Mardi 16 octobre 2012
- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -Loi de finances pour 2013 - Audition de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères
La commission auditionne M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2013.
M. Jean-Louis Carrère, président - Monsieur le Ministre, nous sommes heureux de vous accueillir pour cette audition consacrée aux crédits du ministère des affaires étrangères dans le projet de loi de finances pour 2013.
En dépit d'une actualité très riche, nous essaierons de limiter cette audition à la préparation du budget.
Nous nous reverrons, je l'espère, au mois de novembre, pour le débat qui sera organisé en séance publique sur l'Afghanistan, car je souhaite qu'il porte non seulement sur la situation militaire, et notamment la mise en oeuvre du retrait de nos forces, mais aborde également la suite de nos relations avec ce pays et l'évolution de sa situation géopolitique. Nous vous solliciterons également, si vous en êtes d'accord, pour une audition devant notre commission consacrée à l'actualité internationale après le débat budgétaire. Je proposerai enfin à la conférence des présidents d'inscrire à notre ordre du jour du premier trimestre 2013 un débat de politique étrangère auquel pourront participer l'ensemble de nos collègues du Sénat.
Je rappelle que les crédits de votre ministère sont regroupés au sein de la mission « Action extérieure de l'État ». Il s'agit des programmes 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » et 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». S'y ajoute le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement ».
Au total le montant des crédits de votre ministère s'élève à 4,9 milliards d'euros, soit 1,68 % des dépenses globales de l'État. Si cet ensemble diminue de 2,4 %, la mission « action extérieure de l'État » progresse pour sa part de 1,6 %. Elle n'est pas prioritaire au sens des orientations du gouvernement sur les finances publiques mais vous êtes parvenu, tout en participant pleinement à l'effort de redressement des finances publiques à, me semble-t-il, préserver les crédits sur vos axes d'efforts prioritaires.
Alors que la mondialisation rend notre pays toujours plus interdépendant, le fait de disposer d'un outil diplomatique de premier ordre est d'une importance capitale. Nous mesurons, lors de nos déplacements et à travers les télégrammes, le travail quotidien fait par chacun de nos postes et par l'administration centrale. Avec Robert del Picchia, Marcel-Pierre Cléach et Christian Namy, nous revenons de New-York qui est l'un des lieux d'excellence de notre diplomatie et nous avons pu constater, aux termes de nos entretiens, notamment celui avec le Secrétaire général de l'ONU M. Ban Ki-Moon, la place qu'occupe notre pays au sein des Nations unies. Cette place éminente, nous devons tout faire pour la préserver, car elle contribue non seulement aux efforts de paix mondiale, mais elle est de plus un outil d'influence et de rayonnement pour la France.
Je vais laisser à nos rapporteurs le soin de vous interroger précisément sur les évolutions de votre budget et je vous passe immédiatement la parole.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je suis heureux de vous présenter le projet de budget de mon ministère. Ce budget se différencie des précédentes années sur plusieurs points.
Ce budget est responsable et sérieux. Sérieux parce qu'il participe à l'effort de réduction de la dépense publique. Mais il tient compte aussi des réalités de terrain. Il est donc en rupture avec les économies aveugles qui ont affecté le ministère des affaires étrangères, parfois au risque d'endommager notre outil diplomatique. J'ai demandé et obtenu que soient pris en compte les efforts passés de ce ministère : nous participons à l'effort global mais dans un esprit de justice et de répartition équitable. J'ai rencontré les organisations syndicales qui dans l'ensemble ont trouvé ce budget acceptable.
Ce budget correspond aux priorités que je souhaite mettre en oeuvre et que je vais vous détailler. La promotion de nos intérêts politiques et économiques y est bien sûr centrale. Elle implique une réflexion sur notre présence dans les différentes enceintes internationales, sur nos instruments, sur notre réseau afin de les adapter aux réalités du monde.
Ce budget est donc la traduction du cap que nous avons fixé à notre politique étrangère : participer au redressement de la France dans les différentes dimensions politiques, économiques, financières, budgétaires.
Le budget de la nation pour 2013 se fixe pour objectif un déficit public ramené à 3 %. La dépense publique doit diminuer de 10 milliards d'euros.
Pour tenir cette trajectoire, le cadrage a fixé une diminution de 7 % sur les crédits et de 2,5 % sur les emplois afin de stabiliser l'emploi public.
Le ministère des Affaires étrangères participe à cet effort général de réduction de la dépense publique. La nécessité de justice dans la répartition de ces économies a toutefois conduit à une moindre diminution, qu'il s'agisse des crédits comme des emplois.
Le budget s'élève au total à 4,9 milliards d'euros, soit - 2,4 % par rapport à 2013. Hors dispositifs non pilotables, que sont les contributions obligatoires, l'évolution est de 1,97 %. Cette baisse a été facilitée par des économies de constatation : suppression du programme 332 « Présidence française du G8 et du G20 », baisse de notre contribution au Fonds européen de développement (- 12 %).
Les emplois diminueront pour leur part de 184 ETP, qui intègrent une création de 25 emplois dans le secteur des visas. C'est la moitié de l'application stricte du cadrage qui prévoyait une suppression de 184 ETP par an.
Quelles priorités se dégagent de ce budget ? Je vais les reprendre, programme par programme.
Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » porte, vous le savez, à la fois les contributions obligatoires au système des Nations unies et les moyens dévolus à notre réseau diplomatique. Il s'établit à 1,7 Md€, en augmentation de 4,6 %.
Cette augmentation est principalement liée à nos contributions aux Nations unies, y compris les opérations de maintien de la paix. Il faut souligner à cet égard que la France, avec nos partenaires européens, est très engagée dans l'exigence de maîtrise des dépenses de l'ONU comme des institutions spécialisées.
On entend dire que la France voire l'Europe se désengage du système Onusien. Je voudrais ici rappeler qu'au contraire, l'engagement dans le système multilatéral onusien est un axe structurant de la politique étrangère de la France. Mais en ces périodes de restriction budgétaire, il est nécessaire de veiller à mieux utiliser l'argent public. Les organisations internationales l'ont compris.
Les moyens de fonctionnement de mon ministère sont évidemment indissociables de notre capacité d'intervention. Le budget les concernant tient compte d'urgences liées à plusieurs graves difficultés de fonctionnement.
Nos crédits vont progresser de 6 M€, soit près de 23 % ; Ils permettront la mise en place ou le renouvellement des moyens de surveillance de nos implantations et d'assurer l'augmentation des prestations de gardiennage. La nécessité de mettre à niveau la sécurité de nos implantations est un impératif absolu. Il s'agit de la défense de nos intérêts, de nos agents, des Cette augmentation de crédits a été décidée avant les tragiques événements de Benghazi, à la suite desquels la question de la sécurité de nos implantations s'est trouvée posée à nouveau. Nos agents en poste doivent bénéficier d'une peine sécurité, c'est la moindre des choses pour travailler.
La deuxième préoccupation est liée à nos moyens informatiques. Ce qui est en question, c'est notre capacité à faire circuler l'information en temps réel, avec des garanties suffisantes en termes de sécurité et de capacité de traitement.
Ces garanties n'existent pas actuellement. Je vous donne un exemple. Pendant plus d'une semaine, le serveur principal du Quai d'Orsay, assurant l'ensemble des télécommunications entre la France et nos postes, a été hors d'usage. Pendant une semaine, la correspondance diplomatique a transité par un serveur annexe. Et il n'y a qu'un serveur annexe.
Cette fragilité technique ne peut perdurer. On ne peut parler de modernisation de l'Etat lorsque nos agents sur le terrain sont confrontés quotidiennement à ces réalités, consommatrices de temps et d'énergie. On ne peut alors en exiger davantage d'efficacité.
Les moyens supplémentaires de + 2,5 M€ consacrés à cette ligne sont donc indispensables.
Dernier point sur lequel il était nécessaire d'inverser la tendance, ce sont les moyens de nos ambassades. En raison du change et des inflations galopantes dans certains pays, le pouvoir d'achat s'érode très rapidement.
Afin de maintenir simplement notre capacité à assumer les dépenses incompressibles, nos moyens à l'étranger progressent de 2 %.
Je souhaite rapidement évoquer le sujet de l'immobilier. Des rationalisations sont encore possibles et nous travaillons aux regroupements de nos implantations, particulièrement dans les capitales où nous avons plusieurs représentations. A Paris nous envisageons de vendre une immeuble rue Huysmans. Les regroupements avec nos partenaires européens sont également recherchés, particulièrement avec les Allemands. Le SEAE a lancé une réflexion sur les mutualisations en pays tiers. Nous sommes associés à l'exercice pour identifier des opportunités.
Voilà pour ce qui concerne le programme 105.
Le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » s'élève à 357 M€, en diminution de 3,1 %.
Cette diminution est liée à des économies
de constatation, sur les élections
(- 8,5 M€) et sur
la prise en charge, supprimée à la rentrée 2012 (-
31,9 M€).
La priorité de ce programme, c'est la justice sociale. Les crédits d'aide sociale pour nos compatriotes en difficulté sont maintenus à 19,8 M€.
Les crédits de bourses scolaires augmentent pour leur part de 16,7 M€. Cette augmentation est liée à la mise en oeuvre, à la rentrée 2013, de la réforme sur les bourses scolaires. Les premiers travaux ont été présentés à la Commission nationale des bourses le 10 octobre, qui s'est montrée intéressée par nos propositions. Davantage de familles pourront ainsi prétendre à une bourse. Le mécanisme assure par ailleurs la soutenabilité financière du dispositif.
Les crédits de notre diplomatie culturelle et d'influence, portée par le programme 185, sont quasiment stabilisés (- 0,5 %) et s'établissent à 747 M€ (ou - 1 % T2 compris).
La priorité du Gouvernement en faveur de l'enseignement est appliquée à L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, dont les crédits sont augmentés pour faire face à ses charges salariales notamment les pensions civiles. Son plafond d'emplois est maintenu. L'Agence peut en outre procéder à des recrutements auto financés de 100 emplois supplémentaires par an. Cette priorité traduit l'importance de l'AEFE pour notre diplomatie d'influence. C'est un instrument unique de diffusion du français, de notre culture, de nos valeurs. C'est un instrument incomparable au service de la francophonie. Les 2/3 de ses élèves sont étrangers, qui gardent pour la plupart une fidélité à la France.
