50 salariés pour que les entreprises en réseau qui veulent fermer une boutique de trois ou quatre personnes échappent à ce dispositif. Je sais qu'il existe une demande que le seuil soit de 10 salariés, comme pour les plans de sauvegarde de l'emploi (PSE).
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Il n'y a pas de comité d'entreprise en dessous de 50 salariés.
M. René-Paul Savary. - Si vous baissez le seuil, tout le texte devra être modifié !
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Il n'y a pas de difficultés : la proposition de loi prévoyait initialement un seuil. Le texte ne concerne pas les entreprises en procédure collective, dont le but est la reprise d'activité. Je ne suis pas sûr qu'une entreprise ait intérêt à refuser une offre au bon prix...
M. Gérard Longuet. - Sauf si l'établissement est un actif immobilier qui constitue une pépite pour ses vieux jours.
Mme Annie David, présidente. - Ce cas est exceptionnel ; la loi doit se concentrer sur le cas général.
M. Gérard Longuet. - Dans le douzième arrondissement de Paris, des entreprises ayant délocalisé leur activité ont conservé leurs anciens locaux ; avec la montée des prix de l'immobilier, ceux-ci constituent souvent leur principal actif. Elles peuvent vouloir les vendre...
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Sans pour autant supprimer d'emploi.
M. Gérard Longuet. - En effet ; cela peut au contraire leur permettre de dégager du cash flow pour relancer leur activité.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Une réserve foncière en centre-ville n'est pas un établissement au sens du code du travail s'il n'emploie pas de salariés.
M. Gérard Longuet. - Mais si !
M. Jean Desessard. - Ne pas avoir de seuil ne me gênerait pas, mais s'il en faut un, je suis favorable à un seuil de 10 salariés. Je voterai donc contre cet amendement pour conserver la possibilité de défendre ma position en séance.
M. Gérard Longuet. - DCNS, encore majoritairement détenue par l'Etat, a une implantation ancienne dans le golfe de Saint-Tropez ; si l'entreprise décidait de fermer cette implantation, elle devrait licencier les salariés qui y travaillent, car l'implantation la plus proche où ils pourraient être reclassés est à plus de 15 kilomètres. Un repreneur pourrait être intéressé par le rachat de l'entreprise uniquement pour faire cette opération immobilière...
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 2 remplace l'alinéa 13 par deux alinéas citant les différents modèles de reprise par les salariés et le droit du comité d'entreprise (CE) de recourir à un expert. Il serait souhaitable que les ministères concernés élaborent un guide méthodologique présentant les différents modèles de reprise par les salariés. Ce serait apprécié des chefs d'entreprise concernés par cette procédure.
M. Gérard Longuet. - Ce droit offert au CE, comment le financera-t-il ? Y aura-t-il un abondement exceptionnel sur son budget, ou recourra-t-il à ses ressources habituelles ?
M. Jean Desessard. - L'alinéa 13 dans sa rédaction initiale faisait référence aux Scop et donnait un droit des représentants du personnel plus large.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - S'il n'y a pas de CE, ce droit sera de facto ouvert aux représentants du personnel.
M. Jean Desessard. - Qu'apporte votre amendement ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Une clarification.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 3 supprime la dernière phrase de l'alinéa 19, la notion d'élus concernés étant trop floue.
Mme Isabelle Debré. - On ne sait même pas s'il s'agit d'élus politiques.
M. Gérard Longuet. - Je devrais être favorable à votre amendement, qui simplifie le droit. En général, la compétence économique est reconnue aux régions et aux métropoles. Que le chef d'entreprise ne le sache pas forcément, on peut le concevoir ; mais le préfet devrait pouvoir prévenir la collectivité concernée. Par ailleurs, en général, ce type de projets concerne les parlementaires. Ne prévenir que les maires est risqué, surtout avec la fin du cumul.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Le président de la communauté d'agglomération est aussi souvent directement concerné.
Mme Isabelle Debré. - Et la région !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - En effet. Pourquoi ne pas écrire « et les collectivités compétentes en développement économique » ?
Mme Isabelle Debré. - Cela écarterait les parlementaires.
M. Jean-Noël Cardoux. - Si le maire est au courant, tous les élus le sont...
Mme Muguette Dini. - Pas forcément !
