- Mercredi 28 novembre 2012
- Création de la banque publique d'investissement - Audition de M. Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations
- Mobilisation du foncier public en faveur du logement et renforcement des obligations de production de logement social - Examen du rapport et du texte de la commission
Mercredi 28 novembre 2012
- Présidence de M. Daniel Raoul, président -Création de la banque publique d'investissement - Audition de M. Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations
La commission procède à l'audition de M. Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, sur le projet de loi n° AN 298 relatif à la création de la banque publique d'investissement.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Nous vous entendons ce matin, M. le directeur général, sur la création de la Banque publique d'investissement (BPI), élément important du programme du gouvernement en faveur de la compétitivité des entreprises. Vous nous indiquerez quel sera le rôle des collectivités territoriales dans la holding et dans ses deux filiales, BPI Financement-Innovation et BPI Investissement. Y aura-t-il fusion des opérateurs, notamment du Fonds stratégique d'investissement (FSI) et de CDC entreprises ? Quelles en sont les conséquences humaines ? La Caisse des dépôts et consignations est déjà impliquée dans les investissements via le FSI et CDC Entreprises, et dans le financement, comme actionnaire d'Oséo. Il est essentiel que la création de la BPI ne constitue pas un simple habillage mais apporte une véritable valeur ajoutée. L'organigramme du futur établissement traduira-t-il le regroupement des structures ? Avec quelles conséquences ?
M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable. - La création de la BPI est inscrite sur la feuille de route de la transition écologique. Elle jouera un rôle en matière d'aménagement du territoire. Nous attendons vos précisions sur ce qu'elle va être, nous souhaitons savoir comment elle pourra répondre aux attentes des acteurs économiques et du pays.
M. Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la CDC. - La France doit redynamiser son tissu industriel. La création de la BPI porte cette ambition. L'aide au développement des entreprises, qui est au coeur des missions de la CDC, sera amplifiée. La CDC investit dans les PME depuis les années quatre-vingt dix et a accru ses interventions avec la crise de 2008. Le plan stratégique « Elan 2020 », le FSI créé en 2008, le programme France FSI investissement lancé en 2012, sont ses principaux instruments. La moitié des investissements dans les PME sont dus à la CDC. Elle est un actionnaire historique d'Oséo, à hauteur de 27 %. Elle constitue donc un partenaire naturel pour l'État et investira la moitié de ses fonds propres dans la BPI, dans le respect de ses intérêts patrimoniaux et la protection de l'épargne des Français. Le Parlement exercera un contrôle par le biais de la commission de surveillance de la CDC. Une mission de préfiguration a été confiée à Nicolas Dufourcq.
La BPI sera un nouvel outil pour accompagner les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), par le biais de financements, d'investissements en fonds propres et de conseil aux entreprises. Un guichet unique sera ouvert dans les régions, lesquelles seront associées à la définition des orientations, dans les conseils régionaux d'orientation, et dans les plateformes communes en cas de financements communs. La BPI sera aussi la banque de la transition énergétique, elle a vocation à accompagner la conversion écologique du système productif en amplifiant les prêts verts bonifiés d'Oséo et les investissements du FSI et de CDC Entreprises dans les éco-industries. Des regroupements seront réalisés par thèmes entre les entités existantes, fusionnées dans la BPI pour plus d'efficacité. Oséo, FSI, CDC entreprises s'organiseront demain autour de trois pôles - financement, investissement, conseil. S'y ajouteront des entités compétentes dans le champ de l'économie sociale et solidaire, ou du soutien aux exportations.
En ce qui concerne ses moyens d'intervention, la BPI sera dotée des actifs du FSI, soit 15 milliards d'euros, et d'Oséo, 25 milliards, auxquels s'ajoutent les 3,6 milliards de capital non libéré du FSI. Elle pourra recourir à l'endettement sur les marchés ou auprès des fonds d'épargne, jusqu'à 10 milliards d'euros grâce au relèvement du plafond du livret A et du livret de développement durable.
Elle sera détenue à parts égales par l'État et la CDC qui seront représentées à parité au conseil d'administration. C'est un point auquel la CDC est très attachée. Le président sera nommé sur proposition de la CDC, le directeur général par décret - une proposition de loi organique vise à soumettre la nomination de ce dernier aux deux commissions des finances, cela me paraît positif.
La gouvernance des filiales est encore en cours de discussion. La CDC souhaite avoir la prééminence sur la filiale BPI-Investissement qui réalisera les interventions en capital, mission dévolue à la Caisse par la loi et coeur de son expertise. Cette entité est aussi celle qui recevra l'essentiel des apports de la CDC en fonds propres. La BPI devra se comporter en investisseur avisé, sous le regard des autorités de la concurrence, notamment européennes. Les régions auront une place centrale : elles seront représentées au conseil d'administration de la BPI-Groupe et présideront le comité national d'orientation ainsi que les comités régionaux d'orientation, éventuellement les comités d'engagement ou les plateformes créées en cas de co-investissements.
Nous serons très vigilants sur les conséquences sociales du regroupement, les transferts d'activité entraînant des transferts de personnel.
L'équilibre entre la CDC et l'État dans la gouvernance de la BPI sera finalisé par un pacte d'actionnaires. Nous souhaitons que certaines décisions du conseil d'administration soient approuvées par les deux partenaires : budget, nomination des dirigeants, investissements majeurs, choix du modèle prudentiel, allocation des ressources entre financement et investissement. L'articulation entre la CDC et la BPI reste à préciser, notamment le degré d'implication de la commission de surveillance de la CDC, émanation du Parlement. Nous serons particulièrement attentifs à la parité actionnariale, qui se reflète dans la composition du conseil d'administration, État et Caisse nommant chacun quatre administrateurs. Ces questions sont traitées à l'article 3 du projet de loi.
Le modèle prudentiel applicable sera bien sûr celui de Bâle III. Nous souhaitons que s'appliquent pour la BPI les contraintes prudentielles actuellement observées par la CDC, spécifiques à l'investissement en capital. Du reste, nous n'avons pas le choix.
La structure de la BPI telle que dessinée dans le projet de loi nous apparaît à même d'atteindre l'objectif d'efficacité tout en évitant les conflits d'intérêts entre investissement et financement.
La BPI a vocation à investir par le biais de co-opérations. Il faudra préciser les modalités de son intervention dans des missions d'intérêt général en complément de l'État. Un rendement minimum des capitaux sera indispensable, afin de préserver les intérêts patrimoniaux de l'État.
Un problème reste à trancher. Il concerne non la structure de la BPI mais la holding, à propos de laquelle les modifications fleurissent actuellement. Le directeur général de la CDC est pressenti pour diriger la BPI. Mais je ne voudrais pas me trouver au centre de conflits d'intérêt.
Nous comprenons que la holding doit être considérée comme un établissement de crédit, c'est une très bonne chose. Nous comprenons aussi que l'on souhaite aller vite. Mais il appartient à l'État et la représentation nationale, non aux dirigeants de la Caisse, de choisir la forme de cette holding, en pesant les conséquences de ce choix. C'est aux politiques de dire si le capital de la banque publique doit être ouvert à des banques privées. J'ajoute que, quel que soit le choix, il faudra maintenir un équilibre absolu entre l'État et la CDC dans le tour de table.
M. Antoine Gosset-Grainville, directeur général adjoint de la CDC. - Les discussions se poursuivent avec l'État pour définir le statut de la holding de tête. Doit-elle être une compagnie financière, comme cela était envisagé, ou un établissement de crédit de plein exercice ? Dans le second cas, s'agirait-il d'Oséo ou d'un nouvel établissement avec deux filiales, Oséo et la branche investissement ? Techniquement toutes les solutions sont possibles, mais l'autorité de contrôle prudentiel, qui ne se prononce pas, semble avoir une certaine sympathie pour la solution de l'établissement de crédit. Quant à nous, nous veillerons à ce que l'on ne remette pas en cause, pour régler un point technique, l'équilibre entre l'État et la CDC, ni la détention par la Caisse de 50 % du capital de la BPI.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Le projet actuel prévoit la création d'une holding détenant deux filiales : BPI financement-innovation et BPI investissements. Mais certains aspects sont politiques, comme la participation des banques privées dans la partie incluant Oséo, à hauteur de 10 %, qui figure dans le schéma initial mais qui reste à trancher.
M. André Vairetto, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. - Quelle sera la stratégie globale de la BPI en faveur de la transition énergétique ? En particulier, comment coordonner les différentes initiatives qui fleurissent sur le territoire ? Quel sera le rôle des comités régionaux d'orientation et leur articulation avec le comité national ? Comment ferez-vous pour accompagner les entreprises durant chaque phase de leur développement ?
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Les attentes sont fortes. Mais il existe déjà de nombreux outils de financement. Quelle sera la valeur ajoutée de la BPI ? Pendant la crise, nous avons réuni des cellules dans les préfectures de région, avec la participation notamment d'Oséo, pour décider des aides à apporter aux entreprises. Réactivité, simplicité, proximité... Quels sont les besoins non satisfaits que pourraient couvrir la BPI : peut-être le financement de la trésorerie, les crédits à l'exportation, l'articulation entre l'offre de financement et le développement des entreprises, le soutien aux fonds propres ?
Quelle sera la doctrine d'investissement de la BPI ? Assistera-t-on à une évolution ou à une redéfinition de la politique menée par Oséo ? Quels seront les critères en matière de risque et de rentabilité ?
La compétitivité est une question politique majeure. Quelle sera la place de la BPI dans la structuration des filières, l'aide aux entreprises, la mise en oeuvre du crédit compétitivité récemment annoncé ? Nous appelons de nos voeux une institution totalement nouvelle, qui favorise le développement économique du pays.
M. Jean-Pierre Jouyet. - La BPI rationalisera les dispositifs d'intervention en matière de transition énergétique qui existent : ceux du FSI, qui y consacre 1 milliard d'euros, d'Oséo, avec les prêts verts et en faveur des économies d'énergie, ou de CDC entreprises, avec les prêts destinés aux éco-technologies. CDC Climat et les fonds d'investissement d'avenir dans les PME mènent également des actions en capital et en prêts. Ils seront transférés à la BPI en coordination avec les structures régionales de la CDC.
Il conviendra de définir des seuils d'intervention pour les échelons régional et national ainsi qu'un système de reporting et d'instruction des dossiers, et de veiller à une corrélation étroite entre les deux niveaux. Un suivi simplifié et coordonné sera organisé. Ainsi les entreprises n'auront plus à s'adresser à des organismes multiples, mais auront des interlocuteurs identifiés selon le type de service : financement, intervention en fonds propres, conseil. Le niveau régional aura vocation aussi à capter des dossiers d'ampleur nationale. Ces actions existent déjà mais sans qu'on le sache : elles seront formalisées et unifiées.
Une autre valeur ajoutée de la BPI sera effectivement de prendre en compte des besoins non satisfaits : trésorerie, accompagnement à l'exportation, besoins en fonds propres des PME et PMI.
La doctrine d'investissement est centrée sur les PME et les PMI. Elle n'exclut pas l'intervention dans les filières de l'automobile, l'aéronautique, les énergies renouvelables, au service de la compétitivité. Mais limitons le nombre de filières éligibles. Pour investir dans le numérique, il faut au préalable que l'État définisse ses orientations et ses priorités.
Enfin l'objectif n'est pas de dégager une rentabilité élevée. Les taux de rendement resteront raisonnables. La BPI intervient en cas de carence des marchés.
M. Yannick Vaugrenard. - Les régions attendent non seulement un comportement offensif de la BPI, pour soutenir le développement des PME et l'innovation, mais aussi une intervention défensive. Dans ma région, en raison de la crise, des entreprises concurrentielles et performantes se sont retrouvées avec un carnet de commandes vide et sont devenues, temporairement, des « canards boiteux ». Nous les avons aidées grâce à des prêts à remboursement différé.
Les régions souhaitent être impliquées dans l'octroi des prêts et dans la publicité autour de ces dispositifs car souvent les entreprises en ignorent l'existence. Les guichets uniques comme les plateformes constituent une bonne initiative, mais ils devraient être placés sous la responsabilité des régions, ou être copilotés par les régions et la BPI. Vous avez parlé d'associer les régions : cela me paraît insuffisant, car elles ont fait leurs preuves dans le soutien aux entreprises. Pourriez-vous être plus précis sur cette organisation ?
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - C'est une question clef.
M. Alain Chatillon. - Qui dirigera la SA-BPI groupe ? L'expérience prouve que les sociétés détenues à parité ne fonctionnent pas. Il faut un opérateur principal. Je souhaite que la CDC joue ce rôle, peut être avec une participation de 51 %. Il appartient à l'État d'administrer, de contrôler, non de se substituer aux opérateurs.
Autre point, la présence des banques privées : ayant connaissance des dossiers, elles se précipiteront sur l'aubaine et récupéreront des clients. J'en ai fait l'expérience pendant trente ans à l'Institut régional de développement industriel.
Enfin, dans quels délais la BPI sera-t-elle opérationnelle ? On nous avait annoncé une installation rapide... Les entreprises ne pourront pas attendre bien longtemps, tandis que les collectivités font face à des besoins de financement de l'ordre de 15 à 20 milliards d'euros.
Enfin, parmi les secteurs stratégiques, n'oublions pas l'agroalimentaire, qui contribue pour 12 milliards d'euros aux exportations et qui irrigue les territoires ruraux.
M. Didier Guillaume. - Les collectivités locales n'ont qu'à se louer des relations qu'elles entretiennent avec la CDC ou Oséo, avec lequel j'ai signé une convention pour l'aide aux entreprises dans la Drôme. Il est important d'aborder ces questions locales au niveau local, même si l'interlocuteur est un organisme national.
La création de la BPI figurait dans les 60 engagements du candidat François Hollande. Car il y a un manque. Un entrepreneur qui n'a besoin de rien est accueilli à bras ouverts par sa banque. Mais tout se complique s'il a besoin d'aide... La puissance publique devait s'emparer de ce dossier. L'enjeu est politique ! En cette période de crise, les collectivités comme les entreprises ont des difficultés de financement. Qu'est-ce qu'un canard boiteux ? C'est un canard qui, quand il sera guéri, marchera sur ses deux pattes...
Le redressement de notre pays passera certes par les grandes entreprises. A Florange, il s'agit d'honorer la parole publique, bafouée à Gandrange. Mais les élus et les entreprises attendent aussi que la BPI investisse dans la réindustrialisation et l'innovation plutôt que dans la finance.
La création de la BPI ne doit pas signifier les pleins pouvoirs donnés aux régions dans le traitement des dossiers. Il faut trouver le bon équilibre entre la force de l'action publique, le savoir-faire des régions et l'expertise au plus près des petites entreprises.
M. Michel Teston. - Le FSI, qui sera intégré à BPI Investissement, détient de nombreuses participations dans des groupes français. Vous avez indiqué que la BPI pourrait sortir du capital de certains d'entre eux, au motif qu'ils n'ont plus besoin de capitaux publics. Confirmez-vous cette information ? Il est important que le Parlement soit associé à cette réflexion.
M. Marc Daunis. - Ma question concerne l'articulation avec le « terrain ». Les régions ne constituent pas le seul acteur de proximité. Sur les 68 milliards d'investissement réalisés par les collectivités territoriales, qui réalisent 70 % de l'investissement public, 39 milliards relèvent d'initiatives communales. Faute de pouvoir représenter tous les échelons, pourquoi la fédération des entreprises publiques locales (EPL) n'aurait-elle pas un siège au conseil d'administration de la BPI, compte tenu de l'importance du secteur de l'économie mixte ?
La BPI sera un acteur de l'économie sociale et solidaire. La volonté du gouvernement est claire. France Active, les ADI recevront des fonds. Comment cette préoccupation sera-t-elle inscrite dans la loi ? Aurez-vous recours à des instruments comme les certificats mutualistes ou les titres associatifs participatifs par exemple ?
M. Jean-Pierre Jouyet. - On m'a reproché l'emploi de l'expression « canards boiteux ». Je n'en suis pas l'auteur. Je n'ai fait que reprendre l'expression utilisée par plusieurs présidents de région lors de la réunion de l'Association des régions de France...
Dans les moments difficiles, la Caisse sait faire ! Elle a l'habitude de trouver des solutions défensives, temporaires. Lorsque la construction navale plonge, qui intervient sinon la CDC ? De même, quand on a des difficultés avec le 1 % logement, ce n'est pas le budget de l'État qu'on sollicite, mais la CDC et les fonds d'épargne. C'est nous encore qui allons soutenir la politique du logement : nous avons l'expertise pour cela. A Florange, si un projet intéressant émerge, permettant de tenir la parole publique, la BPI, ou le FSI dans la phase intermédiaire, sera là. La BPI n'a pas vocation à soutenir des activités financières mais productives, elle sera au service de la réindustrialisation dans les territoires.
La question de l'articulation avec les régions est politique. Nous ferons aussi bien, mais dans un cadre plus simple, que ce que nous faisons aujourd'hui en coopération avec les conseils régionaux, les conseils généraux et les communautés d'agglomération. Il est vrai que le son de cloche n'est pas le même d'un niveau de collectivité à l'autre. Je n'y peux rien ! Je vous ai donné mon opinion : pour ma part, j'agirai en fonction des arbitrages du Premier ministre et du président de la République. Et je suis favorable à la présence de représentants des EPL au comité d'orientation de la BPI.
Le premier conseil d'administration devrait se tenir au cours de la deuxième quinzaine du mois de janvier, après la promulgation de la loi. Les opérations d'apports prennent du temps : il faut obtenir des autorisations de Bruxelles, consulter les représentants du personnel d'Oséo et de la CDC, ainsi que les commissaires aux apports. Tout cela devrait nous mener au second trimestre 2013. Mais il n'y aura pas de rupture : la CDC, le FSI et Oséo vont continuer à travailler. La mission que remplit avec une grande efficacité Nicolas Dufourcq visera aussi à éviter la rupture de continuité.
M. Michel Teston, pour respecter les parités actionnariales, nous sommes obligés de procéder à des apports. Il y aura des cessions de la CDC à l'État et nous devrons également céder quelques-unes des participations du FSI. En outre, il y a toujours une certaine rotation d'actifs : certains investissements privés ne sont pas stratégiques, d'autres peuvent le devenir ... Nous sommes dans l'obligation d'avoir une politique intelligente, afin que les capitaux mis à la disposition de la BPI soient les plus élevés possibles.
M. Antoine Gosset-Grainville. - Le schéma actionnarial 50-50 n'est pas le plus facile à gérer. Cependant l'État et la CDC ont déjà l'expérience du copilotage : le meilleur exemple en est le FSI, certes à 51-49, mais au sein duquel il n'y a eu entre l'État et la CDC, depuis trois ans, aucun désaccord, alors que plus de soixante dossiers d'investissement ont été traités.
Le schéma sur lequel nous avons travaillé avec l'État garantit la prééminence de la CDC sur la branche investissement. Il est vrai que la CDC assume traditionnellement la position de tiers de confiance vis-à-vis des entreprises. Elle est perçue depuis longtemps comme un investisseur responsable, très engagé, proche de ceux qu'elle accompagne : nous souhaitons préserver cet acquis. Il s'agit aussi de montrer à Bruxelles que la doctrine d'investissement de la BPI sera bien celle que la CDC applique depuis toujours, un investissement avisé de long terme. La Commission européenne « achète » cette doctrine, qui lui semble conforme aux règles communautaires sur les aides d'État. La prééminence de la CDC dans la gouvernance de la filiale d'investissement se traduira par un administrateur de plus pour la CDC que pour l'État. Vous le voyez, nous gérons de façon pragmatique une répartition actionnariale à 50-50 et cela nous prémunit contre les risques de blocage.