Pour maintenir ces liens et en créer d'autres, il faut aussi attirer en France les élites de demain. Les bourses d'études le permettent. Je propose la stabilisation de ces crédits, tout particulièrement ceux dédiés à nos programmes d'excellence (Eiffel, Major, quai d'Orsay/Entreprises). Il y a une demande très forte, je l'ai constaté récemment en m'entretenant avec le Président Egyptien.
Concernant notre diplomatie culturelle, les crédits budgétaires sont en baisse, vous l'aurez noté : - 6 % sur les interventions, - 3 % sur le fonctionnement. Mais cela ne signifie pas que cette politique, fondamentale pour notre influence, est remise en cause. Au contraire, cette stabilité est la traduction du dynamisme et de la capacité de notre réseau culturel, qui achève en 2013 sa rationalisation, à s'autofinancer.
Vous le verrez dans les indicateurs de performance présentés dans le PAP : 50 % d'autofinancement en moyenne se consolident.
Notre réseau culturel développe également ses cofinancements : il a levé 145 M€ en 2012, après un pic exceptionnel atteint en 2011 de 175 M€, malgré une conjoncture économique assez morose.
Ce dynamisme se retrouve également dans le réseau des Alliances françaises, que nous subventionnons pour 445 d'entre elles, près de la moitié, directement avec 7,3 M€ de subventions et 321 mises à disposition de personnels.
L'opérateur culturel qu'est l'Institut français occupe évidemment une place de choix dans ce dispositif. Certes, à l'instar des crédits du réseau, sa subvention diminue, comme son plafond d'emplois. Mais l'Institut doit développer également du mécénat pour se donner un autre souffle. S'il se trouvait freiné dans ses activités, j'envisagerai des mesures en gestion pour compenser ces diminutions.
En matière d'aide au développement, le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » diminue essentiellement en raison des économies de constatations liées aux dispositifs non pilotables que sont le Fonds européen de développement et les « contrats » désendettement développement, qui baissent considérablement.
Je parle en autorisations d'engagement, qui correspondent à notre capacité à lancer des projets : la baisse de 8,3 % du programme est ramenée à 3,8 % hors dispositifs non pilotables.
J'ai veillé à préserver l'instrument essentiel de notre coopération bilatérale : les dons-projets. Conformément à l'engagement du Président de la République, ils augmentent de 9 millions d'euros pour prendre en compte le doublement en cinq ans de notre engagement auprès des ONG.
Et parce qu'il n'était plus possible de reculer encore comme donateur aux Fonds et programmes des Nations unies, les contributions volontaires sont stabilisées.
Enfin, sont maintenus également nos crédits pour la francophonie multilatérale.
Je finirai par le réseau de la France à l'étranger.
Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, il est impératif de réfléchir à notre présence à travers le monde, à notre efficacité, aux modalités d'exercice de nos missions à l'étranger. Il faut réaménager sans cesse cet outil pour l'adapter aux réalités faute de quoi, il risque d'être « sabré ».
C'est un chantier lourd et difficile. De nombreux paramètres doivent être pris en considération : nos priorités géographiques issues de nos intérêts politiques et économiques ; l'accompagnement des communautés françaises à l'étranger, en perpétuelle croissance ; l'influence de notre culture et les attentes envers « l'équipe France » pour nombre de pays, pour qui la France représente un modèle.
Ces réflexions seront nourries du résultat de plusieurs missions que j'ai demandées. Le Directeur général de l'administration sera chargé de me proposer des scénarios. Cette réforme sera menée, j'y insiste, dans le respect du dialogue social. Je l'ai déjà évoqué avec les organisations syndicales, notamment lors du dernier Comité technique ministériel.
Cette réflexion ne peut se limiter aux réseaux du ministère des Affaires étrangères. Elle doit intégrer l'ensemble des services de l'Etat à l'étranger.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, voilà les grandes priorités que sous-tend le budget que je vous présente. Je suis à présent à votre disposition pour répondre à vos questions.
M. Alain Gournac - La diplomatie économique est l'une des priorités de votre action. Pourtant, aucun moyen budgétaire n'est prévu pour sa mise en oeuvre. De plus, le dispositif français d'aide aux entreprises à l'étranger est déjà très éclaté, comme l'a fait observer la Cour des Comptes en 2011, avec de nombreux intervenants : UbiFrance, les missions économiques, les chambres de commerce, les collectivités territoriales... N'allez-vous pas contribuer à rajouter encore de la complexité à ce dispositif dispersé ?
Quelles sont vos orientations en matière de réorganisation du réseau immobilier à l'étranger ? Quelle utilisation imaginez-vous pour le château de la Celle Saint-Cloud ?
La sécurisation des postes diplomatiques figure au rang de vos priorités budgétaires. Mais l'enveloppe est-elle suffisante au regard de l'accroissement des menaces dans certaines régions du monde ?
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - La diplomatie économique ne requiert pas à mon sens de moyens supplémentaires, mais une meilleure coordination des différents acteurs, qui sont en effet nombreux : UbiFrance, les départements, les régions... J'ai d'ailleurs demandé un rapport sur la coopération décentralisée. Pourquoi ne pas envisager que les régions puissent s'installer dans les locaux de l'État à l'étranger ? Le but est de parvenir à une meilleure synergie entre les différents acteurs pour être plus efficace.
Le château de la Celle Saint-Cloud résulte d'une donation particulière aux ministres successifs des affaires étrangères. Il a été diversement utilisé par mes prédécesseurs et n'est malheureusement pas bien entretenu. Je réfléchis au moyen de mieux l'utiliser et d'assurer sa rénovation, peut-être grâce au mécénat. En tout état de cause, les termes mêmes de la donation limitent très étroitement l'usage qui peut en être fait.
La sécurisation des postes diplomatiques est une priorité. L'assassinat de l'ambassadeur américain à Benghazi vient de nous le rappeler, même si cette triste affaire est sans doute plus compliquée qu'il n'y paraît. Vous n'êtes pas sans savoir que le Parlement américain a constitué une commission d'enquête sur ce sujet, qui devient un enjeu des élections présidentielles américaines. Il n'en demeure pas moins que dans le monde troublé dans lequel nous vivons, nous devons rester attentifs, en particulier en Afrique - surtout dans le Sahel-, en Afghanistan...
M. Jean-Louis Carrère, président - Nous sommes menacés...
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - .. En effet. Assurer la sécurité des agents est une des mes préoccupations fortes. Nous prévoyons plus de crédits que les lois de finances précédentes, mais si l'enveloppe s'avère insuffisante, il faudra l'abonder.
M. Robert del Picchia - Nous aurons l'occasion de revenir au cours d'autres auditions sur la suppression de la prise en charge de la scolarité (PEC). Permettez-moi juste de souligner que la communication a été mauvaise sur ce sujet, car en réalité une partie seulement de l'enveloppe budgétaire a été reportée sur les bourses, contrairement à ce qui était annoncé.
Quelles sont vos orientations pour l'évolution du réseau consulaire ? Quelles instructions avez-vous données à l'ambassadeur Lequertier chargé d'une mission sur ce sujet ? Vous avez lancé la réforme de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui doit aboutir d'ici quelques mois. Faudra-t-il reporter les élections prévues en juin prochain ?
S'agissant enfin de l'anticipation prospective, sur laquelle j'avais présenté il y a deux ans un rapport d'information au nom de la commission, qui avait fait quelque bruit, nous avons pu lire dans la presse qu'un remplacement du directeur de la prospective était envisagé. Quels sont vos projets ?
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Je n'ai pas donné de directives particulières pour la réforme du réseau consulaire, si ce n'est qu'il devrait être plus efficace, reposer sur un fonctionnement moins bureaucratique, améliorer la qualité du service rendu pour la délivrance des visas, et enfin être adapté aux besoins actuels des communautés françaises vivant à l'étranger. Le rapport Lequertier devrait être rendu pour la fin de l'année. Pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger, si un report est nécessaire, nous le ferons, mais pour l'instant rien n'est décidé.
La direction de la prospective fait un travail très utile, mais il faut que ses travaux irriguent mieux notre outil diplomatique. La vision de long terme est nécessaire, mais il faut qu'elle soit utilisable. Jusqu'à présent, ses travaux étaient soit très spécialisés, soit au contraire assez proches du contenu des télégrammes diplomatiques. Il faut définir des priorités, un programme de travail... La presse a évoqué un vaste mouvement de changement de personnel au Quai d'Orsay. J'avoue que je l'ignorais ! Je suis au contraire très soucieux de m'attacher, pour les questions de personnel, à la seule compétence des agents. Je dois dire d'ailleurs que j'ai trouvé au Quai d'Orsay une administration à la fois professionnelle et compétente, à laquelle je voudrais rendre tout particulièrement hommage, et qui n'a rien à envier à celle de Bercy, dont j'ai déjà l'expérience.
M. Jean Besson - La fusion des établissements à autonomie financière (EAF) et des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) s'achève. C'est une bonne chose. Les nouvelles entités prennent le nom d'instituts français ce qui leur donne une véritable lisibilité. Cependant, la diminution de crédits dans le projet de loi de finances n'est pas négligeable comme les réductions d'emplois. Comment allez-vous procéder ? Dans quelle zone géographique et sur quels emplois allez-vous agir ?
Avez-vous déjà des éléments de bilan de l'expérimentation du rattachement de ses entités à l'opérateur « Institut français » dans 12 pays ? Nous avons pu vérifier comment cela se mettait en place à Belgrade et nous avons trouvé que cela se présentait de façon positive. Cette expérimentation va-t-elle se poursuivre malgré les diminutions de crédits ?
M. René Beaumont - La subvention à Campus France est maintenue, mais cet établissement nouveau doit absorber les activités internationales du Centre national des oeuvres universitaires et sociales (CNOUS) sans moyens nouveaux. Une réforme des bourses est annoncée pour 2013, pouvez-vous en esquisser les orientations ? A quel moment les commissions parlementaires seront-elles saisies pour avis du contrat d'objectifs et de moyens de Campus France ?
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - La subvention à Campus France est maintenue, son chiffre d'affaire également grâce aux bourses. Il est prévu l'intégration de 39 « équivalents temps plein » (ETP) du CNOUS. Le contrat d'objectifs et de moyens devraient être transmis pour avis d'ici la fin de l'année. L'établissement devrait pouvoir fonctionner correctement en 2013.
S'agissant de l'expérimentation du rattachement du réseau culturel l'Institut Français, nous aurons un rapport à la fin du premier semestre de 2013 qui devrait nous permettre de trancher. Ce qui est fait est assez bien reçu. Pourra-t-on généraliser ? Il faudra regarder cela dans le détail, en tenant compte de nos travaux généraux sur le réseau.
