- Mardi 23 octobre 2012
- Mercredi 24 octobre 2012
- Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 - Audition de M. Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss)
- Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 - Audition de MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et Pierre Mayeur, directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav)
- Dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie - Examen des amendements
- Journée nationale du souvenir du 19 mars - Examen des amendements au texte de la commission
Mardi 23 octobre 2012
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Organisation des travaux
Mme Annie David, présidente. - M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), nous présente ses excuses. Il est retenu par les négociations en cours sur les dépassements d'honoraires. Puissent-elles aboutir ! Son audition sera reportée au mardi 6 novembre prochain, à 16 heures.
Programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 - Examen du rapport pour avis
La commission procède à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi n° 69 rectifié (2012 2013), adopté par l'Assemblée nationale, de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 dont M. Yves Daudigny est rapporteur pour avis.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Nous examinons, pour la troisième fois, un projet de loi de programmation des finances publiques, le premier datant de 2008. A chaque fois, notre commission se saisit pour avis. Quoi de plus légitime quand les administrations de sécurité sociale représentent 46,5 % des dépenses publiques et 54,4 % des prélèvements obligatoires ?
Les lois de programmation présentent la particularité de couvrir l'ensemble des administrations publiques : Etat, sécurité sociale, collectivités locales. Elles dessinent une trajectoire financière fixe pour une période donnée sans s'imposer aux lois de finances et de financement. Ce texte traduit un double cap conforme aux engagements européens du Président de la République : une limitation du déficit public à 3 % du PIB en 2013 et un solde structurel ramené à 0,5 % du PIB dès 2015.
L'objectif est de ramener le déficit des finances publiques à 0,3 point de PIB en 2017. Toutes les administrations publiques seraient excédentaires, sauf l'Etat. Les hypothèses macro-économiques qui le sous-tendent, par nature conventionnelles à l'exception de la prévision de 2013, ne sont pas irréalistes : une croissance de 2 % à compter de 2014 et une progression annuelle de 4 % de la masse salariale privée - qui est la principale assiette de la sécurité sociale. Par comparaison, les deux précédentes lois de programmation avaient retenu une croissance de 2,5 % et une progression de la masse salariale respectivement de 4,6 % et de 4,5 %.
Le déficit des administrations de sécurité sociale a atteint 0,6 point de PIB, soit 12,5 milliards en 2011. Un chiffre à mettre en perspective avec le déficit des administrations publiques en 2011, qui était de 5,2 % du PIB, soit 103,6 milliards, et avec le montant total des dépenses d'administration de sécurité sociale, dont il représente environ 2 %. Pour mémoire, le déficit des administrations publiques centrales représente 20 % de leurs dépenses et celui des administrations publiques locales 0,4 %.
Le projet de loi vise un redressement significatif du solde des comptes sociaux : l'équilibre serait retrouvé dès 2014, et l'excédent atteindrait 0,8 point de PIB en 2017. Un tel excédent n'aurait rien d'exceptionnel : l'exercice 2008 s'était conclu sur un excédent de 0,7 point de PIB. Au contraire, c'est le déficit qui constitue une anomalie grave : on fait payer les prestations sociales d'aujourd'hui aux générations futures. Le creusement du déficit durant la crise a très majoritairement des sources structurelles : en 2009, la composante structurelle représentait 60 % du déficit, 75 % en 2010 et les deux tiers en 2011.
Ce texte affiche plus d'ambition pour la réduction du déficit social que le programme de stabilité et de croissance d'avril 2012, élaboré par le précédent gouvernement, tout en retenant une prévision de croissance plus raisonnable pour 2013. Là où le précédent gouvernement prévoyait un déficit de 0,4 point de PIB en 2013, puis de 0,1 point de PIB en 2014, le Gouvernement vise un effort supplémentaire de 0,2 point de PIB en 2013 et de 0,1 point de PIB en 2014 par la remise en cause de niches sociales et la mobilisation de ressources justement réparties.
La politique du Gouvernement est claire : le croisement des courbes de recettes et de dépenses. Côté recettes, après l'exercice 2012, on remettra à niveau les prélèvements sociaux en 2013, et seulement en 2013, afin de financer durablement la protection sociale. A noter : les projections ne comprennent aucune mesure nouvelle par rapport aux 5 milliards inscrits au projet de loi de financement. Côté dépenses, on procédera à un « rebasage », à hauteur des besoins en 2012 et 2013, avant d'engranger les gains de productivité issus de la modération de l'Ondam entre 2014 et 2017. L'effort en dépense sera réparti durant la période.
Dans le détail, on passerait d'un déficit social de 10,4 milliards en 2012 à un excédent de 18,8 milliards pour l'ensemble des administrations de sécurité sociale en 2017.
Le fonds de réserve des retraites (FRR) et la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) enregistrent un excédent structurel qui représenterait 10,4 milliards en 2012 pour atteindre à 13,5 milliards en 2017. Il réduit de moitié le déficit des administrations de sécurité sociale en 2012 et représenterait près des trois quarts de leur excédent en 2017. Cet excédent est d'abord celui de la Cades, et c'est aussi sa raison d'être.
Deuxièmement, les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) relèvent de la loi de financement de la sécurité sociale et constituent le coeur de notre protection sociale. Si ce n'est la branche AT-MP, toutes les branches présenteraient encore un déficit en fin de période, mais plus limité ; j'y vois le gage d'une prévision sincère et réaliste. Le déficit des régimes obligatoires de base passerait de 15,2 à 9,1 milliards de 2012 à 2017. Les dépenses seraient couvertes à hauteur de 98,3 % par des recettes en 2017 alors que ce pourcentage n'était que de 95,7 % en 2011. Le FSV connaîtrait lui aussi une amélioration significative de sa situation financière : son déficit serait de 0,6 milliard en 2017, contre 4,1 milliards en 2012.
La maîtrise de l'Ondam conduirait à une amélioration significative du solde de la branche maladie d'ici 2017. La branche famille enregistrerait un déficit tendanciel préoccupant de 2,6 milliards en 2013, de 2,4 milliards en 2014, avec un reflux attendu jusqu'à un déficit de 1,3 milliard en 2017. Sans surprise, le déficit cumulé de la branche vieillesse et du FSV resterait à un niveau élevé jusqu'en 2017 avec un déficit global de 8,5 milliards en fin de période. Une parenthèse importante : le Gouvernement n'a évidemment pas intégré à la programmation les concertations en cours et à venir avec les partenaires sociaux. Cela dit, les déficits du régime général et du FSV sont financés par avance. L'article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoit, en effet, la reprise des déficits 2011 à 2018 de la branche vieillesse du régime général et du FSV à partir de 2012 dans la limite de 10 milliards par an et de 62 milliards au total. En l'état actuel, le besoin de financement de la période resterait en deçà du plafond.
Troisièmement, les autres administrations de sécurité sociale couvrent les régimes complémentaires et l'Unedic dont la gouvernance reste largement et légitimement confiée aux partenaires sociaux. Leur excédent de 15 milliards en 2017 contribuerait décisivement à l'amélioration des soldes sociaux. Si des excédents ont été constatés par le passé, ce Gouvernement, pas plus que ses prédécesseurs, ne délivre de projections sur ces régimes. Il y a là une véritable boîte noire dans la programmation sur laquelle j'ai demandé des explications. A ce stade, sans succès. Les hypothèses sous-jacentes à une amélioration très substantielle du solde de l'Unedic, qui explique l'excédent de 15 milliards envisagé en 2017, ne sont pas explicitées. De là l'amendement que je proposerai au projet de loi organique.
L'effort de maîtrise de l'Ondam est à la fois réaliste et substantiel. La programmation repose sur l'hypothèse d'une modération de la dépense des administrations de sécurité sociale limitée à 1,1 % en volume, contre 2,25 % en moyenne. L'Ondam progresserait de 2,7 % en 2013, de 2,6 % en 2014, puis de 2,5 % à partir de 2015 contre une tendance spontanée à la hausse de 4,1 %. Il s'agirait de minimas historiques après un record de 7 % établi en 2002. Pour une année donnée, cela représenterait une économie de 2,7 milliards, amplifiée en 2017 pour atteindre 0,6 point de PIB. Certes, les chiffres retenus par le Gouvernement apparaissent moins rigoureux pour 2013 et 2014 que ceux du programme de stabilité. C'est un choix politique : la majorité veut, d'une part, limiter le reste à charge des patients, d'autre part, accompagner des projets prioritaires de mise en sécurité et de restructuration-rationalisation. Surtout, si l'on adopte la méthode de calcul appliquée à l'Ondam de 2013 - partir de la réalisation et non de la prévision - l'Ondam de 2012 était de 2,8 %, et non de 2,5 %.
Dernier élément financier, la dette. Un déficit cumulé des branches maladie et famille de 34,6 milliards est prévu de 2012 à 2017. Quels que soient les scénarios, le Gouvernement ne les a pas communiqués pour l'heure, il faudra envisager sa reprise par la Cades et, donc, son financement par des mesures nouvelles. D'après mes calculs, l'impact sur les prélèvements obligatoires, minime, se situerait entre 0,12 et 0,3 point de CRDS selon les dates de reprise et celle d'extinction de la Cades - 2024 ou 2025.
Quelques mots des mesures de bonne gestion des recettes et des dépenses. Le texte retient le principe d'une durée limitée d'existence des niches fiscales et sociales, l'obligation d'une évaluation régulière de celles-ci et une règle de sécurisation des recettes. En dépenses, je proposerai des modalités de mise en réserve des dépenses d'assurance maladie que j'espère plus intelligentes.
Pour conclure, j'invite la commission à donner un avis favorable à cette programmation pluriannuelle réaliste, rigoureuse et juste.
Mme Annie David, présidente. - Les négociations à venir, notamment sur les retraites, feront-elles l'objet d'un projet de loi rectificatif ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Les négociations sur les retraites, que le Gouvernement a annoncées pour 2013, ne figurent évidemment pas dans ce texte. Ces mesures structurelles seront intégrées dans les prochaines lois de financement.
M. Jean-Noël Cardoux. - Par définition, une loi de programmation repose sur des hypothèses. Une progression de la masse salariale de 4 % me semble très optimiste dans les circonstances actuelles. Bien sûr, on fera valoir que le précédent gouvernement...
Mme Annie David, présidente. - ... était plus optimiste encore !
M. Jean-Noël Cardoux. - La situation s'est pourtant nettement dégradée ces derniers mois. Vous avez mentionné une boîte noire de 15 milliards liée semble-t-il à des excédents prévisionnels de l'Unedic. Je m'explique mal ce chiffre quand notre pays vient de passer la barre des trois millions de chômeurs.
Enfin, il n'est nulle part question dans ce texte de la dépendance, un problème fondamental et récurrent qui fera l'objet, a déclaré Mme Touraine, d'un texte au milieu du quinquennat. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre sur l'âge de départ à la retraite ? Quelles seront les incidences financières sur la branche vieillesse et une éventuelle hausse des cotisations pour financer le cinquième risque ?
M. Marc Laménie. - Je salue ce rapport pédagogique sur un sujet technique. Je rejoins M. Cardoux : le déficit global des quatre branches passerait de 15,2 à 9,1 milliards entre 2012 et 2017. Rien n'est moins simple que l'art de la projection. Idem pour la Cades, la projection paraît bien lointaine. Et, d'abord, est-on certain de la date d'extinction de la Caisse ?
M. Guy Fischer. - Notre commission n'est saisie que pour avis ; encore une fois, nous devrons travailler avec nos collègues des finances pour approfondir la réflexion sur ce texte et déterminer notre position. En attendant, le groupe CRC est préoccupé : si nous entendons la volonté du Gouvernement de réduire les déficits sociaux dans une perspective européenne, les efforts demandés aux Français seront-ils équilibrés ? Envisage-t-on une augmentation de la CSG ? Pas pour 2013, nous répond-on ; mais après ? Nous craignons que les plus déshérités ne souffrent encore. Je reviens du congrès des mutuelles de France. Leur souci est d'obtenir la suppression de la taxation imposée aux contrats d'assurance complémentaire. Savez-vous que 4 à 4,5 millions de Français sont dépourvus d'une assurance complémentaire ? L'année 2013 s'annonce difficile, autant que 2008 ; soyons prudents.
