- Mardi 22 novembre 2011
- Mercredi 23 novembre 2011
- Adhésion de la Croatie à l'Union européenne - Examen du rapport
- Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Programme Environnement et prospective de la politique de défense - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Programme Préparation et emploi des forces - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Programme Soutien de la politique de défense - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Programme Equipement des forces - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Vote sur l'ensemble des crédits
- Loi de finances pour 2012 - Mission Action extérieure de l'Etat - Programme Diplomatie culturelle et d'influence - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2012 - Mission Action extérieure de l'Etat - Programme Moyens de l'action internationale - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2012 - Mission Action extérieure de l'Etat - Programme Français de l'étranger - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2012 - Mission Action extérieure de l'Etat - Vote sur l'ensemble des crédits
- Loi de finances pour 2012 - Mission Aide publique au développement - Examen des rapports pour avis
Mardi 22 novembre 2011
- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -Loi de finances pour 2012 - Mission Sécurité - Programme Gendarmerie nationale - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de MM. Michel Boutant et Gérard Larcher sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 : mission Sécurité (programme 152 « Gendarmerie nationale »).
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.- Mon collègue M. Michel Boutant et moi-même souhaiterions vous présenter le programme gendarmerie nationale pour 2012 en rappelant le contexte dans lequel il s'inscrit, cette présentation faisant suite à l'audition par notre commission du ministre de l'Intérieur, M. Claude Guéant, ainsi que du directeur général de la gendarmerie nationale, le général Jacques Mignaux.
Sans revenir en détail sur ce budget, je souhaiterais évoquer les principales évolutions de la gendarmerie nationale depuis son rattachement au ministère de l'intérieur en 2009, avant de vous faire part de deux interrogations, qui portent sur l'immobilier et sur le financement des opérations extérieures (OPEX).
La loi du 3 août 2009 a rattaché la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, tout en garantissant le respect de son statut militaire, le ministre de l'intérieur étant désormais responsable de l'organisation de la gendarmerie, de sa gestion, de son emploi, et de l'infrastructure militaire qui lui est nécessaire ainsi que, en principe, de la gestion des ressources humaines.
Toutefois, la gendarmerie reste placée sous l'autorité du ministre de la défense pour l'exercice de ses missions militaires et en matière de discipline. Relèvent aussi de ce ministre les gendarmeries spécialisées que sont la gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires, la gendarmerie maritime, la gendarmerie de l'air et la gendarmerie des transports aériens.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur a d'abord permis de développer les mutualisations et les synergies de moyens entre la police et la gendarmerie. Alors qu'il y a encore quelques années, les deux forces disposaient chacune de leurs propres systèmes de communication non connectés entre eux, police et gendarmerie ont engagé une mutualisation de leurs fichiers, et passent désormais des marchés communs pour l'achat de certains équipements.
La gendarmerie utilise aussi les ateliers de la police nationale pour la réparation de ses véhicules, et les gendarmes sont formés à la prévention ou au renseignement dans des centres de formation de la police, tandis que les moyens aériens et nautiques de la gendarmerie ont été mis à la disposition des deux forces.
En outre, la formation des motocyclistes, cavaliers, maîtres-chiens et plongeurs de la police est aujourd'hui assurée dans les centres spécialisés de la gendarmerie.
Quant à la formation initiale, creuset de l'identité militaire des gendarmes, elle reste naturellement distincte, ce qui me paraît très important.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur a également permis de renforcer la coopération opérationnelle entre la police et la gendarmerie, ce dans le prolongement de la création en 2003 des offices centraux et des groupes d'intervention régionaux (GIR), composés de policiers et de gendarmes. Des structures communes ont ainsi été mises en place dans le domaine des nouvelles technologies et des systèmes d'information, et la coopération entre la police et la gendarmerie est désormais devenue la règle en matière de maintien de l'ordre, de sécurité dans les transports ou encore de lutte contre l'insécurité routière.
Enfin, un nouveau dispositif, la coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (ou CORAT) a été mis en place, permettant à la police ou à la gendarmerie de faire appel aux renforts de l'une ou l'autre force en cas d'urgence. J'ai d'ailleurs pu en constater le fonctionnement très récemment dans mon propre département.
En définitive, comme l'ont souligné nos collègues, la sénatrice Mme Anne-Marie Escoffier et le député M. Alain Moyne-Bressand, dans leur rapport d'évaluation, « cette réforme s'est calmement, presque sereinement, mise en place ».
Après ce bilan plutôt positif, je voudrais vous faire part de deux interrogations qui sont toutes deux directement liées au statut militaire de la gendarmerie.
Ma première interrogation porte sur l'immobilier. Le parc immobilier de la gendarmerie comprend 77 400 logements, répartis entre 710 casernes domaniales et près de 3 300 casernes locatives représentant respectivement 42 et 42,5% des logements, le reste étant constitué par des logements hors caserne. L'état du parc domanial est préoccupant, l'âge moyen des logements étant de 38 ans, plus de 70 % des logements ayant plus de 25 ans. Cela nécessite la réalisation de travaux de réhabilitation importants et suivis.
Or, les investissements n'ayant pas été suffisants ces dernières années, on constate une certaine dégradation des conditions de vie des gendarmes et de leur famille, qui peut peser sur leur moral et leur manière de servir.
On estime donc que l'Etat devrait consacrer environ 160 millions d'euros par an, pendant plusieurs années, à la construction ou à la réhabilitation des casernes domaniales, car entre 2003 et 2008, seulement 122 millions d'euros en moyenne y ont été consacrés.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, il est prévu de consacrer d'une part, 52 millions d'euros à des opérations de maintenance lourde, ce qui permettra la réhabilitation de plus de 2 200 logements de gendarmes mobiles, et, d'autre part, 38 millions d'euros à des travaux d'entretien. Cependant, seulement 47 millions d'euros sont prévus pour la construction de nouvelles casernes auxquels s'ajoutent 15 millions d'euros de subventions aux collectivités locales pour la réhabilitation et la construction de casernes locatives.
Je considère donc qu'il sera indispensable, à l'avenir, d'engager un vaste programme pluriannuel de rénovation de l'immobilier de la gendarmerie.
Le second sujet que je souhaiterais aborder en particulier est celui du financement des opérations OPEX. Près de 420 gendarmes français participent actuellement à des opérations extérieures en Afghanistan, au Kosovo et en Haïti, sans oublier la Côte d'Ivoire,
Le contingent le plus nombreux intervient en Afghanistan, où plus de 200 gendarmes participent à des missions de formation de la police afghane, auprès des armées, en Kapisa et Surobi, mais aussi dans le Wardak. Son action est appréciée à la fois des autorités afghanes et par les autres armées.
Au moment où nous allons réduire notre présence, nous devrons veiller à ne pas laisser ces gendarmes en quelque sorte isolés ; il conviendra, dés lors, de reconsidérer la localisation des centres de formation en Afghanistan ou ailleurs.
En outre, ces OPEX posent des questions d'ordre budgétaire. En effet, le budget prévoit d'y affecter 15 millions d'euros alors que, chaque année, le coût de ces opérations est de l'ordre de 20 à 30 millions d'euros, et que, cette année, il devrait même dépasser 30 millions d'euros, dont 20 millions pour la seule mission en Afghanistan.
Je considère donc qu'il serait souhaitable à l'avenir de mieux évaluer le coût prévisible de ces OPEX et, en cas de dépassement, de les financer par la réserve interministérielle, à l'image de ce qui prévaut pour les autres armes, et non par un redéploiement au sein des crédits de la gendarmerie.
Ce point de vue correspond d'ailleurs à la réponse qui nous a été faite par le ministre de l'intérieur au cours de son audition. Je vous proposerai d'adopter un amendement en ce sens afin de conduire le Gouvernement à confirmer cet engagement.
En conclusion, je souhaiterais une nouvelle fois rendre hommage à la façon dont la gendarmerie a su s'adapter à une évolution très profonde, comme peu d'institutions peut-être auraient été capables de le faire, assurant ainsi le succès de la réforme de 2009.
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. - Je rappelle que l'enveloppe globale des crédits de la gendarmerie nationale augmente légèrement en 2012, passant de 7,766 à 7,892 milliards d'euros en autorisations d'engagement, et de 7,7 à 7,8 milliards d'euros en crédits de paiement, soit respectivement une hausse de 2,9 % et de 1,7%.
Toutefois, les crédits de la gendarmerie pour 2012, hors pensions, diminuent de 0,7 %, ce qui est préoccupant, surtout si l'on y ajoute les interrogations sur les financements des OPEX évoquées par M. Gérard Larcher.
Les dépenses de personnel qui s'élèvent à 6,6 milliards d'euros représentent 85 % des crédits de la gendarmerie, soit une augmentation de 2,5 % par rapport à 2011. Cette augmentation étant uniquement imputable à la hausse des pensions, les crédits de rémunération connaissent en fait une légère baisse de 0,06 %. Je ne suis pas sûr toutefois que cette diminution corresponde au niveau attendu par l'application, dans le cadre de la RGPP, de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Les crédits disponibles garantiront la poursuite des mesures de revalorisation, notamment le règlement de la dernière annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (le PAGRE rénové) à hauteur de 23 millions d'euros, ce plan visant une parité globale des traitements et des carrières entres gendarmes et policiers, conformément à l'engagement pris par le président de la République.
On peut d'ailleurs se demander s'il ne vise pas aussi à préparer l'intégration future des deux forces au sein d'un éventuel système de sécurité unifié. Certains sans doute y songent.
Les dépenses de fonctionnement courant s'élèvent à 946 millions d'euros en 2012, soit une baisse de 2,1 % par rapport à 2011 qui n'est qu'apparente, puisqu'elle s'explique par un transfert de 25 millions d'euros de dépenses d'habillement vers les crédits d'investissement. A périmètre constant, les crédits de fonctionnement augmentent ainsi de 4,8 millions d'euros, en euros courants, soit une hausse de 0,5 % due aux dépenses de loyers.
En effet, à l'image des années précédentes, on observe une hausse des loyers, qui devraient s'élever à 441 millions d'euros en 2012 contre 435 millions d'euros en 2011.
Les autres postes budgétaires ont vu leur dotation reconduite en 2012. Cela concerne notamment les crédits consacrés à l'alimentation pour 61 millions d'euros, aux mutations pour 46,5 millions d'euros, à l'entretien du matériel et au carburant pour plus de 100 millions d'euros.
Mais, malgré la sanctuarisation des dépenses de fonctionnement, la capacité opérationnelle des unités risque d'être tendue en 2012.
Par exemple, comme le général Jacques Mignaux nous l'a indiqué lors de son audition, une hausse du coût du litre d'essence de 10 centimes se traduit par une dépense supplémentaire de 5 millions d'euros pour la gendarmerie.
Compte tenu de l'augmentation des dépenses de personnel et de la sanctuarisation des dépenses de fonctionnement, la réduction du budget porte, cette année encore, principalement sur les investissements.
Le président M. Gérard Larcher vous ayant fait part de ses interrogations, que je partage, concernant l'immobilier de la gendarmerie nationale et la sous-dotation des opérations extérieures, je voudrais, pour ma part, vous faire part de mes préoccupations.
Ces dernières portent en particulier sur trois sujets : d'une part, la diminution des effectifs de la gendarmerie et son impact sur le maillage du territoire assuré par les brigades territoriales ; d'autre part, sur la réserve de la gendarmerie, et, enfin, la forte baisse des crédits d'investissement et ses conséquences sur le renouvellement des équipements.
Ma première préoccupation tient à la forte baisse des effectifs de la gendarmerie en 2012. Après une suppression de 4 500 emplois entre 2008 et 2011, en application de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, ce sont à nouveau 1 185 postes qui devraient être supprimés dans la gendarmerie en 2012.
Rappelons que, dans le cadre de la loi LOPSI, qui avait fixé à 7 000 emplois les renforts nécessaires à la gendarmerie, celle-ci s'était vu doter de 6 050 emplois sur la période 2003-2007. Mais cette règle de non-remplacement devrait se traduire, à l'inverse, par la suppression de plus de 6 500 postes entre 2008 et 2012. Au total, le plafond d'emploi, qui était de 101 000 en 2008, devrait ainsi passer à 95 900 en 2012.
Vous me permettrez d'ailleurs de faire observer qu'au moment même où les effectifs de la Gendarmerie et la Police nationales connaissent de telles diminutions, ceux de la police municipale sont passés de 14 300 à 19 370 au cours de ces dernières années.
Lorsque l'on répète à l'envi que les collectivités locales recrutent trop, n'oublions pas que c'est aussi pour compenser le retrait de l'Etat en matière de sécurité.
Même si le ministre de l'intérieur et le directeur général de la gendarmerie nationale se sont engagés à ne pas remettre en cause la capacité opérationnelle de la gendarmerie et la densité de son maillage territorial, je suis néanmoins préoccupé par cette forte baisse des effectifs de la gendarmerie, et par ses conséquences sur les brigades territoriales.
Comme nous l'a indiqué le directeur général lors de son audition, après avoir supprimé de nombreux postes au sein des écoles - dont la moitié ont été fermées -, des services de soutien, des états-majors et, après la suppression de quinze escadrons de gendarmerie mobile, la gendarmerie est, selon les termes mêmes du général Mignaux, aujourd'hui « à l'os ».
Au rythme actuel, il ne fait pas de doute que les diminutions d'effectifs toucheront de plus en plus les brigades territoriales, comme je peux d'ailleurs déjà le constater dans mon département, où l'on procède désormais à une suppression d'une brigade par an.
Ma deuxième préoccupation concerne les réservistes de la gendarmerie nationale. La réserve opérationnelle de la gendarmerie compte aujourd'hui un vivier d'environ 25 000 réservistes, servant en moyenne 17 jours par an. Il s'agit souvent de jeunes, qui apportent un renfort indispensable aux unités, notamment pour faire face aux pics d'activité de la période estivale ou lors de grands événements, à l'image du récent sommet du G20 à Cannes.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Pour le 14 Juillet !
M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. - Or, avec une dotation destinée à la réserve opérationnelle de 44 millions d'euros en 2012, soit une hausse de 2 millions d'euros par rapport à 2011, l'objectif de parvenir à une réserve opérationnelle d'environ 40 000 réservistes en 2012 paraît désormais hors d'atteinte budgétaire.
Enfin, ma dernière préoccupation porte sur la forte baisse des crédits d'investissement de la gendarmerie nationale, qui avaient déjà enregistré une baisse de 13 % l'an dernier. La contraction prévue pour 2012 sera de 5 %, les 160 millions et 122 millions d'euros respectivement disponibles en autorisation de programme et en crédits de paiement ne permettant pas de lancer de grands programmes tels que le renouvellement des hélicoptères ou des véhicules blindés.
Concernant les hélicoptères, je rappelle que la gendarmerie nationale dispose actuellement d'un parc de 56 appareils, qui se répartissent entre 29 Écureuil et 27 nouveaux modèles, dont 12 EC 135 et 15 EC 145. Je précise que ceux-ci sont désormais mis à disposition de la police dans le cadre de la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie ; les hélicoptères de la gendarmerie sont mis à disposition de la police nationale, évitant ainsi à cette dernière l'acquisition de matériels coûteux en doublon.
Le renouvellement par de nouveaux modèles des 29 appareils de type Ecureuil, qui datent des années 1970, s'impose au regard de la nouvelle réglementation européenne qui interdit le survol des zones d'habitation par des appareils mono-turbines.
Toutefois, en raison de la baisse des investissements, la gendarmerie nationale a été contrainte de différer le renouvellement de ses hélicoptères ; en 2012, seuls trois appareils supplémentaires seront commandés.
De même, le renouvellement des véhicules blindés à roue de la gendarmerie mobile a dû être une nouvelle fois différé, faute de financement suffisant.
Or, le taux de disponibilité des véhicules blindés, en service dans la gendarmerie depuis 1974, est préoccupant puisqu'il est de l'ordre de 40 %, ce qui conduit à devoir assurer le maintien en condition opérationnelle de ces matériels en prélevant des pièces détachées sur les appareils hors d'usage, pour permettre de disposer de 80 véhicules blindés sur un total de 130. Or, les véhicules blindés sont indispensables en cas de crise grave
En conclusion et compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale».
M. Gérard Larcher , rapporteur pour avis.- Avant d'exprimer mon avis sur les crédits du programme, je souhaiterais faire état de deux préoccupations complémentaires. La première porte, plus que sur l'évolution de l'effectif global, sur le fait que, pour des raisons budgétaires, la scolarité des élèves-gendarmes débute en fin d'année. La concomitance de ces départs en école avec les départs en retraite, qui interviennent souvent à la même période, provoque des sous-effectifs. Je voudrais rappeler qu'en 1989-1990, alors que Jean-Pierre Chevènement était ministre de la défense, ce type de difficultés avait donné lieu à une levée de boucliers et que cela s'est d'ailleurs reproduit dix ans plus tard avec Alain Richard. Dans le cadre des prochains budgets, il faudrait qu'une attention soit portée sur le cadencement des incorporations dans les écoles de manière à lisser les recrutements tout au long de l'année.
Ma seconde préoccupation concerne les véhicules. La gendarmerie utilisant environ 30 000 véhicules dont la durée moyenne d'usage est de 8 ans, il faut donc en commander 3 000 par an si l'on veut assurer un renouvellement du parc. Or cette année, ce sont au maximum 2 200 véhicules qui seront livrés, et 850 commandés pour être livrés en 2013, ce qui risque d'affecter directement les conditions quotidiennes d'intervention des gendarmes.
Néanmoins, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, et sous réserve de l'amendement sur les OPEX visant à en assurer le financement du surcoût par la réserve interministérielle, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du programme.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Ma première remarque concerne les effectifs. Je constate la diminution très importante de la présence des gendarmes sur le terrain, pas seulement depuis deux ans, mais plutôt depuis dix ans. J'estime que ce problème d'effectifs se double d'un problème de fonctionnement lorsque, du fait du regroupement des brigades, on nous indique qu'il faut se rendre à 25 kilomètres pour qu'un petit accident soit pris en charge.
Nous sommes en train de perdre une sorte de police de proximité rurale dont la présence était rassurante pour les habitants des campagnes. La spécificité de la gendarmerie se perd aussi dans ce qu'on appelle les zones « périurbaines », c'est-à-dire les zones habitées par des citadins venus s'installer à la campagne. Eloignés des villes, ces territoires ne sont plus couverts par la police, mais ils ne le sont pas non plus vraiment par la gendarmerie. Nous allons au devant de problèmes. En témoigne le fait que les vols à domicile diminuent dans les centres villes alors qu'ils augmentent dans ces zones « rurbaines ». Cela mériterait en tout cas d'être étudié.
Ma deuxième question porte sur l'immobilier. Les crédits de rénovation des casernements étant insuffisants, il serait intéressant de réfléchir sur la façon dont les collectivités pourraient apporter leurs contributions. Beaucoup sont prêtes à investir si les loyers versés en retour suffisent à couvrir les remboursements d'emprunts amortis sur 20 ou 25 ans. Il faudrait pouvoir comparer cette solution avec celle des partenariats public-privé. Je ne doute pas une seconde du résultat d'une telle comparaison !
Pour les collectivités, ces financements locatifs me semblent être l'option la plus raisonnable. Il serait intéressant de l'étudier à l'occasion du budget de l'an prochain.
Le groupe socialiste et le groupe CRC votant contre, le groupe UMP et le groupe UCR votant pour, la commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme n°152 « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurité ».
La commission adopte à l'unanimité l'amendement déposé par M. Gérard Larcher visant à insérer un article additionnel après l'article 60 ter relatif au financement par la réserve interministérielle des surcoûts des OPEX pour la gendarmerie.
Loi de finances pour 2012 - Mission Immigration, asile et intégration - Programme Exercice du droit d'asile - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de MM. Alain Néri et Raymond Couderc sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 : mission Immigration, asile et intégration (programme 303 « exercice du droit d'asile »).
M. Raymond Couderc, co-rapporteur pour avis - Monsieur le Président, mes chers Collègues, la mission « Immigration, asile et intégration » a été créée en 2007 et comprend deux programmes : le programme 303 porte sur « l'immigration et l'asile », le programme 104 sur « l'intégration et l'accès à la nationalité française ». Depuis cette création, votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées se saisit pour avis sur le programme 303. Seule l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » fait l'objet d'un examen par la commission.
Cette action a pour objectif de garantir aux demandeurs d'asile un traitement optimal de leur demande, ainsi qu'une bonne prise en charge en termes de conditions matérielles d'accueil et d'accès aux soins pendant la durée d'instruction de leur demande.
L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui relève du programme "Conseil d'État et autres juridictions administratives", instruisent les demandes d'asile.
Depuis 2007, les crédits de la mission Immigration, asile et intégration relevaient du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Ce pilotage au sein d'un ministère unique, procédure inédite, devait permettre de simplifier le parcours d'un demandeur d'asile en centralisant l'ensemble des services dédiés à l'immigration en France. Après la suppression de ce ministère par décret du 14 novembre 2010, la politique de l'immigration a été rattachée au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. La configuration des services a été maintenue intacte et la maquette budgétaire préservée.
J'en viens aux dispositions du projet de loi de finances. Le programme 303 concentre la majorité des crédits dévolus à la mission Immigration, asile et intégration, soit 87,5% des crédits totaux. Les autorisations d'engagement (553 millions d'euros en 2012 contre 490 millions en 2011, soit + 12,78 %) ainsi que les crédits de paiement (560 millions d'euros en 2012 contre 488 millions en 2011, soit +14,67 %), sont en progression.
Au sein du programme 303, c'est l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » qui concentre l'essentiel des dotations, puisqu'elle représente 73,86 % des autorisations d'engagement demandées pour 2012. Cette action passe d'une dotation de 327,75 millions d'euros en 2011 à 408,91 millions en 2012, soit une hausse de 24,76 %.
L'action a pour objet d'assurer l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile en cours de procédure qui le demandent. Cette prise en charge intervient sous la forme soit d'un hébergement accompagné en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), soit du versement d'une prestation financière, l'allocation temporaire d'attente (ATA), qui peut être associée à un hébergement d'urgence. C'est ce domaine de l'accueil qui voit ses dotations augmenter.
Tout d'abord concernant l'hébergement d'urgence, depuis plusieurs années les dépenses engagées sont largement supérieures aux crédits votés en loi de finances initiale. Ainsi en 2011, 40 millions d'euros ont été engagés, puis 50 millions d'euros supplémentaires ont été ouverts par la loi de finances rectificative de juillet 2011 afin de pouvoir faire face aux dépenses, qui devraient atteindre environ 125 millions d'euros sur l'ensemble de l'année.
Tirant les conséquences de cette sous-budgétisation initiale, les crédits engagés pour l'hébergement d'urgence 2012 sont en forte croissance, avec une enveloppe de 90,9 millions d'euros. Concrètement, ce sont plus de 9 000 places supplémentaires qui pourront ainsi être financées.
Ensuite concernant l'allocation temporaire d'attente, le constat depuis quelques années est le même : une sous-budgétisation initiale et des dépenses qui explosent en cours d'année. Ainsi en 2011, 54 millions d'euros avaient été engagés en loi de finances initiale, mais ce sont près de 151 millions qui devraient être consommés.
Tout comme pour l'hébergement d'urgence, les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2012 au titre de l'ATA sont en forte augmentation puisque l'enveloppe s'établira à 89,65 millions d'euros en 2012. Ce sont donc plus de 21 000 bénéficiaires qui devraient toucher l'ATA en 2012.
En conclusion, nous dirons qu'il s'agit certainement du programme dont il est le plus facile de défendre le budget. Certes, on a l'impression que la cible s'éloigne au fur et à mesure que l'on s'en rapproche et que les efforts très importants qui sont faits ne suffisent pas à faire face à l'évolution de la situation : l'accroissement du nombre de candidats à l'asile pourrait faire oublier que les budgets qui sont consacrés à ce programme sont en forte augmentation. Cependant, c'est tout à l'honneur de la France d'augmenter ainsi ses efforts pour respecter sa tradition d'accueil et je vous propose d'adopter les crédits du programme 303.
M. Alain Néri, co-rapporteur pour avis - Je voudrais rapidement dresser un panorama de la demande d'asile. La France est le deuxième pays mondial destinataire de demandes d'asile, derrière les États-Unis. En 2010, ce sont plus de 52 000 demandes qui ont été enregistrées auprès de l'OFPRA, en hausse de 14 % par rapport à l'année précédente.
Le nombre de demandes déposées est estimé à 23 406 au premier semestre 2011 par le ministère de l'intérieur, soit une progression de 14,1 % par rapport à la même période en 2010. En 2010, le premier pays de provenance des demandeurs d'asile est le Kosovo (3 267 premières demandes) devant le Bangladesh (3 061 premières demandes).
Si la tendance observée au cours du premier semestre 2011 se maintient, le nombre de demandes de protection internationale (mineurs accompagnants compris) pourrait s'élever à 58 000 en 2011 et 64 000 en 2012.
Or, cette augmentation continue pose des problèmes en matière de traitement des dossiers. A l'OFPRA, le délai d'examen d'une demande d'asile, indicateur essentiel du programme, est en constante augmentation depuis quelques années pour atteindre un pic prévisionnel de 150 jours en 2011. Un recrutement de 30 personnes a été réalisé, mais l'impact sur le délai de traitement des dossiers a été quasi-nul du fait de l'augmentation parallèle du nombre de demandes.
Ce problème a des conséquences autant en termes humains que sur le plan financier. Sur le plan humain, il est impensable de laisser un demandeur d'asile dans l'incertitude pendant aussi longtemps, délai d'autant plus allongé si la réponse s'avère négative et est suivie par un recours auprès de la CNDA. Sur le plan financier, un tel délai a un coût et des conséquences non négligeables sur les finances publiques.
M. Claude Guéant avait indiqué lors de son audition devant la commission que les effectifs de l'OFPRA seraient consolidés et que 15 nouveaux emplois, gagés sur les effectifs du ministère de l'intérieur, seraient ouverts en 2012. Ceci devrait permettre de réduire le délai global de traitement des dossiers de moitié. Nous resterons extrêmement vigilants sur ce point.
La deuxième limite, qui se place dans la continuité de la première, est le cas de la CNDA. Deuxième étape d'un demandeur d'asile qui voit sa demande refusée par l'OFPRA, la CNDA est confrontée aux mêmes problèmes, puisque le nombre de recours déposés auprès d'elle est à la hausse, +10 % entre 2009 et 2010. Au premier semestre 2011, ce sont plus de 15 000 recours qui ont été déposés par les demandeurs d'asile.
Cette croissance des entrées a rapidement impacté les délais de jugement. Le délai moyen prévisible de jugement a dépassé 15 mois fin 2009, contre un peu plus de 10 mois fin 2008.
Afin de répondre à cette hausse parallèle des recours et des délais, un plan d'action a été mis en place par le Conseil d'État. Ce plan de recrutement a porté prioritairement sur des emplois de rapporteurs (en charge de l'instruction des recours), passés de 70 fin 2009 à 95 fin 2010 et à 135 fin 2011. L'augmentation des recrutements devrait ainsi permettre de juger 38 000 affaires en 2011 (contre 24 000 en 2010) et 47 000 fin 2012, et d'atteindre un délai prévisible moyen de jugement de 9 mois fin 2011 et de 6 mois fin 2012.