En matière de diplomatie culturelle et d'influence, je pense que nous devrions donner des priorités aux pays émergents, catégorie hétérogène qui va au-delà des seuls BRICS. D'autres pays à fort potentiel comme la Colombie, l'Indonésie ou la Turquie devraient recueillir plus d'attention. Cette catégorie est intéressante également en termes politiques et économiques. J'ai demandé au centre de prospective une étude sur la possibilité construire d'une politique vis-à-vis des pays émergents et cela peut avoir des conséquences sur l'adaptation de notre outil diplomatique culturel.
M. Jean-Claude Peyronnet - Avez-vous l'intention de mettre en oeuvre l'engagement du président de la république de présenter au parlement une loi de programmation sur la coopération au développement ? S'agissant du doublement des fonds transitant par les ONG, avez-vous prévu un dispositif d'évaluation des projets ainsi financés ? J'ai enfin une question et une remarque relatives à la diplomatie économique. Je reviens d'un voyage d'étude en Chine où j'ai visité les installations d'une entreprise de chauffage urbain dans une ville de 200 000 habitants. Cette installation constitue une vitrine du savoir-faire français ; elle est parait-il visitée par de nombreux élus des villes chinoises avoisinantes. Or, je me suis rendu compte que ni l'entreprise concernée, ni le consulat ne disposaient des coordonnées des élus qui ont visité ces installations. C'est un exemple très ponctuel mais assez significatif. Il aurait été évidemment tout à fait intéressant pour développer l'activité de cette entreprise que ces informations soient recueillies et exploitées.
M. Christian Cambon - Ma question porte sur l'action européenne en faveur du développement. La France y participe pour un montant supérieur à 1 milliard d'euros. L'Europe est un acteur majeur de l'aide au développement au niveau mondial et finance près de 60 % de l'APD mondiale et pourtant on constate sur le terrain avec mon collègue co-rapporteur Jean-Claude Peyronnet, au Mali ou à Madagascar, une grande dispersion des initiatives et peu d'évaluations. Ne croyez-vous pas qu'il serait temps de prendre une grande initiative européenne en matière de coopération ? Le voyage que vous avez effectué en Afrique avec le président de la République aurait pu être une occasion de proposer une avancée dans ce domaine. Vous qui êtes un ministre expérimenté et écouté, ce qui n'est pas le cas de tous vos collègues, vous pourriez mener à bien cette réforme.
M. Laurent Fabius - Il est effectivement dans notre intention de mettre en oeuvre la promesse du candidat François Hollande de proposer au parlement une loi de programmation sur la coopération au développement. Il faut toutefois que ce projet de loi ait une consistance et ne soit pas de la « poudre aux yeux ». Le ministre délégué au développement organise des assises du développement afin de fédérer les réflexions sur la politique dans ce domaine. Il y aura plusieurs types d'ateliers, une synthèse sera effectuée, le projet d'une loi de programmation pourrait figurer parmi les idées retenues par les assises.
S'agissant de l'aide aux ONG, les règles de fonctionnement de l'AFD s'appliqueront. Je crois que ces subventions sont gérées avec rigueur. Je suis évidemment d'accord avec vous pour que les projets financiers fassent l'objet d'une évaluation. Il ne s'agit pas d'une manifestation de méfiance, mais de la nécessité de rendre compte de l'utilisation de l'argent public.
Ce que vous me dites à propos de votre séjour en Chine ne fait que renforcer mon sentiment sur la nécessité de mobiliser l'ensemble des énergies du réseau diplomatique français pour accroître notre présence économique à l'étranger. Je partage en grande partie le constat de M. Cambon sur la coopération au développement européenne. L'Union est le plus grand bailleur de fonds au monde et pourtant, cela ne se voit pas, cela ne se sait pas. Il est vrai que la France pourrait être à l'origine d'une plus grande coordination des bailleurs de fonds européens, c'est le sens de la construction européenne. Des initiatives sont prises dans ce sens. Par exemple, hier à Luxembourg, les ministres des affaires étrangères européens ont décidé d'augmenter leurs contributions à la formation de cadres militaires maliens. Je partage avec vous l'idée que l'Europe doit porter une politique de coopération ambitieuse et ne pas se résumer à être ce que certains appellent une grosse ONG.
M. Daniel Reiner - Nous venons de conduire, au sein de la commission, toute une série d'auditions sur la Syrie, entendant tour à tour les ambassadeurs ou leurs représentants des pays voisins (Liban, Jordanie, Turquie) mais aussi des pays concernés par le règlement du conflit (Russie, États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne). Nous avons le sentiment que sur cette crise est épouvantable, mais qu'elle est inextricable. Comment la diplomatie française agit-elle? Tous les pays recherchent la solution mais les voies sont différentes. Plus personne ne soutient véritablement Bachar el-Assad et nombreux sont ceux qui cherchent un autre interlocuteur. Tout le monde s'interroge sur l'après, avec des interrogations compte tenu des développements observés en Libye et même en Tunisie et avec des inquiétudes fortes dans les pays voisins comme le Liban et la Jordanie, car la Syrie est un pivot dans cette région.
M. Jean-Louis Carrère, président - Nous avons retiré la même impression après nos contacts à New York à l'occasion de l'Assemblée générale des Nations unies. Je suggère que nous demandions au ministre une audition spécifique sur cette question.
M. Yves Pozzo di Borgo - Sur la diplomatie économique, je m'interroge sur la répartition des compétences en matière de diplomatie économique entre le Ministère des Finances et notamment sa puissante direction du Trésor et votre ministère. Qui aura autorité sur qui pour conduire cette politique ?
M. Pierre Bernard-Reymond - Je constate une diminution progressive des ressources propres au sein du budget de l'Union européenne. Elles ne représentent plus que 14 %. Cette « renationalisation » des ressources a pour conséquence d'accroitre les tensions entre les membres surtout en période de crise économique. Pourquoi ne pas affecter le produit de la taxe sur les transactions financières dont la création est envisagé ce dont je me réjouis au budget de l'Union européenne.
Mme Nathalie Goulet - Je souhaitais aborder la question de la diplomatie économique, j'ai tenté de faire des propositions sur ce sujet à votre prédécesseur, sans beaucoup de succès. Par ailleurs, puis-je suggérer que le montant du prix Nobel attribué à l'Union européenne soit affecté à l'aide au développement.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Il n'est peut-être pas raisonnable d'aborder un sujet complexe, comme la situation de la Syrie, aujourd'hui car cela supposerait des développements longs. Je reste à la disposition de la commission pour l'aborder plus longuement à l'occasion d'une audition particulière qui pourrait, si vous en êtes d'accord comprendre également la situation au Sahel et les relations avec l'Iran.
S'agissant de la diplomatie économique, il est vrai que nous ne nous sommes pas lancés dans un meccano administratif à Paris, pour quel résultat ? Nous travaillions bien ensemble avec le ministère des finances. J'ai créé une direction des entreprises au sein du ministère des affaires étrangères. J'ai recruté comme directeur un ancien diplomate qui vient de passer dix ans chez Axa. Il va disposer de moyens en personnel non négligeables. On va essayer de faire travailler tout le monde ensemble. Je reçois régulièrement des chefs d'entreprise. Sur le terrain, les ambassadeurs ont une mission de coordination des services de tous les ministères et au-delà de certains services para-administratifs. On fera un bilan dans six mois.
Je suis satisfait des perspectives d'instauration de la taxe sur les transactions financières, 11 pays dont l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne se sont déclarés favorables, mais il reste maintenant à concrétiser ces intentions. Il y a plusieurs projets. La France, par sagesse, s'est ralliée à celui de la commission. Il n'y a pas à ce stade de proposition uniforme d'affectation du produit de la taxe. La base devra être commune, mais l'application pourra être diverse. Pour la France, nous avons l'intention d'en affecter une partie aux ressources propres et une part de 10 % au développement. Il y a également en perspective l'idée d'un budget européen spécial pour des actions dans le cadre de la zone euro et de faire converger les deux mécanismes par affectation de ressources propres, comme la taxe, à ce budget. Toutefois, il ne faudrait pas que cela conduise certains États non membres de la zone euro à entrevoir dans ce budget un moyen de s'exonérer de leur participation à certaines dépenses de l'Union par transfert de charges d'un budget à l'autre.
J'accueille volontiers les suggestions en matière de diplomatie économique.
Loi de finances pour 2013 - Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense
Puis la commission auditionne M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2013.
M. Jean-Louis Carrère - Monsieur le ministre, au nom de tous mes collègues, je vous souhaite la bienvenue dans cette commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, pour le début de l'examen budgétaire, dans une configuration politique inédite sous la Vè République.
En dépit de ces changements, vous trouverez « face à vous » ou « à vos côtés », ce sera en fonction des dossiers, une commission sénatoriale fidèle à ses traditions, en particulier la formation du consensus national, la cohésion de ses membres et le caractère bipartisan de ses travaux. Je devrais dire, en fait, « transpartisan », car il ne s'agit pas d'un accord entre les groupes PS et UMP, mais davantage d'un état d'esprit affectant tous les sénateurs quelle que soit leur appartenance politique. Ce caractère transpartisan donc, vous le savez, se retrouve notamment dans le principe des binômes majorité-opposition pour les rapports budgétaires ou d'information, mais aussi dans des prises de positions publiques, je pense en particulier aux drones ou à la fusion EADS-BAE, qui reflètent fidèlement cet état d'esprit qui préside aux travaux de notre commission.
Je comprends, à la lecture des informations déjà rendues publiques sur le budget de la défense pour 2013 que vous venez nous présenter, que l'essentiel a été préservé, mais vous allez-nous en dire plus, et surtout qu'il s'agit d'un budget d'attente. Attente du résultat des travaux du Livre blanc et c'est une excellente chose, puisque nous avions demandé à l'été que les choix définitifs en matière budgétaire puissent s'inscrire dans la suite d'une révision de l'analyse stratégique et non pas qu'ils la précèdent. Il faudra veiller néanmoins à ce que la loi de programmation des finances publiques ne préempte pas nos décisions.
Ce budget est également un budget d'attente de la loi de programmation militaire (LPM) qui sera élaborée dans la foulée et dont j'ai compris que votre objectif était qu'elle soit adoptée par le Parlement au plus tard en juillet 2013. Je devrais dire, du reste, en juin et non pas en juillet, car je ne suis pas un adepte des sessions extraordinaires et je voudrais rappeler que nous avons instauré la « session unique » précisément pour ne plus avoir à multiplier les sessions extraordinaires et les séances de nuit.