M. Michel Magras. - A l'Assemblée nationale, le ministre des outre-mer a annoncé une déclinaison particulière des activités de la BPI dans nos territoires. Pourrions-nous avoir des précisions à ce sujet ? Des crédits spécifiques sont-ils prévus ?
M. Hervé Maurey. - Vous ne pratiquez pas la langue de bois, je vous en félicite. Et vous avez parlé du numérique, qui me tient particulièrement à coeur. La BPI a en effet un rôle essentiel à jouer dans ce domaine.
Un des grands avantages de la BPI est la fusion d'une multitude de structures, j'y vois un gage d'efficacité. Pourquoi l'Agence des participations de l'État n'a-t-elle pas été incluse dans ce regroupement ? Cela favoriserait une gestion plus dynamique et stratégique des participations de l'État.
M. Claude Bérit-Débat. - Je voudrais parler de l'articulation entre les régions et le terrain. Les régions jouent certes un rôle éminent dans le développement économique ; mais pour les investissements, les communautés d'agglomération et de communes sont au premier rang, elles sont les plus proches des investisseurs. Comment comptez-vous faire pour être proches du terrain et répondre pertinemment et rapidement à la demande des entreprises ?
M. Marcel Deneux. - Je me méfie des banques publiques, qui se sont tristement illustrées dans le passé : c'est parmi elles que se sont produits les plus grands krachs bancaires des trente dernières années. La BPI sera soumise aux mêmes règles prudentielles que les autres banques et devra bien les respecter. Quelle peut être sa marge de manoeuvre avec ses 40 à 50 milliards de capacité d'intervention, qui ne sont rien au regard des 1 600 milliards d'euros de financement des entreprises ? Tout au plus pourra-t-elle orienter les filières et jouer un rôle d'aiguillon. Les entreprises n'attendent pas après vous... Choisissez bien les filières ! Comment allez-vous établir des connexions avec les banques coopératives qui représentent plus de 60 % du PNB et qui sont de véritables républiques autonomes régionales ?
Enfin, quel sera le taux des prêts de la BPI ? Avec une rémunération du livret A à 2,25 %, vous pourrez difficilement faire moins de 4 %.
A qui le conseil rendra-t-il compte de sa gestion chaque année ?
M. Jacques Cornano. - L'objectif gouvernemental de réindustrialisation me semble en accord avec la politique de prêts aux PME. La capacité d'engagement de 40 milliards sous forme de prêts suffira-t-elle à faire face aux besoins d'emprunt d'environ 200 milliards des PME ?
M. Daniel Dubois. - La BPI va contribuer à la lisibilité des structures d'aides à l'investissement. A priori, elle aura un statut bancaire, et les accords de Bâle III devraient s'appliquer. Où est le curseur entre sécurité et efficacité ?
Mme Bernadette Bourzai. - Je me suis prise à rêver, lorsque je vous ai entendu prononcer le mot « parité ». Hélas, il s'agissait de parité actionnariale... Il n'y a pas une seule femme à la Banque centrale européenne : qu'en sera-t-il à la BPI ?
M. Jean-Pierre Jouyet. - M. Marc Daunis, le principal intervenant de l'économie sociale et solidaire est la CDC : nous avons conclu des accords innovants avec les associations que vous avez citées. Le gouvernement a affiché son ambition en faveur de l'économie sociale et solidaire : 500 millions d'euros lui seront dévolus. Nous apporterons l'expertise de la CDC à la BPI.
La spécificité de l'outre-mer sera prise en compte, mais il est trop tôt pour vous donner des chiffres. M. Hervé Maurey, nous attendons que le gouvernement définisse en février ses orientations en faveur du numérique.
Je veux dire à M. Claude Bérit-Débat que je souhaite l'implication la plus forte des élus. Sur le terrain, nous devons préserver la sécurité et une certaine flexibilité. La BPI doit être une banque de proximité sachant concilier des approches défensives et offensives. Elus, CDC, Oséo doivent travailler ensemble en mettant en place un guichet unique.
Ce n'est pas parce qu'une banque est publique qu'elle est imprudente. D'une part, nous avons retenu les leçons du passé et l'investissement et le financement seront bien séparés. D'autre part, le modèle prudentiel de la BPI sera beaucoup plus rigoureux que ceux en vigueur avant la crise, et il s'appliquera de manière différenciée aux prêts et aux interventions en capital. Depuis sa création en 1816 sous la Restauration, jamais la CDC n'a été prise en défaut. Elle a toujours été le meilleur tiers de confiance du pays. Compte tenu de la nature de ses ressources, elle pourra pratiquer des prêts à taux plus faibles que ceux indiqués par M. Marcel Deneux. Nous dépendons, notamment sur les fonds d'épargne, des accords que nous avons avec le Trésor. Nous aurons en tout cas un effet de levier important. De nombreuses entreprises viennent nous voir parce que nous investissons, nous cofinançons, nous savons mobiliser l'argent privé. C'est en cela que la BPI sera intéressante. En outre, les garanties auront un effet d'amplification sur le financement de l'économie.
Mme Bernadette Bourzai, je suis très favorable à la parité, non seulement dans la gouvernance et les comités d'orientation, mais également au conseil d'administration de la BPI. Qu'une femme présidente de région soit membre du conseil d'administration m'irait parfaitement !
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Vous avez peut-être des noms en tête ?
M. Antoine Gosset-Grainville. - La constitution de la BPI amène la CDC et l'État, et en l'occurrence l'APE, à mettre en commun une partie significative de leurs actifs. Le transfert est substantiel. Je redis que la BPI sera soumise à Bâle III, et même à Bâle III renforcé pour l'investissement plus risqué dans les PME et ETI.
M. Jean-Pierre Jouyet. - Un dernier mot, pour préciser que le conseil et l'équipe gouvernante de la BPI rendront compte annuellement de leurs activités devant le Parlement.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. - Nous aurons un riche débat lors de l'examen du projet de loi créant la BPI. Que de sujets à aborder ! Nous vous remercions.
Mobilisation du foncier public en faveur du logement et renforcement des obligations de production de logement social - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport et le texte de la commission sur le projet de loi n° 163 (2012-2013), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Ce projet de loi, déposé par le gouvernement le 14 novembre dernier, a été adopté hier par l'Assemblée nationale sans modification. Comme vous le savez, nous avions examiné début septembre un projet de loi portant le même intitulé. Le Sénat avait adopté définitivement le texte le 9 octobre, l'Assemblée nationale le 10. Les débats parlementaires avaient fait passer le texte de 15 à 34 articles. Le Conseil constitutionnel a jugé, le 24 octobre dernier, que le texte avait été adopté selon une procédure contraire à la Constitution - l'annulation n'étant en aucun cas liée au contenu du projet de loi.
Le texte que nous examinons aujourd'hui reprend quasi-intégralement les dispositions du précédent projet de loi dans sa rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire (CMP). Il traduit deux engagements forts du président de la République : la mise à disposition gratuite de terrains publics pour construire des logements sociaux et le renforcement de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), en portant à 25 % les exigences en matière de logements sociaux et en multipliant par cinq les sanctions contre les communes « mauvais élèves ». Ces deux mesures illustrent la volonté du Gouvernement de faire du logement une priorité nationale.
La cession gratuite, mesure symbolique, permettra d'accélérer des opérations, voire d'en débloquer certaines, et d'augmenter la capacité de financement du logement social par les bailleurs. Le relèvement du taux obligatoire de logements sociaux à 25 % dans les zones tendues portera les objectifs de construction pour 2014-2016 de 66 000 à près de 190 000 logements. Le renforcement des pénalités incitera les communes récalcitrantes à contribuer davantage à l'effort national de construction et de mixité sociale. Ce texte constitue ainsi une première réponse à la crise du logement.
Quelques modifications ont été apportées par rapport au texte du projet de loi précédent issu de la CMP. Le montant de la décote sur le foncier est désormais limité à 50 % pour les logements en prêts locatifs sociaux (PLS) et en accession sociale à la propriété. Pour les logements sociaux ayant bénéficié d'une décote, l'interdiction de vente est fixée à vingt ans, tout comme la durée des conventions APL qui fixent les conditions de location et garantissent le caractère social des logements. Tout logement construit grâce à la décote demeurera ainsi dans le parc social pendant vingt ans.
L'article 8, introduit dans le précédent projet de loi par les députés, supprimait la possibilité pour un propriétaire d'échapper à la réquisition s'il s'engageait à rénover et louer son logement. Cette disposition pouvait se révéler inconstitutionnelle. La nouvelle rédaction de l'article 8 prévoit donc le renforcement des obligations du propriétaire, de manière à éviter les allégations de travaux purement dilatoires.
L'application d'un taux obligatoire de 10 % de logements sociaux dans les communes de 1 500 à 3 500 habitants, situées dans les zones tendues hors Île-de-France, avait été très discutée au Sénat. Cette disposition a été retirée du texte. Le plafond du prélèvement majoré applicable aux communes ne respectant pas leurs objectifs de rattrapage a été abaissé de 10 % à 7,5 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 150 % du potentiel fiscal médian par habitant sur l'ensemble des communes soumises au prélèvement. L'article 26 sur le régime transitoire a été modifié. Enfin, à l'article 31, qui porte sur le Grand Paris, la référence au 31 décembre 2012 a été supprimée, le conseil régional d'Île-de-France ayant adopté le 25 octobre un projet de schéma directeur.
Ce texte, très proche de celui issu de la CMP, reprend nombre de dispositions qui avaient été introduites à l'occasion de l'examen du projet de loi précédent par le Sénat, à l'initiative de tous les groupes. L'article 1er, qui correspond à un amendement de Mireille Schurch, prévoit ainsi un rapport sur les caractéristiques d'un mécanisme d'encadrement de la définition de la valeur foncière.
L'article 11, introduit à l'initiative conjointe de Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann et Marie-Christine Blandin...
M. Daniel Raoul, président. - Les Chtis !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - C'est un pacte de circonstance ! L'article 11 modifie les statuts de la Société de gestion du patrimoine immobilier des houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais (Soginorpa).
L'article 12 est issu de propositions de Joël Labbé et de Marie-Noëlle Lienemann, visant à ce que, dans les communes carencées, toute opération de construction d'immeubles de plus de douze logements comprenne au moins 30 % de logements sociaux.
À l'initiative de Valérie Létard, l'article 14 permet de déduire du prélèvement sur les ressources fiscales des communes les dépenses liées aux fouilles archéologiques sur des terrains destinés à la construction de logements sociaux. À l'initiative de Philippe Dallier, la période pendant laquelle une commune peut déduire les dépenses de réalisation de logements sociaux est prolongée d'un an.
L'article 15 impose un plafond de 30 % de PLS et un plancher de 30 % de prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) pour les communes soumises à l'article 55 non couvertes par un programme local de l'habitat (PLH), dispositions issues d'amendements de Mireille Schurch et du président Jacques Mézard.
Enfin, la suppression du « prélèvement HLM », véritable ponction sur les organismes HLM, a été introduite par un amendement du président Jacques Mézard et figure à l'article 33 du projet de loi. Je me félicite que le Gouvernement ait repris à son compte cette disposition très attendue par le secteur du logement social.
L'article 9 résulte quant à lui d'un amendement de Christian Cambon prévoyant l'avis conforme du maire en cas de vente de logements sociaux sur le territoire de sa commune. Une telle disposition pouvant avoir des effets pervers, l'Assemblée nationale avait prévu qu'en cas de désaccord entre le maire et le préfet, il reviendra au ministre du Logement de trancher, disposition reprise dans le projet de loi.
Ce projet de loi, salué par l'ensemble des acteurs du logement, doit entrer en vigueur le plus rapidement possible. Je ne vous proposerai donc aucun amendement, sachant qu'un autre texte, dont nous serons saisis courant 2013, sera l'occasion d'un grand débat sur la politique du logement. J'espère donc que notre commission, puis le Sénat, adoptera le présent projet de loi à une large majorité.
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. - C'est un plaisir renouvelé que de vous présenter ce projet de loi... Le rapporteur a fait une présentation précise et juste du texte, qui traduit en effet la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre les engagements du président de la République et de construire du logement social sur l'ensemble du territoire. La mobilisation du foncier public assurera l'équilibre des opérations. Ma détermination à agir est entière. Je vous présenterai bientôt un grand projet de loi sur le logement qui sera l'occasion de réformer la loi de 1965 sur les copropriétés ainsi que la loi de 1970 sur les professions immobilières, et de clarifier les normes d'urbanismes afin de lutter contre les recours abusifs qui freinent les opérations de logement social. Plus que dans le présent texte, qui doit s'appliquer très rapidement, vos amendements trouveront là leur lieu naturel d'épanouissement.
Quelques changements sont intervenus depuis la CMP. Le Conseil d'État nous a ainsi invités à préciser le lien entre la décote et l'objet social de la construction. L'avantage financier sera donc répercuté sur le prix de revient des logements locatifs sociaux ou sur le prix de cession des logements en accession à la propriété. Un logement social ayant bénéficié de la décote devra demeurer dans le secteur locatif social pendant vingt ans. Dès lors qu'il y a une perte de recettes pour l'Etat, les plus-values provenant d'une cession ultérieure ou, pour une opération d'accession sociale, d'une mise en location ultérieure, sont encadrées. Pour les PLS ou l'accession sociale, la décote est limitée à 50 %, afin de privilégier la construction de logements sociaux réservés aux plus modestes.
L'Assemblée nationale avait adopté deux amendements sur les réquisitions d'immeubles appartenant à des personnes morales. Le premier accélérait la procédure en abaissant à douze mois le délai de vacance nécessaire : ce point n'a pas été modifié. Le second visait à faire obstacle aux déclarations de travaux dilatoires. Le Conseil d'Etat a signalé un risque d'inconstitutionnalité : si le propriétaire compte louer son logement, l'Etat ne peut le réquisitionner pour un but identique. La rédaction a donc été modifiée - et le dispositif actuel durci.
S'agissant de l'article 55 de la loi SRU, la question des petites communes est réglée. Sur la suggestion du Conseil d'État, le plafond du prélèvement majoré a également été abaissé de 10 à 7,5 % pour les communes à fort potentiel fiscal. Enfin, l'article 26 du projet de loi aménage le régime transitoire pour tenir compte d'une entrée en vigueur différée de quelques semaines.
Le texte qui vous est présenté est, je crois, conforme à la volonté partagée du Gouvernement et du Parlement. Je souhaite qu'il s'applique au plus tôt, car les collectivités locales attendent sa promulgation pour lancer les opérations.
M. Daniel Raoul, président. - Je me réjouis que le projet de loi de finances pour 2013 rende les communes en zone B2 éligibles au dispositif « Duflot ».
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure dite accélérée. Et qu'un vote conforme du Sénat, après celui de l'Assemblée nationale, permettrait son adoption définitive.
Mme Élisabeth Lamure. - Je reconnais que le Sénat avait fait un bon travail sur ce texte, mais nous divergeons toujours sur certains points. D'accord sur le principe de la mise à disposition du foncier, d'accord sur la décote, mais aller jusqu'à la gratuité n'est pas raisonnable, l'état de nos finances publiques ne nous l'autorise pas.
M. Daniel Raoul, président. - Votez donc le projet de loi de finances !
Mme Élisabeth Lamure. - Porter les obligations en matière de logement social de 20 à 25 %, pourquoi pas, mais les sanctions prévues sont trop lourdes pour les communes qui, loin d'être des « mauvais élèves », font preuve de bonne volonté. Ne pourrait-on dresser une liste des communes véritablement réfractaires, qui ne sont sans doute qu'une poignée ?
Je regrette que n'entrent pas dans le décompte des 25 % les logements en accession sociale à la propriété qui font partie du parcours résidentiel, notamment dans les villes moyennes. Nous en avons besoin.
Autre problème, les normes imposées aux centres d'hébergement : 9 mètres carrés pour l'ancien, 12 mètres carrés dans le neuf. On traite l'hébergement comme le logement. Résultat, les organismes ne parviennent pas à répondre à la demande. Hier, à Lyon, 700 personnes n'ont pu être accueillies en foyer pour sans-abri. On annonce l'arrivée d'une vague de froid et le préfet a demandé l'ouverture des gymnases... Ce sujet mérite discussion.
M. Jean-Claude Lenoir. - Je veux pour ma part attirer l'attention sur les difficultés des jeunes, apprentis, stagiaires ou jeunes salariés, qui peinent à trouver un logement quand ils ont accepté une formation ou une embauche loin de leur domicile. On privilégie désormais les logements individuels. Où trouver les crédits pour que les organismes propriétaires transforment des logements collectifs en résidences pour jeunes ? Un appel à projet a été lancé, qui est suivi par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et le Commissariat général à l'investissement. La demande des jeunes est particulièrement forte dans le monde rural.
M. Daniel Raoul, président. - Ce n'est pas l'objet du présent projet de loi.
M. François Calvet. - Les communes concernées par un plan de prévention du risque inondation (PPRI) - il y en a dans la communauté d'agglomération de Perpignan - ne pourront jamais mobiliser du foncier pour la construction de logements sociaux. Elles seront toujours pénalisées. Le peu qu'elles pourront faire entraînera un surcoût phénoménal. Je propose de les exempter de l'obligation des 25 %.
Autre difficulté : l'accès au crédit, pour les offices HLM mais aussi pour les collectivités, qui participent souvent aux programmes HLM en finançant une partie des travaux, notamment les raccordements à l'eau et au tout-à-l'égout. Les banques prêtaient naguère à 3 % sur trente ans ; aujourd'hui, c'est 5 % sur quinze ans. Dans ma communauté d'agglomération, les communes ne peuvent plus participer aux opérations. S'ajoute le problème des garanties d'emprunt que nous avons consenties aux organismes HLM : les banques commencent à nous les rappeler... Pour réussir, le logement social doit rentrer dans ses coûts. Beaucoup de choses nous conviennent dans le texte mais il y a des sources de blocage.
M. Claude Dilain. - Nous fêtons cette année le centenaire de la loi de 1912 instituant les habitations à bon marché (HBM). Le logement social a beau avoir cent ans, il reste au coeur des préoccupations d'une grande part de la population. Ce texte, qui a intégré beaucoup de nos apports, est équilibré. Le débat n'est pas clos mais nous franchissons cette étape sereinement. Il s'agit de répondre à l'attente des communes, que j'ai encore constatée ce matin lors de l'assemblée générale de l'association des maires Ville et banlieue.
Le logement social souffre d'un manque de moyens mais aussi d'une stigmatisation implicite : on imagine tout de suite des barres et des tours pleines de voyous. Il est temps de corriger cette image : venez à Clichy-sous-Bois, vous ne saurez distinguer les HLM du logement privé ! J'espère qu'il ne faudra pas attendre encore un siècle pour entendre dire : « le logement social, c'est bien ».
Mme Valérie Létard. - Le groupe Union des démocrates et indépendants-UC, qui a largement participé au débat, s'était d'abord abstenu, mais avait voté contre le texte issu de la CMP en raison de la mesure visant les communes de 1 500 à 3 500 habitants. Celle-ci ayant été supprimée, nous revenons à notre position initiale.
Un futur texte sera l'occasion d'un grand débat, dites-vous. Nous maintenons toutefois nos amendements sur celui-ci, afin de réaffirmer quelques principes essentiels. La mobilisation du foncier est indispensable, mais je regrette que le rôle des intercommunalités ne soit pas davantage pris en compte. Cela permettrait de mieux maitriser les coûts, et donc de faire davantage de logements, d'autant que les programmes locaux de l'habitat contribuent à la nécessaire mixité.
Oui, il y a des communes « mauvais élèves », déterminées à ne pas appliquer l'article 55, mais aussi des communes qui font leur maximum pour combler un gros retard hérité du passé. Il faut distinguer les deux catégories, d'autant qu'avec l'achèvement de la carte de l'intercommunalité, certaines communes vont se retrouver brutalement concernées. Les délais d'application sont serrés. Évitons d'imposer à certaines collectivités une double peine en les punissant avant même qu'elles aient pu se montrer vertueuses.
Les fonds issus du produit des sanctions doivent aller vers les intercommunalités qui financent la production de logements sociaux sur des territoires défaillants. Ne fixons pas trop haut le plafond des sanctions, même s'il est nécessaire.
Le futur projet de loi logement traitera de l'habitat des propriétaires occupants, je m'en réjouis. Nous manquons de leviers puissants et organisés pour réhabiliter des logements dégradés, très énergivores, souvent occupés par des personnes âgées qui voient leur facture énergétique exploser, notamment en zone rurale. Il faut informer, élargir le champ des publics éligibles aux aides, prévoir des opérateurs de proximité pour aider les personnes seules et démunies.
M. Marc Daunis. - Dans les Alpes-Maritimes, 60 % de la population est éligible à un logement social. Autant dire que le problème est crucial. Si l'on établissait la fameuse liste réclamée par Elisabeth Lamure, les Alpes-Maritimes y occuperaient un rang peu enviable. Le surcoût lié au PPRI ne me paraît pas être un argument dirimant. La difficulté, pour les communes, est plutôt de modifier ou d'amender les PPRI et les Plans de prévention des risques d'incendie de forêt (PPRIF) existants : Révision générale des politiques publiques (RGPP) oblige, les services préfectoraux s'y refusent. Il faut inciter vigoureusement les préfets à faire évoluer ces documents, en concertation avec les communes, afin de concilier obligations de sécurité et construction de logements.
M. Joël Labbé. - Le groupe écologiste ne déposera pas une nouvelle fois les amendements repoussés lors de la précédente lecture. Le texte issu de la CMP nous convient, nous voulons une application rapide de la loi, en attendant le futur texte sur le logement. Un regret toutefois : le refus de fixer la TVA à 5,5 % pour le logement social. Cela aurait constitué un coup de pouce au secteur et nous aurait donné les moyens des politiques que nous voulons mener. Mais sur cette question, c'est la commission des finances qui a la main...
Je m'inquiète enfin des propos très pessimistes de M. Jérôme Cahuzac sur le Crédit Immobilier de France, qui joue un grand rôle en matière d'accession sociale à la propriété.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Nombre de questions s'adressent en réalité à Mme la ministre et n'ont pas de réel lien avec le projet de loi. En tant qu'élus locaux, nous sommes tous attentifs à ces sujets, qu'il s'agisse des centres d'hébergement ou du logement des jeunes. Je m'en tiendrai toutefois aux questions qui portent sur le texte.
Mme Élisabeth Lamure, la décote est déjà encadrée : elle peut atteindre 100 % pour les PLAI, mais elle est limitée à 50 % pour les PLS. L'arrêté de carence tient compte de la situation locale des communes de bonne volonté et apprécie les efforts réalisés. La multiplication par cinq des sanctions est possible mais non automatique.
Le débat sur l'accession sociale à la propriété a été tranché par le Sénat en 2008 ; il n'y a pas lieu de le rouvrir. Le logement social et l'accession sociale à la propriété, ce n'est pas la même chose. Nous voulons construire des logements sociaux, or quand les maires développent l'accession sociale, c'est souvent au détriment du locatif.
A François Calvet, j'indique que l'alinéa 13 de l'article 10 du texte prévoit des exemptions, notamment pour les communes concernées par les PPR naturels, miniers ou technologiques.
Le financement est une vraie question, mais qui sort du champ du présent projet de loi. L'Agence de financement des collectivités territoriales, je vous le signale, a reçu l'autorisation du gouvernement. En outre, le remplacement de Dexia par la Banque postale et la CDC est en cours, pour répondre aux besoins des petites communes.
J'indique à Valérie Létard que l'article 55 de la loi SRU permet au préfet de prendre en compte la situation locale. Quant à la possibilité de tenir compte des intercommunalités, je n'y suis pas favorable : je crois que l'application du dispositif doit demeurer à la seule échelle communale. Il faut éviter qu'une commune puisse se défausser de ses obligations sur ses voisines. Quant à vos amendements, j'indique que nous souhaitons une entrée en vigueur au plus tôt de ce texte...
Mme Cécile Duflot, ministre. - Je veux dire à Elisabeth Lamure que je suis favorable au principe d'identification des communes de bonne volonté. Mais il est difficile à mettre en oeuvre. Les choses évoluent ; un même élu peut changer d'avis. C'est pourquoi le dispositif retenu est incitatif, mais en même temps suffisamment coercitif. Un amendement proposait de rendre le mécanisme de sanction automatique. Je m'y suis refusé : le quintuplement des pénalités ne s'applique pas lorsque la bonne foi du maire est démontrée. Je m'en étais expliquée à l'Assemblée nationale avec le maire de Neuilly-sur-Seine Jean-Christophe Fromantin, qui souhaitait voir de tels critères clarifiés. Je reste prête à débattre avec les élus de cette question. Je souligne à cet égard que la bonne foi ne dépend nullement de la couleur politique...
L'obligation de construction de 25 % de logements sociaux dans les zones locatives tendues n'empêche en rien de faire de l'accession sociale à la propriété. De nombreux maires font les deux.
S'agissant de la situation du crédit immobilier de France, je m'opposerai à toute solution qui ne permettrait pas de reprendre l'aide que l'institution accordait jusqu'alors à près de 40 000 familles. Nous avons besoin du CIF pour les ménages, mais aussi pour l'équilibre de l'activité de construction de logements.
Élisabeth Lamure, vous faites erreur sur l'hébergement : le nombre de places d'hébergement est bien pris en compte dans ce projet de loi et il n'y a pas de changement par rapport à la loi SRU. La surface de 9 mètres carrés est la limite de la décence. En-deçà, les conditions de logement sont néfastes à la santé, pièces confinées, proximité des matériaux de combustion, mauvaise qualité de l'air... Je rappelle que cette norme résulte d'une loi votée par la précédente majorité. L'actuel gouvernement n'a pas l'intention de revenir dessus.
Le seuil de 25 % recouvre tous les types de logements sociaux, y compris les résidences pour jeunes. Les modalités d'attribution des logements et les types de projets construits seront traités dans le prochain texte que vous serez amenés à examiner. J'ajoute que dans le cadre des investissements d'avenir, 250 millions d'euros sont consacrés au logement des apprentis. L'enveloppe n'est d'ailleurs pas entièrement consommée : les élus peuvent encore déposer des dossiers de candidature.
La spécificité des PPRI a été prise en compte par une disposition, qui exonère totalement les communes de leurs obligations lorsque plus de la moitié de leur territoire est inconstructible. Pour les autres, une instruction précisera comment s'appliquent les sanctions. Ce sujet sera également abordé dans la prochaine loi. L'évolution des normes en matière de sécurité, d'incendie, de submersion et d'inondation alourdit certes les contraintes qui pèsent sur les constructeurs. Mais les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités pour ne pas voir se répéter les inondations de Draguignan ou les effets de la tempête Xynthia.
Je fais écho aux propos du sénateur Claude Dilain : 2012 est en effet l'année anniversaire de la loi Bonnevay, du nom de son auteur, sénateur centriste injustement méconnu. Ce parlementaire fut aussi l'un de ceux qui refusèrent de voter les pleins pouvoirs à Pétain. Il faut reconnaître à son texte une grande clairvoyance. Dans sa dimension territoriale d'une part, puisqu'il s'appuie largement sur les offices municipaux, principe toujours valable aujourd'hui. Par le lien qu'il fait entre logement, emploi et dignité, d'autre part, car Laurent Bonnevay considérait indispensable que la puissance publique se préoccupe de réaliser des habitations à bon marché - en l'occurrence, ces bâtiments de brique qui ceinturent Paris et qui sont aujourd'hui considérés comme des éléments patrimoniaux d'excellente qualité ! Vous le voyez : le changement est parfois bon, mais il n'en faut pas moins garder à l'esprit la filiation dans laquelle on s'inscrit. Le logement est de plus une matière qui incite à la modestie, puisque les résultats des décisions publiques ne sont visibles qu'après plusieurs années.
Valérie Létard, je ne mésestime pas le rôle des intercommunalités. Mais, dans un souci de cohérence, la responsabilité doit reposer sur celui qui a les moyens d'agir, c'est-à-dire le maire. Car si la compétence d'urbanisme est souvent transférée aux intercommunalités, ce sont les communes qui conservent la délivrance des permis de construire.
Les actions en faveur de la rénovation thermique ont été engagées. Vous soulignez l'insuffisante publicité faite à ce dispositif, notamment auprès des propriétaires âgés. Nous travaillons activement à la simplification de la mesure, à la création d'un guichet unique et, pour la diffusion de l'information, à la mobilisation des réseaux existants à l'échelle locale. J'ai d'ailleurs lancé un appel au congrès de l'Association des maires de France pour qu'ils soient les interlocuteurs et les relais de la politique de rénovation thermique sur le terrain. Notre objectif est de rénover 500 000 logements par an à compter de 2013.
M. Daniel Raoul, président. - La confusion est fréquemment faite entre le droit de l'urbanisme et le droit du sol : le premier peut être transféré aux intercommunalités, mais le second reste à la commune.
Venons-en à l'examen des amendements récidivistes...
Article additionnel avant l'article 1er
M. Gérard Le Cam. - Afin de ne pas gêner la progression du texte, nous retirons l'amendement n°3.
L'amendement n° 3 est retiré.
L'article 1er est adopté sans modification, de même que l'article 2.
M. Jean-Claude Merceron. - Mon groupe a déposé des amendements qui avaient déjà été déposés et discutés en septembre dernier. Ils sont donc tous défendus.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - L'ensemble des amendements a été examiné par la commission en juillet. Ils avaient été rejetés, ainsi qu'en séance. Avis défavorable à défaut d'un retrait.
La commission rejette les amendements n° 14, n°15, n° 16, n° 17, n° 19 et n° 5.
L'article 3 est adopté sans modification.
Les articles 4, 5, 6 et 7 sont adoptés sans modification.
Article 8
L'amendement n° 2 est retiré.
L'article 8 est adopté sans modification, ainsi que l'article 9.
Article 10
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements n° 6, 21, 22, 28, 7 et 8.
La commission rejette les amendements n°6, 21, 22, 28, 7 et 8.
L'article 10 est adopté sans modification.
Les articles 11, 12 et 13 sont adoptés sans modification.
Article additionnel après l'article 13
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 29.
La commission rejette l'amendement n° 29.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 9.
La commission rejette l'amendement n° 9.
L'article 14 est adopté sans modification.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements n°10 et 11.
La commission rejette les amendements n° 10 et 11.
L'article 15 est adopté sans modification.
Article 16
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements n°30, 23, 24 et 25.
La commission rejette les amendements n°30, 23, 24 et 25.
L'article 16 est adopté sans modification.
Les articles 17 et 18 sont adoptés sans modification.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°26.
La commission rejette l'amendement n° 26.
L'article 19 est adopté sans modification.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 31.
La commission rejette l'amendement n° 31.
L'article 20 est adopté sans modification, de même que les articles 21, 22 et 23.
Articles additionnels après l'article 23
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements n°s 12 et 13.
La commission rejette les amendements n°s 12 et 13.
Mme Élisabeth Lamure. - Je souhaite revenir sur les deux derniers amendements, très importants, de notre collègue Daniel Dubois relatifs aux recours abusifs. Dans quel cadre pourront-ils être examinés à nouveau ?
M. Daniel Raoul, président. - Mme la ministre est mieux placée que nous pour faire respecter la promesse d'un décret sur le sujet, qui avait été faite par M. Benoist Apparu.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Je vais défendre mon prédécesseur : il n'est pas possible de procéder par décret dans le domaine des recours abusifs. Leur encadrement est complexe d'un point de vue constitutionnel, car différents principes fondamentaux entrent en jeu. Nous y reviendrons dans le projet de loi que vous examinerez en 2013.
Les articles 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32 et 33 sont adoptés sans modification.
Le projet de loi est adopté sans modification.