Enfin, la troisième et dernière limite que je souhaite souligner est celle de l'hébergement des demandeurs d'asile. Les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) ont une capacité de 21 410 places en 2011, nombre en progression, mais qui ne suffit pas à couvrir le besoin réel. D'autres solutions doivent être trouvées, qui prennent la forme d'hébergement d'urgence ou d'ATA, dépenses qui explosent comme mon collègue l'a souligné.
A cela s'ajoute le problème de la répartition géographique des demandeurs d'asile sur le territoire français. Des situations très différentes entre les communes sont constatées, certaines supportant la charge plus que d'autres.
C'est pourquoi une circulaire relative au pilotage du dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile a été publiée le 24 mai 2011, afin d'homogénéiser les pratiques, organiser la répartition des demandeurs d'asile et rationaliser les dépenses. Un suivi précis et trimestriel de l'activité d'hébergement d'urgence est ainsi mis en oeuvre au plan régional. Encore une fois, vos rapporteurs resteront très attentifs sur cette question.
En conclusion, le constat est simple, on ne peut que saluer l'augmentation de l'enveloppe budgétaire affectée au programme 303 et surtout à son action 2. Cependant, force est de constater aussi que les crédits inscrits restent notoirement insuffisants pour apporter une réponse positive aux dossiers prioritaires que sont :
- les délais trop longs de l'instruction des dossiers de demandeurs d'asile qui varient de 130 à 150 jours à l'OFPRA pour atteindre 2 ans s'il y a un recours au CNDA. Laisser un demandeur d'asile aussi longtemps dans l'incertitude est inhumain. Malheureusement, le stock des dossiers est toujours plus important à l'OFPRA.
- l'hébergement en CADA (Centre d'Accueil des Demandeurs d'Asile), qui ne couvre pas les besoins réels. Les hébergements d'urgence se multiplient, posant de graves problèmes financiers à certaines communes et aux départements. L'ATA (Allocation Temporaire d'Attente) reste sous-budgétisée comme c'est le cas depuis plusieurs années.
Aussi, je vous propose de rejeter le projet de budget de la mission « immigration et droit d'asile ».
M. Robert del Picchia - Le délai de réponse de 120 jours peut paraître long, mais nous sommes dans les normes européennes qui donnent 180 jours. Pour réduire ce délai, il faudrait un texte. Est-on en mesure de le produire ? Envisagez-vous de déposer un amendement à ce sujet ?
Mon autre question concerne les motifs des demandeurs d'asile. Une partie d'entre eux sont des demandeurs d'asile économique, donc non recevables à ce statut. Cela pose notamment des problèmes aux demandeurs d'asile légitimes, et pèse sur les finances publiques.
Donc si l'augmentation de ce budget est une bonne nouvelle, il faudra tout de même être très vigilant quant à la manière dont il sera utilisé.
M. Jean-Louis Carrère, président - Avant de laisser la parole à nos deux rapporteurs, je voudrais juste préciser que le délai n'est pas de 120 jours mais 150 jours. Ce délai est une constatation et n'est pas fixé légalement, il n'y a donc pas d'amendement à produire ou de texte à voter pour le changer. C'est uniquement fonction du nombre de fonctionnaires afin de permettre une contraction du délai, donc d'une volonté politique à faire face à ces questions.
M. Raymond Couderc, co-rapporteur pour avis - L'objectif à 115 jours est un objectif à l'horizon 2013.
Pour ce qui est de l'origine des demandeurs d'asile, il est vrai qu'il faut rester vigilant afin que cette demande ne soit pas galvaudée.
M. Alain Néri, co-rapporteur pour avis - Même si l'Union européenne fixe des normes, il n'est pas exclu que nous puissions faire mieux. C'est même préférable. Les délais constatés sont trop importants et ne permettent pas un traitement humain des dossiers.
D'autre part, si on veut un budget sincère, il faut que les crédits inscrits correspondent aux besoins que l'on a à traiter. Il est légitime que des crédits supplémentaires soient affectés, personne ne conteste cet effort, mais il reste néanmoins insuffisant.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Je consulte la commission sur l'avis que nous devons émettre.
Par dix-neuf voix contre (SOC et CRC), dix-sept pour (UMP et UCR) et aucune abstention, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission Immigration, asile et intégration (programme 303).
Questions diverses
M. Jean-Louis Carrère, président - Je souhaite rappeler que notre commission travaille depuis 4 ans en « binômes » majorité-opposition pour le suivi et le contrôle des budgets dont nous avons la charge. En octobre dernier, nous avons généralisé cette pratique à l'ensemble de nos avis budgétaires.
Cette règle suppose que les co-rapporteurs se mettent d'accord sur un tronc commun du rapport, lequel n'empêche pas une expression singulière de leur opinion, reflétant leurs divergences éventuelles. Dans ce cas, nous pouvons reporter en annexe cette expression. Ceci permet de ne pas remettre en cause le fonctionnement en binôme auquel je suis, et je crois pouvoir le dire, nous sommes attachés.
Mercredi 23 novembre 2011
- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -Adhésion de la Croatie à l'Union européenne - Examen du rapport
Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission examine le rapport de M. Didier Boulaud sur la proposition de résolution n° 116 (2011-2012), présentée par M. Simon Sutour et Mme Michèle André, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne.
M. Didier Boulaud, rapporteur - Nous sommes appelés à nous prononcer sur une proposition de résolution, déposée au titre de l'article 88-4 de la Constitution, qui porte sur l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne. Cette proposition de résolution a été présentée par le Président de la commission des affaires européennes, M. Simon Sutour, à la suite d'un déplacement à Zagreb les 14 et 15 novembre, qui a donné lieu à une communication devant la commission des Affaires européennes, le 17 novembre. Notre collègue Mme Michèle André, présidente du groupe d'amitié France-Croatie, s'est associée à cette proposition de résolution, qui a été adoptée par la commission des affaires européennes lors de sa réunion du 17 novembre et renvoyée à notre commission.
Notre examen est encadré dans des délais très stricts. Les négociations d'adhésion avec la Croatie se sont achevées le 30 juin 2011. La Commission européenne a rendu son avis le 12 octobre dernier. L'adoption du projet de décision du Conseil pourrait intervenir dès le Conseil « Affaires générales » du 5 décembre, avec une décision définitive lors du Conseil européen du 9 décembre prochain. C'est la raison pour laquelle nous devons nous prononcer dès aujourd'hui sur le texte de la proposition de résolution qui nous est soumis.
Avec notre ancien collègue Jacques Blanc, nous nous étions rendus en Croatie, les 18 et 19 mai derniers, et nous avions présenté devant notre commission un bilan détaillé des négociations d'adhésion avec ce pays. Cette mission avait donné lieu à un rapport d'information présenté au nom de notre commission.
Nous étions alors à un moment crucial des négociations d'adhésion, et nous avions pu constater à Zagreb, au cours d'entretiens de haut niveau, la formidable mobilisation de ce petit pays, tout entier tourné vers son destin européen.
Je ne reviendrai donc pas en détail sur la situation de la Croatie et l'historique des négociations d'adhésion. Je me permets de vous renvoyer sur ce point à notre rapport d'information. Je voudrais rappeler très brièvement la situation de la Croatie au regard des trois critères d'adhésion - critères dits « de Copenhague » :
- le critère politique tenant à la démocratie, à l'Etat de droit, au respect des minorités,
- le critère économique : disposer d'une économie de marché viable capable de faire face aux pressions du marché,
- et le critère lié à la reprise de l'acquis communautaire, c'est-à-dire la capacité à assumer les obligations qui découlent de l'appartenance à l'Union européenne.
J'examinerai ensuite le texte de la proposition de résolution sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer.
La vocation européenne des Balkans occidentaux, c'est-à-dire le principe de leur adhésion à l'Union européenne, a été officiellement reconnue en 2000.
Dans le même temps, l'Union européenne a affirmé que, contrairement au précédent élargissement de 2004 aux pays d'Europe centrale et orientale, l'élargissement aux pays des Balkans occidentaux se ferait de manière différenciée, selon le rythme propre à l'état de préparation de chaque pays.
En 2001, la Croatie a signé un accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne. En 2003 elle s'est portée candidate et, en 2004, le Conseil européen lui en a octroyé le statut. En 2005, les négociations se sont ouvertes pour se terminer le 30 juin 2011.
Le traité d'adhésion devrait être approuvé par les chefs d'Etat et de gouvernement le 9 décembre prochain. Il devra ensuite être soumis à la ratification de tous les Etats membres, selon leurs règles constitutionnelles respectives.
Je rappelle qu'en France la révision constitutionnelle de 2008 a prévu un dispositif permettant de recourir de manière exceptionnelle à la voie parlementaire pour la ratification du traité d'adhésion avec la Croatie, alors que la règle sera dorénavant le recours au référendum pour toute nouvelle adhésion à l'Union.
La Croatie a pour sa part prévu d'organiser un référendum en février prochain. Sauf surprise majeure, la Croatie devrait devenir le 28ème Etat membre de l'Union européenne le 1er juillet 2013. La Croatie disposera alors d'un Commissaire européen, de douze députés européens, et de 7 voix au Conseil.
Quel est l'état de préparation de ce pays ?
Les conditions politiques de l'adhésion sont aujourd'hui remplies.
Depuis la proclamation de son indépendance en 1991, la Croatie jouit d'une grande stabilité politique grâce à une constitution inspirée de celle de la Ve République française. Un équilibre a été trouvé entre présidentialisme et parlementarisme, et cet équilibre s'est renforcé par l'alternance politique et la cohabitation. Actuellement, la Croatie expérimente pour la deuxième fois la cohabitation : le Président de la République, Ivo Josipovic est social démocrate (SDP), tandis que le Premier ministre, Jadranka Kosor est conservateur (HDZ). La Croatie pourrait connaître à nouveau l'alternance, lors des élections législatives prévues le 4 décembre prochain.
L'adhésion de la Croatie à l'Union européenne fait l'objet d'un large consensus au sein de la classe politique. Dans le mois qui suivra la signature du traité, la Croatie devra organiser un referendum qui est prévu pour le début de février 2012 dont l'issue ne paraît pas douteuse. Cependant, l'opinion publique croate a évolué. Même si elle reste majoritairement favorable à l'adhésion, le « oui » tourne désormais autour de 60 % au lieu de 80 % il y a encore quelques mois.
La coopération du gouvernement croate avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) a un temps été jugée insuffisante mais, depuis l'arrestation du Général croate Gotovina, ce reproche n'est plus fondé même si une certaine méfiance réciproque a eu pour effet de retarder l'ouverture du chapitre 23 sur la justice et les droits fondamentaux. La sévérité avec laquelle le Général Gotovina a été jugé en 2011 a marqué les esprits et soulevé l'indignation de l'opinion publique croate qui tient sa guerre de libération pour une guerre juste. Lors de notre déplacement à Zagreb, en mai dernier, j'avais été frappé de voir des sympathisants croates faisant signer des pétitions dans les rues en faveur du Général Gotovina, qui reste pour beaucoup un héros de la guerre d'indépendance.
Le souvenir de la guerre de libération reste vivace et, pourtant, la Croatie oeuvre à la réconciliation régionale et plus particulièrement à la normalisation de ses relations avec la Serbie. Le président croate s'est rendu en Serbie et le président serbe s'est rendu en Croatie, et même à Vukovar. Là, le président serbe Tadic a reconnu les crimes commis par l'armée serbe. De même, le président croate Josipovic a exprimé ses regrets pour la brutalité des réactions croates en Bosnie-Herzégovine. Un contentieux sur la délimitation de la frontière maritime entre la Croatie et la Slovénie (Golfe de Piran) a retardé un peu les négociations d'adhésion, mais un règlement a pu être trouvé par le recours à l'arbitrage.
La Croatie, forte de son expérience des négociations d'adhésion, se propose de servir de guide et de partenaire aux autres pays candidats des Balkans occidentaux. Son entrée dans l'Union européenne est perçue comme un gage de stabilité dans la région. La Croatie a reconnu l'indépendance du Kosovo et entretient de bonnes relations avec ses voisins, dont la Serbie.
La Croatie jouit d'un territoire et d'une population relativement homogène, de religion catholique à 87 %, mais elle compte sur son territoire des minorités auxquelles elle a accordé des droits importants. En outre, la Croatie a accepté de réintégrer la minorité serbe qui avait fui après la guerre.
Par une loi constitutionnelle de 2002 sur les droits des minorités nationales, la Croatie a su créer un climat de confiance au sein de ses frontières pour ses minorités serbe, bosniaque, italienne, hongroise, albanaise et slovène.
Les conditions économiques de l'adhésion sont en voie d'être remplies malgré la crise.
La Croatie compte 4,5 millions d'habitants dont le revenu moyen atteint 65 % de la moyenne de l'Union. Ainsi, la Croatie est, avec la Slovénie, la région la plus avancée des Balkans et son PIB représente le double de celui de la Roumanie.
La Croatie subit depuis 2009 les effets de la crise économique.
La monnaie, la « Kuna », créée en 1994, est stable. L'endettement s'élève à 100 % du PIB dont 40 % pour la dette publique. A cet égard, il convient de rappeler que la Croatie entre dans l'Union européenne mais pas dans la zone euro. De même, l'entrée dans l'Union ne signifie pas l'entrée dans la zone Schengen.
Malgré un tissu industriel limité (environ 20 % du PIB) et un taux de chômage élevé (14 %), la Croatie dispose d'importants atouts qui tiennent à sa situation géographique, à une agriculture diversifiée, à un réseau dense de petites et moyennes entreprises, à un bon système éducatif et à un potentiel touristique très enviable.
Quels ont été les principaux résultats des négociations d'adhésion en matière de reprise de l'acquis communautaire ?
La Croatie a conclu l'ensemble des chapitres de négociation, mais les chapitres les plus difficiles, c'est-à-dire le chapitre 8 (concurrence) et le chapitre 23 (justice et droits fondamentaux), n'ont été conclus qu'à la fin du processus.
En matière de concurrence, les négociations ont surtout porté sur la restructuration des chantiers navals croates afin de mettre un terme à toute subvention publique de la part de l'Etat. La Croatie a longtemps retardé cette réforme politiquement sensible d'un secteur économique stratégique. Il est question de plusieurs milliers d'emplois. La Croatie doit maintenant mettre en oeuvre les plans de restructuration sur lesquels elle s'est engagée.
Le chapitre Justice était pour l'Union le plus sensible car les récentes expériences roumaine et bulgare avaient conduit à renforcer les précautions du côté européen. C'est ainsi qu'il a été exigé des autorités croates des efforts importants en matière de réforme de la justice et de lutte contre la corruption. Comme l'a reconnu la Commission européenne, la Croatie a réalisé d'importants efforts dans ces domaines. Mais elle devra poursuivre ses efforts et soutenir la réforme judiciaire et la lutte anti-corruption jusqu'à son entrée dans l'Union tout en fournissant des rapports convaincants des progrès accomplis.
C'est dans cet esprit que la France a proposé un mécanisme de suivi de la Croatie jusqu'à l'adhésion, plus particulièrement pour les chapitres 8 et 23 ainsi que le chapitre 24 (justice, liberté, sécurité).
En cas de nécessité, le Conseil pourra prendre des mesures appropriées sur proposition de la Commission. Ces clauses de monitoring sont insérées dans le traité d'adhésion.
J'en viens maintenant au texte de la proposition de résolution, qui est aujourd'hui soumis à notre examen.
Que dit cette proposition de résolution ?
Elle rappelle, d'abord, dans ses considérants, qu'un mécanisme de suivi a été mis en place, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, pour s'assurer que le processus de réforme se poursuivra dans les meilleures conditions jusqu'au 1er juillet 2013, date prévue pour l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne.
Elle souligne ensuite que la Croatie répond aux critères politiques et qu'elle pourra satisfaire aux critères économiques d'ici la date prévue pour son adhésion, comme cela a d'ailleurs été confirmé par l'avis de la Commission européenne du 12 octobre dernier.
Elle félicite aussi la Croatie pour son engagement en faveur de la réconciliation des peuples ayant pris part au conflit issu de l'éclatement de la fédération yougoslave, et elle estime que l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne constituera un encouragement pour les autres pays des Balkans occidentaux.
Enfin, elle exprime le voeu que la France soit parmi les premiers Etats membres à autoriser la ratification du traité d'adhésion et elle invite par conséquent le Gouvernement à déposer le projet de loi rapidement après la signature du traité prévue le 9 décembre prochain.
Etant donné que toutes ces recommandations sont conformes à celles que nous avions formulées dans notre rapport d'information, je vous proposerai donc d'adopter le texte de la proposition de résolution, sans modification.
A l'issue de cette présentation, un débat s'est engagé au sein de la commission.
M. Jean-Marc Pastor. - Au moment où l'Union européenne est confrontée à une grave crise économique et financière, avec les conséquences sur la construction européenne de la crise des dettes souveraines dans la zone euro, et où l'on constate que l'Union européenne n'arrive pas à parler d'une seule voix sur la scène internationale en raison des fortes divisions entre les vingt-sept Etats membres, par exemple sur la candidature de la Palestine aux Nations Unies ou lors de l'intervention en Libye, on peut s'interroger sur la poursuite du processus d'élargissement de l'Union européenne.
D'ores et déjà, le passage d'une Europe à quinze à une Europe à vingt-sept a eu pour conséquence de modifier la nature du projet européen, qui tend à devenir une simple zone de libre échange, en raison des fortes disparités entre les Etats membres.
Dans ce contexte, ne faudrait-il pas prévoir une « pause » dans l'élargissement et s'interroger sur l'approfondissement de l'Union européenne, avant d'envisager de passer d'une Europe à vingt-sept à une Europe à trente, voire plus, en intégrant l'ensemble des pays des Balkans ?
Par ailleurs, je crois qu'il faut s'interroger sur les conséquences institutionnelles de l'élargissement aux pays des Balkans occidentaux. Lorsqu'ils auront adhéré à l'Union, les six pays issus de l'ex-Yougoslavie disposeront chacun d'un Commissaire, soit six Commissaires européens au total, contre un seul pour la France ou l'Allemagne.
Ne faudrait-il pas mener une réflexion approfondie sur le processus d'élargissement, et ses conséquences sur l'avenir de la construction européenne, avant d'envisager l'adhésion de ces pays ?
Enfin, au moment où les pays européens, notamment dans la zone euro, sont confrontés à d'importantes difficultés budgétaires, en raison de la crise économique et financière, je m'interroge sur le coût financier pour l'Union et ses Etats membres de l'élargissement aux pays des Balkans occidentaux.
M. Didier Boulaud, rapporteur. - Il est vrai que, dans le contexte politique et économique actuel, certains s'interrogent sur la poursuite de l'élargissement et réclament une « pause », qui interviendrait toutefois après l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne. Je considère cependant qu'il serait dangereux de laisser les pays des Balkans occidentaux au bord du chemin et de ne pas poursuivre le processus d'élargissement.
Je rappelle que l'Union européenne a reconnu la vocation européenne des pays des Balkans occidentaux, c'est-à-dire le principe de leur adhésion à l'Union européenne, en 2000, il y a plus de dix ans.
C'est dans cette zone, située au coeur de l'Europe, dont notre ancien collègue Robert Badinter avait coutume de rappeler qu'elle « produit plus d'histoire qu'elle n'en peut consommer », que nous avons assisté à la dernière guerre ayant ensanglanté l'Europe, avec les conflits meurtriers issus de l'éclatement de la fédération yougoslave, dans les années 1990, qui ont été marqués par des milliers de morts, notamment au sein des populations civiles, des crimes de guerre et des atrocités, ainsi que des milliers de réfugiés et déplacés. Il ne faut pas oublier non plus le sacrifice de nos soldats, tombés notamment en Bosnie-Herzégovine.
Dans cette zone, où subsistent de fortes tensions liées à la présence de nombreuses minorités, à l'image de la Bosnie-Herzégovine, dont la situation institutionnelle est particulièrement complexe, de la Macédoine, qui compte une forte minorité albanaise et dont le nom même est contesté par la Grèce, ou encore du Kosovo, dont l'indépendance reste contestée par la Serbie, la perspective européenne constitue le meilleur moyen de préserver la paix et la stabilité et d'encourager la réconciliation entre les peuples et les nations, comme l'illustre le rapprochement entre la Croatie et la Serbie, ou encore les discussions actuelles, sous l'égide de l'Union européenne, entre la Serbie et le Kosovo.
Il existe une forte attente de la part des populations à rejoindre l'Union européenne et il serait dangereux de ne pas répondre à ces espoirs, au risque d'encourager un retour des nationalismes et des extrémismes.
Certes, il est important de ne pas méconnaître les difficultés que rencontrent ces pays, en matière économique ou concernant les capacités judiciaires ou administratives, mais, là encore, la perspective de l'adhésion constitue un aiguillon utile pour encourager les réformes nécessaires, par exemple en matière de réforme de la justice ou de lutte contre la corruption.
Il faut également prendre en compte la situation économique de ces pays et les conséquences institutionnelles de l'élargissement.
Mais au-delà du grand marché, la première vocation de la construction européenne est de garantir la paix. « Faire l'Europe, c'est faire la paix » disait Jean Monnet.
Je considère donc qu'il est important de maintenir la perspective européenne des pays des Balkans occidentaux et de poursuivre le processus d'élargissement.
En ce qui concerne le coût financier de l'élargissement, je voudrais rappeler que la Croatie est, avec la Slovénie, la région la plus avancée des Balkans et que si le revenu moyen atteint 65 % de la moyenne de l'Union, son PIB représente plus du double de celui de la Roumanie. Par ailleurs, il est intéressant de relever que, si la Croatie sera bénéficiaire net des fonds européens lors de son adhésion, elle pourrait devenir à moyen terme contributeur net.
M. André Trillard - Mon interrogation porte davantage sur la proposition de résolution qui est soumise à notre examen que sur le cas de la Croatie. Je m'interroge, en effet, sur l'intérêt de cette proposition de résolution, qui ne me paraît pas évident, et sur son contenu. Est-il réellement nécessaire, par exemple, d'appeler le gouvernement à déposer rapidement le projet de loi autorisant la ratification du traité d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne ?
M. Jacques Berthou. - Qu'en est-il de la présence de la France en Croatie, notamment en matière économique ?
M. Didier Boulaud, rapporteur. - En Croatie, la présence économique de la France est très modeste, à l'image d'ailleurs de l'ensemble de la région des Balkans.
A Zagreb comme sur l'ensemble du territoire croate, les entreprises allemandes et italiennes sont loin devant les entreprises françaises. Avec 2,7 % de part de marché, la France n'est que le 10ème fournisseur de la Croatie. Les exportations françaises à destination de la Croatie représentent 0,1 % des exportations françaises et le volume des échanges reste modeste (420 millions d'euros en 2010).
Cette situation n'est pas en voie d'amélioration : les échanges commerciaux franco-croates ont chuté depuis 2009. La part de marché française, en baisse régulière depuis 2001, est au plus bas depuis 10 ans, de même que l'excédent commercial (181 millions d'euros).
Du point de vue des investissements directs, la France n'est que le 5ème investisseur en Croatie, essentiellement grâce à un seul investissement, dans le secteur bancaire. Seules 68 filiales françaises sont aujourd'hui présentes en Croatie. Les grands investissements sont rares, qu'il s'agisse de rachats d'entreprises locales (dans le secteur laitier par exemple) ou de grands contrats (des opérateurs français ont déposé une offre pour le futur aéroport de Zagreb).
En outre, lors de notre mission à Zagreb, en mai, nous avons eu connaissance d'un projet tendant à concentrer le dispositif français d'appui aux PME au niveau régional (à Vienne), ce qui n'est sans doute pas de nature à faciliter les investissements directs que pourraient faire à Zagreb les entreprises françaises.
Il s'agit là d'un constat que l'on retrouve dans d'autres pays, comme l'Albanie par exemple.
Ainsi, lors d'un déplacement dans ce pays, j'avais été frappé de constater que malgré l'expertise et la compétence reconnue de nombreuses entreprises françaises dans des domaines comme les travaux publics, la construction de routes ou l'assainissement de l'eau, aucune entreprise française n'était présente dans les grands contrats de construction ou de renouvellement des infrastructures lancés en Albanie.
L'intérêt de la présente proposition de résolution tient précisément au fait qu'elle permet à notre assemblée de se prononcer avant la signature du traité d'adhésion, afin de répondre au reproche, souvent entendu, que le processus d'élargissement se ferait de manière incontrôlée, sans consultation des peuples ou de leurs représentants, d'autant plus que la ratification du traité d'adhésion avec la Croatie sera la dernière à suivre la procédure parlementaire classique, à majorité simple.
Par ailleurs, il n'est pas inutile d'appeler le gouvernement à déposer rapidement le projet de loi autorisant la ratification du traité d'adhésion, de manière à ce que la France figure parmi les premiers pays à ratifier ce traité, car, comme notre commission l'a souvent déploré par le passé, le gouvernement a souvent tardé à présenter au Parlement les projets de loi autorisant la ratification des traités, qu'il s'agisse par exemple du traité d'association et de stabilisation (ASA) avec la Bosnie-Herzégovine ou avec la Serbie, ce qui explique que la France figure souvent parmi les derniers pays à ratifier ces traités, voire même parfois est le dernier des vingt-sept Etats membres.
M. Jeanny Lorgeoux. - La Croatie a-t-elle fait un travail de mémoire sur son passé durant la seconde guerre mondiale, et notamment les crimes commis par le régime d'Ante Pavelic et de ses oustachis, complices du régime nazi ? Subsiste-t-il encore dans ce pays des mouvements extrémistes ?
M. Didier Boulaud, rapporteur. - Il subsiste encore des mouvements extrémistes, mais l'évolution du parti fondé par Franco Tudjman, l'Union démocratique croate (HDZ), qui était un parti nationaliste, et sa transformation en un parti conservateur classique est assez révélatrice de l'évolution des mentalités. Convaincu de la nécessité pour la Croatie de tourner la page des divisions du passé, le président croate Josipovic prône la réconciliation qu'il s'agisse de l'héritage douloureux de la seconde guerre mondiale ou des conflits des années 1990.
A cet égard, à mes yeux, le rapprochement avec l'Union européenne constitue le meilleur rempart face aux extrémismes.
Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a adopté à l'unanimité la proposition de résolution sans modification.
Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Programme Environnement et prospective de la politique de défense - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de MM. Didier Boulaud, André Trillard et Jeanny Lorgeoux sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 : (programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ».
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis. - Avec mes collègues MM. André Trillard et Jeanny Lorgeoux, nous souhaitons vous présenter les crédits du programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « défense ».
Le responsable de ce programme, M. Michel Miraillet, directeur des affaires stratégiques au ministère de la défense, est venu devant la commission, le 19 octobre dernier, exposer dans le détail ce projet de budget.
Je rappelle que ce programme 144 présente la particularité de regrouper des éléments très différents, puisqu'il comprend notamment :
- les crédits de deux des trois services de renseignement qui relèvent du ministère de la défense : la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction générale de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), le troisième, la Direction du renseignement militaire (DRM), relevant de la responsabilité du chef d'état-major des armées au sein du programme 178 ; quant à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) elle relève de la direction générale de la police nationale et de la mission « Sécurité » ;
- une partie de l'effort de recherche et de prospective en matière de défense, avec en particulier les « études amont » ;
- les crédits consacrés à l'action internationale du ministère, à travers le soutien aux exportations d'armement ou la diplomatie de défense.