Je voudrais vous livrer trois réflexions introductives.
La première est que, si on peut être rassuré par le budget 2013, on ne peut être qu'inquiets des perspectives budgétaires qui circulent au sein de la commission du Livre blanc. Il semblerait que l'équation budgétaire envisagée repose sur une réduction des crédits de la mission défense de 10 % sur l'exercice, ce qui porterait l'effort français aux environs de 1,3 % du PIB à la fin de la programmation. Autant vous le dire tout de suite : cette équation n'est pas acceptable. Nous sommes bien conscients de la nécessité de réduire nos dépenses publiques et de faire des efforts budgétaires. Mais la défense n'est pas, ne peut pas être, ne peut plus être une variable d'ajustement. Il en va de la cohérence de nos forces armées, de notre souveraineté et surtout de notre liberté. On ne rappellera jamais assez que de notre sécurité dépend la bonne marche de l'ensemble des autres secteurs d'activité. Je reviens de New York et l'observatoire mondial qu'est l'ONU permet de mesurer à quel point l'influence et le rayonnement de notre pays repose, bien sûr, sur notre diplomatie, mais aussi sur notre puissance militaire et notre contribution au maintien de la paix. Diminuer nos moyens militaires, c'est diminuer notre place dans le monde, c'est perdre en crédibilité internationale.
La seconde est que, si je me permets de faire état publiquement de ces chiffres, c'est que le lendemain même où ces hypothèses ont été évoquées, sous le sceau de la confidentialité, les chiffres sortaient sur les blogs. Donc je veux bien qu'on impose aux parlementaires des règles d'étanchéité, mais ces règles doivent s'appliquer à tous.
Troisièmement, je voudrais que vous nous parliez également de la fusion avortée entre EADS et BAE. Nous sommes quelques uns ici à y voir un échec terrible pour la défense européenne et au-delà pour l'Europe tout court. Tous ceux qui se réjouissent de cet échec feraient bien de méditer le fait que sans séries de commande suffisamment importantes, il n'y aura tout simplement plus de commandes et donc tout simplement plus d'industrie aéronautique de défense européenne dans vingt ans. Ce n'est pas une question de romantisme pro-européen. C'est une simple question de mathématique et ce que nous avons pu constater avec dépit dans l'affaire des drones MALE pourrait n'être qu'un prélude sur ce qui va se passer sur les segments plus technologiques, comme les UCAV ou l'aviation de combat.
La presse semble dire que le gouvernement allemand porte la plus grande responsabilité de cet échec. Est-ce vrai ? Nous aimerions bien comprendre les motivations qui ont poussé les uns et les autres à ce blocage afin qu'il ne remette pas en cause l'ensemble de notre coopération militaire avec ce pays.
Monsieur le ministre, je vous donne la parole pour nous présenter votre budget pour 2013 avant de permettre à nos rapporteurs d'intervenir.
M. Jean-Yves le Drian, ministre de la défense - Monsieur le Président, pour répondre sans tarder à votre question sur la trajectoire financière, je voudrais dire à titre liminaire que la Commission du Livre blanc doit poursuivre ses travaux dans la sérénité. Les conjectures des pronostiqueurs restent des conjectures et les bloggeurs ne sont pas les décideurs. Je ne dis pas que les choses seront faciles, mais je ne veux pas préjuger de ce que seront les arbitrages politiques qui seront rendus au plus haut niveau de l'Etat. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faudra pas faire des choix, car quel que soit le niveau de l'effort de défense, il faudra se replacer dans une trajectoire réaliste.
Le budget 2013 de la mission « Défense » s'inscrit en effet résolument dans la perspective, souhaitée par le Président de la République et portée par l'ensemble du Gouvernement, de revenir à 3% de déficit à la fin de l'année 2013 et à l'équilibre budgétaire à la fin du quinquennat. Lors de notre première rencontre, je vous avais indiqué dans quel état d'esprit nous abordions les négociations budgétaires : conscients de la nécessité de prendre part, à l'égal des autres missions de l'Etat, à l'effort de redressement, mais en même temps déterminés à préserver nos capacités en ce qu'elles ont d'essentiel. Cela, pour être à la hauteur d'un contexte stratégique qui nous mobilise beaucoup, mais aussi pour ne pas anticiper sur la période post-Livre blanc, qui sera celle des choix décisifs. Le budget que je vous présente aujourd'hui tient compte de ce double impératif. La défense consent un effort important, dans le contexte de contraintes fortes, mais nous tenons nos engagements en nous préservant de mesures irréversibles. C'est donc un budget de transition, dans l'attente de la future loi de programmation militaire qui suivra les conclusions du Livre blanc.
J'en profite pour rendre à nouveau hommage au travail préparatoire de votre commission sénatoriale, dont les huit rapports d'information, publiés en juillet, irriguent actuellement les travaux de la Commission avec le plus grand profit. Il y a là un travail de fond que je tenais à saluer.
Je vais évidemment entrer dans le détail du projet budgétaire. Mais je voudrais simplement souligner, en préambule, que ce budget prend également place dans un contexte européen. Des pays aussi importants que l'Espagne et le Royaume-Uni ont décidé des coupes sévères dans leur budget de défense, coupes qui ne manqueront pas d'avoir des effets sur les capacités. Pour mémoire, le budget de défense espagnol diminue de 6% en 2013 par rapport à 2012, et celui du Royaume-Uni de -8 % sur quatre ans. Sur le même sujet, j'ai été frappé lors de la réunion des ministres de la défense de l'OTAN, le 9 octobre, de constater que la quasi-totalité de mes collègues européens, et même mon homologue américain, toutes choses égales par ailleurs, étaient dans une tendance de baisse de leurs efforts de défense pour des raisons de nature budgétaire. Nous n'en sommes pas aux niveaux annoncés par certains. Je me suis attaché à préserver les crédits défense, qui sont donc stables pour 2013. Mais il est clair que le contexte est difficile pour tous en Europe, et je constate les réductions opérées par nos voisins et amis britanniques et espagnols avec d'autant plus d'inquiétude que les menaces nouvelles apparaissent sans que les menaces anciennes disparaissent. C'est dans ce contexte que la question de l'Europe de la défense se pose avec acuité. Aujourd'hui, avec nos amis européens, nous avons l'obligation d'être ambitieux. La mutualisation est plus que jamais l'une des pistes, pas la seule, qui peut nous permettre de résoudre l'équation quasi impossible entre le contexte géostratégique et la situation budgétaire.
J'en viens au coeur de mon propos, avec la présentation du budget, et je commence par vous indiquer que le plafond de ressources de la mission « Défense » tient d'abord compte des besoins de financement hérités de la programmation militaire en vigueur. La LPM 2009-2014 prévoyait une ressource de 128,8 milliards d'euros pour la période 2009-2012, mais les ressources effectives se sont progressivement écartées de la trajectoire initialement prévue. En définitive, la mission « Défense » a bénéficié de 125,8 milliards d'euros. A la fin de cette année, ce sont donc près de 3 milliards d'euros qui manqueront pour financer les besoins de la défense. Ce manque de ressources est corroboré par les travaux de la Cour des comptes qui évaluaient la perte à 4,1 milliards d'euros mais en incluant une année de plus, donc 2009-2013.
Cette divergence entre les ambitions et les moyens finalement alloués, entre l'affichage et la réalité concrète, a généré un certain nombre de difficultés dans la mise en oeuvre des contrats opérationnels tels qu'ils avaient été définis par le Livre blanc de 2008.
L'autre logique qui a présidé à la définition de ce budget, c'est donc la détermination de la Défense à participer de façon équitable à la politique de maîtrise de la dépense publique qui est portée par l'ensemble du Gouvernement. L'objectif est bien une stabilisation stricte en valeur de la dépense de l'Etat, hors charge d'intérêt de la dette et hors contribution aux pensions des fonctionnaires. Le budget de la Défense réalise cette stabilisation des crédits. Concrètement, les ressources totales pour 2013, 31,4 milliards d'euros, sont identiques à celles de 2012.
Comme vous le savez, un projet de loi de programmation a été déposé en parallèle, qui prévoit le rétablissement de nos finances publiques en 2017. Les crédits budgétaires de la Défense seront stables jusqu'en 2015. Il s'agit d'une donnée d'entrée qui a été portée à la connaissance de la commission chargée du Livre blanc. A elle, ensuite, de faire des propositions y compris sur la trajectoire financière de la Défense. Le gouvernement n'a pris à ce stade aucune orientation financière de long terme, hormis ce budget pour 2013 et ce projet de loi de programmation.
Le Président de la République avait annoncé 10 milliards d'euros d'économies pour 2013 sur les dépenses publiques. Nous y contribuons à hauteur de 2,2 milliards d'euros. Ces économies correspondent à une diminution de nos besoins de paiements par rapport à la trajectoire prévue en programmation.
Dans cette perspective, les armées et les services du ministère se sont mobilisés pour identifier des sources d'économies réalisables en 2013, sans compromettre l'avenir. Nous en avons identifié trois.
Nous allons d'abord faire des économies sur le fonctionnement courant. Les dépenses en la matière diminuent de 7 % entre 2012 et 2013, ce qui place le ministère de la défense dans le strict respect de la règle fixée par le Premier ministre pour l'ensemble des administrations de l'Etat. Cela, je le précise car c'est une autre nécessité, sans compromettre le fonctionnement opérationnel de nos armées. Ainsi, les subventions pour les opérateurs ont été révisées à la baisse. Il en va de même du parc de véhicules légers de la gamme commerciale du ministère réduit à 13 000 véhicules d'ici 2014. Les dépenses de communication sont diminuées de près de 10 %.
Efforts, ensuite, sur la masse salariale, hors pensions et hors opérations extérieures (OPEX), qui est maîtrisée et diminue de 0,7 % entre 2012 et 2013. C'est la baisse des effectifs, conformément à la loi de programmation encore en vigueur, qui prévoit 7 234 suppressions d'emploi nettes en 2013. Cette contrainte ne nous interdit pas de définir des priorités. C'est ainsi que l'on crée 164 postes pour la fonction « connaissance et anticipation » et la cyberdéfense. Ce sont en effet deux priorités qui doivent être renforcées et je suis convaincu qu'elles le seront dans les années qui viennent.