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - La rédaction proposée par Jean-Marie Vanlerenberghe est intéressante ; je retire l'amendement et le reformulerai d'ici la séance.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 4 ajoute à l'alinéa 28 que les entreprises candidates à la reprise de l'établissement sont tenues à une obligation de confidentialité. Il fallait préciser les limites que cet alinéa pose à l'accès à toutes les informations nécessaires de l'entreprise cédante : ne pas porter atteinte aux intérêts de l'entreprise ni mettre en péril la poursuite de l'ensemble de l'activité de l'entreprise cédante.
M. Gérard Longuet. - Ce texte est passionnant : sa problématique est au coeur de notre vie depuis le deuxième choc pétrolier. L'expérience montre que les hommes politiques, tant décriés par la presse, sont les plus sollicités et les plus actifs pour trouver une solution à ces dossiers. Je vois une difficulté : l'entreprise candidate est soumise à une obligation de confidentialité, mais si les élus ou le CE sont mobilisés, la diffusion de l'information est inévitable. Dans l'affaire Florange, l'opération de substitution à la fermeture que nous avons montée a fini par être connue. Si le repreneur a accès à une data room, à une pièce où sont stockées les données, celles-ci finissent par être connues.
Concrètement, un repreneur, actionné par les syndicats ou par les élus locaux, informe des obstacles auxquels il se heurte ; les élus locaux voient si une cession de terrain ne pourrait pas générer du cash flow, le parlementaire rencontre le ministre pour qu'un crédit d'impôt puisse être utilisé... Comment assurer dans ces conditions la confidentialité ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement ne fait que compléter le dispositif : comme la confidentialité est exigée du CE, elle l'est aussi du repreneur.
Mme Annie David, présidente. - Par parallélisme des formes.
M. Jean-François Husson. - Pour Mory Ducros, entreprise nationale multisite, la confidentialité n'a pu être respectée par le CE.
M. Gérard Longuet. - Nous ne pouvons pas l'empêcher : c'est dans son intérêt.
M. Jean-François Husson. - Je suis très mal à l'aise dans ce débat sur une proposition de loi examinée en urgence qui semble totalement décalée par rapport à la réalité.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 6 complète la deuxième phrase de l'alinéa 33 par les mots : « dans les conditions prévues à l'article L. 2325-5. », lequel prévoit que les membres du comité d'entreprise et les représentants syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l'égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l'employeur. Nous voulons replacer cet élément dans le cadre juridique actuel plutôt que d'ajouter une règle spécifique.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis pour la commission des lois. - La commission des lois s'est saisie des articles 1er, 3, 5, 7, 8 et 9 et a adopté les amendements que je présente à l'unanimité. Leur objectif est de garantir la rigueur de la procédure, de distinguer la vérification de la sanction, de veiller, pour des raisons constitutionnelles, au respect des droits de la défense et de consolider le ministère public comme gardien de l'ordre public.
L'amendement n° 34 supprime la faculté, pour le comité d'entreprise, de participer directement à la recherche d'un repreneur, dans la mesure où cela ne relève pas de ses attributions traditionnelles en matière économique, où il a un rôle avant tout consultatif. Il est en outre contestable que la recherche d'un repreneur ne soit pas une prérogative exclusive de l'employeur, qui est seul tenu à des obligations de recherche d'un repreneur et qui peut être sanctionné pour cette raison.
M. Jean Desessard. - Je défends le principe de la cogestion ; je voterai donc contre cet amendement.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - J'en propose le retrait : c'est une simple faculté, et non une obligation. Je me suis interrogée sur le risque que courait le CE d'être juge et partie. Mais son rôle de recherche est forcément limité, même si l'expérience montre qu'il peut être très utile.
M. Gérard Longuet. - Sur ce sujet sensible, je serais plutôt de l'avis du rapporteur. Dans les cas de déshérence, le CE reste une institution, qui a les moyens matériels d'ouvrir la porte. Donner le sentiment qu'il ne peut pas participer aux recherches serait regrettable. Je ne suis pas un maniaque de la cogestion ni des coopératives ouvrières, mais force est de reconnaître que c'est parfois la solution. Il serait absurde de se priver de cette possibilité.
M. Jacky Le Menn. - En effet, sans être un thuriféraire de la cogestion, le bon sens nous oblige à conserver le maximum de possibilités.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - C'est une révolution, de voir ainsi des libéraux défendre la cogestion à l'allemande, la Mitbestimmung, mais c'est une opportunité qu'il faut saisir. Quand le CE s'est impliqué dans la recherche d'une solution, les choses se passent beaucoup mieux.
Mme Isabelle Debré. - J'ai un principe : il ne faut jamais hésiter à donner plus de liberté. L'adhésion est plus forte si le CE participe ; je voterai contre l'amendement.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - Le chef d'entreprise n'ayant pas mené cette recherche peut être sanctionné : comment partagera-t-il la responsabilité avec le CE ?
M. Gérard Longuet. - C'est une bonne remarque.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 12 répond à votre question.
Mme Annie David, présidente. - Vous parlez de révolution : Lejaby, une belle réussite de reprise par les salariés, vient d'organiser un très beau défilé. Parfois cela marche, et même très bien !
L'amendement n° 34 n'est pas adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement de simplification n° 7 donne au CE accès à l'ensemble des informations visées à l'article L. 1233-57-14 : il pourra vérifier si l'employeur a bien informé, par tout moyen approprié, les repreneurs potentiels de son intention de céder l'établissement, et accéder au document de présentation de l'employeur et au bilan environnemental éventuel.
M. Gérard Longuet. - Quand vous allez au marché de Brive-la-Gaillarde, vous vendrez moins bien votre vache si vous affichez d'emblée votre volonté de la vendre que si vous présentez cette vente comme une possibilité.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 8 précise que le CE choisit l'expert « de son choix ».
Mme Isabelle Debré. - Même s'il est rémunéré par l'entreprise ? Même si l'entreprise s'y oppose ?
Mme Annie David. - C'est déjà le cas.
Mme Isabelle Debré. - Pourquoi le préciser, dans ce cas ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Pour mettre la proposition de loi en conformité avec le code du travail.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 9 tend à obliger le repreneur à garantir la viabilité de l'établissement par ses propres ressources, étant entendu qu'il peut bénéficier d'emprunt bancaire, naturellement : certaines entreprises candidates à la reprise pourraient profiter de l'absence de marge de négociation de l'entreprise cédante pour proposer des montages juridiques hypothétiques ou exiger d'elle de trop grandes contributions.
M. Gérard Longuet. - Voilà un bel hommage du vice à la vertu. Si l'entreprise est obligée de chercher un repreneur, ce dernier surenchérira exactement comme vous le dites. L'intention de votre amendement est louable, mais il est inopérant. Vous reconnaissez ainsi que vous créez un déséquilibre. Un repreneur demande forcément que l'entreprise reste aussi rentable que possible. Un équipementier automobile voudra conserver l'outillage, les personnes bien formées et le portefeuille clients. C'est votre projet lui-même que vous tuez avec cet amendement. Les Scop qui marchent sont celles qui sont aidées par l'employeur initial.
Mme Annie David, présidente. - Il faut pourtant que ses engagements reposent sur ses ressources.
M. Gérard Longuet. - Mais vous ne proportionnez pas ; c'est le pâté de cheval et d'alouette.
M. Jean Desessard. - J'ai un problème de forme : nous sommes saisis d'une liasse d'amendements dont nous mesurons mal la portée. Nous ne travaillons pas dans de bonnes conditions.
Mme Isabelle Debré. - Tout à fait d'accord : nous allons trop vite pour travailler sérieusement. Le titre de cette proposition de loi, « reconquérir l'économie réelle », est beau...
M. Jean Desessard. -Très beau!
Mme Isabelle Debré. - ... mais les amendements font fi de la réalité. Les repreneurs lisant un tel texte seront découragés, et les étrangers ne comprendront rien. Où est le choc de simplification ? Où est le choc de compréhension ?
Mme Annie David, présidente. - La rapporteure a présenté ses amendements dans sa présentation liminaire.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'objectif est que les entreprises en déshérence, comme dit Gérard Longuet, ne tombent pas entre les mains...
M. Gérard Longuet. - De repreneurs comme Bernard Tapie ?
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Je n'osais le dire ; en tout cas, de personnes qui n'apportent rien que ce qu'ils y trouvent.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Qui ne cherchent que la revente à la découpe.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 35 est satisfait par l'amendement n° 1 de la rapporteure.
L'amendement n° 35 est satisfait.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 36 vise à améliorer la cohérence de la codification, au sein du code de commerce, du contrôle de l'obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement, en créant à cet effet un nouveau titre VII à la fin du livre VII du code de commerce relatif aux juridictions commerciales et à l'organisation du commerce, lequel comporte déjà quelques dispositions diverses.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - A ce stade, je crois plus prudent de demander à Félix Desplan de bien vouloir retirer ses amendements nos 36 à 53 qui refondent la procédure devant le tribunal de commerce. Il ne me semble pas opportun de présenter un texte comportant des dispositions que je n'ai pas eu le temps d'examiner sereinement - je n'en ai eu connaissance que lundi soir - et sur lesquelles je n'ai pas pu solliciter les expertises souhaitées.
Ces amendements comportent des pistes intéressantes, notamment une meilleure insertion dans le code de commerce et la séparation entre procédures de vérification et de sanction. Mais ils suscitent un grand nombre de questions, que nous ne pourrons pas trancher. Est-il vraiment nécessaire de s'inspirer à ce point des procédures collectives ? Faut-il mentionner la compétence supplétive du tribunal de grande instance, compétent pour les associations et les entreprises agricoles ? L'expression « personne propriétaire de l'établissement » est moins claire et opérationnelle que celle de « dirigeant d'entreprise ». La possibilité de désigner un juge commissaire me semble possible aujourd'hui dans le silence du texte. Il ne me semble pas nécessaire de prévoir une disposition spécifique sur l'administrateur judiciaire. Le ministère public se voit confier un nouveau rôle, notamment de saisine du tribunal pour qu'il prononce une sanction, rompant ainsi le monopole conféré au comité d'entreprise. Le délai d'un mois que vous proposez pour la procédure de vérification paraît raisonnable, mais le mois supplémentaire pour la procédure de sanction est trop long. J'invite Félix Desplan à redéposer ces amendements d'ici la séance publique, en prenant en compte mes quelques remarques s'il le juge nécessaire.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - Je prends bonne note de vos remarques, mais par respect pour la commission des lois, je ne peux retirer ses amendements votés à l'unanimité.
Mme Annie David, présidente. - La commission des affaires sociales aura plus de temps pour les examiner en tant qu'amendements extérieurs.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - Je comprends que vous ne puissiez pas les examiner du jour au lendemain.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Mon avis est donc défavorable, à défaut de retrait, sur les amendements n° 36 à 54.
Les amendements nos 36, 37, 38 et 39 ne sont pas adoptés.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 10 précise que le tribunal de commerce compétent est celui dans le ressort duquel la société a son siège social.
L'amendement n° 10 est adopté.
Les amendements nos 40, 41, 42, 43 et 44 ne sont pas adoptés.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 11 doit être discuté en même temps que l'amendement n° 45 de Félix Desplan, qui va dans le même sens. Il sécurise juridiquement la procédure de recherche de repreneur eu égard aux principes à valeur constitutionnelle que sont le droit de propriété et la liberté d'entreprendre. Il élargit ainsi le champ des motifs légitimes de refus de cession, tout en précisant que la mise en péril de l'entreprise peut ne concerner qu'une partie de son activité. Un groupe pourra ainsi arguer de la mise en péril de la poursuite d'une de ses activités pour refuser une offre, sans qu'il soit nécessaire de prouver que l'acceptation de cette offre entraînerait la mise en péril de l'ensemble de l'activité du groupe. En outre, il autorise expressément un employeur à refuser de céder un site s'il estime que l'offre de reprise est proposée à un prix manifestement sous-évalué. Je souhaite apporter en séance un aménagement sur ce dernier point, qui pourrait poser un problème à une reprise par les salariés.
M. Dominique Watrin. - Ce n'est pas seulement ce dernier point qui pose un problème : nous sommes défavorables à tout élargissement des possibilités de refus de reprise.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement sera complété la semaine prochaine si le dernier alinéa pose problème.
L'amendement n° 11 est adopté.
L'amendement n° 45 est satisfait.
Les amendements nos 46, 47 et 48 ne sont pas adoptés.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 12 précise que le montant de la pénalité tient compte uniquement des efforts de l'employeur pour chercher un repreneur, et non du comité d'entreprise.
L'amendement n° 12 est adopté.
L'amendement n° 49 n'est pas adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 13 précise l'entité au sein de Bpifrance qui sera destinataire des pénalités.
Mme Catherine Procaccia. - Au premier changement d'organigramme, il faudra changer la loi...