Je limiterai mon intervention aux crédits des services de renseignement, avant de laisser la parole à mes collègues M. Jeanny Lorgeoux, qui traitera des aspects relatifs à la recherche de défense, et M. André Trillard, qui vous présentera les crédits concernant la diplomatie de défense et le soutien aux exportations d'armement.
Globalement, le programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » voit ses crédits augmenter de 5 % en 2012.
Cette hausse est principalement due à l'augmentation des effectifs et des moyens des services de renseignement, notamment la DGSE.
Je rappelle que la DGSE est le service de renseignement ayant pour mission de protéger les intérêts et les ressortissants français à l'étranger. Avec mes collègues, nous nous sommes rendus au siège du service et nous avons eu un entretien avec son directeur, le Préfet M. Erard Corbin de Mangoux.
Pour 2012, le budget de la DGSE s'élèvera à 593 millions d'euros, soit une hausse de 9 % par rapport à 2011. A cette dotation, il faut ajouter les crédits provenant des fonds spéciaux, dont le montant est de 53,9 millions d'euros.
Quelles sont les raisons qui expliquent l'augmentation de ses crédits ?
Premièrement, 135 emplois supplémentaires devraient être créés en 2012, ce qui est conforme au plan de recrutement prévu par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008.
L'une des priorités du Livre blanc a porté sur le renforcement de la fonction « connaissance et anticipation ». A ce titre, la DGSE devrait voir ses effectifs augmenter de près de 700 agents sur la période 2009-2014.
Le service compte actuellement 4 760 agents, dont 3 450 civils et 1 300 militaires. A périmètre comparable, les services britanniques comptent un effectif pratiquement deux fois supérieur à celui de la DGSE. C'est aussi le cas des services allemands, qui ne remplissent pas les mêmes missions.
Les recrutements concernent exclusivement des personnels de haut niveau : deux tiers d'ingénieurs spécialisés dans le renseignement technique, un tiers sur des analystes et des linguistes pour l'exploitation du renseignement.
Le nombre des emplois créés ne donne pas la pleine mesure de l'effort financier réalisé. Il s'agit quasi-exclusivement de personnels de catégorie A. Comme nous l'a indiqué son directeur, le service ne rencontre aucune difficulté en ce qui concerne le recrutement.
Un deuxième facteur d'augmentation des crédits est la poursuite de l'amélioration de la situation statutaire et indiciaire des fonctionnaires de la DGSE. Cela avait été fait les années précédentes pour les catégories B et C. Le décret du 30 décembre 2010 a concerné les catégories A avec la modernisation des statuts et la création d'un corps d'administrateurs de la DGSE. Il s'agit à la fois d'aligner les perspectives de carrière sur la fonction publique d'Etat et de favoriser la mobilité, notamment grâce à la création de l'académie nationale du renseignement et à des passerelles entre les services. L'aspect le plus visible de cette refonte tient à ce que ce corps est en partie recruté à la sortie de l'ENA, afin de donner un signe de la volonté de décloisonner et de revaloriser le renseignement, dans le cadre de la création d'une véritable « communauté du renseignement ». Ainsi, un poste à la DGSE a été offert à la sortie du dernier concours de l'ENA.
Troisième facteur d'augmentation, les crédits d'équipement. Il s'agit de renforcer les moyens d'écoute des télécommunications, afin de s'adapter à la croissance des flux, ainsi que les capacités de déchiffrement. Il faut préciser, à cet égard qu'une partie des moyens font l'objet d'une mutualisation avec les autres services de renseignement, notamment la DRM.
En résumé, le projet de budget de la DGSE traduit l'accentuation des moyens humains et techniques prévue par le Livre blanc.
Comme j'avais eu l'occasion de le dire les années précédentes, cet effort qui se chiffre en dizaines de millions - ce qui reste modeste par rapport à l'ensemble du budget de la défense - doit surtout être analysé comme un rattrapage nécessaire. Dans le passé, les moyens de la DGSE n'avaient pas vraiment été augmentés à la hauteur des besoins.
J'ajoute que la DGSE bénéficie également de moyens qui ne relèvent pas de son budget, comme les satellites de renseignement. Le programme Musis me semble préservé.
J'ai en revanche quelques inquiétudes sur le décalage du satellite d'écoute Ceres, même si la DRM semble plus concernée que la DGSE. Une capacité d'écoute spatiale, en particulier des communications, me semble vraiment indispensable pour des zones d'intérêt comme par exemple le Sahel.
Toujours sur le renseignement, je voudrais dire un mot sur la DPSD, service moins connu que la DGSE et dont on parle peu. Avec mes collègues, nous nous sommes d'ailleurs rendus au siège de la DPSD pour nous entretenir avec son directeur, le général Antoine Creux, et visiter ses différents services.
La DPSD est en quelque sorte le service de sécurité interne du ministère de la défense. Elle est chargée de rendre des avis sur les demandes d'habilitation des militaires et elle assure la protection des installations, y compris sur les théâtres d'opérations extérieures. Elle agit également au profit des entreprises liées à la défense, en matière de contre-ingérence et d'intelligence économique.
A l'exact opposé de la DGSE, la DPSD doit perdre 15 % de ses effectifs en six ans, soit environ 200 emplois (elle en compte aujourd'hui 1200). Mais cette diminution ne devrait pas affecter la substance du service, puisqu'elle portera essentiellement sur des personnels affectés à des tâches très administratives de gestion des procédures d'habilitation des personnels.
Ces procédures vont être entièrement numérisées à l'horizon 2013, grâce au projet SOPHIA, qui a pris un certain retard. Les gains obtenus vont en partie être redéployés pour renforcer le niveau de qualification, en recrutant davantage d'officiers brevetés et de personnels civils de catégorie A. Ainsi, la DPSD n'avait que 15 emplois civils de catégorie A en 2009. Elle en aura 33 en 2012.
L'organisation territoriale du service, qui dispose d'antennes sur l'ensemble du territoire, a également été rationnalisée, afin d'être cohérente avec l'implantation des bases de défense.
On peut donc constater un effort pour moderniser la DPSD et pour lui donner les moyens de contribuer davantage à la politique du renseignement.
Pour ma part, je porte donc une appréciation plutôt positive sur les crédits du programme 144, et je me félicite en particulier que les crédits consacrés au renseignement aient été préservés dans le cadre des économies prévues par les deux plans d'économies supplémentaires présentés par le gouvernement, même si on peut regretter le tassement des crédits destinés à l'effort de recherche de défense, et notamment des études amont.
M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur pour avis associé. - Le second volet du programme 144 concerne les actions de recherche et de technologie de la direction générale de l'armement (DGA).
L'essentiel des dotations est constitué des crédits d'études-amont, qui financent les programmes de recherche contractualisés avec l'industrie. Ils augmentent de 3,6 % pour les autorisations d'engagement, à 732,5 millions d'euros, mais diminuent de près de 2 % pour les crédits de paiement, à 633 millions d'euros. On constate ainsi depuis quatre ans un tassement des crédits de paiement du programme 144 destinés aux études amont, autour de 650 millions d'euros par an.
Des financements complémentaires devraient permettre de porter la dotation autour de 700 millions d'euros. En 2009 et 2010, il y avait eu 110 millions d'euros supplémentaires sur deux ans avec le plan de relance. En 2012, on attend, comme l'an dernier, 50 millions d'euros provenant des ventes de fréquences hertziennes, si celles-ci se réalisent. Ces 700 millions d'euros annuels correspondent sensiblement à ce qui a été prévu par la loi de programmation militaire.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je limiterai mes propos à trois observations.
La première est l'importance cruciale des études-amont dans l'effort de défense du pays.
Comme le savent bien ceux d'entre vous qui travaillent sur ce sujet depuis quelques années, la recherche militaire est très différente de la recherche civile. Alors que la recherche civile procède, le plus souvent, par voie d'incréments, d'améliorations, par exemple, passer de l'Airbus A320 à l'Airbus A330, de l'A380 au A 350, la recherche militaire, elle procède par ruptures technologiques, par exemple entre les chasseurs de quatrième génération et ceux de cinquième génération, où la rupture dans la furtivité est massive. Cela parce que, depuis toujours, en matière militaire il faut trouver le glaive qui coupe mieux, la lance qui va plus loin, le bouclier qui protège mieux que celui de son voisin.
C'est donc, dans le domaine de la recherche militaire qu'interviennent souvent des innovations majeures. Je pense à l'internet, je pense à la géo-localisation, je pense aux téléphones portables, je pense aux micro-ondes, pour ne prendre que des innovations récentes et que nous utilisons tous les jours.
Or la recherche par rupture est extraordinairement onéreuse, car en réalité, on ne trouve pas toujours ce que l'on cherche et l'on trouve souvent ce que l'on ne cherchait pas.
Or, beaucoup de fleurons de notre industrie interviennent dans le secteur des équipements militaires : Thales, Dassault, EADS, Safran-Sagem, DCNS - dans sa partie ingénierie. C'est comme cela ! L'industrie allemande excelle dans l'automobile. Notre industrie excelle dans les équipements de défense. Au demeurant, c'est un peu la même chose pour l'industrie anglaise. Une étude de l'Université d'Oxford a ainsi montré que l'effet multiplicateur de la R & D de défense sur le PNB (impact de BAe sur une période cumulée de 12 ans) était estimé à un pourcentage du PNB britannique. Or ce qui abonde, ce qui irrigue, ce qui est la source de cet effort de recherche, ce sont précisément ces études-amont réalisées sur commande de l'Etat. Il faut donc considérer cette dépense comme un levier stratégique et veiller à son efficacité comme sur un trésor. Cela est possible grâce à des organismes étatiques comme la DGA, le CEA, le CNES, l'ONERA, - qui joue un rôle clef en matière aéronautique - et bien sûr les écoles, l'école polytechnique, mais aussi l'ENSTA et j'en oublie sûrement A cette efficacité économique, il faudrait ajouter le bénéfice immatériel induit par la maîtrise souveraine des produits développés par la filière française par rapport à un achat sur étagère ; la contribution économique globale générée par l'exportation et l'impact positif sur les bassins d'emploi.
Deuxième observation, si l'effort est important quantitativement, il est également important qualitativement. En effet, ce ne sont pas toujours les entreprises qui dépensent le plus dans la recherche qui réalisent les innovations les plus importantes. Si l'importance des crédits compte, la cohérence du plan d'études, le suivi dans le temps, l'investissement sur des technologies clef, tout cela compte aussi si on veut faire jouer à plein l'effet de levier et démultiplier les sommes investies par l'Etat. Il faut aussi, c'est parfois le cas, parfois non, que les entreprises consentent à faire des investissements sur fonds propres.
Or de ce point de vue, si je conçois bien la cohérence des études-amont en matière de dissuasion nucléaire, en revanche, mais cela est sans doute dû au fait que je viens de prendre la responsabilité de ce rapport, j'ai du mal à voir les autres grands projets structurants, notamment en matière de drones MALE et en matière de défense anti-missile balistique.
En matière de drones MALE, mais je suis certain que les rapporteurs du programme 146 nous en diront plus, le financement du démonstrateur NEUROn qui est un projet d'UCAV (drone de combat) semble s'arrêter en 2012, alors que NEUROn fera son premier roll out. Les sommes déjà investies sur NEUROn sont de 440 millions d'euros - hors taxe - dont 284 millions TTC, pour la France, le reste étant partagé par la Suède, la Suisse, l'Espagne, l'Italie et la Grèce. Sur ces 284 millions d'euros, nous avons déjà dépensé 247,3. 18 seront encore dépensés en 2012 et puis il ne restera que 25 millions d'euros pour l'après 2012. Je signale que l'autofinancement de l'industriel dans ce programme est nul.
Qu'y aura-t-il après ? Il semblerait que cela dépende des décisions qui seront prises dans le cadre du sommet franco-britannique de décembre. Nous en saurons plus sous peu je suppose, mais pour l'instant j'ai du mal à voir, comme mes collègues du programme 146, la cohérence de la stratégie industrielle suivie.
Pour ce qui est de la DAMB, la seule étude inscrite sur le programme 144 concerne la réalisation d'un démonstrateur de radar à très longue portée, dit TLP, pour un total de 30 millions d'euros. Là encore, si j'en crois le rapport d'information de mes collègues MM. Xavier Pintat, Daniel Reiner et Jacques Gautier qui ont creusé cette question de façon très approfondie, ce n'était peut être pas la chose la plus urgente à faire ? Sans doute eut-il mieux valu avancer la réalisation du satellite d'alerte avancée, successeur de Spirale, ou bien lancer des programmes moins onéreux en coopération européenne, tels le radar GS1000, qui serait capable de donner une capacité DAMB au missile Aster 30 ou bien le radar SMARTL de Thales Netherlands qui pourrait assumer une fonctionnalité très proche du TLP, mais sur les frégates Horizon, donc déplaçable.
Enfin, dernière observation. Les dépenses de recherche en coopération diminuent à l'exception notable des dépenses en coopération avec le Royaume-Uni. Avec ce dernier, notre objectif est de dépasser les 50 millions d'euros par an pour chacun des deux pays. En revanche, il y a une baisse des programmes en coopération avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Nous n'aurions jamais pu faire ce que nous avons fait ensemble dans le domaine des frégates, dans le domaine des satellites, dans le domaine des missiles si nous n'avions pas investi en commun dans les études amont qui ont permis la réalisation des programmes. La coopération avec l'Angleterre c'est bien. Avec l'ensemble des Européens, ce serait mieux, surtout quand les budgets de recherche diminuent.
Je ne voudrais pas terminer sans tirer un petit coup de chapeau à la DGA pour le programme RAPID, qui permet de financer dans les meilleurs délais les PME innovantes et, au bénéfice de ces observations, je recommanderai à la commission de s'abstenir sur le vote de ces crédits.
M. André Trillard, rapporteur pour avis - Le programme 144 comporte également deux actions à vocation internationale : le soutien aux exportations d'armements et le réseau diplomatique de défense, c'est-à-dire le réseau des attachés de défense dans les ambassades.
En ce qui concerne le soutien aux exportations, les dotations sont en baisse en 2012, mais cette diminution s'explique uniquement par le financement en 2011 du salon de l'aéronautique et de l'espace du Bourget.
Je rappelle que la France est aujourd'hui le quatrième exportateur mondial d'armement, derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Russie, et devant Israël, ces cinq pays se partageant 90 % du marché mondial.
La part de marché de la France est de 7,20 %, contre 52,40 % pour les Etats-Unis et 13,4 % pour le Royaume-Uni.
Par zones géographiques, le Proche et Moyen Orient représente 27 % des commandes, devant l'Amérique du Sud (19,50 %) et l'Asie (17,90 %). L'Union européenne ne représente que 13,60 %.
Les principaux clients de la France sont le Brésil, l'Arabie Saoudite et l'Inde.
Les contrats les plus importants concernent la vente de sous-marins Scorpène au Brésil, de bâtiments de projection et de commandement (BPC) à la Russie, d'hélicoptères EC725 au Mexique et à la Malaisie, et d'un système d'observation par satellite au Kazakhstan.
En revanche, la vente du Rafale se fait toujours attendre.
Les exportations d'armements, qui s'étaient dégradées dans les années 1990, se sont nettement améliorées depuis 2007, grâce à un plan de relance.
Ce plan comprend deux volets : la dynamisation des mécanismes de soutien et la « fluidification » des mesures de contrôle.
En ce qui concerne le premier axe, plusieurs dispositifs ont été mis en place.
Une commission interministérielle d'appui aux contrats internationaux a été créée, qui se réunit tous les deux mois sur des sujets liés à l'export.
Un plan national stratégique de soutien aux exportations de défense a été élaboré et est actualisé chaque année pour tenir compte des évolutions du marché mondial d'armement.
Enfin, un plan « PME-PMI » a été lancé.
Par ailleurs, plusieurs mesures ont été prises pour favoriser la « fluidification » des contrôles, comme la réduction des délais de traitement des dossiers soumis à la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre.
Dans un contexte de forte diminution des budgets de la défense en Europe et aux Etats-Unis, en raison de la crise économique et financière, et face à l'arrivée de nouveaux concurrents issus des pays émergents, il faut s'attendre à l'avenir à une concurrence accrue sur le marché mondial d'armement.
Les crédits consacrés à notre diplomatie de défense sont en augmentation, de l'ordre de 5 %, par rapport à l'an dernier.
Outre la subvention versée à Djibouti (26 millions d'euros) pour le stationnement des forces françaises, cette dotation permet de financer le réseau des attachés de défense auprès de nos ambassades.
Au cours des années précédentes, j'avais souvent insisté, en qualité de rapporteur pour avis des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », sur l'intérêt de notre coopération militaire. C'est donc assez naturellement que je voudrais aujourd'hui vous présenter notre dispositif des attachés de défense.
Depuis 2008, notre réseau diplomatique de défense a été réorganisé. Cette rationalisation a conduit à une réduction des effectifs sur trois ans, qui sont passés de 422 postes permanents à l'étranger implantés dans 86 pays à 286 postes permanents, soit une réduction de plus de 30 % des effectifs pour un réseau de taille inchangée.
Cette diminution des effectifs a été rendue possible par la mutualisation des services de gestion au sein des ambassades dans le cadre de la RGPP. Ainsi, les fonctions de secrétariat ou de comptabilité ont été mutualisées entre les attachés de défense et les autres services des postes diplomatiques.
En matière de gestion des postes, diverses mesures ont été prises. Par exemple, des postes d'attachés de défense ne sont plus réservés comme auparavant aux officiers des armées mais peuvent être ouverts à des ingénieurs de l'armement, en fonction de la situation locale.
Des procédures nouvelles ont été mises en place pour assurer la sélection des attachés de défense et veiller à une meilleure adéquation entre les profils des candidats et les postes à pourvoir.
Un comité, présidé par un inspecteur général des armées, a été créé et est chargé d'effectuer tous les six mois le point sur le réseau bilatéral de défense.
Ainsi, il est prévu de fermer en 2012 des missions de défense dans certains pays (comme la Bulgarie, la Hongrie ou la République tchèque), d'ouvrir une mission de défense en Macédoine et de renforcer les missions de défense dans des pays avec lesquels nous avons un partenariat stratégique (comme l'Inde, le Brésil, la Malaisie ou les Emirats arabes Unis).
En conclusion, on peut résumer l'évolution du programme 144 de la manière suivante :
- un renforcement indispensable de la fonction « renseignement » et de notre réseau diplomatique de défense ;
- une diminution significative de la subvention aux écoles de la DGA et à l'ONERA ;
- un tassement inquiétant des crédits destinés à la recherche de défense, dont le niveau risque fort de se révéler très vite insuffisant. Le Livre blanc de 2008 avait évalué à un milliard d'euros le montant des études amont nécessaire pour maintenir toutes nos compétences technologiques et en développer de nouvelles. Avec moins de 700 millions d'euros, nous en sommes encore très loin.
Pour ma part, je vous recommanderai de donner un avis favorable à l'adoption des crédits.
Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Programme Préparation et emploi des forces - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de MM. Gilbert Roger et André Dulait sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 : mission Défense (programme 178 « Préparation et emploi des forces »).
M. André Dulait, co-rapporteur - Comme vous le savez, le programme « Préparation et emploi des forces » regroupe la majeure partie des dépenses de personnel et de fonctionnement des armées.
Avec 23 milliards, ce programme est le plus important en volume de la mission Défense.
J'exposerai, pour ma part, les dépenses de personnels, laissant à notre collègue, Gilbert Roger, le soin de traiter des dépenses de fonctionnement et de maintien en condition opérationnelle.
Le programme 178 rassemble 88 % des effectifs du ministère de la défense, soit 260 000 Équivalents temps plein travaillés (ETPT). Il s'agit, à 84 % de militaires et à 16 % de civils.
Ce programme concentre donc toutes les problématiques de la gestion des ressources humaines des armées. Il constitue aujourd'hui le coeur de ce que l'on appelle « la grande manoeuvre des ressources humaines » en cours.
Aussi, je voudrais, tout d'abord, évoquer la poursuite de cette réforme de notre outil de défense en matière de ressources humaines.
J'aborderai ensuite les crédits du titre 2 du programme 178 pour 2012.
Le projet de budget pour 2012 s'inscrit dans le cadre fixé par la LPM dont nous devrons l'année prochaine faire le bilan avant de commencer les travaux de la prochaine loi de programmation.
Je ne vais pas revenir sur la LPM, mais je rappellerai juste qu'avec une suppression programmée de 54 000 postes, la diminution du format d'ici 2014 est sans précédent : Il s'agit là d'une réduction de plus de 20 % de nos effectifs, 36 000 procèdent de l'optimisation des fonctions soutien, et 18 000 des unités combattantes.
Mais plus encore que la déflation des effectifs, c'est la réorganisation des méthodes avec :
- la dissolution de 53 organismes majeurs et le transfert de 25 organismes ;
- la création de 60 Bases de défenses dont 51 en métropole, de 5 Etats-majors de soutien de défense, de la Direction de la sécurité des aéronefs de l'Etat, de deux commandements interarmées consacrés à l'espace et aux hélicoptères, de 5 directions de soutien, etc ;
- la mutualisation et la rationalisation du soutien commun et le transfert de plus de 25 000 personnes des armées vers la sphère interarmées ;
- et enfin la poursuite des expérimentations d'externalisation.
Toutes ces réformes menées de front constituent autant de défis pour les armées qui sont en train de procéder à une transformation inédite par son ampleur.
Je ne crois pas que beaucoup d'institutions en France aient réussi un pareil tour de force en termes de restructuration et ceci, tout en engageant en permanence et en moyenne 12 000 hommes sur 9 théâtres d'opération.
Comme l'a souligné le chef d'Etat-major des armées, la fin des déflations programmées sera sans doute plus difficile à réaliser.
Elle ne résulte en effet plus de dissolutions massives de structures mais de rationalisations dans de multiples métiers. C'est un vrai défi.
Compte tenu de nouveaux besoins, l'objectif de 54 000 ne sera probablement pas atteint.
Cet objectif a été fixé avant que l'on ne décide d'augmenter les effectifs de notre base aux Émirats Arabes Unis, de réintégrer l'OTAN ou de maintenir une présence en Côte d'Ivoire.
Nos armées entreprennent un processus de transformation considérable.
D'un point de vue budgétaire, les économies directement liées à la réduction des effectifs sont de l'ordre de 200 millions pour 2012.
Ces économies devaient être entièrement réinvesties dans l'outil de défense, d'abord sur la condition militaire, ensuite sur les équipements.
En dépit du coût d'accompagnement des restructurations et de l'évolution des dépenses sociales, les crédits de rémunération devraient diminuer de 1 % par rapport à 2011 sous l'effet des 7 462 suppressions de postes, qui représentent à elles seules un quart des réductions d'effectifs de l'Etat.
Sur l'ensemble de la mission défense, les gains nets, c'est-à-dire une fois prélevées les dépenses d'accompagnement et les mesures indiciaires, ont été depuis le début 2008 de seulement 248 millions, pour une masse salariale de 9 milliards. Les gains sont donc en grande partie absorbés par les mesures de revalorisation de la condition militaire.
Sur le plan des effectifs : il est prévu que la déflation porte à 75 % sur les soutiens. Elle devra respecter une proportion de 25/75 % entre civils et militaires.
On l'a vu lors de l'audition des syndicats des personnels civils, cette réforme impose non seulement une réduction des postes de civils, environ 12 000 sur la période, mais surtout une mobilité géographique sans précédent. Il ya là une vraie difficulté qui explique qu'on puisse avoir à la fois 1 800 postes vacants et 1 000 personnels civils sans emplois. La réforme du soutien pose par ailleurs la question délicate de la répartition des tâches entre militaires et civils.
Les opportunités que présente cette réforme, tout à fait nécessaire, sont réelles. Une organisation rationalisée et mutualisée devrait être mise au service de notre outil opérationnel. C'est l'enjeu de la réforme : les économies de personnels doivent provenir des réorganisations et des mutualisations. Si l'on diminue les effectifs sans réformer l'organisation en profondeur, c'est l'outil militaire dans sa globalité qui est mis en péril.
La difficulté, c'est que les deux opérations sont menées de front : des objectifs de baisse d'effectifs ont été définis ; il faut qu'ils soient en phase avec le calendrier des restructurations.
Sur la période 2011-2013, le ministère prévoit en moyenne une baisse de 8 000 emplois nets par an, par régulation des flux, reclassement dans la fonction publique ou attribution de pécule.
En 2011, la déflation s'est poursuivie au même rythme que 2010, mais compte tenu de l'avance prise, la réduction est de l'ordre de quelques 3 300 postes supplémentaires par rapport aux réductions prévues.
2011 a été le point d'inflexion de la transformation, avec la mise en place effective de toutes les structures nouvelles aussi bien dans le domaine opérationnel que dans celui du soutien. La moitié des réductions de postes est réalisée, après un effort très important de rationalisation et d'optimisation.
En ces temps de baisse d'effectifs, recrutement et fidélisation restent plus que jamais les priorités.
Si la déflation d'effectifs se fait en resserrant trop les recrutements, cela se traduira par :
- le vieillissement des armées,
- un déséquilibre de la pyramide des grades,
- un embouteillage des carrières,
- et vraisemblablement un gonflement des soutiens.
Ces évolutions, à l'opposé de ce que nous recherchons, se traduiraient par une désorganisation des structures opérationnelles.
Pour l'instant, le seul volet de la manoeuvre qui ne fonctionne pas, c'est le volet reclassement des militaires vers la fonction publique, mais il fallait s'y attendre : seulement la moitié de l'objectif a été atteint : toutes les administrations réduisent leurs effectifs et n'accueillent donc pas nos militaires à bras ouvert.
On observe par ailleurs un télescopage entre la volonté de réduire les effectifs par des incitations au départ et l'allongement des durées de cotisation liée à la réforme des retraites. Les premiers effets de la réforme des retraites vont se faire sentir en 2012. On estime que la réforme va réduire les départs annuels spontanés de 600 par an.
Il s'agit là d'un point de préoccupation qui devrait conduire le ministère de la défense à renforcer les incitations au départ de façon à maintenir une pyramide des âges conforme aux besoins opérationnels.
J'en viens aux crédits du titre 2 du programme 178 pour 2012. Je ne vais pas vous assommer de chiffres, mais il en faut pour comprendre l'évolution des grandes masses. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour ce qui est de l'évolution en détail de chaque ligne budgétaire.
Le projet de loi de finances pour 2012 traduit la reconnaissance de la sous-dotation du titre 2 de la mission défense que nous avions soulignée l'année dernière. En 2011, on a encore constaté un déficit de l'ordre de 70 millions d'euros, ce qui ne représente cependant que 0,6 % des crédits de masse salariale de la mission défense.
L'une des difficultés de la « manoeuvre » tient dans la concordance entre le cadrage financier retenu pour l'évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d'effectifs.
Par rapport à la LPM, plusieurs évolutions ont conduit à une augmentation de la masse salariale alors même que les effectifs diminuent :
- l'intégration dans l'OTAN. La participation pleine et entière à l'OTAN se monte pour 2011 à 925 personnes, près de 26 millions d'euros au Titre 2. A terme, les surcoûts liés à l'intégration à OTAN seront de près de 130 millions d'euros par an qui n'avaient pas été anticipés au niveau de la LPM ;
- le doublement des effectifs à Abou Dhabi. La montée en puissance des effectifs de 254 en 2009 à 560 en 2012 s'accompagnera d'une dépense de la masse salariale croissante, passant de 6,7 millions d'euros en 2009 à 19,4 millions d'euros en 2012.