Sur la masse salariale, je voudrais ajouter que les dépenses de personnel ont été budgétées avec sincérité. Les 11,2 milliards d'euros de masse salariale, hors pensions et hors opérations extérieures, correspondent au même montant qu'en 2012 mais avec des effectifs qui auront été diminués en 2013. Le ministère obtient donc cette année des crédits fixés au juste niveau. Il met fin à plusieurs années de sous-évaluation de la budgétisation des crédits de titre 2, qui se traduisait nécessairement par des compléments de ressources de la masse salariale en cours d'année. Ce sera encore le cas cette année.
Pour les militaires, l'ajustement portera inévitablement sur la pyramide des grades. Ces dernières années, il y eut un renforcement des grades les plus élevés. Nous devons réexaminer ces évolutions, notamment au regard de l'allongement de la durée des carrières. Je suis bien conscient de l'importance que revêt l'avancement pour la communauté militaire. Pour elle, l'accession au grade supérieur représente la reconnaissance des mérites et du travail accompli. C'est la traduction concrète de l'ascension sociale qui fait aussi la force de nos armées. C'est pour cela que j'ai obtenu, dès à présent, que les décrets d'avancement 2012 ne soient pas remis en cause.
S'agissant des tableaux d'avancement pour 2013, le flux d'avancement sera réduit par rapport à 2012. Mais le volume de réduction pour 2013 n'est pas fixé à 30 % pour tous, car il ne s'agit à ce stade que d'un plafond qui n'est en aucun cas une mesure de portée générale. Ce volume ne sera définitivement fixé qu'à l'issue d'une étude, confiée conjointement à l'Inspection générale des finances et au Contrôle général des armées, qui nous donnera une vision objective de la situation pour 2013. Cela veut dire que les commissions d'avancement se réuniront dans les semaines à venir selon la procédure normale, afin que leurs travaux débouchent sur la publication des tableaux d'avancement en fin d'année, comme à l'accoutumée en poursuivant le processus de « dépyramidage ».
Un effort particulier en ce sens est prévu pour 2013. Je sais être en mesure de respecter le budget global 2013 tout en préservant le niveau d'avancement nécessaire pour que les dossiers de tous ceux qui peuvent prétendre au grade supérieur puissent être examinés de manière équitable et juste.
Ici, permettez-moi de faire un aparté. Je voudrais profiter du volet ressources humaines pour vous dire quelques mots du logiciel « Louvois », qui devait permettre au ministère de la défense de simplifier le processus de gestion des ressources humaines et la fonction solde. A l'occasion de plusieurs déplacements récents dans les forces - en particulier au troisième régiment d'infanterie de marine et au quatre-vingt-troisième régiment de montagne de Varces, j'ai pu constater que ce n'était pas le cas. J'ai rencontré des gens désemparés, pris dans des situations abracadabrantes. J'ai pris toute la mesure des dysfonctionnements, dans le paiement des soldes, qui sont inacceptables. A l'origine des problèmes, il y a trois raisons : bien sûr le logiciel lui-même qui bogue plus souvent qu'à son tour; ensuite, alors que la marine a basculé relativement bien, l'armée de terre a rencontré plus de problèmes, avec de nombreux dossiers laissés en plan pour privilégier la mise en oeuvre du logiciel ; enfin au même moment, la mise en oeuvre des bases de défense a été menée tambour battant, la défense n'étant pas prête à supporter toutes les réformes, et la perte des repères consécutive a ralenti la remontée des informations et l'identification des dysfonctionnements. Sans plus tarder, j'ai décidé des mesures très fortes, par un plan d'action qui va permettre, par la mise en place d'un numéro vert, d'un groupe d'utilisateurs, de dispositifs de contrôle, surtout par le renforcement du centre de Nancy avec d'anciens soldiers, de donner un coup d'accélérateur aux 10 000 dossiers qui sont toujours en attente de régularisation. Je vais à nouveau effectuer une visite sur le sujet demain à Rambouillet. Je voulais vous en parler parce que, dans un contexte difficile pour les hommes et les femmes de la défense, nous devons être vigilants sur tous les points où l'institution pourrait manquer de respect à leur égard. Ne pas arriver à payer à temps un soldat qui rentre d'Afghanistan, c'est bien une question de manque de respect. Cela va donc changer. Je vais y veiller. J'ajoute que lors de mes derniers déplacements, notamment sur la base de défense d'Orléans-Bricy, d'autres sujets sont apparus, comme le remboursement des frais de mission, ou la mise à jour des dossiers de retraite. Ce sont autant de sujets sur lesquels il faut être particulièrement vigilant. Je le suis, comme je suis déterminé à tout mettre en oeuvre pour régler ces difficultés.
Je reviens aux sources d'économies réalisables pour dire que nous ferons porter nos efforts également sur les équipements. Près de 5,5 milliards d'euros de commandes prévues en 2012 et 2013 ont été décalées, dont près de 4,5 milliards d'euros sur les seules opérations d'armement, hors la dissuasion qui, conformément à l'engagement du Président de la République, est préservée. Mais là encore, les aménagements retenus permettent de limiter la dépense de l'Etat en 2013 sans remettre en cause les contrats en cours, ni anticiper les choix qui sortiront du nouveau Livre blanc et de la future LPM. Ces décalages ne sont pas irréversibles tant sur le plan industriel que sur le plan capacitaire. Certains reports sont des mesures techniques pour lisser nos dépenses. Ainsi le quatrième Barracuda est reporté de quelques mois, sachant que cette décision n'obère pas le plan de charge de DCNS. D'autres reports sont étroitement liés aux choix qui nous seront proposés par le nouveau Livre blanc. Il s'agit notamment du programme Scorpion, de modernisation de l'ensemble des véhicules blindés de l'armée de terre ; sa commande est reportée mais sans conséquence industrielle majeure. C'est un ensemble de mesures décalées de six mois ou un peu plus qui nous permettent de faire des économies dès cette année.
Voilà les efforts d'économie que nous engageons, pour inscrire ce budget dans une trajectoire qui est cohérente avec la programmation en cours et à venir, mais aussi avec la politique de maîtrise de la dépense publique du Gouvernement.
Mais les efforts, c'est aussi ceux que nous déployons pour garantir, dans un contexte difficile, les ressources qui sont essentielles à nos armées comme aux services du ministère. Ici, nous avons déterminé un certain nombre de priorités. Avec vous, je voudrais détailler celles qui nous ont semblé les plus cruciales, concernant l'activité et l'équipement des armées.
Le financement de l'entraînement et de l'activité opérationnelle des forces, d'abord, est une priorité que nous avons souhaité renforcer, à un moment où le désengagement d'Afghanistan va avoir des conséquences importantes dans ces domaines. Il est primordial que le niveau de préparation opérationnelle que les unités ont acquis en opérations extérieures soit préservé. Les crédits d'entretien du matériel, de fonctionnement opérationnel et de carburant progressent ainsi de près de 300 millions d'euros par rapport aux crédits de 2012. C'est un choix, une volonté que j'ai tenue à manifester dans cette décision très significative qui vise donc à préserver le taux d'activité des unités et le taux de disponibilité des matériels.
Ainsi, le financement de jours de préparation opérationnelle de l'armée de terre supplémentaires, pour compenser la moindre activité opérationnelle liée au désengagement progressif d'Afghanistan, est assuré. L'armée de terre bénéficiera de 105 jours de préparation et d'activité opérationnelle, soit exactement comme en 2009.
Dans le même esprit, nous maintenons la provision budgétaire pour les opérations extérieures. La France est actuellement engagée dans une vingtaine d'OPEX. Vous savez que les surcoûts générés par ces opérations sont provisionnés en partie dès la construction du budget. La dotation qui les finance partiellement est maintenue pour 2013, ce qui représente 630 millions d'euros. J'ai souhaité maintenir ce mode de financement, complété en gestion par abondement interministériel, afin de ne pas réduire les dépenses d'équipement du ministère. Toutes choses égales par ailleurs, les surcoûts OPEX devraient s'élever à 870 millions d'euros en 2012.
Le ministère de la défense reste également attaché à la poursuite de la modernisation des équipements des armées. C'est l'autre grande priorité, à côté de l'activité opérationnelle des forces. D'autant qu'il y a là des enjeux globaux qui touchent aussi l'économie, l'emploi, c'est-à-dire nos territoires.
L'effort d'équipement du ministère, qui est le premier investisseur public, bénéficie d'abord de plus de 16 milliards d'euros de crédits de paiement. Je tiens à signaler que ce montant est stable par rapport à 2012 en dépit du contexte budgétaire. Cette dotation permet ainsi de financer, sans modification majeure, la plupart des besoins de paiement que nous héritons des programmes déjà lancés, notamment dans le cadre du modèle d'armées et de la réforme du ministère définis en 2008.
Le budget 2013, comme je vous l'ai dit, est un budget de transition. Dans ce contexte particulier, il ne fallait pas prendre de mesure irréversible, c'est-à-dire éviter de passer des contrats lourds irréversibles qui reviendraient à réduire les marges de manoeuvre du Livre blanc, mais aussi ne pas mettre durablement à mal notre capacité industrielle, à laquelle je suis très attaché comme vous le savez, ou ne pas générer de rupture capacitaire pour nos forces. C'est pour cela que 19 milliards d'euros d'autorisations d'engagement au profit de l'équipement ont été prévus pour passer, en 2013, les commandes indispensables à notre dissuasion et nos capacités militaires essentielles, cela en tenant compte de la situation des industries et de l'emploi.
De la même façon, ce budget préserve pour l'essentiel les dépenses d'avenir. Le ministère continuera de susciter et d'accompagner l'innovation industrielle et technologique en finançant la Recherche & Développement à hauteur de 3,3 milliards d'euros en 2013. Les crédits dédiés aux études amont, y compris ceux de la dissuasion, progressent même de 10 % entre 2012 et 2013 pour s'établir à 750 millions d'euros environ. Nous contribuons ainsi pleinement à la politique de croissance et de compétitivité du Gouvernement. Dans une période où nous devons trouver des économies, il est plus que nécessaire, il est vital de préserver les dépenses d'avenir. Ces crédits sont notre avenir, pour notre industrie, pour nos armées, pour nos emplois, pour notre compétitivité.
Dans cet esprit, j'ai donc souhaité maintenir l'effort sur les crédits de recherche et de technologie, car il y va de la compétitivité de notre base industrielle. Mais j'ai aussi préservé les volumes financiers consacrés au soutien des PME. C'est un sujet qui me tient à coeur et je travaille activement au smart business act de défense que je publierai en fin d'année. Nous soutenons activement tous les dispositifs en faveur des PME. Je pense notamment à RAPID, le régime d'appui pour l'innovation duale, qui permet aux PME de soumettre spontanément leurs projets technologiques innovants, en particulier ceux qui présentent des applications sur les marchés militaires et à la fois des retombées sur les marchés civils. 40 millions d'euros y sont consacrés.
