Mardi 29 mars 2011
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Travaux de l'Opecst sur la sécurité nucléaire - Désignation de huit membres
M. Jean-Paul Emorine, président. - Il nous revient de nommer, à la proportionnelle des groupes, huit membres associés aux travaux de la mission de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur la sécurité des centrales nucléaires et l'avenir de la planète. Après consultation des groupes, je vous propose de désigner MM. Ladislas Poniatowski et Alain Houpert, ainsi que Mme Élisabeth Lamure pour le groupe UMP ; M. Jean-Claude Merceron pour le groupe de l'Union centriste ; M. Jean-Marie Bockel pour le groupe du RDSE ; MM. Didier Guillaume et Michel Teston pour le groupe socialiste ; M. Jean-Claude Danglot pour le groupe CRC-SPG.
Il en est ainsi décidé.
Audition de M. Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF)
La commission entend M. Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF).
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je souhaite la bienvenue à M. Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), créée par la loi de 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF). Nous l'avions auditionné en tant que futur président ; nous souhaitons aujourd'hui l'entendre présenter l'activité de l'ARAF et en tirer les premiers constats.
M. Pierre Cardo, président de l'ARAF. - L'ARAF a été créée par la loi du 8 décembre 2009. J'ai été nommé à sa présidence au mois de juillet suivant, et son collège de sept membres a commencé de se réunir dès la rentrée suivante, pour entreprendre des auditions de tous les partenaires du ferroviaire. Nous avons entendu les représentants de la SNCF, de Réseau ferré de France (RFF), de l'Autorité de la concurrence, mais aussi ceux de l'Office de régulation du rail (ORR) britannique, organisme comme nous très indépendant, mais dont les compétences ne recouvrent pas tout à fait les nôtres. Depuis le 1er décembre, nous exerçons la plénitude de nos missions.
Le premier avis que nous avons rendu portait sur la nomination du directeur de la circulation ferroviaire, déjà en place depuis neuf mois. Nous avons rendu un avis favorable. D'autres demandes d'avis ont suivi, parmi lesquels, en urgence, un avis sur les règles tarifaires du contrat de délégation publique de la ligne grande vitesse Tours-Bordeaux. Nous nous sommes, bien entendu, contentés de répondre à la question posée, sans soulever celle de la concession...
Mais le plat de résistance a été pour nous l'avis sur le document de référence du réseau, sur lequel nous avons travaillé pendant deux mois. Il s'agissait d'offrir aux opérateurs ferroviaires un document plus clair et plus lisible. Notre décision comportait une partie d'avis motivés, où nous formulons des opinions et une partie d'avis conformes, que RFF doit respecter, ce qu'il a fait. Les opérateurs savent maintenant à 95 % à quoi s'en tenir pour l'avenir.
L'autre catégorie de décisions, que nous prenons depuis le 1er décembre, concerne les recours des opérateurs contre RFF ou une autre entreprise ferroviaire. Le premier règlement de différend émane de l'entreprise ECR (Euro Cargo Rail), qui se plaignait de dysfonctionnements dans l'organisation du fret en gare de Cerbère, et estimait subir une discrimination. Nous nous sommes prononcés sur les mesures d'urgence, nous nous prononcerons ensuite sur le fond. Nous avons également été saisis pour avis par l'Autorité de la concurrence, qui nous demande des éléments pour forger son avis. Ce qui pose, au reste, la question des limites de nos compétences respectives et a permis à nos services juridiques respectifs, de tracer la frontière. Nous verrons, à l'usage, à faire en sorte que l'action des deux autorités se complète.
Nous sommes en pleine période de construction. Les acteurs, de leur côté, prennent connaissance de notre existence. Quelques difficultés demeurent, parmi lesquelles la localisation de notre siège au Mans, qui ne simplifie pas les recrutements. Même si pour l'instant, cela ne pose pas de problème insurmontable, nous n'en sommes, pour l'instant, qu'à un effectif de 30 pour un total prévu de 60. La complexité du système ferroviaire et du document de référence, avec ses 700 pages, plaide pour un renforcement de nos services, sachant que les équipes juridiques de certaines entreprises comme la SNCF sont déjà très étoffées. Aujourd'hui, nous disposons de 350 m2 dans le XVe arrondissement de Paris pour le collège et de 1 300 m2 au Mans pour les services, à sept minutes de la gare. Il n'est pas facile, pour des cadres de haut niveau déjà installés dans l'existence, de se rendre tous les jours au Mans sauf pour ceux qui habitent Paris même...
M. Francis Grignon. - L'aboutissement du cadencement en Suisse m'a beaucoup impressionné. L'objectif est de mettre à disposition des usagers le maximum de trains, avec plus de souplesse et de lisibilité, afin d'augmenter le nombre de voyageurs empruntant les transports en commun. Chez nous, on y pense beaucoup, mais on n'avance pas très vite. Que faut-il en penser ? La réussite du cadencement tient-elle pour vous à une question d'organisation, ou cela doit-il en fin de compte coûter beaucoup plus cher aux entreprises ferroviaires ?
Dans votre avis du 2 février 2011 sur le document de référence pour 2012, si vous donnez raison à RFF en jugeant que l'évolution des péages est acceptable, vous émettez dans le même temps bien des critiques : sur l'existence, discutable, de sillons précaires ; sur l'absence de définition de la force majeure, qui peut faciliter le défaut de remboursement de l'opérateur ; sur la tarification des gares qui manque, aux yeux de la Commission européenne, de justification. Bref, les critiques sont nombreuses ; quelles suites leur avez-vous réservées ?
Ce même avis traite du recours en manquement de la Commission, qui estime que la relation entre la direction de la circulation ferroviaire (DCF) et RFF n'est pas optimale : un rapprochement physique et organisationnel est nécessaire et urgent. Estimez-vous que la solution passe par une intégration de la DCF à RFF ? Les horairistes de la DCF ne devraient-ils pas travailler sur la même plate-forme que ceux de RFF- mais est-ce possible ?
Le projet de refonte du paquet ferroviaire comporte un élargissement des prérogatives des organismes de contrôle. L'article 8 de la future directive prévoit ainsi un avis non contraignant sur les plans de gestion des infrastructures établis par les instances gestionnaires. Serait-il opportun ; comme nous y autoriserait l'article 55 du même texte, de rassembler les prérogatives de l'ARAF et de l'Etablissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), pour éviter la multiplication des structures ? Qu'en est-il, enfin, de la coopération avec vos homologues européens, à laquelle vous invite l'article 57 de cette directive ?
M. Pierre Cardo. - Je vois avec plaisir que nos avis sont attentivement lus...
Je suis plutôt favorable au principe du cadencement, mais il faut se pencher sur la question de sa mise en oeuvre - même s'il est vrai que ceux qui s'y opposent ont tendance à en exagérer les difficultés. Le cadencement, avec ses horaires clairs, présente bien des avantages pour les usagers, pour les entreprises ferroviaires, dont il facilite les tâches de gestion. La question qui se pose est cependant la suivante : l'état du réseau permet-il sa mise en oeuvre ? De là à considérer qu'il coûtera à terme plus cher aux entreprises ferroviaires, il y a toutefois un pas. Comprenez que l'action de l'ARAF vise à faire en sorte que l'usager s'y retrouve, que l'ouverture du marché soit facilitée et que l'utilisation du réseau soit optimale. Ce qui nous porte à juger que tout ce qui se dit sur les obstacles au cadencement n'est pas justifié. Il y a plutôt un problème d'investissement.
Les sillons précaires ? Comment, en effet, gérer le ferroviaire dans ces conditions ? Un tel système finit par engorger le dispositif parce que les opérateurs, n'étant pas sûrs du résultat présentent des demandes par précaution. Au point que RFF ne parvient plus à gérer. Nous lui avons donc demandé de limiter cette procédure, qui par surcroît présente un risque de recours contentieux. La SNCF connaît les indisponibilités mieux que les autres opérateurs, qui pourraient arguer d'une discrimination, d'une concurrence faussée.
On veut développer le fret ferroviaire, mais si l'on considère les difficultés auxquelles se heurtent les entreprises, on comprend qu'elles finissent par préférer la route. Il ne suffit pas d'être moins cher, encore faut-il acheminer les marchandises comme prévu. Il faudra régler le problème, mais en gardant présent à l'esprit qu'il comporte une dimension humaine et sociale - et je sais d'expérience que l'on avance mieux dans un climat apaisé que dans le conflit.
La force majeure doit, en effet, être clairement définie. Sinon, il est facile de se dédouaner du remboursement du prix du sillon. Voyez ce qui prévaut en Grande-Bretagne. Le remboursement est de droit et une amende pour perte potentielle de l'entreprise est possible. Si l'on en vient à une harmonisation européenne, autant que RFF s'y prépare.
Sur le tarif des gares, nous avons fait des remarques. Les chiffres qui nous sont fournis ne sont pas justifiés comme ils auraient dû l'être. La comptabilité analytique n'est pas simple, tant l'entité Gares et Connexions reste imbriquée dans la SNCF. Si l'on se faisait l'avocat du diable, on pourrait craindre que, pour s'assurer un maximum de recettes, l'entreprise ne majore au maximum les tarifs. Pour les sociétés qui appartiennent à la SNCF, comme Eurostar détenue à 55 %, l'opération serait indolore, tandis que les concurrents privés seraient mis à rude épreuve ! Mais ne faisons pas de procès d'intention... J'observe cependant que nous n'avons pu avoir une réunion avec Gares et Connexions sans un représentant de la SNCF. L'histoire pèse sur les structures. Il faut que celles-ci changent avec celle-là.
La relation entre la DCF et RFF ? La Cour des comptes elle-même relève que RFF n'a pas les moyens d'exercer ses missions. La DCF, qui travaille pour le compte du gestionnaire public en matière de fixation des horaires et d'ingénierie, dépend de la SNCF. Je n'ai pu visiter les centres d'opération sans être chaperonné par un membre de la direction de la SNCF. Qui décide, en cas d'incident ? La SNCF. Il est vrai qu'elle est bien placée pour en assurer la maîtrise, mais cette ambiguïté ne peut pas durer. Vu les orientations des directives et de la jurisprudence européennes, si nous devions faire face, un jour, à un contentieux, nous serions perdants. On ne manquera pas d'exiger une claire distinction des rôles. On fera valoir qu'il n'est pas normal que les horairistes soient rattachés à une entreprise concurrente. A contrario, RFF ne souhaite pas accueillir tous les agents de la DCF mais serait intéressé par l'ingénierie. Cela mérite approfondissement, car on ne peut laisser les gens dans l'incertitude...
Vous m'interrogez sur la refonte du paquet ferroviaire. Bien que nous n'en ayons pas encore discuté sur le fond, il ne me paraitrait pas inutile que l'ARAF s'exprime de manière non contraignante sur les décisions d'investissement. Mais nous étions il y a peu sur les fonts baptismaux et nous avons besoin d'approfondir notre connaissance du secteur.
Fusionner, pour répondre à l'article 55 de la directive, les prérogatives de l'ARAF et celles de l'EPSF ? Il est vrai qu'en Grande-Bretagne, les missions qui sont chez nous dévolues à ce dernier organisme reviennent à l'ORR. Mais nous les confier aujourd'hui, connaissant le problème de recrutement qui est le nôtre, ce serait nous mettre un boulet au pied. Sans compter qu'à assumer ces missions, nous nous trouverions juge et partie. Mieux vaut peut-être nous en tenir au rôle qui nous a été confié par le législateur : contrôler, en tant qu'instance extérieure, les mesures prises par l'EPSF sous l'angle de la concurrence. La question se pose même si l'ORR britannique trouve cela très naturel...
La coopération avec nos homologues européens ? Nos services ont pris contact. Des clubs se forment. Les autorités indépendantes des Etats-membres souhaitent que nous participions à leurs travaux et à leurs réflexions. Cette démarche me semble préférable à la création d'une autorité européenne qui se superposerait aux autorités nationales. Je préfère, en règle générale, les dispositifs aux structures : moindre coût, meilleur fonctionnement.
M. Michel Teston. - Notre groupe a voté contre le projet de loi qui a créé l'ARAF parce qu'il considère que le développement du ferroviaire passe davantage par la coopération que par la concurrence. Comment utilisez-vous vos pouvoirs ? Vous nous avez dit que vous aviez rendu des avis, mais qu'en est-il de vos pouvoirs de sanction ? J'aimerais également savoir comment s'articulent vos missions avec celles de l'Autorité de la concurrence, cette question étant récurrente pour toutes les autorités administratives indépendantes.
On réfléchit actuellement à la refonte du premier paquet ferroviaire. Des commissaires et des députés européens voudraient un régulateur européen et, dans cette perspective, un renforcement des régulateurs nationaux. Vous avez dit votre préférence pour une plus grande coopération entre régulateurs nationaux. Pouvez-vous préciser ?
Le président de la SNCF a souhaité une fusion des réseaux ferroviaires allemand et français, c'est-à-dire de leurs infrastructures et non de leurs exploitants. Si l'opportunité relève du politique, quelles en seraient d'après vous les conséquences pour les régulateurs nationaux ?
M. Charles Revet. - Ma question va dans le même sens. J'ai bien compris que vous terminiez votre installation, mais pouvez-vous déjà nous dire comment votre Autorité se situe parmi les autres intervenants de ce secteur, de la SNCF à RFF en passant par l'EPSF ?
M. Michel Teston. - C'est la loi !
M. Charles Revet. - Comment décririez-vous votre compétence ? Est-elle davantage juridique, économique, organisationnelle, d'arbitrage ? Quel est le coeur de métier de votre organisme ?
Mme Mireille Schurch. - Nous ne sommes pas, non plus, des fanatiques de la concurrence. Lors d'un colloque, en janvier, sur l'ouverture à la concurrence du marché ferroviaire, vous avez dit la nécessité de vous bâtir une philosophie avant de porter un jugement. Où en êtes-vous ? Alors que la mission de l'ARAF est d'assurer tout à la fois le bon fonctionnement des services publics et de l'activité concurrentielle, va-t-on procéder à un état des lieux ? L'on n'arrive pas à connaître l'existant, et cela nous manque particulièrement, dans les collectivités, pour les TER. Avez-vous constaté une augmentation ou, au contraire, une contraction de l'offre de mobilité ? En tout cas, dans le Massif central, le cadencement se traduit plutôt par une réduction de l'offre de transport ! Quant au fret, les entreprises de mon département sont assez satisfaites des services de la SNCF ; si elles la quittent, c'est que l'offre de la route est déloyale.
M. Roland Courteau. - Puisque vous avez déjà répondu à deux de mes trois questions, je me bornerai à vous interroger sur les manquements constatés par les entreprises ferroviaires. Vous pouvez infliger des amendes allant jusqu'à 5% du chiffre d'affaires du contrevenant et restreindre l'accès au réseau. Pourriez-vous nous donner des exemples ?
M. François Patriat. - Nous avons fait le cadencement dans notre région, et c'est un succès en termes de fréquentation : + 30 % en deux ans ; les gares proches des capitales trouvent une nouvelle vie grâce à une douzaine de dessertes quotidiennes pour un coût de 25 euros par mois et par usager. Cela, c'est le bon côté des choses ; le mauvais côté, c'est que nous n'en avons pas pour notre argent. Nous avons payé, mais la régularité n'est pas au rendez-vous et des trains sont supprimés, d'où un mécontentement sans précédent. La SNCF fait une bonne affaire sur les TER, mais pas nous. Pour une région de 1 800 000 habitants, nous avons une convention qui est passée de 104 à 157 millions ! Le cadencement représente 25 millions, et l'on nous dit que cela va encore augmenter, que la réforme de la retraite des cheminots représentera 6 millions pour la région. Et je ne parle pas des gares... Cela va exploser. Nous attendions beaucoup du cadencement, mais nos espérances ont été déçues.
M. Robert Navarro. - Chaque nouvel organisme a un coût pour les collectivités, qui ont toutes les poches vides. Désormais, je dis clairement en début de négociation quel est mon budget à la SNCF et qu'il n'est pas possible d'aller au-delà. Quelle amélioration de la qualité de service pouvons-nous attendre de votre intervention ?
M. Pierre Cardo. - J'ai demandé un rendez-vous au président de l'Association des régions de France, nous l'entendrons au sein du collège le 18 mars. Nous souhaitons vivement travailler avec elle.
A quoi Guillaume Pepy fait-il allusion quand il évoque l'augmentation des péages ? Certes, les conventions doivent être respectées et la SNCF n'est pas un partenaire facile. Mais il faut examiner avec attention les propositions de la SNCF. C'est en cela que l'ARAF peut intervenir : par exemple clarifier les comptes.... Nous resterons attentifs mais il appartient au législateur de modifier éventuellement les textes.
Les sanctions tournent en Europe autour de 1 à 5 millions d'euros. Nous n'en avons pas encore imposé. La sanction n'est pas une fin en soi : notre mission c'est de rendre plus transparentes les règles de fonctionnement du système, les préciser pour éviter les discriminations. Ainsi dans le différend opposant ECR à la SNCF sur le fonctionnement de la gare de Cerbère, nous avons simplement demandé à la SNCF d'ouvrir la porte à une entreprise ferroviaire et d'accepter de discuter. Quand le partage des rôles entre organismes aura été clarifié, il y aura moins de sources de conflits. Pour l'instant, nous donnons surtout des avis motivés ou conformes. L'Autorité de la concurrence intervient ex post, a posteriori, alors que nous nous situons plutôt en amont, ex ante. Nous pouvons donc nous positionner de manière à compléter notre efficacité réciproque. L'Autorité de la concurrence ne peut tout connaître ; nous, qui avons des connaissances très spécifiques, intervenons plutôt sur l'attribution. Les choses se calent bien et, grâce à nos services juridiques, chacun est à sa place.
S'agissant de la place des régulateurs européens, je préfère qu'ils définissent leur façon de fonctionner. Un seul organisme, cela suppose des interprètes et l'on ne saurait plus dans une lourde superstructure qui décide quoi. Les sept ou huit pays qui ont une autorité réellement indépendante veulent travailler ensemble ; inutile de rajouter des délais alors que nous respectons celui de deux mois qui nous est imparti : nous n'avons pas besoin de frein supplémentaire.
Que souhaite Guillaume Pepy ? Il veut une fusion de RFF et de la SNCF, il demande aussi celle de RFF et de DB Netz, gestionnaire du réseau allemand. Cela dit l'Union européenne conteste le système intégré de l'Allemagne au motif que l'attribution des sillons par l'opérateur historique entraîne un risque de discrimination et de non-optimisation, au détriment de l'usager. La France a choisi un autre dispositif et, peut-être doit-elle aller au bout de la réforme engagée en donnant à RFF les moyens de fonctionner. En outre, il ne faut pas oublier la question du statut du personnel.
M. Charles Revet. - Quel est l'objectif de l'ARAF ?
M. Pierre Cardo. - Il est de rappeler à la raison, sans être péremptoire.
M. Charles Revet. - Mais y a-t-il des sanctions ?
M. Pierre Cardo. - Certes, mais j'observe que nos avis conformes sont respectés. Nous avons encore des questions à poser et nous reviendrons sur la tarification des gares dans le document de référence, d'ailleurs préparé par la SNCF.
Notre philosophie ? Le collège commence à en avoir une. Ses avis ont été adoptés à l'unanimité malgré la diversité de ses membres. Il faudra des années pour élaborer une doctrine, mais j'apprends déjà beaucoup des membres du collège, comme des opérateurs, sur ce monde complexe et très différent du réseau routier. J'observe à ce propos que la route n'inclut pas tous les coûts : la partie environnementale n'est pas prise en compte. Mais je n'irai pas plus loin : nous sommes en charge du ferroviaire et seulement du ferroviaire...
M. Jean-Paul Emorine, président. - La SNCF, qui a 932 filiales, est le premier transporteur routier !
Mme Odette Herviaux. - Vous évoquez la différence des tarifs de la SNCF et des opérateurs privés mais, tant que l'on n'intègre pas les contraintes sociales, l'on ne pourra guère parler de concurrence non faussée.
M. Pierre Cardo. - D'une part une convention collective a été signée, une autre est en cours de discussion, d'autre part il n'y a pas que le statut de la SNCF. Nous avons commencé à auditionner les syndicats qui l'ont bien voulu (nous en avons déjà reçu deux). Il convient de trouver le juste milieu. Certains aspects posent problème et nous devons les régler, comme cela a été fait en Allemagne. Nous ne sommes pas là pour surveiller les gens. L'on peut toutefois se demander si certains avantages demeurent justifiés. Nous sommes en période pré-électorale, mais l'on pourra ensuite traiter des surcoûts et de certains statuts sans prendre les gens à rebrousse-poil.
M. Michel Teston. - La structure allemande, avez-vous dit, ne serait pas la bonne solution. Si la Commission européenne la conteste, comme vous l'avez indiqué, c'est parce que la Deutsche Bahn a, par ce moyen, indûment acquis des sociétés de fret. Est-ce une raison pour s'opposer à une structure en holding ? Dès lors que l'on parvient à une véritable distinction comptable, rien ne s'y oppose. A partir du moment où DB Netz ne pourra utiliser ses ressources que pour les infrastructures, le risque sera conjuré. L'Autriche et l'Italie ont d'ailleurs retenu cette solution.
M. Pierre Cardo. - L'Allemagne a surtout réglé la question de la dette.
M. Michel Teston. - L'Etat a tout repris...
M. Pierre Cardo. - Or nous ne parvenons pas à réduire la dette de RFF et, pour l'instant, nous n'arrivons pas à disposer d'une comptabilité analytique de la SNCF. Le modèle allemand suppose rigueur et transparence. La SNCF exerce déjà une grande influence, quel poids le politique aurait-il face à une seule structure, sur le cadencement par exemple ? Restons prudents, si nous ne voulons pas que le fret en subisse les conséquences. L'existence de RFF est légitime. Je rappelle enfin que la concurrence n'est qu'un moyen de l'optimisation et que l'usager doit bénéficier de la concurrence. Nous sommes là pour servir de garde-fou, entre les entreprises, vis-à-vis des usagers, mais aussi pour les partenaires, comme la région. Sans cela, nous aboutirons à une concentration, à la domination d'un opérateur, et pas nécessairement de l'opérateur historique.
M. Robert Navarro. - Le problème est celui du financement des infrastructures. Jean-Claude Gayssot avait imaginé RFF comme une solution temporaire. Elle supposait en effet que l'on éponge la dette. On ne l'a pas fait, et l'on a abouti à ce que les régions deviennent propriétaires de matériel ferroviaire. Je paie quant à moi 100 millions pour 2 millions d'habitants, mais nous ne savons pas comment l'ardoise est calculée. On va bientôt nous demander de financer les infrastructures, dont il faudra bien assurer l'entretien, ce qui est inacceptable.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous entendrons Hubert du Mesnil, président de RFF, le 6 avril.
M. Pierre Cardo. - Les nouvelles lignes à grande vitesse sont moins rentables parce qu'elles desservent des régions moins peuplées. On a du mal à mener de front rénovation des lignes existantes et construction de lignes à grande vitesse, contrairement à l'Allemagne ou à l'Espagne par exemple. Si l'on ne rénove pas, les pannes continueront, que l'on répare de nuit, au détriment du fret. Il faut avoir le courage de programmer les travaux en sachant que le réseau sera perturbé durant quatre ou cinq ans, mais que l'amélioration se fera ensuite sentir. La tarification, de même, doit être planifiée sur plusieurs années, pour plus de visibilité.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Hubert du Mesnil pourra répondre sur l'état du réseau. Je rappelle que les investissements ont doublé ou triplé mais que, quand la rénovation revient à un million par kilomètre, une ligne de TGV coûte de 15 à 25 millions du km et que les comptes du TGV sont désormais déficitaires. Les sillons et le cadencement appellent une réflexion mais il faut aussi songer à la concurrence entre les TER et le fret car lorsque je vois deux personnes dans le TER Dijon-Lyon, je m'interroge sur le bilan environnemental de cette opération. Je pense que l'EPSF pourrait fusionner avec RFF et non avec l'ARAF. Vous devez, monsieur le Président, rester complètement indépendant. L'administrateur de la SNCF que je suis peut le dire : RFF joue tout à fait son rôle, la DCF, en revanche, n'a pas d'indépendance - il y a là une culture historique qui doit évoluer. Je suis très favorable à ce que les 14 400 personnes soient rattachées à RFF, ce qui ne devrait pas poser de problème car ces agents conserveraient leur statut de cheminot. Pour le reste, nous nous situons dans le cadre de la concurrence, qui détermine la démarche dans laquelle la dynamique économique de la SNCF doit s'inscrire. Qui doit s'occuper de Gare et Connexions, afin que sa gestion gagne en transparence ? S'agissant du développement économique des gares, la loi n'a rien réglé et ceux qui ont été au Japon en mission avec la commission se souviennent du développement impressionnant des leurs : ce sont des villes intégrées.
Mercredi 30 mars 2011
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France - Examen des amendements
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission examine les amendements sur la proposition de loi n° 299 (2010-2011) visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France.
La commission adopte un amendement présenté par M. Dominique Braye, rapporteur, procédant à une nouvelle rédaction du premier alinéa de la proposition de loi. Cet amendement prévoit que, par dérogation à l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, dès lors qu'elles sont compatibles avec les dispositions du projet de schéma directeur de la région d'Île-de-France adopté par délibération du conseil régional en date du 25 septembre 2008 qui ne sont pas contraires à la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, les révisions et les modifications des schémas de cohérence territoriale, des plans locaux d'urbanisme ou des documents en tenant lieu, ou des cartes communales ne sont pas illégales du seul fait qu'elles sont incompatibles avec le schéma directeur de la région d'Île-de-France de 1994.
Puis, la commission émet les avis suivants :
Urbanisme commercial - Examen des amendements au texte de la commission
La commission examine les amendements sur le texte n° 181 (2010-2011), adopté par la commission sur la proposition de loi n° 558 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'urbanisme commercial.
La commission examine dix amendements présentés par le rapporteur.
Outre trois amendements rédactionnels, elle adopte :
- à l'article 1er, alinéa 4, un amendement rendant possible, sous certaines conditions, la localisation des secteurs d'implantation commerciale par le document d'aménagement commercial, dans les parties du schéma de cohérence territoriale couvertes par un plan local d'urbanisme ;
- à l'article 1er, après l'article 10, un amendement autorisant le document d'aménagement commercial (DAC) à fixer un plafond global de surface hors oeuvre nette pour chacune des catégories de commerce qu'il aura identifiées ;
- à l'article 4 A, un amendement de rédaction globale précisant l'application des conditions fixées par le DAC aux différents types d'autorisations d'urbanisme ;
- un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 4 A, pour soumettre les changements de secteur commercial à une obligation de déclaration préalable ;
- à l'article 5, après l'alinéa 19, un amendement précisant la procédure de décision suivie par la commission régionale d'aménagement commercial ;
- un amendement rétablissant l'article 7 bis afin de permettre, dans un plan local d'urbanisme, d'établir une distinction entre les locaux destinés à des bureaux et ceux hébergeant des activités de service accueillant de la clientèle ;
- un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 7 bis, tendant à prévenir la pollution visuelle, générée par les friches commerciales.
Puis la commission émet ensuite les avis suivants :
Urbanisme commercial - Examen d'un amendement au texte de la commission
Au cours d'une seconde réunion, tenue dans la soirée, la commission adopte, à l'article 2 de la proposition de loi, un amendement présenté par le rapporteur, modifiant l'intitulé de la commission régionale d'aménagement commercial ainsi que sa composition.