Le montant de l'indemnisation chômage montre l'impérieuse nécessité de réussir la reconversion des militaires.
L'autre difficulté est de parvenir à faire coïncider - dans le temps et selon les types d'emplois - les recrutements, les départs naturels et les besoins en réduction de postes.
De ce point de vue, on peut noter, une amélioration de la fidélisation qui réduit le turn-over et les besoins de recrutement.
L'année dernière, je m'étais inquiété de l'évolution de la durée effective des premiers contrats des militaires du rang de l'armée de terre qui ne cessait de baisser. Elle est aujourd'hui en-dessous de 7 ans, c'est-à-dire en-dessous de la période minimale qui permettrait de rentabiliser l'effort de recrutement et de formation qui est de l'ordre de 8 ans. Plus que jamais, la fidélisation devient un enjeu de la qualité de notre outil de défense. On observe cette année une amélioration liée aux mesures prises en 2010. Ainsi le pourcentage de renouvellement du premier contrat des engagés volontaires est passé de 63 % en 2009 à 71 %. Cette amélioration a conduit à une réduction des recrutements de l'ordre de 2 000.
A l'autre bout de la chaîne, on constate en revanche l'impact de la réforme des retraites. La réforme se traduit globalement par un décalage de 2 ans des limites d'âge, une augmentation du taux de cotisation, et un décalage du minimum garantie à 15 ans de service, à 19,5 ans. Le ministère a créé une indemnité proportionnelle de reconversion pour lisser l'effet de la réforme. Mais de nouvelles mesures s'imposeront pour favoriser les départs naturels au-delà des pécules actuels.
Un mot sur les OPEX. A activité comparable, c'est-à-dire hors Harmattan, on constate une stabilisation des surcoûts par rapport aux années antérieures, à 878 millions d'euros. L'augmentation des dépenses liées aux opérations en Afghanistan, consacrées à la sauvegarde et la protection des forces déployées, est compensée par la baisse des dépenses d'autres théâtres comme le Kosovo, où notre contingent a été réduit au cours de cette année à 300 soldats, et Atalante. S'agissant de l'opération Harmattan, les surcoûts sont estimés entre 330 et 350 millions d'euros au 30 septembre.
Ce qui porte l'estimation des surcoûts totaux entre 1,2 et 1,3 milliard d'euros pour 2011. Conformément à la LPM, le financement de ces surcoûts au-delà de la provision budgétaire devra bénéficier d'un abondement interministériel, à hauteur d'environ 600 millions d'euros.
Pour 2012, la provision s'élève à 630 millions d'euros comme en 2011, ce qui, compte tenu de l'annonce du retrait du théâtre afghan de 1 000 hommes avant la fin 2012, devrait permettre de faire face aux dépenses prévisibles. La dotation allouée aux surcoûts des opérations extérieures progresse. Nous n'en sommes pas à une budgétisation intégrale, mais nous nous en approchons.
Les OPEX appartiennent désormais au fonctionnement ordinaire de nos armées. Elles ne sont plus ni imprévisibles, ni ponctuelles. Elles doivent donc être prévues en construction budgétaire dès la loi de finances initiale.
Sous le bénéfice de ces observations, je recommande pour ma part l'adoption des crédits de la mission Défense.
M. Gilbert Roger, co-rapporteur - Après la situation des personnels que vient d'exposer notre collègue André Dulait, je vais vous présenter les crédits de fonctionnement du titre 3 du programme 178, programme placé sous la responsabilité de l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA).
Je ferai le point sur les bases de défense, qui assurent le soutien des unités qui leur sont rattachées, puis évoquerai le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels et l'entraînement des personnels.
Le PLF pour 2012 attribuait à ce titre 3, avant son examen par l'Assemblée nationale : 6,087 milliards d'euros de crédits de paiement (CP), contre 5,804 milliards en 2011, soit une hausse de 5,4 %. A la demande du gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé 20 millions d'euros sur le MCO, coupe qui serait compensée par, je cite le ministre de la défense « des cessions de fréquence sur la bande des 800 Mégaherz, voire des cessions de matériels ».
C'est donc sous cette réserve que je vous présente la répartition de ces crédits par action.
L'action n° 1 « Emploi des forces » diminue de 7 %, du fait de l'achèvement de l'installation des forces françaises aux Emirats Arabes Unis, et de la rationalisation des forces de présence en Afrique, basées à Djibouti, au Gabon et au Sénégal.
L'action n° 2 « Préparation et emploi des forces terrestres » diminue de 4 %, du fait de la contraction de journées d'entraînement, regrettée par le Général Ract-Madoux, chef d'Etat major de l'armée de terre, comme l'avait fait son prédécesseur, le général Irastorza. Relevons cependant que, de 2010 à 2011, cette baisse avait été de 13 %. Cette action est marquée par la rationalisation constituée par la création du SMITer (service de maintenance industrielle terrestre) visant, comme dans les autres armées, à mieux organiser la maintenance des matériels en la confiant à un organe unique, capable d'améliorer les rapports avec industriels, avec la perspective de réduction des coûts.
L'action n° 3 « Préparation des forces navales » augmente de 7,65 % et l'action n° 4 « Préparation des forces aériennes », de 7,6 %, traduisant les financements croissants attribués au MCO des matériels de ces armées.
Vous trouverez les éléments détaillés de chacune de ces actions dans le rapport écrit. Je m'en tiendrai ici à l'exposé des principales problématiques du titre 3.
J'évoquerai d'abord le déploiement, au 1er janvier 2011, des 60 bases de défense (BdD) au terme d'une période d'expérimentation commencée en janvier 2009, avec d'abord 11 bases expérimentales en 2009, puis, en 2010, 18 bases « pilotes ». 51 BdD sont déployées en métropole, 5 outre-mer et 4 à l'étranger, à Djibouti, aux Emirats Arabes Unis, au Gabon et au Sénégal.
Ces bases constituent « le principal levier de la mutualisation de l'administration générale et du soutien commun » selon les termes du MINDEF. J'ai eu un entretien sur ce point avec le général Eric Rouzaud, sous-chef d'Etat-major « Soutien » à l'Etat-major des armées. Une synthèse des informations recueillies à cette occasion figure dans mon avis, mais je me propose, Monsieur le Président, si vous le souhaitez, d'établir une note plus détaillée à l'attention des membres de notre commission.
Le Général Rouzaud m'a confirmé que le déploiement des BdD suppose une harmonisation des procédures, actuellement différentes selon les armées, en matière de systèmes d'information, de gestion du personnel et de paiement des soldes. Cette harmonisation, simple dans son principe, mais complexe dans sa mise en oeuvre, demande du temps pour être évaluée avec pertinence. Le général Rouzaud m'a précisé que des économies en matière de personnels avaient déjà été réalisées, dans la distribution du courrier par exemple.
Je crains, et certains chefs d'état-major ne cachent pas leurs réserves sur ce point, que ce processus de mise en place des BdD n'ait été trop hâtif. Je comprends, cependant, qu'il convenait de réduire le plus possible la période de transition entre l'ancien et le nouveau système.
Nous jugerons aux résultats, et observerons si cette mutualisation des procédures, qui suppose celle des soutiens, aboutira bien à l'objectif poursuivi, qui est la réduction des personnels qui leur sont dévolus, et, in fine, à des économies budgétaires.
Le fait qu'une seule autorité, le commandant de la BdD, dirige l'ensemble de ce domaine, auparavant disséminé dans les unités, permet d'avoir une perception globale de son fonctionnement, ainsi que des infrastructures des unités soutenues. Des améliorations sont recherchées en matière de simplification des procédures administratives, et dans le déploiement, complexe, des systèmes d'information. Cependant, la création d'un service unique du commissariat, concomitante à celle de l'introduction du logiciel CHORUS, a pu créer des difficultés pour engager des crédits, et régler des factures.
L'année 2011, qui a constitué un pic en matière opérationnelle, avec 13 500 personnes déployées sur des théâtres extérieurs, comme l'Afghanistan et la Libye, a démontré que l'efficacité du soutien n'a en rien été altérée par la réforme, bien au contraire.
Au total, le général Rouzaud estime que la réforme créant les BdD nécessite encore au moins deux exercices budgétaires pour être évaluée de façon pertinente, et que sa réussite passe par la stabilisation du mode de fonctionnement des bases. Les économies qu'elles permettent sont, pour l'instant, limitées au volume des personnels. Une estimation financière demande plus de recul.
J'en viens aux difficultés financières et d'organisation suscitées par le maintien en condition opérationnelle (MCO) de matériels de plus en plus vecteurs de technologies.
Ce MCO relève budgétairement du titre 3 du programme 178, mais implique également les rémunérations versées aux différents personnels intervenant dans la maintenance, rémunérations qu'il est malaisé d'évaluer financièrement avec précision. C'est pourquoi le suivi financier s'opère par la notion d'entretien programmé des matériels (EPM), qui ne recouvre que des coûts de fonctionnement. Un matériel en bonne condition opérationnelle constitue un élément déterminant de la capacité d'action des armées.
La maintenance, et son coût, ne sont devenus des sujets de préoccupation qu'à partir des années 1990, du fait de la complexité croissante des matériels utilisés. Le redressement des montants financiers dévolus à cette fin a constitué une des priorités de la LPM 2003-2008, tandis que les armées s'organisaient, dans le même temps, pour mieux structurer leurs services de maintenance. Ainsi furent successivement créés le service de soutien de la flotte (SSF), en 2000, la SIMMAD (structure intégrée de maintien en condition opérationnelle du matériel aéronautique de défense) également en 2000, le SIAé (service industriel d'aéronautique) en 2007, et que la SIMMT (structure interarmées du MCO des matériels terrestres), englobant le matériel terrestre, l'a été en 2011, accompagnée par celle du SMITer, déjà cité.
Ces réorganisations ont permis au moins une stabilisation des coûts.
L'actuelle loi de programmation militaire est fondée sur l'hypothèse que les coûts des matières premières et des prestations industrielles continueront à augmenter, mais que le volume des personnels civils ou militaires, relevant du ministère de la défense, qui sont affectés à la maintenance, décroîtra, ce qui conduira à une stabilité des coûts globaux.
Il est, en effet, prévu qu'une part importante des activités de maintenance seront transférées à des structures de type industriels, qu'elles soient privées ou étatiques, auxquelles sera assuré un calendrier prévisionnel de leurs travaux, ce qui leur permettra de mieux les organiser, et d'en modérer les coûts.
La globalisation dans les contrats passés avec les industriels, comme des commandes d'équipements et des opérations de maintenance, requérant ainsi leur plus forte implication, dès la conception des équipements, dans l'organisation de leur future maintenance, constitue la piste la plus sérieuse pour atténuer les coûts du MCO.
J'en viens maintenant à l'entraînement des forces.
Les temps d'entraînement réalisés, armée par armée, ont été meilleurs en 2010 qu'en 2009, mais le fort engagement opérationnel en Afghanistan et en Libye a altéré ces bons résultats, excepté pour l'armée de terre. Pour celle-ci, l'objectif de 120 jours/homme devrait être atteint en 2011, et celui des pilotes d'hélicoptères dont l'entraînement devrait se situer autour de 175 heures/homme, proche de l'objectif de la loi de programmation militaire (LPM).
Pour la marine, l'activité des unités de surface se situe autour de 88 jours en 2011, contre 94 prévues, et se monterait à ces 94 jours en 2012. Les heures de vol de l'aéronavale ont été de 180 en 2011, contre 200 prévues, et devraient se situer autour de 200 heures en 2012, soit des durées inférieures aux objectifs de la LPM : 110 jours pour les bâtiments, et 220 heures pour l'aéronavale.
C'est l'armée de l'air, très engagée sur le théâtre libyen, pour laquelle l'entraînement des jeunes pilotes a été le plus réduit : autour de 120 heures pour un objectif de 180.
En conclusion, on peut estimer que le déploiement des BdD n'a en rien altéré, heureusement, le soutien en OPEX, mais rencontre une certaine résistance dans des unités habituées à maîtriser directement ce domaine, alors qu'elles doivent s'inscrire désormais dans les priorités globales des commandants de BdD.
Il faut relever que la création de ces bases va permettre une harmonisation des procédures entre armées aussi souhaitable que complexe à obtenir.
S'agissant des coûts du MCO, il faut poursuivre la passation de contrats globaux, incluant fabrication et maintenance, pour les nouveaux matériels.
Enfin, les armées impliquées dans l'intervention en Libye, c'est-à-dire la Marine et surtout l'armée de l'Air, ont dû limiter, de ce fait, l'entraînement des nouvelles recrues, alors que les équipages expérimentés y ont validé leur savoir-faire.
Au vu de l'ensemble des ces observations, je m'en remets à la sagesse de la commission pour l'adoption des crédits du programme 178 titre 3 pour 2012.
Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Programme Soutien de la politique de défense - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de Mme Michèle Demessine et M. Jean-Marie Bockel sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 : mission Défense (programme 212 « Soutien de la politique de défense »).
M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur - Je voudrais rappeler d'emblée ma conviction de la nécessité des mutations en cours et, comme vous le savez, j'ai été associé à la définition des grandes orientations de notre politique de défense.
En vous présentant ce budget pour 2012, je m'attacherai cependant à souligner les efforts destinés à limiter les inconvénients de ces transformations. Dans le cadre de nos auditions, nous avons entendu des propos rassurants à ce sujet, notamment de la part du secrétaire général pour l'administration au ministère de la Défense. Il a d'abord manifesté l'intention de privilégier une démarche pragmatique en matière de cessions d'emprises aux collectivités territoriales : cette méthode consiste à tenir compte des difficultés rencontrées dans le passé et à prendre des mesures concrètes comme celle du gardiennage des locaux inoccupés pour éviter les dégradations accélérées et les coûteuses remises en état. Je vous suggère également de marquer notre extrême vigilance à l'égard de la dimension humaine des restructurations. Je me félicite que M. Jean-Paul Bodin ait réaffirmé l'engagement du ministère de la Défense à procéder au suivi personnalisé et attentif qui doit permettre à l'intégralité des agents de trouver une solution positive.
Voici les principales observations que je tire de l'analyse du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » qui est le reflet budgétaire des mutations en cours.
Ce qui frappe d'emblée, c'est la chute en 2012 des autorisations d'engagement par rapport à 2011 : - 21,1 % avec 3,4 milliards d'euros contre 4,4 en 2011. L'évolution des crédits de paiements suit une pente moins heurtée et progresse de 4 % (3,1 milliards d'euros en 2012). Techniquement, je rappelle que ce programme 212 connaît un déséquilibre structurel entre les autorisations d'engagements et les crédits de paiement. L'explication réside pour l'essentiel dans la politique immobilière, qui représente près de la moitié des dotations de ce programme et qui engage des programmes d'infrastructures dont le financement est ensuite étalé dans le temps. La chute constatée en 2012 s'interprète donc comme un retour à la normale après la hausse ponctuelle des AE consacrées en 2011 au lancement de l'opération Balard (plus de 900 millions d'euros). A cette explication traditionnelle s'ajoute le fait que seule une part résiduelle des dépenses immobilières est financée par le compte d'affectation spéciale « gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » en raison de l'insuffisance des cessions d'emprises parisiennes attendues depuis 2009 et qui ne devraient être réalisées qu'en 2013.
Dans sa totalité, ce programme 212 comprend neuf actions : les crédits liés à la politique immobilière (47 % des crédits de paiement du programme) et aux restructurations (16 %) en constituent les deux principaux piliers. Jean-Paul Bodin a également eu raison de souligner, lors de son audition, les deux principales priorités qui s'expriment dans l'allocation des crédits budgétaires : le premier enjeu majeur est d'accompagner les restructurations territoriales et le second consiste pour le SGA à rationaliser sa propre organisation.
Les crédits de paiement du titre 5 consacrés à l'investissement se stabilisent en 2012 à un haut niveau (1 milliard d'euros).
Je laisse, par ailleurs, le soin à Mme Michèle Demessine de commenter la progression de 13,7 % des dépenses de rémunération et charges sociales du titre 2 (1,17 milliard d'euros en 2012). Je rappelle que la tendance générale est bien la baisse des effectifs de la Défense mais que l'évolution du périmètre du programme 212, liée à la réorganisation des services, se traduit par des transferts entrants d'emplois supérieurs aux transferts sortants, ce qui explique cette hausse.
Je rappelle que le premier « rabot » adopté par l'Assemblée nationale se traduit par une minoration de 0,9 % des autorisations d'engagement et de 1,42 % des crédits de paiement du programme 212. Ce sont d'abord les crédits dédiés aux opérations d'infrastructures qui sont diminués (de 30 millions d'euros en AE et de 34 millions d'euros en CP). Il s'agit de décaler dans le temps des opérations et non de les abandonner. D'autre part, le ministère nous a rassurés à propos de la diminution de 10 millions d'euros des CP destinés au Fonds pour les restructurations de la défense (FRED). Il s'agit de « jouer » sur le décalage entre la signature des contrats et les décaissements et je propose de demander en séance publique au Gouvernement de garantir que le « rabot » ne portera pas atteinte au plan de financement économique des restructurations (dont 213 millions d'euros sont financés par le FRED).
Quelques indications sur le financement des dépenses immobilières et d'infrastructure par des recettes exceptionnelles plus faibles que prévu et des économies de fonctionnement, qui seront, je l'espère, au rendez-vous.
La fragilité des prévisions de recettes issues des cessions immobilières a été soulignée avec pertinence et conviction par notre collègue Didier Boulaud dès 2009, puis en 2010.
Où en est-on aujourd'hui en matière d'encaissements et de prévisions de recettes immobilières ?
Les encaissements se sont chiffrés en 2009 à 65 millions d'euros dont 50 millions d'euros au titre d'emprises situées en province et, en 2010, à 102 millions d'euros dont 88 millions au titre d'emprises régionales. Pour 2011, de nombreux chiffres circulent, mais je m'en tiens aux précisions apportées par le SGA. Les encaissements avoisineront vraisemblablement 120 millions d'euros et non pas 160 ; en revanche, les prévisions pour 2012 qui avaient été fixées à 163 millions d'euros sont réévaluées à 181 millions d'euros. Il s'agit tout simplement du décalage de la vente de la caserne de Reuilly qui devrait être finalisé début d'année 2012.
À Paris, le regroupement des administrations centrales à Balard doit libérer fin 2014 des emprises de grande valeur. En 2013, le montant prévisionnel des cessions est évalué à 672 millions d'euros avec la vente, d'un certain nombre d'emprises parisiennes comprenant l'Îlot St Germain, l'Hôtel de l'Artillerie l'Hôtel du Génie, l'Abbaye de Penthemont, l'Hôtel de Penthemont et la caserne de la Pépinière.
Ces biens seront vendus séparément, en fonction de la date de leur libération, ce qui évitera au ministère de la Défense d'avoir à régler des loyers.
Un seul constat final sur ce point : en dépit de toutes les critiques qu'on peut lui adresser, ce processus de cession pourrait finalement aboutir à vendre de l'immobilier parisien dans une conjoncture favorable.
S'agissant des ventes d'emprises régionales, l'analyse la plus utile, à mon sens, consiste à déterminer le meilleur point d'équilibre entre l'intérêt de l'Etat et celui des collectivités territoriales.
Je rappelle que la moitié des emprises cessibles est éligible au dispositif de cession à l'euro symbolique, assorti de la clause de retour à meilleure fortune, prévu par l'article 67 de la loi de finances pour 2009. C'est un progrès considérable par rapport à la situation que nous avons connue dans le passé. A ma demande, on nous a communiqué le bilan détaillé de l'application de ce dispositif au 20 octobre 2010 : il en résulte que depuis 2009, 43 emprises d'une valeur estimée à 92,3 millions d'euros (16,1 millions en 2009, 24,5 en 2010 et 51,6 en 2011) ont été cédées à l'euro symbolique, principalement à des communes éligibles au dispositif et dont les moyens financiers sont extrêmement limités.
La première priorité, à la fois pour l'Etat et les collectivités territoriales est d'éviter de laisser s'installer des zones de « friches militaires » qui s'accompagnent trop souvent d'une dégradation très rapide des immeubles et donnent lieu à de regrettables épisodes de pillages. Cela permet à l'Etat de réaliser des économies en termes de coûts d'entretien et aux collectivités territoriales de participer à la mise en oeuvre de projets susceptibles de générer de nouvelles recettes pour l'Etat.
Une brève remarque sur le projet du regroupement de l'administration centrale à Balard qui donne lieu à de très nombreux échanges d'arguments contradictoires et, parfois, à des polémiques. Il s'agit d'une expérience à la fois importante et inédite d'installation de 9 300 personnels en 2014 sur un site nouveau dont la construction, l'acquisition et le fonctionnement, dans toutes ses composantes, seront couverts par une redevance de 150 millions par an jusqu'en 2041. Elle sera versée à un opérateur qui a remporté un marché public sans qu'aucun de ses concurrents ne conteste la régularité de la procédure, ce qui constitue à tout le moins un indice du sérieux de cette opération.
Un certain nombre de critiques portent sur l'aspect financier de ce projet et le Gouvernement me semble avoir, en toute clarté, présenté la décomposition exacte de cette redevance. A mon sens, la raison qui justifie que ce pari vaut d'être pris est de nature plus économique que financière : Balard sera payé pour une somme correspondant au coût actuel de fonctionnement de l'administration du ministère, et par ailleurs, l'impact de l'ensemble du projet de janvier 2012 à juin 2014 est estimé à environ 2 000 emplois dans les bureaux d'études, cabinets d'architectes et entreprises du BTP.
Un mot, enfin, sur le sort de l'hôtel de la Marine. Comme vous le savez, le ministère de la Défense avait envisagé 300 millions d'euros de recettes supplémentaires en ayant recours non pas à une vente mais à un dispositif de bail à long terme mais il a, compte tenu des polémiques suscitées par cette opération, très vite ramené ses prévisions de recettes de 300 à 60 millions d'euros puis, plus récemment, à « epsilon » : aujourd'hui, « nous sommes en phase d'incertitude » a précisé le SGA lors de son audition.
Il me semble opportun de saluer les perspectives d'affectation de ce monument exceptionnel tracées par la commission de réflexion sur l'avenir de l'hôtel de la Marine présidée par Valéry Giscard d'Estaing. A partir d'une analyse de la vocation historique et architecturale de l'hôtel de la Marine, cette commission propose d'en faire un trait d'union entre, d'une part le Louvre, l'Orangerie, le Musée d'Orsay, le Jeu de Paume et d'autre part le Grand et le Petit Palais et autres grands musées de la rive droite. Une telle orientation ne peut que rendre Paris encore plus attractif, mais l'essentiel, du point de vue de notre commission, est la préservation du lien de ce bâtiment avec la marine.
Plusieurs questions méritent à mon sens d'être posées et de faire l'objet d'un suivi attentif. Elles portent, tout d'abord, sur les modalités juridiques du dispositif de préfiguration. Dans la phase de lancement, la mise en place d'un établissement public est envisageable, suivie, dans un second temps, de celle d'une société publique de capitaux dont il reste à déterminer l'actionnariat, le rôle que pourrait y jouer la Caisse des Dépôts et Consignations et les modalités de gouvernance.
On peut également se demander si la gestion immobilière de l'hôtel de la Marine sera filialisée et si les travaux, puis le fonctionnement courant, pourront être financés par des cessions domaniales des futurs occupants - comme la Cour des comptes, par des produits de baux commerciaux ou de locations de bureaux. On peut enfin se demander quelle sera la contribution du mécénat d'entreprise à cette opération.
Il s'agit là de questions très concrètes auxquelles les réponses seront déterminantes pour la réussite de ce projet.
Mme Michelle Demessine, co-rapporteur - Le 9 novembre 2011, et pour la première fois, semble-t-il, notre commission a entendu les représentants des syndicats des personnels civils de la défense à l'occasion de l'examen d'un projet de loi de finances. Je tiens à souligner cet événement très positif et la richesse des échanges auquel il a donné lieu. A l'évidence, il faudrait multiplier le nombre de telles auditions car de très nombreux points restent à approfondir, mais, en deux heures, les syndicats sont parvenus à nous faire entrevoir l'envers du décor de la réforme de la Défense. Leur approche réaliste incite à lire avec un oeil plus critique les 608 pages du Bleu budgétaire consacré à la mission Défense. C'est d'ailleurs en m'appuyant assez largement sur les analyses pertinentes des syndicats que je suggérerai à la commission de mettre un terme à la très longue série d'avis favorables qu'elle a pu émettre au cours des dernières années sur les crédits de la Défense.
Mon seul regret a été de constater qu'une seule et unique femme faisait partie des intervenants et j'ai noté qu'elle n'avait pas beaucoup pris la parole. C'est, pour moi un révélateur. Permettez-moi de rappeler qu'un certain nombre d'études de « management » concluent que la parité et la participation accrue des femmes aux fonctions de direction d'une structure renforce son efficacité et sa « rentabilité », tout en réduisant les conflits. Je souligne ce constat des effets positifs de la féminisation en rappelant, en revanche, que la voie de l'externalisation ne semble pas avoir apporté au ministère de la Défense tous les avantages qu'il en espérait.
J'observe également que le présent projet de budget met en avant un certain nombre de mesures favorables à l'implantation de crèches dans les bases militaires, notamment dans le projet Balard. Je m'en félicite, mais je souhaite aussi et surtout que l'on aborde le problème majeur de la parité et de la lutte contre les discriminations de genre dans nos armées : j'y vois un axe essentiel de renforcement de son efficacité et aussi du lien entre la Nation et son outil de défense. Je suggère donc, dans un premier temps, de demander au Gouvernement d'introduire des indicateurs chiffrés sur la place des femmes dans la Défense de notre pays car on ne trouve rien de tel dans la profusion de chiffres et de données qui accompagnent la présentation du budget de la défense.
J'en viens aux conclusions que je tire de l'analyse des crédits alloués au programme 212 et aux arguments qui, à mon sens, justifient le rejet des crédits de la mission Défense.
Méthodologiquement, et comme vient de l'indiquer, avec beaucoup de pertinence, M. Jean-Marie Bockel, les évolutions chiffrées qui nous sont présentés sont souvent difficiles à interpréter. C'est ainsi que la baisse des effectifs est totalement masquée, dans le programme 212, par la hausse des dépenses de rémunération. Par ailleurs, et pour prendre un exemple très précis, les crédits de l'action 6 « Accompagnement de la politique des ressources humaines » prévus pour 2012 s'élèvent à 505,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, en hausse de 27,2 % par rapport à 2011. Il s'agit de financer l'action sociale, la formation, le reclassement professionnel, l'allocation de cessation anticipée d'activité liée à l'amiante, l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que l'indemnisation du chômage. Certains députés se sont offusqués de cette hausse en faisant observer que les effectifs de la mission Défense diminuaient. Je déplore, au contraire, la baisse des effectifs et je constate la nécessité de la progression de ces crédits qui correspond, dans la réalité, à une situation de pénurie et de détresse pour les personnels en activité et, plus encore, pour ceux qui ne trouvent plus de solution de reclassement, ni dans l'administration ni dans le secteur privé.
Financièrement, ma principale inquiétude concerne le projet Balard : on peut se demander si le Gouvernement n'a pas amorcé, en apposant sa signature sur le PPP, une sorte de bombe à retardement budgétaire. Je me contenterai de quatre remarques à ce sujet.