Je remercie le rapporteur général de nous aider à clarifier un dossier complexe, mais notre groupe n'a pas encore arrêté sa position.
M. Gilbert Barbier. - Grâce à ces projections, dont mes collègues ont souligné à raison la fragilité, vous atteignez un équilibre. Il n'est qu'artificiel : vous le devez entièrement à la Cades. L'évolution des différentes branches est très inquiétante ; je m'abstiendrai.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Je donnerai une première réponse simpliste à vos objections pertinentes et légitimes sur les projections : soit la crise s'aggrave et nos hypothèses ne tiennent pas, soit nous postulons le succès des politiques de ce Gouvernement et des autres dans la zone euro. Nous pouvons nous accorder sur l'objectif : la réduction des déficits publics. Le Gouvernement se donne les moyens de l'atteindre par des politiques dont nous pouvons attendre quelques résultats. Si comparaison n'est pas raison, rappelons que les précédentes lois de programmation prévoyaient une croissance de 2,5 %. La prévision de 2 % est à la fois optimiste et réaliste. La démonstration vaut pour la hausse de la masse salariale : 4 % contre 4,5 % et 4,6 % respectivement.
M. Gilbert Barbier. - Vous qualifiiez autrefois ces chiffres d'irréalistes!
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Aujourd'hui, ils se révèlent irréalistes parce que les politiques de l'ancienne majorité n'ont pas eu les résultats escomptés. Souhaitons que ce Gouvernement réussisse, non pour sa gloire, mais pour l'avenir de notre pays et sa jeunesse. Que diriez-vous si le Gouvernement tablait sur une croissance de 0,5 % par an ?
M. Gilbert Barbier. - Ça, ce serait réaliste !
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Concernant la boîte noire, j'ai demandé des explications ; je ne désespère pas de les obtenir.
La dépendance ? Le Président de la République a indiqué qu'elle serait financée par des recettes nouvelles.
La réduction des déficits, monsieur Laménie, est réaliste car elle repose d'abord sur la maîtrise de l'Ondam. Je suis de ceux qui pensent que l'on peut soigner aussi bien, voire mieux, en dépensant moins. Encore une fois, la programmation n'inclut pas les mesures structurelles à venir.
La dette sociale ? Le Gouvernement a décidé de ne pas prévoir de reprise de la dette sociale de 2012 dans le projet de loi de financement pour 2013. Cette attitude est motivée par des taux extrêmement bas, voire négatifs, auxquels emprunte l'Acoss. Cela rendra toutefois plus difficiles les exercices suivants, surtout si les taux progressent. La loi encadre strictement la Cades : je vous ai donné les chiffres théoriques que j'ai calculés concernant la CRDS.
Enfin, je partage le souci de M. Fischer d'un effort équitablement réparti. Si notre commission n'est saisie que pour avis, cet exercice est fondamental pour conserver notre rôle dans la réflexion et la décision sur le financement de la protection sociale.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 1 concerne les mises en réserve. Je propose de remplacer le mot « dotation » par les termes « une partie de l'Ondam » pour lever toute ambiguïté d'interprétation. Dans le rapport sur la T2A, nos collègues soulignaient que les gels ne devaient pas exclusivement porter sur les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac), ce qui mettait les hôpitaux en difficulté.
M. Jacky Le Menn. - C'est la prudence !
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Je demande également une information du Parlement sur les modalités de mise en réserve.
M. Gilbert Barbier. - Qu'en est-il de la réserve de cette année ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - A ma connaissance, seule une petite partie de la réserve pourrait être récupérée.
M. Guy Fischer. - Le groupe CRC réserve son vote sur l'ensemble et sur les amendements.
Mme Muguette Dini et M. Gilbert Barbier. - Nous ne participerons pas au vote.
M. Jean-Noël Cardoux. - Le groupe UMP également.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'article 16 prévoit la transmission au Parlement des évaluations socio-économiques réalisées sur tous les investissements des établissements publics de santé. L'amendement n° 2 supprime cette procédure qui paraît inutile mais maintient l'obligation d'une contre-expertise indépendante pour les investissements dépassant un certain montant fixé par décret.
L'amendement n° 2 est adopté.
La commission adopte le rapport.
Programmation et gouvernance des finances publiques - Examen du rapport pour avis
La commission procède à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi organique n° 43 rectifié (2012 2013), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques dont M. Yves Daudigny est rapporteur pour avis.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - C'est le souci de garantir la participation de notre commission des affaires sociales à la définition des grands équilibres financiers du pays qui m'a conduit à m'intéresser à ce projet de loi organique.
Le Parlement a autorisé la ratification du Traité budgétaire européen le 11 octobre dernier.
Par celui-ci, notre pays s'engage à présenter un excédent ou un équilibre du solde des administrations publiques défini comme un déficit structurel inférieur à 0,5 point de PIB, c'est-à-dire sans prise en compte des éléments conjoncturels. Interprétant le Traité dans sa décision du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a considéré que sa transcription en droit interne pouvait se faire « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles » ou de dispositions « dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon ». Le Gouvernement a ainsi retenu, non l'option de la révision de la Constitution mais celle d'un projet de loi organique venant compléter les lois organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.
Si l'étude d'impact juge que le présent projet de loi organique « ne modifie qu'à la marge le contenu des projets de loi de finances, en introduisant un article liminaire » et qu'il a « une incidence marginale sur le PLFSS », elle souligne aussi que le texte modifie les modalités de gestion des finances publiques en France et « présente une réforme complète de la procédure budgétaire, à tous les stades ». Loi de procédure induisant des bouleversements significatifs, elle est à la fois source de satisfactions et de risques.
Les mécanismes proposés qui réforment la programmation des finances publiques et en renforcent la crédibilité sont satisfaisants, à condition de mieux intégrer les finances sociales comme proposé par trois amendements que je vous soumettrai. Le premier vise à conférer aux présidents des commissions des affaires sociales des assemblées un pouvoir de nomination au Haut Conseil des finances publiques. Alors que cette instance est chargée d'éclairer le Gouvernement et le Parlement, y compris sur les objectifs pluriannuels de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et sur l'évolution pluriannuelle de l'Ondam, il n'est en effet pas acceptable que le texte actuel n'y assure pas la présence de bons connaisseurs des finances sociales et de leurs spécificités. Le deuxième vise à combler la lacune laissée par une boîte noire dans la programmation, constituée par les administrations de sécurité sociale situées hors du champ du PLFSS. Enfin, alors que les lois de programmation pluriannuelles fixeront l'évolution de l'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et de l'Ondam de l'ensemble de ces régimes, il vous est proposé de pouvoir également examiner les perspectives de dépenses des branches vieillesse et famille. Cette meilleure information permettra à notre commission d'être davantage impliquée dans ce débat qui se tiendra en amont du PLFSS.
L'essentiel des risques du projet de loi organique tient à l'article 6 prévoyant que la vérification, par le Parlement, du respect des engagements du Gouvernement pour l'ensemble des finances publiques se fera au travers du projet de loi de finances. Celui-ci comportera un article liminaire présentant un tableau de synthèse des comptes de l'ensemble des administrations publiques : l'Etat, les collectivités locales et la sécurité sociale. Par cette disposition, le texte opère un glissement. Implicitement, le projet de loi de finances deviendrait un projet de loi annuel des finances publiques, occultant de ce fait l'importance des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Pourtant, rien de tel n'est prévu par la Constitution au sujet du projet de loi de finances et le projet de loi organique n'entend pas supprimer le PLFSS. Certes, le projet de loi de finances est le premier des textes financiers à être examiné à l'automne à l'Assemblée nationale et le dernier à être voté au Sénat mais il prend ici une ampleur jamais vue, les députés ayant même prévu qu'un rapport annexé au projet de loi de finances présentera les dépenses, les recettes, les soldes et l'endettement des régimes obligatoires de base et des autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques de sécurité sociale. En outre, le projet de loi de règlement deviendrait, au printemps, l'occasion pour le Haut Conseil de vérifier d'éventuels écarts importants - au sens du traité - entre les projections pluriannuelles des finances publiques et l'exécution passée, pour l'ensemble des administrations publiques. Au final, un déplacement de curseur du projet de loi de financement de la sécurité sociale vers le projet de loi de finances réduirait à la portion congrue notre rôle en matière de finances sociales.
C'est pourquoi je vous propose de prévoir que le projet de loi de financement de la sécurité sociale contienne lui aussi un article liminaire retraçant le solde effectif et structurel de l'ensemble des administrations de sécurité sociale, au regard de la programmation pluriannuelle. Ainsi, notre commission pourra se saisir des questions de finances sociales qui l'intéressent directement. Puis, au printemps, notre discussion sur l'exécution de la trajectoire des finances publiques devra intervenir non lors de l'examen du projet de loi de règlement, qui ne concerne que l'Etat, mais lors du débat d'orientation des finances publiques. C'est en effet le seul moment où il peut y avoir un échange global entre la commission des affaires sociales, la commission des finances et le Gouvernement.
Enfin, alors que le texte les ignore, je propose que les projets de loi de financement de la sécurité sociale rectificatifs qui ont de facto un impact sur les soldes publics contiennent eux aussi un article liminaire retraçant, pour l'ensemble des administrations, des prévisions de solde structurel et de solde effectif.
Il ne peut y avoir de texte unique sur les finances publiques sans que place soit faite à la commission des affaires sociales comme à celle des finances, au projet de loi de finances comme au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mme Annie David, présidente. - Merci de préserver le rôle de notre commission.
M. Gérard Longuet. - Pour la première fois, nous devons partager, au sein du Parlement, la responsabilité d'un déficit commun aux budgets de l'Etat, des collectivités locales et de la sécurité sociale qui relèvent de deux commissions, rivales comme me l'a fait observer mon expérience de président de groupe. Historiquement, cette différence est légitime car la sécurité sociale française est née d'une solidarité indépendante et distincte de l'Etat, qui a pourtant fini par la rattraper. La nouveauté, c'est que nous devons nous partager le même déficit. Or, il est toujours très compliqué d'élever des poules avec son fermier, de partager une couverture dans un lit ou la notoriété dans un journal...
Ces 3 %, où vont-ils aller ? Si en théorie les collectivités locales sont condamnées à l'équilibre, reste l'Etat et le système de sécurité sociale, le financement de ce dernier reposant sur des engagements de long terme de la nation vis-à-vis des citoyens, dont les prévisions dépendent de tendances lourdes qui nous sont extérieures. Certes, le budget de l'Etat est lui aussi prisonnier d'un certain nombre d'obligations mais il dispose de plus de marges de manoeuvre, ce qui explique son déficit beaucoup plus important.
Monsieur le rapporteur général, nous avons le devoir absolu de vous soutenir afin de laisser au Parlement et à notre commission la responsabilité d'examiner la dépense sociale et de faire valoir les droits de cette dépense par rapport à celle, tout aussi légitime, de l'Etat. Faire en sorte que ce travail soit partagé : cet esprit général de vos propositions me paraît être le bon. Etant sur le même bateau que nos collègues, nous devons être associés ou disparaître. Du fait de la nature très particulière de la dépense sociale, l'objectif n'est certainement pas de disparaître, il est donc raisonnable d'être associés. D'autant qu'au-delà des déficits, nous partageons avec l'Etat de plus en plus de ses recettes et que le choc de compétitivité annoncé par le Gouvernement risque d'entraîner de nouveaux basculements des prélèvements sociaux sur des recettes fiscales. Nous avons le devoir absolu d'exister en tant que gardiens de la spécificité de la dépense sociale.
Libéral, je privilégie toujours des recettes faisant place à la responsabilité individuelle. A l'esprit mutualiste, à l'esprit coopératif, il faut un lieu d'expression. Il est tout trouvé, c'est la commission des affaires sociales.
Seul point de divergence, la loi de règlement. Sa discussion est souvent bâclée, mais il est toujours très intéressant de savoir pourquoi les choses ne se sont pas passées comme prévu. En revanche, je soutiens vos amendements sur la composition du Haut Conseil des finances publiques.
M. Marc Laménie. - Tout a été dit par Gérard Longuet. J'ai noté le souhait du rapporteur général de modifier la composition du Haut Conseil afin de permettre davantage de concertation ainsi que d'assurer l'autonomie des PLFSS par rapport aux PLF, ce qui se justifie par l'importance des montants.