J'ai enfin maintenu un certain nombre de commandes dans des secteurs qui sont aujourd'hui incontournables. Je voudrais simplement en mentionner quelques-unes : j'ai notifié le programme CONTACT peu de temps après ma prise de fonctions, pour améliorer ce qu'on appelle la « numérisation des forces terrestres ». J'ai maintenu intégralement, comme l'a souhaité le Président de la République, le volume consacré aux différentes composantes de la dissuasion. J'ai maintenu le calendrier du programme MRTT qui vise au renouvellement de nos avions ravitailleurs qui atteignent un état de vétusté auquel il est impératif de remédier. C'est par ailleurs un jalon important de notre démarche européenne, les opérations en Libye nous ayant permis de constater un déficit européen en matière de ravitaillement. J'ai maintenu les commandes des hélicoptères NH-90, indispensables au renouvellement de notre capacité aéromobile. J'ai maintenu les crédits qui nous permettront en 2013 de commander des drones, notamment le drone MALE intermédiaire dont nous avions beaucoup parlé, mais aussi les systèmes de drones tactiques. J'ai maintenu les actions de modernisation de nos forces et en particulier la commande du système d'information des armées, particulièrement ambitieux, et je poursuis les acquisitions de satellites de communication ou d'observation.
Et nous continuerons, bien évidemment, à livrer des équipements performants pour nos forces. En effet, j'ai demandé de ne pas étaler les livraisons déjà prévues. Ainsi, en 2012, nous recevrons la FREMM Normandie et j'aurai d'ailleurs le plaisir de présider jeudi la cérémonie de mise à l'eau avec Pierre Moscovici. En 2013, nous recevrons les premiers avions A400M, 3 systèmes de drones tactiques, 4 nouveaux hélicoptères Tigre...
J'ai voulu d'autre part que l'accompagnement des restructurations soit préservé dans les arbitrages budgétaires. D'abord, je tiens à dire que la liste des sites restructurés que j'ai validée le 31 juillet est une décision dont je mesure tous les enjeux. D'abord pour les hommes et les femmes concernés, pour la défense, mais au-delà, pour ceux de nos territoires qui sont touchés. Lorsque nous prenons de telles décisions, c'est que nous n'avons pas le choix. Il faut le garder à l'esprit.
C'est en tout cas pour cette raison que le ministère de la défense, dans le cadre des mesures de dissolution, de réorganisation et de transfert des unités et établissements qui ont été prises en application de la LPM 2009-2014, met en oeuvre un dispositif d'accompagnement économique et social des restructurations, qui constitue un effort financier conséquent. Ainsi, dans le cadre des contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) et des plans locaux de restructuration (PLR), les collectivités territoriales les plus touchées par les restructurations de la Défense bénéficient d'un fonds de 320 millions d'euros, financé à concurrence des deux tiers par le ministère de la défense.
Pour conclure sur cette présentation budgétaire, j'insisterais donc sur les économies que nous devons réaliser, pour nous conformer aux ressources disponibles dans un contexte difficile. Ces économies, vous l'avez compris, le ministère les assume, pour que le passif budgétaire ne pèse plus sur nos choix d'avenir. Il est de ma responsabilité de garantir au Président de la République les moyens de refonder, à partir des conclusions du nouveau Livre blanc, une stratégie de défense qui accorde enfin ambitions et moyens.
Je m'en tiens là pour la présentation du budget de la défense pour 2013. Je répondrai bien sûr à toutes vos questions sur ce sujet.
Pour répondre à votre question sur l'affaire EADS-BAE, lorsque s'est produite la fuite qui a provoqué l'annonce du projet de fusion, ma position initiale était, au départ, circonspecte, en tous cas sur sa dimension « défense ». J'ai posé beaucoup de questions sur la façon dont serait préservée la sécurité de notre outil de dissuasion, ainsi que sur le risque de dilution de MBDA et de la filière missile européenne dans ce grand ensemble. Il était indispensable que nous puissions préserver nos intérêts nationaux. Ces interrogations étaient d'autant plus fortes que le pôle défense de ce nouveau groupe aurait été dominé par BAE et que cette société réalise la moitié de son chiffre d'affaires aux Etats-Unis. En revanche, je n'avais aucun doute, qu'en ce qui concerne la complémentarité entre les « activités civiles » et militaires cette fusion avait industriellement beaucoup de sens. Je dois dire que, même du point de vue « défense » qui est naturellement le mien, j'ai évolué d'autant que, dans les derniers moments de la négociation, nous avons obtenu des entreprises des garanties très satisfaisantes pour la préservation de nos intérêts dans la dissuasion et les missiles. Aussi ai-je regretté l'arrêt brutal de cette négociation, qui n'est pas le fait du gouvernement français. Sans doute la brièveté du délai n'a-t-elle pas favorisé les choses. Le fait est qu'aujourd'hui le dossier est clos.
Sur l'Afghanistan, les enjeux portent, pour moi, dans l'immédiat sur les conditions de sécurité maximum qui doivent entourer le retrait. Mais Laurent Fabius et moi-même vous en dirons plus le 20 novembre prochain lors de notre audition sur ce sujet.
Au Mali, il y a des faits nouveaux qui permettent de dire que nous sommes entrés dans une nouvelle phase. L'intervention forte du Président de la République aux Nations unies en particulier a amené une prise de conscience internationale des dangers de la situation. L'objectif est que le Mali retrouve son intégrité territoriale et que l'on empêche les groupes jihadistes et terroristes de poursuivre leur expansion et leur enracinement. Une initiative des ministres de la défense européens à Chypre le 26 septembre, entérinée ce lundi 15 octobre par le Conseil des affaires étrangères de l'Union, a lancé le principe d'une intervention militaire de la PSDC pour la formation, l'entraînement et le soutien des forces armées maliennes, ainsi que d'un soutien pour la force des pays africains qui souhaitent contribuer à la stabilisation du Mali. Il s'agit d'expliquer, de former et d'assurer la logistique. Il reste quarante cinq jours aux Etats de la Communauté de l'Afrique de l'Ouest et de l'Union africaine pour planifier une telle action et soumettre ce projet au Conseil de sécurité des Nations unies.
M. Daniel Reiner, rapporteur du programme 146 équipement des forces - Monsieur le ministre, je ne reviens pas sur la trajectoire financière actuelle qui s'inscrit bien dans la LPM actuelle, au retard près, ni sur la trajectoire financière future, pour laquelle je partage les craintes de notre président. Je me fais l'écho des militaires nancéens concernant les bases de défense ; mais vous connaissez bien ce dossier. Je constate en tous les cas qu'avant Louvois, il y avait déjà eu Chorus et que la seule chose qui perdure c'est notre capacité à choisir des logiciels qui boguent. Sur les drones, s'agissant des drones MALE (moyenne altitude longue endurance), la France a fait énormément d'efforts, tous acteurs confondus, hommes politiques, industriels, militaires pour n'avoir aucun drone et je dois dire que nos efforts ont été couronnés de succès. Du reste nous nous étions élevés au Sénat contre le choix de votre prédécesseur d'acheter sur étagères un système israélien, importé par la société Dassault, car il nous semblait peu respectueux des intérêts financiers de l'Etat et peu compatible avec les besoins de nos armées. Vous aviez promis de réexaminer la question. Où en êtes-vous ? Concernant les drones tactiques, on parle beaucoup d'acquisition du système britannique watchkeeper, là encore où en êtes-vous ? Enfin, sur les drones de combat (UCAV) on parle beaucoup d'une association Dassault-BAE, qu'en est-il ?
Deuxième question, sur les ravitailleurs MRTT, la présentation de votre budget dans la plaquette diffusée par les services de votre ministère contient une formule que je qualifierai presque volontiers de romantique. Je la cite : « le principe d'une acquisition patrimoniale a été retenu. Le passage au stade de réalisation est prévu fin 2013, permettant ainsi d'engager le contrat d'acquisition en vue d'une première livraison fin 2017». Bref, quelle est votre décision et sur quels crédits s'imputera-t-elle ?
Sur le soutien de l'A400M, où en êtes-vous de la signature du contrat provisoire avec l'industriel, à quelques mois des premières livraisons ?
Par ailleurs, nous voudrions vous interroger sur le programme de missile antinavire léger. Nous vous avons du reste saisi par courrier avec mon collègue Jacques Gautier de nos craintes.
M. Jean-Louis Carrère, président - Nos amis anglais semblent y tenir beaucoup.
M. Daniel Reiner, rapporteur du programme 146 « équipement des forces » - effectivement cela semble s'inscrire dans le cadre du traité de Lancaster House. Il ne faudrait pas que la non-réalisation de ce petit programme remette en cause la coopération franco-britannique. Les députés ont du reste déposé un amendement sur ce sujet. Je ne sais pas où ils en sont.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense - Sur les drones j'ai réfléchi et continue de le faire. Deux décisions ont déjà été prises. Sur les drones tactiques, j'ai choisi de faire évaluer le drone Watchkeeper de Thales par notre Armée de terre. J'ai conclu à cet effet un engagement avec mon collègue britannique en juillet dernier. Sur l'UCAV, nous avons également conclu un accord financier sur la pré-étude par BAE et Dassault. C'est parti. Sur les drones MALE, je réfléchis encore. Sur les MRTT, c'est simple, cela veut dire que nous allons passer commande en 2013 pour un début de livraison en 2017. Concernant le contrat provisoire de soutien de l'A400M, il fait toujours l'objet de négociations entre la DGA et EADS. J'espère comme vous que le premier A400M se posera bien sur la base d'Orléans le plus tôt possible. Sur l'ANL, c'est un peu plus compliqué que cela, et il faut évaluer nos besoins, en termes de quantités et de calendrier Je ne prendrai pas de décision avant les résultats de l'examen d'ensemble auquel donne lieu la préparation du Livre blanc.