Premièrement, c'est un contrat d'une durée de trente ans, ce qui par nature expose les deux signataires de ce PPP à un nombre incalculable de risques : il engage l'Etat et les générations futures pour une durée manifestement excessive et incorpore une nouvelle augmentation du niveau d'endettement de notre pays dans un environnement financier incertain ; on peut véritablement craindre le pire en cas d'évolution brutale des taux d'intérêt.
Deuxièmement, l'expérience du partenariat public-privé pour la construction de l'hôpital sud-francilien, qui, je le rappelle avait initialement été présentée comme une démarche exemplaire, s'est révélée, en pratique, catastrophique avec des malfaçons et des surcoûts inacceptables. Je ne suis pas certaine qu'on en ait tiré toutes les leçons.
Troisièmement, on nous dit que la redevance de 150 millions d'euros par an pour le PPP Balard sera financée par des économies de fonctionnement : personne à l'heure actuelle ne peut prouver avec exactitude la pertinence d'une telle affirmation puisque les dépenses de fonctionnement observées dans le passé correspondaient à un périmètre et donc à des effectifs plus nombreux qu'à l'avenir. Si toutefois cette hypothèse se vérifie, tant mieux, mais on pourra alors rétrospectivement s'interroger sur l'efficacité de la gestion des crédits de ce ministère. Je signale que, dans un tout récent rapport, la Cour des comptes vient de tenir un raisonnement analogue à propos de l'évolution des systèmes d'information de la défense : elle s'interroge d'abord sur l'optimisme excessif des prévisions de gains de productivité dans ce domaine. La Cour des comptes constate ensuite la réduction effective du nombre d'applications informatiques et souligne enfin « par contraste, l'ampleur des redondances » auxquelles ont conduit la gestion et les cloisonnements antérieurs.
Enfin, je suis réservée à l'égard de la fascination excessive pour les « grands projets » - catégorie à laquelle se rattache explicitement l'opération Balard. Leur caractère supposé futuriste est parfois très rapidement pris en défaut : je rappelle qu'un rapport du Sénat avait, par exemple, calculé que la Bibliothèque nationale de France consommait, à elle seule, autant d'électricité qu'une ville de 30 000 habitants. Je me demande quel regard on portera dans une dizaine d'années sur ce « Pentagone à la française » ou « Hexagone ».
Plus généralement, je souligne le décalage important entre l'affichage budgétaire et la réalité humaine ainsi que celle des territoires.
Au Sénat, comme en témoignent les débats que nous avons pu avoir en commission des Affaires étrangères sur le présent projet de budget ou lors des travaux de la mission d'information consacrée à la révision générale des politiques publiques, les difficultés des collectivités territoriales sont souvent bien analysées et relayées dans le débat public. Je saisis l'occasion pour citer le cas du territoire du Cambrésis-Arrageois qui doit aujourd'hui faire face aux bouleversements liés à la fermeture programmée pour l'été 2012 du site de la base aérienne 103 de Cambrai-Epinoy. Cette fermeture intervient dans un contexte économique particulièrement difficile, sur un territoire qui a déjà subi les effets des crises successives de plusieurs filières industrielles (les mines de charbon, la sidérurgie et le textile) puis une première vague de restructurations militaires (celles de la base aérienne OTAN de Niergnies et du centre de sélection n° 2 à Cambrai). Certes, un contrat de redynamisation de site de défense (CRSD) a été signé, en février 2011 entre l'Etat et onze partenaires locaux porteurs d'actions, maîtres d'ouvrage et contributeurs financiers : malgré la solennité qui a entouré la signature de ce contrat, je peux témoigner que les 34 millions d'euros qui ont été prévus pour soutenir la reconversion ne sont pas, dans la réalité, à la hauteur des besoins de ce territoire qui se sent « blessé », selon le terme employé par notre collègue Jacques Legendre, sénateur du Nord. Les friches militaires succèdent donc aux friches industrielles avec pour seule perspective une hypothétique reconversion aidée par un État qui procède à des coupes budgétaires de plus en plus rigoureuses.
Je souhaite que le Sénat défende aussi bien la cause des personnels que celle des territoires. Les restructurations sont, en effet, porteuses de l'éclatement des communautés de travail de la Défense et du transfert au secteur privé d'un certain nombre de fonctions de soutien. Certes le Gouvernement semble aujourd'hui hésiter à intensifier une politique d'externalisation dont nous demandons un bilan précis, et ce dernier montrera vraisemblablement que les économies de fonctionnement ne sont pas systématiquement au rendez-vous. Des universitaires de renom font d'ailleurs observer que, dans les années 1960, par exemple, l'État assurait l'essentiel de ses missions de sécurité et de défense alors que les prélèvements publics étaient inférieurs à 30 % de la production intérieure brute alors qu'aujourd'hui, en dépit de délégations de plus en plus nombreuses, les prélèvements obligatoires sont supérieurs à 45 % et la multiplication rapide des partenariats public- privé depuis 2008 ne s'est manifestement pas traduite par une réduction sensible des déficits publics. En revanche, comme le soulignent les syndicats, la « réorganisation » semble véhiculer, pour les autorités, une image de progrès, alors qu'elle est un facteur d'épuisement et de stress pour les agents. Par dessus tout, la suppression des 54 000 emplois dans la Défense, s'accompagne, pour notre pays, d'une destruction de nos savoir-faire qui met en péril à la fois notre communauté de travail et notre indépendance nationale.
J'ajoute enfin que je suis très sensible au sort réservé aux personnels civils. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale indique (page 237) : « Les personnels militaires devront se concentrer sur les missions opérationnelles, les personnels civils sur les tâches administratives et de soutien. ». Or on constate, d'abord, que la proportion de personnels civils dans les effectifs du ministère baisse plus que prévu : ils en représentent encore un peu plus de 23 %. Je regrette surtout que leurs perspectives de carrières ne soient pas mieux préservées : comme nous l'ont rappelé les syndicats, on trouve des militaires à des postes ne présentant aucun caractère opérationnel et qui sont en charge de la gestion des personnels civils. Plus généralement, les postes d'encadrement sont peu occupés par des personnels civils, non pas parce qu'ils n'en ont pas la capacité, mais parce que la préférence est donnée à des personnels militaires. Je m'associe à ce combat des personnels civils pour l'équité et l'égalité des chances.
Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Programme Equipement des forces - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de MM. Xavier Pintat, Daniel Reiner et Jacques Gautier sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 : mission Défense (programme 146 « Équipement des forces »).
M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis - Je souhaiterais ordonner mes observations en trois séries de considérations. La première a trait aux caractéristiques financières du projet de loi de finances. La seconde concerne plus spécifiquement les programmes d'équipement. La troisième a trait enfin à des considérations plus générales sur l'environnement de la politique de défense.
Première observation : le projet de loi de finances pour 2012 est le second de la programmation triennale 2011-2013 et sera, cette année, à peu près dans l'épure de la loi de programmation militaire.
Les coupes budgétaires effectuées sur la mission défense (de l'ordre de 181 millions d'euros) ne l'affecteront que marginalement sur un total de 31,5 milliards d'euros.
Le budget de la mission défense devait croître à peu près de 1,7 % avant les coupes budgétaires, 1 % si l'on en tient compte. Ce qui signifie qu'avec une inflation anticipée de l'ordre de 1,5 % les crédits d'équipement seront stables, ce qui n'est pas si mal.
Dans le contexte actuel d'une crise financière européenne d'une ampleur historique, on constate que les crédits 2012 restent à un niveau quasiment identique à celui de 2011. Toutefois, ne nous leurrons pas, l'ampleur de la crise économique et monétaire fait peser de lourdes incertitudes sur l'exécution budgétaire 2012.
S'agissant du programme 146, les crédits du programme s'élèveront pour 2012, avec les fonds de concours, à 11,13 milliards d'euros pour les crédits de paiement, ce qui représente une augmentation de 3,2 %, et à 11,97 milliards, ce qui représente une diminution de l'ordre de 10 %, pour les autorisations d'engagement.
Par ailleurs, le fait que des crédits importants aient dû être consacrés à la production supplémentaire d'avions Rafale pour pallier l'absence d'exportations de cet avion, conduit à reporter à nouveau les programmes déjà reportés en 2009. C'est le cas en particulier de la rénovation des Mirage 2000D, le programme d'avions ravitailleurs multirôle MRTT et le programme de satellite d'écoute CERES.
S'agissant du report du programme de rénovation des Mirage 2000, je rappelle que le Livre blanc prévoyait que les forces aériennes reposeraient sur deux piliers : le Rafale et le Mirage 2000D. Ce dernier est un excellent avion qui pourrait, sous réserve de la rénovation de ses systèmes d'armes, être opérationnel jusqu'en 2024. Le report de cette rénovation, si elle était à nouveau confirmée l'an prochain, pourrait conduire à une obsolescence de ces appareils en 2014 et réduire dans des proportions considérables le format de l'aviation de combat française.
Le report du programme MRRT « Multi-Role Transport and Tanker » destiné à pourvoir au remplacement de la flotte de ravitailleurs en vol, actuellement composée de Boeing KC-135 va contraindre à trouver des solutions palliatives, toute rupture capacitaire étant de ce point de vue inacceptable, notamment pour les forces aériennes stratégiques.
Quant au report du satellite CERES, mon collègue Xavier Pintat en dira certainement un mot. Quoiqu'il en soit, le report de ces programmes menace la cohérence d'ensemble de l'armée de l'air.
Ce qui m'amène à ma deuxième série de considérations : la mise en oeuvre des programmes.
Concernant les principaux sujets de satisfaction, je citerai la remise sur pied du programme successeur au missile Milan, sur lequel le Sénat a depuis plusieurs années gardé un oeil vigilant. Il s'agit du programme MMP - Missile Moyenne Portée - qui fournira à l'armée de terre, un missile performant et moderne susceptible d'être également adapté sur des porteurs terrestres ou aériens (hélicoptères - drones). Vos rapporteurs ont suivi le développement de ce programme de façon constante. Ils seront très satisfaits de voir son lancement en 2012.
Concernant les sujets d'inquiétude, je limiterai mon propos cette année aux drones MALE. La décision prise par le ministre de la défense d'entrer en négociations exclusive avec la société Dassault pour l'importation du drone israélien Héron TP de l'industriel IAI est en effet incompréhensible. Nous avons eu maintes fois l'occasion de nous en expliquer. Je serai donc bref.
Tout d'abord, je n'arrive pas à comprendre pourquoi, face à deux offres d'industriels non européens, l'Etat a renoncé à lancer une procédure d'appel d'offres, ce qui porte préjudice à ses propres intérêts.
Financièrement, le drone israélien, sur lequel s'est porté le choix du gouvernement, était proposé avant l'été à 320 millions d'euros sans francisation et à 370 millions d'euros avec francisation. Cette offre a sans doute évolué depuis. Le drone américain était proposé sans francisation à 209 millions d'euros et avec francisation par la société EADS à 297 millions d'euros. Le choix du gouvernement se traduira donc par un surcoût compris entre 80 millions et 110 millions d'euros.
Militairement ensuite, le drone Héron TP est un drone de surveillance et d'écoute. Le rendre apte à emporter des armements nécessitera des modifications importantes, du temps et de l'argent. D'après les informations en notre possession, ce drone n'est toujours pas opérationnel dans les forces israéliennes, et il semble difficile de croire qu'il le sera dans nos forces avant 2015. Nous sommes donc dans une situation similaire à celle qu'a rencontrée la société EADS lorsqu'il s'est agi d'importer le drone SIDM qui n'était autre qu'un Heron israélien francisé. Le contrat initial mentionnait 15 mois et ces 15 mois sont devenus 88. Par conséquent, il semble difficile de croire que le Heron TP arrivera à être déclaré opérationnel dans nos forces, avec une liaison satellitaire, avant 2015. Or nous en avons besoin tout de suite et si possible avec une liaison satellitaire car sans cela il sera difficile de l'employer hors du territoire national.
Enfin, d'un point de vue industriel, la participation de Dassault à ce programme est, en l'état des propositions, réduite. On voit mal comment elle pourrait permettre - contrairement à l'argumentaire développé par le gouvernement - l'émergence d'un socle de compétences dont a besoin la filière de drones européens que tout le monde appelle de ses voeux.
Je vous proposerai donc un amendement qui permette tout à la fois de satisfaire le besoin opérationnel de nos forces armées en achetant un système de drones disponible le plus rapidement possible et de réserver le maximum de crédits à la constitution d'une filière française voire européenne de drones MALE.
Troisième série de considérations : sur l'environnement de la politique de défense avec, tout d'abord, la mise en évidence d'importantes lacunes capacitaires. Le retour d'expérience de l'opération Harmattan a montré le bien fondé des choix d'équipement effectués et la valeur de nos forces armées qui les mettent en oeuvre, valeur à laquelle vos rapporteurs unanimes souhaitent rendre hommage.
Néanmoins, cette opération a également montré les lacunes capacitaires des Nations européennes, notamment en matière de suppression des défenses ennemies, de ravitaillement en vol, de moyens d'observation et d'écoute (ISR - intelligence - surveillance and reconnaissance), de moyens de guidage des armements laser, d'armements à faibles dommages collatéraux ainsi qu'en matière de drones MALE.
Il est indispensable d'en tirer les conséquences et de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation, avec nos alliés européens.
Deuxièmement l'insuffisante prise en compte de la défense anti-missile balistique. La défense anti-missile balistique continue de se déployer au sein de l'OTAN, dans le cadre du plan proposé par nos alliés américains (EPAA - European Phased Adaptative Approach). Le sommet de Chicago en mai 2012, entre les deux tours de l'élection présidentielle française exigera de notre pays une attention particulière à un moment qui ne s'y prêtera pas.
J'en viens donc à l'amendement.
Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit 318 millions d'euros d'autorisation d'engagement pour financer l'importation du drone Héron TP par l'intermédiaire de Dassault. D'après nos informations, cela correspond à l'offre sans francisation. 50 millions d'euros supplémentaires seraient nécessaires pour assurer cette francisation, ce qui soit dit en passant, nous paraît très faible.
Face à cela, un achat de la dernière version du drone Reaper, sans francisation, coûterait 209 millions, soit une différence de 109 millions d'euros. Par les temps qui courent, ce n'est pas rien.
Nous vous proposons donc de retirer ces 109 millions et de les affecter pour la plus grande partie - 80 millions - à un programme d'études amont sur le programme de drone de troisième génération franco-britannique ou le NEUROn et pour 29 millions au traitement a minima du drone Harfang, pour essayer de le prolonger d'une année ou deux années après octobre 2013.
Le gouvernement pourra ainsi distribuer, dans le respect des procédures, et au mieux des intérêts français ,80 millions d'euros aux industriels français, ce qui est certainement plus que ce que retirerait Dassault de sa participation à l'offre Héron TP.
L'amendement que nous vous proposons dissocie, d'une part, le besoin opérationnel des forces qui sera satisfait, le plus rapidement possible, au moindre coût et avec le meilleur équipement disponible et, d'autre part, les objectifs de politique industrielle, sur lesquels nous sommes tous d'accord, mais en gardant les crédits pour nos industriels - Dassault et EADS.
Je ne comprendrais pas que le Gouvernement n'accepte pas cet amendement, sauf à ce qu'il se refuse par principe à acheter du matériel américain. Ce serait une surprise ! Ce que nous avons déjà fait chaque fois que cela allait dans le sens de nos intérêts bien compris : les catapultes du porte-avions, les avions Hawkeye et AWACS, ou encore les missiles Javelin pour ne citer que ces exemples.
Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption de notre amendement, je vous proposerai donc de vous abstenir sur les crédits du programme 146 en particulier et de la mission défense en général.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis - Au sein du programme 146, je suis plus particulièrement chargé des deux actions « dissuasion » et « commandement et maîtrise de l'information ». La dissuasion tout d'abord. Les dotations qui lui sont consacrées en 2011, sur l'ensemble du budget de la défense, tous programmes confondus, sont de 4 milliards d'euros pour les autorisations d'engagement, soit une augmentation de 21 %, et de 3,4 milliards d'euros pour les crédits de paiement, en diminution de 1,2 %. Sur ces sommes 3,1 milliards en autorisations d'engagement et 2,7 milliards en crédits de paiement sont inscrits sur le programme 146.
Cette évolution des dotations traduit l'état d'avancement normal des programmes et les variations des besoins financiers d'une année sur l'autre et n'appelle pas de commentaires particuliers.
Les principaux événements prévus en 2012 sont les suivants :
- commande des deux dernières adaptations des SNLE Triomphant et Téméraire au missile M51 ;
- commande d'une tranche de production du missile balistique M51.2 ;
- commande d'une tranche de soutien du missile MSBS M45 ;
- lancement de la réalisation du programme TRANSOUM relatif aux transmissions stratégiques ;
- poursuite de la rénovation des avions ravitailleurs C135 participant à la composante aéroportée.
L'année 2010 a été une année riche en évènements concernant l'environnement stratégique international, dont le premier avait été la publication de la Nuclear Posture Review américaine en avril, suivie immédiatement par la signature du nouveau traité START.
En mai 2010, s'est tenue à New York la huitième conférence d'examen du TNP qui est parvenue à adopter, par consensus, un document final comportant des plans d'action sur les trois volets du traité ; le désarmement nucléaire ; la non-prolifération et la promotion des usages civils de l'énergie nucléaire. Le 20 octobre 2010, lors du Sommet de Lisbonne, l'OTAN a adopté son nouveau concept stratégique, et surtout a pris la décision de se doter d'une capacité de défense anti-missile des populations et des territoires de l'Alliance à l'horizon 2020, en coopération avec la Russie. En novembre 2010, le Royaume-Uni et la France ont signé le traité EPURE par lequel nos deux pays s'engagent à coopérer étroitement en matière de simulation des essais d'armes nucléaires. Enfin, en décembre 2010, le Sénat américain et la Douma russe ont ratifié le nouveau traité START de réduction des armements.
Par contraste l'année 2011 s'est révélée comme une année de transition.
La crise économique et financière a un peu douché les espoirs des promoteurs la défense anti-missile (DAMB) en Europe. En outre, aucun progrès ou presque n'a été enregistré du point de vue de la coopération entre l'OTAN et la Russie. Il faut reconnaître que la mise en place de la DAMB risque, à terme, de porter atteinte peut être à la crédibilité de l'ensemble des Etats dotés, y compris le nôtre, et de créer une seconde division au sein du club nucléaire, où figureront tous les pays qui ne maîtrisent pas l'ensemble des maillons de la chaîne DAMB.
De ce point de vue, je regrette que le gouvernement n'ait toujours pas fait connaître ses orientations sur la façon dont il entend se préparer au sommet de Chicago et que même la constitution, pourtant peu onéreuse, d'un centre national de la défense anti-missile, sorte de forum permettant de décloisonner les compétences, de favoriser la circulation de l'information et de permettre de meilleures délibérations, n'a pas été concrétisée.
Ce manque de stratégie sur un sujet engageant l'indépendance nationale pourrait nuire gravement à nos intérêts.
J'en reviens aux aspects plus directement budgétaires avec la seconde action qui relève de mon rapport : l'action « commandement et maîtrise de l'information ». Première remarque, comme les années précédentes, il est prévu de financer une partie des programmes concernés, à hauteur de 750 millions d'euros, par des ressources extrabudgétaires du compte d'affectation spéciale « fréquences hertziennes ».
En 2009 et en 2010, ce compte n'a encaissé aucune recette. Par conséquent, il a fallu trouver des mesures palliatives en consommant les crédits de reports.
Pour 2011 la vente des fréquences en mars 2011 pour Rubis et en juillet pour Felin devrait permettre d'abonder le CAS fréquences de 850 millions d'euros, dont 750 iront sur le programme 146, 50 millions sur le Programme 144 et encore 50 millions sur le Programme 178.
Autre élément positif, la consultation des industriels vient enfin d'être lancée pour l'externalisation de l'exploitation du satellite de télécommunications Syracuse III. Cette opération d'environ 400 millions d'euros, devrait se réaliser sur 2012.
Les recettes exceptionnelles sur le compte « fréquences hertziennes » sont désormais en voie de se concrétiser et conduisent à lever la plupart des réserves que nous avions émises, si ce n'est sur le calendrier, mais cela a été sans conséquences sur le financement des programmes, puisque le budget de l'Etat a compensé par des crédits budgétaires le décalage temporel de ces recettes.
Au sujet de Syracuse III, je rappelle que les armées conserveraient environ 90 % des capacités du système, l'opérateur pouvant louer à d'autres clients les 10 % restant. Il s'agit d'inciter les armées à être plus sélectives dans l'usage des liaisons hautement protégées qui devraient être réservées aux communications le justifiant véritablement, et de diminuer le coût d'exploitation du système. Toutefois, plus le temps passe, moins l'opération présentera d'intérêt pour l'opérateur et pour les armées, car on se rapprochera de la fin de vie des satellites, prévue en 2016 pour le premier et 2018 pour le second.
J'ajoute que les télécommunications par satellites sont mentionnées dans la déclaration de Londres du 2 novembre. La France et le Royaume-Uni vont lancer l'an prochain une étude de concept commune pour les futurs satellites qui entreront en service entre 2018 et 2022. Les Britanniques ont déjà externalisé leurs télécommunications satellitaires avec le système Paradigm, exploité par Astrium.
Je souhaiterais maintenant évoquer de manière plus globale les programmes spatiaux. L'espace constitue une des priorités du Livre blanc. Les crédits affectés à l'espace connaissent de grandes fluctuations elles-mêmes liées en grande partie au lancement des programmes. Ainsi, l'écart constaté entre 2010 et 2011 résulte principalement de l'affectation en 2011 des autorisations d'engagement permettant de compléter les tranches fonctionnelles MUSIS et SYRACUSE III afin de couvrir le périmètre de réalisation de ces deux programmes. Il n'en reste pas moins que sur la longue période on constate une diminution constante des crédits de paiement liés à l'espace, qui est préoccupante.
Les crédits destinés aux satellites d'observation Musis ont été majorés, afin de pouvoir lancer le programme sur une base nationale, sans attendre le co-financement par des partenaires européens. La commande de 2 satellites doit intervenir d'ici la fin de l'année, avec une mise en service prévue en 2016 pour le premier et 2017 pour le second. La continuité devrait ainsi être garantie avec Helios II. Plusieurs pays européens devraient à terme rejoindre ce programme et apporter une contribution financière.
En revanche, le lancement du programme de satellite de renseignement électromagnétique Ceres est à nouveau décalé. La mise en orbite, initialement envisagée en 2016, a été reportée en 2020. L'écoute spatiale présente un double intérêt : détecter les signaux radars adverses en cas d'opération, intercepter les communications. Nous avons déjà effectué, sur ce plan, des réalisations expérimentales, avec des démonstrateurs. C'est le cas des quatre micro-satellites Essaim, dédiés à l'interception des communications, qui ont été lancés fin 2004 mais dont l'exploitation se termine cette année. Fin 2011 sera lancé le démonstrateur Elisa, dédié à la détection des signaux radar. Le report du programme Ceres va créer un « trou » entre ces démonstrateurs, qui ont fourni du renseignement intéressant, et une capacité opérationnelle pérenne.
Enfin, toujours dans le domaine spatial, la réalisation d'un satellite d'alerte avancée pour la détection des tirs de missiles balistiques, a été décalée à 2020 tandis qu'a été décidé, sur le programme 144, de lancer les études amont permettant de construire un démonstrateur pour un radar de surveillance très longue portée. Le radar lui-même pourrait être lancé en 2015 pour une mise en service en 2018.
Je rappelle que l'utilité optimale de ce radar nécessite qu'il soit placé à proximité de la menace - en l'occurrence, cela aurait du sens de le placer dans un pays du Golfe ou en Turquie, si on considère que la menace balistique est l'Iran. A défaut d'utilisation dans une configuration anti-balistique, mes collègues Daniel Reiner, Jacques Gautier et moi-même nous interrogeons sur l'utilité de ce radar.
Je terminerai par les drones.
C'est un domaine que le Sénat a suivi de près toutes ces dernières années. Dans mon intervention de l'an dernier, je déplorais déjà l'insuffisance des moyens et le flou des perspectives.
Force est de reconnaître que pour ce qui est de l'insuffisance des moyens la situation a changé du tout au tout, puisque le projet de loi de finances pour 2012 prévoit de demander au Gouvernement l'autorisation d'inscrire 318 millions d'autorisation d'engagements pour l'acquisition d'une capacité de drones MALE capable de faire la "soudure" entre, d'une part, le drone MALE Harfang de première génération, actuellement déployé en Afghanistan et dont nous possédons quatre exemplaires (dont seulement deux volent) et deux stations sol et, d'autre part, le drone MALE de troisième génération, qui devrait être le programme futur franco-britannique sur lequel des incertitudes fortes pèsent encore, notamment en ce qui concerne le fait de savoir si l'on peut dire d'emblée qu'il sera confié à des constructeurs européens - Dassault et BAé - pour ne pas les nommer ou bien s'il fera l'objet d'un appel d'offres, ce qui pourrait laisser le maximum de chances au drone américain de troisième génération, l'Avenger, dont le prototype vole déjà.
Observons au passage que plus personne ne parle du programme Advanced UAV, qui avait pris la suite du projet Euromale. Exit donc toutes les années passées entre les forces aériennes allemandes, espagnoles et françaises à définir le même besoin opérationnel et exit également les 57 millions d'euros des Etats et les 150 millions d'euros de l'industriel investis sur ce projet.
Observons également que quoiqu'il en soit il faudra traiter les obsolescences du drone Harfang afin de lui permettre de tenir le coup jusqu'en octobre 2013, date à laquelle le contrat de maintenance vient à échéance et à laquelle il sera peu probable.
Pour le reste, mon collègue Daniel Reiner vous a présenté les tenants et les aboutissants de la solution retenue. Je n'y reviens pas, mais je confirme en effet que je cosigne l'amendement qu'il vous a présenté.
En conclusion, je porte une appréciation positive sur les actions qui relèvent de mon rapport :
- la dissuasion, avec un déroulement très satisfaisant des programmes et la coopération franco-britannique qui s'engage ;
- les programmes liés à la fonction connaissance et anticipation, en particulier les programmes spatiaux qui, en dépit de quelques glissements, sont globalement maintenus dans la nouvelle programmation financière.
Au bénéfice de ces observations, à titre personnel ; je voterai, vous le comprendrez en faveur de l'adoption de ces crédits. En tant que rapporteur, il me revient de vous proposer une solution qui pourrait recueillir la majorité des suffrages de la commission et qui serait en cohérence avec l'amendement que nous souhaitons proposer, Daniel Reiner, Jacques Gautier et moi-même. Cette position pourrait être l'abstention.
M. Jacques Gautier, rapporteur pour avis associé - Après la présentation effectuée par mes collègues et amis Daniel Reiner et Xavier Pintat, je limiterai mes propos à trois observations.
La première a trait au niveau des crédits. Dans la période difficile que nous traversons, tout le monde l'a dit, le budget de la mission défense est globalement préservé et c'est le cas en particulier du programme d'équipement des forces. On ne peut que se féliciter de ce choix, d'autant qu'en dehors de nos amis Britanniques les autres collègues européens diminuent leurs dépenses militaires et cela nous pose des problèmes par ailleurs. Il y a eu des moments, dans notre histoire récente où chaque fois qu'il y avait des difficultés, le budget des armées - en particulier le budget d'équipement - était utilisé comme une variable d'ajustement. Cela s'est traduit par des retards considérables, des programmes qui ont finalement coûté beaucoup plus cher que prévu, des réductions de format non voulues et pour finir par des lacunes capacitaires. Cet effort, au moment même où l'Europe traverse sa pire crise financière, mérite donc d'être salué.
Seconde observation : le format des armées. A force de réductions nous arrivons à un étiage minimum en deçà duquel notre armée va perdre sa cohérence. Rappelez-vous ce que disait le Chef d'état-major des armées : « dites moi ce que vous voulez faire comme mission, et je vous dirai quel format il faut à nos armées ». On voit que nous voulons avoir une approche globale, que nous voulons rester un pays membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous avons donc des responsabilités et nous ne pouvons pas aller plus loin dans la réduction du format de nos armées.
C'est un chiffre qu'il faut prendre avec précaution, mais il est significatif. En 1914, nous avions l'équivalent de 1 120 régiments dont 844 régiments d'infanterie. Aujourd'hui nous n'en avons plus que 80 dont seulement 20 d'infanterie. En Suisse, l'armée compte 54 régiments dont 24 régiments d'infanterie.
Au niveau du matériel, nous avons fait de bons choix, l'Afghanistan, la Côte d'Ivoire, la Libye l'ont montré, sans que cela n'enlève rien au talent et au professionnalisme des personnels qui servent ces équipements. Nous avons aussi des faiblesses et des lacunes, en matière d'ISR, de drones, de capacités à supprimer les défenses sol-air ennemies, le ravitaillement en vol.
Mais nous avons aussi des problèmes de nombre. Est-il normal que nous n'ayons que deux avions capables de faire du renseignement électromagnétique ? Est-il normal que nous ayons quatre drones dont un est cannibalisé pour permettre aux trois autres de tourner ?
Troisième observation, face au manque de moyens, il faut trouver des solutions.
La première de ces solutions c'est bien sûr de renforcer nos alliances afin de faire à plusieurs, ce que nous ne sommes plus capables de faire tous seuls. Nous avons un accord avec le Royaume-Uni. Nous étions hier à Londres avec Didier Boulaud, l'ambassadeur nous soulignait hier la force de cet accord qui nous permettra d'avancer sachant qu'il ne nous faut pas demander aux Britanniques plus qu'ils ne peuvent donner. Ils ont un accord historique, je serais même tenté de dire congénital avec les Américains. Il ne faut pas leur demander de renoncer à cet accord pour travailler avec nous. Il faut donc se positionner à côté de cet accord, sans demander aux Britanniques de renoncer à leur alliance avec les Américains pour travailler avec nous. D'autre part on voit leurs réserves pour travailler avec les Allemands et tout ce qui est « Europe de la défense ». Il faudra donc essayer de progresser ensemble dans cette direction. De même que pour les Britanniques, en matière d'équipements, c'est toujours le meilleur prix pour le meilleur équipement, la « best value for money ». Donc travailler avec nous sur un futur drone MALE à l'horizon 2020, ça ne leur pose pas de problèmes. Mais il faut savoir que le moment venu ils mettront cette solution en concurrence avec le matériel sur étagère. Alors que nous, nous avons tendance à lancer - c'est très français - un plan, une programmation sur vingt ans et faire des choix quinze ans avant, au risque qu'ils s'avèrent dépassés à la fin.
La seconde solution, c'est qu'il nous faut veiller sans cesse à la cohérence d'ensemble de nos moyens et plus encore à l'adéquation de nos forces à la menace. Pour cela nous devons être sans cesse en anticipation, réfléchir à la prochaine guerre et nous adapter en conséquence. C'est la raison pour laquelle des exercices collectifs tels que la mise à jour périodique du Livre blanc sont d'excellentes choses. C'est pour cela que je me félicite que nous engagions dans cette voie au sein de la commission. Il faut en effet que la représentation parlementaire puisse apporter sa pierre à la réflexion.
Les forces armées doivent toujours être prêtes et ne jamais être surprises. Pour cela, il faut réfléchir et réfléchir encore à l'évolution des menaces. Nombreux sont ceux qui pensent que la cyberguerre, dont certains s'occupent ici avec talent, a déjà commencé. Du reste, les cas de pillages de recherche et technologie se multiplient. Je vais aller plus loin : est-ce que nous ne serions pas en train de vivre une guerre économique, et est-ce que la disparition de l'euro ne serait pas la pire menace que nous ayons à affronter ? Or on ne mène pas la cyberguerre pas plus que la guerre économique avec des véhicules chenillés, ni avec des avions de combat. Nous avons donc des choix à faire pour préparer l'avenir et conjurer les menaces. Veillons à concentrer nos moyens là où ces menaces sont les plus importantes. Est-il plus important pour nous, par exemple, de disposer d'un porte-avions supplémentaire ou bien d'avoir un pied dans le système de surveillance de l'espace extra-atmosphérique européen ?
Enfin, la troisième solution quand on manque de moyens et que l'on souhaite néanmoins continuer à se défendre c'est de se mettre en situation de payer ses équipements militaires le moins chers possibles. Il y a plusieurs façons d'y arriver.
Le premier consiste à regrouper les acheteurs publics afin d'agrandir le volume des commandes, étaler les coûts non récurrents sur les longues séries et donc obtenir une réduction des prix unitaires. C'est ce que nous avons fait par exemple avec l'A400M. C'est peut être plus cher et plus long en coopération, mais si nous avions dû faire cet avion tout seul, nous n'aurions jamais pu nous le payer.
Le second moyen c'est de mettre en concurrence les producteurs d'équipement militaires y compris ceux de son propre pays, afin d'exercer une pression concurrentielle à la baisse. C'est ce qu'a fait par exemple le Royaume-Uni pour l'achat des drones tactiques Watchkeeper, en mettant son producteur national en concurrence avec un concurrent américain. C'est dans cet esprit que les Nations européennes ont décidé d'adopter en 2009 les deux directives du "paquet défense", imposant le plus possible la mise en concurrence dans les marchés publics de défense et de sécurité.
Enfin, il y a une troisième voie qui ne marche que rarement, c'est quand un Etat, client unique, commande à son producteur national unique, un bien unique sans le mettre en concurrence. Ce n'est pas toujours la meilleure solution pour avoir le matériel au meilleur prix et ça ne sauve pas toujours les intérêts de l'industriel lui-même. C'est malheureusement la voie suivie par l'Etat en matière de drones MALE et je rejoins ce qu'ont dit mes collègues sur la question. Je ne reviens pas dessus, mais souhaite simplement vous donner un éclairage complémentaire.
Il y a un besoin opérationnel urgent pour notre armée de l'air. On l'a vu hier en Afghanistan et en Libye. On le verra demain dans le Sahel et peut être en Somalie. Il faut que le matériel soit durable, rustique et interopérable avec celui de nos alliés, donc il faut qu'on ait un matériel qui soit le même que les autres. Si nous sommes isolés dans notre coin, avec notre matériel unique, nous auront des difficultés. Il faut en outre que ce matériel soit confirmé et que l'industriel qui est derrière soit solide. Or nous avons bien vu qu'avec IAI sur le Harfang nous avons eu une réparation d'un drone qui a duré dix-huit mois et qu'ils étaient incapables de nous fournir les pièces de rechange dont nous avions besoin en Afghanistan. On voit bien les faiblesses de cet industriel. Et puis enfin il faut concentrer nos efforts sur le drone du futur qui fera le trait d'union avec l'UCAV - le NEUROn - et qui fera travailler les bureaux d'études. Et ce n'est pas en les faisant travailler sur de vieilles plateformes qu'on les fera progresser. L'amendement qu'on vous propose permet de dégager quatre-vingt millions d'euros pour les bureaux d'études. Je crois que nous allons dans un sens souhaitable pour les industriels français.
Je regrette comme l'a dit Daniel Reiner qu'on ait écarté les projets d'EADS qui avait beaucoup investi, qui avait beaucoup travaillé sur ce sujet. Et il ne faudrait pas qu'on se retrouve perdu en ayant écarté les uns et écarté les autres. Je voterai donc l'amendement sans états d'âme.
Enfin, on voit bien que l'ensemble de ce budget correspond malgré tout à nos besoins, c'est pour cela que, sous réserve de l'adoption de cet amendement, je voterai donc les crédits de la mission défense.
M. Jean-Louis Carrère, président - Mes chers collègues, au vu de ces explications, je vais maintenant mettre aux voix l'avis que nous entendons donner à l'amendement de MM. Daniel Reiner, Xavier Pintat et Jacques Gautier.
L'amendement est adopté par trente trois voix pour, trois voix contre et deux abstentions.
M. Jean-Louis Carrère, président - Mes chers collègues, compte tenu de ce vote, je vous propose que cet amendement devienne l'amendement de la commission et soit déposé sous cette forme.
Nous allons maintenant voter sur la recommandation que nous ferons, au nom de la commission - à l'ensemble de nos collègues sénateurs, en séance publique lundi 28 novembre, quant à l'adoption des crédits de l'ensemble de la mission défense.
M. Didier Boulaud- Je rappelle que le groupe socialiste n'a voté ni le Livre blanc, ni la Loi de programmation militaire. J'observe du reste, pour reprendre toute une série d'observations qui ont été faites par le rapporteur socialiste de la commission des finances, notre collègue Yves Krattinger, et partager avec vous son analyse, que nous nous éloignons des objectifs fixés par la loi de programmation miliaire d'environ deux milliards d'euros entre 2009 et 2013. Ce sont bien évidemment les grands équipements, hors dissuasion nucléaire, qui seront le plus durement touchés : - 2,7 milliards par rapport à la loi de programmation militaire sur la période 2009-2013.
Je rappelle les objectifs du Livre blanc à l'horizon 2020 sur la base d'une croissance annuelle des dépenses de 1 % en volume. Or les crédits de paiement de la mission « Défense » ont été gelés en volume, malgré le coût de la modernisation des équipements. Selon que l'on adopte la norme zéro volume ou zéro valeur, ce sont 10 à 30 milliards d'euros pour les dépenses cumulées jusqu'en 2020 par rapport aux objectifs du Livre blanc qui risquent de manquer. La façon dont les objectifs sont tenus se dégrade. S'agissant de la capacité de projection de troupes terrestres à hauteur de 30 000 hommes pendant un an, sans relève, l'indicateur de performance montre à l'évidence que nous avons de vrais problèmes puisqu'il est passé de 100 % en 2009 à 95 % en 2010 et 82,5 % cette année. Voilà des observations objectives. Comme le disaient certaines personnes que nous avons auditionnées, nous commençons d'être à l'os.
Pour autant, mon groupe considère que l'essentiel a été préservé, même si on peut regretter certaines diminutions de crédits - on parlé des études-amont, on a parlé des problèmes touchant au satellitaire qui sont inquiétants, je rejoins notre rapporteur Xavier Pintat et sur ce qu'il a dit sur le satellite CERES. Pour autant nous avons des troupes engagées, auxquelles nous rendons hommage, pour le travail qu'elles font dans des conditions difficiles, en particulier en Afghanistan, en rendant hommage également aux succès qui ont été les leurs en Libye, pour cette raison et conserver autant se faire que peut le moral de nos troupes mon groupe s'abstiendra.
M. Jacques Gautier - Je voudrais saluer la position qui vient d'être prise par le groupe socialiste. Vis-à-vis des troupes déployées en opérations à l'extérieur, je trouve qu'il est bien que soyons unis et la position d'abstention du groupe socialiste est un geste fort que je reçois comme tel.
M. Didier Boulaud - Je remercie notre collègue Gautier, pour autant, j'ai cherché dans les archives du Sénat et j'ai constaté que dans les années 1997-2002, la minorité sénatoriale qui était à l'époque majoritaire au Sénat, mais minoritaire dans le pays, n'avait pas eu une attitude aussi responsable que la nôtre aujourd'hui.
Mme Michelle Demessine- Le groupe communiste votera contre le budget.
Loi de finances pour 2012 - Mission Défense - Vote sur l'ensemble des crédits
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Défense dans le projet de loi de finances pour 2012, les membres du groupe socialiste s'abstenant et les membres du groupe communiste votant contre.
Loi de finances pour 2012 - Mission Action extérieure de l'Etat - Programme Diplomatie culturelle et d'influence - Examen du rapport pour avis
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission examine tout d'abord le rapport pour avis de MM. Jean Besson et René Beaumont sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 : mission Action extérieure de l'État (programme 185 : Diplomatie culturelle et d'influence).
M. Jean Besson, rapporteur pour avis. - Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. René Beaumont, co-rapporteur avec moi des crédits inscrits au programme 105 « Diplomatie culturelle et d'influence ».
En ce qui concerne l'évolution générale des crédits : comme l'a lui-même regretté le ministre d'Etat, les moyens du programme 185 ont atteint, après quinze années de coupes budgétaires, un palier extrêmement bas. Paradoxalement, M. Alain Juppé nous a pourtant demandé d'approuver leur croissance zéro, prévue par le projet de loi de finances initial pour 2012.
M. René Beaumont a été sensible à l'argument selon lequel, dans le contexte de pénurie que nous savons, obtenir une stabilisation des crédits est un résultat honorable. Mais, pour ma part, je ne peux que souligner le décalage excessif auquel nous en sommes arrivés, entre la faiblesse des moyens de la diplomatie culturelle - 758 millions d'euros - et l'immensité de ses tâches, ce d'autant plus que ces crédits n'ont pas pu échapper à un « rabotage » de 8,4 millions d'euros, ce qui, dans la réalité concrète, est considérable pour ce budget dont l'unité de mesure est de 100 000 euros. Cela a notamment pour conséquence une baisse de 134 emplois du plafond d'emplois, fixé à 1 048 équivalents temps plein travaillé.
Le ministre d'Etat a imagé la situation en déclarant que « nous sommes à l'os », et l'on peut se demander si le gouvernement n'est pas en train d'inventer, avec la diplomatie culturelle, un nouveau concept de seuil de pauvreté applicable aux programmes budgétaires. Cette première considération justifierait à elle seule le rejet de ces crédits.
La nouvelle maquette de la mission « Action extérieure de l'Etat » a progressé dans sa conception générale mais au plan technique elle semble perfectible. D'une part, l'action 6 du programme 185 censée retracer les dépenses de personnel concourant au programme, ne recouvre pas celles de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), de Campus France ou de l'Institut français, les dépenses de personnel de ces trois opérateurs - dont les effectifs augmentent de 10 691 emplois en 2010 à 11 238 emplois en 2012 - étant au moins partiellement financées par le canal des subventions de fonctionnement que leur attribue le programme 185.
D'autre part, la détermination du montant global des bourses est un exercice difficile : non seulement elles sont recensées sur cinq lignes budgétaires différentes, mais encore certaines bourses sont co-financées par des crédits inscrits sous la rubrique « moyens bilatéraux d'influence ». Par ailleurs, certaines bourses dites « Major » sont gérées par l'AEFE et d'autres sont attribuées par l'université franco-allemande ou par l'Institut français. Bref, il est souhaitable qu'on nous facilite la compréhension synthétique de ce budget.
En outre, et de façon plus transversale, je réitère de la façon la plus énergique le souhait formulé par notre commission, en particulier grâce à l'action de Monique Cerisier-ben Guiga, de voir les crédits de l'audiovisuel extérieur être inscrits au sein de la mission «Action extérieure de l'Etat» et non de la mission « Médias », la présentation budgétaire devant, en effet, favoriser la clarté et l'optimisation des arbitrages financiers entre les différents vecteurs d'influence.
C'est dans le même esprit que la commission vient de proposer de confier la tutelle du secteur de l'audiovisuel extérieur au ministère des Affaires étrangères et qu'elle a suggéré de renforcer l'articulation entre l'audiovisuel extérieur et l'Institut français.
En outre, comme l'avait fait observer la Cour des comptes dans un rapport publié en avril 2008, la dotation de l'audiovisuel extérieur est d'un ordre de grandeur à peu près comparable à celle du réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger. Il serait donc tout à fait logique de les rassembler dans le même ensemble budgétaire pour que le gouvernement, et surtout le Parlement, puissent statuer sur les priorités respectives à accorder aux différents outils du rayonnement culturel et linguistique de la France, la LOLF autorisant le Parlement à modifier la répartition des crédits entre les programmes au sein d'une mission, mais non entre deux missions différentes.
Ajoutons que les crédits de la diplomatie culturelle atteignent un seuil de survie au moment où la « demande de France » n'a jamais été aussi forte, et se manifeste par des contributions volontaires des usagers, le taux d'autofinancement des Etablissements à autonomie financière (EAF), qui sont des services de l'Etat, atteint 50 % et celui de l'AEFE 55 %, alors que les ressources propres de la société en charge de l'audiovisuel, inscrite au registre du commerce et des sociétés, peinent à dépasser 5 % de son budget.
On peut dès lors se demander si la loi de finances affecte les crédits de façon optimale au regard de l'objectif de rayonnement de la France.
S'agissant des dotations du programme 185, je précise que René Beaumont s'est plus particulièrement attaché à examiner la situation et le financement du réseau de l'AEFE. Son analyse - que je partage - part du constat que l'enseignement français à l'étranger demeure un outil exceptionnel de rayonnement de la France sur tous les continents, au service de sa double mission de service à nos compatriotes, et de diffusion de notre langue et de notre influence.
De même, l'AEFE remplit avec efficacité à la fois les fonctions d'un rectorat de l'étranger et, à l'égard des établissements scolaires, le rôle assuré en métropole par les collectivités territoriales. La subvention qui lui est versée connaît une légère hausse pour atteindre 422,5 millions d'euros en 2012. Grâce à la qualité de sa gestion du dispositif d'enseignement français à l'étranger et à la progression continue des effectifs scolarisés - 2 745 élèves supplémentaires en 2010-2011- l'AEFE disposait en 2011 de plus de 455 millions d'euros de fonds propres et avait reconstitué son fonds de roulement à 62 jours : le « rabot » des crédits du programme 185 va se traduire par une diminution de ce fonds de roulement, ce qui constitue une simple opération de trésorerie et ne porte pas atteinte, en principe, à sa capacité d'intervention.
Ce réseau d'enseignement risque toutefois d'être étouffé par son succès : l'afflux des demandes de scolarisation et la vétusté du parc immobilier imposent, en effet, une politique d'investissement immobilière d'autant plus difficile à financer par l'AEFE que la dernière loi de programmation des finances publiques lui interdit le recours a l'emprunt bancaire à long terme.
René Beaumont s'est attaché à explorer les solutions les plus efficaces pour répondre à ce défi. Il serait juridiquement envisageable, et somme toute assez logique compte tenu de la solidité financière de l'AEFE, d'assouplir cette interdiction d'emprunter qui est inscrite dans le code de la santé publique et cible particulièrement l'endettement des hôpitaux publics. Une telle initiative relève cependant du Gouvernement et ses chances de succès paraissent limitées dans le contexte budgétaire actuel. La transformation de l'AEFE en EPIC lui permettrait également d'échapper à cette interdiction d'emprunter qui ne concerne que les établissements publics administratifs, mais le statut actuel donne par ailleurs satisfaction.
M. René Beaumont - et je souscris à sa conclusion- a donc marqué sa préférence pour la solution qui consiste à pérenniser le dispositif de financement provisoire qui a été mis en place et consiste, schématiquement, à permettre à l'Etat de jouer le rôle de banquier de l'AEFE. Cette solution a pour avantage de permettre à l'AEFE d'emprunter à des taux d'un montant raisonnable.
Par ailleurs, comme nous l'a indiqué sa responsable que nous avons auditionnée, l'AEFE doit assumer la charge de sa contribution aux pensions civiles des personnels et gérer l'aide à la scolarité, ce qui n'est possible que par un accroissement de ses ressources propres, la contribution de 6 % assise sur les frais de scolarité des établissements instituée à cette fin à la rentrée 2009-2010 ayant permis de dégager une recette de 30 millions d'euros en 2010. En raison de l'augmentation du nombre d'enfants scolarisés dans les établissements en gestion directe et conventionnés, cette contribution permettra de voir cette recette augmenter de 3 à 4 millions d'euros sur la période 2011-2013.
Cela revient à majorer les prélèvements sur les familles, et René Beaumont souhaite attirer l'attention du gouvernement sur la nécessité de veiller à ne pas franchir un certain seuil de tolérance qui, d'après la directrice de l'AEFE, est près d'être atteint.
Quelques remarques enfin sur le processus de mise en place des nouveaux leviers de notre diplomatie culturelle accompagnant la réforme de son réseau.
Le réseau culturel et de coopération a fait l'objet de deux réformes simultanées, la première étant la fusion d'ici à la fin de 2012 des services culturels et des centres culturels de 94 pays au sein d'un établissement à autonomie financière (EAF) unique. Rappelons sur ce point que, si la diplomatie culturelle est composée d'entités extrêmement diverses, celles-ci exercent toutes, à peu de choses près, les mêmes activités que sont les cours de français, la documentation, et l'organisation de manifestations culturelles.
La seconde réforme prévue pour l'année à venir est le rattachement direct à l'Institut français, à titre expérimental, de douze établissements représentant la diversité du réseau.
Sur les 20 millions d'euros de crédits culturels exceptionnels accordés en 2009 et 2010 et maintenus sur la période 2011-2013, 6 millions d'euros sont consacrés à la restructuration du réseau culturel, et 14 millions d'euros à l'accompagnement de l'Institut français, qui reçoit du programme 185 une subvention pour charge de service public de 49,8 millions d'euros et est, par ailleurs, doté de 196 emplois temps plein.
En 2012, un accent particulier sera mis sur les bourses qui bénéficieront de près de 71 millions d'euros de crédits, dont une rallonge exceptionnelle de 3,3 millions d'euros après qu'en 2010 et 2011, le ministère des affaires étrangères a maintenu à 15 380 le nombre de bourses attribuées en reconduisant les crédits alloués à leur financement. Par ailleurs, le ministère encourage le cofinancement des programmes de bourses avec différents partenaires publics et privés.
L'affichage budgétaire se veut donc positif. Pourtant, à titre personnel, je tiens à dénoncer très fermement la situation inacceptable créée par la circulaire du 31 mai 2011 relative à la maîtrise de l'immigration professionnelle dite « Guéant-Bertrand ». Celle-ci complique la procédure applicable aux étudiants qui demandent un titre de séjour professionnel en appelant les préfectures à les soumettre à un contrôle approfondi, ainsi qu'à appliquer rigoureusement l'exception prévue pour les étudiants qui sollicitent une autorisation provisoire de séjour dans le cadre d'une recherche d'emploi. Et ce alors même qu'au cours du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères a déclaré que «ce n'est pas au moment où nous essayons de conférer à nos universités un rayonnement international qu'il serait judicieux de renoncer à l'accueil d'étudiants étrangers » tout en estimant nécessaire de « permettre aux diplômés de haut niveau de travailler en France».
Cette position - à laquelle j'adhère pleinement - appelle un assouplissement qui, conformément au principe de parallélisme des formes, devrait se traduire par l'abrogation de ce texte. Il est, en effet, difficilement acceptable qu'une priorité budgétaire exprimée par la loi puisse être contrecarrée par les dispositions d'une circulaire dépourvue de valeur normative.
Quant au dispositif des bourses, actuellement géré par l'association EGIDE et le Centre national des OEuvres universitaires et scolaires (CNOUS), je vous rappelle qu'il relèvera prochainement de l'agence Campus France, établissement public à caractère industriel et commercial créé par la loi du 27 juillet 2010 et dont la mise en place devrait être effective au 1er septembre 2012. Le retard constaté dans l'installation de ce nouvel opérateur est essentiellement imputable à un problème logistique.
Or le ministère en charge de l'enseignement supérieur propose d'accompagner ce transfert de compétences par un transfert de personnels qui parait très insuffisant au ministère des Affaires étrangères, et il conviendra d'encourager les efforts du gouvernement pour résoudre cette difficulté en prenant d'abord et surtout en considération la nécessité de faciliter les démarches des étudiants étrangers boursiers.
Au-delà de cet obstacle matériel, la représentante de Campus France nous a semblé extrêmement préoccupée par la démotivation induite par les restrictions à la délivrance de titres de séjour, qui sapent les bases de l'activité de cet opérateur.
En conclusion, faut-il approuver ces crédits et la politique dans laquelle ils s'inscrivent ? René Beaumont répond positivement à cette question en se fondant sur le dynamisme du processus de réforme, sur le fait que ce programme 185 est relativement préservé de la rigueur budgétaire en 2012, et enfin sur le réalisme de l'approche du ministre d'Etat en charge des Affaires étrangères qui est aussi le premier à souligner la nécessité de renforcer les moyens de ce programme dès que les marges de manoeuvre budgétaires l'autoriseront.
Pour ma part, je propose à la commission d'émettre un avis défavorable sur les crédits du programme 185 pour trois raisons. Tout d'abord, la diplomatie extérieure, dont les moyens ont été rabotés depuis 20 ans, ne peut plus exercer ses missions. Ensuite, le périmètre trop étroit de la mission «Action extérieure de l'Etat» ne permet pas au Parlement de procéder à des arbitrages budgétaires entre les différents vecteurs d'influence. Enfin, il est inacceptable qu'une circulaire puisse contrarier la volonté d'accueil des meilleurs étudiants étrangers, exprimée par le législateur lors du vote du budget.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Nous voterons sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » après avoir entendu l'ensemble des rapporteurs pour avis sur les différents programmes.
Loi de finances pour 2012 - Mission Action extérieure de l'Etat - Programme Moyens de l'action internationale - Examen du rapport pour avis
La commission examine ensuite le rapport pour avis de Mme Leila Aïchi et M. Pierre Bernard-Raymond sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 : mission Action extérieure de l'État (programme 105 : Moyens de l'action internationale).
Mme Leila Aïchi, co-rapporteure pour avis. - En 2012, le programme 105 « Moyens de l'action internationale » devrait connaître, avec 1 788,81 millions d'euros en crédits de paiement, soit 60,93 % du total de la mission « Action extérieure de l'Etat », une légère régression de 5,5 millions d'euros par rapport au budget 2011, ces crédits ayant été légèrement minorés à l'Assemblée nationale par deux amendements du gouvernement déposés dans le cadre du nouveau plan de rigueur.
Cette légère baisse en 2012 est permise pour l'essentiel par un financement minoré des opérations de maintien de la paix (OMP), les quelques marges budgétaires subsistantes étant, pour l'essentiel, affectées aux contributions obligatoires ainsi qu'à la sécurisation des implantations diplomatiques situées dans les zones sensibles.
Concernant le réseau diplomatique, le ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, a souligné, lors de son audition par notre commission, que la réduction des effectifs du Quai d'Orsay avait commencé bien avant la révision générale des politiques publiques et, qu'entre 1995 et 2005, la baisse a été de 15 %, quand l'effectif des autres ministères civils augmentait en moyenne de 5 %.
Pour la période 2009-2011, le ministère a supprimé 700 emplois, pour 900 départs en retraite, ce qui correspond au non-remplacement de trois départs sur quatre appliqué à toutes les catégories de personnel.
Il ressort d'ailleurs des différentes auditions menées dans le cadre de notre commission que le système a atteint le point critique au-delà duquel l'existence même de notre réseau diplomatique serait remise en question. C'est la conséquence directe de la RGPP, qui a été exclusivement abordée sous le prisme de la réduction des coûts, en faisant fi de la réévaluation des besoins exprimés sur le terrain.
Au 1er décembre 2010, le programme 105 comptait 8 030 ETPT, contre 8 470 en 2007, leur répartition géographique étant la conséquence du redéploiement intervenu entre 2006 et 2009 des zones de présence traditionnelle - Afrique, Europe occidentale - vers les pays émergents, telles que la Russie, la Chine et l'Inde.
Le maintien d'un vaste réseau - le deuxième au monde après celui des Etats-Unis d'Amérique - malgré des effectifs réduits, a conduit à un redimensionnement. Ont ainsi été distinguées 30 ambassades à missions élargies, dont 8 à format d'exception, une centaine à missions prioritaires, et une trentaine de postes de présence diplomatique.
Concernant la coopération de sécurité et de défense, après la baisse notable des crédits qui sont passés de 106,5 millions d'euros en 2006 à 95,4 millions d'euros en 2010, on observe une légère amélioration en 2011, et un maintien des crédits en 2012 avec 97,5 millions d'euros.
On ne peut toutefois que s'étonner que ces moyens aient été réduits au moment même où nous étions fortement engagés en Afrique sub-saharienne, où les besoins de formation, comme les formations financées au titre de la coopération de sécurité et de défense des cadres militaires, sont pourtant prioritaires.
Enfin, s'agissant de l'action de la direction générale de l'administration et de la modernisation, à laquelle 248 millions d'euros en crédits de paiement sont affectés au titre des fonctions support des cinq domaines, dont l'immobilier, je souhaiterais attirer votre attention sur les découvertes pour le moins étonnantes que révèlent l'étude des cessions en cours de finalisation.
D'une part, on constate que des cessions avaient été effectuées sans avoir été discutées dans le cadre de la discussion du dernier budget : ainsi en a-t-il été ce de la cession d'un appartement en Allemagne à hauteur de 150 000 euros, d'un immeuble abritant l'Alliance française en Argentine pour 80 500 euros, d'une parcelle de terrain au Koweït pour 640 000 euros, et d'un ancien immeuble du centre de coopération linguistique au Malawi pour 1 392 000 euros, soit un total de 2 262 500 euros.
D'autre part, les estimations peuvent se révéler jusqu'à trois fois inférieures ou supérieures aux prix de vente effectifs. C'est ainsi qu'à Madagascar, la cession de la Villa Alligator s'est faite pour 171 000 euros au lieu de 49 000 euros, et qu'à l'inverse, à Alger, l'estimation à 10 millions d'euros de la villa dites des Zebboudjs s'est révélée deux fois supérieure à la somme obtenue.
L'absence de gestion planifiée et cohérente du parc immobilier aurait ainsi coûté 12 280 381 euros au ministère en erreurs d'évaluation, alors même qu'il a accepté d'asseoir le financement de sa politique immobilière sur les recettes issues de cessions réalisées à l'étranger.
Pour conclure l'examen du budget du programme 105, je ne peux qu'émettre des réserves quant à la réalité de la « correction de trajectoire » budgétaire mise en avant par Alain Juppé lors de la présentation des crédits de la mission.
La fiabilité même des précisions est sujette à caution du seul fait de la dépendance de plusieurs lignes budgétaires du programme 105 au taux de change euro-dollar.
Enfin, la présentation de ce budget ne permet pas à l'élue de la République que je suis d'avoir une appréciation éclairée de l'ensemble des éléments financiers, alors que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 à laquelle renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, dispose en son article 14 que « tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».
Le manque de lisibilité du programme 105 constitue une raison supplémentaire pour donner un avis négatif à son adoption.
M. Pierre Bernard-Reymond, co-rapporteur pour avis. - En complément de Leila Aïchi, je m'attacherai à évoquer les difficultés inhérentes à la gestion du parc immobilier à l'étranger, et celles relevant de l'ampleur des dépenses contraintes découlant des contributions internationales obligatoires, qui limitent ipso facto la souplesse de gestion du programme 105.
Le ministère des affaires étrangères et européennes possède à l'étranger un parc immobilier ample et disparate, qu'il s'efforce de rationaliser.
Au 31 décembre 2009, ce parc immobilier représentait une surface utile de près d'1,904 million de mètres carrés, dont 542 000 mètres carrés de surface utile situés en Europe, 205 000 en Amérique du Nord et du Sud, 360 000 en Afrique subsaharienne, 184 000 en Asie et 616 000 dans la région Afrique du Nord-Moyen Orient du fait de l'importance du parc immobilier au Liban, au Maroc et en Algérie.
Les deux tiers des biens référencés sont contrôlés par le ministère et font donc l'objet d'une inscription dans son patrimoine et d'une valorisation, les biens dits non contrôlés consistant pour l'essentiel en des locaux ou terrains loués par l'Etat.
Le ministère a entrepris la rationalisation de son patrimoine immobilier en procédant à la cession des biens domaniaux considérés comme inutiles, les produits de cession des biens français à l'étranger représentant 48,5 millions d'euros en 2010, étant devenus depuis le 1er janvier de cette même année l'unique moyen de financement des opérations immobilières du ministère à l'étranger.
Aussi, aucun crédit budgétaire n'est plus alloué au programme 105 à ce titre, cette anomalie, dénoncée dans l'avis de notre collègue André Trillard sur le PLF 2011, étant atténuée en 2012 par l'attribution de 5 millions d'euros pour les frais d'entretien courant.
Les évolutions récentes ont mis en lumière l'inadaptation des procédures et des instruments budgétaires existants à une gestion dynamique et efficace du patrimoine immobilier de l'Etat à l'étranger.
Le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) ayant conclu en janvier 2011 à l'impossibilité de créer une agence foncière de l'Etat à l'étranger pour des raisons tant fonctionnelles que juridiques, le MAEE a fait appel à la Sovafim (Société de valorisation foncière et immobilière), société anonyme à capitaux 100 % publics, qui a déjà mené des opérations sur le parc immobilier d'autres ministères.
Le CMPP a validé en mars 2011 le principe d'une expérimentation en cours avec la Sovafim sur trois projets de rationalisation des implantations de l'Etat, à Madrid, Séoul et Abou Dhabi. Cela me semble sage car, comme l'ont illustré les propos de Leila Aïchi sur les erreurs d'évaluations des biens, l'optimisation des opérations immobilières relève davantage de la compétence de professionnels du secteur que de celle des diplomates.
Quant aux contributions aux organisations internationales inscrites au titre du programme 105, elles comprennent les contributions obligatoires et la part incombant à la France dans le financement des opérations de maintien de la paix (OMP) décidées par l'ONU, les contributions volontaires relevant du programme 209 « Aide au développement ».
Ces contributions représentent plus d'un tiers du programme et ont progressé en moyenne de 1,4 % chaque année pour atteindre 420,70 millions en 2011.
L'augmentation est toutefois plus importante en 2012, puisqu'elle porte sur 25 millions d'euros. Ces contributions sont en hausse dans le PLF 2012 de 25 millions d'euros, essentiellement consacrés à la rénovation du siège de la cour pénale internationale de La Haye dont le coût avait été sous-estimé.
En sens inverse, les crédits affectés par la France au financement des opérations de maintien de la paix de l'ONU (OMP) baissent de 65 millions d'euros grâce, d'une part, à la fin de la mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad (Minurcat), et, d'autre part, à un taux de change euro/dollar plus favorable que prévu.
La part des OMP dans le programme 105 n'a cessé d'augmenter depuis 2005, en valeur absolue comme en pourcentage, passant de 989,33 millions d'euros en 2005 à 1257,57 millions en 2010, représentant respectivement 25 % et près du 32 % du montant du programme.
Les modalités de financement de ces OMP sont fondées sur un barème de contributions distinct de celui du budget ordinaire de l'Organisation des Nations unies, consistant à répartir les Etats membres de l'ONU en 10 catégories, de A à J.
Les membres permanents du Conseil de Sécurité, donc la France, sont classés en A et prennent ainsi en charge, au prorata de leur quote-part au budget ordinaire, le dégrèvement accordé aux pays classés aux groupes C à J, dont le revenu par habitant est inférieur à deux fois la moyenne mondiale. En application de ce système, la quote-part de la France est actuellement de 7,564 %, alors qu'elle est de 6,123 % dans le budget ordinaire de l'ONU.
Les appels à contribution sont émis selon une périodicité très irrégulière, qui dépend de la durée des mandats adoptés par le Conseil de sécurité, et de l'articulation entre les décisions du Conseil en matière de mandats avec celles de l'Assemblée générale en matière budgétaire, le cycle budgétaire annuel des OMP allant du 1er juillet au 30 juin.
Les budgets peuvent, en outre, être révisés en cours d'exercice, en cas d'urgence ou de création de nouvelles opérations.
Pour 2012, les perspectives dépendront du résultat des négociations budgétaires qui se tiendront à l'ONU au mois de mai, qui détermineront le montant du budget des OMP à compter du 1er juillet 2012.
Le montant des contributions françaises devrait évoluer en particulier en fonction de la redéfinition des mandats des opérations en cours au Soudan, la MINUS (Mission des Nations unies au Soudan), pour laquelle un appel a été reporté au début de l'année 2012, et la MINUAD (Mission Union africaine/ONU au Darfour) et de celle de l'opération de soutien logistique de l'ONU à la mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM).
L'instabilité chronique dans la Corne de l'Afrique pourrait conduire à de nouvelles interventions ou au renforcement d'OMP existantes, telle que la MINUS. Dans ce cas, les financements requis repartiraient bien entendu à la hausse.
En conclusion et au vu de la correction de la trajectoire budgétaire opérée par le ministre d'État aux crédits du programme 105, je vous propose de donner un avis favorable à leur adoption.
Loi de finances pour 2012 - Mission Action extérieure de l'Etat - Programme Français de l'étranger - Examen du rapport pour avis
Puis la commission examine le rapport pour avis de Mme Hélène Conway Mouret et de M. Robert del Picchia sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 : mission Action extérieure de l'État (programme 151 : Français de l'étranger).
Mme Hélène Conway Mouret, co-rapporteure pour avis. - Le programme 151 recouvre trois actions : l'offre d'un service public de qualité aux Français résidant à l'étranger ou de passage, qui en représente 54,5% des crédits soit 200,97 millions d'euros, l'accès des élèves au réseau de l'AEFE pour 125,5 millions et enfin l'instruction des visas des étrangers désireux de se rendre en France, à laquelle 42 millions sont consacrés.
Ces dotations semblent inchangées par rapport à 2011, le budget augmente même de 25 millions pour atteindre 368,5 millions d'euros en 2012. Mais cette hausse tient en réalité au financement des échéances électorales de 2012 et à l'augmentation des aides à la scolarisation des élèves français alors que les besoins augmentent dans tous les autres domaines.
C'est le cas des services consulaires, de plus en plus sollicités par le nombre de Français résidant et se rendant à l'étranger qui a connu une hausse de 4% par rapport à 2010 et auxquels il va être de surcroît demandé d'organiser les élections de 2012. La communication auprès des communautés françaises, l'élection présidentielle, et la première élection des 11 députés représentant les Français de l'étranger vont en effet entrainer une charge de travail supplémentaires, notamment pour la mise en place de 745 bureaux de vote, soit 195 de plus qu'en 2007.
Si 10,3 millions d'euros supplémentaires, dont 8 proviennent du ministère de l'Intérieur, ont été dégagés on ne peut toutefois que regretter la poursuite de la baisse des effectifs permanents, obligeant, pour la circonstance, au recrutement d'agents contractuels.
Les crédits d'aide sociale, qui sont consacrés à la caisse des français de l'étranger, à l'emploi et la formation professionnelle, aux sociétés de bienfaisance, aux rapatriements, aux hospitalisations d'urgence à l'étranger, aux centres médico-sociaux, aux subventions à des organismes d'aide en France et à l'adoption internationale, devraient être stabilisés à 19,8 millions d'euros après avoir été augmentés en 2011 pour permettre les hospitalisations d'urgence des Français de l'étranger. L'ensemble du système d'aide sociale à l'étranger risque dés lors de connaître des tensions.
Les aides à la personne représentent 16,235 millions d'euros destinés à l'aide de nos compatriotes en difficulté à travers les aides des 207 comités consulaires pour la protection et l'action sociale (CCPAS).
L'accroissement du nombre de Français inscrits dans les consulats, le vieillissement et la crise économique mondiale accroissent les demandes d'aide sociale. Ceci a conduit en 2010 les CCPAS de certains pays européens à suspendre leurs aides et à inviter les demandeurs à solliciter des aides sociales locales, attirant à cette occasion l'attention sur la nécessité de prévoir des aides en faveur de résidants ayant des ressources inférieures à un certain plafond.
La Caisse des français de l'étranger (CFE) qui joue un rôle social de première importance, bénéficie d'une dotation de 498 000 euros à laquelle s'ajoute depuis 2002 une subvention destinée à permettre l'adhésion des plus démunis. Mais ce dispositif ayant été affaibli par une réduction drastique en 2011 dernière, nous ne savons pas si la CFE dispose désormais des moyens d'assurer les engagements auparavant pris en charge par l'Etat.
La deuxième action de programme, consacrée à l'éducation, doit répondre à l'augmentation permanente du nombre des demandes, les aides à la scolarisation des élèves français vivant à l'étranger atteignant 125 millions d'euros, soit 13,5 millions de plus que ce qui était initialement prévu dans la loi triennale.
Le système de prise en charge des frais de scolarité des élèves du secondaire (PEC) est lui aussi sous tension malgré le moratoire mis en place l'an dernier suite au rapport Colot-Joissains. Les prévisions pour 2013 laissent ainsi apparaitre un manque de financement 23,5 millions d'euros.
Dans le contexte budgétaire actuel, il est indiscutable que les dispositifs existants ne pourront donc pas être pérennisés et que trois solutions semblent aujourd'hui envisageables : l'abondement des crédits budgétaires qui reposerait les mêmes questions année après année, la suppression de la PEC ou enfin la réforme de cette aide. A ce titre, le rapporteur spécial de la commission des finances, Richard Yung, propose un amendement prévoyant un plafond de revenu fixé par décret, ce qui permettrait de dégager une économie de 10 millions d'euros et de financer ainsi davantage de bourses. Une autre option consisterait à stabiliser la dotation affectée à la PEC afin d'offrir des prestations à tous les demandeurs, celui-ci pouvant pour certains être complétées par des bourses.
Concernant l'instruction des demandes de visas, force est de constater que cette mission traditionnellement confiée à des agents titulaires de l'État, pour des raisons évidentes de confidentialité, ne cesse de s'alourdir, notamment dans les pays émergents, alors que budget prévu pour 2012 est en stagnation par rapport à 2011. Certes, un certain nombre de tâches ont été externalisées avec succès vers des sociétés privées, mais cette externalisation atteint ses limites.
En conclusion, les crédits proposés pour le programme 151 sont insuffisants au regard des besoins et ce de l'aveu même du ministre des Affaires étrangères, qui tout en se déclarant pleinement solidaire de la politique gouvernementale de recherche d'économies a avoué devant nous que son budget en était « à l'os ».
Malgré cela, le gouvernement a présenté le 8 novembre à l'Assemblée nationale un amendement baissant de 13 millions les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat ». Je propose donc à la commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme.
M. Robert del Picchia, co-rapporteur pour avis - Compte tenu du contexte de crise, j'estime que nous pouvons nous satisfaire des crédits qui nous sont proposés dont le maintien doit beaucoup à l'engagement personnel du ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères. Les Français de l'étranger comprennent eux aussi les difficultés auxquelles est confronté le Gouvernement, et acceptent dans leur grande majorité les mesures prises pour y faire face.
Ma première observation sur le programme 151 « Français de l'étranger » portera sur les consulats, onze d'entre eux ayant été fermés en 2011, ce qui n'est naturellement pas toujours bien perçu par les Français résidant dans ces pays, et appelle un travail d'explication. La fermeture de ces postes doit en effet être mise en parallèle avec l'ouverture de nouvelles implantations dans les pays émergents.
Certes, le développement de la télé-administration facilite les demandes consulaires, mais la réorganisation du réseau consulaire demeure une question très sensible qui mériterait sans doute la consultation préalable des élus locaux que sont les conseillers de l'Assemblée des français de l'étranger.
Quant aux services proposés par nos postes, il convient d'en noter la qualité, même si l'accueil pourrait parfois être amélioré alors que nos concitoyens considèrent en quelque sorte ces services comme leur mairie.
En matière d'élections, l'on ne peut que se satisfaire de l'élection en 2012 de députés par les Français établis hors de France, demande ancienne des élus à l'Assemblée des français de l'étranger, cohérente avec notre système bicaméral.
Le budget consacré à l'organisation de ces élections à l'étranger - soit 8 millions d'euros provenant essentiellement du ministère de l'Intérieur - devrait répondre aux besoins particuliers de ces élections organisées à l'étranger, tout ayant été fait pour encourager la participation électorale.
Pourtant, force est de constater que la mise en oeuvre du vote par internet suscite des inquiétudes. Dans ce contexte, le nouveau report au 29 janvier prochain, pour des raisons que nous ignorions, du test grandeur nature n'est pas une bonne nouvelle puisque les délais seront ensuite trop courts pour corriger, avant l'élection réelle, les défaillances révélées par le test.
Or, les risques de dysfonctionnements sont d'autant plus grands que ce type d'élection est inédit. Il serait fâcheux que la participation de plus d'un million de nos compatriotes à la vie démocratique du pays ne puisse pas se dérouler dans les meilleures conditions, notamment de sécurité juridique.
En matière de scolarité, il convient de noter que le budget augmente tous les ans. Le nombre d'enfants boursiers croît régulièrement, parallèlement aux difficultés financières que rencontrent en cette période de crise notre communauté expatriée, dont une grand partie - contrairement aux idées reçues - a un niveau de vie modeste, comme c'est le cas par exemple pour certains binationaux qui représentent plus de la moitié des Français à l'étranger.
La somme consacrée aux bourses a ainsi doublé depuis 2007, passant de 47 à 93,6 millions d'euros. Ce montant permet d'aider à la scolarisation plus de 22 000 élèves.
Quant à la prise en charge de frais de scolarité (PEC), devenue l'objet de critiques injustes dans les hémicycles, je vous rappelle qu'elle vise à permettre la poursuite des études dans le système éducatif français après la 3ème pour les jeunes ayant dépassé l'âge de la scolarité obligatoire, et pour les plus méritants, l'accès à notre enseignement supérieur.
Elle est très appréciée des familles qui en sont bénéficiaires, soit 40 % des familles françaises ayant des enfants au lycée, sachant qu'elle ne bénéficie pas aux familles qui perçoivent déjà une bourse, tandis que les fonctionnaires et assimilés perçoivent déjà un avantage familial qui est précisément destiné à couvrir les frais de scolarité de leurs enfants.
Que n'a-t-on pourtant pas entendu comme faux arguments contre la PEC ? On entend qu'elle coûte cher, alors que la prise en charge des lycéens à l'étranger coûte deux fois et demie moins cher qu'en France.
On dit aussi parfois qu'elle existe aux dépens des bourses, alors que le budget des bourses a été multiplié par deux depuis la création de la PEC en 2007, et que les crédits consacrés aux bourses sont fois plus élevés que le coût de la PEC, soit respectivement 93,6 et 31,9 millions d'euros.
Certains prétendront encore que la PEC favoriserait les riches. Ceci est faux puisque les plus aisés enverraient leurs enfants dans les lycées français avec ou sans PEC, et que de surcroît les familles très aisées demandent rarement le bénéfice de la mesure.
En fait, cette prise en charge profite aux familles de classes moyennes du secteur privé qui constituent la majorité de nos compatriotes à l'étranger, comme en France.
Si on supprime la PEC, nous n'accueillerons plus que les enfants français de familles aux revenus très modestes bénéficiaires des bourses, les enfants de fonctionnaires et les enfants de familles très aisées, qu'elles soient françaises ou étrangères.
La même conséquence serait obtenue si l'on fixait un plafond de revenus, comme le suggère notre collègue Richard Yung. Les enfants des familles des classes moyennes du secteur privé en seraient exclus, car trop aisées pour obtenir une bourse, mais pas assez pour payer la scolarité.
En outre, l'AEFE nous a signalé qu'un plafonnement par rapport aux revenus serait presque impossible à mettre en oeuvre à l'étranger.
On prétend que la PEC exclut les enfants étrangers. Or, que les frais de scolarité soient payés par l'Etat ou par les familles, ils le sont de la même façon. Au lycée, là où la PEC est en vigueur, il y a près de deux fois plus d'élèves étrangers que de français. Il n'y a pas d'effet d'éviction. Au contraire, le nombre des élèves étrangers augmente.
On avance que la PEC entraîne l'augmentation des écolages : c'est faux. On soutient que c'est un cadeau aux entreprises. 50 % des Français établis à l'étranger sont binationaux. Les expatriés d'entreprises sont une petite minorité. La majorité des Français à l'étranger sont des résidents établis. Le désengagement des entreprises est une légende malicieusement entretenue. Le rapport de l'Assemblée nationale sur le budget 2012 précise qu'il reste marginal. En 2010, selon l'audit de la révision générale des politiques publiques (RGPP), il ne concernait que quatre entreprises sur 200. Si la PEC bénéficie aux PME-PMI, tant mieux ! Cela les aide à conquérir des marchés et à stimuler des exportations dont la France a bien besoin, ce qui compense largement la dépense correspondante.
Ce budget a été dégagé par Bercy spécialement pour la PEC. Si la PEC était supprimée, il retournerait dans les caisses de Bercy et n'irait ni aux bourses ni à d'autres actions semblables.
Au total, 10 565 élèves reçoivent une aide à la scolarité sur 18 917, soit 56 % des élèves français. Pour le reste, soit les écolages sont pris en charge par l'employeur, soit les familles ne souhaitent pas être enregistrées, parce qu'elles sont très aisées, soit, pour 10 % à 15 % d'entre elles, elles ne sont pas informées. Cela permet de conclure à une hausse limitée pour les prochaines années. Sinon, il serait envisageable de transférer les aides à la scolarité au ministère de l'Education nationale, qui détient l'expertise de la gestion des bourses et dispose d'un budget global beaucoup plus conséquent que les Affaires étrangères.
Je vous propose d'adopter les crédits du programme 151.
M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement que je propose à l'article 32, état B, mission « Action extérieure de l'Etat » vise à améliorer les crédits d'intervention de la direction de la prospective : de 400 000 euros dans le projet de budget, auxquels s'ajoutent 730 000 euros destinés à l'invitation en France de personnalités d'avenir. Cette direction, dont le rôle éminent est plus que jamais d'actualité dans un monde aussi instable, doit disposer de financements un peu plus importants. Les 100 000 euros que je propose de lui affecter sont pris sur le programme 185, parce que certaines de ses actions ne semblent pas d'une importance aussi déterminante pour notre vision stratégique. La nécessité d'un renforcement de la capacité française de prospective a été soulignée dans le rapport rédigé, au nom de notre commission, par M. Robert del Picchia, intitulé La fonction "anticipation stratégique": quel renforcement depuis le Livre blanc? et paru en juin 2011. Ce document souligne que la direction de la Prospective du ministère des affaires étrangères et européennes, qui a succédé en 2009 au Centre d'analyse et de prévision (CAP), dispose d'un faible budget, en baisse de 4 % par rapport à 2010.
Le Premier ministre a souligné, le 8 octobre 2011, à l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), qu'« assurer la sécurité des populations c'est, bien souvent, anticiper des mesures diffuses, des menaces transnationales, des menaces qui peuvent s'attaquer à des intérêts sur des terrains très éloignés de leur berceau ».
L'amendement est adopté, l'UMP s'abstenant.
M. Jean-Louis Carrère , président. - Je vous consulte à présent sur l'ensemble des crédits de la mission.
M. Robert Hue. - Nous voterons contre ce budget. Lors de notre récent déplacement que nous avons effectué à l'ONU, les nations qui envoient l'essentiel des troupes en Afghanistan ont réclamé une augmentation sensible de leurs soldes, au titre des moyens dédiés aux opérations de maintien de la paix. Cela donne une idée de la réalité de l'explosion du budget d'aide à l'ONU. Tant d'incertitudes grèvent ce budget, en général, qu'il devient aléatoire.
M. Jean Besson. - Le groupe du parti socialiste et Europe écologie-les Verts votera contre ce budget, qui ne cesse d'être raboté depuis 20 ans. Cela ne date pas d'aujourd'hui, mais cela continue !
La mission n'incorpore pas les crédits de l'audiovisuel extérieur. La circulaire Guéant est contraire à notre volonté d'accueil des meilleurs étudiants étrangers. Sur le programme 151, notre rapporteur a estimé que le budget stagne alors que les moyens augmentent en moyenne. En revanche, notre rapporteur a souligné le manque de lisibilité du programme 105.
Loi de finances pour 2012 - Mission Action extérieure de l'Etat - Vote sur l'ensemble des crédits
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », par vingt sept voix contre (SOC et CRC) et dix sept voix pour (UMP et UCR)..
Loi de finances pour 2012 - Mission Aide publique au développement - Examen des rapports pour avis
M. Jean-Louis Carrère, président. - La mission « Aide publique au développement » comporte le programme 110 « Aide économique et financière au développement » et le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ».
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis. - Notre collègue Christian Cambon vous exposera les principales évolutions de la mission Aide au développement, j'analyserai l'effort global de la France en faveur du développement.
Je voudrais préciser le sens de cette politique, dont je découvre l'étendue et les subtilités. Est-il opportun, en temps de crise, de continuer à aider des pays extrêmement éloignés ? Il faut l'expliquer à nos concitoyens qui s'interrogent. L'aide au développement est un élément essentiel du statut international de la France. Si notre pays est une puissance moyenne à vocation universelle, c'est parce qu'elle déploie une vision au-delà de ses intérêts propres.
Il s'agit tout d'abord de lutter contre les inégalités de développement. C'est la raison d'être de la coopération. Or ces inégalités se sont, hélas, accrues ces dernières années sous l'effet de la crise. Même si certains pays d'Afrique, tel le Nigéria, connaissent une croissance forte, les difficultés extrêmes des pays de la Corne de l'Afrique nous rappellent la persistance des problèmes de sous-développement.
C'est une politique de sécurisation de notre environnement international. Le développement harmonieux et pacifique de l'Afrique et notamment du Sahel, une transition réussie des pays du Maghreb vers une démocratie partagée sont des éléments structurants pour la sécurité de notre environnement au sud de la Méditerranée.
Dans le cadre du G20 a surgi l'ambition de construire des politiques à l'échelle planétaire pour lutter contre le réchauffement climatique, pour la préservation de la biodiversité ou la lutte contre les épidémies. Une gouvernance mondiale se met en place afin qu'une mondialisation maîtrisée permette un vrai développement. Il faut garder en tête l'ensemble de ces objectifs pour mesurer le rôle de plus en plus stratégique de la coopération dans la politique étrangère.
Ce n'est pas de la charité. Il serait dommageable, pour les pays que nous aidons, mais aussi pour nous, de réduire sensiblement notre aide, qui ne représente que 0,01 % du budget de l'Etat.
Ce budget, dans le cadre du triennat 2011-2013, prévoit une stabilisation de l'effort en faveur du développement. Dans le contexte actuel de diminution globale des crédits d'intervention, la sanctuarisation des crédits de la coopération, préconisée depuis longtemps par notre commission, est un résultat très positif. Mais tout n'est pas parfait : la France n'est pas en passe de tenir l'un de ses engagements majeurs, pris depuis 2005, d'atteindre, en 2015, un taux d'effort de 0,7 % du revenu national brut.
Les projections jusqu'en 2013 situent ce taux entre 0,41 % et 0,49 %. Nous sommes en retard. On invoque à la Présidence la fin d'une vague d'annulation de dettes et le début des remboursements des très nombreux prêts consentis ces dernières années qui diminuent mécaniquement notre APD déclarée.
Ces projections n'étant pas réjouissantes, l'administration des finances a jugé qu'il valait mieux ne pas publier le document de politique transversale que notre président a réclamé de façon insistante avant le G20. Il serait bon qu'une remarque vive soit émise en séance publique : un document budgétaire ne doit pas disparaître ou apparaître selon que son évolution est jugée favorable ou non. La tenue d'une grande conférence internationale ne saurait justifier un tel retard.
Les crédits devraient permettre à la France de poursuivre les objectifs de sa diplomatie d'influence, qu'elle doit développer pour en faire l'élément moteur de politiques publiques mondiales en matière de santé ou de climat.
Comme l'a souligné le comité pour l'aide au développement de l'OCDE, qui a effectué la « revue à mi-parcours » de la France, nous aurions dû établir, dès 2007, une feuille de route budgétaire définissant une stratégie crédible pour arriver à notre objectif. C'est ce qu'a fait la Grande-Bretagne qui ne manque pas d'ailleurs de le faire savoir dans les sommets internationaux. C'est ce qu'ont fait d'autres pays, comme le souligne le rapport de Bill Gates aux membres du G20.
Cet engagement n'est pas le seul que la France a pris ces dernières années : je vous renvoie à mon rapport écrit.
Le bilan est inégal. Nous nous sommes parfois engagés pour des milliards que nous n'avons pas. De mauvaises langues soutiennent que la coopération française, ce sont les ambitions des Etats-Unis avec le budget du Danemark ! Disons qu'il y a une différence entre les ambitions et les moyens. Notre président de la République a accumulé les promesses ces dernières années : augmenter de 420 millions d'euros les dépenses de lutte contre le réchauffement climatique, à Copenhague ; consacrer 100 millions d'euros de plus à la lutte contre la mortalité infantile et maternelle, à Muskoka, au Canada, en juin 2010 ; accroître de 60 millions d'euros notre contribution au fonds Sida, à New York en septembre 2010 ; verser 100 millions d'euros additionnels à l'alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI) en juin dernier ; consacrer 2,7 milliards en faveur du partenariat de Deauville pour accompagner la transition dans les pays arabes. Et il est encore trop tôt pour chiffrer les engagements du G20 !
Tout cela à budget constant...Comment y parvenir ? Heureusement, nous sommes en fin d'année ! En cette période de restrictions budgétaires, ces promesses ne sont pas faciles à financer. Il n'est pas aisé de retrouver leur trace dans les comptes. Certaines promesses de dépenses additionnelles se révèlent être des dépenses programmées. D'autres sont des dépenses de substitution, par glissement de lignes. L'augmentation de la contribution au fonds Sida et au GAVI sera, en grande partie, prélevée sur la contribution à Unitaid.
Nous déclarons à l'OCDE 10 milliards d'aide au développement. C'est la troisième contribution au monde, la dixième en rapport avec notre revenu avec 0,5 % du revenu national en 2010. C'est plus qu'en 2001 où nous étions à 0,3 %, moins qu'en 1982 ou 1992 où nous étions au dessus des 0,6 %.
Sur ces 10 milliards de dépenses, plus de 20 % ont un rapport très indirect avec l'aide au développement. Ce n'est pas nouveau. La France respecte globalement les règles de l'OCDE, mais son interprétation fait l'objet de critiques répétées. Ainsi, 600 millions d'euros sont déclarés au titre de l'accueil des étudiants étrangers, 200 millions au titre de l'accueil des réfugiés, 400 millions au titre des dépenses en faveur de Mayotte et Wallis et Futuna. Tout cela entre légalement dans la comptabilité de l'OCDE, mais si on l'en retirait, on ne serait pas plus éloigné de la réalité !
L'effort que nous déclarons est très marqué par le poids des annulations de dettes, qui constituent, selon les années, 10 % à 30 % de notre APD. La part des prêts est croissante : elle représentait en 2010 plus d'un milliard d'euros. Elle a doublé depuis 2008 et correspond aux engagements croissants de l'AFD sous forme de prêts, en particulier dans les pays émergents, mais aussi en Méditerranée. Ainsi les 2,7 milliards pour accompagner les printemps arabes, sont des prêts qui rapporteront à l'AFD. L'aide au développement française comporte deux fois plus de prêts que la moyenne des autres bailleurs de fonds. Notre coopération prête de plus en plus et donne de moins en moins. Jusqu'où peut-on considérer que des prêts à des taux de marché comme de l'APD peuvent être considérés comme de l'aide ? Les prêts en Chine, par exemple, ne sont ni de l'aide -ils rapportent- ni un effort public -il n'y a plus de bonifications- ni du développement -il s'agit essentiellement de la défense des intérêts français !
Mon autre question porte sur l'effet à long terme de la montée en puissance des prêts. Ils sont comptabilisés en APD, lors de leur engagement, et soustraits de notre aide, lors du remboursement. Si on se fixe comme objectif d'atteindre les 0,7 % par des prêts, il faudra toujours prêter plus qu'on ne nous rembourse et, à long terme, ce mécanisme est insoutenable.
L'APD est un indicateur très approximatif de l'aide réellement disponible dans les pays du Sud.
La France s'est engagée, depuis une dizaine d'années, dans une montée en puissance de son aide multilatérale, afin de peser sur la programmation des grandes institutions que sont la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, le fonds européen de développement ou le fonds Sida.
Ces institutions ont une légitimité incontournable. Notre stratégie a payé. Nous avons infléchi la programmation de ces grands fonds vers l'Afrique mais ce mouvement est allé trop loin. Comme le budget de la coopération n'a pas augmenté de façon significative, la croissance du multilatéral s'est faite au détriment du bilatéral, réduisant considérablement les moyens des agences de l'AFD et des ambassades.
Ce projet de budget marque une volonté de redressement qu'il faut souligner : la part de l'aide bilatérale devrait passer de 56 % en 2009 à 64 % en 2012. C'est une évolution très positive.
Ces dernières années, la part des dons a eu tendance à diminuer considérablement. L'ensemble des subventions de l'aide bilatérale est ainsi passé entre 2005 et 2009 de 440 millions d'euros à 300 millions d'euros. Parallèlement, le montant des prêts a été multiplié par deux. Il en résulte un effet de levier important, à condition de ne pas contribuer à réendetter des pays que l'on a incité au désendettement. En revanche, la diminution des dons contredit nos objectifs de concentration sur l'Afrique subsaharienne et sur les quatorze pays prioritaires de la coopération française dont la capacité d'endettement est faible. Les crédits budgétaires consacrés à ces pays diminuent de 2005 à 2009. Les dons programmables pour les quatorze pays prioritaires baissent de 30 % de 2006 à 2009. Ces quatorze pays prioritaires ne représentent que 8 % de l'activité de l'AFD et 22 % de son activité en Afrique.
L'État a poursuivi son objectif de concentration de 60 % de l'effort budgétaire sur l'Afrique subsaharienne, de 50 % des subventions au 14 pays prioritaires, mais l'enveloppe des subventions est faible : on répartit 150 millions d'euros dans 14 pays, soit dix millions chacun ! Cela n'a pas grand sens, mais justifie une politique plus active sur le plan bilatéral, pour accentuer l'évolution positive de ce budget.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - Les crédits de la mission « aide publique au développement » regroupent les 35 % « stratégiques » de l'effort de la France en faveur du développement, sur lesquels les pouvoir publics ont une marge de manoeuvre et effectuent des arbitrages géographiques et sectoriels.
Cette mission comporte trois programmes de taille inégale : le programme 110, géré par le ministère des Finances, pour 40 % des crédits de la mission ; le programme 209, géré par le ministère des Affaires étrangères, qui comprend 60 % des crédits ; le programme 301, mis en oeuvre par le ministère de l'immigration, qui ne représente que 1 % des crédits de la mission.
Les programmes 110 et 209 ne se distinguent ni par leurs objectifs, ni par leur zone géographique d'intervention, ni par les instruments utilisés, mais correspondent à une répartition historique par ministère.
Je souligne l'effort important du ministère de la coopération pour redéfinir la stratégie française dans ce domaine, moderniser ses modes d'interventions et fédérer les acteurs autours d'une stratégie commune. Depuis l'arrivée de M. de Raincourt, le Gouvernement a adopté le document cadre de coopération auquel nous avions été associés ainsi qu'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens du principal opérateur de notre coopération, l'AFD, pour lequel nous avons été consultés.
L'ensemble du budget est stable, dans un contexte où la majorité des missions diminue. Cette sanctuarisation des crédits de la mission constitue une exception.
Comme l'a indiqué Jean-Claude Peyronnet ce projet de budget diminue les contributions multilatérales et augmente les subventions au titre de l'aide bilatérale.
La baisse de la contribution au FED de 26 millions permet de conforter certaines actions bilatérales. Les marges de manoeuvre à terme sont limitées, car le montant de nos contributions détermine notre place dans les conseils d'administration et dans les organes de programmation des institutions multilatérales. Les efforts consentis pour limiter nos contributions multilatérales se sont traduits, ces dernières années, par un recul du rang de la France : à la Banque mondiale, à la Banque africaine de développement et à de nombreuses organisations dépendant de l'ONU.
Si nous voulons conserver notre influence sur la programmation de ces institutions, notamment en faveur de l'Afrique, si nous voulons maintenir notre statut à l'ONU, il faut veiller à ne pas trop rogner sur ces contributions. Que les organes des Nations unies puissent être critiqués, qu'il y ait eu, par le passé, un saupoudrage, qu'il y a une sorte de jungle institutionnelle qui gagnerait à une RGPP internationale, j'en suis convaincu, mais nos contributions sont arrivées à un niveau inquiétant pour la place de la France dans les enceintes des Nations unies, à un moment où notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité pourrait être mis en cause.
La diminution de la clé de répartition du FED nous permet de diminuer notre contribution de 900 millions à 800 millions d'euros jusqu'en 2013. Je souligne le manque d'information du Parlement sur les réformes en cours de la politique européenne de développement. La Commission européenne a proposé de nouvelles orientations et de nouvelles perspectives budgétaires. Un quart de notre aide passe par l'échelon communautaire, la moitié de notre aide multilatérale passe par l'Europe. Ni les responsables programmes que nous avons auditionnés, ni le ministre n'ont évoqué ce point. Nous n'avons pas non plus été associés à la rédaction de la stratégie française à l'égard de la politique européenne de développement. Il serait utile que nous auditionnions le commissaire européen sur ce sujet, au cours de la session, car ces nouvelles orientations devraient être adoptées en 2012.
La commission doit servir de catalyseur à une association plus étroite des politiques de coopération des États-membres. Plus que jamais aujourd'hui, il nous faut favoriser des programmations conjointes entre les Etats membres et les agences de l'Union européenne. On ne peut plus continuer à avoir des politiques de coopération nationales ; et celles de l'Union, faisant plus ou moins les mêmes choses, dans les mêmes pays. Nous l'avons observé au Mali, au en Tanzanie, où pas moins de 1 500 consultations pour un projet ont été recensées.
Des expériences pilotes appliquent une division du travail en fonction des avantages comparatifs de chacun. Au Mali, nous avons constaté que les principaux partenaires européens étaient prêts à adopter une programmation conjointe où, selon les secteurs, il y a un chef de file qui met en oeuvre, non seulement ses crédits, mais également les crédits que les autres pays souhaitent consacrer à ce secteur. La France et l'AFD sont des éléments moteurs de cette politique, que nous devons soutenir.
L'aide bilatérale représente un milliard d'euros sur les deux programmes. Je rejoins Jean-Claude Peyronnet sur la nécessité de concentrer les subventions sur les pays d'Afrique subsaharienne et sur les secteurs sociaux, et de réserver nos prêts aux pays plus avancés et au secteur productif.
Deux priorités majeures doivent orienter notre coopération bilatérale : l'Afrique subsaharienne et les pays prioritaires, où nous ne pouvons intervenir que sous forme de subventions et il manque, pour avoir un effet significatif, plusieurs centaines de millions d'euros ; l'accompagnement des transitions démocratiques dans les pays du Maghreb, dont je n'ai pas besoin de souligner l'importance pour nous. La clé sera la capacité de ces pays à offrir des emplois. Nous devons accompagner le décollage économique des pays du Maghreb. Le décollage économique d'un Maghreb démocratique peut être une opportunité pour l'Europe, un échec serait une menace pour la stabilité de notre continent qui n'en n'est séparé que de 14 kilomètres - à Gibraltar !
Dans ces pays, nous intervenons essentiellement sous forme de prêts, mais il nous faudra des subventions pour la gouvernance démocratique. Le vote tunisien, qui sera suivi du vote égyptien et sans doute du vote libyen suscite des inquiétudes. Nous n'avons rien à dicter à des pays qui ont fait leur révolution. Mais nous pouvons les aider à conforter leur démocratie par le biais de la coopération.
Pour mettre en cohérence nos priorités avec nos moyens, il faudrait 300 millions à 500 millions d'euros de plus. Nous avons réfléchi avec Jean-Claude Peyronnet sur les moyens de dégager ces crédits à budget constant.
Les marges de manoeuvre multilatérale sont limitées, si nous ne voulons pas perdre notre influence ou notre rang dans les grandes institutions. Elles le sont d'autant plus, à court terme, que la France a déjà participé à de nombreuses reconstitutions de fonds qui nous engagent jusqu'en 2013, voire au-delà.
Au sein de l'aide bilatérale, les marges de manoeuvre ne sont pas beaucoup plus importantes. Nous pourrions réduire le nombre de pays dans lesquels nous intervenons, mais il faut bien distinguer l'ensemble des zones géographiques dans lesquelles l'AFD intervient en tant que banque et ceux où elle dépense de l'argent public. Il est assurément étrange de voir l'AFD s'investir en Chine, en Inde et bientôt en Asie centrale, mais elle y exerce une activité de banque et fait de la coopération d'intérêt mutuel plus que du développement. De plus, nous croyons comprendre que l'AFD gagne de l'argent dans ces pays, bien qu'il soit difficile de saisir la réalité des chiffres. Avant nous, M. Charasse n'y a pas réussi.
L'effort budgétaire étant relativement concentré sur l'Afrique subsaharienne et sur les quatorze pays prioritaires, l'important est le montant des subventions.
D'une certaine façon, il y a une impasse budgétaire, d'autant plus préoccupante que la lutte internationale contre le réchauffement climatique exigera des financements considérables : les engagements pris à Copenhague et à Cancun, devraient doubler à terme notre effort financier. Les enjeux politiques et économiques sont considérables. Il s'agit pour l'essentiel de prêts, mais l'expertise exige des financements nets.
Par suite, seul un financement innovant pourrait permettre à la France d'honorer ses engagements. Il est clair, comme l'a dit M. Peyronnet, que nous n'atteindrons pas 0,7 % en 2015 sans taxe sur les transactions financières. Asseoir le financement des politiques d'aide au développement sur une ressource fiscale mondialisée revient à jeter les bases d'une redistribution à l'échelle mondiale, fondée sur la taxation d'activités qui bénéficient de la mondialisation au profit de ceux qui n'en profitent guère. C'est aussi une façon de mieux répartir l'effort en faveur de l'APD, puisque l'Europe représente aujourd'hui 30 % du PIB mondial et 60 % de l'APD mondiale. Un financement assis sur les transactions réduirait ce déséquilibre. C'est un projet vraiment intéressant. Les divergences portent sur le calendrier, non sur le principe. Nous avions adopté en commission un amendement que j'ai défendu. Le rapporteur général l'a repris pour effectuer une synthèse avec d'autres suggestions, dont celle de Robert Hue. L'amendement de synthèse a été adopté. Il reprend l'essentiel de notre dispositif, mais malheureusement sans l'idée d'un taux plafond à 0,05 % laissant au gouvernement le soin d'adapter le taux effectif au type de transaction et à l'avancement de la négociation avec nos partenaires européens. Je crains qu'avoir fixé le taux, qui plus est au niveau maximal, n'effraye les pays hésitants. Dans ces conditions, je crains que la disposition introduite n'ait guère de chance de prospérer au-delà de nos murs...
J'en viens à l'évaluation de l'aide au développement, un sujet sur lequel nous insistons chaque année. Le ministre nous dit que c'est difficile. Sûrement, mais cette politique n'a pas le monopole de la complexité. Nous devons rendre des comptes aux citoyens et aux contribuables. La difficulté d'évaluer s'accompagne d'une grande difficulté à adapter nos instruments en fonction des résultats, ce que toute politique publique doit faire.
Le précédent ministre avait proposé de nous associer à l'évaluation de toute la politique de coopération. Il faudra répondre « présent ! » lorsque cette proposition se concrétisera, car c'est là une des fonctions du Parlement. La France consacre deux fois moins de crédits à l'évaluation que les Anglais et les Allemands. Mesurer l'efficacité d'un nouveau lycée à l'étranger n'est pas simple, mais il faut aller dans ce sens.
Il y aurait d'autres sujets à aborder, notamment la transparence, le sommet de Durban sur le climat et celui de Busan, mais j'ai déjà été trop long.
Je vous propose d'adopter l'ensemble du budget, car il reprend un certain nombre d'orientations que nous avions souhaitées. Certes, nous aurions préféré une France plus riche et un déficit moindre mais c'est un bon budget dans le contexte actuel.
M. Didier Boulaud - Je remercie les rapporteurs pour leur travail très éclairant, qui permet à chacun de se déterminer selon ses appétences.
À juste titre, ils ont insisté sur l'éparpillement de nos aides. Jacques Gautier et moi-même avons dîné hier à Londres chez l'ambassadeur de France, avec qui nous avons évoqué la question du saupoudrage. Les parlementaires ne sont pas seuls à insister sur cette problématique, puisque de nombreux ambassadeurs font le même constat. Depuis des années, parlementaires et diplomates s'échinent à faire passer le message, mais en vain. Serait-ce de l'autisme ? Nous sommes montrés du doigt chaque année dans le cadre du PNUD, mais aussi pour les opérations tendant à rétablir le droit après la fin des conflits. M. de La Sablière notamment n'a cessé de demander aux délégations françaises d'insister à leur retour sur la nécessité pour la France de payer à temps et de maintenir une contribution significative. En effet, les considérations budgétaires pèseront dans la balance le jour où il faudra défendre notre place de membre permanent du Conseil de sécurité. Le Gouvernement doit avoir conscience qu'il ne suffira pas d'être, avec les Britanniques, à l'origine de 60 % des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité : nous compensons notre incurie budgétaire par notre imagination.
Nos amis britanniques ont su effectuer des choix douloureux mais clairs.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - Parce qu'ils pratiquent l'évaluation !
M. Didier Boulaud - Le Sahel fait partie sinon de notre pré carré, du moins de notre histoire. Ajoutons à cette considération l'activité d'Aqmi : nous devons mettre l'accent sur cette région et en oublier d'autres, qui ne sont pas notre terrain de prédilection.
M. André Dulait - Le rôle de la France est systématiquement estompé dans les actions multilatérales auxquelles nous participons, surtout sous l'égide de l'ONU. On dit sur place que l'Amérique a payé ; on mentionne parfois l'Europe, jamais la France.
Les prêts relèvent de Proparco sont-ils comptabilisés ?
M. Robert del Picchia - Pour remonter au moins d'une dizaine de places, il suffirait de verser 2 millions d'euros en plus au PNUD. Aujourd'hui, la France est au quatorzième rang.
Autrefois, le FED avait deux défauts. D'abord, ses ressources n'étaient n'étaient pas entièrement dépensées, faute de compétences sur le terrain disait-on à Bruxelles. Or, les gens compétents existent. Ensuite, le contrôle des sommes dépensées par le FED était confié à la société prestataire, nous avait précisé son directeur danois de l'époque.
M. Jean-Louis Carrère, président - Cette réponse n'était pas exacte.
M. Daniel Reiner - La délégation qui s'était rendue il y a deux ans à la session annuelle des Nations-Unies était revenue avec la désagréable impression que la France parlait beaucoup et payait peu. Nous avions donc déplacé par amendement 1 million au sein de la loi de finances. Pourquoi ne pas recommencer pour river le clou ?
M. Robert Hue - Les rapports sont excellents, avec un vrai travail d'objectivité. Nous sommes hostiles à la démarche du Gouvernement, mais je suis sensible au travail de nos collègues.
Il y a deux ans, j'ai ressenti à l'ONU ce qui vient d'être rapporté ; il n'en a pas été de même cette année, sans doute parce que mes interlocuteurs étaient particulièrement aimables. Mais leur appréciation sans doute négative n'empêche pas les ajustements.
J'ai été surpris de constater que le Secrétaire général de l'ONU envisageait explicitement dans son rapport que l'objectif de 0,7 % du PIB ne soit pas atteint. Pourquoi le Gouvernement ne propose-t-il pas de feuille de route d'ici 2015 ? Il faudrait savoir où nous allons...
Par conviction idéologique, j'estime qu'il n'est pas bon d'avoir transformé l'AFD en banque soucieuse de rentabilité. La prépondérance des prêts sur les dons pose un problème d'éthique : la financiarisation écrase tout.
Enfin, je souhaite que la taxe sur les transactions financières fasse objet d'une affectation claire, mais on la met à toutes les sauces.
M. Jeanny Lorgeoux - C'est la tarte à la crème !
M. Robert Hue . - Un serpent de mer.
L'évaluation est un problème de fond pour la France. Nous sommes ou avons été élus locaux : nous savons que la moindre subvention donne lieu à cinq contrôles, quand ce n'est pas dix, sur son utilisation. L'évaluation est nécessaire pour savoir où l'on va, que ce soit à l'échelle nationale ou mondiale.
Je ne me retrouve pas dans les choix effectués pour cette mission.
M. Michel Boutant . - La part de la France dans l'aide au développement semble diminuer. Voit-on des pays émergents assumer un rôle accru en ce domaine ? La Chine fait ami-ami avec certains pays africains, où elle multiplie les acquisitions foncières. Mais les puissances prétendant jouer un rôle dans les organismes internationaux jouent-elles un rôle accru dans leur financement ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam - Il est en effet indispensable d'évaluer et de contrôler.
Lors d'une audition, j'ai posé une question sur le montant faramineux de l'étude préalable relative au traitement des ordures à Djibouti. On m'a promis une réponse : je l'attends encore...
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis. - Les pays émergeants comme l'Inde, la Chine ou la Turquie consacrent 18 milliards à l'Afrique, non sans arrière-pensées, mais nous ne pouvons guère les leur reprocher.
M. Jeanny Lorgeoux. - C'est du néocolonialisme !
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis. - C'est considéré comme de l'aide au développement.
Notre contribution aux organismes de l'ONU va passer de 48 à 51 millions : c'est une augmentation significative.
Pour que notre aide bilatérale soit plus visible, il est possible d'accentuer notre aide bilatérale au détriment des actions multilatérales. Telle est d'ailleurs l'orientation -positive- de ce budget. Au demeurant, on peut aussi éliminer de manière drastique notre intervention dans un certain nombre de pays. Avec un budget quasiment constant, il n'y a pas d'autre solution que de cibler.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. -150 millions d'euros, répartie entre 14 pays prioritaires fait à peine plus de 10 millions pour chacun, soit 10 % du budget de la ville que j'administre et qui ne compte que 16 000 habitants !
Destinés au secteur privé, les prêts Proparco ne sont pas comptabilisés dans l'aide au développement, ce qui semble normal.
J'en viens au rôle de l'AFD. Si les prêts consentis en Inde en Chine sont conformes aux conditions du marché, nous devons exiger que les bénéfices ainsi réalisés servent à donner de l'argent aux pays qui ne peuvent souscrire de prêts ordinaires ; cet enchaînement serait vertueux. Le directeur général de l'AFD nous a dit que tel était bien le but du dispositif mis en place. La banque devenue agence ne doit pas redevenir simplement une banque.
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis. - Il est difficile d'accepter que l'AFD verse des dividendes à la puissance publique.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - Pour contrôler le FED, la France a demandé sa budgétisation, qui implique un contrôle par le Parlement européen, mais la Commission de Bruxelles y est hostile. Nous pourrons reposer la question au commissaire européen.
En ce qui concerne l'utilisation du FED dans les pays pauvres, il faut renouer avec la notion de chef de file, car notre expertise peut plus facilement être mise en oeuvre que celle des Anglais dans nos anciennes colonies. La France pourrait ainsi, par exemple, se concentrer sur le Burkina Faso.
Faire converger les moyens multilatéraux permettrait d'accélérer le décaissement, mais les choses évoluent déjà dans le bon sens, par exemple pour la lutte contre le sida.
Enfin, nous n'avons pas de réponse quant aux déchets à Djibouti.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - J'ai posé la question au directeur du Trésor il y a plus d'un mois : un montant de 8 millions d'euros est évoqué pour cette étude.
M. Jean-Louis Carrère, président. - La commission reposera la question.
M. Daniel Reiner. - J'ai bien noté ce qu'a dit Robert Hue sur l'amélioration du climat à l'ONU.
Il reste peut-être quelque chose dans la loi de finances du million que nous avions ajouté. Dans le cas contraire, pourquoi ne pas recommencer ?
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - La part de la France est passée de 48 millions à 51 : c'est ce que risque de répondre le ministre si l'amendement est déposé.
M. André Dulait. - L'étude engagée sur fonds européens a pour but de débarrasser Djibouti d'une gigantesque montagne d'ordures grâce au tri sélectif.
M. Didier Boulaud. - Comment faire un tri sélectif quand la poubelle s'étend à perte de vue ?
M. Jean-Louis Carrère, président. - Lorsqu'il a été interrogé sur le rôle de la Chine dans le monde, son représentant permanent à l'ONU à répondu qu'elle ne recherchait en Afrique ni profit, ni leadership, mais qu'elle obéissait à un impératif de solidarité. Face à la crise mondiale, la Chine estime apporter une aide significative aux pays développés en cessant d'avoir besoin d'aide et en pourvoyant elle-même aux besoins de ses habitants, dont le nombre atteint 1,3 milliard.
M. Li Bao Dong a ajouté que la Chine avait acheté des bons du trésor américains lorsque les Etats-Unis et qu'elle ne voulait pas voir s'effondrer la zone euro.
M. Didier Boulaud. - Ce sont des philanthropes !
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis. - Voter contre ce budget adresserait un mauvais signal au sud de la Méditerranée, mais aussi au Sahel. J'ajoute que ses crédits sont sanctuarisés, bien qu'ils soient insuffisants. Que le rapport ne cache rien des insuffisances n'empêche pas de constater les points positifs, dont l'accent mis sur l'aide bilatérale. Je propose donc à la commission de donner un avis favorable.
M. Robert Hue - Je voterai contre.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission Aide publique au développement, le CRC votant contre.
M. Jean-Louis Carrère, président. - Le rappel de l'ambassadeur de France en Syrie nous donne l'occasion de l'auditionner mercredi 30 novembre à 10 heures 30 sur l'évolution dans ce pays et l'attitude de son gouvernement, qui vient encore d'être condamné à l'ONU.