Mme Muguette Dini. - Merci à M. le rapporteur général de défendre la place de la commission des affaires sociales. Comme l'a rappelé Gérard Longuet, le budget de la sécurité sociale est supérieur à celui de l'Etat, son déficit étant moindre. Il est dès lors essentiel que les commissions des affaires sociales des assemblées conservent un regard indépendant par rapport à celles en charge des finances de l'Etat, même si les tentatives contraires ne sont pas nouvelles, telles les propositions de M. Camdessus qui estimait plus simple de tout regrouper. J'apprécie l'esprit de vos amendements, que mon groupe comme moi-même soutiendrons.
Mme Isabelle Pasquet. - Indépendamment des considérations sur le rôle de la commission des affaires sociales, nous ne pouvons pas approuver ce projet de loi organique qui s'inscrit dans le droit fil du traité budgétaire européen portant atteinte aux droits du Parlement, aux libertés locales et à l'autonomie de gestion de la sécurité sociale.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Notre objectif premier était de faire figurer dans les projets de loi de programmation pluriannuelle, outre la totalité des dépenses sociales et l'Ondam, des objectifs de dépenses pour les branches vieillesse et famille. Il m'a été indiqué que ce n'était pas possible : les dépenses vieillesse et famille, par définition, ne pourraient faire l'objet d'un pilotage. Il semble que la Cour des comptes reconnaît pourtant l'intérêt d'une telle disposition : c'est pourquoi mon amendement n° 1 de repli prévoit de mentionner ces éléments dans un rapport annexé à la loi de programmation.
M. René-Paul Savary. - Et pour l'Ondam médico-social ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Il est intégré dans l'Ondam global.
M. René-Paul Savary. - N'est-ce pas l'occasion de se poser la question d'une prise en compte spécifique des dépenses des départements, comme proposé hier par le président de l'Assemblée des départements de France au Président de la République ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Ces dépenses sont hors de notre champ de compétences.
M. Guy Fischer. - Nous sommes contre l'amendement.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 2 vise à donner une information indispensable sur les perspectives financières des dépenses de ce que j'appelle la « boîte noire », constituée par les administrations de sécurité sociale situées hors du champ du PLFSS, c'est-à-dire les régimes complémentaires et l'Unedic.
L'amendement n° 2 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 3 tend à faire figurer dans les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale un article liminaire retraçant les prévisions des soldes structurels et effectifs de l'ensemble des administrations publiques afin d'informer le Parlement en amont de son vote.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Notre souhait initial était que, tout comme le PLF, le PLFSS contienne un article liminaire présentant des prévisions pour l'ensemble des administrations. Dans la mesure où il nous a été indiqué que cela n'était pas envisageable, notamment pour des raisons matérielles, cet amendement n° 4 de repli propose qu'un article liminaire figurant en tête du PLFSS indique des prévisions applicables aux seules administrations de sécurité sociale.
L'amendement n° 4 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 5 modifie la composition du Haut Conseil pour y prévoir des membres désignés par les présidents des commissions des affaires sociales.
L'amendement n° 5 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Le texte du Gouvernement prévoit que le Haut Conseil est saisi du seul PLF avant sa transmission au Conseil d'Etat. L'amendement n° 6 propose que lui soient adressés à la fois les éléments relatifs au PLF et ceux relatifs au PLFSS. Ceci assure l'égalité de traitement entre les deux textes sans se voir opposer l'argument des délais, le PLFSS n'étant pas prêt à cette période de l'année.
L'amendement n° 6 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Le projet de loi organique prévoit que les avis émis par le Haut Conseil en cas d'écarts importants entre les prévisions et les réalisations soient discutés lors de l'examen de la loi de règlement. Ce cadre n'étant pas approprié car la loi de règlement ne concerne que les finances de l'Etat, l'amendement n° 7 propose de lui substituer le débat d'orientation des finances publiques. Il faut tenir ce débat lorsque les écarts sont importants.
L'amendement n° 7 est adopté.
Article 17A
L'amendement de conséquence n° 8 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendent n° 9 prévoit que le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation est un rapport d'intérêt conjoint pour l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année. Toujours notre souci de parallélisme....
L'amendement n° 9 est adopté.
Article additionnel après l'article 17C
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 10 rectifie une erreur matérielle.
L'amendement n° 10 est adopté.
La commission adopte le rapport.
Mme Annie David, présidente. - Nous examinerons ce projet de loi organique en séance à partir du lundi 29 octobre et le projet de loi de programmation le 7 novembre après-midi.
Mercredi 24 octobre 2012
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 - Audition de M. Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss)
Mme Annie David, présidente. - Nous poursuivons nos auditions préparatoires au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2013 en accueillant ce matin M. Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).
L'Acoss collecte les ressources des organismes de sécurité sociale et gère leur trésorerie. Nous serons donc attentifs à ce vous pourrez nous dire sur les recettes de la sécurité sociale et leurs perspectives d'évolution, compte tenu de la conjoncture économique et des diverses mesures prévues par ce PLFSS, après celles intervenues dans le cadre du collectif budgétaire de cet été. Je pense que vous évoquerez également le financement du déficit courant, que vous assurez tant qu'il n'est pas transféré à la Cades (Caisse d'amortissement de la dette sociale).
M. Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). - Je suis accompagné par MM. Benjamin Ferras, directeur de cabinet et secrétaire général du conseil d'administration, Alain Gubian, directeur des statistiques, des études et de la prévision, directeur financier et Jean-Marie Guerra, directeur de la réglementation, du recouvrement et du service.
L'Acoss assure une mission de recouvrement de l'essentiel des cotisations et contributions sociales affectées à la sécurité sociale, la gestion de trésorerie courante avant transfert à la Cades de la dette accumulée et une mission de contrôle et de lutte contre la fraude, en particulier contre le travail illégal. Enfin, grâce aux données issues des déclarations des entreprises, nous exerçons également une mission statistique, sur l'emploi et les embauches. Depuis 2011, nous avons pris en charge le recouvrement des cotisations d'assurance chômage, seconde source des déclarations d'entreprises. Nous apportons une grande attention à cet aspect statistique, qui permet d'apporter un éclairage sur la situation économique et financière. En revanche, nous ne sommes pas un organisme de prévisions macro-économiques. Nous n'avons donc pas d'avis particulier sur les hypothèses de croissance économique, déterminantes pour le cadrage financier 2013 et la perspective pluriannuelle inscrite dans le PLFSS.
Nous avons de l'état de la conjoncture une vision très récente, les plus grosses entreprises effectuant une déclaration mensuelle, les plus petites trimestrielles. Nous constatons, sur cette première partie de l'année 2012, un ralentissement clair par rapport au premier semestre 2011, sans qu'il s'agisse toutefois d'un effondrement de l'emploi. Celui-ci connaît une stabilité très légèrement négative de - 0,1 % sur les deux premiers trimestres.
Les déclarations d'embauche, qui étaient montées à un niveau élevé en 2011, sont nettement redescendues depuis le début de l'année et se stabilisent désormais au-dessous du niveau initial.
Les restes à recouvrer - autrement dit le taux d'impayés des entreprises - se dégradent très légèrement au premier semestre 2012 par rapport à l'année passée. Cette dégradation est encore faible et n'a pas la même ampleur que celle de 2009. Toutefois, les défaillances portent sur des entreprises de plus grande taille que par le passé.
Les demandes de délai de paiement que nous adressent les entreprises sont clairement à la hausse depuis le milieu 2011 avec des à-coups en fonction des périodes, sans qu'il s'agisse d'une pente exponentielle.
En matière de gestion de la trésorerie, nous pouvons faire appel à la Caisse des dépôts et consignations, pour des financements sur trois, six, neuf ou douze mois, dans la limite d'un tiers du plafond fixé par la loi de financement de la sécurité sociale, avec un maximum de 10 milliards d'euros. La Caisse des dépôts et consignations nous prête surtout sur quelques jours, notamment pour réaliser la jonction entre la date de paiement des pensions, le 9 du mois, et la seconde échéance de cotisations, le 15 du mois, moment délicat pour nous en termes de trésorerie.
L'essentiel du financement, en dehors de cet appui potentiel, provient de nos interventions directes sur le marché français des billets de trésorerie ainsi, depuis 2010, que sur celui des « euro commercial paper » (ECP), équivalents des billets de trésorerie sur le marché international. Nous bénéficions de l'appui de l'agence France trésor, qui agit pour le compte de l'Acoss. Aujourd'hui, le marché des ECP est certainement pour nous le plus intéressant en termes de financement...
L'Acoss gérant également la trésorerie d'organismes autres que le régime général, comme le régime social des indépendants (RSI), les excédents éventuels de ceux-ci diminuent d'autant notre besoin d'emprunts extérieurs.
En raison de la dernière reprise de dette de la Cades, en 2011, la gestion de nos opérations de financement est plus facile qu'en 2010, époque du record de portage par l'Acoss de la dette sociale. Le plafond avait alors été fixé à 62 milliards d'euros et nous avions emprunté 50 milliards. Nous ne sommes plus sur ces volumes...
Néanmoins, compte tenu du déficit prévisionnel et malgré les reprises de dettes prévues pour la branche vieillesse, le volume porté directement par l'Acoss va de nouveau remonter vers des niveaux élevés. Notre sentiment est que, pour 2013, nous resterons dans des limites gérables mais qu'à partir de 2014 la question du portage et de la reprise de dette se posera de nouveau.
Nous n'avons pas aujourd'hui de difficultés particulières de financement, compte tenu des conditions de marché. La Banque centrale européenne a injecté des volumes importants de liquidités sur les marchés de financement de court terme. Par ailleurs, comme l'Etat français, l'Acoss fait partie des signatures de qualité recherchées par les investisseurs. Nous pouvons donc nous financer à des taux extrêmement bas, voire négatifs. Les frais financiers supportés à ce titre par le régime général sont très réduits ; notre prévision pour 2012 tourne autour d'une vingtaine de millions d'euros de frais financiers nets, ce qui est historiquement bas, sans rapport avec la masse en volume. C'est une situation exceptionnelle, mais également porteuse d'un risque en cas de remontées des taux.
En tant que collecteurs des cotisations, nous sommes directement intéressés par différentes mesures inscrites dans le PLFSS. Certaines recettes affectées à la sécurité sociale sont toutefois recouvrées par l'administration fiscale, comme la taxe sur les salaires, bien que son assiette soit très proche de celle des cotisations recouvrées par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf).
La mise en oeuvre opérationnelle des nouvelles mesures exige toujours un travail important et une information des cotisants. Nous serons néanmoins en capacité de les appliquer, y compris les plus complexes comme celles concernant les travailleurs indépendants.
Certaines mesures ont un impact important en termes de « front office » ; je pense en particulier à celles relatives aux particuliers employeurs, sur lesquelles on nous interroge d'ores et déjà beaucoup.
Nous serons bien entendu en mesure de faire face mais je tenais à souligner ce point.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - J'ai relevé une expression très nuancée sur l'évolution récente de la situation économique et sociale. Vous avez en particulier employé les termes de « stabilité légèrement négative de l'emploi », ce qui ne correspond pas forcément au ressenti sur nos territoires...
Concernant la gestion de trésorerie pour 2013, dans quelles conventions l'Acoss pourrait-elle faire face à de nouveaux déficits et financer des besoins encore plus importants ?
En matière d'emplois à domicile, percevez-vous un risque de sous-déclaration à travers les nombreux échanges que vous avez avec les particuliers employeurs ?
S'agissant des hôpitaux, l'Acoss a-t-elle été sollicitée pour soulager leur trésorerie ? Participe-t-elle aux travaux pour la mise en place de la politique d'émission de billets de trésorerie ? Quel est votre avis sur cette question ?
Par ailleurs, peut-on envisager de développer davantage la lutte contre la fraude sociale ? Bénéficie-t-on de tous les dispositifs juridiques ?
Enfin, avez-vous identifié des difficultés éventuelles de recouvrement concernant les nouvelles mesures fiscales introduites dans le PLFSS ?