M. Xavier Pintat, rapporteur du programme 146 « équipement des forces » - Je me réjouis de votre décision sur les MRTT qui constituent un maillon essentiel de la composante aérienne des forces de dissuasion nucléaire françaises. S'agissant précisément de la dissuasion, je constate une diminution des crédits de paiement pour 2013 de 4,2 % pour les crédits de paiement et de 21,8 % pour les autorisations d'engagement. Les documents fournis par vos services ne nous permettent pas complètement de comprendre à quoi est due cette baisse et si elle revêt un caractère normal ou pas. Pourriez-vous en expliciter les raisons ? Je voudrais également connaître les orientations que vous avez retenues en matière de programmes satellitaires. Comptez-vous privilégier les satellites d'alerte ou d'écoute ?
M. Jacques Gautier, rapporteur associé au programme 146 « équipement des forces » - 2013 marquera le retour d'Afghanistan des forces françaises. Vous avez déjà évoqué le retour des troupes. Comment cela se passe-t-il pour le retour des matériels ? Quelle est la voie choisie et le coût de la solution retenue ? S'agissant de la trajectoire financière, je reviens sur les inquiétudes du président Carrère et je peux confirmer que ce qui s'est retrouvé sur les blogs de certains a été effectivement prononcé devant les membres de la Commission du Livre blanc. Donc de deux choses l'une, où c'est erroné et il faut recadrer de tels propos, où c'est exact et il faut éviter que cela se retrouve sur les blogs le lendemain. Sur l'ANL, vous l'avez bien compris notre crainte est que si nous n'engagions pas cette ce programme, pour lequel nous sommes arrivés à une spécification commune avec nos amis britanniques, ceux-ci ne nous fassent plus confiance à l'avenir. Ca veut dire qu'on menace le successeur du Storm shadow et celui de l'AMSP/A. Si vous avez besoin qu'on vous aide à trouver les quelques dizaines de millions d'euros nécessaires par an, nous sommes prêts à le faire. On ne peut pas réclamer plus de coopération européenne et manquer à sa parole quand il faut la tenir. Précisément, je regrette que la parole de notre Président de la République n'ait pas été plus présente auprès de la chancelière allemande dans l'affaire EADS BAE. Il se dit que le gouvernement allemand souhaite toujours racheter les 15 % de Daimler qui veut sortir. S'il le faisait, l'Etat allemand aurait vraisemblablement un représentant au conseil d'administration, c'est-à-dire un levier d'action sur la direction du groupe, que n'a pas l'Etat français. Je rappelle en effet que, en raison des accords passés et pour satisfaire aux exigences du chancelier allemand de l'époque, l'Etat français n'a pas de représentant au conseil. Il parle par la bouche du représentant du groupe Lagardère. Néanmoins la holding Sogeade qui regroupe l'Etat français et le groupe Lagardère a un pacte d'actionnaire avec Daimler Benz aux termes duquel il pourrait s'opposer à l'entrée du gouvernement allemand en remplacement de Daimler Benz. Que comptez-vous faire si le gouvernement allemand passe à l'acte : opposerez-vous votre veto ? Le système de défense antimissile balistique MEADS a été arrêté par les Américains, laissant nos amis Allemands et Italiens face à une perte sèche de plusieurs milliards d'euros. Les industriels ont commencé à se rapprocher. Que comptez-vous faire pour les emmener, s'ils le souhaitent, vers une coopération européenne ? Sans intervention politique de votre part, nous avons le sentiment qu'ils risquent fort d'acheter des missiles Patriot de nouvelle génération sur étagères et que nous aurons encore une fois raté une opportunité pour la défense européenne.
M. André Dulait, rapporteur du programme 178 « soutien des forces » - En ma qualité de co-rapporteur pour avis sur le programme 178 « préparation et emploi des forces » de la mission « Défense », je souhaiterais vous poser une question d'ordre général et deux questions plus spécifiques.
La première question, d'ordre général concerne les recettes exceptionnelles : alors que les recettes exceptionnelles sont dès l'origine la clé de l'équation financière de la transformation du ministère, on entend parler de cessions gratuites de l'immobilier parisien à la Ville de Paris pour financer le logement social, à l'image de la caserne de Reuilly : qu'en est-il exactement ?
Ma deuxième question porte sur les bases de défense : vous avez dit il y a 10 jours qu'on était allé trop vite et que l'organisation ne devait pas nécessairement être la même partout, que le nombre de bases n'était pas gravé dans le marbre. À quoi pensez-vous exactement et dans quel délai ferez-vous des propositions ?
Enfin, s'agissant de la préparation opérationnelle, pour accompagner les importants désengagements de plusieurs théâtres extérieurs, en particulier l'Afghanistan, les crédits d'entraînement vous paraissent-ils suffisants pour 2013 ? Quelles seront les conséquences sur l'attractivité des carrières, ou sur le moral ou la motivation des troupes ? L'activité opérationnelle, déjà en dessous des objectifs LPM, risque en outre d'être handicapée par le gel des indemnités de service en campagne. Nous craignons que l'activité prévue en loi de finances ne soit en fait qu'un affichage, qu'en pensez-vous ?
M. Jean-Yves le Drian, ministre de la défense -
En réponse à M. André Dulait :
- sur le « CAS immobilier », je considère que les engagements antérieurs ont été actés et que les cessions gratuites ou d'un euro symbolique ne s'appliqueront qu'aux cessions futures. J'ai obtenu, grâce à un arbitrage du Premier ministre, la possibilité de recourir aux réserves exceptionnelles provenant du CAS « fréquences » et du CAS « immobilier » pour le projet de loi de finances pour 2013. La question reste toutefois ouverte pour les années futures ;
- sur les bases de défense, mon appréciation est très proche des conclusions du rapport d'information du Sénat, qui est excellent. J'ai déjà visité plusieurs bases de défense et je compte poursuivre ces visites, afin d'avoir une vue aussi complète et objective que possible. Il serait absurde de vouloir repartir de zéro et de tout recommencer. Si la réforme était sans doute légitime dans ses fondements, de mon point de vue, sa mise en oeuvre a été trop rapide et précipitée, avec une insuffisante préparation et formation des personnels chargés de sa mise en oeuvre et une communication insuffisante des militaires des formations combattantes. A mon sens, il aurait été préférable de se donner plus de temps, en privilégiant l'expérimentation plutôt que de vouloir agir dans la précipitation. Ainsi, dans l'armée de terre, cette réforme a été vécue comme une vraie rupture par rapport à une tradition bicentenaire et a provoqué un certain désarroi parmi les officiers. Des difficultés existent et il faut donc privilégier des mesures pragmatiques d'adaptation en s'efforçant d'appliquer des règles différentes selon les situations pour mieux tenir compte du terrain. Au moment de l'examen par le Sénat du budget, je pense que ma réflexion sera assez avancée pour vous présenter mes principales orientations ;
- sur les crédits d'entraînement, je vous le redis, j'ai personnellement veillé à ce que ces crédits soient augmentés dans le projet de loi de finances pour 2013, malgré un budget contraint, pour préserver l'entraînement des hommes.
En réponse à Jacques Gautier, sur le retour d'Afghanistan, la voie pakistanaise reste ouverte et c'est la moins chère, 5 000 euros par conteneur jusqu'à la France. Mais c'est aussi la plus encombrée. La voie aérienne est évidemment ouverte, mais c'est la plus chère, entre 21 000 et 4 42 000 euros par conteneur. La difficulté c'est la voie du nord, pour laquelle certaines parties du trajet sont un peu compliquées. Nous sommes de l'ordre de 10 000 euros le conteneur. Pour la filière missile, je ne pense pas que la coopération avec les Britanniques dépendent uniquement de ce que nous ferons sur l'ANL. S'agissant de la trajectoire financière, je ne suis pas saisi pour l'instant de projections faisant état des diminutions évoquées sur les blogs. Lorsque le moment de la décision sera venu, j'attends d'en discuter avec le Président de la République. À titre de comparaison, on vous avait annoncé un budget 2013 catastrophique pour la défense, et vous voyez bien que celui-ci n'est pas si mal. Pour le MEADS il faut regarder, mais pour la défense anti-missile de théâtre nous sommes bien à la recherche d'une perspective de coopération avec nos amis Allemands et Italiens. Mais c'est encore balbutiant. Cela s'inscrit dans la perspective d'une relance de la défense européenne.
En réponse à Xavier Pintat, pour les satellites, le programme Syracuse III se poursuit normalement ; pour ce qui est du satellite d'alerte avancée, j'attends les conclusions de la Commission du Livre blanc. Sur Musis, peut-être faudrait-il que nous fassions un troisième satellite avec les Allemands ? Je suis de très près ces programmes. Quant à la dissuasion, l'enveloppe est toujours la même en 2013 par rapport à 2012, mais nous allons vous fournir par écrit un complément de réponse.
M. Christian Cambon. - Je voudrais vous interroger au sujet de la situation inquiétante du service de santé des armées. D'après la Cour des comptes, il y aurait 300 millions d'euros de déficit et plusieurs hôpitaux militaires seraient dans une situation très délicate, comme à Marseille ou l'hôpital militaire de Bégin à Vincennes, dont l'avenir serait menacé. Je souhaiterais donc connaître vos orientations concernant le service de santé des armées, qui joue un rôle essentiel pour nos armées.
M. Jean-Yves le Drian, ministre de la défense. - A ce jour, je n'ai pris aucune décision concernant le service de santé des armées ou l'avenir de tel ou tel hôpital militaire. En particulier, aucune décision n'a été prise concernant l'hôpital militaire de Bégin. Nous avons un service de santé des armées d'une très grande qualité, reconnu au niveau international, qui joue un rôle majeur pour soigner les blessés.
M. Jeanny Lorgeoux. - Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, les crédits du programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » sont en augmentation de 2,7 % pour les autorisations d'engagement et de 6,2 % en crédits de paiement.
Dans un contexte financier difficile, je tiens à souligner que cette augmentation représente un effort notable du ministère en faveur des dépenses d'avenir. Je pense en particulier aux études-amont, qui augmentent de 11,7 %.
Je me félicite aussi de la poursuite du renforcement de la fonction « connaissance et anticipation » et notamment de l'augmentation des crédits de la DGSE.
Je voudrais toutefois vous faire part de nos inquiétudes concernant le décalage du programme de satellite de renseignement électromagnétique CERES. Ce décalage est très préoccupant, alors même que le coût global de ce satellite ne paraît pas très élevé au regard d'autres programmes militaires. Une capacité d'écoute spatiale, en particulier des communications, semble indispensable pour des zones d'intérêt comme le Sahel.
M. André Trillard - Depuis déjà plusieurs années, je suis avec un intérêt particulier les questions relatives à notre diplomatie de défense à notre politique de coopération en matière de défense.
