- Mardi 21 janvier 2014
- Mercredi 22 janvier 2014
- Formation professionnelle, emploi et démocratie sociale - Table ronde de représentants des organisations syndicales de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO)
- Formation professionnelle, emploi et démocratie sociale - Audition de Mmes Agnès Le Bot, secrétaire confédérale et Catherine Perret, membre de la commission exécutive confédérale, de la Confédération générale du travail (CGT)
- Nomination d'un rapporteur
- Jeudi 23 janvier 2014
Mardi 21 janvier 2014
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) - Audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes
Mme Annie David, présidente. - L'enquête réalisée par la Cour des comptes sur l'Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) résulte d'une saisine conjointe de la commission des affaires sociales et de la commission des finances. L'enquête a été confiée à la 5e chambre de la Cour des comptes et va nous être présentée par sa présidente, Mme Anne Froment-Meurice, qui est accompagnée par MM. Pascal Duchadeuil, Michel Davy de Virville et Mme Sylvie Esparre, conseillers-maîtres à la Cour des comptes. Sont également présents M. Hervé Estampes, directeur général de l'Afpa et M. Christophe Strassel, chef du service du financement et de la modernisation de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle.
Il y a un peu plus d'un an et demi, l'annonce de graves difficultés financières et la démission du président de l'Afpa ont révélé une situation préoccupante - que nous dénoncions depuis plusieurs années. Le 10 octobre 2012, le nouveau président de l'Afpa, Yves Barou, avait présenté à notre commission un premier diagnostic et esquissé les axes d'un plan de refondation destiné, avec le soutien de l'Etat, à replacer l'association sur une trajectoire viable et à préserver ses compétences et son savoir-faire en matière de formation professionnelle.
Nous avons souhaité que la Cour des comptes nous éclaire sur les raisons qui ont conduit à cette situation. L'Afpa a pu être déstabilisée par la réforme qui lui a été imposée en 2009 et dans laquelle elle s'est engagée sans y être préparée. A cela, s'ajoutent des mesures de gestion peu opportunes.
Cette enquête vient à point nommé, alors que commence prochainement l'examen du projet de loi sur la formation professionnelle, qui devrait comporter une disposition relative aux emprises immobilières utilisées par l'Afpa.
Mme Anne Froment-Meurice, présidente de la 5e chambre de la Cour des comptes. - Cette enquête a été menée au premier semestre 2013, à la demande conjointe des présidents de la commission des Affaires sociales et de la commission des Finances. Elle est intervenue dans une période de grands bouleversements pour l'association : la détérioration de sa situation financière a entraîné la démission de son président et de son directeur général. Leurs successeurs ont été nommés en juin 2012 et en janvier 2013. Les équipes ont été profondément renouvelées aux niveaux régional et national. Le président a proposé un plan de refondation à mener entre 2013 et 2017, pour transformer le modèle pédagogique de l'association, développer l'offre et redresser la situation financière.
Le champ d'investigation de la Cour a été défini en concertation avec les deux commissions du Sénat. Il couvre quatre axes d'analyse : l'organisation et la gouvernance de l'association, la formation des demandeurs d'emploi - l'enquête se concentrant alors sur les régions Champagne-Ardennes, Provence, Alpes, Côtes-d'Azur et Rhône-Alpes - la gestion et la situation financières et, enfin, l'immobilier.
Depuis 2009, l'association a perdu son statut d'opérateur de l'Etat, pour se positionner parmi d'autres intervenants sur le marché de la formation professionnelle, dont elle représente 5 % du chiffre d'affaires total. En dépit de ces évolutions, les statuts et la gouvernance de l'association restent marqués par une présence forte de l'Etat. Il est temps que celui-ci clarifie sa stratégie vis-à-vis de l'Afpa. Désormais soumise au droit de la concurrence, l'association doit adapter son offre de formation à ses nouveaux clients et aux exigences des conseils régionaux. Or, cette adaptation tarde à se réaliser. Le plan d'entreprise 2004-2009, dans un climat social difficile, n'a pas atteint ses objectifs de réduction des effectifs. Le plan stratégique pour la période 2010-2014 reposait sur des choix de gestion et d'organisation inadaptés et il a dû être interrompu en 2012. L'Afpa a tardé à intégrer le rôle de la région dans la formation professionnelle et son organisation territoriale n'a pas évolué. Entre 2007 et 2012, l'Afpa a perdu 24 % de ses stagiaires et plus du tiers de ses stagiaires demandeurs d'emploi, qui constituaient son public prioritaire. Le plan de refondation de 2012 est une dernière chance donnée à l'Afpa. Il renforce l'ingénierie aux niveaux national et régional, il abandonne les structures interrégionales et les campus pour revenir à une organisation régionale renforcée afin de mieux répondre à la demande des collectivités et de Pôle Emploi.
Traditionnellement, l'Afpa est l'opérateur de référence pour la formation des demandeurs d'emploi : plus de la moitié d'entre eux sont à nouveau dans l'emploi six mois après l'obtention d'un titre professionnel. Cependant, sa place sur le marché de la formation des demandeurs d'emploi n'est pas à la hauteur de ses possibilités, puisqu'elle n'obtient que 22 % des financements consacrés à la formation professionnelle. C'est la conséquence d'une adaptation tardive à la commande régionale et d'une absence systématique d'analyse du marché. Le déroulement de la formation fait également l'objet de critiques des usagers, qui dénoncent des matériels pédagogiques non disponibles, une absence fréquente des formateurs - le principe « une formation, un formateur » fragilise l'organisation.
La situation financière de l'Afpa résulte d'une conjugaison de difficultés d'adaptation et d'erreurs stratégiques. L'association a enregistré une perte de 92 millions d'euros en 2012, soit 10 % de son chiffre d'affaires. Une aide de l'Etat lui a été versée sous forme d'obligations associatives d'un montant de 110 millions d'euros, en juin 2013. Aujourd'hui, la situation économique et financière de l'association reste fragile. Le plan de refondation repose sur des hypothèses très ambitieuses. Les prévisions de résultats établies le 30 octobre 2013 montraient que les objectifs fixés pour 2013 ne seraient probablement pas atteints : une perte de 38 millions d'euros est à envisager. La Cour envisage des voies d'amélioration interne et juge que des progrès demeurent possibles en complément du soutien des pouvoirs publics et des banques, en poursuivant les efforts entrepris : réduction des effectifs du siège, révision des rémunérations et des avantages attribués, renforcement de la mobilité, en particulier des formateurs qui représentent moins de la moitié des effectifs, progrès dans la facturation et la gestion des stocks.
Les implantations immobilières de l'Afpa relèvent du patrimoine de l'Etat, mis à disposition de très longue date, dans le cadre de baux avantageux qui n'ont pas été révisés, et ce parc n'est ni suffisamment entretenu ni même convenablement répertorié. Le transfert de ces biens immobiliers à l'association, décidé par la loi d'août 2009, s'est heurté à la censure du Conseil constitutionnel, qui a considéré qu'il s'agissait de biens publics protégés, même si l'intégralité de ce patrimoine est constatée à l'actif du bilan de l'association. Les avis convergent sur la solution des baux emphytéotiques administratifs, mais leurs modalités de mise en oeuvre restent floues et font encore l'objet de désaccords entre l'Afpa et France Domaine. Ces incertitudes ont des conséquences défavorables sur la gestion, car les baux sont prévus comme garantie bancaire dans le plan de refondation et dans le partenariat avec Adoma. La rationalisation reste inachevée concernant le maillage sur les territoires mais aussi les centres de formation d'Ile-de-France et le siège.
La Cour formule douze recommandations. Elle appelle l'Etat à clarifier sa stratégie vis-à-vis de l'Afpa, en mettant fin à une situation ambiguë, l'Etat intervenant dans la gestion d'une association devenue un organisme de formation banalisé, soumis aux règles de la concurrence. Elle recommande à l'Afpa d'adapter son organisation de stages aujourd'hui fragilisée, et de systématiser ses analyses des marchés national et régional. Enfin, elle insiste sur la poursuite du processus de négociation sur le maillage territorial, sans que la contrainte d'aménagement du territoire prévale sur la rationalisation indispensable du patrimoine immobilier de l'Afpa.
M. Hervé Estampes, directeur général de l'Afpa. - A ce stade, nous n'avons pas de réserves à formuler car nous avons été entendus par la Cour et avons pu lui communiquer nos observations. J'ai été nommé directeur général il y a un an. Nos priorités à court terme ont été de garantir le financement du plan de refondation, assuré en grande partie par l'Etat depuis janvier, mais aussi par des banques privées. Il s'agissait aussi d'apaiser un climat social délabré, en renouant le dialogue et en remobilisant l'entreprise. Il fallait également rénover l'offre pédagogique de l'association, datée, calée sur un répertoire des métiers obsolète, et manquant de souplesse. Enfin, il convenait de réorganiser l'Afpa en entreprise, car ayant toujours vécu sous subventions, l'association débutait dans des pratiques telles que la facturation, le recouvrement de créances, les techniques du marketing, etc.
Pour 2013, le budget prévisionnel s'établissait à 784 millions d'euros. Nous ne devrions réaliser que 755 millions environ. Cependant, ce manque à gagner de 30 millions d'euros tient à des retards dans les appels d'offre et à l'arrêt de certains projets. Nous n'avons paradoxalement pas besoin de financements complémentaires, car le plan de refondation prévoyait un volume d'investissements important, que nous avons réduit. La trésorerie est donc restée excédentaire pendant toute l'année grâce aux dotations et à une gestion prudente.
L'année écoulée a été celle d'une restructuration très forte qui a conduit à réduire les effectifs en supprimant 360 équivalents temps plein. Cette réduction s'est faite avec un haut niveau de dialogue social. En témoignent les élections syndicales de décembre, où le taux de participation a été de 85 % : les deux syndicats qui avaient signé le plan de refondation sont sortis renforcés de cette consultation.
Le budget 2014 a été élaboré alors que nous n'avions pas de certitudes quant au plan « formations prioritaires pour l'emploi », qui est finalement un « plan 100 000 ». Notre budget a été audité par le cabinet Mazard, qui a validé l'ensemble des hypothèses. Le budget prévoit le retour à un excédent brut d'exploitation (légèrement) positif, alors qu'il est négatif de 35 millions d'euros en 2013. Mazard a noté une inflexion au mois de juillet. C'est que nous sommes à présent en ordre de bataille ! Après une année de restructuration, 2014 devrait marquer un progressif retour aux fondamentaux et à l'équilibre financier. Nous allons déployer une nouvelle offre pédagogique, plus modulaire. En découpant les formations, en raisonnant sur les champs de métiers, nous pourrons dégager des formations communes à plusieurs métiers. Ainsi, les effectifs seront mieux gérés et on gagnera en souplesse. Cette nouvelle offre sera présentée le 18 mars 2014.
Il serait utile de développer une formation à rayonnement national. En effet, certaines formations demandent un lourd investissement : je songe aux domaines des énergies renouvelables ou de la fibre optique. Tel gros centre de formation aux métiers du BTP, dans la région Limousin, a un rayonnement qui excède les limites régionales. Or, ces formations souffrent d'une insuffisance des commandes régionales. Il faudrait sensibiliser le législateur pour que ces offres soient identifiées et mieux financées au niveau national, sans pour autant mettre en cause la régionalisation. Une combinaison vertueuse est possible entre ces deux niveaux. J'ai ainsi inauguré tout récemment à Cherbourg notre premier centre national spécialisé dans les métiers du secteur des énergies marines renouvelables.
La situation concurrentielle de l'Afpa n'est pas favorable. Sur le marché des demandeurs d'emploi demeure un seul acheteur, les régions, qui partagent leurs commandes entre 58 000 organismes de formation. Nous le reconnaissons, dans la course aux formations low cost, l'Afpa ne peut que perdre. Pour convaincre, il nous faut par conséquent segmenter le marché en distinguant ce qui relève de la simple formation et ce qui est un processus de retour à l'emploi, où entrent en ligne de compte la qualification, l'accompagnement, l'hébergement des stagiaires. Les stagiaires de l'Afpa demandeurs d'emploi ont 68 % de chances de trouver un emploi, contre 54 % dans les autres organismes. Le prix cassé n'a pas lieu d'être dans le monde de la formation. L'Afpa est dans une démarche qualitative, même si certains conseils régionaux refusent de payer ce qui est autour de la formation, la restauration ou l'hébergement. C'est un défi pour l'Afpa.
Les baux emphytéotiques administratifs (BEA) ont deux finalités. Ils servent de garanties pour mobiliser du crédit à moyen terme. Ils assurent aussi une autonomie de gestion, qui ouvre la voie à de possibles partenariats, donc une meilleure mutualisation des moyens, ainsi que des économies sur l'argent public et la possibilité pour l'Afpa de rénover ses 134 sites d'hébergement. Cependant, la problématique des BEA reste complexe. A ce jour, nous en avons signé deux. Nous ne sommes pas capables de financer seuls des travaux coûteux, par exemple pour aménager des accès handicapés. Aujourd'hui, un BEA est réellement en place, sur l'autre, le directeur départemental demande des modifications. La Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) devrait nous aider à trouver des processus plus simples. La solution pourrait être dans le déclassement des biens dans le domaine privé, qui serait plus efficient pour prévoir les investissements.
M. Christophe Strassel, chef du service du financement et de la modernisation, Délégation générale à l'emploi et la formation professionnelle (DGEFP). - La procédure contradictoire a été riche et ouverte. La DGEFP est en accord avec la Cour des comptes pour ce qui est du diagnostic, des pistes et des orientations de son rapport.
L'Afpa a été pendant longtemps un opérateur historique de l'Etat, depuis sa création en 1949. La position de l'Etat a varié. Quoi qu'il en soit, il a déstabilisé cette institution et doit aujourd'hui préciser ce qu'il attend d'elle dans le cadre de sa politique de l'emploi. La régionalisation de la formation professionnelle a mis en difficulté l'Afpa, contrainte de se tourner vers de nouveaux commanditaires. Les subventions d'Etat ont laissé place aux marchés publics, impliquant la transformation des procédures et des offres. Le mouvement est en cours. C'est une évolution positive.
L'Afpa a perdu certaines compétences : son action en matière d'orientation des demandeurs d'emploi s'est trouvée limitée par le rattachement de ses psychologues à Pôle Emploi. L'Afpa a également subi la diminution des commandes pour la formation des travailleurs handicapés. Enfin, il a fallu s'habituer à une nouvelle logique, celle du marché public, qui repose non sur une stratégie unique dans l'ensemble du territoire, mais sur des modalités propres à chaque région.
L'Afpa possède une compétence en matière de titres professionnels, 3,5 millions de salariés en 2011 sont passés par l'Afpa, mais également une expertise reconnue en matière de formation individuelle, un savoir-faire dans la formation des populations les plus éloignées de l'emploi, et un maillage territorial dense et diversifié : les demandeurs d'emploi accèdent ainsi sans difficulté à la formation. La politique du titre justifie les subventions que l'Etat verse à l'Afpa en tant que composante du service public de l'emploi. L'Afpa enregistre 80 % de réussite sur l'ensemble de ses stagiaires. La formation des demandeurs d'emploi est un autre atout de l'Afpa. L'association bénéficiera de 20 % environ, sans doute, de l'opération menée pour la formation prioritaire de 100 000 demandeurs d'emploi. L'Afpa reste un acteur essentiel, sur lequel l'Etat peut compter.
Pour soutenir le plan de refondation l'Etat accordera une participation en fonds propres de 200 millions d'euros de 2013 à 2015 ; 120 millions d'euros ont déjà été versés. Un suivi particulier est assuré par les différentes administrations de l'Etat, la DGEFP, le Comité interministériel de restructuration industrielle, la direction du budget. L'Etat s'implique également dans le volet immobilier, en soutenant la démarche des BEA : douze doivent être signés cette année, la Délégation à l'emploi se faisant intermédiaire entre France Domaine et l'Afpa.
Mme Annie David, présidente. - Je vais tout d'abord donner la parole à Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales sur le budget du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, puis à François Patriat, rapporteur spécial de la commission des finances sur cette même mission.
M. Claude Jeannerot. - Le plan de refondation de l'Afpa a été rendu nécessaire par une perte financière de 90 millions d'euros, soit 10 % du chiffre d'affaires. Pour l'heure, il manque 30 millions d'euros au chiffre d'affaires attendu en 2013. Une perspective rassurante s'ouvre, celle d'un excédent d'exploitation de 1 à 2 millions d'euros en 2014. Comment parviendra-t-on à cet objectif ? Comment faire pour atteindre le chiffre d'affaires envisagé ? Le déficit des 30 millions d'euros s'explique-t-il par des difficultés dans le recrutement des stagiaires ou parce que l'Afpa n'a pas obtenu les commandes attendues ?
L'exemple de la région Limousin est éloquent. Certes, il est souhaitable de développer des formations à caractère national, mais comment faire quand les acheteurs sont les régions ? La région Bourgogne achètera-t-elle une formation BTP en Limousin ? La formation est d'intérêt national, mais comment lui donner concrètement cette dimension ?
La question du patrimoine est d'actualité puisqu'un projet de loi sera présenté demain au Conseil des ministres rendant possible le transfert aux régions du patrimoine immobilier de l'Etat mis à disposition de l'Afpa. Comment concilier cette démarche avec celles visant à conclure des BEA ? Ne risque-t-on pas de créer une Afpa à deux vitesses ou même de démanteler l'association ? Son patrimoine fait son unité.
Enfin, qu'entendez-vous par « composante du service public de l'emploi », alors que la présidente de la 5e chambre a parlé d'un organisme de formation banalisé ? Certes, il existe une politique du titre. Est-ce suffisant pour parler d'une « composante du service public de l'emploi » ?
M. François Patriat. - Je suis surpris qu'on soit surpris. Le constat d'aujourd'hui n'a rien d'étonnant. L'Afpa n'est pas un organisme de formation ordinaire : considérez ses implantations, son patrimoine, mais aussi la qualité de ses formations... L'Etat fait preuve d'un certain cynisme, il a laissé l'Afpa se débrouiller seule, mais aujourd'hui il reconnaît ses qualités. Elle s'est remise en question, a recentré ses sites, elle a fait de gros efforts et nous sommes prêts à l'aider. La qualité a un prix, les régions le savent et reconnaissent l'offre de l'Afpa comme la mieux-disante quant à la qualité des prestations.
Comme président de région, j'estime que l'Afpa a raison de se remettre en cause et je suis prêt à l'aider, mais je ne puis accepter le transfert des charges, notamment du patrimoine, d'autant que l'Etat nous demande de faire des économies de fonctionnement, ce qui inclut les travaux sur les lycées ou les centres de formation. Les baux emphytéotiques administratifs pourraient être une solution.
L'Afpa doit se concentrer sur ses missions d'intérêt national, et les régions, tenir compte de la qualité des formations dispensées. Pour ma part, je n'accepterai pas la disparition de l'Afpa, outil excellent dont nous avons besoin. Pouvez-vous nous dire quel est le niveau de dialogue que l'Afpa entretient avec les régions ?
M. Hervé Estampes. - Les 30 millions d'euros de déficit sont dus pour un tiers aux retards dans les appels d'offre : 10 millions d'euros financés par l'Etat, via les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), pour financer des missions de mutation économique. La subvention de 2012 a été supprimée et l'on est passé en 2013 aux appels d'offre. Ces appels n'ont pas été faits immédiatement, certains l'ont été en novembre seulement. Nous avons eu un taux de réussite important mais toute la production a été faite sur deux mois, il y a eu un « trou de système ».
En 2013, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) a changé les règles de cofinancement avec les organismes paritaires collecteurs agréés : du jour au lendemain, ces derniers ont arrêté de financer les préparations opérationnelles à l'emploi (POE). Ces règles de cofinancement ont été rétablies en fin d'année, mais nous avons connu un deuxième « trou de système » de 15 millions d'euros durant huit mois. Enfin, Pôle Emploi a réduit sa demande de formation de 5 millions d'euros. Avec les entreprises, nous avions un objectif ambitieux, mais il manque 10 à 12 millions d'euros. A l'inverse, nous disposons d'un excédent de 15 millions sur un budget global de 400 millions avec les conseils régionaux. Le président Yves Barou et moi-même avons établi un dialogue de qualité avec les régions et celles-ci se félicitent de la nouvelle gouvernance de l'Afpa. En cours d'année, nous avons obtenu des lots complémentaires.
Nos relations avec les régions nous mettent dans une position quelque peu schizophrénique : notre maillage territorial est un atout, tout demandeur d'emploi est à une heure au plus d'un centre de formation et les régions apprécient cette contribution à l'aménagement de leur espace. Le ministère des finances, lui, nous demande de réduire le nombre de nos centres pour réduire les coûts. Et toute fermeture se traduit par une perte de chiffre d'affaires. L'équilibre est difficile à trouver !
Certaines régions veulent un centre de formation national. Elles doivent comprendre que cela entraîne des devoirs. La région Limousin, ainsi, est gros prescripteur pour les stages au centre national d'Egletons. Mais allégeons aussi le fardeau des régions qui subissent de fortes contraintes financières. Le financement de l'offre nationale passe par des cofinancements et le FPSPP doit y prendre part.
L'Afpa ne demande pas que son patrimoine soit transféré aux régions. En outre, il faudra réhabiliter ces bâtiments, pour appliquer les prescriptions du Grenelle de l'environnement. Certaines régions sont intéressées par nos équipements car elles envisagent d'en mutualiser certains ; d'autres, disposant déjà de bâtiments vides, ne tiennent pas à s'en charger.
Nous voulons une Afpa capable de présenter une offre nationale, qui réponde à de véritables besoins, comme c'est le cas avec le programme des 34 filières d'avenir. Ainsi, Cherbourg est ravi que l'Afpa y ait installé son centre national pour les énergies marines renouvelables : la région est prête à investir dans ce domaine, car elle anticipe les retombées ; dans ces conditions, que les bâtiments appartiennent à la ville, à la communauté d'agglomération ou à la région est secondaire. J'ajoute que lorsque nous signons des contrats avec La Poste ou avec Carrefour pour former telle ou telle catégorie de personnel, la formation dispensée est la même dans toutes les régions. C'est un atout considérable.
M. Christophe Strassel. - L'appartenance de l'Afpa au service public de l'emploi est inscrite à l'article L. 5311-2 du code du travail. Il y a là une réalité juridique, justifiée par les compétences de l'Afpa pour la politique du titre, la certification et l'ingénierie du titre professionnel.
L'Afpa mène des missions d'intérêt national tout en assurant un maillage territorial très fin. Dans l'annexe financière du FPSPP pour 2014, une dizaine de millions est consacrée au financement de formations à caractère national : l'Afpa répondra aux appels d'offre. Enfin, l'association est l'un des rares acteurs à proposer des hébergements. L'Etat n'est pas cynique : il a consenti 200 millions d'investissements sur trois ans, s'engageant aux côtés de l'Afpa, démontrant sa confiance dans la capacité de l'association à mener à bien son plan de refondation.
Enfin, il n'y aura pas de solution unique sur la question immobilière. Dans certains cas, des baux emphytéotiques administratifs seront conclus, dans d'autres, il y aura transfert du patrimoine immobilier vers les régions. Ce processus prendra du temps et se fera en fonction des besoins locaux.
Mme Christiane Demontès. - Je remercie Mme la présidente de la 5e chambre de la Cour des comptes pour ce rapport. Elle rappelle que près d'un millier de psychologues du travail ont été transférés à Pôle Emploi, et estime que cela a pénalisé l'Afpa. Pourquoi ces psychologues n'orientent-ils plus les demandeurs d'emplois vers des stages Afpa ? Quels sont les rapports des centres de formation avec les prescripteurs en contact avec les demandeurs d'emplois ? L'Afpa ne saisit sans doute pas toutes les opportunités en ce domaine.
Ma deuxième question a déjà été abordée par M. Jeannerot : la petite région du Limousin ne peut pas assumer seule le grand centre de formation aux métiers du BTP d'Egletons. Sur les centres de formation à vocation nationale, l'Etat ne pourrait-il reprendre la main ? Les divers organismes forment des demandeurs d'emploi mais aussi des salariés. L'Afpa démarche-t-elle les entreprises et les branches professionnelles ?
J'ai été vice-présidente de la région Rhône-Alpes au moment de la régionalisation de l'Afpa. Comme le dit le rapport de la Cour des comptes, l'Afpa n'a pas négocié au mieux la régionalisation, elle y est entrée à reculons ! L'offre de formation au niveau régional doit s'inscrire dans la complémentarité plutôt que dans la concurrence. L'Afpa n'a pas encore trouvé sa place dans ce positionnement territorial.
M. Hervé Estampes. - Effectivement, l'Afpa a longtemps pensé qu'il pourrait y avoir un retour en arrière et elle n'a pas abordé les problématiques de manière efficace. En Rhône-Alpes, où elle compte 12 centres et 34 implantations, elle a été laminée dans les appels d'offre. Nous serons meilleurs dans l'avenir !
Mme Christiane Demontès. - J'en ai été désolée...
M. Hervé Estampes. - Nous n'avons pas pris en compte les besoins. Nous avons présenté une offre en catalogue alors que les règles du jeu avaient changé. Ce n'est pas la régionalisation qui nous a fait mal, soit dit en passant, mais la mise en concurrence.
La distinction entre demandeurs d'emplois et actifs est artificielle puisque la même personne peut être l'un et l'autre alternativement. L'Afpa réalise un chiffre d'affaires de 180 millions d'euros avec les entreprises, sur un total de 800 millions. Dans le futur, cette part augmentera. Dans l'immédiat après-guerre, l'Afpa travaillait pour les entreprises. Ce n'est qu'au début des années 1980 qu'elle s'est intéressée aux chômeurs.
Le départ des 900 psychologues vers Pôle Emploi a également pénalisé l'Afpa, car auparavant, ils aiguillaient naturellement les gens vers nos stages. Aujourd'hui, les conseillers de Pôle Emploi ne disposent pas de l'intégralité de la programmation des stages de l'Afpa, ni des autres organismes formateurs. L'affectation des stagiaires est donc très complexe. En Rhône-Alpes, la région dispose du « pilotage régional de l'offre de formation et suivi des prescriptions » (Prosper) tandis que Pôle Emploi utilise le logiciel Cerise. Or, comme ces logiciels ne sont pas interconnectés, les prescripteurs ne savent pas que certains stages sont disponibles dans une autre région.
Les formations nationales devront être identifiées et leur nombre limité. Elles pourraient bénéficier des crédits du programme 412 de la loi de finances, qui concerne le programme des investissements d'avenir. Pour 2014, ce fonds est doté de 150 millions d'euros.
M. Christophe Strassel. - L'Etat doit financer les formations à caractère national, mais son rôle est également d'inciter les différents acteurs à coordonner leurs financements. L'annexe financière du FPSPP prévoit des financements pour les formations à caractère national. En revanche, le plan 100 000 de Pôle Emploi ne repose pas sur des financements directs de l'Etat.
M. Claude Jeannerot. - Certains au sein de l'Afpa, notamment dans les organisations syndicales, caressent l'idée qu'il serait possible de s'affranchir des règles de la concurrence grâce au fameux service d'intérêt économique général (Sieg). Le projet de loi que nous allons examiner prévoit un Sieg pour les personnes en difficultés particulières d'insertion. Quelle serait la place de l'Afpa ?
M. Hervé Estampes. - Le Sieg fonctionne dans six régions : il fédère des opérateurs autour d'un service public régional. En revanche, ce dispositif est d'une extrême complexité et il est bien difficile de calculer la « juste compensation ». Dans ces six régions, nous avons six procédures différentes : je finis par me demander si cette bonne idée ne va pas être tuée dans l'oeuf. Nous aimerions qu'une méthodologie précise et simple soit établie, pour dire qui fait quoi et à quel niveau.
Quant aux procédures de financement, j'ai découvert que la plus belle chose est de gagner un marché public, la pire, de le perdre, mais ce que nous préférons, c'est travailler.
M. Jean Desessard. - Vous avez parlé de « trou de système ». Cela signifie-t-il que vous avez conservé l'ensemble de votre personnel pendant que vous attendiez une commande publique qui ne venait pas ? Qui est responsable des conséquences financières : vous ou celui qui retarde son appel d'offres ?
M. Hervé Estampes. - Les autres organismes de formation professionnelle emploient 10 % de leur personnel en CDI et 90 % en CDD. A l'Afpa, le rapport est inverse. Nous estimons indispensable de disposer de formateurs qualifiés et formés. Lorsque ceux-ci ne sont pas occupés, nous essayons d'atténuer le coût de leur maintien par la mobilité interne. En 2012, on nous a annoncé des appels d'offre, sans cesse imminents, sans cesse repoussés. Difficile de se projeter dans l'avenir dans ces conditions... Nous avons subi la situation.
M. Jean Desessard. - Votre politique de qualité risque de vous coûter cher. Surtout si un tel « trou de système » se reproduit... Comment éviter ces ornières et comment être compétitif ?
Mme Gisèle Printz. - Comment se fait-il que Pôle Emploi renvoie des jeunes en leur disant qu'aucune formation n'est envisageable, quand les stages de l'Afpa assurent ensuite un emploi à 80 % des stagiaires ?
M. Hervé Estampes. - Nous avons 90 % de réussite aux titres professionnels. Le taux d'emploi durable, surtout, est bien supérieur chez nous à ce qu'il est dans les autres organismes de formation : 68 % contre 54 %, ce sont des chiffres de la Cour des comptes.
Les agents de Pôle Emploi doivent connaître des offres innombrables, c'est un problème. Je me souviens d'un reportage sur France 2 Picardie qui montrait un jeune tout prêt à se former, un conseiller de Pôle Emploi qui ne savait où l'envoyer, et les salles de cours à moitié vides dans le centre de formation Afpa le plus proche.
Il n'y a pas de « trou de système » avec les régions, la mécanique des appels d'offre est bien huilée et il n'y a pas de rupture entre les contrats, qui s'enchaînent. En revanche, il y a eu un « trou de système » avec la Direccte en 2013, du fait du changement de procédure. Désormais, le problème est réglé. Il n'a rien de structurel.
Mme Annie David, présidente. - Je vous remercie pour votre présentation et pour la qualité de vos réponses. Je souhaite longue vie à l'Afpa au sein du service public de l'emploi. L'enquête de la Cour des comptes, assortie de nos débats d'aujourd'hui, sera publiée sous la forme d'un rapport d'information déposé par Claude Jeannerot.
Il en est ainsi décidé.
Nomination d'un rapporteur
La commission procède à la désignation de M. Jean Desessard rapporteur sur la proposition de loi n° 182 (2013-2014) relative au choix libre et éclairé d'une assistance médicalisée pour une fin de vie digne.
Mercredi 22 janvier 2014
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Formation professionnelle, emploi et démocratie sociale - Table ronde de représentants des organisations syndicales de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO)
Mme Annie David, présidente. - Nous commençons aujourd'hui les auditions des partenaires sociaux sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, qui doit être déposé aujourd'hui à l'Assemblée nationale.
L'avant-projet de loi a été communiqué il y a une quinzaine de jours. Il transcrit pour partie l'accord national interprofessionnel (ANI) du 14 décembre dernier, mais comporte également des dispositions sur la représentativité syndicale et patronale, le financement des organisations, le contrôle des comptes des comités d'entreprise et l'inspection du travail. L'article d'habilitation initialement prévu en vue de réformer par ordonnance la désignation des conseiller prud'homaux a en revanche été détaché et fera l'objet d'un projet de loi spécifique inscrit ultérieurement à l'ordre du jour du Parlement.
Vous le savez, le Gouvernement a décidé de délais très contraints pour l'examen du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale. Il sera discuté du 5 au 7 février par l'Assemblée nationale et du 18 au 20 février par le Sénat.
Il m'a paru utile d'entamer le travail de la commission sur ce texte par une audition des partenaires sociaux, comme l'ont fait nos collègues députés la semaine dernière.
Nous avons choisi d'entendre séparément les organisations signataires et non-signataires, pour les représentants des salariés comme pour ceux des employeurs.
Je précise que l'audition du ministre Michel Sapin a été fixée le mardi 11 février à 16 h 30. Nous examinerons le rapport de Claude Jeannerot le mercredi 12 février au matin.
Nous commençons cette première audition par les représentants des syndicats de salariés signataires de l'ANI : la CFDT, la CGC, la CFTC et Force ouvrière.
M. Marcel Grignard, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT). - Notre syndicat est attaché à la réforme de la formation professionnelle car les accords précédents ne répondaient pas aux défis et aux difficultés auxquels les salariés et les entreprises sont confrontés. D'ailleurs, la situation économique actuelle constitue aussi une traduction de la faiblesse de notre système de formation professionnelle.
Vous l'avez dit, madame la présidente, nous ne disposons aujourd'hui que d'un avant-projet de loi mais nous estimons que, globalement, il retranscrit l'esprit de la réforme que nous avons souhaitée, c'est-à-dire la nécessité de mieux répondre aux intérêts des travailleurs et des entreprises. Dans un monde qui bouge beaucoup, les compétences des travailleurs doivent continûment progresser, les entreprises y trouvant aussi leur compte de leur côté. Il s'agit donc bien d'une responsabilité partagée dont l'objectif est une plus grande qualification des salariés.
Les parcours professionnels sont de plus en plus hachés : les salariés changent d'entreprise, voire de secteur d'activité, en passant - trop souvent - par des périodes de chômage. Le compte personnel de formation (CPF) est une réponse à cette évolution : il est attaché à l'individu, de son entrée sur le marché du travail à sa sortie de la vie active, y compris s'il est demandeur d'emploi ; il est lié à une liste de formations qualifiantes éligibles, qui doit être élaborée avec l'ensemble des acteurs concernés.
La réforme remplace les entretiens professionnels existants par un seul, qui a lieu tous les deux ans, et l'employeur doit vérifier a minima l'employabilité des salariés grâce à un bilan tous les six ans. Si cet objectif n'est pas rempli, une sanction s'applique grâce à l'abondement du compte personnel de formation de 100 heures supplémentaires. Nous comptons beaucoup sur les mécanismes d'abondement qui permettront d'aider particulièrement les salariés les plus fragiles et les chômeurs. Ce dispositif innovant est de nature à changer la donne en profondeur.
Sur le plan financier, la fin de l'obligation fiscale ne constitue pas une réduction de moyens pour la formation professionnelle car les fonds seront fléchés. Même si le dispositif n'est pas parfait, l'accord permet une meilleure mutualisation et transparence dans l'utilisation des fonds.
La mise en oeuvre de cette réforme ne produira cependant ses effets que si chacun assume pleinement ses responsabilités ; les employeurs et les partenaires sociaux au niveau de la branche doivent faire l'état des lieux des emplois de chaque secteur et dresser des perspectives d'évolution.
En ce qui concerne maintenant le dialogue social, le présent texte prolonge et améliore la réforme de la représentativité adoptée en 2008 et que nous avons soutenue. Les acteurs sociaux devaient en effet en approfondir certains aspects, par exemple en termes de démocratie sociale et de transparence des financements. Les mesures prévues reprennent des positions adoptées par le Haut Conseil du dialogue social.
Le texte contient également des dispositions tendant à la maîtrise et à la transparence des comptes des comités d'entreprises, dispositions qui ont été préparées par la direction générale du travail.
La clarification du financement du dialogue social constitue une avancée de ce texte : en distinguant mieux ce qui doit aller au financement du paritarisme de celui des différents acteurs, on améliore la sécurité juridique de l'ensemble du dispositif. De ce point de vue, la fin programmée du préciput est plutôt une bonne chose. Il reste quelques imperfections : par exemple, la réforme ne tient pas assez compte de l'activité réelle des acteurs.
Nous sommes satisfaits des avancées relatives à la représentativité patronale qui représentait un chaînon manquant de la réforme de 2008.
Le projet de loi entend rationaliser les branches professionnelles, ce qui est également positif car elles structurent le dialogue social dans notre pays. Et leur trop grand nombre nuit en définitive aux salariés, notamment dans les petites entreprises, car beaucoup de branches sont moribondes.
Dernier point, nous regrettons que le projet ne revienne pas sur la disposition de la loi de 2008 qui organise une élection sur sigles pour les salariés des petites entreprises. De telles listes non nominatives sont éloignées des salariés et ne permettent pas un lien avec l'effectivité du dialogue social dans ces entreprises.
Mme Annie David, présidente. - Vous n'avez pas évoqué la question de l'inspection du travail...
M. Marcel Grignard. - Nous soutenons la réforme dans son principe mais nous devrons rester vigilants sur les modalités de sa mise en oeuvre.
Je n'ai pas non plus évoqué la question des prud'hommes puisqu'elle a été retirée de ce projet de loi mais nous étions favorables à la réforme car elle contribue à consolider cette institution.
Mme Dominique Jeuffrault, déléguée nationale secteur emploi formation de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC). - Nous sommes également dans l'attente du projet de loi définitif mais je souhaite évoquer trois questions.
Tout d'abord, la transposition de l'accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013. D'une façon générale, le texte qui nous est proposé est fidèle à ce que les partenaires sociaux ont décidé et que notre confédération a signé. Il suit également les principales conclusions de la concertation quadripartite entre l'Etat, les régions et les organisations syndicales de salariés et d'employeurs sur le CPF et sur le conseil en évolution professionnel (CET). Au final, malgré quelques évolutions, l'équilibre global du texte n'est pas remis en cause. On peut même noter une amélioration importante dans le fait que les heures inscrites sur le CPF demeurent acquises en cas de changement de situation professionnelle ou de perte d'emploi, donc même en cas de faute lourde.
Nous approuvons également la modification visant à rappeler que la déductibilité de l'abondement réalisé par l'employeur au bénéfice des salariés handicapés sur la contribution due à l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph) se fasse dans la limite de 10 %.
Néanmoins, le texte du Gouvernement présente encore différentes faiblesses. Nous regrettons ainsi que ne soit pas réinstaurée l'allocation de formation due par l'employeur lorsque le salarié suit une formation en dehors du temps de travail mais dans le cadre de son CFP. Nous sommes également inquiets de l'impact financier des dispositions visant à assouplir les règles d'accès aux dispositifs « Période de professionnalisation » et « Préparation opérationnelle à l'emploi ».
Par ailleurs, certaines mesures contenues dans l'ANI ne se retrouvent pas dans l'avant-projet de loi. Notre confédération souhaite par exemple que soit clairement inscrite la nécessité d'une formalisation écrite à la suite de l'entretien professionnel, ainsi que l'exigence de faire apparaître des formations pour tous les niveaux de qualification dans les listes des formations éligibles au CPF.
Deuxième point que je souhaite aborder : l'apprentissage. Ce texte comporte des avancées importantes, comme la création d'une période d'apprentissage dans le cadre d'un CDI, le renforcement du rôle des centres de formation des apprentis (CFA) en amont et pendant le contrat ou encore la réduction du nombre d'organismes collecteurs (Octa) que nous avions appelée de nos voeux dans un souci d'économies d'échelle et de meilleure lisibilité.
Là aussi, il reste toutefois quelques inquiétudes : le risque de creusement des inégalités territoriales lié au renforcement de la décentralisation qui justifie la nécessité de conserver un pilotage et un suivi national des politiques menées en matière de formation professionnelle et d'apprentissage ; l'impact de la réforme sur les formations en apprentissage dans l'enseignement supérieur. Nous estimons que le développement de l'apprentissage doit se faire de manière équilibrée entre tous les niveaux de qualification.
Enfin, troisième point, que j'ai commencé à évoquer : la gouvernance et la décentralisation. Le texte organise le renforcement des compétences des régions qui organiseront et financeront le service public régional de la formation professionnelle et seront compétentes pour tous les publics, y compris les personnes handicapées, les Français établis hors de France et les personnes placées sous main de justice. Ce processus fait peser le risque d'un creusement des inégalités régionales du fait des différences de richesse fiscale entre les territoires, d'autant que le texte est muet sur les moyens financiers donnés aux régions pour assurer ces missions.
M. Jean-Michel Pecorini, secrétaire national secteur développement et action syndicale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC). - J'évoquerai de mon côté le volet « démocratie sociale » du projet de loi qui comprend cinq thèmes.
Tout d'abord, la représentativité patronale et la restructuration des branches. Même si le critère de l'adhésion a été retenu pour établir la représentativité patronale, notre confédération regrette que le parallélisme des formes dans la méthodologie d'élaboration de la réforme avec celle utilisée pour la représentativité syndicale n'ait pas été respecté. En outre, les dispositions relatives à la représentativité patronale manquent de précision et le projet de loi ne prévoit pas de bilan comme cela a été le cas pour la loi du 20 août 2008. Il accorde au commissaire aux comptes un important pouvoir puisqu'il attestera le nombre d'entreprises adhérant aux organisations professionnelles et le nombre de salariés employés par les entreprises adhérentes. Il nous semble nécessaire de clarifier cette compétence. Fort des nombreux débats qui ont eu lieu entre organisations syndicales pour définir la notion de représentativité dans les secteurs, il nous apparaît pertinent d'expliciter cette notion.
Plusieurs questions se posent plus particulièrement. Quelle est la définition de la notion d'entreprise adhérente à jour de cotisation ? Il est impossible de se contenter de ce que dit le rapport du directeur général du travail (« à une date ou à une période donnée ») ou de ce que décidera chaque organisation professionnelle. Il est primordial d'avoir une définition légale car cela détermine la représentativité et tous les droits afférents. Comment se fait concrètement la gestion des multi-adhésions ? Le système qui est proposé n'est pas fiable. Ce n'est pas à l'organisation professionnelle d'employeurs de gérer, à elle seule, les multi-adhésions en affectant comme bon lui semble ses entreprises adhérentes et les salariés afférents entre les organisations syndicales d'employeurs ayant statutairement vocation à être présentes au niveau national et interprofessionnel.
En ce qui concerne la restructuration des branches, la CFE-CGC regrette le non-respect par le Gouvernement de sa feuille de route de juin 2013 qui prévoyait la mise en place d'un comité de suivi, un diagnostic partagé, l'examen concret de la situation des branches puis l'examen avec les partenaires sociaux d'une éventuelle restructuration. Force est de constater que ces étapes n'ont pas été respectées. Aucun diagnostic partagé n'a été réalisé et le comité de suivi n'a pas été mis en place. La CFE-CGC n'a pas été auditionnée sur ce sujet et le texte proposé ne s'inspire donc que du point de vue de l'administration.
Sur le fond, nous regrettons les critères qui ont été retenus pour mettre en oeuvre cette restructuration qui se fera par la procédure d'extension et la non-publication des arrêtés de représentativité. Le projet crée par exemple une condition à l'extension du côté des organisations professionnelles qui n'existe pas du côté des organisations syndicales. Le projet utilise la notion « de salariés employés » qui devra être définie de manière beaucoup plus précise. Il place l'administration au centre du dispositif comme jamais elle ne l'a été. Il semble lui donner les pleins pouvoirs, avec droit de vie ou de mort sur le tissu conventionnel : refus d'extension, refus d'élargissement, fusion de conventions collectives, instrumentalisation des missions du Haut Conseil du dialogue social (HCDS) et évolution du rôle de la commission nationale de la négociation collective (CNNC). Pourtant, le tissu conventionnel appartient d'abord aux partenaires sociaux. En outre, le projet de loi associe le sujet de la restructuration des branches avec celui de la représentativité patronale.
Pour l'ensemble de ces raisons, le sujet de la restructuration des branches devrait, selon nous, être retiré du projet de loi et repris une fois que le comité de suivi, prévu dans la feuille de route de 2013, aura achevé ses travaux.
Deuxième volet du texte : les modifications de la loi du 20 août 2008. La CFE-CGC relève des avancées sur cette question, notamment les nouvelles règles de désignation des représentants des salariés au comité d'entreprise pour les organisations syndicales représentatives, la transparence de l'affiliation dans le dépôt des listes de candidats ou l'allongement du délai d'invitation à la première réunion de négociation des protocoles préélectoraux qui passe à quinze jours.
Toutefois, la CFE-CGC insiste sur le fait que ce délai doit courir à partir de la réception de l'invitation et non pas de son envoi. Nous déplorons que le projet de loi n'aborde pas la question de la représentativité territoriale et demandons une saisine des partenaires sociaux sur cette question.
Troisième volet : la désignation des conseillers des prud'hommes. Le report de la réforme dans un autre projet de loi, qui sera examiné ultérieurement, constitue, pour nous, une victoire dont nous nous réjouissons. Il permettra au Conseil supérieur de la prud'homie d'engager une réflexion sur le sujet durant le premier semestre 2014.
Quatrième volet : le financement des organisations syndicales et patronales. Sur ce sujet, on ne peut malheureusement pas parler de concertation puisque ce thème n'a fait l'objet que de deux réunions de quelques heures et d'une réunion d'information sur les décisions que le Gouvernement avait prises... Le temps nécessaire pour organiser de telles évolutions et entendre les acteurs n'a pas été pris.
La CFE-CGC regrette en outre que des précisions indispensables ne figurent pas dans le projet de loi. Par exemple, quel sera le champ d'action de l'accord national interprofessionnel proposé dans l'article L. 2135-9 ? Cet accord pourra-t-il décider qui, demain, sera représentatif, avec quels moyens, et pour faire quoi ? Pourra-t-il décider qu'une organisation syndicale ayant acquis sa représentativité par les élections, au sens de la loi du 20 août 2008, sera privée des moyens de l'exercer ? Le projet de loi renvoie le périmètre des organismes gérés paritairement et concernés par cette évolution à un décret, sans préciser les critères définissant les organismes concernés. La CFE-CGC souhaite que cette liste, ou du moins les critères retenus pour que ces organismes y figurent, soient précisés au niveau législatif. Nous demandons également que le projet de loi arrête le principe d'un financement identique pour toutes les organisations représentatives au titre de ces organismes, au nom de la pluralité d'exercice de la démocratie sociale et du principe selon lequel les mêmes missions appellent les mêmes financements. La CFE-CGC souhaite que le projet de loi n'introduise pas subrepticement un nouveau seuil de représentativité qui serait fixé à 3 %. Les seuils actuels suffisent. La CFE-CGC demande que les fonds publics liés notamment à la formation économique, sociale et syndicale soient fixés par organisation et globalement au niveau qui permet d'effectuer réellement ces actions. Enfin, la CFE-CGC demande que soit supprimée la disposition du projet de loi qui ramène de deux jours à une demi-journée le délai minimal du congé de formation syndicale, car ce délai minimal est la garantie d'une formation réellement efficace.
Cinquième et dernier volet : la transparence des comités d'entreprise (CE). La CFE-CGC tient à rappeler que ce sont les organisations syndicales qui ont demandé au Gouvernement l'engagement d'une réflexion sur l'organisation de la transparence financière des CE. Cette réflexion s'est tenue, associant les organisations patronales, l'administration et l'Autorité des normes comptables ; elle a permis de présenter un texte qui reçoit, dans sa transcription actuelle, notre soutien total. Nous souhaitons que les équilibres qui y figurent sur les obligations qui incombent aux CE et la responsabilité des acteurs demeurent inchangés.
Enfin, je souhaite aborder la question de l'inspection du travail. Le volet du projet de loi reprend ce qui a été présenté par le ministre du travail et qui est ressorti des différentes instances de consultation. Il y a des points positifs et des points de vigilance. Nous souscrivons à l'augmentation du pouvoir des inspecteurs du travail, notamment la possibilité de verbaliser et de ne pas saisir la justice, en particulier sur des questions de sécurité. L'évolution du statut des contrôleurs du travail vers celui des inspecteurs nous paraît également aller dans le bon sens, à condition que les agents bénéficient des moyens pour remplir toutes leurs missions, notamment en termes de formation. En organisant des unités, en prévoyant des équipes d'inspection, la réforme porte-t-elle atteinte à l'autonomie des inspecteurs du travail prévue par la convention de l'organisation internationale du travail (OIT) n° 81 ? Il nous semble qu'il est possible d'être autonome et indépendant tout en travaillant en équipe. C'est d'ailleurs une caractéristique du personnel d'encadrement : autonomie, initiative dans la synergie.
M. Christophe Mickiewicz, directeur financier, CFE-CGC. - Je formulerai trois remarques sur l'article 18 du projet de loi, qui pose de nouvelles règles de financement des organisations syndicales et patronales.
Premièrement, il est difficile de nous prononcer sur un texte dont le périmètre des fonds transférés est renvoyé à un décret. Nous souhaitons que des garanties, aussi bien sur ce périmètre que sur les modalités de répartition des fonds, soient apportées dans la loi.
Deuxièmement, nous n'avons pas compris pourquoi un seuil de 3 % a été introduit, alors qu'il ne figure pas dans le texte de l'ANI. Nous demandons sa suppression.
Troisièmement, l'article 18 fait passer le congé de formation syndicale d'au moins deux jours, comme le prévoit le code du travail, à une demi-journée. A quoi peut bien servir une demi-journée de formation syndicale ? Nous estimons que deux jours est un minimum pour appréhender le fonctionnement des institutions représentatives et le rôle de représentant des salariés.
M. Jean-Pierre Therry, membre du conseil confédéral, CFTC. - Nous vous remercions pour cette invitation qui nous permet de nous exprimer sur la transposition législative de l'ANI du 14 décembre dernier. Après avoir expliqué pourquoi la CFTC a signé cet accord, je mentionnerai les oublis ou manquements que nous avons relevés dans le projet de loi et ferai part de nos propositions d'amélioration.
Pour la CFTC, cet accord est l'aboutissement de trois mois de négociations entre les partenaires sociaux, preuve que le dialogue social est bien vivant dans notre pays, qu'il constitue un axe de progrès à encourager et qu'il est une alternative constructive à des luttes idéologiques stériles qui se développent au détriment du bien commun. Lors de cette négociation, les organisations syndicales et patronales ont fait preuve de responsabilité quand la situation l'exigeait. Cet accord met en place une réforme sociétale d'une grande ampleur malgré certaines critiques émises ici et là. Les partenaires sociaux ont un rôle essentiel dans l'élaboration des normes, dans l'accompagnement des salariés et des entreprises.
La CFTC a signé cet accord car il est fidèle à la philosophie du statut du travailleur élaboré il y a près de dix ans, et qui consiste à attacher les droits à la personne et non à l'entreprise dans laquelle il travaille. Il permet ainsi d'assurer une continuité des droits en les sécurisant.
La négociation s'est inscrite dans le prolongement des ANI de 2003 et 2009 sur la formation professionnelle, reprenant ainsi la proposition contenue dans le rapport-programme de la CFTC que chaque salarié puisse s'élever d'au moins un niveau de qualification au cours de sa carrière. Le CPF est l'un des moyens d'y parvenir. A la suite de l'ANI du 11 janvier 2013, la CFTC désirait donner de la consistance à ce nouvel outil à travers deux axes : un caractère universel et attaché à la personne, donc transférable - c'est chose faite ; un financement dédié, afin de faire vivre et d'activer plus rapidement ce compte - elle l'a obtenu.
Le CPF a un vrai sens pour notre confédération : il est centré sur la personne telle que définie dans notre statut du travailleur. Pour sa mise en oeuvre, il sera accompagné de deux mesures complémentaires : l'entretien professionnel et le conseil en évolution professionnelle.
Nous avons bien conscience que la transposition législative d'un accord interprofessionnel reste un exercice périlleux. En effet, les rédacteurs doivent respecter l'esprit et la lettre de l'accord qui concrétise un équilibre entre les aspirations patronales et les revendications syndicales. Nous regrettons cependant que plusieurs dispositions de l'ANI du 14 décembre 2013 ne figurent pas dans le projet de loi : la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) territoriale, prévue par son article 9, la possibilité d'un abondement du CPF par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), mentionnée par son article 28, ainsi que la prise en compte d'accords d'entreprise ou de branche permettant un abondement du CPF supérieur à 120 heures, qui figurait à l'article 5 de l'ANI du 11 janvier 2013.
La CFTC formule trois propositions. Elle considère tout d'abord que pour encourager et favoriser l'engagement associatif des retraités, le CPF doit pouvoir être utilisé dans l'année qui suit le départ à la retraite. Elle demande ensuite que ce compte soit alimenté à hauteur de 200 heures, alors qu'il est aujourd'hui limité à 150 heures. L'augmentation du volume d'heures permettra, d'une part, aux salariés d'avoir une visibilité à plus long terme sur leurs possibilités de formation, d'autre part, à ceux qui bénéficient actuellement d'un crédit d'heures supérieur à 120 heures de le conserver à compter du 1er janvier 2015. Enfin, elle souhaite que, lors du premier entretien professionnel du salarié, l'employeur lui présente l'ensemble des dispositifs et outils de la formation professionnelle à sa disposition, et lui remette son passeport d'orientation et de formation. Il est en effet primordial que le salarié puisse bénéficier de toutes les informations disponibles afin qu'il devienne l'acteur de son évolution professionnelle.
Deux dernières remarques : l'ANI comporte plusieurs annexes, qui ont leur importance et auxquelles il faudra être attentif ; dans les temps qui viennent, nous devrons aussi travailler à la simplification de la validation des acquis de l'expérience (VAE).
M. Stéphane Lardy, secrétaire confédéral, FO. - Je souhaite, pour ma part, insister sur l'esprit dans lequel nous avons signé l'ANI. Libre à vous, en tant que parlementaires, de modifier le projet de loi de transposition qui, reconnaissons-le, respecte en grande partie le contenu de l'accord. En aucun cas, nous ne confondons démocratie sociale et démocratie parlementaire.
L'accord comprend quatre éléments fondamentaux. Le premier concerne la création du CPF, qui est l'aboutissement de dix années de négociations. Après le droit individuel à la formation (DIF) en 2003, le DIF portable en 2009, nous franchissons aujourd'hui une nouvelle étape avec ce compte, qui présente deux grandes avancées : l'individualisation des droits et leur portabilité sans limitation de durée. Point important également, le CPF dispose d'un financement dédié, ce qui n'était pas le cas du DIF, expliquant en partie pourquoi celui-ci n'a jamais pris son essor. En outre, le CPF a pour objectif d'élever le niveau de qualification des salariés, via l'accès à des formations qualifiantes.
Le deuxième élément a justement trait à la reconnaissance dans l'emploi. Nous n'avons jamais remis en cause le système de formation professionnelle, tel que créé par l'accord de 1970 et la loi de 1971. Il a en effet permis une réelle massification de l'effort de formation dans notre pays. Le principal défi auquel nous sommes confrontés aujourd'hui est celui de la qualité de la formation et du niveau de qualification. En France, on forme beaucoup, mais principalement en vue d'une adaptation des salariés aux postes. En centrant le CPF sur les formations qualifiantes, cet accord répond en partie à ces nouveaux enjeux.
La troisième caractéristique de l'accord réside dans le renforcement de la négociation de branche et d'entreprise, qui est un aspect fondamental de la régulation collective. La négociation de branche sera particulièrement importante en matière de conditions d'éligibilité au CPF ou d'abondement du nombre d'heures. La négociation d'entreprise viendra, quant à elle, enrichir les possibilités d'abondement complémentaire du compte.
Le quatrième volet porte sur le financement de la formation. Avec cet accord, nous sommes pour ainsi dire au milieu du gué, entre l'obligation de payer et l'obligation de former : l'obligation de dépense a été maintenue à hauteur de 1 % de la masse salariale, et l'obligation de formation a été renforcée. Il s'agit d'une évolution majeure, mais en aucun cas d'une révolution, laquelle aurait consisté à faire disparaître l'obligation de dépenser et à se limiter à une obligation de former. Par ailleurs, si tout n'est pas mutualisé, le niveau de mutualisation obligatoire reste élevé. De près de 4 milliards d'euros aujourd'hui, il va passer à 5 milliards d'euros.
Enfin, j'attire votre attention sur deux derniers points :
- cette loi va nécessairement entraîner un grand nombre de négociations de branche et d'entreprise. Aussi, veillons à ne pas mettre la charrue avant les boeufs ! Certes, l'entrée en vigueur du CPF est fixée au 1er janvier 2015, mais il faudra laisser suffisamment de temps aux branches, en particulier aux plus petites d'entre elles, de négocier ;
- nous devrons également être attentifs à la gestion de la période de transition par les OPCA, qui auront un rôle majeur à jouer dans la mise en oeuvre de cette réforme, laquelle pourrait prendre deux, voire trois ans.
M. Stéphane Lardy, secrétaire confédéral, FO. - Pourquoi ai-je dit que nous étions au milieu du gué ? Parce que nous avons effectué un pas en avant significatif sans pour autant procéder à une révolution copernicienne. Cela n'aurait sans doute pas été souhaitable. Force ouvrière n'était pas favorable à la suppression totale de l'obligation légale de financement de la formation professionnelle par les entreprises. Cette réforme est le fruit d'un compromis. Or les compromis sont par définition imparfaits. En tout état de cause, l'obligation de financement n'est pas supprimée et l'ensemble des contributions versées par les entreprises seront mutualisées.
J'insiste sur la nécessité de ne pas confondre obligation de financement et obligation de formation. Cette dernière a été consacrée en 2000 dans le code du travail et est aujourd'hui renforcée par le projet de loi. A l'heure actuelle, les entreprises versent des sommes supérieures à ce que leur impose la loi. La diminution du seuil légal devrait donc avoir un impact limité. En outre, près de 180 millions d'euros issus du fonds paritaire seront spécifiquement destinés aux petites entreprises. C'est davantage sur l'utilisation des financements qu'il fallait agir et je pense que le projet de loi est susceptible de conduire à une évolution du comportement des OPCA sur ce point.
La régionalisation soulève en effet des débats. Le fait de régionaliser n'est pas, en soi, source d'inégalités. Mais il convient de rester prudent et de réfléchir à des mécanismes de péréquation permettant d'assurer une certaine équité entre les régions plus ou moins favorisées. La liste des formations doit permettre d'identifier celles qui sont les plus pertinentes. Le compte personnel de formation doit être utilisé en premier lieu par les entreprises, lors des négociations collectives.
Les demandeurs d'emploi ont-ils été oubliés dans les négociations ? Je tiens tout d'abord à rappeler que le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels consacre près de 85 % de son budget à la formation des demandeurs d'emplois. Depuis plusieurs années, les OPCA développent des programmes destinés aux demandeurs d'emplois. Au total, les structures paritaires consacrent environ un milliard d'euros par an à la formation des demandeurs d'emplois. Certes, des améliorations pourraient être envisagées. De ce point de vue, il me semble que le compte personnel de formation représente un progrès puisqu'il consacre la portabilité du droit à la formation. J'insiste enfin sur la nécessité de travailler à l'amélioration du taux d'emploi : la formation n'a de sens que si elle permet l'accès à l'emploi.
Concernant la formation professionnelle dans les TPE, il faut souligner que, pour la première fois, nous améliorons les conditions de son financement. Les mécanismes de remplacement des salariés de TPE qui partent en formation constituent en effet un sujet de préoccupation qui n'est pas entièrement résolu. Cela renvoie également à la question de la relation entre certains donneurs d'ordres et leurs sous-traitants : les premiers imposent parfois des contraintes telles à leurs sous-traitants, notamment de délais, qu'il est très difficile pour les salariés de ces entreprises de partir en formation.
Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale, FO. - Force ouvrière n'est absolument pas favorable à ce que les sanctions relèvent du directeur des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Elles doivent demeurer à la main des agents de contrôle. Il s'agit là d'un élément important dans la mesure où le directeur n'est pas issu de l'inspection du travail et risque d'être plus sensible aux pressions extérieures exercées par les entreprises.
Concernant la transparence des comptes des comités d'entreprise, le projet de loi transpose de façon fidèle les travaux menés au préalable par les partenaires sociaux.
M. Jean-Pierre Therry, secrétaire confédéral en charge de la formation professionnelle, CFTC. - Les conditions du succès du compte personnel de formation sont entre nos mains. Un abondement complémentaire permettra de répondre à l'enjeu de la qualification des salariés. Le compte devrait également contribuer à la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes. A ce titre, la CFTC a proposé que les caisses d'allocations familiales puissent abonder le compte personnel de formation. Une personne en difficulté familiale, éloignée du marché du travail mais contrainte de reprendre une activité doit pouvoir être accompagnée dans le cadre du compte personnel de formation afin de trouver une qualification et un emploi. Cela va prendre du temps mais il faut que le compte personnel de formation devienne l'outil central pour la qualification de l'ensemble des personnes qui y auront accès, quelle que soit leur situation ou la taille de l'entreprise dans laquelle elles travaillent.
Le conseil en évolution professionnelle représente un autre dispositif majeur. Il va permettre d'accompagner la personne dans son cursus de formation, jusqu'au moment de la qualification. Il est de notre responsabilité d'assurer un véritable suivi de la qualité des formations dispensées. Nous ne pouvons pas nous permettre de proposer des qualifications qui ne répondent pas aux attentes des salariés.
L'ANI signé en 2008 n'oubliait personne, y compris les bénéficiaires du RSA. Il n'a pas encore abouti mais le compte personnel de formation constitue un véritable progrès. Il s'agit là d'un élément primordial au regard de la situation économique de notre pays.
Certaines branches professionnelles n'ont pas encore travaillé à la mise en place d'un observatoire prospectif des métiers et des qualifications, ce qui risque de poser des difficultés pour définir les listes de formations. Il ne faut pas séparer le salarié et le demandeur d'emploi pour la constitution des listes qui seront définies dans les régions. Plus généralement, nous insistons sur la nécessité de mettre en place une véritable gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences territoriale. C'est ce qui permettra à l'ensemble des acteurs concernés de dialoguer.
Mme Dominique Jeuffrault, déléguée nationale emploi-formation, CFE-CGC. - Le texte comporte des progrès importants pour assurer la sécurisation des parcours professionnels et garantir l'employabilité des salariés et des demandeurs d'emplois. La France n'a aucun intérêt à avoir les chômeurs les mieux formés d'Europe. C'est pour cette raison que l'accord insiste sur la nécessité de faire de la formation professionnelle un investissement au service de la compétitivité des entreprises.
Il était nécessaire de rendre pleinement opérationnel le compte personnel de formation. Nous avons obtenu qu'il soit de 150 heures au lieu des 120 proposées initialement. Cela correspond à une augmentation de 25 % par rapport au droit individuel à la formation. Ce seuil permettra d'acquérir un niveau de qualification ou de certification. Il pourra être complété par l'employeur, la branche professionnelle, les pouvoirs publics ou le salarié lui-même. La CFE-CGC tenait à ce que les salariés puissent abonder le compte, notamment à partir de leur compte épargne temps. En effet, les formations d'encadrement sont souvent plus onéreuses et plus longues.
Le compte personnel de formation sera intégralement transférable en cas de perte d'emploi ou de changement d'entreprise. Cela permettra de faciliter l'accès des demandeurs d'emploi à la formation professionnelle continue. Il était également indispensable de simplifier les démarches des personnes en recherche d'emploi. L'institution du conseil en évolution professionnelle va également permettre d'accompagner les personnes, notamment pour travailler avec celles-ci au montage financier des dispositifs de formation en utilisant les dispositifs d'abondement du compte. La CFE-CGC se satisfait également du fait que le salarié puisse mobiliser son compte de formation sans avoir à obtenir au préalable l'accord de son employeur.
L'enjeu était de taille puisqu'il s'agissait de mettre en place un outil au service de la compétitivité et qui réponde en même temps aux préoccupations des salariés. Pour définir les listes de formations, les branches professionnelles pourront s'appuyer sur les travaux menés par les observatoires prospectifs des métiers et des qualifications. Nous veillerons à ce que ces listes comportent des formations correspondant à tous les niveaux de qualification afin que les comptes personnels de formation aient réellement un caractère universel. Le salarié pourra recourir gratuitement au conseil en évolution professionnelle. L'entretien professionnel pourra quant à lui être l'occasion pour le salarié d'obtenir une reconnaissance de sa qualification. La CFE-CGC estime essentiel de valoriser le capital humain que représentent les hommes et les femmes en entreprise. L'accord que nous avons conclu y contribue tout en garantissant la compétitivité des entreprises.
Concernant l'égalité entre les hommes et les femmes, la CFE-CGC a tenu à ce que des précisions soient apportées à l'accord mais n'a pas obtenu gain de cause sur ce point.
Concernant le financement, nous avons souhaité qu'une contribution dédiée soit orientée vers le compte personnel de formation. Nous avons également obtenu le maintien d'une contribution unique de formation à un niveau de 1 % ainsi qu'une contribution de 0,10 % pour le financement des plans de formation.
M. Christophe Mickiewicz, directeur financier, CFE-CGC. - Concernant les comptes des comités d'entreprise, la transcription reflète fidèlement les travaux que nous avons menés et répond bien aux questions qui se posent en la matière.
Les pouvoirs des commissaires aux comptes sont-ils trop importants ? Nous voulons avant tout qu'ils soient clarifiés. Des missions nouvelles leur sont confiées. Il faut que les règles applicables soient les mêmes dans l'ensemble des branches.
M. Jean-Michel Pécorini, secrétaire national développement et dialogue social, CFE-CGC. - Les réformes envisagées concernant les prud'hommes et les restructurations de branches me paraissent assez représentatives de la mainmise qu'exerce l'administration sur certains sujets. Nous n'avons pas été suffisamment concertés alors qu'il s'agit de sujets essentiels. Nous tenons à faire partie du groupe de suivi qui doit travailler sur les restructurations de branches.
M. Marcel Grignard, trésorier, chargé du dialogue social et du financement, CFDT. - La CFDT est très attentive à la question des inégalités ainsi qu'à celle de la prise en charge des publics les plus fragiles. Ces enjeux concernent aussi bien les demandeurs d'emplois que l'égalité entre les hommes et les femmes ou les TPE. L'accord et le projet de loi répondent à ces préoccupations.
Les formations permettant d'acquérir le socle de base de compétences seront directement éligibles pendant le temps de travail. Avec le compte personnel de formation et l'ensemble des mécanismes qui y sont liés, l'objectif est que, d'ici quelques années, les salariés qui perdent leur emploi ne soient plus en situation de ne jamais avoir bénéficié d'une formation qualifiante. Enfin, la mécanique de négociation à tous les niveaux, qu'il s'agisse des entreprises, des branches ou des territoires, oblige les partenaires sociaux à définir des priorités spécifiques et à prendre en compte les publics plus fragiles.
Concernant les TPE, l'accord prévoit la possibilité de prendre en charge le salaire des personnes qui partent en formation. Cela devrait contribuer à alléger considérablement le poids que représente pour l'entreprise un salarié en formation.
Nous considérons par ailleurs que les organismes de formation doivent s'adapter aux besoins des salariés et des entreprises, notamment en termes d'organisation. Les formations doivent être modularisées. Cela s'applique également aux formations syndicales. Contrairement à la CFE-CGC, nous estimons nécessaire que les formations syndicales puissent s'effectuer par demi-journée pour être plus facilement conciliables avec les exigences professionnelles. Ce sont les organismes qui doivent adapter leurs formations.
Concernant la démocratie sociale, nous avons aujourd'hui l'obligation de reconnaître que notre crédibilité auprès des salariés décline. Il est dès lors vital d'assurer la transparence de nos ressources. Des progrès ont été réalisés, il faut aller plus loin et le projet de loi va dans le bon sens. A moyen terme, nos ressources propres, notamment celles qui proviennent de nos adhérents, doivent constituer notre première source de financement. C'est un enjeu d'indépendance, d'autonomie et d'efficacité.
Les structures représentant les salariés doivent être solides, efficaces et représentatives. Il est vital de mettre de l'ordre dans les branches professionnelles. Le très fort taux de couverture conventionnelle des salariés, qui distingue la France des autres pays européens, est dû pour l'essentiel au mécanisme d'extension des conventions collectives. Ce mécanisme relève de la puissance publique et non des partenaires sociaux. C'est donc à l'administration de contraindre les employeurs à mettre de l'ordre, d'éviter la construction de branches concurrentes dans des champs professionnels proches. Les pays voisins de la France comptent environ dix à quinze branches professionnelles. Avec cinq-cents branches encore existantes, nous sommes loin d'être efficaces. Considérer que la représentativité patronale peut être fondée, non pas sur l'adhésion des entreprises mais sur leur vote, est très dangereux. Dans un contexte où la confiance vis-à-vis des représentants politiques et syndicaux est affaiblie, il est en effet préjudiciable qu'une entreprise non adhérente à une organisation patronale puisse décider de ce que doit faire cette dernière. Nous devons avoir des organisations syndicales responsables, capables de s'engager au nom de leurs entreprises adhérentes et uniquement de celles-ci.
Pour ce qui est de l'inspection du travail, nous sommes favorables au système des amendes administratives. Les procédures judiciaires sont longues et aléatoires. Il faut pouvoir agir rapidement. Les inspecteurs du travail ont un statut qui préserve leur autonomie. Nous leur faisons confiance. Il faut cependant que le pouvoir politique et l'administration définissent des priorités afin que les contrôles exercés soient pleinement adaptés à la complexité du marché du travail actuel.
Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu. - S'agissant de la représentativité patronale, nous étions demandeurs d'une négociation qui soit symétrique de celle engagée sur la représentativité syndicale, mais elle n'a malheureusement jamais eu lieu.
Une place importante a été faite dans le dispositif aux commissaires aux comptes, qui vont en pratique décider de la représentativité patronale puisque le décompte du nombre d'adhérents se fera sous leur regard. Dans les organisations patronales, les cotisations sont rarement fixes et souvent négociées ; elles n'apparaissent donc pas aisément dans leurs comptes, ce qui laisse une grande marge d'appréciation. C'est pourquoi nous souhaitons que le problème de la transparence du montant des cotisations soit traité par la loi.
Sur la question des adhésions multiples, le texte laisse aux organisations professionnelles le soin de décider de la répartition des entreprises, sans tenir compte des organisations professionnelles qui n'entendraient pas porter leurs voix sur telle ou telle branche. Alors que chaque entreprise devrait être libre d'adhérer ou de ne pas adhérer à une branche, le projet de loi les prive de ce choix.
S'agissant de l'extension et de l'arrêté de représentativité, le projet de loi prévoit la faculté pour le ministre du travail de refuser l'extension d'une convention collective lorsque les organisations d'employeurs représentatives comptent moins de 5 % des entreprises de la branche parmi leurs adhérents. C'est là un pouvoir important, puisqu'il est accordé alors même que la représentativité des signataires est assurée et que les conditions requises pour l'extension de la convention sont bien remplies. Dans ce cadre, nous demandons que l'avis de la commission nationale de la négociation collective (CNNC) requis soit un avis conforme ; sans cela, l'accord des partenaires sociaux ne sera pas garanti sur la fusion ou l'élargissement de la convention collective. Cela doit également être fait en tenant compte de l'article L. 1 du code du travail, afin que les partenaires sociaux puissent négocier eux-mêmes ce rapprochement des champs conventionnels, sans que cela soit imposé.
Sur la représentativité syndicale, nous regrettons que si peu de modifications législatives soient envisagées, alors même que certains points avaient fait consensus au sein du Haut conseil du dialogue social et auraient pu être repris par ce projet de loi. En ce qui concerne l'invitation à négocier le protocole d'accord pré-électoral - système auquel nous sommes favorables -, nous demandions un délai minimum de 15 jours entre l'invitation et la tenue de la première réunion de négociation. Selon nous, ce délai devrait courir à compter de la réception de l'invitation et non de son envoi. Il nous semble important que cette correction soit apportée afin de laisser aux organisations syndicales le temps de s'organiser pour répondre à l'invitation. S'agissant du lieu géographique, aujourd'hui, l'invitation à négocier peut être envoyée par l'employeur à l'adresse de la confédération, qui peut être éloignée du siège de l'entreprise. Nous demandons donc qu'elle soit envoyée au lieu géographique de l'entreprise ou, à tout le moins, dans le périmètre géographique de l'organisation syndicale, qui est connu de chaque Direccte.
Le projet de loi reprend intégralement les travaux des organisations syndicales et patronales sur la transparence des comptes des comités d'entreprise, mais il introduit des dispositions relatives à la commission des marchés. Nous y sommes favorables, mais nous estimons qu'il n'est pas tenu compte des moyens de cette commission et du temps que les élus auront pour y participer. Nous demandons donc que ses membres obtiennent des moyens en termes de délégation et, partant, des compensations en termes de temps de travail. A l'instar de la commission « Formation », les travaux de cette commission doivent se dérouler sur le temps de travail.
La création d'un fonds paritaire contribuant au financement de l'ensemble des organisations syndicales est une idée séduisante, puisqu'elle permet de graver dans le marbre la répartition des fonds gérés paritairement. Cependant, nous ne lions pas le paritarisme et la représentativité. Nous observons par ailleurs dans ce texte que la formation économique, sociale et syndicale connaît une avancée que nous saluons, avec la pérennisation des instituts du travail.
S'agissant de l'inspection du travail, nous sommes fermement opposés à la mise en place d'unités de contrôle, sous la direction d'un responsable, en ce qu'elles posent des problèmes d'indépendance des inspecteurs. Le texte est d'ailleurs selon nous contraire à la convention n° 81 de l'OIT. Ces unités créeraient en effet une confusion dans les interventions et pourraient entraîner une hiérarchisation, voire une politisation, des interventions de l'inspection du travail. En outre, cela pourrait remettre en cause le caractère généraliste du système français d'inspection du travail.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. - La disparition de l'obligation légale de financement du plan de formation par l'entreprise marque une rupture forte ; nous en comprenons l'esprit, à savoir passer d'une notion de charge financière à une notion d'investissement en ressources humaines. Ne craignez-vous que cette disparition soit perçue différemment et entraîne une baisse du financement avec, à la clé, une déresponsabilisation ou un affaiblissement de la péréquation à destination, notamment, des petites entreprises ?
Par ailleurs, quelles sont selon vous les conditions du succès du compte personnel de formation ? Nous avons intérêt à approfondir les raisons qui expliquent le succès en demi-teinte du DIF.
Comment envisagez-vous le processus d'élaboration des listes des formations éligibles au compte personnel de formation ? Toutes les branches seront-elles en mesure de mener ce travail ? Ne risque-t-on pas des ruptures d'égalité entre les branches ou entre les régions ?
S'agissant de l'inspection du travail, FO a fermement pris position contre le responsable d'unité de contrôle, dans le même sens que les représentants des inspecteurs du travail, que nous n'avons pas encore rencontrés. Que pensent les organisations syndicales de l'instauration de sanctions administratives en cas de manquements à des dispositions élémentaires du code du travail (temps de travail, Smic) ? En outre, que vous inspire la possibilité de recourir à des transactions pénales après décision du directeur de la Direccte et avec l'accord du procureur de la République ?
Enfin, les dispositions relatives à la transparence des comptes des comités d'entreprise vous semblent-elles fidèles aux conclusions du groupe de travail tripartite animé l'an passé par la direction générale du travail ?
Mme Catherine Génisson. - On sait que l'accès à la formation professionnelle est, en pratique, très discriminatoire dans l'évolution des carrières entre les femmes et les hommes. Ce texte prend-il selon vous en compte cette question, qui me paraît tout à fait fondamentale ?
M. Georges Labazée. - Vous nous avez indiqué que nous n'étions qu'au milieu du gué : selon vous, à quoi ressemblerait l'autre rive ?
Mme Gisèle Printz. - Qu'en est-il de la formation professionnelle dispensée aux demandeurs d'emploi ?
M. Yves Daudigny. - L'un des intervenants a souligné que la décentralisation d'un dispositif antérieurement national pouvait être génératrice d'inégalités territoriales. Je voudrais m'élever en faux contre cette idée. Dans le cadre de la décentralisation, les moyens accordés jouent moins que la détermination politique au niveau local. En outre, un dispositif national ne garantit en rien un traitement équitable : y a-t-il aujourd'hui égalité de traitement des territoires pour des dispositifs nationaux comme la santé ou l'enseignement supérieur ? De toute évidence, ce n'est pas le cas.
Mme Catherine Procaccia. - J'ai également une question sur la régionalisation : les régions sont-elles en mesure de prendre davantage en charge la formation, et à quelles conditions ? Par ailleurs, quelles sont les nouveautés sur la question de l'apprentissage ? Enfin, je crois que le problème qui se pose en France n'est ni celui du budget, ni celui de l'orientation, mais celui de la qualité des formations et de leur adaptation aux besoins réels. La loi permettra-t-elle de regarder plus précisément ce qui est proposé et ce qui est réellement effectué dans les formations ?
Mme Patricia Schillinger. - Comment ces réformes seront-elles appliquées dans les très petites entreprises et les PME, qui n'ont pas les moyens des grandes entreprises et pour qui le départ d'un salarié en formation pose un vrai problème d'organisation dans l'entreprise ?
M. Jean-Noël Cardoux. - Je m'associe à la question de Patricia Schillinger, car je crains que les petites entreprises, les indépendants et les artisans soient les oubliés du système. Nous avons parlé du rôle des régions : qu'en est-il des départements ? Ce texte n'offre-t-il pas l'occasion de traiter le problème des formations de base pour les personnes qui sortent du système scolaire sans diplôme et qui touchent ensuite le RSA ? Ne pourrait-on pas instituer des formations de base pour des personnes qui sont hors du système, et qui devraient être bien distinguées des formations de perfectionnement et d'évolution de carrière pour les salariés en entreprise ? Par exemple, nous avions imaginé dans le département du Loiret que les prestations de RSA non versées pendant la durée d'une formation viennent abonder un fonds commun de formation cogéré avec la région.
Formation professionnelle, emploi et démocratie sociale - Audition de Mmes Agnès Le Bot, secrétaire confédérale et Catherine Perret, membre de la commission exécutive confédérale, de la Confédération générale du travail (CGT)
Mme Annie David, présidente. - Nous recevons maintenant, au nom de la Confédération générale du travail (CGT), organisation syndicale non signataire de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 14 décembre dernier, Mmes Agnès Le Bot, secrétaire confédérale et Catherine Perret, membre de la commission exécutive confédérale, de la Confédération générale du travail (CGT) sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.
Mme Agnès Le Bot, secrétaire confédérale de la CGT. - La CGT considère comme majeurs les sujets de l'emploi, de la formation professionnelle et de la démocratie sociale. L'élévation du niveau de qualification des salariés est en effet une condition du progrès social, de la dynamique de l'emploi et du développement économique. Quant à la démocratie sociale, elle doit devenir un instrument de citoyenneté des salariés.
Permettez-moi de rappeler les enjeux posés par le projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui : qualification et sécurisation des salariés dans leur parcours professionnel ; droit pour l'ensemble des salariés à une instance représentative du personnel qu'ils considèrent utile ; qualité des consultations des salariés, aussi bien pour les élections professionnelles que pour les élections prud'homales ; conditions d'exercice du droit syndical et du financement des syndicats ; missions et moyens du service public de l'inspection du travail ; modalités de production des normes sociales au double niveau de la branche et interprofessionnel. Force est de constater que ce ne sont pas forcément ces enjeux-là qui ressortent le plus, en particulier dans le débat public.
La méthode qui a présidé aux travaux préparatoires au projet de loi a varié selon la thématique abordée. S'agissant du volet relatif à la formation professionnelle, celui-ci fait suite à l'accord national interprofessionnel (ANI) de décembre dernier. La CGT n'est pas signataire de cet accord. Nous considérons en effet qu'il revoit à la baisse les obligations de formation pour les grandes entreprises et qu'il crée des droits virtuels en ne prévoyant pas de financement. Malgré son opposition, la CGT s'est fortement investie dans la négociation en revendiquant un renforcement des obligations de formation et en rappelant les liens existants entre la formation, la qualification et le salaire.
La lettre de cadrage du Gouvernement, qui fixait le principe, les objectifs à atteindre et la durée de la négociation, était extrêmement précise et contraignante.
La CGT est attachée à la consultation systématique des organisations syndicales dans le domaine du droit du travail ; ces organisations ont en effet une expertise qui permet d'enrichir le débat démocratique. Elle s'oppose cependant à l'approche qui consiste à devoir retranscrire les ANI dans la loi car cette procédure prive le législateur de toute légitimité à intervenir. Si les accords entérinent un compromis résultant d'un rapport de forces entre des propositions contradictoires, la loi est censée être porteuse de l'intérêt général et viser une réduction des inégalités. A nos yeux, le législateur a donc tout son rôle à jouer sur ce projet de loi.
Les autres volets du projet de loi ont fait l'objet d'une concertation avec le Gouvernement. Cependant, nous ne considérons pas que la concertation ait été, ainsi que la qualifie l'exposé des motifs, « large et approfondie ». Le projet de loi ne reprend que ce qui a fait « consensus » entre les acteurs syndicaux et patronaux et la CGT souhaite montrer que cela affaiblit l'ambition d'une véritable démocratie sociale. Sur certains thèmes sur lesquels des désaccords ou des propositions s'expriment, aucune véritable concertation n'a été menée. Il en va ainsi de la représentativité patronale et des élections prud'homales.
J'en viens à l'appréciation portée par la CGT sur chacun des trois titres qui composent le projet de loi et qui concernent respectivement la formation professionnelle et l'emploi, la démocratie sociale et, enfin, l'inspection et le contrôle des politiques de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle.
En ce qui concerne le titre I relatif à la formation professionnelle et l'emploi, le projet de loi qui nous est soumis s'attache à traduire au niveau législatif les dispositions de l'ANI du 14 décembre 2013 et, en partie, les conclusions de la concertation concernant le compte personnel de formation (CPF) et le conseil en évolution professionnelle. Ce faisant, il s'éloigne fortement des orientations annoncées dans le document du 8 juillet 2013 remis aux organisations syndicales et patronales par le ministre du travail. L'ANI revoit en effet à la baisse l'ambition exprimée dans la lettre de cadrage et son équilibre général interroge à la fois la première organisation syndicale que constitue la CGT et - fait quasi-inédit - une organisation patronale qui a refusé d'y apposer sa signature. La question de l'accès des salariés des TPE et des PME à une formation qualifiante reste ouverte.
Bien que la CGT ne soit pas favorable à une nouvelle négociation, elle souhaite toujours que le projet de loi puisse être une source d'avancées pour la sécurisation des salariés dans leur parcours professionnel. Pour y parvenir, le Parlement devra améliorer le projet de loi initial.
Il existe un diagnostic partagé sur le fait que ce qui rend une formation attractive est la promotion professionnelle qu'elle peut générer. La loi doit répondre à cet enjeu.
La CGT estime que le projet de loi doit rétablir un équilibre et encadrer notamment la définition d'une action de formation à visée qualifiante entrant dans le périmètre du CPF. Il faut fonder ce nouveau dispositif qui ne constitue pas un droit à formation mais seulement un droit d'initiative, en affirmant de nouvelles garanties collectives qui permettent de le rendre opposable dans l'entreprise. A cette fin, il faut rendre le plan de formation obligatoire et inscrire sa construction et son suivi dans le cadre d'une délibération sociale qui prenne place progressivement au sein de toutes les entreprises. Cela permettrait de créer un droit d'alerte sur « l'employabilité » et de donner ainsi du corps à l'obligation de former par une obligation d'adaptation et de maintien de la capacité à occuper un emploi.
S'agissant du CPF, l'obligation légale de financement doit être au minimum de 0,2 % de la masse salariale annuelle brute de l'entreprise et être généralisée en trois ans à l'ensemble des entreprises. Il doit en effet être le même pour toute personne, quelle que soit la région ou l'entreprise dans laquelle elle travaille. C'est pourquoi la CGT réclame également que la gestion des 0,2 % dédiés au CPF soit assurée par une instance nationale interprofessionnelle paritaire qui pourrait être le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
Le projet de loi permet à une entreprise de se soustraire pendant trois ans à la mutualisation du financement du CPF par accord d'entreprise. Le raisonnement tenu se rapproche d'une logique d'assurance individuelle qui consiste à toucher à hauteur de ce l'on paie. Cela entraîne un fractionnement du financement du CPF qui, compte tenu de la faiblesse des obligations, risque de ne même pas porter le nombre de CPF financés à la hauteur du volume des droits individuels à formation prioritaires (DIF) et des DIF portables constatés en 2012. La CGT s'oppose donc résolument à la possibilité de se soustraire à la mutualisation.
S'agissant du titre II du projet de loi, relatif à la démocratie sociale, la CGT estime tout d'abord que le sujet de la représentativité patronale se devait d'être traité dans ce projet ; c'était une revendication de sa part.
Ce sujet concerne au plus haut point les organisations syndicales de salariés puisque les critères de représentativité patronale conditionnent la production de droits et garanties collectives des salariés. La CGT regrette que le projet de loi exclue la mesure de l'audience patronale par l'intermédiaire d'un vote des employeurs alors que plusieurs confédérations syndicales de salariés y sont favorables. Des propositions ont pourtant été faites en ce sens et elles auraient mérité une concertation approfondie.
Il demeure incompréhensible que, comme le reconnaît le Gouvernement dans l'exposé des motifs, la position commune rendue publique par trois organisations patronales constitue la principale source du projet de loi. Les organisations patronales avaient, en ce qui les concerne, participé en 2008 à la négociation sur la représentativité syndicale. De plus, la négociation collective est un droit constitutionnel des salariés et non du patronat.
Il est pour le moins curieux de faire reposer l'audience sur l'adhésion car cela peut s'apparenter à une forme de suffrage censitaire : pour pouvoir compter, il faut payer ! Le projet de loi qui fait reposer l'audience sur le nombre d'adhésions ne garantit nullement la transparence nécessaire au contrôle de ce critère, en particulier en ce qui concerne la multi-adhésion. En effet, il reviendrait à l'organisation de branche de répartir les voix entre les organisations nationales interprofessionnelles auxquelles elle est adhérente, ce qui est une porte ouverte à toutes sortes d'abus.
En ce qui concerne le droit d'opposition des organisations patronales à l'extension d'un accord, il porte atteinte à la procédure d'extension, y compris lorsqu'il est soumis à des conditions d'effectifs. Cette procédure doit demeurer de la compétence de l'Etat. En outre, la mise en place d'un droit d'opposition tel que le prévoit le projet de loi affaiblit le droit constitutionnel des salariés à la participation. Il risque, enfin, d'engendrer une baisse du nombre d'accords étendus.
S'agissant ensuite du volet de la représentativité syndicale, le projet de loi comporte des aménagements qui sont de nature à améliorer la mise en oeuvre de la loi de 2008 et qui sont le fruit du travail substantiel mené au sein du Haut Conseil du dialogue social.
Nous saluons également l'inscription dans le projet de loi d'une disposition importante portée par trois organisations syndicales (la CGT, FO et la CFDT) et qui consiste à permettre aux délégués syndicaux d'être à nouveau désignés dans un périmètre moins important que celui des comités d'entreprise. Le Medef s'y oppose alors que cette possibilité favorise une activité syndicale de proximité avec les salariés. Nous vous appelons à la vigilance car le débat parlementaire pourrait susciter des tentatives de remise en cause sur ce point.
Le projet de loi manque malgré tout d'ambition et ne permet pas de franchir un cap nécessaire en matière de démocratie sociale.
La loi devrait faire reposer la validité des accords sur le critère d'accords collectifs majoritaires à au moins 50 %, d'autant plus que les dispositions actuelles (seuil de 30 % et absence d'opposition d'une organisation ayant recueilli une majorité) étaient conçues comme transitoires dans la position commune.
L'absence de mise en place de représentants élus et de commissions paritaires territoriales pour les salariés des TPE « entache » les dispositions du projet de loi consacrées à la démocratie sociale. Le Gouvernement se contente de renvoyer dans l'exposé des motifs à des travaux de concertation complémentaires dans le cadre du Haut Conseil du dialogue social avant leurs éventuelles traductions législatives pour la deuxième mesure de l'audience en 2017. 4,6 millions de salariés travaillent dans des TPE. La majorité d'entre eux n'ont pas de représentants élus, ni d'instances représentatives dotées de compétences. Des propositions existent pour corriger ce « défaut » de démocratie sociale. Certes, la concertation a besoin d'être poursuivie. Mais le projet de loi ne peut se contenter de maintenir le statu quo.
Bien que le débat sur la justice prud'homale ait été reporté au printemps et donc dissocié de ce projet de loi, permettez-moi de formuler dès ce stade quelques remarques à ce sujet.
La possibilité d'agir devant le conseil des prud'hommes fait partie intégrante des garanties collectives dont bénéficient les salariés afin de faire respecter leurs droits. Parmi les 200 000 affaires traitées chaque année, 98 % relèvent de l'initiative des salariés. Les conseillers prud'homaux représentent donc une force inestimable pour les salariés qui veulent obtenir réparation d'un préjudice subi. Leur légitimité ne saurait être garantie que par l'élection au suffrage universel.
La proposition qui consiste à désigner des conseillers prud'hommes à partir du critère de la représentativité ne résiste pas à une analyse politique et juridique rigoureuse. Les salariés qui ont voté aux élections professionnelles n'ont pas voté pour élire des conseillers prud'hommes mais pour une représentativité syndicale donnant le pouvoir de négocier des accords collectifs en leur nom. Dès le lendemain du scrutin de 2008, la CGT avait fait part de sa volonté de voir étudier les causes de l'abstention afin d'y porter remède. La seule réponse fut la commande du rapport Richard qui n'a pas débouché sur la mise en place d'un groupe de travail malgré notre demande en ce sens. En outre, la réforme envisagée conduirait à ce que les personnes privées d'emploi soient également privées de leur droit de vote. Elles seraient à la fois sans emploi et sans moyen de s'exprimer.
Un autre argument qui nous est avancé est le coût trop important des élections. Mais rien ne saurait justifier que l'on sacrifie une élection démocratique qui concerne 19 millions de personnes au prétexte de faire des économies !
S'agissant de la légalité de la désignation, le rapport Richard commandé en 2010 par le précédent gouvernement avait mis en garde contre une inconstitutionnalité tenant à l'impossibilité pour des citoyens, dans les conditions définies par la loi, de pouvoir se présenter à l'élection de juges, dès lors que la représentativité imposerait le « filtre syndical ».
La CGT a fait des propositions et reste disponible pour une réflexion débouchant sur des évolutions confortant la juridiction prud'homale, notamment par un vote dédié des salariés vis-à-vis de leurs conseillers prud'homaux. Cela nécessite d'organiser les élections pour 2015.
Le projet de loi comporte un article 18 qui concerne le financement des organisations syndicales et patronales et met en place un fonds paritaire de centralisation et de répartition des subventions publiques et contributions existantes. Nous notons que la définition des méthodes concrètes qui seront employées pour déterminer les niveaux de financement est renvoyée à des décrets en Conseil d'Etat et à une négociation nationale interprofessionnelle encadrée par ce décret.
Cet article appelle quelques remarques supplémentaires. Tout d'abord, la mise en place d'un tel fonds fait partie de nos revendications. Nous ne demandons pas une substitution aux financements existants mais la possibilité du financement de la mise à disposition de salariés pour l'activité syndicale. Le financement du fonds reposerait sur une cotisation de toutes les entreprises permettant de rembourser aux entreprises qui maintiennent les salaires des salariés syndiqués mis à disposition la somme totale représentée par ces rémunérations. Or, le fonds prévu par le projet de loi ne répond pas à cette revendication. Pour qu'il le fasse, il faudrait qu'il remplisse une triple condition : instaurer un droit des organisations syndicales à la mise à disposition de salariés de toute entreprise ; intégrer le remboursement de la rémunération des salariés mis à disposition dans les missions du fonds ; intégrer ce financement dans la cotisation patronale minimale que fixera le décret en Conseil d'Etat.
Ensuite, deux autres questions importantes ne sont pas traitées dans le projet de loi. Il s'agit, d'une part, du droit des confédérations syndicales de salariés de justifier de l'utilisation des subventions et contributions de façon totalement interprofessionnelle, c'est-à-dire pour les salariés du public comme du privé. Ce droit est nié par la Cour des comptes. Il s'agit, d'autre part, du droit à l'hébergement des unions territoriales interprofessionnelles des confédérations.
En outre, le niveau de financement du fonds est une question essentielle : quels seront les niveaux respectifs de la cotisation des entreprises, de la contribution des institutions paritaires autres que celles de la formation professionnelle et de la subvention de l'Etat ?
Enfin, s'agissant de la répartition des fonds, il paraît injuste et politiquement infondé que l'audience des organisations syndicales ne soit pas prise en considération dans la répartition de la part de la subvention publique dédiée à la contribution aux relations avec l'Etat et aux missions d'intérêt général. La répartition forfaitaire des subventions génère en effet d'importantes inégalités dans le financement des confédérations. Tandis que les ressources de celles qui ont le plus d'adhérents et qui sont les plus représentatives reposent majoritairement sur les cotisations, celles qui ont peu d'adhérents sont majoritairement financées par des subventions. Cette situation risque d'alimenter des campagnes médiatiques de dénigrement du syndicalisme qui feraient l'amalgame de toutes les organisations, ce qui est intolérable.
Venons-en pour finir au titre III du projet de loi relatif à l'inspection du travail. Nous portons un regard positif sur les dispositions de l'article 20 qui élargissent les pouvoirs d'intervention de l'inspection du travail en matière de santé et de sécurité au travail. Il en va de même de l'élargissement du champ d'application du dispositif d'arrêt temporaire de travaux en cas de dangers graves et imminents.
En revanche, l'inspection du travail constitue un service public essentiel pour protéger les salariés contre les abus du patronat. Son autorité repose sur les trois critères fondamentaux suivants : l'indépendance, garantie par la convention n° 81 de l'organisation internationale du travail (OIT) ; la fonction généraliste, qui lui assure une présence dans toutes les entreprises ; le maillage territorial de proximité qui la rend accessible à tous. Or, dans son état actuel, le projet de loi remet en cause ces critères. Il provoquerait immanquablement un bouleversement parmi le personnel, et un danger pour la protection des salariés : remise en cause de l'indépendance du corps de l'inspection du travail, transformation des missions avec moins de contrôle dans les entreprises, notamment les très petites, désorganisation du maillage territorial ... En outre, sous couvert d'une évolution de carrière d'une partie des agents, une vraie menace continue de peser sur les effectifs de contrôle et des autres personnels.
Pour assurer ses missions de contrôle, l'inspection du travail a besoin de moyens humains, du doublement des sections pour être encore plus proche des salariés et de la reconnaissance du travail des agents de contrôle, avec notamment un véritable déroulement de carrière pour les catégories C, B et A. La CGT demande également qu'il soit permis aux inspecteurs du travail de constater la situation de travail des salariés, en particulier lorsque ceux-ci sont en situation de vulnérabilité, afin de les aider à « s'en sortir », et de recevoir localement et directement tout salarié qui le demande. Si la concertation prévue au niveau départemental pour échanger et mettre en commun les expériences pourrait être une bonne idée, elle ne doit pas se confondre avec l'instauration d'une subordination de l'inspecteur. Enfin, la lutte contre le travail non déclaré doit pouvoir être menée conjointement entre l'inspecteur du travail « local », les organisations syndicales et les représentants du personnel, qui seront plus efficaces que n'importe quel « groupe national d'intervention ».
M. Claude Jeannerot, rapporteur. - Malgré la situation singulière dans laquelle nous nous trouvons, sans disposer du texte du projet de loi tel qu'il sera déposé aujourd'hui à l'Assemblée nationale, nous avons souhaité vous entendre dès aujourd'hui en raison des délais très courts d'examen de ce texte.
En ce qui concerne la formation et notamment le compte personnel de formation, vous avez exprimé votre inquiétude sur l'accès des salariés des TPE aux dispositifs de formation et votre crainte que les inégalités selon la taille des entreprises ne s'accroissent. Pourtant, l'Ani du 14 décembre 2013 cherche à les réduire. Ainsi son article 40 prévoit la mise en place d'une mutualisation interprofessionnelle au profit des salariés des TPE. De ce point de vue, l'accord représente un progrès.
Le compte personnel de formation entre dans le cadre de la sécurité sociale professionnelle que votre organisation appelle de ses voeux depuis de nombreuses années. Quelles seraient les conditions de son succès et les écueils à éviter pour qu'il ne reste pas inabouti comme le DIF ?
Comment envisagez-vous le processus d'élaboration des listes des formations éligibles au compte personnel de formation ? Toutes les branches seront-elles en mesure de le mener à bien ? N'y a-t-il pas un risque d'introduire des inégalités entre les branches ou entre les territoires ?
Votre point de vue sur ce que propose le texte concernant la représentativité patronale est clair, mais comment tenir compte des caractéristiques spécifiques du tissu économique et des secteurs d'activité ?
Sans revenir sur la question lien hiérarchique, votre opposition à la réforme de l'inspection du travail étant manifeste, que pensez-vous néanmoins de l'instauration de sanctions administratives en cas de manquement à des dispositions élémentaires du code du travail ?
Mme Isabelle Debré. - Qu'en est-il de la suppression des élections prud'homales ? A-t-elle bien été retirée du projet de loi, comme on a pu l'entendre ces derniers jours ? A ce sujet, j'ai interrogé Michel Sapin la semaine dernière lors de la séance de questions cribles thématiques. Je l'ai mis en garde contre le risque d'inconstitutionnalité de cette mesure, en raison de la rupture d'égalité qu'elle implique. En effet, seuls pourraient alors se présenter aux élections prud'homales les salariés syndiqués. Le ministre m'a affirmé le contraire, mais je n'ai pas changé de position.
Mme Annie David, présidente. - Le ministre a effectivement annoncé que la réforme de la désignation des conseillers prud'hommes ferait l'objet d'un projet de loi distinct.
M. René-Paul Savary. - Les entreprises devront-elles contribuer au financement du compte personnel de formation à hauteur de 0,1 % ou de 0,2 % de leur masse salariale ?
Par ailleurs, quelle est la position de la CGT sur la formation des bénéficiaires du RSA ?
Mme Catherine Génisson. - Le sujet de l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'accès à la formation est-il traité de manière appropriée par ce projet de loi, sachant que les femmes sont victimes en la matière de discriminations qui ont un impact fort sur leurs parcours professionnels ?
Mme Gisèle Printz. - Qu'en est-il de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi ? Ce texte apporte-t-il des solutions aux carences actuelles ?
Mme Catherine Perret, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT. - Les parlementaires ont la possibilité de corriger l'une des insuffisances majeures du projet de loi en ce qui concerne les inégalités qui touchent les femmes. Il est prévu que le compte personnel de formation sera abondé au prorata de la durée travaillée, or le temps partiel est très majoritairement féminin. Il s'agit d'une injustice criante : ce n'est pas parce qu'un salarié travaille à temps partiel qu'il doit se former partiellement, bien au contraire. Pour le DIF, certaines branches, comme celle de la santé et de l'action sociale, avaient décidé de s'affranchir de cette règle à partir de 80 % d'un temps plein. Pourquoi ne pas s'en inspirer pour le compte personnel de formation ?
L'engagement de la CGT en faveur d'une sécurité sociale professionnelle est ancien et se retrouve dans l'Ani du 5 décembre 2003, qui a créé le DIF, puis dans l'Ani du 7 janvier 2009, qui a organisé sa portabilité. L'Ani signé le 14 décembre 2013 ne constitue pas à nos yeux une nouvelle étape en matière de sécurisation des parcours puisque nous n'avons pas obtenu de véritable droit à la formation.
Nous avions pourtant fait des propositions quasiment révolutionnaires durant la négociation, pour passer d'une obligation de dépenser à une obligation de former. Nous étions d'accord pour rediscuter de l'obligation légale de financement du plan de formation, avec des propositions chiffrées pour la faire baisser à 0,2 % en échange d'un financement dédié au compte personnel de formation qui permette à une majorité de salariés d'y avoir accès. Une contribution de 0,4 % de la masse salariale nous semblait nécessaire. Une mutualisation au premier euro aurait également été souhaitable. Les organisations avec lesquelles nous nous sommes entretenues, notamment l'UPA, n'étaient pas opposées à l'idée de faire évoluer leurs obligations de financement. Il y a un diagnostic partagé : le besoin en qualification est énorme, en particulier dans les TPE. D'ici cinq ans, les deux tiers des chefs des petites entreprises seront partis à la retraite. Il faut mettre les salariés en capacité de les reprendre, notamment dans l'artisanat.
Il faut valoriser un dispositif qui fonctionne et qui doit rester distinct du compte personnel de formation : le Cif. Sa durée moyenne est de 800 heures, soit une formation longue et qualifiante. En prenant en compte le Cif CDD, environ 50 000 salariés en bénéficient par an, alors que la demande est deux ou trois fois plus importante.
Nos propositions étaient conformes aux objectifs indiqués dans la lettre de cadrage envoyée par Michel Sapin : développer l'accès à la qualification et aux formations longues et cibler les salariés les moins qualifiés, en particulier dans les TPE, ainsi que les demandeurs d'emploi.
La CGT ne pouvait donc pas signer l'Ani, car il ne correspond pas à un amorçage du compte personnel de formation. Celui-ci va bien être mis en place mais il suscitera de nombreuses désillusions en raison de moyens insuffisants. Il ne sera pas accessible pour la majorité des salariés qui en feront la demande. La suppression de la dérogation, par accord d'entreprise et pour une durée de trois ans, à l'obligation d'un financement mutualisé du compte permettrait en partie d'y remédier. Un fonds dédié et abondé par toutes les entreprises est indispensable. Les 0,2 % retenus ne permettront sans doute pas de former plus de 600 000 salariés par an : l'universalité est donc loin d'être atteinte. On risque de demander aux stagiaires de prendre en charge une partie du coût de leur formation : le public visé sera alors différent et les ouvriers les moins qualifiés, ceux des TPE, en seront exclus. L'objectif de justice affiché à l'ouverture de la négociation n'est pas atteint.
La sécurité sociale professionnelle ne vise pas à sécuriser les parcours professionnels mais les personnes durant le déroulement de ceux-ci. L'absence de garanties collectives dans le compte personnel de formation ne le fait pas entrer dans son champ. Il aurait dû s'accompagner d'une obligation pour les entreprises de mettre en place un plan de formation et de le présenter aux organisations syndicales qui y sont représentatives. Les Opca pourraient apporter un soutien aux TPE, afin de tenir compte des difficultés particulières qu'elles peuvent rencontrer. Aujourd'hui, même dans certaines entreprises de taille moyenne, la consultation du comité d'entreprise est purement formelle, le plan de formation est inexistant et les représentants du personnel n'ont aucun moyen d'action en la matière. C'est illogique dans un contexte où les entreprises cherchent à améliorer leur compétitivité.
Des listes de formations prioritaires devraient être établies au niveau national interprofessionnel, reprenant le répertoire national des certifications professionnelles, au niveau de la branche et par accord d'entreprise, reflétant les spécificités du secteur d'activité et du bassin d'emploi. Le salarié aurait ensuite accès de droit, par le biais de son compte personnel de formation, à l'une de ces formations qui lui garantirait une évolution de son poste de travail dans l'entreprise. L'Ani est donc très éloigné du projet que portait la CGT dans la négociation.
Mme Agnès Le Bot. - Sur la représentativité patronale, qui est un sujet complexe, une concertation approfondie était nécessaire. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) va d'ailleurs rendre un avis sur le sujet au mois de juin, soit après l'adoption du projet de loi. Cette question a des conséquences très importantes pour les salariés, notamment en matière d'accords collectifs. Les propositions faites n'assurent aucunement la transparence et la légitimité des organisations patronales qui les signeront.
Faire reposer le système sur les adhésions est une garantie d'opacité en raison des multiadhésions, qui sont courantes dans les organisations patronales. L'adhésion peut être l'un des critères retenus en matière de représentativité, comme elle l'est déjà pour les organisations syndicales, mais elle ne peut servir à mesurer l'audience.
M. Jean Desessard. - Que proposez-vous ?
Mme Agnès Le Bot. - De nombreuses solutions alternatives existent, portées notamment par des juristes, dont le point commun est qu'elles reposent sur un vote, comme pour la représentativité syndicale. C'est tout à fait possible : un débat est nécessaire, mais le patronat a refusé toute négociation.
La pression mise, au nom de la recherche d'économies, sur le service public de l'inspection du travail menace l'effectivité du droit. Les sanctions administratives ne seraient pas prononcées par les inspecteurs du travail ni même par des agents bénéficiant d'un statut garantissant leur indépendance et leur protection contre les influences extérieures. Rien n'est prévu pour que les syndicats bénéficient de prérogatives comparables à celles qui sont les leurs dans la procédure pénale, c'est-à-dire le droit d'ester en justice. Il y a un effet d'affichage certain, faute de moyens.
Comme à l'Assemblée nationale, le volet de la représentativité syndicale a été peu mentionné. Il est inacceptable que les 4,6 millions de salariés des TPE ne soient pas dans le droit commun. Certaines organisations patronales sont prêtes à négocier, en particulier sur la mise en place d'instances paritaires territoriales.
Enfin, les dispositions relatives aux élections prud'homales font bien l'objet d'un projet de loi distinct, qui vise à habiliter le Gouvernement à agir par ordonnance. Cette dissociation est une bonne nouvelle, elle doit désormais permettre à une concertation d'avoir lieu pour conforter cette juridiction.
Nomination d'un rapporteur
La commission désigne M. Jean Desessard en tant que rapporteur sur la proposition de loi n° 182 (2013-2014) relative au choix libre et éclairé d'une assistance médicalisée pour une fin de vie digne.
Jeudi 23 janvier 2014
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Formation professionnelle, emploi et démocratie sociale - Table ronde des représentants des employeurs (Medef, UPA)
Mme Annie David, présidente. - Nous recevons ce matin les représentants des employeurs, dans un premier temps le Medef et l'Union professionnelle artisanale (UPA), signataires de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 14 décembre 2013, puis la CGPME, non signataire, pour évoquer le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.
Mme Florence Poivey, présidente de la commission des relations du travail du Medef. - Dirigeante d'une PME industrielle implantée dans le Massif central, mon entreprise consacre entre 5 % et 7 % de la masse salariale à la formation professionnelle. Elle est essentielle à notre compétitivité : pour anticiper la croissance, nos collaborateurs doivent être au fait des dernières technologies.
Former plus et mieux, telle était l'ambition que nous avons affichée dans les négociations. L'objectif du Medef, progressivement partagé par l'ensemble de nos partenaires, était de faire de la formation un levier de compétitivité et de sécurisation des parcours professionnels, ainsi qu'un levier de mobilité interne et externe. Les experts estiment que 30 % des métiers de 2030 nous sont encore inconnus, et que nos collaborateurs consacreront 10 % de leur temps à se former.
Améliorer notre compétitivité et sécuriser les parcours professionnels implique de trouver, pour l'entreprise, le collaborateur comme le demandeur d'emploi, un équilibre entre liberté et responsabilité, le tout dans une démarche d'excellence.
Dans les entreprises, il faut passer d'une logique d'obligation de dépense à une logique d'investissement : les dépenses de formation doivent être considérées de la même manière que celles de recherche et développement. Leur mise en responsabilité passe par l'instauration d'un entretien obligatoire tous les deux ans, destiné à planifier la montée en compétence des collaborateurs, qui sera évaluée, dans les entreprises de plus de 50 salariés, à l'occasion d'un nouvel entretien tous les six ans. Le champ de liberté ouvert aux salariés réside dans la possibilité d'activer leur compte personnel de formation (CPF) en dehors du temps de travail sans en référer à leur employeur. Cela profitera par exemple à ceux dont le conjoint est muté, ou dont le patron refuse les demandes de formation qualifiante.
La mise en responsabilité des salariés réside dans les caractéristiques du CPF lui-même. Dès seize ans, et tout au long de sa vie professionnelle, chaque Français pourra y engranger des heures de formation, y compris en période de chômage ou en cas de changement d'entreprise. Ces comptes seront gérés par la Caisse des dépôts et consignations et accessibles directement et à titre personnel sur Internet. Il reste à mettre en place, en lien avec les partenaires sociaux, ce portail pédagogique interactif. Ce compte donnera accès à des formations qualifiantes ciblées sur les besoins en compétences des entreprises et des territoires.
Offrir plus de liberté aux salariés et aux demandeurs d'emploi passe par l'optimisation des circuits d'accès à la formation. Aujourd'hui, un demandeur d'emploi n'y parvient qu'au bout de sept mois. Grâce au CFP, il activera son compte en direct.
Enfin, le passage, pour les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), d'une logique de collecte à une logique de service améliore l'efficience du système. Appuyés par les branches, les Opca doivent devenir les partenaires des PME. Reste, là encore, à faire évoluer les outils pédagogiques pour leur permettre d'exercer leurs nouvelles missions, les mettre en adéquation avec les besoins des entreprises et maîtriser les coûts.
D'une manière générale, nous avons souhaité développer la culture de service des organisations patronales, et asseoir par conséquent la majorité de leurs revenus sur les services rendus aux entreprises. Nous y voyons le prix de leur indépendance.
M. Antoine Foucher, directeur des relations sociales du Medef. - En matière de représentativité patronale, nous souhaitons d'abord modifier les critères d'accès à la table des négociations au sein d'une branche. Ceux-ci tiennent compte du nombre d'adhérents, mais non des effectifs salariés, de sorte qu'à l'intérieur d'une branche, une fédération représentant une majorité d'adhérents mais très peu de salariés peut exclure des négociations une autre, qui représente une majorité de salariés mais une minorité d'entreprises. Cette disposition doit être corrigée.
Ensuite, notre objectif est le financement majoritaire des organisations patronales par les cotisations. Le projet de loi entérine pourtant un système de financement non assis en majorité sur les ressources des adhérents. Déconnecter le financement des organisations des intérêts qu'elles défendent fragilise le dialogue social.
Enfin, le projet de loi réforme opportunément l'inspection du travail, mais autorise tout inspecteur à demander communication et à prendre copie de tout document. Nous y voyons une source de difficultés, en termes de confidentialité.
M. Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale (UPA). - En tant que signataire de l'accord, je rejoins nécessairement le point de vue de Florence Poivey sur la formation professionnelle. La mutualisation des fonds est un autre progrès majeur rendu possible par le texte, notamment pour les entreprises de moins de dix salariés. Le plan de formation prévoyait auparavant la fongibilité descendante des crédits - les sommes non consommées au niveau supérieur pouvaient être affectées aux plus petites entreprises - mais en pratique, les grands groupes ne leur laissaient que des miettes. Désormais, une partie des crédits du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) financera les actions du plan de formation des entreprises de moins de dix salariés. Les décrets d'application préciseront le dispositif. Dans ces mêmes entreprises, un accord de branche pourra prévoir la prise en charge, par l'Opca, de la rémunération des salariés partis en formation, ce qui les incitera à développer la formation de leur personnel, indispensable à la compétitivité de nos entreprises.
La collecte des Opca est un autre sujet. Au niveau interprofessionnel, sauf accord de branche, elle n'a jamais donné lieu à mutualisation des fonds. Pour la première fois dans un ANI, la mutualisation des dépenses pour le plan de formation est prévue pour les entreprises de 10 à 49 salariés, et de 50 à 299 salariés.
Reste à accompagner les Opca dans le développement d'une logique de service. La loi de 2009 les y incitait déjà. Nous devons leur donner enfin les moyens d'y parvenir, sur le plan financier mais aussi organisationnel.
Le droit de la formation professionnelle s'autonomise, ce qui n'aide guère à simplifier le système. De plus, la gouvernance de certains Opca interprofessionnels mériterait d'être revue. Certains ne respectent pas le droit conventionnel, en n'assurant pas la représentation de toutes les organisations qui doivent l'être.
La représentativité patronale n'est pas un sujet nouveau. La question a été soulevée en 2006 avec le rapport Hadas-Lebel qui a donné lieu à une saisine du Conseil économique et social, puis en 2008 lors de la réforme de la représentativité syndicale. Depuis 2006, nous sommes favorables à une réforme pour sortir le droit de la représentativité patronale des sables mouvants dans lesquels il s'enlise. En effet, toute organisation peut faire une demande de reconnaissance de représentativité auprès du ministère du travail. C'est d'ailleurs sur ce fondement que l'UPA est devenue représentative. Cela laisse toutefois un large pouvoir d'appréciation au juge saisi du contrôle des accords signés par ces organisations. Les nouvelles dispositions de mesure de la représentativité patronale sécuriseront les accords signés.
L'équilibre ainsi trouvé demeure toutefois fragile. Après la position commune Medef-CGPME-UPA de juin 2013, le Gouvernement a confié une mission à Jean-Denis Combrexelle, dont le projet de loi reprend les conclusions. L'UPA avait envisagé l'hypothèse de procéder par élections. Mais les règles de représentativité patronale diffèrent de celles de la représentativité syndicale : les accords signés n'ont vocation à s'appliquer qu'aux adhérents, sauf procédure d'extension ou d'agrément. Il est donc logique de fonder la représentativité patronale sur les adhérents. Nous ne nous sommes pas opposés à la prise en compte des effectifs salariés, qui intervient d'ailleurs dans le droit d'opposition aux accords. La généraliser créerait un risque que les grandes entreprises fassent la loi dans leur branche. Le dispositif proposé est sain, sous réserve que les organisations professionnelles fédèrent le plus grand nombre d'entreprises d'une branche donnée.
Le texte instaure une représentativité ascendante : au niveau des branches, puis au niveau interprofessionnel. Il n'aurait pas été cohérent de déconnecter des branches professionnelles la mesure de la représentativité patronale au niveau interprofessionnel.
Le texte rationalise le système actuel de financement : l'UPA y est également favorable. Les nouvelles contributions sont très faibles, entre 0,014 % et 0,020 %, mais elles se substituent aux cotisations actuelles. Le système était peu transparent, puisque les entreprises ignoraient que 30 millions d'euros de leurs cotisations au niveau interprofessionnel étaient destinés au financement des partenaires sociaux. Grâce à la déconnexion du financement de la formation professionnelle, les choses sont désormais claires.
L'inspection du travail est nécessaire, car il est indispensable de faire respecter les règles et de prévenir les distorsions de concurrence. Cela étant, il faut accompagner davantage les petites entreprises dans les méandres d'un droit du travail très complexe. En d'autres termes, les aider à se mettre en conformité avec les règles, plutôt que de jouer au Père Fouettard.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. - Je vous remercie, madame Poivey, pour la clarté de votre exposé sur le sens de l'ANI et du projet de loi.
Certains craignent que la disparition de l'obligation légale de financement du plan de formation n'affaiblisse le système de péréquation à destination des petites entreprises. Vous nous avez rassurés sur ce point. Mais comment cette nouvelle obligation de former plutôt que de payer se traduira-t-elle en actes ?
Quels sont les facteurs clés de succès du CPF, et quels sont les écueils à éviter pour qu'il ne reste pas inabouti, comme le droit individuel à la formation (DIF) ? N'y a-t-il pas, dans le processus d'élaboration des listes des formations éligibles au dispositif, le risque d'introduire des inégalités entre les branches et entre les territoires ?
Quant à la représentativité patronale, la multi-adhésion des organisations professionnelles de branche pose problème, comme le soulignait le rapport Combrexelle. Le projet de loi va-t-il assez loin ? Quelle est votre doctrine à ce propos ? Ne craignez-vous pas que ce soit le talon d'Achille de la réforme ?
Enfin, êtes-vous favorables à la procédure de transaction pénale que pourra proposer l'inspection du travail, à l'échelon de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), après accord du procureur de la République ?
Mme Florence Poivey. - J'ai combattu la notion d'obligation de faire, qui implique des freins. Je suis davantage attachée à l'idée de mise en responsabilité, afin de libérer les bonnes énergies pour la formation, levier essentiel de compétitivité, à plus forte raison dans les PME. Le taux moyen national de participation financière à la formation est de 2,8 %, ce qui est bien supérieur à l'obligation légale, principalement grâce aux grandes entreprises. Sur cet aspect des choses, l'ANI est très bon, il donne envie d'investir. Les fonds disponibles pour la mutualisation des ressources à destination des entreprises de 50 à 250 salariés seront plus élevés demain qu'ils ne le sont aujourd'hui et nous remercions les partenaires sociaux d'y avoir été attentifs.
Nous avons tous constaté la lenteur au démarrage du DIF, mais ne le condamnons pas pour autant : sans lui, le CPF n'existerait pas. Sa montée en puissance a été progressive et 400 000 personnes l'utilisent désormais. Toutefois, il demeure très individuel, quand le CPF est aussi collectif. Un important travail de pédagogie reste à faire. La mise en oeuvre du dispositif sera capitale. Je crois beaucoup au rendez-vous obligatoire tous les deux ans. J'ai souvent entendu que le dialogue sur la formation demeurait difficile au sein de l'entreprise - bien que ce ne soit pas le cas dans la mienne.
Certaines branches sont de bonnes prescriptrices et épaulent efficacement les Opca dans leurs nouvelles missions, d'autres beaucoup moins. A nous de les accompagner de façon constructive au niveau interprofessionnel. Au Medef, des personnes sont d'ores et déjà affectées à la mise en oeuvre de cette réforme.
M. Antoine Foucher. - Le projet de loi pèche par la multi-adhésion car l'indépendance et l'autonomie financière ne sont pas pris en compte comme critères de représentativité. Nous avions suggéré que la multi-adhésion permette à une fédération d'apporter librement ses voix à la confédération de son choix, dans le respect du principe de liberté contractuelle garanti par la Constitution. Le Gouvernement en a décidé autrement : le projet de loi introduit un plafond dans le minimum de voix que le décret peut obliger une fédération à apporter à une confédération. Le Conseil d'Etat a été très vigilant, estimant, comme le Medef, que l'on ne pouvait obliger une fédération à apporter plus de voix qu'elle ne souhaite à une confédération. Néanmoins, le talon d'Achille de la réforme réside plutôt dans le fait que certaines confédérations pourront ne tirer qu'une minorité de leurs ressources des contributions de leurs adhérents.
La procédure de transaction pénale avec l'inspection du travail telle qu'inscrite dans le projet de loi remplit deux conditions essentielles à nos yeux : elle n'a pas de caractère obligatoire, et s'effectue sous l'autorité de la Direccte.
M. Pierre Burban. - Le nouveau système de mutualisation est une avancée incontestable, surtout pour les entreprises de moins de dix salariés. Par le biais du FPSPP s'instaure une véritable mutualisation interprofessionnelle. Pour les entreprises de plus de dix salariés, ce mécanisme de mutualisation est une première. De plus, les accords de branche existants en matière de mutualisation ne seront pas remis en cause. Certains ont par exemple prévu des cotisations plus importantes pour les entreprises de moins de dix salariés.
Le CPF a un financement dédié, ce qui n'était pas le cas du DIF. Tout le monde devra se l'approprier : salariés en activité, demandeurs d'emploi, conseils régionaux.
La position de l'UPA sur la représentativité patronale se situe entre celle du Medef et celle de la CGPME. Nous ne voyons pas dans la multi-adhésion un problème en soi. Si une fédération adhère à plusieurs interprofessions, c'est parce qu'elle le souhaite. C'est un cas de moins en moins fréquent. Le texte réalise un compromis de bon aloi entre le libre choix et la répartition précise des voix inscrite dans la loi.
Sur la procédure de transaction pénale, ma position est la même que celle d'Antoine Foucher.
Mme Catherine Procaccia. - Les heures de formation acquises au titre du DIF seront-elles intégralement reprises dans le CPF ?
La loi de 2009 modifiait déjà la logique des Opca. Or rien n'a changé. Est-ce seulement possible ? Un Opca n'a forcément pas vocation à analyser les besoins des entreprises : il s'agit d'un autre métier.
Sait-on combien d'entreprises ne font pas partie d'une organisation professionnelle ?
Enfin, je croyais l'entretien, annuel ou non, obligatoire dans les entreprises depuis les lois Auroux. C'était le cas lorsque j'étais moi-même salariée. Il a notamment pour objectif de faire le point sur les besoins de formation. Est-il tombé en désuétude ? Ou n'existe-t-il que dans les grandes entreprises ?
M. Jean-Noël Cardoux. - La représentativité actuelle laisse de côté des branches entières de notre économie qui représentent des millions de salariés, dont l'agriculture, les professions libérales, les services à la personne, confrontés à l'immense défi de la réforme de la dépendance. N'est-ce pas là le talon d'Achille de ce texte ? Vous avez dit, et c'est exact, que les entreprises ignoraient qu'elles finançaient le dialogue social. La réforme est censée apporter plus de transparence. Mais si toutes les branches ne sont pas représentées, n'y a-t-il pas un risque d'inconstitutionnalité pour rupture d'égalité devant les charges publiques ?
Je reprendrai volontiers à mon compte la remarque du représentant de la CFDT lors de la table ronde d'hier : ce n'est pas aux entreprises de s'adapter aux Opca, mais à ceux-ci de s'adapter à celles-là. Monsieur Burban, je m'inquiète de ce que le développement de l'offre de services par les Opca ne figure pas dans le projet de loi et soit renvoyé au pouvoir réglementaire. Catherine Procaccia a rappelé que les objectifs précédemment fixés étaient restés en stand-by. Nous connaissons les capacités de blocage de la machine administrative...
Le rôle des Opca à l'égard des TPE est hélas oublié par ce texte. Or, la CGT l'a dit hier, c'est dans ces entreprises, de deux ou trois salariés, qu'il importe de bien cadrer la formation, afin qu'elle facilite la transmission entre le chef d'entreprise et ses salariés. Outre la prise en charge de la rémunération du salarié qui se forme, il faudra prévoir son remplacement, pour que le travail soit fait. Les Opca devraient proposer des formations sur place, tenant compte de l'organisation interne de l'entreprise.
Le projet donne à l'inspection du travail le pouvoir d'infliger des sanctions administratives. Sachant les conflits que celles-ci impliquent, et qu'elles ne seront plus soumises au juge, je m'interroge sur votre position.
Mme Annie David, présidente. - Il est vrai que vous négociez pour vos adhérents, mais une fois que l'accord que vous avez signé est transposé dans une loi, il s'applique à toutes les entreprises, adhérentes ou non. C'est dire l'enjeu de la représentativité patronale, qu'il importait de préciser.
M. Antoine Foucher. - L'intégralité des heures du DIF sera transférée au CPF au 1er janvier 2015 : aucune heure de formation ne sera perdue. Grâce à l'accord, le nombre des utilisateurs du CPF sera supérieur à celui des salariés qui recouraient au DIF.
La grande différence aujourd'hui par rapport à 2009, c'est la suppression de l'obligation fiscale ! Jusqu'à présent, les Opca démarchaient les entreprises, leur rappelaient leur obligation légale de consacrer 0,9 % de leur masse salariale au plan de formation, en interne ou via un tel organisme, en mettant en valeur les avantages de cette option, qui pouvait être assortie, à la demande de l'entreprise, d'une offre de formation. Tout change désormais puisque les Opca devront aller à la rencontre des entreprises, non pour collecter les fonds leur permettant de s'acquitter de leur obligation légale, mais pour examiner avec elles comment développer la formation en leur sein, comment répondre à leurs besoins en la matière. On passe d'une logique de collecte à une logique de service. La suppression de l'obligation fiscale modifie profondément le rôle des Opca. C'est une rupture par rapport à l'accord et à la loi de 2009.
Dans les deux millions d'entreprises qui emploient des salariés dans notre pays, l'entretien professionnel sera rendu obligatoire et aura pour fonction, notamment, d'évaluer l'accès à la formation. Cette pratique répandue dans les plus grandes d'entre elles s'étendra à l'ensemble des entreprises. Elle permettra de faire le point, tous les deux ans, sur l'évolution professionnelle du salarié, en termes de salaire, d'accès à la formation, de carrière. Si le bilan, réalisé tous les six ans dans les entreprises de plus de 50 salariés, n'est pas satisfaisant, le CPF du salarié sera abondé de 100 heures supplémentaires.
La question difficile du « hors champ » n'est pas complètement traitée dans ce projet de loi, mais une consultation systématique des organisations des secteurs concernés en amont, avant toute négociation et toute décision interprofessionnelles, est prévue. Sans les intégrer à la table de négociation, leur avis sera ainsi systématiquement pris en compte. Nous ne pouvons pas négocier pour l'économie sociale parce que nous avons peu d'adhérents dans ce secteur, et celui-ci ne peut pas négocier pour l'industrie ou pour les banques car il n'est pas présent dans ces branches.
L'accord augmente de 34 % les fonds destinés à la formation des salariés des TPE, sans que cela coûte un euro aux entreprises de moins de dix salariés, grâce à la solidarité interprofessionnelle des grandes entreprises à l'égard des petites. Avec ces 170 millions d'euros, le départ en formation de tous les salariés de toutes les TPE et le recours aux intérimaires ou à des embauches en CDD pour les remplacer sera facilité. Pourquoi avoir, avec les organisations syndicales, ciblé les TPE ? Parce que le taux d'accès à la formation y est de 21 %, contre 42 % en moyenne et 59 % dans les grands groupes.
La faculté reconnue à l'inspection du travail de prononcer des sanctions administratives n'est pas l'une des dispositions de ce texte que nous avons le plus soutenue, certes, mais elle s'inscrit dans une réforme d'ensemble et sous l'autorité de la Direccte. Aussi n'en faisons-nous pas un casus belli.
M. Pierre Burban. - La mission d'accompagnement des Opca faisait partie de la réforme de 2009, laquelle a donné lieu à des réorganisations, des fusions... Il est vrai qu'à présent nous changeons de paradigme, en passant de la collecte au service.
Combien d'entreprises en France adhèrent à des organisations professionnelles ? J'avoue être incapable de répondre. Selon une étude, de 20 % à 30 % des entreprises en moyenne, avec de fortes variations selon les organisations. L'un des avantages de cette réforme tient à ce que nous pourrons enfin les dénombrer.
Sur la représentativité patronale, le projet de loi reprend la jurisprudence de l'interprofession. Il n'y a que quatre champs, l'industrie, le commerce, la construction et les services. Nous travaillons avec l'UNAPL (Union nationale des professions libérales), la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) et l'économie sociale, ainsi qu'avec certaines organisations représentant les employeurs à domicile. L'abandon des critères jurisprudentiels ferait passer le nombre des organisations professionnelles de trois à plus de quarante ! Les conséquences seraient autant pratiques que juridiques. Au Medef, à l'UPA, comme à la CGPME, nous travaillons avec ce que l'on appelle abusivement le « hors champ », pour faire en sorte que chacun ait voix au chapitre, et les aspects financiers ne sont pas écartés.
Les Opca sont liés à l'Etat par des conventions d'objectifs et de moyens. C'est dans ce cadre qu'il faudra veiller à ce qu'ils assument leurs missions d'accompagnement.
Il est évident que les TPE n'ont pas été oubliées : 34 % de ressources en plus, provenant des entreprises de plus de dix salariés, y compris des grands groupes. Cette solidarité, grande nouveauté de l'accord, existera enfin. J'insiste aussi sur la mutualisation pour les entreprises de plus de dix salariés, qui n'existait pas auparavant.
Quant aux 0,9 %, je précise que même lorsque les Opca démarchaient les entreprises, ils n'étaient pas mutualisés et restaient dans les entreprises. C'était une enveloppe à leur disposition. La collecte par les Opca leur offrait un bordereau, qui pouvait être aisément produit aux services fiscaux. On peut estimer que les contributions de 0,20 % pour les entreprises de 10 à 49 salariés et 0,10 % pour celles de 50 à 299 salariés, ne sont pas suffisantes, mais elles seront mutualisées, et cela est nouveau. Nous continuerons, à l'UPA, à encourager une mutualisation plus forte, qui incombe aux branches.
M. Gérard Longuet. - Avec le passage d'une logique de collecte à une logique de service, qu'en est-il de la concurrence ? La prestation de services pour orienter et organiser la formation professionnelle en entreprise est un métier, exercé par des entreprises privées, souvent membres du Syntec : vont-elles entrer en concurrence avec les Opca ?
M. Antoine Foucher. - Il s'agit d'une excellente question, qu'il nous appartient de traiter. Le statut des Opca n'est pas encore complètement clair et le statut de la contribution qu'ils collectent, non obligatoire au sens de Maastricht, reste hybride. Il est certain que nous entrons dans une nouvelle ère.
J'attire votre attention sur la distinction entre l'entrée en vigueur du CPF, au 1er janvier 2015 et la mise en application de son financement par les Opca, qui n'interviendra que quatorze mois plus tard, le 28 février 2016. Certes, des procédés de substitution peuvent être trouvés, mais cette situation, que nous avons signalée au Gouvernement, n'est pas satisfaisante. Il ne devrait pas y avoir de hiatus entre la proclamation d'un droit ambitieux et la mise en oeuvre de son financement. La totalité de la réforme devrait être appliquée dès le 1er janvier 2015. Il serait fâcheux que les partenaires sociaux l'aient négociée en trois mois, que le Parlement l'ait examinée en deux mois, pour qu'elle mette deux ans à entrer totalement en vigueur.
Formation professionnelle, emploi et démocratie sociale - Audition des représentants des employeurs (CGPME)
Mme Annie David, présidente. - J'accueille à présent Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales, Georges Tissié, directeur des affaires sociales, ainsi que Sandrine Bourgogne, adjointe au secrétaire général, qui vont nous présenter le point de vue de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie locale.
Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales de la CGPME. - Nous centrerons notre propos sur deux points : la formation et sa réforme d'une part, la démocratie sociale et son financement, d'autre part.
S'agissant de la formation, le dispositif proposé bénéficie uniquement aux grandes entreprises et ne répond nullement aux attentes des petites et moyennes entreprises et industries (PME-PMI). C'est la raison pour laquelle la CGPME n'a pas trouvé d'entente avec le Medef. Loin de favoriser la simplification des dispositifs, le projet de loi, avec ses quatre régimes et ses seize taux, fournit plutôt un casse-tête supplémentaire ! L'état récapitulatif des formations du salarié, formalisé par écrit et dont la périodicité est fixée par le projet de loi à six ans, nous semble irréaliste, tant ses critères fournissent de motifs de sanction par l'inspection du travail. D'ailleurs, le chef d'entreprise peut également être confronté au refus du salarié de poursuivre une formation professionnelle et s'exposer malgré tout à des sanctions qui n'ont pas été précisées !
Comment la formation va-t-elle être désormais financée puisque celle-ci devient obligatoire et que la mutualisation, qui a permis pendant plus de trente ans de financer les actions de formation au bénéfice des salariés dans le cadre du plan de formation a cessé d'exister. A l'exception des TPE dont la situation demeure inchangée, les PMI et PME, c'est-à-dire les entreprises qui comptent jusqu'à 300 salariés, sont laissées pour compte. En somme, aucune forme de solidarité n'est prévue entre les grandes entreprises et leurs sous-traitants !
M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la CGPME. - Pour le plan de formation, un peu plus de deux milliards d'euros sont actuellement mutualisés, mais si l'on applique stricto sensu l'accord, ce montant va diminuer pour atteindre 700 millions d'euros pour l'ensemble des PME et TPE ! Les fonds mutualisés au titre du plan de formation seront ainsi divisés par trois.
Mme Geneviève Roy. - Soutenue par ses différentes branches, comme le bâtiment, la réparation automobile ou encore l'hôtellerie-restauration, la CGPME a tenté de modifier le dispositif de l'accord national interprofessionnel (ANI) jusqu'au terme des négociations. Le Medef nous a opposé une fin de non-recevoir.
M. Georges Tissié. - Le financement mutualisé du plan de formation est le talon d'Achille du texte ! Comme nous l'avons évoqué devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, nous proposons deux amendements.
D'une part, en conformité avec l'article 34 de l'accord, nous proposons que les sommes non utilisées au titre du compte personnel de formation, au 31 octobre de l'année considérée, puissent être réaffectées au financement mutualisé des actions du plan de formation des entreprises de 10 à 299 salariés.
D'autre part, afin de renforcer le financement du plan de formation tout en demeurant dans le cadre de la contribution fixée à 1 % de la masse salariale, nous proposons l'instauration d'un régime unique pour les différentes parts acquittées par les entreprises de plus de 10 mais moins de 300 salariés, à savoir 0,15 % pour le congé individuel de formation et le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), 0,40 % pour la formation, 0,20 % pour les actions de professionnalisation entendues au sens large, ainsi que 0,20 % pour le financement mutualisé du plan de formation. Nous proposons l'augmentation concomitante de la part de financement mutualisé des entreprises de 50 à 299 employés qui passerait alors de 0,1 à 0,2 % et permettrait d'abonder de près de 300 millions d'euros supplémentaires le financement du plan de formation. Cette modification répond ainsi à une logique de clarification et de cohérence en alignant le dispositif en vigueur pour les PME sur celui des TPE.
La rédaction du projet de loi issue du Conseil d'Etat nous paraît hybride et incohérente. Elle laisse au pouvoir réglementaire le soin de préciser les taux des différentes contributions assises sur 1 % de la masse salariale, hormis celles pour le CIF et le FPSPP, alors qu'il nous semble essentiel que la loi les fixe de manière exhaustive.
Mme Geneviève Roy. - L'accord est souvent présenté comme la source d'une baisse de charges pour les entreprises, mais cette baisse est en trompe-l'oeil, puisque l'obligation de formation incombe désormais aux entreprises sans pouvoir bénéficier de la mutualisation ! D'ailleurs, le Medef s'est opposé à la mutualisation, fidèle à sa logique du « chacun pour soi », alors que la CGPME préconisait une véritable mutualisation inter-entreprises, qui relève plutôt du « chacun son tour ».
Nos branches nous ont aussi exprimé leur inquiétude quant aux contrats en alternance dont le nombre pourrait baisser de près d'un tiers, du fait de la réduction de la contribution globale. Les jeunes en seront les premières victimes et la CGPME, qui se trouve aux côtés du Gouvernement pour soutenir le développement de l'alternance, ne peut que le déplorer ! Un tel manque de moyens n'est pas, d'ailleurs, sans alimenter les réticences des entreprises, qui doivent déjà faire face à une conjoncture difficile, à embaucher des jeunes en alternance.
M. Georges Tissié. - Selon les calculs du Medef, qui prennent en compte les nouvelles modalités de financement du FPSPP, la part que celui-ci consacrerait aux contrats de professionnalisation, serait ramenée à 180 millions d'euros environ, et ce sur les 800 millions d'euros de recettes dont il dispose. Une telle diminution induira une baisse notable du niveau de qualification de ces contrats, puisque la prise en charge maximale par contrat au titre de la péréquation passera de 6 800 à 5 000 euros. L'abaissement drastique de la contribution globale génère ainsi une série d'effets collatéraux sur la formation et le financement des contrats de professionnalisation ! Nous avons d'ailleurs été étonnés que l'ensemble des forces politiques, toutes tendances confondues, cautionne une telle évolution !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. - Le Medef et l'UPA nous ont présenté des raisonnements totalement opposés aux vôtres, en nous expliquant que le dispositif du projet de loi allait favoriser la mutualisation et les salariés des TPE en permettant de former « plus et mieux ». Premièrement, selon le Medef, ce sont les grandes entreprises qui profitent actuellement de la soi-disant mutualisation comme le système de grand compte présent dans chaque organisme collecteur paritaire agréé (OPCA) en témoigne. La solidarité entre les grandes et petites entreprises est réduite à 30 millions d'euros dans le système actuel, mais elle devrait être multipliée par six par l'ANI : le système sera ainsi plus solidaire après qu'avant la réforme. Deuxièmement : selon vous, la quasi-disparition de la mutualisation financière pour les PME devrait se traduire par une rupture d'égalité devant l'accès à la formation selon que l'on travaille ou non dans un grand groupe. D'après le Medef, l'accord vise à réduire les inégalités les plus criantes et, en ce sens, il augmente de 34 % les moyens affectés à la formation des salariés des TPE, grâce à un nouveau mécanisme de solidarité interprofessionnelle qui ne leur coûtera pas un euro.
Troisième et dernière affirmation : les jeunes seront pénalisés par l'ANI qui devrait occasionner la disparition d'un tiers des contrats de professionnalisation. Cette affirmation ne résiste pas à l'analyse, puisque les cotisations professionnelles ont dégagé 1 724 millions de ressources disponibles en 2012 pour les entreprises, la réforme dégagera 1 670 millions de ressources sur la professionnalisation et les contrats de professionnalisation représenteront 824 millions de dépenses, soit la moitié. En conséquence, elle n'induit aucune menace sur leur financement.
Le législateur est donc très embarrassé, car le Medef soutient l'adoption du projet de loi sur des arguments relatifs à la mutualisation, aux demandeurs d'emplois et à la professionnalisation et la feuille de route préparée par le Gouvernement, à en croire les signataires de l'accord, est totalement respectée. Et la CGPME nous dit le contraire...
M. Georges Tissié. - Sans vouloir polémiquer avec le Medef, de telles affirmations demeurent rhétoriques. Pour être plus précis, les 170 millions d'euros évoqués ne concernent que les TPE, tandis que l'inquiétude qui est la nôtre quant au financement concerne les entreprises de 10 à 299 salariés, à savoir les PME-PMI. D'ailleurs, pour les entreprises de moins de 10 salariés, le financement ne change pas, et les 20 % des ressources du FPSPP, attribués par l'article 40 de l'ANI en plus de la contribution de 0,4 % aux actions de formation du plan ne bénéficient, encore une fois, qu'aux TPE ! Et l'extension de ce dispositif aux entreprises de moins de 50 salariés, que nous avions proposée lors des négociations, nous a été refusée.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. - Selon vous, pour quelles raisons avez-vous essuyé un tel refus ?
Mme Geneviève Roy. - La logique qui est celle du texte place l'entreprise face à elle-même. Le système du chacun pour soi qu'instaure ce dispositif évince toute forme de solidarité ; c'est ce qui ressort des nombreuses concertations avec nos partenaires qui ont reconnu comme inéluctable l'effondrement de la formation dans les mois à venir, jusqu'à ce que les sanctions liées à l'obligation de former, infligées par les prud'hommes, n'incitent de nouveau les entreprises à former leur personnel.
1,5 milliard d'euros manquent manifestement à la mutualisation du plan de formation ! Interrogez sur ce point les branches qui adhèrent au Medef et à la CGPME, comme la branche du bâtiment, le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA) ou encore l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih), vous constaterez qu'elles partagent notre préoccupation !
M. Georges Tissié. - Avec l'ANI, la contribution professionnalisation, qui abonde le financement du contrat et des périodes de professionnalisation, connaît une baisse et finance également d'autres activités. D'ailleurs, la péréquation financière par le FPSPP, comme en a convenu le Medef, ne devrait pas dépasser 180 millions d'euros pour les contrats de professionnalisation. Pour celui-ci, les entreprises de plus de 300 salariés n'ont pas à entrer dans un système de cotisations obligatoires mutualisées, puisqu'elles organisent leur formation en interne. Les TPE peuvent cependant être les bénéficiaires d'un financement obligatoire suffisant. Entre ces deux seuils, soit de 10 à 299 employés, les entreprises n'ont eu droit in extremis qu'à un financement mutualisé du plan à hauteur de 0,2 % pour celles entre 10 et 49 employés et de 0,1 % pour les autres ! Le Medef, dont la CGPME ne partage pas la philosophie, ne souhaite donc pas la mutualisation du financement du plan de formation pour les PME-PMI.
Mme Catherine Procaccia. - La baisse à 5 000 euros du soutien aux contrats de professionnalisation est-elle inéluctable ? Par ailleurs, lorsque vous évoquiez, au début de votre propos, l'évaluation de la formation professionnelle des salariés qui doit désormais avoir lieu tous les six ans, comment sera-t-il possible de vérifier si les augmentations salariales lui sont directement liées ?
Mme Geneviève Roy. - Il y a là une imprécision qui ne manquera pas de susciter de nombreux contentieux. Cette insécurité juridique, qui s'accompagne d'une instabilité de la norme et d'un manque de lisibilité, est de nature à dissuader les chefs d'entreprise de créer de nouveaux emplois.
M. Georges Tissié. - S'agissant de la péréquation financière des contrats de professionnalisation, l'enveloppe actuelle, issue de l'accord de 2009, permet d'aller jusqu'à 6 800 euros par contrat. Avec l'abaissement de ce plafond à 5 000 euros, consécutif à la promulgation de cette nouvelle loi, le niveau des qualifications sera, lui aussi, mécaniquement amoindri. Une telle perspective va à l'encontre des objectifs des contrats de professionnalisation qui entendaient offrir des formations à haute valeur ajoutée aux salariés.
Mme Geneviève Roy. - Concernant la question de la représentativité patronale, dont la CGPME s'est emparée la première, le texte est globalement satisfaisant. Des imprécisions doivent toutefois être levées. Pour la mesure de la représentativité nationale et interprofessionnelle, la CGPME souhaite que le critère de 8 % soit maintenu et qu'il porte sur le nombre d'entreprises adhérentes, sans le pondérer par le nombre de leurs salariés. Cette proposition rejoint d'ailleurs les préconisations du rapport de Jean-Denis Combrexelle sur la représentativité patronale. Les organisations nationales interprofessionnelles ou de branche sont des entités qui ne s'occupent pas que des affaires sociales. Toutefois, lors de la signature d'accords nationaux interprofessionnels ou d'accords de branches, il est logique de recourir au critère du nombre dans le cadre du droit d'opposition, comme le prévoit d'ailleurs le projet de loi. Cette position nous distingue du Medef qui souhaite que le nombre de salariés, voire le chiffre d'affaires ou la valeur ajoutée, devienne un critère de la représentativité patronale au mépris de la spécificité des TPE-PME. Regardons ce qui s'est passé justement lors des négociations de l'ANI du 14 décembre 2013 sur la formation professionnelle : alors même qu'aucun critère de nombre de salariés n'est retenu, ce sont les grandes entreprises qui ont obtenu gain de cause.
Une problématique sensible demeure à traiter, celle de la multi-adhésion des organisations de branche à des organisations nationales interprofessionnelles.
M. Georges Tissié. - La CGPME souligne au préalable l'existence d'une imprécision rédactionnelle à l'article 16 qui sera source de difficultés : on ne peut pas parler d'organisation professionnelle d'employeurs (OPE) à la fois au niveau de la branche et au niveau national et interprofessionnel.
Surtout, les règles d'établissement de la représentativité patronale au niveau national et interprofessionnelle doivent être revues. Suite aux observations du Conseil d'Etat, le projet de loi prévoit désormais que lorsqu'une OPE de branche souhaite adhérer à plusieurs OPE ayant statutairement vocation à être présentes au niveau national et interprofessionnel, elle ne peut pas distribuer ses « voix » à un niveau inférieur à un pourcentage fixé par décret, que le projet de loi encadre cependant entre 10 et 20 %. Le Parlement doit revenir sur ce système hybride et relever ce plancher. Nous proposons ainsi trois pistes de réflexion en ce sens. La première piste prévoit que si l'OPE souhaite adhérer à deux organisations nationales interprofessionnelles, la répartition de ses entreprises adhérentes devra se faire à part égale (33 %), une fraction limitée à 33 % étant laissée à la libre appréciation de l'organisation de branche ; si celle-ci souhaite adhérer à trois organisations nationales interprofessionnelles, la part sera fixée à 25 %, la fraction laissée à sa libre appréciation étant plafonnée à 25 %. La deuxième piste consiste simplement à fixer un plancher à 25 %, quel que soit le nombre d'organisations nationales auxquelles l'OPE de branche souhaite adhérer. Enfin, la troisième piste de réflexion fixe une fourchette entre 20 et 30 %.
Nous avons également une remarque sur l'assiette du seuil de 8 %, telle qu'elle est définie au 3° du nouvel article L. 2152-2 du code du travail. La rédaction actuelle nous semble introduire des doublons partiels dans le décompte des entreprises, ce qui serait absurde.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. - Il est vrai que la question de la représentativité patronale est complexe comme l'a souligné le rapport Combrexelle que vous évoquiez précédemment. Quels échanges avez-vous eu avec le Gouvernement sur cette question ?
M. Georges Tissié. - A la suite de ce rapport, nous avons obtenu des pouvoirs publics la reconnaissance d'un plancher lors de l'affectation des entreprises par l'OPE de branche pour établir la représentation patronale au niveau national et interprofessionnel. Le Conseil d'Etat a souhaité préciser les échelles de grandeur de ce plancher, encore faut-il revoir les chiffres à la hausse, afin d'éviter que le Medef ne soit le grand bénéficiaire de cette mesure. Le risque est grand sinon que les OPE de branche donnent toutes leurs voix au seul Medef.
Mme Geneviève Roy. - La répartition des mandats entre les trois organisations interprofessionnelles n'a jamais fait l'objet d'un document officiel, faute de compromis. Le Medef n'a en effet jamais accédé aux demandes de la CGPME de revoir le nombre de leurs mandats dans les organismes paritaires. Les OPE de branche vont naturellement se diriger vers l'organisation professionnelle en mesure de leur attribuer le plus grand nombre de mandats ! Pour contrecarrer cette tendance, les élections nous paraissaient initialement la solution idoine. Comme vous le savez, la branche Hôtels-Cafés-Restaurants adhère aux trois grandes organisations patronales : c'est un choix politique. Il est donc normal à nos yeux de laisser un choix de la branche dans l'attribution de ses voix en cas de multi-adhésion. Nous demandons donc au législateur de soutenir notre démarche qui vise à relever les planchers pour que les TPE-PME puissent se faire entendre au sein des organisations interprofessionnelles.
M. Georges Tissié. - Sur le financement des organisations syndicales et patronales prévu à l'article 18, la CGPME souhaite clarifier les ressources du futur fonds paritaire. L'article L. 2135-10 prévoit non seulement une contribution des employeurs dont le taux devra être compris entre 0,02 et 0,014 % de la masse salariale, mais également, « le cas échéant », une participation volontaire d'organismes à vocation nationale. Or, selon les informations orales du cabinet du Ministre du travail, il semblerait que l'expression « le cas échéant » signifie « provisoirement »... Sur un sujet aussi sensible que le financement du dialogue social, le texte doit être clair et il serait souhaitable selon nous de retirer cette expression.
En outre, si le projet de loi prévoit bien la disparition des subventions relevant des organismes de formation professionnelle, et l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la mécanique du fonds paritaire dès le 1er janvier 2015, rien n'est indiqué sur la mise en place des subventions substitutives. La CGPME, comme d'ailleurs l'ensemble des organisations patronales et syndicales, doit savoir quand s'appliquera le nouveau système de subvention.
Mme Catherine Procaccia. - Quelles sont les conséquences juridiques de votre refus de signer l'ANI du 14 décembre dernier?
Mme Annie David, Présidente. - Le dispositif de l'ANI, signé par six des huit organisations professionnelles, s'appliquera à tous si le projet de loi est voté !
M. Georges Tissié. - L'automaticité de la loi contraste, d'ailleurs, avec les difficultés rencontrées pour étendre certaines accords nationaux interprofessionnels, comme celui de 2009, suite au refus de l'administration.
Mme Muguette Dini. - La loi n'est malheureusement pas toujours appliquée...
Mme Annie David, Présidente. - Nous comprenons, certes, votre réaction, mais le Sénat est avant tout législateur et se concentre sur les dispositions législatives qui peuvent, d'ailleurs, être inspirées d'un accord national interprofessionnel ! J'ajoute que la commission examine chaque année l'application effective des lois dont elle a été saisie, en vérifiant notamment que les décrets ont bien été pris.