M. Pierre Ricordeau. - En matière de gestion de trésorerie - et le conseil d'administration souhaite légitimement le rappeler - la mission de l'Acoss n'est pas de porter la dette de manière structurelle - même si nous pouvons en porter une petite partie dans l'attente du transfert vers la Cades. C'est une question de principe.
Dans le passé, nous avons dû porter des dettes structurelles et nous avons développé des instruments de financement permettant de répondre à la demande. Par ailleurs, le contexte est aujourd'hui relativement favorable et nous ne rencontrons pas de difficultés particulières de financement.
Toutefois, pour des raisons de principe et dans la mesure où le contexte lui-même peut changer, il ne serait pas raisonnable de laisser porter la dette de la sécurité sociale par l'Acoss au-delà d'un certain niveau. On reste dans l'épure pour 2013, dès lors que la reprise de dette de la branche vieillesse est déjà programmée. La question se posera cependant en 2014.
Par ailleurs, le risque de sous-déclaration en matière d'emplois à domicile existe. Les dispositifs comme le chèque emploi service universel (Cesu) ont été créés pour encourager le développement de l'emploi à domicile mais aussi pour réduire la sous-déclaration. Diminuer ces avantages constitue donc un danger. Ces effets sont toutefois difficiles à isoler, le contexte économique ayant également un impact.
La dernière évolution en date a été la suppression de l'exonération de quinze points accordée pour les personnes déclarant au réel. La proportion des déclarations au réel a baissé, sans pour autant que l'on ait enregistré un impact majeur. Cependant, depuis le début de l'année et plus particulièrement depuis le second trimestre, nous constatons pour la première fois de manière forte une baisse du nombre d'heures déclarées par les particuliers employeurs. Ces éléments sont-ils liés à la situation économique ? S'agit-il d'un effet retard de la suppression de l'abattement de quinze points ? S'agit-il d'une véritable réduction du nombre d'heures ou d'un phénomène de sous-déclaration ? Il est difficile de le dire...
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Sur quelle période la baisse porte-t-elle ?
M. Pierre Ricordeau. - Pour le second trimestre, la baisse du volume d'heures déclarées est de 2,8 % pour l'emploi à domicile, en glissement trimestriel. En glissement annuel, à la fin du deuxième trimestre, on est à 3,8 % de baisse, ce qui constitue un mouvement assez net.
S'agissant des hôpitaux publics, nous constatons une augmentation des restes à recouvrer. C'est un phénomène relativement nouveau. Plusieurs hôpitaux publics ont du mal à régler leurs cotisations sociales. C'est le cas en métropole dans un certain nombre de grands hôpitaux et de manière encore plus forte dans les départements d'outre-mer.
Ceci me permet de vous faire part de notre inquiétude sur l'état du recouvrement par les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) dans les départements d'outre-mer. La situation était dégradée depuis plusieurs années, mais la période récente marque une forte accentuation des difficultés du secteur public - collectivités territoriales et plus encore hôpitaux publics. Cela pose un véritable problème de fond.
Par ailleurs, étant donné le poids du secteur public dans les économies insulaires ou ultramarines, ces difficultés ont aussi un impact sur le secteur privé. Celui-ci est très dépendant des marchés publics. Or, le secteur public éprouve aussi des difficultés à régler ses fournisseurs. Beaucoup d'entreprises privées qui ne peuvent régler leurs cotisations sociales détiennent une créance sur une collectivité publique qu'elles nous proposent de nantir en contrepartie.
Il s'agit d'une parenthèse, mais il est probable que le conseil d'administration de l'Acoss s'exprime publiquement sur le recouvrement dans les DOM, qui nécessite une mobilisation très forte de l'Etat.
Une première réponse a consisté à avancer la date de paiement de la tarification à l'activité (T2A) du 25 au 20 du mois. Nous avons réalisé cette opération depuis le mois d'août. Elle ne nous a pas posé de problèmes de trésorerie majeurs, la difficulté principale portant plutôt sur le début du mois et l'échéance du paiement des pensions de retraite. Cependant, il ne nous est pas possible d'élaborer un bilan sur l'utilité et la pertinence d'une mesure aussi générale, les excédents de trésorerie des hôpitaux étant replacés auprès du trésor. Nous n'avons pas de visibilité sur la situation globale de la trésorerie des hôpitaux.
S'agissant de l'article du PLFSS relatif à l'émission de billets de trésorerie par les hôpitaux publics, nous n'avons pas été associés directement à sa mise au point. Nous avons nous-mêmes une expérience de ce type d'opération assez complexe. Nous avons proposé au ministère une offre de service technique. Néanmoins, nous n'avons pas d'expertise particulière pour dire si cette mesure est celle qu'il fallait prendre ou ne pas prendre.
Pour ce qui est de la fraude sociale, nous menons une action très déterminée. Nous avons modernisé notre organisation, spécialisé des équipes, mis en place un pilotage régional renforcé. Nous nous sommes beaucoup investis dans les structures de partenariat. Le montant des redressements de cotisations sociales liés à la lutte contre le travail illégal est en forte croissance. La convention d'objectifs et de gestion (Cog), couvrant les années 2010 à 2013, nous fixait pour la dernière année un objectif de 200 millions d'euros de redressements. Dès 2011, nous avons dépassé cet objectif en réalisant 220 millions d'euros de redressements, ce qui correspond à une croissance très rapide.
La fraude sociale n'est pas totalement définie au plan juridique, excepté pour le travail illégal. Or, elle ne se limite pas à ce seul domaine. Le PLFSS, de ce point de vue, apporte un élément nouveau à travers la notion de récidive. Une entreprise déjà contrôlée n'appliquant pas correctement la réglementation de la sécurité sociale, ayant fait l'objet d'une lettre d'observation ou d'un redressement et qui se retrouverait à nouveau en contradiction avec la réglementation, pourrait être considérée comme étant dans une situation de fraude. L'article 75 du PLFSS prévoit dans ce cas une sanction financière spécifique et une majoration supplémentaire.
S'agissant des outils, énormément de compléments législatifs ou réglementaires ont été mis en place au cours des dernières années. Ils ont permis d'élargir assez fortement l'arsenal. De nouvelles mesures ont été introduites dans le présent PLFSS et nous avons nous-mêmes quelques idées d'améliorations. Les outils ne manquent pas mais il s'agit à présent de bien les utiliser. Certains sont plus ou moins faciles à mettre en oeuvre. Des adaptations de la législation pourraient encore se révéler nécessaires.
Sur un plan technique, nous serons capables de mettre en oeuvre toutes les mesures du PLFSS, mais il faut distinguer l'adaptation des systèmes d'information - qui sera réalisée même si cela est parfois difficile - et l'application par les entreprises ou les assujettis. Notre système est en effet déclaratif et la réglementation est particulièrement complexe, comme nous le constatons lors du contrôle a posteriori réalisé par les inspecteurs chargés du recouvrement.
Mme Muguette Dini. - Nous sommes rassurés ! Vous nous avez dit qu'il existait une stabilité très légèrement négative de l'emploi, un taux d'impayés qui se dégrade mais meilleur qu'en 2009 et une demande de délais de paiement des grandes entreprises en hausse ! Tout va bien ! Seconde remarque, à l'adresse des législateurs de la majorité : la question des particuliers employeurs me semble extrêmement préoccupante. La Fédération nationale des particuliers employeurs (Fepem) a parfaitement identifié les risques potentiels. Certains pensent que les particuliers employeurs disposent de gros moyens et font travailler chez eux du personnel de maison en grand nombre. Ceux-là ne sont pas des particuliers employeurs ! Ils se sont organisés autrement pour faire prendre en charge leurs salariés par des sociétés. Le particulier employeur est celui qui fait garder ses enfants, la personne âgée ou handicapée qui se fait aider. Leurs moyens étant limités, ces personnes vont moins déclarer. C'est incontrôlable !
Les mesures prises par les gouvernements précédents avaient permis une augmentation notable des déclarations et des cotisations. Avec la mesure proposée, les particuliers employeurs déclareront moins d'heures, le restant étant payé de la main à la main. On n'en retirera rien !
Par ailleurs, si je vous ai bien compris, la dette infra-annuelle prise en charge par l'Acoss était, en 2010, de 62 milliards d'euros. De combien sera-t-elle en 2012, en 2013 et en 2014 ? Vous nous avez parlé d'un niveau raisonnable. Qu'est-ce qu'un niveau raisonnable ?
Enfin, quel est le montant annuel des rentrées de l'Acoss ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - La branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) sera certainement équilibrée cette année mais la dette structurelle demeure autour de 1,7 milliard. Les intérêts des sommes que l'Acoss emprunte pour le compte de la branche sont-ils facturés à la branche AT-MP ou à la Cnam ? Ne vaudrait-il pas mieux que la branche AT-MP rembourse sa dette elle-même ?
Concernant les emplois à domicile chez les particuliers, que j'appelle personnellement « emplois de service », il semblerait que le débat ne soit pas le même en fonction de la rémunération servie. La suppression des cotisations au forfait sera quasiment sans effet pour les salaires qui ne dépassent pas 10 euros de l'heure. Le problème se pose surtout pour les emplois dont la rémunération est bien supérieure - soutien scolaire ou assistance informatique.
Les amendements déposés à l'Assemblée nationale ne règlent pas le problème. D'aucuns préconisent d'harmoniser la situation pour permettre au Gouvernement d'atteindre les objectifs qu'il s'est fixés tout en évitant le travail illégal et d'augmenter le montant du forfait - certains évoquent 1,45 Smic. Avez-vous une idée en la matière ? Cela pourrait-il constituer une réponse aux difficultés auxquelles nous sommes confrontés ?
Mme Catherine Deroche. - La semaine dernière, M. Dominique Martin, directeur des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), nous a indiqué que la branche AT-MP connaîtrait en 2013 un excédent de 300 millions, dont 200 viennent d'une baisse du versement au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). Il nous a assuré qu'étant donné le montant de la dette, celle-ci pourrait être apurée en cinq à six ans. Or, il faudra bien retrouver l'année prochaine les 200 millions que l'on ne donne pas au Fiva cette année. On ne voit donc pas - sauf à augmenter les cotisations - comment la dette pourrait être apurée dans les années qui viennent. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
M. Jacky Le Menn. - Que pouvez-vous nous dire sur l'affirmation de certains médias selon laquelle, malgré la crise, les entreprises continueraient à augmenter les salaires ?
Dans le cadre de vos activités sur les marchés de capitaux internationaux, notamment les billets de trésorerie, êtes-vous concurrents ou alliés de France trésor - ou d'autres acteurs, comme les hôpitaux.
Troisièmement, n'avez-vous pas l'impression d'être des banquiers plus que des trésoriers en matière de financement des organismes de sécurité sociale ?
Mme Samia Ghali. - Quel est le nombre d'heures effectuées pour les aides au devoir et les gardes d'enfants ? Combien risque-t-on d'en perdre avec le nouveau régime de cotisations ?
Mme Isabelle Debré. - Vous affirmez qu'il y avait déjà une baisse de 3,8 % du volume d'heures réalisées auprès des particuliers employeurs avant même le vote de la loi. Il s'agirait donc d'une anticipation. Provient-elle du plafonnement de la réduction d'impôt ou du passage des cotisations du forfait au réel ?
D'autre part, M. Godefroy a précisé que les dispositions envisagées par le Gouvernement ne toucheraient que les salaires au-dessus de 10 euros de l'heure. Personne ne sera donc augmenté et les particuliers employeurs paieront la différence de la main à la main. C'est donc assez contre-productif !
M. Guy Fischer. - Nous avons retenu votre formule lorsque vous avez parlé de « stabilité légèrement négative de l'emploi ». Dans le même temps, l'essentiel de la population connaît une explosion des plans sociaux. Selon les données économiques dont vous disposez, avez-vous eu le sentiment que, durant la dernière période électorale, nombre de plans sociaux ont été différés ? Ne peut-on craindre que la fin de l'année 2012 et l'année 2013 seront très difficiles, l'accès à l'emploi étant le premier des problèmes de notre pays ?
Mme Annie David, présidente. - Ne pensez-vous pas que la baisse du nombre d'emplois à domicile au premier semestre peut être due au fait que de moins en moins de personnes peuvent recourir à ce type d'emplois ?
M. Pierre Ricordeau. - Il est très difficile de connaître les causes de cette baisse de l'emploi à domicile. La situation économique est ce qu'elle est et il n'y a pas de raison que l'on n'enregistre pas d'impact sur ce secteur. Par ailleurs, la déclaration au forfait est aujourd'hui minoritaire alors que ce n'était pas le cas il y a une dizaine d'années. La suppression de l'exonération de quinze points, intervenue le 1er janvier 2011, a entraîné un léger ressaut qui ne s'est pas poursuivi, les déclarations au forfait ne représentant que 30 % de l'ensemble, contre 70 % pour la déclaration au réel.
Dans le cadre du débat au Parlement, de nouveaux équilibres pourront être recherchés. La déclaration au forfait à des origines historiques et les pouvoirs publics ont réussi à en réduire la proportion. Elle présente surtout l'inconvénient, pour les salariés, de limiter leurs droits sociaux. L'objectif social de cette suppression est clair. La discussion sur le niveau de prélèvement peut viser à éviter la sous-déclaration.
M. Alain Gubian. - S'agissant de nos besoins de trésorerie, ils restent élevés sans atteindre toutefois le niveau exceptionnel de 2010. Notre solde moyen de trésorerie est en effet passé de - 12 milliards sur l'année 2009 à - 33 milliards sur l'année 2010. Au 31 décembre 2010, le solde atteignait - 49,5 milliards, puis il s'est amélioré grâce à une reprise de dette de 65 milliards d'euros. Sur l'ensemble de l'année 2011, le solde moyen s'est établi à - 14 milliards et pour l'année 2012, nous sommes à un solde moyen de - 11 milliards. Nous devrions terminer l'année 2012 avec un solde négatif compris entre - 18 et - 19 milliards.
On repart en 2013 sur une prévision de 18,6 milliards d'euros. Le déficit global à couvrir pourrait s'élever à 21 milliards d'euros, le régime général devant connaître un déficit de 11,4 milliards d'euros. Nous portons également le déficit du FSV pour 2,6 milliards d'euros, soit un total de 14 milliards d'euros. La dérive de trésorerie est un peu supérieure à ce chiffre, qui s'ajoute au montant du 1er janvier.
Nous bénéficierons néanmoins d'une reprise par la Cades des déficits de l'assurance vieillesse et du FSV. Cette reprise de dette sera de l'ordre de 8 milliards. Nous terminerons l'année avec un solde de - 26 milliards d'euros environ.
Ces tendances nous ramènent quelques années en arrière, sans pour autant atteindre les niveaux de 2009 et 2010. Une reprise de dette correspondant aux déficits vieillesse et FSV de 2013 interviendra en 2014 ; néanmoins, il faudra financer les déficits maladie et famille.
L'année 2012 est relativement aisée à traiter grâce aux instruments dont nous disposons. Les marchés ne sont pas fermés ; quand l'Acoss s'est présentée sur le marché des billets de trésorerie, elle n'a pas ponctionné une enveloppe fermée ; au contraire, le volume global des billets de trésorerie s'est accru. Cela dépend donc beaucoup des autres intervenants, pour l'essentiel d'entreprises privées, mais aussi l'Unedic, l'agence France trésor, en tant que telle, n'intervenant pas.
Nous bénéficions d'une bonne notation et de notre proximité avec l'Etat, ce qui offre une sécurité totale aux investisseurs. Nos marges par rapport aux taux d'intérêt moyens sont très favorables. Il peut parfois arriver que nous mobilisions des volumes importants de liquidités au détriment d'entreprises privées, - les investisseurs privilégiant des émetteurs présentant à leurs yeux davantage de garanties.
Nous ignorons aujourd'hui à combien s'élèveront les émissions des hôpitaux. S'il s'agit de quelques centaines de millions, ce n'est pas en rapport avec les volumes que nous traitons. Nous avons aujourd'hui 4 milliards d'euros sur le marché en billets de trésorerie, 7 milliards d'euros sur les ECP.
Concernant la branche AT-MP, les projections associées au PLFSS tablent sur des excédents dès 2013 qui permettraient de couvrir la dette cumulée à l'horizon 2017. C'est une question de conjoncture, mais les cumuls d'excédents devraient faire disparaître cette dette. La réduction du déficit de la branche a été assez forte dès 2011, passant de 700 millions en 2010 à 100 millions en 2012. Les recettes sont suffisantes pour dégager des excédents de l'ordre de 300 millions dans un premier temps...
Par ailleurs, les frais financiers que porte l'Acoss sont répartis sur chacune des branches du régime général, au prorata des déficits. L'une des missions de l'Acoss est de suivre quotidiennement le solde de trésorerie de chacune des branches du régime général ; un calcul d'intérêts est réalisé chaque année dans la comptabilité et permet d'imputer les intérêts aux branches. L'Acoss, en tant que telle, ne porte pas les intérêts : ce sont bien les branches du régime général qui le font, à hauteur des dettes qui les concernent.
M. Pierre Ricordeau. - Concernant la situation économique, aucun élément ne nous permet de dire que certains plans sociaux ont été retardés. Les demandes de délais de paiement émanant d'entreprises ont été toutefois plus importantes que d'habitude.
J'ai parlé de « stabilité légèrement négative » : c'est bien ce que l'on constate aujourd'hui dans les statistiques. Il n'y a pas, ces derniers mois, pas plus que de manière récente, de destructions massives d'emplois comme dans les années 2008 ou 2009. L'intérim est sur une tendance fortement baissière mais compensée par quelques créations d'emplois dans le reste de l'économie, ce qui représente un total très légèrement négatif.
Les économistes, d'une manière générale, s'attendaient à davantage de destructions d'emplois. C'est également ce que constatent nos baromètres mensuels, dont le dernier vient de sortir.
Dans ce contexte, les prévisions de l'Acoss pour 2012 sont en parfaite cohérence avec les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale - une évolution de 2,5 % en moyenne de la masse salariale sur 2012, principalement portée par les hausses de salaires.
Je ne sais pas ce qui se passera en 2013. Certaines enquêtes évoquent des augmentations de salaires. C'est aujourd'hui le seul élément porteur de l'évolution de la masse salariale.
M. Alain Gubian. - Sur l'ensemble de l'année 2012, l'emploi devrait baisser de 0,3 % ou 0,4 %. Ce n'est pas négligeable mais selon tous les travaux de prévisions, y compris sur le très court terme, les baisses devaient être plus fortes. Soit les entreprises ajustent l'emploi de manière plus modérée, au rythme de la croissance, en comptant peut-être sur une reprise à un horizon plus lointain, soit elles retardent les ajustements qui pourraient intervenir plus tard.
Le niveau d'embauche est bien inférieur à celui de 2011. Il a baissé de 7 % sur un an. Néanmoins, le troisième trimestre présente une hausse de 2 %, confirmée pour chaque mois. On peut conclure à une stabilité du niveau d'embauche, fort bas par rapport à 2011 mais aucune courbe ne conduit à des évolutions comparables à la récession de 2009.
Les difficultés financières des entreprises se traduisent dans nos restes à recouvrer par de petites remontées, sans équivalent avec ce que l'on a connu en 2009.
J'ajoute que nous ne connaissons pas les plans sociaux éventuels. Ils se retrouvent dans le solde des embauches mais nous ignorons le nombre d'emplois qui pourraient éventuellement disparaître.
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 - Audition de MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et Pierre Mayeur, directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav)
Mme Annie David, présidente. - Je souhaite la bienvenue à M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), qui est accompagné de M. Pierre Mayeur, directeur.
Nous souhaiterions connaître les observations de la Cnav sur le PLFSS pour 2013 et, de manière plus générale, sur les perspectives de la branche vieillesse. Je rappelle qu'un décret du 2 juillet dernier a élargi les possibilités de retraite anticipée, que le Conseil d'orientation des retraites (Cor) doit actualiser ses projections à moyen terme et qu'un débat doit s'ouvrir, au premier semestre 2013, sur l'avenir de nos régimes de retraite.
M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Cnav. - Les hypothèses macro-économiques d'inflation, d'évolution de masse salariale ou de croissance retenues dans le PLFSS - sans porter de jugement de valeur - ne permettent pas d'envisager un retour à l'équilibre de la branche vieillesse en 2013, ni dans les années qui suivent.
Le solde de la branche vieillesse affichait 8,9 milliards d'euros de déficit en 2010, réduits à 6 milliards en 2011 et 5,2 milliards en 2012 sous l'effet, notamment, des ressources nouvelles prévues par la loi de finances rectificative de l'été 2012. Le déficit prévisionnel est de 4 milliards d'euros en 2013 et devrait se situer entre 4 et 5 milliards par an jusqu'en 2017. Les dépenses continueraient à évoluer plus vite que les recettes.
Le ratio dépenses-recettes, qui était de 110 % en 2010, s'améliore sous l'effet de recettes nouvelles. Néanmoins, il se stabilise à partir de 2013 à 104 % et devrait rester étale jusqu'en 2017. Le déficit cumulé atteindrait 22,5 milliards d'euros entre 2013 et 2017 et 49,8 milliards entre 2009 à 2017 - ce qui est assez considérable.
La branche vieillesse est directement dépendante de la démographie et des flux de départ à la retraite. 2012 a constitué un point bas du fait d'un impact fort de la réforme de 2010, avec moins de 580 000 départs. Cette réforme arrivant à son terme, le flux va désormais incorporer les personnes dont le départ a été décalé de quatre ou cinq mois par génération. Avec l'effet du décret de juillet 2012, on remontera à 718 480 départs en 2013, puis à un flux compris entre 625 000 et 670 000 départs par an entre 2014 et 2017, identique à ce que l'on a connu avant la réforme.
Compte tenu de ce rythme de départs à la retraite et de l'allongement de la durée de la vie, le nombre de personnes bénéficiant d'une pension du régime général continue à progresser en moyenne de 1,7 % par an. Il passera de 12 460 000 en 2012 à 13 624 000 en 2017. Entre 2012 et 2017, le nombre de retraités aura augmenté d'environ un million.
Hors revalorisation des pensions, avec le seul effet démographique, les dépenses augmenteraient de 2,9 milliards d'euros en 2013. Avec l'effet de la revalorisation, l'augmentation atteindra 5 % en 2013. Hors revalorisation, les dépenses vieillesse progresseront de 2,2 % à 2,5 % par an d'ici 2017.
Le montant de la pension moyenne continue lui aussi à progresser, non parce que les modalités de calcul de pensions sont plus favorables - bien au contraire - mais sous l'effet noria : les retraités d'aujourd'hui, notamment les femmes, ont des carrières plus longues par rapport aux générations précédentes et un salaire moyen plus élevé, ce qui permet d'afficher une pension moyenne supérieure aux années précédentes. Cela ne signifie pas pour autant que le niveau de vie des retraités soit supérieur à celui des actifs, mais c'est un autre débat.
En 2017, la pension annuelle moyenne s'élèverait à 7 627 euros, soit environ 5 % de plus que la valeur 2010. Il s'agit ici uniquement du régime de base. Viendront s'y ajouter les retraites complémentaires.
Mme Annie David, présidente. - La pension de réversion est-elle comprise dans ces chiffres ?
M. Gérard Rivière. - Non. Il s'agit ici de la pension moyenne du régime général, quelle que soit la durée d'assurance, certaines personnes pouvant avoir accompli une plus longue carrière dans un autre régime. Les moyennes cachent souvent beaucoup de choses. La pension maximum du régime général est d'environ 1 200 euros mensuels pour une carrière complète, au plafond de sécurité sociale pendant un minimum de vingt-cinq années.
Je voudrais évoquer maintenant le fonds de solidarité vieillesse (FSV), créé pour faire prendre en charge par la solidarité nationale tous les éléments dits non contributifs dans les droits des assurés, ces éléments étant devenus de plus en plus nombreux.
Au cours des Trente Glorieuses, la solidarité au sein du régime permettait de financer ces périodes. Rares étaient les salariés ayant passé des mois - voire des années - privés d'emploi...
Sous l'effet du chômage de masse, au début des années 1990, la question s'est posée différemment. Le FSV a été créé pour prendre en charge les éléments non contributifs. Son financement n'a jamais été totalement assuré. Un fonds de solidarité est là pour apporter des ressources supplémentaires, mais il devrait aussi être à l'équilibre. Malheureusement, depuis un certain nombre d'années, le FSV connaît un déficit permanent, à tel point qu'aujourd'hui, il frôle celui de la Cnav. En 2013, il devrait s'élever à 2,6 milliards d'euros alors que le déficit de la Cnav sera de 4 milliards d'euros !
Pourquoi en est-on arrivé là ? Il s'agit d'abord d'une succession d'erreurs : le FSV doit financer les parts non contributives de la carrière. Or, la réforme de 2010 lui a transféré le financement du minimum contributif. Cela a permis de diminuer artificiellement le déficit de la branche vieillesse mais c'est une opération de vases communicants qui n'a pas de sens, si ce n'est de participer un peu plus au brouillage du financement des parts de solidarité !
En devenant président du conseil d'administration de la Cnav, il y bientôt un an, j'ai voulu que l'on pratique la « vérité des prix » afin de savoir qui paye quoi. Aujourd'hui, la Cnav est en déficit et je suis dans l'incapacité de vous dire où se situe ce déficit ! Est-il lié à une insuffisance de cotisations ou à un sous-financement par la solidarité nationale ? A l'heure actuelle, on est incapable de le dire !
J'ai donc souhaité mettre en place, avec l'accord et la participation active des services de la Cnav, dirigés par Pierre Mayeur, une commission « études et prospectives ». Cela fait presqu'un an que cette commission travaille. Nous avançons très rapidement et serons bientôt au terme de nos travaux. Il s'agit de dresser l'inventaire de tous les éléments qui constituent une carrière - périodes d'activité, de chômage, de formation professionnelle, etc. - et de savoir comment elles sont validées. Y associe-t-on ou non des salaires de référence ? Qui en assure le financement ? Celui-ci est-il total, partiel ou inexistant ?
Ceci me permettra, en 2013, en tant que président du conseil d'administration, au moment du débat prévu sur les retraites, de faire un certain nombre de propositions et d'indiquer si le niveau de cotisation est suffisant ou insuffisant ou si la part de solidarité nationale est supérieure ou inférieure aux besoins.
Aujourd'hui, le nombre de retraités continue à progresser et les recettes n'augmentent pas assez vite. Comment les majorer ? Objectivement, je ne le sais pas ! On pourrait considérer qu'une augmentation d'un point des cotisations représentant 4,5 milliards, cela suffirait à couvrir le déficit. Est-ce juste pour autant ? Je n'en suis pas certain ! Il faut donc absolument établir une « vérité des prix ».
Le FSV est artificiellement en déficit. A l'origine, il était financé par 1,03 point de contribution sociale généralisée (CSG), mais cette ressource a en partie été transférée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). En compensation, on a affecté divers impôts et taxes au FSV. Il faut aujourd'hui être doté d'un lexique pour tenter de comprendre son financement.
Les recettes du FSV atteignent seulement 16 milliards alors que les besoins sont compris entre 19 et 20 milliards. Il faut rétablir l'intégralité de la CSG affectée au FSV et lui attribuer une seconde ressource, votée chaque année par le Parlement, ajustée au cours de l'année n + 1 en fonction des besoins constatés. On aura alors une vision très claire du financement de la solidarité au sein de nos régimes.
S'agissant des exonérations de cotisations affectées à la branche vieillesse, leur montant global diminue à la suite de la suppression de la loi Tepa. Toutefois, pour ce qui est de la Cnav, la part des exonérations non compensées progresse et représentera 1,189 milliard en 2013, soit environ 30 % de notre déficit.
Je terminerai mon propos introductif en évoquant les compensations interrégimes. Elles ont été instituées en 1974 sur une base démographique, ce qui provoque des effets pervers. Par exemple, la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) a vu le nombre de ses cotisants progresser avec les auto-entrepreneurs, mais le volume des cotisations correspondantes est très faible. La CNAVPL supporte des charges de compensation démographique extrêmement lourdes qui la placent dans le rouge !
Il faudra que le sujet soit abordé au cours des débats prévus en 2013. Pour la Cnav, la compensation représente plus de 4 milliards d'euros. 4 milliards de compensation, 1,2 milliard d'exonérations non compensées, 4 milliards de déficit, plus personne ne comprend ce jeu de vases communicants entre les différents régimes de sécurité sociale. Il faut donc absolument clarifier ce système !
M. Pierre Mayeur, directeur de la Cnav. - Quelques mots sur la mise en oeuvre du décret du 2 juillet 2012. Le régime général est bien aujourd'hui le régime de référence et l'opérateur numéro un de la retraite en France, 90 % des retraités bénéficiant d'une pension du régime général, d'un montant variable en fonction de leur durée de cotisation. 97 % des assurés, à un moment ou à un autre au cours de leur carrière professionnelle, vont cotiser au régime général.
Une modification importante comme celle du décret du 2 juillet 2012 est un défi pour un service public de retraite comme le nôtre, qui doit répondre à des besoins d'information générale mais aussi à des besoins d'information particulière et personnalisée.
Dès le lendemain du second tour de l'élection présidentielle, nos plateformes téléphoniques ont connu des pics importants d'appels. Un numéro d'appel unique, le 39.60, fonctionne sur toute la France et on a pu constater une hausse de 30 % des appels principalement liés à la mesure du 2 juillet 2012, hausse qui se confirme sur septembre. Nous avons fait un effort d'information en essayant de suivre les annonces du Gouvernement mais aussi un effort de formation de nos salariés, afin que ceux-ci puissent répondre aux questions des assurés.
La Cnav utilise depuis 2004 un système d'attestations qui permet d'indiquer à l'assuré s'il relève ou non du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue. Ces attestations ne constituent pas un document juridique mais une mesure de gestion ; elles sont délivrées pour un départ éventuel dans un délai de six mois, la Cnav ne souhaitant pas s'engager au-delà.
Nous utilisons divers outils pour informer le public - dont Facebook ou des « tchats », qui fonctionnent assez bien.
Au 1er octobre, nous avons dénombré 27 000 demandes d'attestations de départ anticipé correspondant aux dispositions du décret du 2 juillet, cette mesure entrant en vigueur à compter du 1er novembre. Sur ce nombre, 22 000 attestations sont positives, ce qui signifie que notre filtrage en amont a été relativement efficace. Ceci n'est toutefois pas forcément en rapport avec le nombre de départs prévus pour novembre et décembre 2012, qui concernent environ 17 000 bénéficiaires, ces attestations pouvant être relatives à des départs au 1er janvier ou 1er février 2013.
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour l'assurance vieillesse. - Je pense que les futurs retraités de notre pays sont aujourd'hui bien mieux informés qu'ils ne l'étaient il y a encore quelques années. Le dispositif mis en place avec la loi de 2003 et renforcé depuis a permis à chacun, à compter d'un certain âge, d'être informé sur son déroulement de carrière et sur les conséquences de celui-ci sur sa retraite.
Par ailleurs, vous avez évoqué le rendez-vous de 2013 ; une clause de revoyure était prévue par la loi de novembre 2010. La ministre des affaires sociales, Mme Touraine, nous a confirmé que ce rendez-vous déboucherait sur une nouvelle réforme des retraites.
Je ne puis m'empêcher d'ajouter un mot sur un point qui ne concerne pas directement la Cnav : il s'agit de la question de la transition entre l'emploi et la retraite. La loi de 2010 a remplacé l'allocation emploi retraite (AER) par une allocation transitoire de solidarité (ATS). La baisse moyenne du revenu des personnes concernées s'élève à 50 % environ ! Cette question reste donc entière pour nos concitoyens...
Je voudrais également revenir sur la prévision de réduction du déficit de la branche qui passerait de 5,2 milliards en 2012 à 4 milliards en 2013. Quels sont les principaux paramètres expliquant cette évolution ?
Les projections pluriannuelles signalent que le déficit va à nouveau augmenter à compter de 2014, pour atteindre 4,9 milliards en 2017. Or, la réforme de novembre 2010 prévoyait un retour à l'équilibre en 2018. A moins d'un miracle - mais je n'y crois pas - cela me paraît mal engagé ! Dans cette perspective, quel bilan tirer de la loi de 2010, dont le principal objectif ne sera pas atteint ?
Quelles sont les conséquences du décret du 2 juillet 2012 sur le dispositif de retraite anticipée, plus particulièrement en termes financiers ?
Par ailleurs, un certain nombre de nos craintes se vérifient quant au dispositif de retraite pour pénibilité. Le nombre de demandes est inférieur aux prévisions. Pourquoi ? Que peut-on attendre de l'assouplissement des conditions relatives à ces demandes ? Pour quelles raisons le PLFSS ne comporte-t-il pas cette année de contribution de la branche AT-MP, comme les années précédentes, au titre de la retraite anticipée pour pénibilité ?
Le conseil d'administration de la Cnav s'est prononcé contre le PLFSS 2013. Pouvez-vous nous en donner les principales raisons ?
Enfin, dans son dernier rapport sur les comptes de la sécurité sociale, la Cour des comptes appelle à réviser certains dispositifs fiscaux et sociaux propres aux retraités, en particulier le taux de la CSG. Que vous inspirent ces recommandations ?
M. Pierre Mayeur. - L'augmentation des dépenses de prestations pour 2013 est de 5 %, dont 2,9 % d'effet volume et 2 % liés à la revalorisation des pensions.
En matière de recettes, l'amélioration du solde est sensible grâce aux mesures de la loi de finances rectificative pour 2012, notamment l'affectation à la Cnav de deux points du taux de prélèvement sur les revenus du capital et d'une fraction de la hausse du forfait social. L'effet sera limité en 2012, mais beaucoup plus net en 2013.
Les effets de la loi du 9 novembre 2010 résultent du report de l'âge légal de départ à la retraite, corrigé par le décret du 2 juillet 2012, de la prise en charge d'une partie du minimum contributif par le FSV et de la reprise de dettes par la Cades, qui permet d'alléger les frais financiers. Le gain s'établit à 9 milliards d'euros à l'horizon 2017.
L'extension du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue représentera, pour la Cnav, environ 550 millions d'euros en 2013 et 2,1 milliards d'euros en 2017. Le nombre de bénéficiaires s'élèvera à 17 000 en 2012 et 70 000 en 2013, en englobant les personnes qui auraient dû reporter leur départ à la retraite dans la réglementation antérieure et celles qui pourront anticiper leur départ d'un mois, d'un trimestre ou d'une année.
S'agissant de la retraite anticipée pour pénibilité, nous avions 5 447 demandes au 15 octobre 2012, dont 3 384 ont fait l'objet d'une décision positive.
Pourquoi est-on très en deçà des prévisions établies en 2010 ? Tout d'abord, lors du démarrage du dispositif, le 1er juillet 2011, le décalage du report de l'âge légal pour les personnes nées entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1951 n'était que de quatre mois. Cela a pu dissuader certaines demandes, d'autant qu'il fallait constituer un dossier devant une commission. Il est également possible que certains bénéficiaires potentiels identifiés dans les prévisions de 2010 soient déjà partis en retraite, dès lors qu'ils avaient commencé leur carrière relativement jeunes. Nous allons réaliser un appariement des fichiers statistiques entre la Cnav et la Cnam pour mieux identifier les bénéficiaires potentiels. Selon les caisses, certains d'entre eux préfèrent bénéficier du décret du 2 juillet 2012 plutôt que de la retraite anticipée pour pénibilité.
S'agissant de la contribution de la branche AT-MP, compte tenu des affectations déjà décidées sur les exercices 2011 et 2012, calculées sur un flux de départ qui ne s'est pas réellement confirmé, le Gouvernement a considéré qu'il n'était pas nécessaire de prévoir une dotation particulière pour 2013.