Au-delà de la réforme engagée depuis 2008 et de la création de la nouvelle base militaire française à Abu Dhabi, quelles sont vos priorités, Monsieur le ministre, dans ce domaine, et vos priorités dans l'optique du nouveau Livre sur la défense et la sécurité nationale ? Alors que le Président de la République vient d'annoncer une nouvelle page dans les relations avec l'Afrique, comment cette priorité va-t-elle se traduire concrètement s'agissant de notre présence militaire sur le continent africain et de notre coopération militaire ? La situation au Mali et au Sahel est-elle de nature à revoir notre stratégie et notre présence dans la région ?
Enfin, pourriez-vous nous dire quelques mots concernant les exportations d'armement, en particulier s'agissant du Rafale ?
M. Jean-Marie Bockel - Je souhaiterais, Monsieur le ministre, vous interroger au sujet de la cyberdéfense, qui a fait l'objet d'un rapport d'information adopté par notre commission le 18 juillet dernier.
Comme vous le savez, les attaques contre les systèmes d'information des administrations, des entreprises ou des opérateurs d'importance vitale représentent aujourd'hui un enjeu stratégique majeur.
Dans ce cadre, le ministère de la défense et les armées ont pris d'importantes mesures pour renforcer la protection et la défense de leurs systèmes d'information, notamment concernant les systèmes de commandement et de communication ou les systèmes d'armes.
Ainsi, un officier général à la cyberdéfense a été désigné et une structure spécifique, le Centre d'analyse en lutte informatique défensive (le CALID), a été mise en place.
Toutefois, il subsiste à mes yeux des interrogations.
Ainsi, concernant les effectifs, le CALID ne comporte qu'une vingtaine de militaires, ce qui ne lui permet pas d'être opérationnel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. A titre de comparaison, la structure homologue au Royaume-Uni comporte 80 militaires, soit 4 fois plus.
Je considère donc qu'il serait souhaitable d'augmenter sensiblement dans les prochaines années les ressources humaines et financières consacrées à la cyberdéfense, au sein du ministère de la défense. Vous avez annoncé récemment une augmentation sensible des effectifs de la DGA dans ce domaine et je m'en félicite. Est-ce que l'on peut s'attendre à une augmentation équivalente au sein des armées, malgré la diminution globale des effectifs ?
Ma deuxième interrogation porte sur l'organisation du volet relatif à la protection des systèmes d'information. Ne serait-il pas souhaitable de rehausser le statut du fonctionnaire de la sécurité des systèmes d'information et de renforcer son positionnement au sein de la direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC), notamment en lui confiant la responsabilité de la sous-direction chargée de la sécurité des systèmes d'information ?
Enfin, au cours de mes entretiens, j'ai eu la surprise d'apprendre que le ministère de la défense avait fait appel à une société russe, Kaspersky Lab, pour équiper en anti-virus ses systèmes et réseaux d'information.
Concernant des systèmes et réseaux aussi sensibles que ceux du ministère de la défense et des armées, est-il vraiment raisonnable de faire appel à une société russe ? Et plus largement, comment vous assurez-vous de l'innocuité des antivirus qui sont installés dans les réseaux du ministère ?
Mme Michelle Demessine. - Je voudrais revenir sur les cessions immobilières. Êtes-vous d'accord avec la liste du ministère des affaires sociales des terrains destinés au logement social et qu'en est-il de la dépollution de ces sites, qui doit revenir en principe au propriétaire ?
Concernant les restructurations, j'observe que le projet de loi de finances pour 2013 prévoit une diminution des crédits. Je mentionnerai le cas de la base aérienne de Cambrai où un projet de restructuration vient d'être annulé, ce qui a provoqué un grand désarroi. Qu'en est-il exactement ?
Enfin, qu'en est-il du projet Balard ?
M. Jean-Yves le Drian, ministre de la défense. -
En réponse à Mme Michelle Demessine :
- s'agissant des cessions immobilières destinées au logement social, je considère que la question se pose pour les nouvelles cessions et que cela ne remet pas en cause ce qui est prévu dans le projet de loi de finances pour 2013 ;
- la dépollution est une responsabilité du propriétaire et je n'ai pas connaissance d'éventuelles difficultés avec le ministère de la défense
- les crédits pour l'aide économique aux restructurations s'élèvent à 320 millions d'euros au total.
- j'ai regardé avec beaucoup d'attention le cas de la base aérienne de Cambrai. J'ai demandé une expertise, non sur la fermeture elle-même, qui résulte d'une décision déjà prise antérieurement, mais sur le centre de facturation des coûts, qui devait entraîner initialement la création de 600 à 650 emplois, communs entre le ministère de la défense et le ministère des finances, volume qui s'est effiloché et s'était réduit à 200 emplois environ à mon arrivée. Toutefois, d'après le rapport d'expertise, la création de ce centre ne correspond pas à un véritable besoin du ministère de la défense, ce qui m'a amené à prendre la décision de renoncer à ce projet. Cette décision a d'ailleurs entraîné une plainte contre moi de la part du maire de Cambrai, qui a été débouté en justice. Dans une période budgétaire contrainte, il faut faire des choix, même s'ils sont difficiles. D'importants crédits de restructuration sont mobilisés sur ce site ;
- enfin, concernant Balard, j'ai demandé un rapport d'expertise conjoint au contrôle général des armées et à l'inspection générale des finances sur la soutenabilité budgétaire à court, moyen et long terme de ce projet, qui devrait me parvenir avant la fin du mois de novembre et dont je vous tiendrai informés.
En réponse à M. Jean-Marie Bockel :
- le CALID va passer de 20 à 40 personnes, ce qui montre que les rapports du Sénat sont non seulement lus mais que leurs préconisations sont également suivies d'effets ;
- le fonctionnaire de la sécurité des systèmes d'information verra son statut renforcé puisqu'il sera placé au plus haut niveau de la hiérarchie étant rattaché directement au chef du cabinet militaire du ministre de la défense.
Concernant les anti-virus, je n'ai pas d'informations particulières à ce sujet.
En réponse à M. André Trillard :
- la base militaire française aux Emirats arabes unis n'est pas remise en cause. Je dois d'ailleurs m'y rendre lundi prochain ;
- l'avenir de notre présence militaire en Afrique est un sujet qui figure au coeur des réflexions de la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ;
- enfin, s'agissant des exportations d'armement, et en particulier du Rafale, des discussions sont en cours, notamment avec l'Inde.
En réponse à M. Jeanny Lorgeoux, concernant le programme de satellite d'écoute électromagnétique CERES, aucune décision n'a encore été prise car nous attendons les conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Le démonstrateur ELISA nous a donné une grande satisfaction et il faudra voir les suites que nous souhaitons donner à ce projet.
Mme Nathalie Goulet - Je voudrais savoir quelle est la participation financière des industriels, et notamment de la société Dassault, au programme d'études amont de l'UCAV NEURON ? Par ailleurs, je voudrais m'assurer que le budget alloué à la gendarmerie est maintenu en 2013.
Mme Josette Durrieu - Sur l'échec du rapprochement entre BAE et EADS vous êtes perplexe. Nous sommes amers. On se pose des questions sur la solidité de l'alliance avec l'Allemagne et des raisons de cet échec ? Par ailleurs, l'initiative de Weimar regroupant, outre la France, l'Allemagne et la Pologne, l'Italie et l'Espagne sur laquelle vous êtes passé un peu vite, vous semble-t-elle réellement porteuse d'espoir ?
Mme Leila Aïchi - Je voudrais savoir quelle est la part de votre budget consacré à la formation des militaires en matière de sécurité civile. Nous savons tous que, lors de la catastrophe du barrage de Fréjus en 1959, le rôle des militaires a été déterminant dans l'appui aux populations touchées. D'autre part, j'ai été informée qu'à la suite de la guerre du Golfe, en 1991, la France s'était chargée de déminer gratuitement de nombreuses zones, alors que les Etats-Unis ont, eux, demandé à être rémunérés, parfois à hauteur de deux millions de dollars par puits pour éteindre les puits de pétrole en flamme.
M. Pierre André - Etant soigné depuis plusieurs années par le service de santé des armées, je constate une démobilisation des personnels, marquée par le départ des meilleurs praticiens. Comment remédier à cette situation ?
M. Alain Gournac - Quelle appréciation portez-vous sur la base dite « de décompression », située à Chypre, sur laquelle nos militaires rentrant d'Afghanistan séjournent durant 48 heures ?
M. Jean-Pierre Chevènement - Quelle présence militaire notre pays compte-t-il maintenir en Afrique ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense - J'ai visité récemment le site évoqué par M. Gournac en compagnie de mon homologue chypriote : il s'agit là d'une incontestable réussite. Bien entendu ce sas continuera à être actif.
Aucune décision touchant l'éventuelle fermeture des hôpitaux militaires n'a été prise sous ma responsabilité et le budget pour 2013 du service de santé des armées est analogue à celui de 2012, avec 1,4 milliard d'euros.
L'initiative de Weimar va dans le bon sens, mais reste fragile. L'Allemagne et la Pologne avaient été froissées par la conclusion des accords de Lancaster House entre la France et le Royaume-Uni. Nous avons relancé la dynamique. Des discussions sont en cours dans le but de renforcer cette initiative et de l'utiliser comme un levier pour l'ensemble de l'Europe..
Sur l'UCAV, le projet NEURON, dont Dassault avec d'autres industriels ont construit un démonstrateur, cela suit son cours. Sur la participation financière, je vais regarder cela.
Le budget de la gendarmerie, désormais placée pour emploi sous l'autorité du ministre de l'intérieur, ne concerne plus les missions du ministère de la défense.
Il n'y a pas de formation spécifique du personnel militaire à la sécurité civile ; cependant les trois armées affectent des personnels aux missions intérieures comme Vigipirate et les missions de sûreté : 700 dans l'armée de terre, 220 dans l'armée de l'air et 350 dans la marine.
J'entends valoriser le vaste patrimoine foncier dont dispose mon ministère en collaboration avec ma collègue ministre de l'écologie, Mme Delphine Batho.
En réponse à Jean-Pierre Chevènement, les modalités de notre présence militaire en Afrique seront déterminées par le Livre blanc en cours d'élaboration.
Je vous remercie pour votre attention.
Nomination de rapporteurs
Enfin la commission nomme rapporteurs :
- Mme Kalliopi Ango Ela sur le projet de loi n° 708 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d'activités des centres culturels ;
- M. Jean-Claude Requier sur le projet de loi n° 709 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay.