- Mardi 19 novembre 2013
- Audition de M. Jean-Marc Lacave, candidat désigné aux fonctions de président-directeur général de Météo-France
- Loi de finances pour 2014 - Mission « Politique des territoires » - Examen du rapport pour avis
- Mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national - Examen des amendements au texte de la commission
- Mercredi 20 novembre 2013
Mardi 19 novembre 2013
- Présidence de M. Raymond Vall, président -Audition de M. Jean-Marc Lacave, candidat désigné aux fonctions de président-directeur général de Météo-France
La commission procède à l'audition de M. Jean-Marc Lacave, candidat désigné aux fonctions de président-directeur général de Météo-France.
M. Raymond Vall, président. - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous procédons à l'audition de M. Jean-Marc Lacave, candidat désigné aux fonctions de président-directeur général de Météo-France. Conformément à la loi organique et à la loi simple du 23 juillet 2010, l'audition est publique, ouverte à la presse et donne lieu à un vote à bulletin secret, sans délégation de vote possible.
Monsieur Lacave, vous avez été directeur départemental de l'équipement dans la Sarthe puis le Calvados, directeur général du port autonome du Havre, directeur général de la compagnie maritime CMA CGM, directeur exécutif du Forum de l'eau à Marseille - une réussite à laquelle votre commission avait participé. Vous réalisez des missions pour le Commissariat général au développement durable et avez été désigné comme coordinateur interministériel auprès de la SNCM. Pouvez-vous nous présenter votre parcours, nous exposer les raisons de votre candidature et la feuille de route que vous vous êtes tracée pour Météo-France dans un cadre budgétaire particulièrement contraint ? Je souhaiterais que vous nous éclairiez sur le rôle que pourrait jouer Météo-France dans le traitement de la problématique du changement climatique à l'occasion des sommets mondiaux à venir.
M. Jean-Marc Lacave, candidat désigné aux fonctions de président-directeur général de Météo-France. - Agé de 57 ans, je suis ingénieur des ponts, des eaux et forêts. De manière assez classique, j'ai débuté ma carrière au ministère de l'équipement en 1980. J'ai été nommé d'abord à Niort puis à Nantes pour traiter de questions d'urbanisme, de logement, d'aménagement et d'infrastructures de transport. J'ai notamment travaillé sur le chantier du périphérique de Nantes et sur celui du pont de Cheviré. Je suis ensuite revenu pour trois ans à Paris comme sous-directeur des investissements routiers. J'ai occupé les fonctions de directeur départemental de l'équipement de la Sarthe, puis de directeur régional de l'équipement de Basse-Normandie et de directeur départemental du Calvados. Après vingt ans à l'équipement, j'ai pris la direction générale d'un établissement public, le port autonome du Havre, au moment du démarrage du projet Port 2000, destiné à agrandir la capacité d'accueil des conteneurs dans l'estuaire de la Seine. Cela a été une aventure passionnante. Il m'a fallu faire dialoguer les armateurs, les chargeurs et les syndicats de dockers, dont vous savez qu'ils ne sont guère dociles, afin d'assurer la réussite du projet dans un contexte compliqué par la discussion de la réforme portuaire. A l'été 2008, je suis entré au directoire de la CMA CGM, troisième armateur mondial pour le transport maritime par conteneurs et premier armateur français. J'ai oeuvré pour redonner confiance aux clients et aux banques afin de poursuivre l'exploitation de cette entreprise très endettée. On m'a ensuite confié la responsabilité de l'organisation du Forum mondial de l'eau à Marseille en 2012, ce qui m'a donné l'occasion de travailler avec des organisations internationales. Avec quinze mille participants, il a connu un succès. Depuis, j'ai réalisé diverses missions, dont une mission de coordination interministérielle auprès de la SNCM, entreprise en difficulté et sous le coup de sanctions européennes pour avoir perçu des aides d'Etat considérées par Bruxelles comme illégales.
Grâce à l'ensemble de ces expériences, je dispose d'une connaissance institutionnelle de l'Etat, de ses départements ministériels et de ses services territoriaux mais également des établissements publics et des collectivités territoriales. Ayant travaillé sur le terrain avant et après la décentralisation, j'ai mesuré l'évolution des rapports entre l'Etat et les collectivités. Je connais également le mode de fonctionnement des entreprises privées. Confronté au long de ma carrière à la complexité technique (par exemple pour la construction de ponts), économique (puisque j'ai travaillé dans des entreprises en difficulté), j'ai vécu avec le chantier Port 2000 la construction au quotidien du développement durable, qui oblige à marier le social, l'environnement et l'économique.
Je dispose d'expérience managériale pour piloter un établissement public comme Météo-France. Bien que ma connaissance de l'établissement soit encore partielle, je veux d'abord souligner l'atout que constituent sa très forte identité et sa grande notoriété. Météo-France est connu à la fois pour ses missions au service du public et pour ses missions de service public. Synonyme de technique et de recherche, l'entreprise bénéficie d'une excellente réputation scientifique, y compris au niveau européen et international. Elle dispose de moyens de bonne qualité et constitue l'organisme public français de référence sur les questions climatiques. Elle participe d'ailleurs à l'élaboration des rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).
Le contrat d'objectifs et de performance 2012-2016 a structuré ses ambitions et ses orientations, tandis que la qualité de ses prestations est reconnue, même si la fiabilité des prévisions peut encore être améliorée. Météo-France dispose d'outils techniques performants, qu'il s'agisse des outils d'observation des conditions climatiques ou des modèles numériques nécessaires à l'exploitation des données recueillies. Les agents de Météo-France ont démontré une culture opérationnelle de la gestion de crise tout à fait remarquable. L'établissement a su évoluer et consentir des efforts importants pour maîtriser ses charges : les effectifs ont été réduits de 200 personnes entre 2010 et 2013 ce qui s'est traduit par une baisse des crédits de fonctionnement courant de 17 %. Enfin, Météo-France a engagé un véritable développement commercial : le service public détient 62 % du marché de la prévision météorologique en France.
Je distingue cependant des sujets de préoccupation pour l'avenir. Le modèle économique de l'établissement, d'abord, repose sur une importante dotation publique, qui n'a pas vocation à croître. Dans le même temps, la concurrence limite les marges de progression commerciale et les recettes sont menacées par la politique de mise à disposition gratuite de données publiques ainsi que par le ciel unique européen, tandis qu'il n'existe plus de possibilité de diminuer sensiblement les dépenses, l'exercice de réorganisation ayant déjà été mené. Le point crucial sera de parvenir à maintenir l'investissement. Je me battrai naturellement pour obtenir une dotation publique satisfaisante - je compte sur le soutien des sénateurs -, ce qui suppose d'être exemplaire dans son utilisation et dans la performance du service public. Je poursuivrai les efforts de modernisation en interne sans négliger les partenariats à l'international : la mutualisation des moyens constitue en effet un outil de réduction des coûts.
La réorganisation territoriale constitue la grande affaire du moment. Après des atermoiements, elle a commencé en 2008. Nous voilà à mi-parcours du contrat d'objectifs 2012-2016, qui prévoit la fermeture de 55 centres sur 108 ; 31 ont déjà été fermés, 22 doivent l'être. Touchant à la fois les personnes à titre individuel et l'organisation collective du travail, cette réforme délicate est une conséquence de la modernisation des outils, ce qui la rend acceptable par les agents d'autant qu'un travail important d'explication et de concertation a été réalisé. Je m'attacherai à poursuivre cette démarche d'écoute afin de mener à bien cette réorganisation.
Au nom du ciel unique européen, le projet d'ouvrir à la concurrence la fourniture de prévisions météorologiques à l'aéronautique civile a été mis sur la table en juin dernier. Ce serait un séisme : il y va de 25 % des recettes de Météo-France, soit 45 millions par an. Indépendamment de son aspect financier, cette réforme risque de démotiver fortement le personnel et d'entrainer des pertes de synergies internes. L'amélioration de la productivité de l'aéronautique civile ne passe pas nécessairement par la mise en concurrence. Pour avoir travaillé à la SNCM, je suis bien placé pour savoir qu'en matière de transport, la recherche dogmatique de la concurrence conduit parfois au monopole. Nos homologues allemands et anglais partagent notre avis. Appuyons nous sur eux.
En 2015, la France accueillera la Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Météo-France doit participer efficacement à l'analyse et à la production de données utiles à cette réunion. De même, il nous faut améliorer la coordination entre les différents organismes qui traitent des questions climatiques en France (Météo-France, universités, CEA).
Météo-France bénéficie d'une image positive au niveau européen et au sein de l'Organisation internationale de la météorologie ; ses modèles servent de référence. J'aurai le souci de maintenir son rang.
Enfin, la gestion interne et le dialogue social dans cet espace circonscrit. On entre souvent à Météo-France pour la vie... Il est important que les agents, ingénieurs et techniciens puissent évoluer dans l'entreprise, s'y épanouir. Nous devons faire en sorte qu'ils soient fiers d'y travailler et il nous faut attirer les jeunes.
M. Raymond Vall, président. - Nous vous remercions pour cette présentation précise qui ne va pas manquer de susciter des questions.
M. Michel Teston. - Vous avez abordé votre parcours et synthétisé les forces et les faiblesses de Météo-France. En revanche, vous n'avez pas abordé l'avenir. Je ne vous en fais pas grief, naturellement, puisque vous n'êtes pas encore en responsabilité mais je souhaiterais vous entendre sur des questions prospectives. Comment imaginez-vous le rôle de Météo-France dans dix ans alors que les questions écologiques sont de plus en plus prégnantes ? Quels sont les investissements prioritaires à engager ? Comment envisagez-vous le rôle de conseil indirect de Météo-France aux collectivités territoriales en matière de prévention des risques et de protection contre les intempéries et les catastrophes naturelles ?
M. Robert Navarro. - J'ai eu l'occasion avec mon collègue Charles Revet de préparer un rapport sur les grands ports maritimes. Port 2000 est une splendide réalisation. Le fait que vous ayez participé à cette opération constitue un bon point pour votre candidature. La situation de la SNCM m'interpelle. Charles Revet et moi-même avons rédigé un rapport sur l'entreprise en 2010. A l'époque nous pensions qu'elle était en voie de redressement. Or elle est aujourd'hui lourdement endettée et je doute que Véolia ait la capacité ou la volonté de payer 200 millions. Peut-être pourriez-vous me rassurer...
Des prévisions trop alarmistes de Météo-France sont coûteuses pour les collectivités territoriales. Les récentes précipitations dans l'Aude et les Pyrénées-Orientales devaient être catastrophiques ; les collectivités ont réagi en fonction du degré de gravité annoncé. Disposer de prévisions plus fines dégagerait des économies. Sachons trouver un compromis entre une prévision conçue pour ouvrir le parapluie et une prévision plus précise, à laquelle tout le monde trouverait son compte, quitte à donner l'assurance aux agents de Météo-France qu'ils ne seront pas pénalement responsables de s'être trompés.
M. Ronan Dantec. - Plutôt que de distribuer des bons et des mauvais points, je veux insister sur l'enjeu pour les collectivités territoriales d'avoir des données précises sur les conséquences locales du changement climatique. Nantes a d'ailleurs été ville-pilote en la matière, et pas seulement pour la pluviométrie.
Météo-France, dont les liens avec l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc) sont bien connus, dispose d'un grand savoir-faire. Or l'aide que les pays développés pourront apporter à ceux du sud dans leur effort d'adaptation aux enjeux écologiques est un point clé des négociations internationales. Si la conférence de Varsovie sur le climat est mal engagée, je pense ici aux propositions qui pourraient être faites à l'occasion de la conférence qui se tiendra à Paris en 2015.
M. Jean-Marc Lacave. - Je n'ai pas beaucoup parlé de l'aspect prospectif parce que j'arrive au milieu du contrat d'objectifs qui a tracé une feuille de route à cinq ans. Toutefois, votre question porte sur le long terme. A cet égard, je souhaite vivement que Météo-France, dont le nom affirme mal cette dimension, joue un rôle majeur en matière climatique. Dans cette perspective il est important d'investir afin de maintenir le bon niveau actuel de la recherche. Il nous faut de bons ingénieurs et des outils performants afin de ne pas prêter le flanc à la critique. Chacun a son avis sur la météo : gare aux sarcasmes du Café du commerce lorsque les prévisions sont fausses !
Loin de se cantonner à dire le temps, Météo-France doit multiplier les services de conseil au bénéfice des collectivités et des agents économiques les plus météo-dépendants (tourisme, agriculture, énergie) afin de les aider à anticiper. Cela est d'autant plus important qu'en la matière, nous ne sommes pas concurrencés.
M. Navarro, qui comprendra que je ne réponde pas ici sur la SNCM, reproche à Météo-France d'ouvrir un peu trop facilement le parapluie en classant en vigilance orange des épisodes pluvieux anodins. Que se passerait-il si, l'événement météo était plus important que prévu ? Je n'ai pas de réponse passe-partout ; revenons aux outils, aux modèles, qui ne cessent de gagner en fiabilité ; François Jacq vous l'avait dit, nous gagnons un jour de prévision tous les dix ans et serons bientôt à quatre jours de prévisions fiables. De surcroît, nous affinons le zonage géographique afin de donner les prévisions les plus localisées possibles : nous travaillons sur des carrés de sept à huit kilomètres. Je suis conscient de l'impact économique de la météo. C'est un défi majeur que je suis prêt à relever !
Je suis très intéressé par la suggestion de M. Dantec d'une collaboration au bénéfice des pays du sud. La France doit occuper le terrain et se mettre en ordre de bataille afin de doter les pays émergents d'outils de précision sur le modèle français. Nous participerons ainsi au rayonnement de la science française tout en apportant une aide décisive au développement économique.
M. Vincent Capo-Canellas. - D'après les chiffres de la commission des finances du Sénat, les crédits de Météo-France baissent de 3,2 % cette année. L'établissement est davantage mis à contribution que d'autres opérateurs du ministère (2,7% de baisse en ETP contre 2,5 % pour le ministère). Je pensais que la réponse résidait dans un effort commercial renouvelé, mais vous signalez un gros risque sur les données nécessaires à l'aéronautique. Est-il dans votre mission de réfléchir à un nouveau modèle économique ?
M. Jean-Marc Lacave. - La problématique financière est effectivement complexe. Météo-France paie un tribut plus important que d'autres à la rigueur budgétaire. Nos ressources ne pourront pas continuer à baisser au même rythme après 2014 sans sacrifier les investissements.
Nous devons améliorer notre productivité... et rechercher le développement commercial. Bien que je me sois montré réservé sur les profits possibles d'une telle démarche dans le contexte du ciel unique européen et de la mise à disposition gratuite des données, nous devrons nous battre au niveau national et au niveau international. Le développement commercial est une obligation si la dotation de l'Etat n'augmente pas.
La commission procède au vote sur la candidature de M. Jean-Marc Lacave à la présidence-direction générale de Météo-France.
M. Raymond Vall, président. - Voici les résultats du scrutin : sur 16 votants, il y a 16 votes pour.
Loi de finances pour 2014 - Mission « Politique des territoires » - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis sur les crédits de la mission « Politique des territoires » du projet de loi de finances pour 2014.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Nous avons entendu le 5 novembre dernier la ministre en charge de l'égalité des territoires, Cécile Duflot, sur les crédits de la mission « Politique des territoires » pour 2014. L'impression que je retire des échanges que nous avons eus à cette occasion est que le Gouvernement, tout en affichant l'ambition de révolutionner les fondements de la politique d'aménagement du territoire, se contente en fait de marcher sur les brisées de ses prédécesseurs. Le budget qui nous est présenté montre la continuité des outils de la politique des territoires, ce dont je me réjouis, mais aussi l'érosion des moyens qui leur sont affectés, ce dont je m'inquiète.
La mesure qui nous est présentée comme la grande nouveauté est la création prochaine, au cours du premier trimestre 2014, d'un Commissariat général à l'aménagement du territoire, par fusion de la DATAR, de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, et du Secrétariat général du Comité interministériel des villes. Nous avons entendu le 16 octobre dernier le préfet Eric Delzant, qui est le préfigurateur de cette nouvelle structure, et également Délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale.
Cette réforme a sans doute ses propres motifs, et nous devons souhaiter qu'il en résulte une dynamique nouvelle. Mais comment ne pas y voir aussi une nouvelle étape dans l'éternelle « errance administrative » de la DATAR, qui change d'insertion dans l'organigramme gouvernemental tous les deux ou trois ans en moyenne ?
Comme l'an dernier, les crédits de la mission « Politique des territoires » apparaissent orientés à la baisse dans le projet de loi de finances initiale. En effet, ils devraient diminuer de 6,7 % en autorisations d'engagement, pour s'établir à 283 millions d'euros, et de 8 % en crédits de paiement, pour s'établir à 295 millions d'euros.
Ces mouvements de crédits s'expliquent principalement par l'évolution de la dotation du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », qui représente près de 87 % des autorisations d'engagement de la mission, et diminue de 6,2 %. La dotation du programme 162 « Interventions territoriales de l'État » diminue, elle, plus fortement, de 9,8 % en autorisations d'engagement, mais ne représente qu'environ 13 % du total de la mission.
Les évolutions sont également orientées à la baisse en crédits de paiement, puisque la dotation du programme 112 diminue de 8,1 % pour 2014, tandis que celle du programme 162 diminue de 6,7 %.
Les dépenses fiscales rattachées à la mission « Politique des territoires » représentent, comme les années précédentes, un montant supérieur aux crédits budgétaires, avec un total estimé à 480 millions d'euros pour 2014. Elles progressent de 5,5 % par rapport à l'exercice 2013. Sur ce montant, 330 millions d'euros, soit 68 % du total, correspondent aux dépenses fiscales se rapportant à la Corse. Le solde étant constitué principalement par les exonérations des zones de revitalisation rurale.
Le document de politique transversale sur l'effort budgétaire en faveur de l'aménagement du territoire montre que les crédits mobilisés vont bien au-delà de ceux de la seule mission « Politique des territoires ». En tout, c'est un montant de 5,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement qui est inscrit pour 2014 et réparti dans 33 programmes relevant de 15 missions budgétaires différentes.
En ce qui concerne les dispositifs financés par les crédits de la mission « Politique des territoires », ils apparaissent tous maintenus, mais avec des moyens réduits.
Le dispositif de la prime d'aménagement du territoire (PAT) est reconduit. Pour 2014, la dotation consacrée à la PAT s'élève à 39,6 millions d'euros en autorisations d'engagement, et à 33,6 millions d'euros en crédits de paiement.
La Cour des comptes, dans son rapport public de l'an dernier, avait émis des critiques sévères à l'encontre de la PAT, qu'elle considérait comme « une prime devenue marginale, peu efficace et mal gérée ». Néanmoins, le Gouvernement a décidé de maintenir cet instrument, qui peut vraiment faire la différence dans la décision finale d'implantation d'une entreprise. Chacun d'entre nous peut le constater dans son territoire respectif.
Une autre politique qui n'est finalement pas non plus remise en cause est celle des pôles de compétitivité. Depuis leur lancement en 2005, 71 pôles ont été labellisés. Au début de cette année, une troisième phase a été lancée pour la période 2013-2018. Désormais, chaque pôle devra établir un contrat de performance, qui engagera l'Etat, les régions et les autres collectivités participant à son financement.
La gouvernance du dispositif est par ailleurs modifiée, avec la création d'un comité de pilotage, associant les représentants de l'Etat et des régions, et d'un comité d'orientation, composé de personnalités qualifiées.
Au total, l'Etat devrait apporter aux pôles de compétitivité un soutien financier estimé à 450 millions d'euros sur trois ans.
L'an dernier, j'appelais de mes voeux cette nouvelle phase de la politique des pôles de compétitivité, impliquant davantage les collectivités concernées, et notamment les régions. Je me félicite donc de la pérennisation de ce dispositif.
Une enveloppe de 240 millions d'euros a été reconduite pour le financement des pôles d'excellence rurale (PER) de deuxième génération, sur la période 2010-2015, dont 159 millions d'euros intégrés dans un fonds ministériel mutualisé (FMM).
L'aide moyenne de l'Etat et de l'Union européenne a été revue à la hausse, avec un montant de 920 000 euros par PER de deuxième génération, au lieu de 680 000 pour ceux de première génération.
Les dotations inscrites au titre des PER dans le programme 112 sont de 8 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 22 millions d'euros en crédits de paiement.
Je me réjouis que l'efficacité des PER pour la dynamisation des espaces ruraux soit ainsi reconnue. Même si la compétitivité des territoires est décriée par certains, celle-ci les tire vers le haut avec des projets associant les collectivités territoriales et des partenaires privés.
S'il fallait encore une preuve que le Gouvernement ne trouve finalement pas si mauvais le système des pôles, il a décidé d'en créer cette année une troisième variante : les pôles territoriaux de coopération économique.
Le PTCE est présenté comme un groupement d'acteurs sur un territoire, qui mettent en oeuvre une stratégie commune de coopération et de mutualisation au service de projets innovants de développement local, avec une priorité à l'économie sociale et solidaire.
L'appel à projets pour les PTCE a été lancé le 15 juillet dernier. Il est bien sûr trop tôt pour avoir une évaluation précise des crédits afférents. Mais l'engagement de l'Etat ne devrait pas dépasser, sur trois ans, 300 000 euros par PTCE sélectionné. Dans l'attente, un montant de 2 millions d'euros seulement en autorisations d'engagement est inscrit pour 2014, ce qui représenterait 7 PTCE.
Le début des pôles territoriaux de coopération économique apparaît donc modeste. Mais il faut leur souhaiter un succès comparable à celui des autres catégories de pôles d'aménagement du territoire.
Le dispositif des contrats de projets Etat-régions (CPER), entrera en 2014 dans une période charnière. La programmation 2007-2013 portait sur un montant total de crédits contractualisés de 29,5 milliards d'euros, la part de l'Etat s'élèvant à 12,7 milliards d'euros.
A la fin 2013, le taux d'avancement des CPER devrait atteindre 81,7 % pour les crédits de l'Etat, loin de l'objectif théorique de 100 % sur les sept années d'exécution. La clôture des CPER sera donc retardée d'une année, afin de viser un taux d'exécution de 88 % à la fin de 2014.
La jonction pourra ainsi se faire avec la nouvelle génération des contrats de plan Etat-régions, pour la période 2014-2020. Ces CPER seront articulés avec la programmation des fonds européens, et organisés autour de thématiques resserrées. Pour les régions de métropole, ces thématiques seront au nombre de cinq : l'enseignement supérieur, recherche et innovation ; les filières d'avenir et usines du futur ; la mobilité multimodale ; la couverture numérique du territoire et nouveaux usages du numérique ; la transition écologique et énergétique.
Les crédits de la mission continuent de financer certaines politiques indispensables à l'attractivité des territoires ruraux, notamment l'accord national « Plus de services au public » et le programme de financement de maisons de santé pluri-professionnelles (MSP).
Ce programme, qui portait initialement sur 250 MSP pour la période 2010-2013, voit ses crédits renforcés de 5 millions d'euros, afin de contribuer au financement de 50 MSP supplémentaires.
Je me félicite du soutien apporté par l'Etat aux maisons de santé pluri-professionnelles, qui sont aussi largement financées par les collectivités territoriales. Mais je souligne que les MSP ne constituent qu'une solution partielle au problème du déclin de la démographie médicale en zone rurale. Je vous renvoie aux mesures préconisées par le groupe de travail de notre commission sur la présence médicale sur l'ensemble du territoire, avec Jean-Luc Fichet comme président et Hervé Maurey comme rapporteur, dont j'ai été membre. Certaines d'entre elles sont assez directives, et vont plus loin que le « Pacte territoires santé » présenté l'an dernier par le Gouvernement.
La deuxième composante de la mission « Politique des territoires » est le programme 162 « Interventions territoriales de l'État ». Le PITE est un outil pour mettre en oeuvre des actions caractérisées par un enjeu territorial majeur, par l'intervention d'une pluralité de programmes et par la nécessité d'une rapidité d'action de l'État. Sa gestion est confiée au ministère de l'intérieur, et la supervision de chaque action inscrite dans le programme relevant d'un ministère référent. La fongibilité des crédits au sein de cette enveloppe unique permet aux préfets de régions de disposer d'une réelle souplesse, et de s'adapter rapidement aux priorités et à l'évolution de chaque projet.
La première action du PITE est consacrée à la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne, à laquelle sont affectés 7,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7,2 millions d'euros en crédits de paiement pour 2014. Ces crédits sont en baisse, le nombre de stations hors normes au regard de la concentration en nitrates étant désormais inférieur à 3 %. Cette action est réorientée vers le plan de lutte contre les algues vertes.
Le Programme Exceptionnel d'Investissement (PEI) en Corse est l'action qui bénéficie de la majeure partie des financements du PITE, avec 22,2 millions d'euros en autorisations d'engagement pour 2014. Pour la période 2014-2016, ces crédits sont affectés prioritairement aux infrastructures et équipements collectifs : stations d'épuration, abattoirs, réseaux haut débit.
La troisième action du PITE est consacrée au plan de sauvegarde du Marais Poitevin, auquel sont affectés 4,8 millions d'euros. Les objectifs de cette action sont atteints et, à la suite de la création en 2011 de l'établissement public du Marais Poitevin, elle devrait sortir du cadre du PITE à l'horizon 2016.
La quatrième et dernière action du PITE est constituée par le plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, auquel sont consacrés 2,7 millions d'euros. On découvre chaque année, malheureusement, des ramifications nouvelles dans la pollution des sols et des eaux par ce pesticide extrêmement persistant, dont les effets sur la santé sont très graves. Cette action du PITE n'est donc, hélas, pas prête de s'éteindre.
Comme l'an dernier, le Gouvernement réfléchit toujours à inscrire une nouvelle action dans le PITE, qui concernerait le plan de dynamisation de la filière bois en Auvergne, Limousin et Bourgogne. Cette action présente une dimension interrégionale forte, mais doit encore trouver une articulation avec le plan lancé au niveau national pour l'ensemble de la filière bois. Bien d'autres régions que celles que je viens de citer sont concernées.
En matière d'aménagement du territoire, ce n'est pas tant le montant global des crédits qui importe, que la qualité des actions menées et l'effet levier qu'elles procurent pour un aménagement du territoire fondé sur une logique de projet plutôt que sur une logique de « guichet ». Je me félicite donc que le Gouvernement n'ait finalement pas renoncé à des outils qui ont fait la preuve de leur efficacité, tels la prime d'aménagement du territoire, les pôles de compétitivité, ou les pôles d'excellence rurale. Nous constatons que le « détricotage » annoncé de l'aménagement du territoire n'a pas eu lieu, et que toutes les politiques menées auparavant ont conservé leur place. Néanmoins, je crains que l'érosion continue des dotations de la mission « Politique des territoires » finisse par affecter même les dispositifs les mieux éprouvés. C'est pourquoi je ne voterai pas contre les crédits de cette mission, ce qui reviendrait à désavouer les politiques mises en place en 2005-2007, mais je m'abstiendrai.
M. Pierre Camani. - Je remercie le rapporteur pour son rapport détaillé. Je voudrais rappeler que cette mission ne représente que 5 % des crédits globaux dédiés à l'aménagement du territoire. Elle s'inscrit dans un contexte budgétaire difficile, et quelle que soit la majorité, nous aurions été confrontés aux mêmes difficultés. Cette mission intervient à un moment charnière de la politique d'aménagement du territoire avec la mise en place de la nouvelle génération des programmes opérationnels européens et des nouveaux contrats de plan État-région. Je forme le voeu que ces contrats soient un outil de résorption des inégalités infrarégionales. Nous sommes également confrontés à un changement d'approche dans les outils opérationnels qui permettra à travers une réflexion approfondie et partagée de définir une politique tournée vers l'égalité des territoires. Ce moment charnière se concrétise par la création du Commissariat général à l'égalité des territoires, qui regroupe la DATAR, l'agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances et le secrétariat général du comité interministériel des villes. Ce nouvel outil devrait permettre d'éviter l'opposition entre urbain et rural qui était observée précédemment. Grâce à cet outil, l'État pourra concevoir des politiques territoriales de manière plus globale et plus cohérente. La loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires devrait permettre de lutter contre le creusement des inégalités territoriales avec une nouvelle politique d'accès aux services publics et la mise en place des schémas départementaux de l'accès aux services publics. J'ai demandé hier à la ministre que mon département fasse partie des départements expérimentateurs dans la mise en oeuvre de ces schémas. Cette loi inclut également des dispositions en matière d'aménagement numérique du territoire.
Nous observons certes une diminution des crédits. Néanmoins, je relève l'engagement du gouvernement sur le développement du numérique avec la feuille de route numérique et le plan très haut débit. L'engagement de l'État suit un triptyque. Il n'y a pas d'engagement de l'État dans les zones denses dans lesquelles les opérateurs investissent directement. Un engagement conjoint de l'État, des collectivités territoriales et des opérateurs a lieu dans les zones moins denses. Dans les territoires les moins denses, un engagement de l'État très fort, jusqu'à 62%, avec les collectivités territoriales se met en place. Une nouvelle politique est donc mise en oeuvre qui permettra de lutter efficacement contre la fracture numérique.
La ministre n'est pas opposée à une meilleure compétitivité des territoires mais à une compétition entre ces territoires, point de vue que je partage. Nous nous battons tous pour développer la compétitivité des territoires. Elle s'organise sur la question du numérique, de l'aménagement des infrastructures, de la lutte contre la désertification médicale. Les pactes territoriaux de santé, qui sont insuffisants, sont utiles pour progresser sur ce point. Il est nécessaire également d'organiser la mise en place des maisons pluridisciplinaires de santé pour que le maillage territorial soit cohérent et efficace. Nous pourrions prendre exemple sur le Lot-et-Garonne dans lequel la commission départementale de la démographie médicale organise l'implantation de ces maisons de santé en relation avec les professionnels et appuyée par des financements publics.
M. Raymond Vall, président. - Je suis surpris que vous n'ayez pas mentionné les maisons de services publics. La ministre a annoncé que 1 000 maisons seront ouvertes d'ici 2017, alors que 350 ont été réalisées jusqu'à présent. Il s'agit d'un geste fort. Sur les maisons pluridisciplinaires de santé, il faudra être vigilant sur les choix des Agences régionales de santé, qui doivent prendre conscience de notre volonté de protéger les hôpitaux de proximité.
M. Michel Teston. - Le rapporteur a suggéré un vote d'abstention sur les crédits de cette mission...
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - Abstention positive !
M. Michel Teston. - J'apprécie cette position par rapport à celle de simple opposition. Mais vous auriez pu faire un effort supplémentaire, en prenant en compte les éléments qui vont dans le bon sens. Tout d'abord, la création d'un Commissariat général à l'égalité des territoires permet de regrouper trois organisations existantes, qui étaient parfois un peu redondantes. Sur les maisons de services publics, un effort plus important sera fait. Enfin, les nouveaux contrats de plan État-régions répondent à cinq priorités: l'enseignement supérieur, les filières d'avenir et l'usine du futur, les mobilités multimodales, le très haut débit, la transition écologique. La formule précédente de contrat de projet avait conduit à une concurrence entre les territoires. Avec ces nouveaux contrats, nous revenons à une vision stratégique avec la définition de quelques objectifs. J'émets donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. Francis Grignon. - Sur la mobilité multimodale, il y aura, dans ces contrats de plan, un volet consacré aux infrastructures. Je m'interroge sur l'impact de la suppression de l'écotaxe sur la construction de ces infrastructures.
Mme Laurence Rossignol. - L'écotaxe n'est pas supprimée, elle est suspendue.
M. Raymond Vall, président. - Nous ne pouvons pas nous prononcer sur ce point à l'heure actuelle car l'écotaxe est suspendue.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Sur l'écotaxe, la réponse appartient au gouvernement. Je ne pense pas que l'écotaxe devait abonder les contrats de plan État-région.
M. Ronan Dantec. - Le rapporteur a souligné avec grande pertinence l'éclatement des budgets de l'aménagement du territoire. L'acte majeur de ce gouvernement est de recréer une stratégie d'aménagement du territoire. Le Commissariat général à l'égalité des territoires porte cette stratégie. La préparation des contrats de plan sera le moment de vérité, qui nous permettra de voir si nous revenons vraiment vers un État stratège, dans un contexte financier difficile. Il ne me paraît pas conforme à la réalité de prétendre qu'il y a une pure continuité entre les gouvernements et que rien ne change ! J'espère que la lisibilité des crédits s'améliorera dans les prochaines années.
M. Gérard Cornu. - Vous avez parlé d'État stratège mais il y a, en réalité, une continuité forte de ce qui a été fait précédemment avec moins d'argent. Au vu de cette continuité, nous nous alignons sur la position du rapporteur et les membres du groupe UMP s'abstiendront.
M. Raymond Vall, président. - Je voudrais rappeler que nous nous étions battus dans le cadre du groupe sur les pôles d'excellence rurale et que nous n'avons rien obtenu. Aujourd'hui, une amorce est entreprise avec les contrats d'objectifs. Sur le numérique, un effort aussi est fait qui vient conforter l'ensemble des initiatives qui ont été évoquées. Une maison de santé et un hôpital rural ne pourront survivre que s'ils ont le très haut débit. Nous voterons donc en faveur de ces crédits.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Politique des territoires » du projet de loi de finances pour 2014.
Mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national - Examen des amendements au texte de la commission
La commission examine les amendements sur le texte n° 125 (2013-2014), adopté par la commission, de la proposition de loi n° 40 relative à l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Nous avons à formuler un avis sur six amendements déposés par Roland Ries et les membres du groupe socialistes et apparentés. Ce sont des amendements de bon sens, qui renforcent la lisibilité et la clarté du texte.
Roland Ries propose de préciser, par l'amendement n° 1, que les personnes publiques ne pourront plus utiliser ou faire utiliser de produits phytosanitaires pour l'entretien de leurs parcs et jardins. Je suis favorable à cette clarification.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° 2 vise à ajouter les substances à faible risque au sens du règlement 1107/2009 et les produits autorisés dans le cadre de l'agriculture biologique dans le champ des exceptions à l'interdiction, en plus des produits de bio-contrôle. C'était déjà en partie le cas dans le texte initial de la proposition de loi. L'interdiction ne portait pas sur les préparations naturelles peu préoccupantes visées à l'alinéa 2 de l'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, qui sont des substances à faible risque au sens européen. L'amendement présenté fait explicitement référence au règlement européen et ajoute la mention des produits autorisés en agriculture biologique. Le texte gagne en lisibilité, je donnerai donc un avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° 3 prévoit que la dérogation s'applique non seulement à la lutte contre la propagation des organismes nuisibles mais aussi à leur éradication. Ce terme me semble un peu fort. Certains organismes ne sont nuisibles que du fait de leur quantité. Prenons garde à ne pas nuire à la biodiversité. Le terme destruction me paraît plus approprié.
M. Raymond Vall, président. - Je souscris à l'interprétation du rapporteur. Ces organismes font partie de la biodiversité. Le mot éradication est trop radical.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je vous proposerai d'émettre un avis de sagesse.
La commission émet un avis de sagesse à l'amendement n° 3.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° 4 est identique à l'amendement n° 2. Il ajoute la référence aux substances à faible risque et aux produits autorisés en agriculture biologique à l'article 2.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 4.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° 5 est identique à l'amendement n° 3.
La commission émet un avis de sagesse à l'amendement n° 5.
Article 3
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 6.
Mercredi 20 novembre 2013
- Présidence de M. Raymond Vall, président -Loi de finances pour 2014 - Crédits « Transports maritimes » - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis sur les crédits « Transports maritimes » du projet de loi de finances pour 2014.
M. Charles Revet, rapporteur. - Il me revient de vous présenter cette année encore les crédits relatifs aux transports maritimes.
En guise d'introduction, je souhaiterais vous rappeler quelques grandes tendances de l'année 2013 dans le domaine maritime.
Il s'agit tout d'abord de la première année véritablement « post-réforme » concernant les grands ports métropolitains. Cette réforme, introduite par la loi du 4 juillet 2008, visait à recentrer les sept « grands ports maritimes » sur la gestion des infrastructures et la promotion de la place portuaire, moderniser leur gouvernance, renforcer leur rôle d'aménageur, et unifier la manutention portuaire en transférant l'outillage et le personnel grutier à des opérateurs privés de manutention. Ces objectifs se sont appuyés sur l'élaboration, pour chaque grand port maritime, d'un projet stratégique et d'un plan d'investissement sur cinq ans. Aujourd'hui, je crois que l'on peut dire qu'il y a bien sur le terrain une appropriation de la réforme par les personnels, comme en témoigne la baisse régulière du taux de conflictualité.
Au 1er janvier 2013 est également entrée en vigueur la réforme des grands ports d'outre-mer, engagée par la loi du 22 février 2012. Au cours de cette année, la gouvernance et le budget ont été mis en place. Les transferts de personnels des CCI ont quant à eux peu progressé.
Un autre fait marquant de l'année 2013 est la publication de la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation du droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable, que nous avons examinée au printemps dernier. Celle-ci fait suite à la ratification par la France de la Convention du travail maritime, le 28 février dernier, et modernise substantiellement le droit social des gens de mer. Elle prévoit notamment l'application de la législation sociale maritime à toute personne employée à bord, y compris les travailleurs indépendants ; une définition précise des obligations et responsabilités de l'armateur, en particulier en matière de normes sociales ; la clarification des règles relatives à la durée du travail et aux repos ; un principe de certification sociale des navires ; une meilleure prise en compte des situations de rapatriement et d'abandon des gens de mer ; et l'encadrement des activités de placement des gens de mer. Au-delà du seul respect de nos obligations européennes et internationales, il s'agit là d'une réelle avancée pour les professions maritimes, dont nous connaissons tous la pénibilité et la précarité des conditions de travail. Les décrets d'application prévus, 33 concernant la direction des affaires maritimes, seront tous publiés avant le mois de septembre 2014, d'après les informations transmises par le Secrétariat général du Gouvernement.
Enfin, l'année 2013 est également celle de l'installation du Conseil national de la mer et du littoral et de la conduite des premières Assises de la mer et du littoral. Celles-ci ont vocation à alimenter la future stratégie nationale pour la mer et le littoral, que le Gouvernement adoptera par décret en 2014. Les enjeux maritimes et la croissance bleue sont en effet au coeur des préoccupations européenne et nationale, à juste titre. Je ne reviens par une énième fois sur l'importance de ce secteur. Je vous rappelle simplement que la France possède le deuxième domaine maritime au monde, presque au même niveau que les États-Unis, et que le transport maritime achemine 90 % des marchandises que nous consommons. Or, plus l'enjeu est important, plus la déception est grande, lorsqu'apparaît le décalage entre la parole et les actes.
Les crédits budgétaires affectés aux transports maritimes relèvent de deux programmes de la mission « Écologie ».
Les crédits du volet « sécurité et affaires maritimes » du programme 205 sont globalement stables, avec 143,59 millions d'euros en autorisations d'engagement et 144,54 millions d'euros en crédits de paiement pour 2014. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2013, cela correspond à une légère augmentation, de 1 % en autorisations d'engagement et de 2 % en crédits de paiement. On reste néanmoins en retrait, de l'ordre de deux millions d'euros, par rapport à ce qui avait été annoncé dans la programmation budgétaire pluriannuelle 2013-2015.
Les principaux points à retenir sont les suivants. La phase d'investissement dans la modernisation des systèmes d'information des centres régionaux opérationnels de sauvetage et de surveillance (CROSS) et de la signalisation maritime est en voie d'achèvement. Le développement de l'École nationale supérieure maritime (ENSM) franchit une nouvelle étape. Trois millions d'euros d'investissement sont prévus pour financer le transfert de l'un des sites de l'école vers le Grand port maritime du Havre. Il s'agit de la deuxième tranche sur les 10 millions d'euros prévus au total dans le cadre de ce chantier, qui devrait être achevé au printemps 2015. Enfin, la direction des affaires maritimes continue à mobiliser ses crédits pour améliorer, de façon transversale, l'architecture de son système d'information. Ce ne sont pas moins de 31 applications, 9 Systèmes d'Information Décisionnel (SID) et 6 interfaces d'Échange de Données (ED) qui sont hébergés au centre serveur de Saint Malo, pour la surveillance maritime, comme pour la gestion des marins et des navires, en interface avec de nombreux partenaires, tels la Marine nationale, le Trésor public ou les Douanes.
Pour le reste, la structure des dépenses reste globalement identique à celle des années précédentes. Afin de soutenir la compétitivité du pavillon français, 50 % des crédits compensent les exonérations de charges patronales pour l'emploi de marins français sur les navires inscrits au registre international français, le RIF ; 20% des crédits sont affectés aux moyens techniques de la sécurité maritime, 20 % à la formation et au soutien à l'emploi, et les 10% restants alimentent des mesures techniques de soutien au programme.
La seconde tranche des crédits relatifs aux transports maritimes est inscrite au programme 203 relatif aux « infrastructures et services de transport ». De façon schématique, il s'agit, pour une grosse moitié des crédits, de financer l'entretien des grands ports maritimes, à hauteur de 53,5 millions d'euros en 2014. L'autre moitié sert au développement des infrastructures, avec notamment 36 millions d'euros de fonds de concours de l'AFITF en autorisations d'engagement, contre 45 millions d'euros en loi de finances pour 2013.
Comme l'année dernière, je déplore le tarissement progressif de la dynamique d'investissement dans nos ports. La baisse de 20 % des autorisations d'engagement prolonge celle de 39 % observée l'année passée. Le maintien relatif des crédits de paiement ne sert qu'à financer des programmes déjà engagés.
À cela s'ajoute le fait que la remise en cause de l'écotaxe par le Gouvernement, ne prévoit pas de dotations de remplacement pour équilibrer le budget de l'AFITF. Ce signal ne manque pas d'inquiéter les grands ports maritimes, largement tributaires de ces recettes pour moderniser leurs installations.
En définitive, il s'agit, une fois encore, d'un budget de gestion. Il n'y a aucune vision stratégique à long terme. On se contente de sauvegarder, tant bien que mal dans le contexte actuel, l'essentiel des missions régaliennes, rien de plus. Pour cette raison, je vous proposerai, mes chers collègues, et croyez bien que c'est par dépit, un avis négatif à ces crédits décevants.
Nous ne pouvons en effet pas prétendre que les investissements de ces dernières années ont été suffisants. Ils nous ont certes permis de rattraper notre retard, mais ce n'est pas le moment pour marquer une pause, qui mettrait à mal les efforts accomplis jusqu'ici. L'économie française doit poursuivre son adaptation au poids toujours croissant du commerce maritime. Une stratégie budgétaire qui vise la seule préservation de l'existant et s'interdit toute innovation n'est pas digne des ambitions affichées.
Le ministre des transports a présenté la stratégie nationale de relance portuaire au cours d'un déplacement à Rouen et au Havre le 24 mai 2013. Il affirme lui-même son ambition de donner à la France une place de premier rang dans le commerce international comme point d'entrée ou hub de l'Europe et de contribuer au développement industriel et économique du pays. Je partage ces objectifs, mais on ne peut raisonnablement pas dire que les crédits figurant dans ce budget 2014 soient en adéquation avec les propos tenus.
Je veux bien comprendre l'attitude de l'administration, qui se contente de poursuivre les projets déjà amorcés, prétendant que ce ne sont pas les infrastructures portuaires qui sont déficientes. Leur modernisation ne sert de fait à rien sans leur désenclavement ; il faut dépenser aussi hors de la circonscription portuaire. Nous savons aujourd'hui que nos ports sont mal reliés au chemin de fer et aux voies navigables, ce qui en bride le développement, alors même que les ports européens concurrents sont saturés.
Le chantier multimodal du Havre ne permettra pas à lui seul de rattraper les ports d'Anvers ou de Rotterdam, alors même qu'il est le mieux placé géographiquement. Il faut ouvrir d'autres débats, comme celui de l'automatisation, que l'on évoque à peine, quand le port d'Hambourg ou les ports chinois investissement massivement.
Il faut également revoir le projet stratégique de nos ports. Pendant des années, on s'est focalisé sur les aspects mécaniques de la gouvernance, car il y avait beaucoup de choses à revoir. Il est temps désormais de se concentrer sur la pratique. Nous restons encore dans une logique de ports gestionnaires, avec dans les faits une autonomie toute relative des responsables des ports vis-à-vis de l'administration centrale. Nos ports doivent développer une véritable politique commerciale, avec par exemple du démarchage ou une politique de prix. Nous avons des infrastructures à fort potentiel, que nous ne savons culturellement pas valoriser. Sans doute faudra-t-il réfléchir à recruter davantage sur des compétences que sur des profils de carrière, à la fois pour se détacher réellement d'une tutelle administrative et pour développer cette fibre commerciale.
Un autre sujet d'inquiétude porte sur l'avenir du pavillon français. Celui-ci est aujourd'hui en danger de mort. Il n'est pas sûr que demain, nous ayons encore des entreprises sous pavillon français. Car on n'enregistre actuellement que des sorties, et aucune entrée. Les armateurs ne viennent plus s'immatriculer en France. C'est toute une filière qui se déconstruit peu-à-peu. Le financement n'est plus là, même la BPI refuse d'apporter son soutien. Les chantiers disparaissent, et avec eux le savoir-faire en matière de construction de navires. Le Gouvernement a beaucoup de mal à appréhender les difficultés du secteur.
Le coût du pavillon français reste trop élevé. Les exonérations de charges sont insuffisantes par rapport à l'agressivité de nos concurrents britanniques ou danois, qui ont mis en place des exonérations totales. L'organisation du temps de travail et des congés ne nous avantage pas non plus, puisqu'il faut en France trois équipages pour faire tourner un navire, contre deux au Danemark. Quant au crédit d'impôt compétitivité emploi, on est dans un véritable déni de réalité, puisqu'il ne s'applique pas aux entreprises maritimes !
Pour finir sur une note plus positive, voici quelques éléments prospectifs. D'abord, certains chantiers, dont nous avions parlé l'année dernière, progressent.
La question de la piraterie maritime et de la présence de gardes armés à bord des navires est actuellement en phase d'arbitrages interministériels. Un projet de loi devrait nous être soumis prochainement. Pour rappel, la France est, avec les Pays-Bas, le dernier pays d'Europe qui n'autorise pas la présence de gardes armés sur ses navires. Pourtant, il y a urgence à agir dans ce domaine. Le recours à la Marine nationale n'est possible que dans les deux tiers des cas, faute de moyens. Or, sans protection, les navires quittent le pavillon français, car les assurances comme les clients ne sont plus prêts à courir le risque de la piraterie.
L'actualisation de la loi de 1992 sur la sécurité des approvisionnements énergétiques est en cours mais progresse modestement. Cette loi impose que les navires français transportent au moins 5% du pétrole brut que nous raffinons, afin de sécuriser nos approvisionnements énergétiques. Mais nos raffineries ferment et cette obligation perd sa raison d'être. Il devient nécessaire d'étendre cette mesure aux produits raffinés, comme le préconise le rapport du député Arnaud Leroy sur la compétitivité des services et transports maritimes. Nous risquons fort, dans les prochaines semaines, de perdre définitivement la société Maers Tankers France, qui n'a déjà plus que six navires en flotte et est au bord de la faillite.
Enfin, je souhaiterais attirer votre attention sur l'un des gros enjeux des années à venir, le passage au gaz naturel liquifié (GNL), en remplacement du fioul lourd, qui concerne aussi bien nos navires que nos ports. En effet, le taux de soufre va être fortement limité dans les rejets, et les navires sous pavillon français vont devoir globalement adapter leur motorisation. L'option du GNL est plus intéressante que l'installation de filtres sur les cheminées des navires à fioul lourd, en raison de l'âge relativement jeune du pavillon français, 8 ans contre 16 ans en moyenne dans l'Union européenne. Mais elle nécessite un certain nombre d'adaptations dans nos ports, afin que les navires puissent souter rapidement. En outre, la police portuaire devra être révisée pour s'adapter aux évolutions de sécurité nécessaires. Il s'agit donc d'une affaire à suivre attentivement.
Au cours des auditions, j'ai été surpris du décalage entre le discours du ministère et la réalité. Je crains vraiment que la situation ne s'aggrave très rapidement. Le Havre et Marseille bénéficient d'une situation géographique idéale, et pourtant, faute d'investissements, le premier port de France est Anvers ! Je suis également inquiet pour le pavillon français, autant pour des questions de coût que pour des impératifs de sécurité, qui sont la préoccupation majeure des armateurs. La direction des affaires maritimes est optimiste sur l'aboutissement de la réforme sur l'embarquement des gardes armés, attendons de voir ce qui sera proposé concrètement dans le projet de loi. Pour l'heure, j'exprime mon inquiétude en rappelant que je tiens le même discours depuis des années, quelle que soit la majorité en place ! Je propose un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.
M. Louis Nègre. - Je salue la constance du rapporteur et ses propositions de bon sens. J'ai les mêmes conclusions que lui sur les ports du Havre et de Marseille. Comment se fait-il que nous n'arrivions pas à faire la même chose qu'en Allemagne ? Ils sont les meilleurs, alors que leurs ports sont plus éloignés que les nôtres. Il y a une urgence à reprendre les conclusions des précédents rapports de Charles Revet. Notre pays meurt de ses carcans. L'exemple des ports pourrait s'appliquer à bien d'autres domaines.
La commission « Mobilité 21 » a ouvert des perspectives. Il va y avoir des investissements sur le port de Marseille, sur le routier comme sur le ferroviaire, ainsi que sur le port du Havre. On essaie de rattraper le temps perdu.
Le pavillon français coule. On va droit dans le mur. C'est la chronique d'une mort annoncée. On ne bouge pas, et on meurt. Cela remet en question notre souveraineté. Le jour où le transport du pétrole sera touché par une crise économique, nous risquons d'être surpris, alors que c'est un élément stratégique pour notre pays.
Nous avons des ports qui ne sont pas à niveau, mais aussi un problème d'organisation sociale au sens large. On protège beaucoup, on fait du social. Très bien. Mais en surprotégeant, dans le contexte qui est le nôtre, on tue l'emploi et les entreprises ferment. C'est catastrophique. C'est pareil pour le système ferroviaire : à force de surprotéger, qui gagne en parts de marché ? C'est la route. Si nous souhaitons développer le fret et le pavillon maritime français, il faut s'adapter au réel.
Sur le pavillon maritime, qui décide qu'on ne peut pas sécuriser nos bateaux ? Et qui va payer 20 millions d'euros si un otage est pris ? C'est le contribuable ! Que la personne qui a interdit de sécuriser les bateaux prenne en charge cette somme.
Le passage du fioul lourd au gaz est une évolution souhaitable et nécessaire, qui va réduire la pollution et les nuisances. Il implique une adaptation du transport maritime, que nous devons aider.
Pour toutes ces raisons, je comprends l'avis défavorable exposé par notre rapporteur.
M. Vincent Capo-Canellas. - J'entends le signal d'alarme de notre rapporteur. On peut déplorer que la situation de nos finances publiques nous conduise à réduire la capacité d'investissement, dans un domaine où la politique stratégique de l'Etat doit être menée sur le long terme. Le sujet est stratégique pour le rayonnement de la France à l'étranger, pour son développement économique et pour son emploi. Comment retrouver une grande politique portuaire dans le contexte actuel ? Ce rapport est aussi une invitation en ce sens. A côté des investissements, il y a aussi l'enjeu de compétitivité globale du pays et des contraintes qu'on pose trop facilement chez nous. Mon groupe soutiendra l'avis du rapporteur.
M. Michel Teston. - Votre rapport, comme les interventions de MM. Nègre et Capo-Canellas sont très critiques...
M. Vincent Capo-Canellas. - Lucides !
M. Michel Teston. - Votre avis est défavorable parce que vous estimez que le budget alloué aux transports maritimes constitue un simple budget de gestion et que les investissements sont insuffisants sur les ports et les liaisons vers les ports. Mais la commission « Mobilité 21 », dont Louis Nègre a fait partie, a proposé, dans le scénario 2, des investissements pour rendre les ports accessibles aux plus gros navires. Or, c'est ce scénario 2 qui a été retenu.
Pour la desserte des ports, il faut se référer aux crédits alloués aux transports ferroviaires. La ligne Serqueux-Gisors, au Nord de Paris, va être électrifiée. Elle permettra aux trains de marchandises venant du port du Havre de contourner Paris.
M. Louis Nègre. - C'est la priorité n°1 absolue.
M. Michel Teston. - Les travaux ont déjà commencé.
Votre deuxième principale critique porte sur la diminution des crédits de l'AFITF. Lorsque le Premier ministre a annoncé la suspension de l'écotaxe, les crédits avaient déjà été examinés par l'Assemblée nationale. Philippe Martin et Frédéric Cuvillier réfléchissent à des solutions pour compenser ce manque à gagner, provisoire j'imagine, par des crédits de l'Etat votés en collectif budgétaire. Je serai donc moins pessimiste à ce sujet.
En ce qui concerne l'avenir du pavillon français, il faut que les opérateurs prennent les dispositions nécessaires, et pas seulement l'Etat et les collectivités territoriales. Si les ports du Havre et de Marseille sont les mieux placés, et que nous réalisons les investissements recommandés par la commission « Mobilité 21 », j'estime qu'il n'y a pas à se faire trop de souci. Je n'aurai donc pas le même avis défavorable.
M. Jean-Jacques Filleul. - Je me suis levé ce matin très optimiste, après la victoire de la France au match de foot, et la présentation très détaillée du Premier ministre à la radio sur la réforme fiscale. Puis j'entends Charles Revet et là, je tombe. C'est un discours de perdant.
Je ne suis pas spécialiste comme le rapporteur, mais j'ai regardé ces crédits. Le programme 205 augmente très légèrement. Un effort de 3 millions d'euros est réalisé sur l'action 2. Il n'y a pas que des points négatifs dans ce budget. Comme l'a dit Vincent Capo-Canellas, nous sommes dans une période où l'argent reste rare. Ce budget tient le coup et nous ne pouvons pas continuer à tenir des propos déphasés par rapport à ce que nous souhaitons pour la France. Le plan de relance portuaire va mobiliser 174 millions d'euros sur cinq ans. Ce n'est pas rien.
Le Havre souffre du manque d'hinterland, les containers sont bloqués. Anvers et les Pays-Bas en ressortent gagnants. A nous, aujourd'hui, d'apporter des solutions au Havre. C'est un port qui est en train de récupérer des parts de marché sur les autres, comme Marseille.
J'aurais aimé que le rapporteur indique que ce budget tient le coup dans le contexte actuel. La situation des ports français est très dégradée depuis très longtemps. Je ne sais pas quel discours tenait Charles Revet lorsqu'il appartenait à la majorité...
M. Louis Nègre. - Il était très critique et avait le même discours.
M. Jean-Jacques Filleul. - J'appelle à un vote favorable de ces crédits, ou du moins à l'abstention. Il ne s'agit pas seulement d'une posture politique. Les ports jouent un rôle majeur dans l'économie française, j'en suis persuadé comme notre rapporteur.
Mme Hélène Masson-Maret. - Il y a un mot qui ne me plaît pas dans cette dernière intervention, celui de « discours de perdant », surtout lorsqu'il est appliqué à Charles Revet. L'intervention du Premier ministre suscite chez vous de l'optimisme. Pour l'avoir entendu hier au congrès des maires, je ne partage pas le même sentiment. Je n'aime pas la façon dont on cherche à politiser le discours du rapporteur.
Au fil des mois, nous voyons se succéder les scénarios catastrophe. Tout disparaît en France. Je pense aux abattoirs par exemple. En amont du budget, nous avons deux problèmes : la définition d'une stratégie, et le coût du travail. Nous y revenons toujours. Notre industrie part à l'étranger. Le rapporteur propose un garde armé, soit une autorisation en plus. Un pavillon étranger a une rotation de deux équipages ; nous en avons déjà trois et nous y ajoutons un garde armé. J'y suis favorable, si les assurances l'imposent, mais cela va encore augmenter le coût.
Les crédits consacrés à l'aménagement du territoire, qui concernent fortement notre commission, font l'objet d'une diminution drastique. S'il est normal d'être optimiste dans la majorité qui gouverne, je donnerai pour ma part un avis négatif à ces crédits.
M. Raymond Vall, président. - Depuis que Charles Revet fait des rapports à ce sujet, rien n'a changé, je crois que nous nous rejoignons tous sur cette analyse. Nous pourrions peut-être exprimer une position unanime sur l'importance des ports dans notre économie et la nécessité de considérer leur désenclavement comme une priorité. Je suis d'accord, il n'y a pas de perdant, nous sommes tous là pour faire avancer les choses. Nous devons affirmer que les ports constituent un intérêt majeur pour notre pays.
M. Louis Nègre. - Je suis d'accord avec cette analyse.
M. Charles Revet. - Au-delà du budget et du vote politique, c'est l'avenir de la France dans le domaine maritime qui est le plus important et doit nous réunir. A Marseille, il va bientôt y avoir un problème. Ce port a vécu sur un acquis : l'essentiel de ses ressources s'appuyait sur le pétrole. Mais ce trafic diminue.
Les trois millions d'euros supplémentaires concernent le transfert au Havre de l'école maritime. C'est une mesure positive, mais planifiée de longue date. Les autres crédits sont plutôt en baisse.
Compte tenu de la gravité du sujet, j'appelle à une analyse plus profonde de ces questions. Nous en parlons maintenant, mais le débat ne doit pas s'arrêter à la fin de la réunion de commission.
J'avais proposé de changer la gouvernance de ces ports et je le propose toujours. Pourquoi ? Quand j'avais préparé la réforme portuaire, j'avais reçu tous les présidents de ports autonomes. Ils m'ont tous affirmé qu'ils n'avaient jamais aucune instruction des services de l'État, et ne recevaient jamais de réponses quand ils faisaient remonter quelque chose. Or, en l'absence de feu vert, il est impossible de lancer des travaux.
M. Jean-Jacques Filleul. - Il y a eu Port 2000.
M. Charles Revet. - Oui, mais le malheureux directeur général de l'époque avait réussi à force de blocages. Quand Dominique Perben est venu pour l'inauguration, ni les trains ni les barges n'accédaient au port.
Au Havre, nous avons fait l'Haropa, qui rassemble le Havre, Rouen et Paris. Il fallait certainement le faire pour la communication, mais cela n'arrête pas la diminution du trafic liée à l'hinterland du Havre, limité à la région parisienne. En face, l'hinterland naturel de Rotterdam et d'Anvers n'est guère plus vaste, composé de la Hollande, de la Belgique et du Luxembourg. Mais ces ports desservent en réalité toute l'Europe centrale et l'Europe du sud, ce que les infrastructures de desserte du Havre ne permettent toujours pas.
Les deux points cruciaux pour le port du Havre sont l'accès aux barges et le ferroviaire. Combien coûtent les investissements nécessaires ? 40 millions d'euros pour une chatière, et 250 millions pour l'électrification de la liaison Serqueux-Gisors. Ce n'est pas grand-chose par rapport aux enjeux. Pourtant ces idées datent de sept ou huit ans. C'est pour cela que je mets en cause tous les gouvernements.
M. Raymond Vall, président. - Notre commission est assez jeune, ce qui justifierait la création d'une mission d'évaluation spécifique, qui pourrait faire des propositions.
M. Charles Revet. -Cela ne changera pas ma position, mais cela peut faire partie des conclusions d'aujourd'hui.
M. Jacques Cornano. - La transition énergétique, qu'on le veuille ou non, est inéluctable. Il faut donc mettre l'accent sur cet enjeu. Un travail sérieux doit être mené dans ce domaine. Dans une quarantaine d'années, nous aurons des problèmes avec le pétrole.
M. Raymond Vall, président. - C'est une très bonne idée, cela réunit deux des compétences de notre commission. Il y a en outre des conséquences et un enjeu économique sur les filières.
M. Louis Nègre. - Je remercie le président pour son excellente synthèse. Le système est bloqué, malgré quelques évolutions plutôt positives : la loi de modernisation des ports, qui introduit une certaine souplesse, et les conclusions de la commission « Mobilité 21 ». Nous pouvons tous nous retrouver sur la nécessité de faire évoluer nos ports. Cette position pèsera plus si elle est consensuelle.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « transports maritimes » du projet de loi de finances pour 2014.
Loi de finances pour 2014 - Crédits « Transports aériens » - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis sur les crédits « Transports aériens » du projet de loi de finances pour 2014.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Il me revient à nouveau de vous présenter les crédits relatifs au transport aérien pour l'année 2014.
En guise d'introduction, voici quelques éléments de contexte. Après avoir connu en 2009 la plus grave crise de son histoire, le transport aérien a renoué avec la croissance. En 2012, le seuil des 3 milliards de passagers transportés a été atteint à l'échelle mondiale, ce qui représente une hausse de 4,7 % par rapport à 2011. Mais cette croissance n'est pas équitablement répartie, et profite surtout aux compagnies du Golfe et des pays émergents.
La situation française est, elle, relativement contrastée, comme en témoignent les fortunes diverses de nos champions nationaux.
D'un côté, l'industrie aéronautique poursuit sa trajectoire à succès. Le chiffre d'affaires d'EADS a bondi de 15% en 2012, pour atteindre 56,5 milliards d'euros. Airbus détient un carnet de commandes de 13 200 avions représentant 520 milliards d'euros et l'équivalent de 8 années de production. Comme son concurrent Boeing, le constructeur se trouve dans la situation enviée de ne pas produire assez pour des clients qui veulent être livrés rapidement.
De l'autre côté, la situation d'Air France reste préoccupante. Au cours des cinq dernières années, la compagnie n'a pas connu d'exercice bénéficiaire. L'année 2012 a été véritablement inquiétante avec une perte nette de près d'un milliard d'euros. L'endettement s'est fortement accru depuis 2008 et atteint environ 6 milliards d'euros au début 2013.
A un niveau intermédiaire se trouve Aéroports de Paris, qui enregistre un résultat net de 341 millions d'euros en 2012 malgré le faible dynamisme du trafic passager (+0,8%). Cette performance s'appuie notamment sur une hausse des redevances, effective au 1er avril 2012.
Air France comme ADP ont engagé des plans de départs volontaires et de réduction des coûts. Du côté d'ADP, 32 millions d'euros d'économies ont été décidés en 2013, avec pour objectif de réaliser 80 millions d'euros d'économies structurelles à horizon 2015. Les négociations en vue d'un plan de départs volontaires de 370 postes dès 2014 ont été ouvertes. Quant à Air France, la compagnie a besoin de compléter son plan Transform 2015 par un nouveau plan de départs volontaires de 1 826 postes.
Voilà pour le contexte, j'en viens à présent à la présentation des crédits 2014. Pour mémoire, les crédits budgétaires alloués aux transports aériens figurent, d'une part, au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) qui regroupe les crédits de la navigation aérienne et des opérations de contrôle et de sécurité, d'autre part, au programme 203 de la mission « Ecologie », dans les actions 11 et 14 relatives aux infrastructures de transport et au soutien des lignes pour l'aménagement du territoire.
En 2014, le budget annexe contrôle et exploitation aériens (BACEA) sera en hausse d'environ 2 % pour atteindre 2,37 milliards d'euros bruts. Par rapport aux prévisions antérieures, retenues dans le cadre de la programmation triennale, le BACEA anticipe une dégradation probable des recettes de navigation aérienne. Ce recul, déjà perceptible en 2013, a conduit la DGAC à mettre en place des mesures de régulation budgétaire : 75 millions d'euros ont été inscrits en réserve de crédits, répartis à parts égales sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement.
Les efforts de maîtrise de la dépense se poursuivent, avec 5 millions d'euros d'économies sur les dépenses de fonctionnement et 10 millions d'euros d'économies sur les dépenses de personnel par rapport à la loi de programmation des finances publiques. Le schéma d'emploi pour l'année 2014 prévoit 100 nouvelles suppressions d'emplois, ce qui devrait porter le plafond théorique à 10 925 emplois, pour un niveau réel compris entre 10 700 et 10 800 agents.
Cet exercice est néanmoins chaque année de plus en plus difficile. En effet, les efforts de productivité ont déjà été faits et les marges d'action sont à rechercher désormais dans la rationalisation territoriale avec un recours important aux technologies de l'information et de la communication, mais celles-ci nécessitent des moyens financiers.
Pour cette raison, l'année 2014 est marquée par une volonté de relancer les investissements. Il est en effet apparu qu'un retard dans la mise en service d'opérations essentielles engendrerait des surcoûts qui ne feraient qu'aggraver la situation financière du budget annexe. Certaines opérations sont en effet liées à des engagements européens exposant à des sanctions comme le programme « Data Link ».
La DGAC bénéficiera d'une augmentation de 62 millions d'euros pour ses crédits d'investissement dans le PLF 2014 par rapport à la LFI 2013. Rapportée aux prévisions 2014 effectuées lors de la construction du triennal 2013-2015, l'augmentation s'élève à 42 millions d'euros financée à hauteur de 37 millions d'euros par l'emprunt.
Ce nouvel emprunt creusera un peu plus l'endettement du budget annexe qui atteindra un pic en 2014 : 1 282 millions d'euros, en hausse de 3,5 %. Nous sommes loin de la stabilisation annoncée dans le triennal 2013-2015.
Sans remettre en cause le bien-fondé de ces investissements, je m'interroge sur la réelle capacité de la DGAC à organiser son désendettement. Les exigences européennes ne sont pas une nouveauté. Chaque année. La DGAC demande des crédits supplémentaires, qui ont ensuite vocation à faciliter le désendettement. Mais ce désendettement peine à s'amorcer, alors que de nouvelles contraintes continuent à s'ajouter. Compte tenu de la faiblesse des perspectives économiques et du trafic, la crédibilité du scénario de désendettement de la DGAC me laisse de plus en plus perplexe.
Certes, l'affectation totale du produit de la taxe d'aviation civile (TAC) au budget annexe est peu envisageable à court terme, ne serait-ce qu'en raison de la difficulté à trouver un gage au niveau du budget général. Mais sans doute faudra-t-il tout de même réfléchir à une approche structurelle de ce type, par paliers, si l'on espère un jour juguler la spirale de l'endettement. Car il faut se réjouir pour l'heure que les charges financières diminuent, compte tenu du niveau des taux d'intérêts. Elles baissent de 38,1 millions d'euros en LFI 2013 à 36,6 millions d'euros dans le PLF 2014. Mais cette situation ne se prolongera pas indéfiniment.
En ce qui concerne le programme 203 relatif aux infrastructures et services de transports, il est dans la continuité des budgets précédents. À noter tout de même que le financement des lignes d'aménagement du territoire (LAT) se veut de plus en plus sélectif depuis deux ans. Les crédits sont recentrés sur les liaisons vers les collectivités les plus enclavées et celles pour lesquelles une desserte aérienne est critique pour le maintien de l'activité économique.
Mais en matière d'aménagement du territoire, le sujet va bien au-delà de ces seules lignes. Les aides des collectivités aux aéroports régionaux sont en suspens à Bruxelles. Le Sénat a adopté, le 3 novembre dernier, une résolution européenne sur ce point, dont j'ai été le rapporteur pour la commission du développement durable. Cette résolution appuie la position du gouvernement en faveur de l'introduction d'une nouvelle catégorie pour les petits aéroports, qui pourraient ainsi bénéficier d'un régime d'aides plus souple. Nous devons suivre ce débat car il n'est pas assuré que la position défendue par la France soit entendue par la Commission, et plusieurs aéroports régionaux sont potentiellement menacés de fermeture en l'état actuel du droit.
Les petits aéroports ne sont pas l'unique sujet d'inquiétude. L'enlisement du projet d'aéroport Grand Ouest n'est pas de nature rassurante pour les finances publiques, et il ne faudrait pas que Notre-Dame-des-Landes devienne synonyme de gouffre financier. L'absence de perspectives claires, jusqu'au plus haut niveau de l'État, n'est pas vraiment tenable à terme.
Je souhaite attirer votre attention sur un point qui me paraît crucial et que nous avons plusieurs fois évoqué. La France est, avec l'Allemagne, le pays qui comporte le plus d'infrastructures aéroportuaires. Elle hérite d'un maillage historique particulièrement dense, avec de nombreuses petites plateformes peu rentables, qui assurent l'accessibilité de certaines régions moyennant des subventions à destination de certaines lignes ou de certaines infrastructures. Il est bien entendu nécessaire de rationaliser l'organisation géographique de nos infrastructures aéroportuaires. Mais ce travail doit se faire dans le cadre d'une réflexion à l'échelle nationale sur une véritable stratégie d'aménagement, et non dans l'urgence liée à des impératifs purement financiers.
L'équilibre des relations entre ADP et Air France est déterminé dans le cadre du contrat de régulation économique (CRE) d'ADP. Ce contrat permet de définir les objectifs de performance et d'investissement de l'entreprise et a notamment pour vocation de définir le plafond d'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires les plus significatives. Il fixe le niveau des redevances que les compagnies aériennes paient à ADP. Or il ne faut pas oublier qu'Air France représente plus de 50 % du trafic d'ADP. Des redevances élevées pèsent sur la compétitivité de la compagnie française, qui est déjà dans une situation difficile.
Le problème est qu'avec 50,6 % du capital d'ADP, l'État peine à définir une stratégie claire. L'Agence des participations de l'État (APE) tient un discours purement financier. Sous la contrainte budgétaire, elle pousse à la rentabilité d'ADP, ce qui signifie des redevances élevées et une baisse de l'investissement. L'objectif d'une rentabilité des capitaux investis égale au coût moyen pondéré du capital est certes louable sur le plan financier, mais n'inclut pas l'ensemble de la chaîne de valeur à long terme. Il ne faut pas qu'ADP ajoute aux difficultés de son principal fournisseur. En tant qu'arbitre du CRE, l'État doit se positionner. Le 2ème CRE est défini pour la période 2011-2015, le 3ème CRE est déjà en négociation pour la période 2016-2020. Il faudra veiller à ce que la chaîne de valeur dans son ensemble reste équilibrée.
Deux éléments plus positifs sur ADP. La stratégie de croissance externe en Turquie se révèle payante pour le moment. Pour rappel, ADP a investi en 2012 plus de 700 millions d'euros dans le rachat de 38 % du groupe aéroportuaire TAV, concessionnaire jusqu'en 2021 du principal aéroport d'Istanbul, Atatürk. Malheureusement, cette opération est intervenue juste avant la décision du gouvernement turc au mois de mai 2013 de construire un nouvel aéroport international à Istanbul, confié à un autre consortium turc. Mais ce projet semble prendre quelques retards, et en attendant, ADP bénéficie à plein de la forte croissance de l'aéroport Atatürk, 15 % en 2013 selon les prévisions.
L'autre élément positif est qu'ADP souhaite s'impliquer plus nettement dans le projet CDG Express, dont la mise en service est envisagée à horizon 2023. Toutes les questions ne sont pas réglées, notamment la contribution des passagers au financement de cette desserte directe et dédiée. Saluons néanmoins les efforts fournis pour avancer sur ce projet, qui permettra d'élever Paris-Charles de Gaulle au même niveau que la plupart des grands aéroports internationaux.
L'échec de la tentative de fusion entre EADS et BAE Systems en 2012, s'est traduit par une profonde remise à plat de la gouvernance et de la stratégie du groupe. L'objectif 50-50 entre le civil et le militaire a été abandonné, au profit d'un équilibre 80-20 au bénéfice du civil et de nouvelles cibles de rentabilité. En d'autres termes, EADS se « normalise » et adopte de plus en plus un comportement d'entreprise privée. Cela se traduit par une évolution du pacte d'actionnaires, qui voit les parts des États français et allemand chuter à 12 %, ces derniers n'ayant plus de représentant direct au conseil d'administration. Le groupe connaît une profonde restructuration interne, et abandonne d'ailleurs, à partir de l'année prochaine, son nom, au profit de celui de sa principale filiale, Airbus. Derrière ce changement cosmétique se dessine surtout une perspective nouvelle.
Au-delà du discours nécessairement rassurant du groupe sur la solidité de son enracinement européen, EADS envisage son avenir sur notre territoire mais aussi de plus en plus à l'international. Les relais de croissance se situent en Asie et au Proche Orient. Le chiffre d'affaires du groupe a bondi de 7 à 25 % entre 2002 et 2011 en Asie, contre une baisse de 40 à 13 % en Amérique et de 48 à 46 % en Europe. Aujourd'hui, la majeure partie du carnet de commandes d'Airbus se trouve à l'Est. Et on observe bien que le groupe dessine peu à peu la carte de son implantation en Chine, qui va bien au-delà de la seule chaîne d'assemblage d'A320 à Tianjin. Des partenariats se tissent avec des entreprises d'Harbin, Chengdu, Xi'an, Shenyang, Shanghai. Un centre d'ingénierie est implanté à Pékin, et le groupe se rapproche de centres de formation et de recherche coopérative. Des lots entiers du nouvel A350XWB seront confiés à l'industrie chinoise, comme les gouvernes de direction et de profondeur, ou les panneaux sandwich du carénage ventral.
Il est de bon sens qu'une entreprise cherche à se rapprocher de son marché cible et qu'elle élabore un tissu industriel dans cette perspective. Mais il y a lieu de veiller à ce que cela ne se traduise pas par moins d'activité sur notre territoire. La croissance globale des commandes nous prémunit pour l'instant contre ce risque. Plus largement, c'est toute la question de la stratégie de l'État actionnaire qui est posée.
L'année 2013 n'aura pas manqué d'actualité sur ce point. L'État vient encore il y a quelques jours de céder 4,7% de Safran, après une première cession de 3,12 % en mars dernier. Outre EADS, l'État a également cédé 9,5 % d'ADP l'été dernier, au profit du groupe de BTP Vinci et de l'assureur Prédica. Ces opérations sont rentables : les cessions Safran rapporteront 1,3 milliard d'euros à l'État, celle d'EADS 1,2 milliard et ADP 740 millions. Mais elles ne sont dictées que par la seule urgence budgétaire. Or nous arrivons aujourd'hui à un stade où les cessions n'ont pas seulement des conséquences financières. Le poids de l'État au conseil d'administration de ces entreprises est en jeu, et, derrière, notre capacité à conserver des orientations stratégiques à long terme. Le rôle de garant des orientations à long terme que l'État remplit est donc menacé. Le secteur aérien est un secteur de long terme, dans lequel le moindre investissement se calcule à horizon 20 ou 30 ans. Si l'État se dépossède de tous ses leviers d'action dans ce domaine, cela ne sera pas sans conséquence.
La France est actuellement le seul pays au monde avec les États-Unis à disposer d'une industrie complète, constructeurs et équipementiers, maîtrisant l'ensemble des compétences nécessaires à la définition et à la construction d'un aéronef. L'industrie nationale est présente dans tous les segments de marché (avions de transport, avions d'affaires, hélicoptères, moteurs, systèmes) en y occupant souvent une place de leader. Nous sommes à la veille de brader ces leviers d'action, d'aucuns diront ces bijoux de famille, et cela ne sera pas sans conséquence pour l'avenir. Nous basculons vers un autre modèle, dans débat et sans volonté industrielle assumée. Surtout, sans vision de ce que le nouveau modèle doit être.
Tout cela n'est pas sans lien avec la perte de visibilité dans le domaine de la recherche aéronautique. Pour l'heure, le secteur salue les engagements du programme Investissements d'avenir 2 (PIA 2) de l'ordre de 1,3 milliard d'euros, qui vont notamment permettre le développement tant attendu de trois démonstrateurs technologiques, dont la finalité est la préparation du successeur à l'A320. Mais ce PIA 2 a le même défaut que son prédécesseur. Il fournit du financement à court terme, tout en ne proposant aucune trajectoire pour un secteur qui a plus que tout besoin de visibilité à long terme. Sans cela, les entreprises ne prennent pas les risques nécessaires au développement de tels projets. Ajoutons-y l'effet de signal négatif de la loi de programmation militaire (LPM), qui préserve les grands programmes en jouant sur la cadence et les cibles, mais demeure à la merci de ressources extrabudgétaires. Il est impératif que nous cessions cette dynamique de précarisation de nos investisseurs, sous peine de perdre toute capacité à engager des projets ambitieux de long terme, qui tirent la compétitivité et la croissance de notre économie.
En matière environnementale, l'actualité est dominée par la décision de l'OACI du 4 octobre dernier. Celle-ci écarte définitivement l'application du système ETS au secteur aérien, telle que voulue par la Commission européenne. En revanche, l'accord prévoit de plafonner les émissions de gaz à effet de serre dans le transport aérien pour atteindre une croissance neutre du secteur à partir de 2020 et l'OACI s'est engagée à mettre en place des mesures de marché lors de sa prochaine réunion en 2016.
En attendant d'y voir plus clair sur le contenu de ces mesures, j'attire votre attention sur la continuation de l'initiative de recherche conjointe Clean Sky, dont notre commission a visité le stand au dernier salon du Bourget. Pour rappel, il s'agit d'un partenariat européen de coopération, à parts égales entre le secteur public et le secteur privé, 800 millions d'euros chacun, dont le but est de développer un ensemble de technologies nécessaires pour « un système aérien propre, innovant et concurrentiel ». Clean Sky joue le rôle d'un programme « aval » : lorsque la technologie est mature, il permet aux parties prenantes de se regrouper afin de financer des démonstrateurs intégrés pour des essais au sol ou en vol. De l'aveu général, ce programme est un succès. Mais certains pays comme l'Allemagne ou les Pays-Bas demandent une révision à la baisse du budget pour Clean Sky 2 après 2017, au motif que les universités et centres de recherche ne seraient pas suffisamment inclus dans le programme. La France, première bénéficiaire du programme, a tout intérêt à défendre avec fermeté le budget public de 1,8 milliard d'euros actuellement envisagé.
Au vu des éléments que je viens de vous présenter, je vous propose un avis de sagesse sur ces crédits.
M. Raymond Vall, président. - Je remercie le rapporteur de son exposé très complet, mais aussi d'avoir organisé notre visite au salon du Bourget, qui avait été très intéressante.
M. Michel Teston. - Je ne sais comment interpréter l'avis de sagesse. Est-il destiné à nous inviter à adopter les crédits ? Ou à respecter les positions des uns et des autres ?
Le rapporteur a bien fait de présenter le contexte mondial, s'agissant d'un secteur totalement ouvert à la concurrence. Il a insisté sur les difficultés des compagnies nationales européennes. Il a mis l'accent sur le fait que l'industrie aéronautique française est ascendante, tout en relevant les interrogations qui subsistent quant à son positionnement et à l'implantation de ses usines. Il a porté une appréciation nuancée sur Aéroports de Paris. Certes cet établissement a un résultat net de 340 millions d'euros, mais celui-ci résulte d'une hausse des redevances et pas nécessairement d'une activité plus soutenue.
Cette année encore, l'équilibre du budget annexe « contrôle et exploitation aériens » (BACEA) rend nécessaire l'emprunt de 267,7 millions d'euros. L'encours de la dette va approcher 1,3 milliard d'euros, ce qui constitue à mon sens une interrogation pour l'avenir.
En ce qui concerne les compagnies aériennes, les plans qui ont été mis en place ont tout juste permis de stabiliser la situation. Il n'y a eu ni amélioration ni retour à la situation antérieure.
J'en viens aux aspects positifs. Les moyens du BACEA ont augmenté pour les opérations courantes comme pour l'investissement. En déduisant les amortissements, le budget net est en hausse de 3%.
J'interprète donc l'avis de sagesse du rapporteur comme une invitation à voter de façon positive ces crédits.
M. Louis Nègre - C'est un sujet délicat. Nous accumulons les déficits et avons de moins en moins d'argent : il y a un véritable problème. Je retiens deux éléments.
Premièrement, il y a une véritable alerte sur toutes nos compagnies nationales, quel que soit le mode de transport. Nous avons vu les difficultés du pavillon maritime à l'instant, l'aérien est caractérisé par six milliards de dette, je ne parle pas de la SNCF ni de RFF...
M. Michel Teston. - C'est surtout chez RFF que l'endettement est élevé...
M. Louis Nègre. - La SNCF est aussi endettée, même si c'est à un niveau moindre. Je préférerais pour ma part qu'elle soit bénéficiaire.
L'alarme est rouge vif sur notre tableau de bord. Nous devons réfléchir à la gouvernance, la gestion et la compétitivité, faute de quoi nous allons perdre du terrain.
Un montant de six milliards de dette est très préoccupant. Nous ne pouvons continuer ainsi. Nos entreprises devraient être au moins équilibrées, voire bénéficiaires. Sinon, c'est le contribuable qui paie, y compris les couches les plus modestes.
Le deuxième sujet concerne la vente des bijoux de famille. Nous pouvons comprendre de telles ventes en période de fort endettement. Mais après, nous ne savons plus où nous en sommes. La question est aussi de savoir si nous arrivons à garder le contrôle ou non. Je ne sors donc pas un carton rouge comme sur le sujet précédent, mais un carton jaune.
Les quelques milliards de dette de la SNCF, qui n'effraient pas Michel Teston, ont empêché la SNCF d'acheter Arriva, un bijou de famille extraordinaire. Arriva a donc atterri dans les mains de la DB, qui est bénéficiaire. Nous avons ainsi perdu des parts de marché et des emplois.
Avec ces cessions, je me demande encore une fois où est ma gauche, comme lorsque nous avons évoqué la hausse du taux de TVA sur les transports.
M. Raymond Vall, président. - Vous avez fait mieux avec les autoroutes...
M. Louis Nègre. - Vous avez le droit de le dire.
Nous avons besoin d'une politique économique et industrielle à long terme. Que doit-on faire avec nos partenaires asiatiques, chinois notamment ? Il y a des politiques françaises différentes en fonction des types de matériel. Dans le ferroviaire, nous constatons que les Chinois viennent d'arriver en Europe. Nous devons avoir une stratégie vis-à-vis de l'Asie.
La sonde récemment envoyée sur mars a été fabriquée en Inde. Il s'agit d'une technologie très avancée : la Russie et la Chine avaient échoué auparavant. En outre, les coûts de production de ce pays émergent sont dix fois moindres que chez nous. Nous avons du souci à nous faire pour la France.
M. Charles Revet. - Je voudrais revenir sur la situation de notre compagnie nationale. Jusqu'où va-t-on pouvoir aller en termes d'endettement ? Avec l'Europe, nous ne pouvons plus faire ce que nous faisions il y a quinze ou vingt ans, il faut l'avoir à l'esprit. Nous devons faire attention à l'évolution des implantations d'EADS, qui s'étendent aujourd'hui jusqu'à la Chine.
Notre groupe va s'abstenir sur ces crédits, c'est ainsi que nous interprétons l'avis de sagesse. Il serait intéressant que la commission puisse s'investir dans ces deux sujets que sont l'aérien et le maritime. Nous jouerions ainsi un rôle d'investigation en profondeur, peut être en lien avec la Cour des comptes, et de proposition.
M. Raymond Vall, président. - Nous pourrions rencontrer l'Agence spatiale européenne pour approfondir le sujet qu'a évoqué Louis Nègre à l'instant.
Le problème de l'aviation au sens large me semble un peu plus complexe. Nous avions reçu le candidat à la présidence d'Air France, Alexandre de Juniac. Alors qu'il était encore candidat, il avait dressé des perspectives très noires. Je crois me souvenir qu'il avait annoncé un endettement total de 11 milliards d'euros d'endettement, tout confondu.
M. Jean-Jacques Filleul. - Je suis très favorable à ce travail d'investigation qui est préconisé. Nous devons le faire pour les ports. Pour l'aérien, il est vrai que le sujet est plus complexe. En même temps, les grandes industries nationales ne sont pas en difficulté depuis aujourd'hui seulement.
M. Raymond Vall, président. - Le président d'Aéroports de Paris nous a reçus, à sa demande, pour nous tenir informés. Il y a donc une volonté de transparence de ce côté-là. Il ne dépend que de nous de l'entendre une nouvelle fois.
M. Jean-Jacques Filleul. - La situation d'Air France est inquiétante. Lorsque le président d'Air France était venu, il nous avait parlé du plan Transform 2015. Le ministre nous a indiqué qu'il commençait à porter ses fruits même si c'est encore insuffisant, tant l'activité est atone dans le secteur aérien. Mais c'est vrai que des questions se posent par rapport au plan de licenciements plus ou moins volontaires de la compagnie.
M. Vincent Capo-Canellas. - Ce sont des départs, et non des licenciements.
M. Jean-Jacques Filleul. - Effectivement.
Il a aussi été question du fait que nous ne produisons plus assez d'avions pour le marché mondial.
M. Vincent Capo-Canellas. - Je mettrais une petite nuance. C'est plutôt que l'industrie aéronautique a un tel carnet de commandes que son enjeu est de produire pour y répondre. Il ne faudrait pas penser que notre production est défaillante. C'est d'ailleurs une bonne chose que la production soit étalée, parce que ce marché est très cyclique.
M. Jean-Jacques Filleul. - Je le sais, parce que j'ai des entreprises qui fabriquent des tracteurs qui tirent les avions dans ma commune.
Il y a deux points sur lesquels un espoir est possible. Il y a eu un débat sur les participations vendues. Le Premier ministre a bien expliqué à l'époque que nous en avions besoin. Mais il a bien indiqué que l'Etat stratège n'était pas remis en cause. Je voudrais le rappeler.
Je suis par ailleurs très confiant dans l'idée des 34 plans de reconquête industrielle qui visent à développer nos filières. La France a été capable de grands projets : le TGV, Airbus... Il y a un génie français. Nous devons investir dans ces filières dans lesquelles la France doit être gagnante.
M. Raymond Vall, président. - Je suis également favorable à une sagesse positive.
- Présidence de M. Teston, vice-président -
M. Vincent Capo-Canellas. - J'ai proposé un avis de sagesse, qui se veut bienveillant aujourd'hui mais avec une forte vigilance sur l'avenir. Même si Jean-Jacques Filleul a eu raison de rappeler qu'il y avait le PIA et le plan sur les filières industrielles, j'ai des interrogations sur l'avenir de l'investissement et de la recherche.
En ce qui concerne le plan relatif aux filières industrielles, je ne dirais pas que c'est un jeu de bonneteau, mais il y a une part de recyclage de mesures déjà financées par ailleurs et déjà annoncées.
Je souhaite donc émettre des clignotants. Si on ne prépare pas l'avenir maintenant, dans vingt ans, notre industrie aéronautique risque d'être dans le même état que notre secteur automobile aujourd'hui. Ne nous grisons pas parce qu'il y a des éléments positifs.
Mon avis de sagesse est donc plutôt bienveillant, d'autant plus que la nécessité d'une maîtrise des crédits est un message qui a été entendu par la DGAC. En même temps, des investissements sont nécessaires pour réduire les coûts. C'est un cercle vicieux. Et la DGAC ne peut pas augmenter les redevances. Tant que le trafic ne sera pas reparti, la DGAC aura du mal à se désendetter. Est-ce qu'on peut réduire l'écrêtement de la taxe d'aviation civile, pour qu'une partie revienne dans le budget ? Ce serait vertueux.
Les efforts réalisés au sein d'Air France sont réels. Il y a eu un désendettement. Des échéances compliquées ont été assumées par Air France. Le plan Transform 2015 fonctionne. Mais il n'est pas suffisant au vu de la situation actuelle d'Air France et du trafic. Un nouveau tour de vis a été annoncé. Le management est soucieux du dialogue social et les équipes sont très attachées à la compagnie. Pour autant, la situation reste préoccupante. Et nous ne pouvons pas brûler du capital tous les matins.
Air France a choisi de garder des capacités sur les courts et moyens courriers, alors que British Airways a mis fin à ce type de lignes, ce qui a fait remonter sa rentabilité. Air France pourrait très bien le faire. Le pari d'Air France est de garder son réseau afin de continuer à alimenter le hub de Roissy, mais aussi de redevenir une vraie compagnie mondiale de premier plan, qu'elle n'est plus vraiment aujourd'hui. Nous avons entendu une volonté en ce sens.
En ce qui concerne la relation financière entre Air France et ADP, j'évoque dans mon rapport le contrat de régulation économique (CRE). C'est un sujet extrêmement sensible. On ne peut pas avoir d'un côté ADP, à qui l'APE demande de la rentabilité, avec des redevances maintenues à un niveau élevé, et en même temps, regretter qu'Air France aille mal. Il faut trouver un équilibre. Il y a eu de petites évolutions sur le contrat de régulation de Toulouse. Mais c'est l'une des questions de l'année qui vient. Nous devons faire attention : si nous diminuons les redevances d'ADP, on met l'établissement en difficulté. Cette mesure bénéficierait en outre aussi aux autres compagnies.
En ce qui concerne les participations, je suis d'accord avec la nécessité d'en avoir une vision globale. Il y a eu une première baisse, sans conséquence stratégique. Avec les ventes réalisées jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons pas perdu de place dans les conseils d'administration. Cette situation est désormais révolue. L'Etat n'est plus au conseil d'administration d'EADS.
M. Jean-Jacques Filleul. - En accord avec les Allemands aussi.
M. Vincent Capo-Canellas. - Oui, mais la conséquence c'est qu'il n'y a plus de représentant de l'Etat au conseil d'administration. Comme l'a relevé l'agence des participations de l'Etat, les investissements prévus dans la loi de programmation militaire seront financés d'abord par le PIA, mais ensuite, en 2015, par la vente des participations aéronautiques de l'Etat. C'est écrit dans la loi. Nous devons réfléchir à notre modèle stratégique.
Il y a des marchés à conquérir en Asie. C'est bien qu'EADS y aille. Nous devons rester prudents sur les ruptures technologiques, en restant à la pointe et en développant les partenariats. Je prendrai l'exemple des satellites, où nous étions leaders mondiaux. Or, il y a six mois, Boeing a sorti un satellite à propulsion électrique que nous n'avons pas. Ces satellites sont moins lourds, parce qu'ils ne transportent pas de carburant. Ils peuvent donc être envoyés en plus grand nombre. Nous avons pris six mois de retard. Cela peut aller très vite.
Les crédits du BACEA sont effectivement marqués par une dette préoccupante.
En ce qui concerne ADP, il y a tout de même eu un réel effort interne, sur la qualité de service et la productivité. Le changement de présidence s'est bien passé. Ce n'est pas rien. Alors que l'ancien président avait une culture aéronautique, et s'était converti au monde de l'entreprise, avec succès, Augustin de Romanet apporte une vision complémentaire intéressante. Il y a une transformation qui va dans le bon sens. Ce ne sont donc pas que les redevances qui font qu'ADP va bien.
M. Louis Nègre. - Disposez-vous d'un classement des compagnies aériennes au regard de la sécurité ? Il paraît que certains low-cost sont plus sûrs que la compagnie nationale.
Je m'intéresse aussi à la ponctualité des vols. C'est pire que dans le domaine ferroviaire. Nous avons donc a priori deux points de faiblesse, qui devraient nous interpeller.
M. Vincent Capo-Canellas. - Je suis en général prudent lorsqu'il s'agit de classements. Ainsi, un classement des aéroports où il fait bon voyager avait pris comme critère la question de savoir si on pouvait y dormir la nuit... Il faut bien regarder ce qu'il y a derrière un classement.
En ce qui concerne la sécurité, la France a connu des accidents graves. C'est un sujet qui est rarement évoqué. Le taux d'accidentologie est faible, mais les événements sont toujours marquants. En visitant le centre opérationnel d'Air France, nous avons pu constater que les cliquets ont beaucoup été augmentés dans ce domaine. Nous avons tiré les leçons des dernières catastrophes. Nous devons effectivement suivre cela de près.
Sur la ponctualité, la difficulté du transport aérien vient du fait qu'il constitue un tout, composé de l'exploitant aéroportuaire et des sous-traitants, en charge des bagages par exemple. Il peut en outre y avoir des problèmes de navigation, voire de météo. ADP dispose d'indicateurs destinés à permettre que tout se passe bien. Le transport aérien reste toutefois assez différent du transport ferroviaire : soit les conditions sont réunies, et l'avion part, soit elles ne sont pas réunies, et l'avion ne part pas.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « transports aériens » du projet de loi de finances pour 2014.
- Présidence de M. Michel Teston, vice-président -
Prévention et protection contre les inondations - Examen des amendements au texte de la commission
La commission examine les amendements sur le texte n° 145 (2013-2014) adopté par la commission, sur la proposition de loi n° 47 (2013-2014), relative à la prévention des inondations et à la protection contre celles-ci.
M. Louis Nègre, rapporteur. - Pierre-Yves Collombat propose par l'amendement n° 1, que l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles se fasse de manière conjointe entre l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale. Or, une élaboration conjointe entraînerait une responsabilité pénale des élus, ce que nous ne souhaitons pas. Cet amendement vise également à ce que la population soit associée aux processus d'identification, de détermination et de réduction du risque. La population est demandeuse, c'est pourquoi je vous avais proposé par un amendement qu'elle soit informée et consultée. Mais nous ne pouvons pas donner aux citoyens la responsabilité politique des choix qui doivent être faits par les élus. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
M. Louis Nègre, rapporteur. - L'amendement n° 2 vise à faciliter la démarche de révision et de modification des plans de prévention des risques naturels. Cet amendement est, à mon sens, satisfait par le droit en vigueur. Pierre-Yves Collombat ajoute des conditions pour pouvoir recourir à la procédure simplifiée de révision. Concernant la mise en conformité entre le plan de prévention et le plan local d'urbanisme, je rappelle que le plan de prévention vaut servitude d'utilité publique et s'impose donc automatiquement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.
M. Louis Nègre, rapporteur. - L'amendement n° 10 vise à supprimer l'article 8. Je partage le point de vue de Pierre-Yves Collombat et considère que les élus doivent être majoritaires au sein des comités de bassins. C'est un signal fort, attendu par les élus.
M. André Vairetto. - Nous ne sommes pas opposés au renforcement de la présence des élus. Aujourd'hui, une réflexion sur la gouvernance de l'eau est engagée. Le rapport Lesage a provoqué des échanges très vifs. Je considère que les agences de l'eau doivent évoluer. Mais je préfère attendre une réflexion plus aboutie et propose en conséquence de supprimer cet article.
M. Louis Nègre, rapporteur. - Nous donnons aujourd'hui un signal. Dans le cadre de la navette, le gouvernement pourra proposer des solutions qui satisferont tout le monde.
M. Henri Tandonnet. - Je suis défavorable à cet amendement. J'ai participé au débat au sein du comité national de l'eau. Il y avait de grandes divergences entre Michel Lesage et Jean Launay. Un mouvement important existe pour dire qu'il faut mettre plus de représentants des collectivités territoriales au moment où l'État leur donne plus de compétences. Le texte que nous avons voté récemment demande aux intercommunalités de s'emparer de la gestion des milieux aquatiques et des inondations. Il faut maintenir cette dynamique et je suis donc favorable à cet article.
M. André Vairetto. - Je considère que l'approche de cet article est cosmétique. Je suis persuadé qu'il faut revoir l'organisation des agences de l'eau. La question est posée de savoir si c'est le bon niveau pour conduire la politique de l'eau.
M. Henri Tandonnet. - Je ne pense pas que la remise en cause du modèle des agences de l'eau soit le mouvement majoritaire. L'organisation française, reprise par le modèle européen, se fonde sur les bassins hydrographiques. Elle est pertinente et doit être maintenue. Je préconise de donner dans ce cadre plus de responsabilités aux élus locaux. Par exemple, les directeurs des agences de bassins pourraient ne pas être nommés par l'État. Il n'est pas forcément cohérent d'avoir un président qui est un élu et un directeur qui est un fonctionnaire d'État.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 10.
Article additionnel après l'article 8
M. Louis Nègre, rapporteur. - L'amendement n°7 vise à préciser que les politiques d'urbanisme doivent avoir pour objectif la prévention des inondations. J'émets un avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 7.
M. Louis Nègre, rapporteur. - Ronan Dantec et Hélène Lipietz proposent, par l'amendement n° 8, que les surfaces affectées au stationnement soient couvertes d'un revêtement perméable. Le surcoût lié à ce type de revêtement doit avoir pour effet de limiter les surfaces dédiées au stationnement et d'inciter à la construction d'aires de stationnement intégrées au bâti. Il n'y a cependant eu aucune réflexion préalable sur les coûts d'une telle mesure pour les maîtres d'ouvrage. Ils risquent d'être conséquents pour les entreprises.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.
M. Louis Nègre, rapporteur. - L'amendement n° 9 précise que l'État et les collectivités doivent veiller à la diffusion, la recherche et la mise en oeuvre de dispositifs d'écoulement naturel des eaux pour limiter le ruissellement. J'y suis plutôt favorable mais il faudrait interroger le gouvernement sur la portée normative concrète d'un tel amendement.
M. Michel Teston, président. - Nous pouvons émettre un avis de sagesse, ce qui permettra à Louis Nègre de poser la question au Gouvernement en séance.
La commission émet un avis de sagesse à l'amendement n° 9.
M. Louis Nègre, rapporteur. - Pierre-Yves Collombat propose, avec l'amendement n° 3, que les réserves communales de sécurité civile concourent, avec les services en charge de la sécurité civile, au soutien et à l'assistance des populations, afin de leur laisser une marge de manoeuvre dans le cas où les secours extérieurs ne sont pas présents.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3.
M. Louis Nègre, rapporteur. - L'amendement n° 4 vise à rétablir l'article 16. Nous comprenons la démarche. Cependant, la dérogation aux règles de passation des marchés publics est déjà prévue par l'article 35 du code des marchés publics, dans les cas d'urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
M. Louis Nègre, rapporteur. - L'article 17, supprimé, rendait obligatoire une assurance pour les propriétaires de locaux à usage d'habitation contre les risques d'incendie et de dégâts des eaux. Cela pose problème. À ce jour, les assurances obligatoires prévues par le code des assurances ne concernent que les risques encourus par l'assuré au titre de sa responsabilité civile à l'égard de tiers. En pratique, nous constatons que 98 % des gens sont assurés pour leur bien immobilier. Pour les 2 % restants, la sous-direction des assurances indique qu'il s'agit d'un minimum incompressible. Même pour l'assurance des véhicules, pourtant obligatoire, il y a 2 % de gens qui ne sont pas assurés.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.
M. Louis Nègre, rapporteur. - Les agriculteurs sont mal assurés contre les risques de catastrophes naturelles. Je partage avec Pierre-Yves Collombat la volonté de mieux assurer les agriculteurs. Cependant, l'extension pure et simple du bénéfice du régime des catastrophes naturelles aux dommages relevant du régime des calamités agricoles aurait pour effet de porter gravement atteinte à l'équilibre financier du régime actuel. Il faudrait en conséquence soit augmenter les primes soit baisser les garanties. De plus, le gouvernement nous a indiqué qu'il étudiait la question et ferait des propositions.
M. Michel Teston, président. - Stéphane Le Foll était en visite en Ardèche vendredi. Il a dit de manière très claire que le Gouvernement y travaillait.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.