La presse sociale a récemment écrit que la Cnav avait assoupli les conditions de départ en retraite pour pénibilité. C'est nous prêter beaucoup d'influence et de pouvoir ! Quand le dispositif a été mis en oeuvre, une circulaire ministérielle du 18 avril 2011 et une circulaire de la Cnav du 7 juillet 2011 ont précisé que la condition d'exposition dès dix-sept ans à des facteurs de risques professionnels était réputée satisfaite dès lors que l'assuré justifiait de soixante-huit trimestres validés par des cotisations à sa charge. Il appartenait à une commission pluridisciplinaire de se prononcer par un avis favorable ou défavorable. Nous avons constaté que le passage par cette commission n'apportait aucune valeur ajoutée et que l'on pouvait se prononcer en amont sur le fait de savoir si cette condition était remplie ou non. C'est ce qui a été confirmé par un courrier ministériel en date du 6 octobre 2011. Nous avons diffusé ce courrier en interne et n'avons mis à jour la circulaire externe que le 13 septembre 2012. La presse a donc pu avoir l'impression que les conditions avaient été assouplies, mais elles l'étaient en fait depuis un an.
M. Gérard Rivière. - L'AER ne relève pas de la responsabilité de la Cnav. Je sais que des démarches viennent d'être relancées par une organisation syndicale auprès du Gouvernement pour attirer son attention sur la nécessité de rétablir cette allocation.
Le retour à l'équilibre prévu dans le cadre de la réforme du 9 novembre 2010 concernait l'ensemble des régimes de retraite et non chaque régime spécifiquement. La Cnav, pour ce qui la concerne, continuait à afficher 3 à 4 milliards de déficit à l'horizon 2018. Nous sommes en fait au niveau des prévisions...
Quant à l'avis du conseil d'administration de la Cnav sur le PLFSS, vous aurez remarqué comme moi que les différentes délégations se prononcent très souvent sur ce que ne contient pas le texte plutôt que sur ce qu'il contient, tout le monde attendant toujours beaucoup des projets de loi !
Le PLFSS 2013 n'échappe pas à la règle. Il a recueilli un avis majoritairement défavorable du conseil d'administration de la Cnav par dix-huit voix contre et cinq pour, trois membres ayant pris acte du texte et quatre s'étant abstenus. Cette majorité importante ne signifie pas que l'avis est homogène pour autant. Les organisations qui se sont prononcées défavorablement avaient des motivations fort divergentes, voire opposées.
Une organisation de salariés a souligné l'aspect positif de certaines dispositions, notamment l'article 67 relatif aux travailleurs de l'amiante, mais a regretté l'absence de mesures qu'elle avait préconisées, en conséquence de quoi elle a émis un avis défavorable. Ceci dit, la majorité des propositions de cette organisation devraient normalement trouver leur place dans une réforme des retraites à venir...
Un autre groupe de salariés a considéré que, bien que s'inscrivant dans la logique de réduction des déficits des comptes sociaux, ce PLFSS conduirait en définitive à dégrader le taux de remplacement des futurs pensionnés et à diminuer le pouvoir d'achat des retraités.
Le groupe d'employeurs le plus important s'est félicité du redressement des comptes publics mais a déploré que l'effort porte sur les entreprises, à travers des prélèvements nouveaux, et non sur des économies. Il a souhaité que le débat prévu en 2013 aboutisse à une profonde réforme du système de retraite.
Je précise en passant qu'une réforme globale du système de retraite n'en assurera pas pour autant le financement !
Une autre organisation d'employeurs a, elle aussi, regretté qu'on ait privilégié l'accroissement des recettes plutôt que les économies.
Un troisième groupe d'employeurs s'est prononcé négativement, considérant que le PLFSS était très loin des orientations définies lors de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet et que les engagements du candidat n'avaient pas été tenus.
Pour ce qui concerne les avis positifs, une organisation de salariés s'est prononcée favorablement, considérant que l'essentiel des mesures allaient dans le bon sens ; elle a également souhaité une réforme en profondeur du système de retraite - mais pas pour les mêmes raisons que l'organisation précitée.
Une autre délégation s'est abstenue, considérant que ce PLFSS ne méritait aucune opprobre, tout en regrettant la cotisation nouvelle applicable aux retraités. A ses yeux, le Gouvernement met « la charrue avant les boeufs » en instaurant une recette avant même d'avoir tracé les contours d'une future prise en charge de la dépendance.
Enfin, un dernier groupe de salariés a considéré que ce projet traduisait la volonté claire du Gouvernement de ne pas pénaliser de manière excessive les salariés déjà durement touchés par la crise, mais qu'il ne s'agissait là que d'un pas modeste en l'attente d'une nécessaire refondation du pacte social.
S'agissant du rapport de la Cour des comptes, je n'ai pas d'avis sur l'abattement fiscal, mais je ne vois pas pourquoi l'on remettrait en question les 10 % dont bénéficient les retraités sans revisiter l'ensemble des différents dispositifs qui touchent telle ou telle catégorie de Français !
Concernant la CSG, je pense que le débat a été amorcé avec la création de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa). En instaurant un prélèvement de 0,30 % supplémentaire, on a déjà écorné le delta existant entre les retraités imposés et les salariés. Il n'en reste plus que la moitié. Pourquoi aligner le taux de la CSG des retraités sur celui des actifs ? S'il s'agit de participer à un financement généralisé d'un véritable système social universel de prise en charge de la perte d'autonomie assuré par toutes les couches de la population, pourquoi pas ? S'il s'agit d'abonder un puits sans fond, cela ne présente pas vraiment d'utilité !
M. René-Paul Savary. - Nous allons aider le président de la Cnav dans sa réflexion puisque nous partageons son point de vue et pensons que la Casa n'a pas à abonder des puits sans fonds ! Les départements - si on leur en donne les moyens- sauront gérer la compensation de la perte d'autonomie et il vaut donc mieux affecter cette ressource à une ligne du budget de la CNSA directement dédiée aux départements ! Dans le cas contraire, on ne fera qu'entretenir le flou que vous avez dénoncé, monsieur le président !
On tombe parfois des nues en vous entendant ! Heureusement que nos concitoyens ne savent pas tout cela ! Vous nous dites qu'on n'arrive pas à expliquer un déficit : c'est hallucinant ! On nous dit que nous n'arriverons pas à l'équilibre en 2017, mais on avance encore l'âge de la retraite : c'est hallucinant ! On dit qu'il y a trop de chômage et moins de cotisations et l'on parle de remettre des taxes supplémentaires, diminuant ainsi la compétitivité : c'est hallucinant !
Nous devrons bien un jour prendre nos responsabilités face à l'allongement de la durée de la vie et à la perte d'autonomie.
Merci de la sincérité de vos propos, monsieur le président.
M. Dominique Watrin. - Je précise que les particuliers employeurs retraités ne bénéficient pas d'un crédit d'impôt mais d'une réduction d'impôt ; ceux qui ne paient pas d'impôts ne bénéficient donc pas d'avantages fiscaux. Il faut le souligner.
Je note que beaucoup de mesures vont s'adresser aux retraités : taxe de 0,3 %, nouvelle hausse de CSG souvent évoquée, contribution de solidarité... Les retraités sont-ils en passe de devenir des nantis ? Le Premier président de la Cour des comptes n'est pas allé au bout de sa comparaison : il n'a pas évoqué le coût des mutuelles des retraités, bien supérieur à celui des salariés. Quand on touche à quelque chose, il faut prendre l'ensemble en compte, sous peine d'aboutir à des mesures inefficaces, partielles et injustes !
J'ai l'impression que les retraités vont devenir, si l'on n'y prend garde, les nouveaux « pigeons » du système. Je demande qu'on y réfléchisse !
M. Alain Néri. - Je suis pour le moins surpris que nos collègues découvrent la situation catastrophique qu'ils nous décrivent. J'avais cru comprendre que le monde n'avait pas commencé en juin ! Le déficit de la sécurité sociale incombe, que vous le vouliez ou non, à la gestion des gouvernements précédents durant dix ans ! Vous ne pouvez faire l'impasse et gommer la gestion de MM. Sarkozy et Fillon. Il me paraîtrait désespérant que vous ayez subitement de telles pertes de mémoire !
Nous sommes tous conscients qu'il faudra faire un effort important. Nos concitoyens y sont prêts, à la condition que l'effort soit équitable, justement réparti et qu'on demande plus à ceux qui ont davantage. Ceux qui ont moins ne doivent pas être dans la situation où on continue à les « plumer » ! Onze millions de Français terminent le mois avec 10 euros en poche : si vous voulez leur demander de faire un effort, il faudra faire preuve d'imagination et inventer la machine à tondre les oeufs - sans quoi vous n'y arriverez pas ! Il faut donc faire en sorte que l'effort soit équitablement réparti. Je pense que nous nous retrouverons dans le fait de demander plus à ceux qui ont plus !
Mme Annie David, présidente. - Le débat politique qui nous attend en séance publique à partir du 12 novembre n'a pas à resurgir devant les personnalités que nous auditionnons ! Je leur laisse la liberté de répondre à ces pertinentes remarques venant d'un banc et de l'autre mais nous ne pouvons leur demander d'être l'arbitre entre l'ancien et le nouveau gouvernement !
M. Gérard Rivière. - Je suis venu vous délivrer un message en rapport avec ce qu'il y a ou ce qu'il n'y a pas dans le PLFSS 2013. Nous souhaitons ardemment aller vers le retour durable de l'équilibre du régime de retraite. J'ai évité de porter un jugement de valeur sur un certain nombre de réformes passées, même récentes. Je me projette dans l'avenir. Ayant encore quatre ans de mandat au moins - peut-être neuf - j'évite de porter un regard sur le passé. Je vous ai donné mon sentiment : le reste relève de vos débats !
Mme Annie David, présidente. - On ne peut en effet que constater la complexité du système actuel, mais on ne va pas entamer aujourd'hui le débat du PLFSS...
M. Guy Fischer. - Même si l'on constate une évolution de la masse salariale, on assiste à une forte pression sur les salaires sans aucune revalorisation des retraites, ce qui permettrait pourtant le maintien ou la hausse du pouvoir d'achat.
Mme Annie David, présidente. - Nous pourrons avoir un débat plus politique lors de la présentation des rapporteurs des différentes branches. On ne peut demander à ce stade au président de la Cnav de prendre position. Ce n'est pas vraiment son rôle...
M. Gérard Rivière. - M. le directeur rappelait tout à l'heure le taux de 2 % de revalorisation des pensions pour 2013. Est-ce suffisant ou non ? Nous ne sommes même pas consultés ! Autrefois, nous l'étions, pour avis, sur le projet de décret, puis sur le projet d'arrêté. Aujourd'hui, plus rien ! On nous informe d'une lettre ministérielle de revalorisation du taux des pensions - même si la loi de financement de la sécurité sociale précise le taux d'évolution prévisionnel.
Personnellement, en tant que représentant d'une organisation de salariés, je verrais un grand intérêt à revaloriser les pensions bien au-delà des 2 % prévus à condition d'y mettre les ressources nécessaires, mais le conseil d'administration, à l'unanimité, regrette profondément de ne plus être consulté sur le taux d'évolution des pensions !
Mme Isabelle Debré. - Il existe une nouvelle commission qui travaille sur ce sujet. Etes-vous au moins consultés ? En faites-vous partie ?
M. Gérard Rivière. - Il s'agit de la commission « ad hoc »...
Mme Isabelle Debré. - Elle est composée d'experts indépendants...
M. Gérard Rivière. - Je ne les connais pas, la commission n'ayant pas encore été constituée, ni réunie !
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour l'assurance vieillesse. - Cette commission a pour objectif de préparer le débat de 2013 dans le cadre de la clause de revoyure et de la future réforme des retraites. Aujourd'hui, elle n'est pas mise en place.
Dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie - Examen des amendements
La commission procède à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 391 (2011-2012) tendant à élargir la contribution de solidarité pour l'autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie dont M. Gérard Roche est le rapporteur.
M. Guy Fischer. - Les commissaires du groupe communiste, républicain et citoyen ne prendront pas part au vote sur les amendements.
M. Jacky Le Menn. - Il en ira de même pour les commissaires du groupe socialiste.
AMENDEMENTS EXTÉRIEURS
Article 2 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Groupe UC |
2 rect. |
Suppression de l'article. |
Favorable |
Journée nationale du souvenir du 19 mars - Examen des amendements au texte de la commission
La commission procède à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 188 (2001-2002) adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc dans le texte n° 61 (2012-2013), adopté par la commission le 17 octobre 2012 dont M. Alain Néri est rapporteur.
M. Alain Néri, rapporteur. - Nous sommes saisis d'une question préalable de MM. Marcel-Pierre Cléach, Jean-René Lecerf et les membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, qui contestent le choix de la date du 19 mars comme journée du souvenir de la guerre d'Algérie.
Je rappelle que cette proposition de loi est précisément destinée à honorer la mémoire de tous ceux qui ont souffert de la guerre d'Algérie avant le 19 mars - appelés, rappelés, engagés et leurs familles - ainsi que de ceux qui en ont souffert après le 19 mars - rapatriés qui ont quitté leur sol natal et abandonné leurs racines, harkis odieusement abandonnés et massacrés.
Nous souhaitons que le 19 mars devienne une date de rassemblement. La troisième génération du feu a le droit de bénéficier d'une date historique et symbolique ; dans ces conditions, nous vous proposons de rejeter la question préalable.
M. Guy Fischer. - Le groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) rappelle son opposition à cette question préalable ; après le débat que nous avons eu hier sur le massacre du 17 octobre 1961, adopter la proposition de loi d'Alain Néri va dans le sens de l'apaisement. C'est pourquoi nous voterons contre la question préalable, l'exception d'irrecevabilité et les amendements présentés par MM. Jean-Claude Carle, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-René Lecerf et Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Colette Giudicelli. - J'ai pu m'entretenir avec le rapporteur lors d'une audition qu'il a menée et lui expliquer ce qui s'est passé en Algérie en 1962 et que j'ai connu. Votre proposition me choque. Hier, lors du débat sur la reconnaissance du 17 octobre 1961, Roger Karoutchi a précisé que les Algériens tués ce jour là n'étaient pas des centaines de milliers. Un assassinat est toujours dramatique, d'où que vienne la victime et de quelque nationalité qu'elle soit !
Ce que vous proposez ici, toutes les associations d'anciens combattants - à part la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (Fnaca) et l'Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre (Arac) -sont contre ! Vous ne pouvez choisir une date pour honorer ces gens qui se sont battus pour la France alors qu'ils n'en veulent pas. Cette date a en effet constitué le point de départ des massacres de 150 000 harkis qui se sont battus le drapeau français à la main !
En votant ce texte, vous allez faire beaucoup de malheureux ! Demain, devant le Sénat, doit avoir lieu à 15 heures une manifestation regroupant toutes les associations d'anciens combattants. Je n'ai pas l'habitude de participer à ce type d'action, mais je veux vous dire que si vous votez cette proposition de loi, vous commettrez une erreur. Si, comme on l'entend dire, cette loi prépare le voyage du Président de la République à Alger dans quatre semaines, ce sera une faute ! Je n'ajouterai rien de plus !
Mme Isabelle Debré. - Je voudrais réitérer un souhait que j'émets à titre personnel depuis de nombreuses années. J'espère que l'on arrivera un jour à une seule date nationale pour tous les morts pour la France.
Par ailleurs, si le 5 décembre ne me satisfait pas, le 19 mars non plus ! Il y a eu beaucoup de morts après cette date, qui est celle du cessez-le-feu et non de la fin de la guerre d'Algérie. Si l'on avait pu choisir, j'aurais préféré celle du rapatriement des cendres à Notre-Dame de Lorette le 16 octobre.
C'est pourquoi je ne voterai pas cette proposition de loi. J'ai hésité à participer au vote. Finalement, je voterai contre le 19 mars, qui constitue une date qui divise. Si elle avait fait consensus, je l'aurais votée. Le pays a aujourd'hui besoin d'unité et non de division !
M. Ronan Kerdraon. - On arrive à la fin d'un processus législatif entamé en 2002 ; à ma connaissance, le Président de la République actuel n'était pas en fonction. Son voyage en Algérie n'a donc rien à voir avec l'examen de cette proposition de loi, votée à l'Assemblée nationale en son temps, et reprise au Sénat à l'initiative d'Alain Néri et du groupe socialiste.
On peut ne pas être d'accord sur telle ou telle date ou souhaiter une date commune pour commémorer toutes les guerres, mais une date doit avoir un sens. Une date unique me semble réductrice par rapport à l'ensemble des conflits que la France a connus. Dans ce cas, pourquoi ne célébrerait-on pas uniquement le 14 juillet ? On peut tout imaginer...
La date du 19 mars n'a pas marqué la fin de la guerre : c'est d'un cessez-le-feu qu'il s'agit, notre rapporteur l'a dit à plusieurs reprises. Ce sera rappelé à nouveau en séance publique demain.
Le groupe socialiste, logiquement, votera donc contre la question préalable et l'exception d'irrecevabilité. Nous aurons un débat en séance ; je souhaite qu'il soit empreint de la plus grande sérénité possible. Nous ne sommes pas là pour dire l'histoire mais pour donner des repères !
M. Gérard Roche. - Ce débat m'attriste et je le regrette. Le devoir de mémoire, lorsqu'il y a eu des souffrances physiques, psychiques, des morts, doit permettre de construire un véritable sanctuaire. Il est dommage que certaines personnes - victimes ou proches de victimes - puissent s'en sentir exclues pour un problème de date ! J'aurais préféré un consensus et je trouve cela décevant.
M. René Teulade. - Je suis un ancien d'Algérie et je fais partie de ceux qui ont été rappelés. Pour moi aussi, les dates ont un sens et le 19 mars représente la paix ! C'est pourquoi je voterai avec mes camarades contre la question préalable.
M. René-Paul Savary. - J'ai connu ces événements dans un cadre familial sans toutefois y avoir participé, étant trop jeune. Je suis né à Alger, comme mes parents. Cela me rappelle un certain nombre de souvenirs : ma famille a directement vécu les événements de la rue d'Isly.
Je pense sincèrement que notre pays n'a pas actuellement besoin de divisions. Si cette date faisait l'unanimité, je m'y serais volontiers rallié, mais ce n'est pas le cas. C'est pourquoi je soutiendrai la question préalable, non que j'aie une opinion déterminée sur une date précise mais parce que je pense que ce n'est pas le moment d'ouvrir un débat qui attise les divisions.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Nombre d'anciens combattants ne partagent pas cette approche historique : ils étaient présents en Algérie après le 19 mars et ont subi des actions de feu et des violences inhérentes au conflit après cette date. On dénombre ainsi 55 tués dans les rangs de l'armée française, environ 160 disparus et entre 60 000 et 100 000 morts parmi les harkis !
Nous avons l'habitude de commémorer les victoires ; or, il s'agit ici d'un cessez-le-feu. Certes, un cessez-le-feu est toujours un moment fort mais ce n'est pas la fin de la guerre. Cette proposition de loi blesse une partie de la population, dont on ne reconnaît pas la douleur, lui donnant l'impression d'un certain mépris. C'est ainsi que je le ressens également...
Mme Samia Ghali. - Je suis née en France, de parents et de grands-parents algériens, bien après le cessez-le-feu. Il faut rappeler l'histoire aux générations futures. Les accords d'Evian ont permis de sceller des accords entre l'Algérie et la France qui permettent, par exemple, que je sois aujourd'hui présente au sein de cette assemblée. On ne peut l'occulter !
Ce texte n'est pas lié au déplacement du Président de la République en Algérie mais je suis heureuse, au moment où notre pays connaît une crise économique d'une grande ampleur, que les liens avec la Méditerranée et notamment l'Algérie se renforcent. Nous pourrons ainsi développer des relations avec ce pays plutôt que de laisser les Allemands, les Américains ou les Chinois prendre des parts de marché à notre place !
La date du 19 mars ne satisfait certes pas tout le monde mais il est impossible de contenter chacun. Cette date est importante pour les jeunes générations et pour celles à venir. A Marseille, les communautés maghrébines - notamment algérienne - harkies et pieds-noirs sont très nombreuses. En tant que maire de secteur, je n'ai jamais assisté à des manifestations contre les commémorations du 19 mars. Bien au contraire, toutes les communautés viennent commémorer cette date. Il ne faut donc pas en faire un débat politicien qui, de mon point de vue, risquerait en effet de diviser les Français !
Mme Colette Giudicelli. - Je suis d'accord avec Samia Ghali et Guy Fischer. Le problème n'est pas là : le 19 mars ne représente pas le cessez-le-feu mais la signature des accords d'Evian. Le cessez-le-feu a été proclamé mais n'a été respecté que par la France....
M. René Teulade. - Pour ceux qui l'ont vécu, le 19 mars a bien constitué la date du cessez-le-feu ! On peut aussi remettre en cause le 11 novembre comme date de cessez-le-feu lors du premier conflit mondial !
Mme Colette Giudicelli. - Dans les quatre mois qui ont suivi ce cessez-le-feu, on a dénombré des centaines de milliers de morts ! Les harkis ont été massacrés, torturés. Ils portaient l'uniforme de l'armée française ! Ce n'est pas acceptable. Beaucoup vivent encore dans le Sud de la France : ils ne supportent pas d'entendre parler du 19 mars !
Je retourne régulièrement en Algérie, où j'ai des amis. Je vais sur la tombe de mes grands parents : il n'y a pas de problème avec les Algériens ! François Mitterrand avait refusé de fêter le 19 mars, Lionel Jospin et Jacques Chirac également. Pourquoi vous accrochez-vous à cette date ? Vous ne faites plaisir à personne ! Venez rencontrer les harkis à Menton et discutez avec eux !
M. René Teulade. - C'est le symbole de la paix !
Mme Annie David, présidente. - Nous avons déjà eu un débat sur cette proposition de loi mercredi dernier. Il a d'ailleurs été très intéressant. Nous sommes là pour examiner les amendements. Le rapporteur nous fera ensuite part des avis et nous devrons voter.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - En tant que maire, je vais à la cérémonie du 19 mars qu'organise la Fnaca, ainsi qu'à celle du 5 décembre ! C'est ce que font beaucoup d'élus. Cela paraît surréaliste ! On peut se battre à l'infini pour une date. Aucune n'est parfaite.
Faut-il ouvrir le débat ? Je trouve cela particulièrement gratuit, mais cela répond sans doute à des besoins idéologiques.
Mme Annie David, présidente. - Je ne crois pas qu'il s'agisse d'idéologie. Je n'ai, par chance, connu aucune guerre. Comme le disait René Teulade, c'est le symbole de la paix qu'il faut mettre en avant. C'est ce qu'essaye de faire Alain Néri avec cette proposition de loi. C'est pourquoi je suis attachée à ce symbole de rapprochement entre nos deux peuples.
M. Alain Néri, rapporteur. - Il ne s'agit pas de faire plaisir à qui que ce soit ! On doit à la troisième génération du feu le respect et l'honneur qui ont été fort justement accordés aux combattants des deux précédentes guerres.
Trop longtemps, les choses ont été occultées en France. Il a fallu attendre trente-sept ans après le cessez-le-feu pour que la France ait le courage de reconnaître que ce qui s'était passé en Algérie constituait bien une guerre - ce que tout le monde savait mais que personne ne voulait reconnaître officiellement.
Parler d'« événements », de « maintien de l'ordre » ou de « pacification » lorsqu'on compte 30 000 morts constitue une offense et une insulte à l'égard de ceux qui ont eu vingt ans dans les Aurès et qui ont répondu à l'appel de la Nation avec courage et abnégation, comme les autres générations du feu. Ils méritent le même traitement, les mêmes honneurs et ont droit à une date historique et symbolique.
Nous précisons bien que le 19 mars ne constitue pas la fin de la guerre, pas plus que le 11 novembre 1918 ou le 8 mai 1945 n'ont constitué la fin des deux premiers conflits mondiaux. Il s'agit d'un cessez-le-feu autour duquel on doit se rassembler dans le recueillement, en mémoire de tous ceux qui ont souffert.
Cette guerre, qui a été trop longtemps une guerre sans nom, ne doit pas rester une guerre sans date ! C'est pourquoi je vous invite à repousser les deux motions et les deux amendements de suppression afin que l'on puisse, demain, poursuivre notre débat dans la sérénité.
EXAMEN DES MOTIONS PRÉALABLES
AMENDEMENTS EXTÉRIEURS
Article 1er |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Groupe UMP |
2 |
Suppression de l'article |
Défavorable |
Article 2 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Groupe UMP |
3 |
Suppression de l'article |
Défavorable |