L'amendement n° 13 est adopté.
L'amendement n° 50 n'est pas adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 14 supprime la possibilité pour le tribunal de commerce de prononcer le remboursement des aides publiques, dont il n'a d'ailleurs pas une connaissance exhaustive. Cette prérogative doit être conservée aux personnes publiques concernées, en précisant que la demande de remboursement doit respecter les clauses contractualisées lors de l'attribution de l'aide.
M. Dominique Watrin. - Je n'y suis pas favorable. Il serait préférable de prévoir l'information du CE sur toutes les aides reçues pour que le tribunal de commerce puisse demander leur remboursement.
L'amendement n° 14 est adopté.
L'amendement n° 51 n'est pas adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 15 relève le délai laissé au tribunal pour rendre son jugement de 14 jours à un mois : il serait contradictoire de mettre en place une procédure ambitieuse de recherche de repreneur sans donner au tribunal de commerce le temps nécessaire pour remplir correctement son office.
L'amendement n° 15 est adopté.
Les amendements nos 52, 53 et 54 ne sont pas adoptés.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 16 reporte l'entrée en vigueur de l'obligation de recherche d'un repreneur du 1er janvier 2014 au 1er juillet 2014.
L'amendement n° 16 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 1er bis
L'article 1er bis est adopté sans modification.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
Article 3
L'article 3 est adopté sans modification.
Article 4
La suppression de l'article 4 est maintenue.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 64 de la commission des finances procède à plusieurs ajustements rédactionnels et corrige une incohérence : en l'état actuel, le III de l'article 4 bis interdit à tout actionnaire dont l'OPA a échoué d'augmenter sa participation dans la société sans lancer une nouvelle OPA, même s'il ne possède que 10 % du capital. Or le droit des offres publiques en vigueur impose de déclencher une OPA uniquement si un actionnaire vient à posséder plus de 30 % du capital ou des droits de vote. Cet amendement limite donc la règle en cohérence.
L'amendement n° 64 est adopté.
L'amendement n° 17 est retiré, ainsi que l'amendement n° 18.
L'article 4 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 4 bis
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 65 de M. Todeschini au nom de la commission des finances introduit une dérogation aux règles de caducité de l'offre publique pour tenir compte de la clause dite de grand-père. Avis favorable.
L'amendement n° 65 est adopté et devient un article additionnel.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement n° 66 de M. Todeschini au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 66 est adopté.
L'article 4 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 55 supprime l'article 5, qui prévoit l'application automatique des droits de vote doubles dans les sociétés cotées, en raison de son absence d'effet réel significatif, voire de ses effets négatifs. Cette disposition suscite une réprobation quasi unanime des acteurs concernés.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Avis défavorable.
L'amendement n° 55 n'est pas adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Outre plusieurs améliorations rédactionnelles, l'amendement n° 67 de M. Todeschini au nom de la commission des finances prévoit que les sociétés qui ont déjà mis en place des droits de vote double ne seront pas concernées par l'automaticité du droit de vote double. Avis favorable.
L'amendement n° 67 est adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Les amendements n° 32 et 19 sont satisfaits par l'amendement précédent.
Les amendements n° 32 et 19 tombent.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - L'amendement de repli n° 56 autorise les statuts ou l'assemblée générale extraordinaire à prévoir une durée supérieure à deux ans pour bénéficier de droits de vote double.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'article 2 autorise déjà les statuts à prévoir une durée de détention plus longue, par exemple 5 ans. Avis favorable sous réserve d'une rectification : il est inutile de viser l'assemblée générale extraordinaire, car elle seule peut modifier les statuts. Il convient donc de supprimer les mots « ou l'assemblée générale extraordinaire ».
L'amendement n° 56 rectifié, est adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 20 instaure une clause de rendez-vous afin que l'assemblée générale examine au moins tous les deux ans la question du droit de vote double.
L'amendement n° 20 est adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'alinéa 5 supprime le droit de vote double quand les actions ont été transférées indirectement à un autre porteur. Cette mesure semble difficile à appliquer. L'amendement n° 21 la supprime.
L'amendement n° 21 est adopté, ainsi que les amendements nos 57 et 68 identiques.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 58 est un amendement de repli et de coordination.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Il est satisfait par l'adoption de l'amendement n° 67. J'en demande le retrait.
L'amendement n° 58 tombe.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'article L. 2323-21 du code du travail prévoit que les comités d'entreprise de l'initiateur et de la cible doivent être réunis « immédiatement » lors du dépôt d'une offre. L'amendement n° 22 précise les délais.
L'amendement n° 22 est adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 24 supprime la notion « ensemble des intérêts », mal définie, afin d'éviter des contentieux éventuels devant le tribunal de grande instance. La proposition de loi détaille déjà les thèmes que doit présenter l'initiateur de l'offre devant le comité d'entreprise et le contenu du rapport de l'expert-comptable.
L'amendement n° 24 est adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 25 est un amendement de compromis entre le texte voté par l'Assemblée nationale et la position de l'Autorité des marchés financiers. Il évite un allongement excessif du calendrier des offres publiques en encadrant la nouvelle attribution d'information et de consultation du comité d'entreprise en cas d'OPA.
L'amendement n° 25 est adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 26 clarifie la notion d'acquisition du contrôle d'une entreprise cible, en se référant à la définition établie par le code de commerce.
L'amendement n° 26 est adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 27 clarifie l'usage du terme « engagement » de l'auteur de l'offre publique d'acquisition. Il oblige l'auteur de l'offre à présenter devant le comité de l'entreprise-cible ses « déclarations d'intentions », et, s'il le souhaite, à prendre des « engagements ».
L'amendement n° 27 est adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 28 restreint les nouvelles missions du comité d'entreprise aux seules OPA qui aboutissent à un changement de contrôle.
L'amendement n° 28 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 30 applique les mêmes règles en matière d'actions gratuites (plafond de 30 %) aux salariés des PME qui ne sont pas cotées qu'aux entreprises cotées.
L'amendement n° 30 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 59 supprime l'article 8.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Avis défavorable.
L'amendement n° 59 n'est pas adopté.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 60 est rédactionnel.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Avis favorable sous réserve d'une rectification pour le rendre identique à l'amendement suivant n° 69 de M. Todeschini. Il s'agit juste de parler de "décision" au singulier à l'alinéa 3.
L'amendement n° 60 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement n° 69 identique.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 61 est un amendement de repli.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'adoption de l'amendement n° 70 de M. Todeschini au nom de la commission des finances, plus complet, rendrait cet amendement sans objet. Retrait.
L'amendement n° 61 est retiré.
L'amendement n° 70 est adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement n° 71 de M. Todeschini au nom de la commission des finances qui donne la possibilité aux les statuts d'une entreprise cotée de réintroduire le principe de neutralité des organes de gouvernance.
L'amendement n° 71 est adopté.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 62 de M. Desplan au nom de la commission des lois prévoit que le principe de neutralité ne joue pas si une OPA émane d'une société qui ne l'applique pas. L'amendement n° 71 est plus large. Demande de retrait.
L'amendement n° 62 est retiré.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 31 limite le champ d'application du rapport pour ne pas porter préjudice à l'Etat actionnaire.
L'amendement n° 31 est adopté.
L'article 8 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 8 bis
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement n° 72 de M. Todeschini au nom de la commission des finances qui instaure un délai de trois mois pour l'entrée en vigueur des dispositions des articles 4 ter, 6 et 8.
L'amendement n° 72 est adopté et devient article additionnel.
M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - L'article 9 est un cavalier : l'amendement n° 63 tend à le supprimer.
Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Avis favorable, comme à l'amendement de suppression identique n° 33 de M. Bourquin au nom de la commission des affaires économiques.
Les amendements nos 33 et 63 sont adoptés et l'article 9 est supprimé.
Mme Isabelle Debré. - Nous ne participerons pas au vote. Comment se prononcer alors que nous avons examiné les amendements dans la précipitation ?
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Reconquérir l'économie réelle - Désignation de candidats à une éventuelle commission mixte paritaire
La commission procède enfin à la désignation des candidats appelés à faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle.
Elle désigne en tant que membres titulaires : Mmes Annie David, Anne Emery-Dumas, MM. Georges Labazée, Jean-Marc Todeschini, Gérard Longuet, Mme Catherine Procaccia et M. Hervé Marseille, et en tant que membres suppléants : Mme Jacqueline Alquier, MM. Gilbert Barbier, Martial Bourquin, Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Colette Giudicelli et M. René Teulade.