- Mardi 30 novembre 2010
- Loi de finances pour 2011 - Mission Santé et articles 86 bis à 86 nonies rattachés - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2011 - Mission Travail et emploi et articles 88 à 94 bis, 95 à 97 rattachés - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2011 - Mission Régimes sociaux et de retraite - Examen du rapport pour avis
Mardi 30 novembre 2010
- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -Loi de finances pour 2011 - Mission Santé et articles 86 bis à 86 nonies rattachés - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Alain Milon, rapporteur pour avis du projet de loi de finances pour 2011, mission « Santé » et les articles 86 bis à 86 nonies rattachés.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. - La structure de la mission « Santé » évolue, encore cette année, en conséquence de la loi HPST du 21 juillet 2009. Le recentrage de l'action territoriale en matière sanitaire autour des agences régionales de santé (ARS) a ainsi conduit à la fusion de deux des trois programmes qui constituaient jusqu'à présent la mission. Le programme n° 171 « Offre de soins et qualité du système de soins » et le programme n° 204 « Prévention et sécurité sanitaire » sont regroupés pour former un nouveau programme 204 intitulé « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Cette fusion permet de présenter dans un même programme l'ensemble des crédits destinés au financement des politiques de santé mises en oeuvre par les ARS. Elle autorise également une plus grande souplesse dans la gestion des crédits, ce qui est susceptible de permettre une meilleure adaptation aux besoins identifiés par le Parlement.
A l'inverse, les crédits relatifs au fonctionnement des ARS figurant au sein du programme n° 171 ont été transférés vers la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », dans le programme n° 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ». Le programme 204 regroupe ainsi l'ensemble des concours de l'Etat au fonctionnement des ARS.
A périmètre reconstitué, le budget de la mission Santé progresse cette année de 2 %, essentiellement du fait de l'augmentation des crédits de trois de ses actions :
- au sein du programme 204, l'action 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » bénéficie d'une augmentation de son budget de 23 %, du fait de la subvention plus élevée de l'Etat à l'institut national du cancer en application du Plan cancer II, de l'attribution de fonds pour la recherche, ainsi que de subventions aux associations de professionnels et de patients qui interviennent dans la lutte contre différentes maladies chroniques. Je note que les crédits alloués à la santé mentale ont augmentés « en cohérence avec le rapport de l'Opeps » même si les sommes en cause, à peine plus d'1 million d'euros, restent symboliques. Il convient cependant de rappeler que la lutte contre les maladies chroniques relève essentiellement de l'assurance maladie ;
- l'action 19 « Modernisation de l'offre de soins » voit ses crédits croître de 18 % en raison de la progression de la dotation de la formation médicale initiale, du fait de l'augmentation du numerus clausus décidée depuis le début des années 2000 ;
- au sein du programme 183, l'action 2 « aide médicale d'Etat (AME) » voit ses crédits augmenter de 9,9 %. Ce chiffre, qui peut paraître important, reflète en réalité la fin de sa sous-dotation.
Les autres actions de la mission voient en revanche leurs crédits réduits. La plus importante, - 66,2 % pour l'action 16 « réponse aux alertes et gestion des urgences », résulte de la baisse des crédits accordés à l'Eprus après l'augmentation de sa dotation en 2010 pour faire face aux dépenses liées à la préparation de la lutte contre la grippe A (H1N1).
Le budget de l'action 17 baisse de 44,4 % en raison de la suppression de la subvention accordée à l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Ceci pose une question de principe que j'aborderai ultérieurement.
Comme l'année dernière, je souhaite, à l'occasion de l'examen de ces crédits, aborder trois questions qui me paraissent particulièrement importantes :
- l'adéquation des moyens des agences sanitaires à leurs missions ;
- les mesures nécessaires pour garantir l'indépendance des agences ;
- l'aide médicale d'Etat.
Face à la multiplication des agences sanitaires jusqu'en 2004, notre commission avait insisté sur la nécessité de regrouper les agences dont les champs de compétence étaient proches. Dans le cadre de la loi HPST, nous avons donc autorisé le Gouvernement à procéder par ordonnance à la fusion de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset). La nouvelle entité, l'agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), est opérationnelle depuis juillet 2010. Même s'il est trop tôt pour se prononcer sur la viabilité du rapprochement opéré, les premiers mois de la nouvelle agence ont montré l'intérêt que peuvent avoir les démarches de rapprochement et de rationalisation. L'Anses semble engagée dans un renforcement de son rôle d'expertise susceptible de rallier l'ensemble des personnels issus de l'Afssa et de l'Afsset dans un projet commun.
Il reste à ce stade une seule ombre au tableau : le maintien dans le périmètre de l'Anses de la régulation du médicament vétérinaire. Cette compétence me paraît devoir plutôt être confiée à l'Afssaps afin d'éviter que l'Anses ne soit à la fois expert et régulateur.
Le souci de rationalisation et d'efficacité ne doit cependant pas conduire à entraver l'action des agences. Ainsi, la réduction de la dotation de l'institut de veille sanitaire risque de poser, pour 2011, des difficultés car l'InVS est engagé dans un programme de restructuration immobilière en même temps qu'il doit intensifier l'effort demandé par ses missions. L'épisode de la grippe A (H1N1) a mis en relief la nécessité de renforcer la qualité de l'épidémiologie et de la prévision dans notre pays, ce qui ne peut se faire qu'à partir d'investissements. Nous devrons donc être particulièrement vigilants sur l'évolution des crédits des agences et nous assurer que l'obligation d'une réduction de 10 % de leurs crédits sur les trois prochaines années soit compatible avec l'exercice de leurs missions.
J'en viens au deuxième point : celui de l'indépendance des agences. L'affaire du Mediator, dont je ne souhaite pas ici aborder le fond, montre de manière exemplaire l'importance des études en matière de pharmacovigilance. En l'occurrence, la notification des événements indésirables survenus lors de son usage par les praticiens s'est avérée insuffisante pour alerter suffisamment tôt des dangers présentés ; c'est seulement lorsqu'une étude a été menée à partir des fichiers de la Cnam que l'on a pu établir le lien entre ce médicament et les accidents cardiaques. Il faut encourager, et donc financer, ces études. Par ailleurs, le fait que le financement de l'Afssaps dépende de taxes affectées reposant sur les bénéfices des entreprises pharmaceutiques a suscité de nombreuses critiques. Je vous proposerai des amendements tendant à permettre de garantir l'indépendance de l'agence.
Je souhaite enfin aborder la question de l'aide médicale d'Etat.
Le principe de l'AME découle de la loi du 24 vendémiaire, An II, qui disposait dans son article 18 que « tout malade, domicilié de droit ou non, qui sera sans ressources, sera secouru ou à son domicile de fait, ou à l'hospice le plus voisin ». Elle a été organisée par la loi du 15 juillet 1893 relative à l'aide médicale gratuite pour les indigents français et étrangers, puis réformée par la loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle (CMU) qui a permis l'accès de tous les citoyens français et étrangers ayant un titre de résidence à la couverture maladie offerte par la sécurité sociale.
Depuis cette date, en conséquence, l'AME est ouverte aux étrangers dépourvus de titre de résidence sur le territoire français, et dont les ressources sont très faibles. Trois conditions cumulatives sont en effet exigées pour y prétendre : vivre en France de façon permanente et habituelle ; prouver une ancienneté de présence de trois mois ; disposer de revenus inférieurs à 634 euros par mois.
De 1945 à 1993, les étrangers en situation irrégulière, mais ayant un travail, avaient accès aux prestations de sécurité sociale dans les mêmes conditions que les autres travailleurs. La loi du 24 août 1993 a mis fin à cette situation en le conditionnant à un plafond de ressources. Depuis lors, les étrangers en situation irrégulière dont les revenus sont supérieurs à ce plafond doivent assumer la totalité des frais liés à leurs soins. Seuls les plus pauvres bénéficient d'une prise en charge par l'Etat des dépenses de soins, des consultations médicales à l'hôpital ou en médecine de ville, des prescriptions médicales et du forfait hospitalier, dès lors qu'ils sont pratiqués au tarif opposable. Le bénéficiaire de l'AME est dispensé de l'avance des frais, à l'hôpital ou en médecine de ville.
L'AME fait l'objet du contrôle traditionnel du Parlement lors du vote annuel de la dotation budgétaire qui lui est dédiée. Celle-ci est assortie de précisions en termes de montant et de volume des bénéficiaires, ce qui avait d'ailleurs conduit les commissions des finances et des affaires sociales du Sénat à dénoncer, à plusieurs reprises au cours des dernières années, la sous-dotation de cette ligne budgétaire. Le projet de loi de finances pour 2011 semble y avoir mis un terme : le budget prévisionnel de l'AME s'établit en effet à 588 millions d'euros pour 215 763 bénéficiaires au 31 décembre 2009.
Le coût moyen par bénéficiaire est resté quasi-stable sur les huit dernières années (+ 2 %). Il recouvre toutefois de très fortes disparités entre la prise en charge moyenne en ville, qui s'élève à 625 euros par an, et à l'hôpital, 9 000 euros.
L'augmentation des dépenses hospitalières expliquerait, d'après les services du ministère de la santé, la moitié de la hausse du coût de l'AME depuis 2008. Le rapporteur général Alain Vasselle a, à juste titre, soulevé ce problème lors de l'examen du PLFSS pour 2011. Il apparaît en fait que la facturation des soins hospitaliers dans le cadre de l'AME a augmenté au cours des dernières années pour répondre aux besoins financiers des hôpitaux, sans lien avec les malades. La ministre de la santé d'alors avait estimé le montant des recettes hospitalières liées aux soins donnés aux titulaires de l'AME à 180 millions d'euros et 60 millions pour l'AP-HP.
Dans l'ensemble, le coût moyen des soins pour un titulaire de l'AME s'élève à 2 055 euros contre 2 188 pour les assurés sociaux. Surtout, les bénéficiaires de l'AME n'ont pas plus de droits que les titulaires de la CMU-c qui sont, au contraire, mieux protégés car ils ont accès à un remboursement des soins dentaires et optiques supérieur aux tarifs de la sécurité sociale et qui, contrairement aux bénéficiaires de l'AME, ne peuvent se voir appliquer de dépassements d'honoraires.
L'accès à l'AME est par ailleurs encadré par des dispositions législatives et réglementaires dont le respect est contrôlé. En effet, non seulement les conditions de résidence et de ressources sont vérifiées lors de la première instruction du dossier, mais de plus le bénéfice de l'AME est temporaire et la demande doit en être renouvelée chaque année. Chaque renouvellement nécessite le dépôt d'un nouveau dossier, dont la durée d'instruction est en moyenne de vingt-trois jours, mais d'environ deux mois en Seine-Saint-Denis où résident 20 % des titulaires de l'AME. Le contrôle de leur identité a également été renforcé. Un arrêté du 10 juillet 2009 fixe désormais le modèle du titre sécurisé d'admission à l'AME ainsi que les mentions obligatoires qu'il comporte.
Comme l'indiquent les deux rapports publiés par l'Igas en février 2003 et mai 2007, l'AME est un dispositif efficace et géré de manière rigoureuse. En restreindre l'accès n'est donc pas nécessaire.
Une dernière crainte doit être levée, celle liée au risque d'augmentation de l'AME du fait du nombre des ayants droit des titulaires. Les données recueillies par le ministère permettent de savoir que 80 % des titulaires de l'AME sont des personnes isolées. On compte 57 674 personnes à charge en 2010, mineurs dans 74 % des cas, dont la France doit assumer les soins médicaux du fait de ses obligations internationales.
Face à ces données objectives, je ne pense pas que tous les amendements adoptés par l'Assemblée nationale soient adaptés à leur objet. Nous pouvons avoir les uns et les autres des opinions différentes sur la politique d'immigration dans notre pays. Je suis pour ma part pour une immigration régulée et choisie. Mais cette question n'est pas celle de l'AME. Quel que soit le statut des personnes qui se trouvent en France, elles doivent pouvoir accéder aux soins.
Mme Isabelle Debré. - Les conditions permettant d'accéder à l'AME, en particulier la présence sur le territoire depuis au moins trois mois et la résidence permanente et habituelle en France, sont-elles réellement applicables et vérifiables ? Le rapporteur dispose-t-il d'informations sur la situation particulière des mineurs isolés étrangers au regard de l'AME ?
M. Guy Fischer. - Ce rapport doit être salué pour l'humanisme dont il est empreint à propos de l'AME. Les informations qu'il contient et la précision des chiffres fournis démontrent qu'il est possible de parler d'un tel sujet sans tomber dans les lieux communs ou instrumentaliser la politique d'immigration. Toutes les personnes résidant en France doivent pouvoir accéder à des soins de qualité, quelle que soit leur situation juridique. La France est l'un des pays les plus riches de l'Union européenne, qui doit être un exemple en la matière, surtout en ces périodes de crise économique et de grand froid.
M. André Lardeux. - A-t-on une idée du rythme de rotation des bénéficiaires de l'AME ? Pendant combien de temps en moyenne est-on sous ce régime d'assurance et auxquels accède-t-on ensuite ? Combien y-a-t-il de nouveaux entrants chaque année ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Pourquoi les laboratoires de l'Anses répondant aux appels à projet de l'agence sont-ils financés par des crédits transversaux et non par ceux prévus pour l'appel à projet ?
Les conditions cumulatives permettant de bénéficier de l'AME paraissent effectivement très difficiles à vérifier. Qu'en est-il des citoyens de l'Union européenne vivant sur le territoire français, qui font venir leurs parents âgés pour leur permettre de bénéficier de soins ? Comment s'explique la croissance des dépenses hospitalières liée à la tarification des soins délivrés aux bénéficiaires de l'AME ?
M. François Autain. - Les critiques formulées excellemment par le rapporteur nous conduiront à ne pas adopter ce budget. Le foisonnement des agences est une évolution déplorable et les tentatives de rapprochement devraient être poursuivies. En particulier, la Haute Autorité de santé (HAS) et l'Afssaps disposent toutes deux de compétences en matière de médicament, ce qui peut poser des difficultés. Il est regrettable que l'Etat confie désormais l'intégralité du financement de l'Afssaps aux laboratoires pharmaceutiques. Cette évolution ne peut que conduire cette agence à autoriser la mise sur le marché d'un nombre de plus en plus important de médicaments. Or, 90 % des nouveaux médicaments mis sur le marché sont inutiles et plus coûteux que ceux qui existent. Ce désengagement général de l'Etat et la privatisation progressive de pans entiers de la politique de santé publique sont déplorables.
M. Yves Daudigny. - L'analyse du rapporteur à propos de l'AME est à la fois humaniste, rigoureuse et réaliste. Le budget de la mission « Santé » est structuré de manière complexe, en particulier en ce qui concerne les dotations aux agences régionales de santé (ARS). Ne faut-il pas déplorer la diminution des crédits destinés aux actions de prévention alors même qu'il est démontré depuis longtemps que celles-ci permettent efficacement d'économiser des dépenses par la suite ? La question des territoires sous-dotés en présence médicale n'est pas mentionnée dans le cadre du budget mais devrait être prise en compte à travers les budgets de fonctionnement des ARS.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. - Le nombre de bénéficiaires de l'AME atteignait 215 763 le 31 décembre 2009, parmi lesquels 42 710 mineurs. 68 % des bénéficiaires vivent en région parisienne, 10 % en Guyane et 6 % en Provence-Alpes-Côte d'Azur. 72 % ont moins de quarante ans et 20 % sont des mineurs. 53 % sont des hommes et 47 % des femmes. Les conditions permettant de bénéficier de l'AME sont effectivement difficiles à vérifier mais les services compétents conduisent des enquêtes qui expliquent que le délai d'instruction des dossiers soit de vingt-trois jours en moyenne et de deux mois en Seine-Saint-Denis. Il n'existe pas d'information sur la rotation des bénéficiaires mais une enquête de l'Igas est en cours qui pourrait permettre de fournir des informations sur cette question. Les ressortissants européens ne peuvent pas être en situation irrégulière et bénéficient de la CMU et non de l'AME.
Les laboratoires de l'Anses sont plutôt spécialisés sur la sécurité des aliments : ce n'est donc qu'exceptionnellement qu'ils peuvent remporter des appels d'offres sur la santé au travail. Dans de tels cas, l'Anses les finance sur fonds propres.
Les hôpitaux facturent les soins dispensés aux bénéficiaires de l'AME selon le tarif journalier de prestation (TJP) et non selon le tarif du groupe homogène de séjour (GHS). Or, le TJP a fortement augmenté au cours des dernières années, ce qui explique la croissance des dépenses hospitalières. L'AME fait, par ailleurs, l'objet d'une dotation spécifique au sein des Migac.
Les crédits du programme « prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » connaissent effectivement une diminution globale de 4,7 %. La prise en compte des territoires médicaux sous-dotés relève des ARS. Celles-ci ayant été mises en place en avril dernier, il est encore trop tôt pour dresser un bilan sur ce sujet. Mais les agences bénéficient de crédits pour effectuer ce travail et l'augmentation du numerus clausus devrait finir par avoir des résultats sur la présence médicale dans les territoires sous-dotés.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Pourquoi les crédits consacrés à la qualité, la sécurité et la gestion des produits de santé et du corps humain connaissent-ils une si forte diminution ?
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. - Cette diminution résulte pour l'essentiel de la suppression de la subvention de l'Etat à l'Afssaps.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Il conviendrait de s'intéresser de plus près aux crédits consacrés à la gestion des produits de santé. Quel est le coût, par exemple, de la conservation des embryons surnuméraires ? La politique de prélèvement du sang de cordon ombilical ne bénéficie pas de crédits suffisants alors même qu'elle peut contribuer à sauver des vies.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
La commission adopte huit amendements présentés par le rapporteur et tendant à :
- supprimer l'article 86 bis, qui prévoit la possibilité de moduler par décret la composition du panier de soins accessible aux bénéficiaires de l'AME ;
- supprimer les dispositions de l'article 86 ter tendant à soumettre à accord préalable des caisses les soins hospitaliers délivrés aux bénéficiaires de l'AME, dont le coût dépasse un montant déterminé par décret ;
- supprimer l'article 86 quinquies tendant à instaurer un droit de timbre de 30 euros pour entrer dans le régime de l'AME ;
- supprimer, au sein de l'article 48, les crédits de l'action « Pilotage de la politique de santé publique », afin d'obtenir le rétablissement de la dotation de l'Etat à l'Afssaps ;
- insérer un article additionnel avant l'article 86 octies pour confier à l'administration fiscale le recouvrement du droit progressif sur demandes d'autorisation de mise sur le marché affecté à l'Afssaps ;
- insérer un article additionnel avant l'article 86 octies visant à simplifier le régime des taxes perçues par l'Afssaps ;
- insérer un article additionnel avant l'article 86 octies pour assujettir à la taxe annuelle sur les médicaments titulaires d'une mise sur le marché, les médicaments orphelins dont le montant annuel des ventes excède 30 millions d'euros ;
- insérer un article additionnel avant l'article 86 octies pour instituer une taxe sur le chiffre d'affaires des produits cosmétiques.
Sous réserve de ces amendements, la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé », ainsi qu'aux articles 86 bis à 86 nonies qui lui sont rattachés.
Loi de finances pour 2011 - Mission Travail et emploi et articles 88 à 94 bis, 95 à 97 rattachés - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Alain Gournac, rapporteur pour avis du projet de loi de finances pour 2011, mission « Travail et emploi » et les articles 88 à 94 bis, 95 à 97 rattachés.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. - L'élaboration du projet de budget pour 2011 a été soumise à de fortes contraintes, économiques et sociales, tout d'abord, car si la récession est derrière nous, l'économie française n'a pas encore retrouvé un rythme de croissance suffisant pour résorber le chômage ; une contrainte financière, ensuite, puisque la mission n'échappe pas à l'effort de maîtrise des dépenses ni à la politique de lutte contre les « niches » fiscales et sociales.
La mission dispose de 11,46 milliards d'euros de crédits, soit un montant supérieur de 0,5 % à celui de l'an passé. Toutefois, si l'on tient compte des crédits du plan de relance de l'économie, la baisse est de 13 %. Il n'est pas illégitime de revenir sur certaines augmentations de crédits réalisées au plus fort de la crise et qui ne sont plus justifiées aujourd'hui.
Les crédits de la mission représentent seulement une partie de l'effort financier en faveur du travail et de l'emploi : si l'on ajoute les 10,5 milliards d'euros de dépenses fiscales et les 31 milliards d'exonérations de cotisations sociales, le montant total atteint 53 milliards.
En 2010, l'économie française est redevenue créatrice d'emplois mais à un rythme trop modéré pour entraîner une baisse significative du taux de chômage. La baisse de 0,8 % annoncée par Pôle emploi pour le mois d'octobre constitue néanmoins un signal encourageant. Cette tendance devrait se poursuivre en 2011 : Pôle emploi et l'Unedic envisagent environ 80 000 créations d'emplois, le Gouvernement, plus optimiste, 160 000, sur la base d'une croissance du PIB de 2 %. Il faudra du temps avant de revenir au niveau d'avant la crise, 400 000 emplois salariés ayant été détruits entre 2008 et 2009.
La reprise de l'emploi ne devrait pas être suffisante pour permettre à l'Unedic de retrouver son équilibre financier, mais son déficit devrait s'établir à 2,3 milliards d'euros, après 3,4 milliards en 2010. Le fonds de solidarité, qui indemnise les chômeurs en fin de droits, devrait dépenser, quant à lui, 3 milliards d'euros pour 480.000 bénéficiaires, principalement au titre de l'allocation spécifique de solidarité (ASS).
Le processus de fusion étant achevé, le Gouvernement attend de Pôle emploi des gains de productivité : ses effectifs vont légèrement diminuer en 2011, après avoir beaucoup augmenté pendant deux ans, et l'institution va devoir assumer de nouvelles charges, je pense à la rémunération des 900 conseillers d'orientation transférés de l'Afpa. Le recouvrement des cotisations Assedic va cependant être confié à l'Acoss, à compter du 1er janvier, ce qui va permettre à Pôle emploi d'affecter à de nouvelles tâches les 300 agents qui en étaient chargés.
La coordination avec les autres acteurs du service public de l'emploi devra être étudiée : la dotation allouée aux maisons de l'emploi est en effet divisée par deux. Or on observe des doublons avec les agences locales de Pôle emploi. Même si l'Assemblée nationale a finalement voté une majoration de 10 millions d'euros, des réorganisations seront inévitables en certains points du territoire.
Plusieurs dispositifs qui ont été renforcés au plus fort de la crise vont être redimensionnés. Les contrats aidés ont, à l'évidence, joué un rôle « d'amortisseur » face à la montée du chômage. En 2010, 400 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi (CAE) et 120.000 contrats initiative-emploi (CIE) devraient être signés - le nombre le plus élevé depuis dix ans. Un tel volume n'a plus lieu d'être l'an prochain : on prévoit 340 000 CAE et 50 000 CIE.
Les crédits destinés aux plus vulnérables vont cependant être maintenus. Je pense à l'insertion par l'activité économique, 176 millions d'euros, aux écoles de la deuxième chance ou à l'établissement public d'insertion de la défense. Une dotation de 50 millions d'euros est prévue pour l'aide à l'embauche des seniors, dont le principe a été décidé dans la réforme des retraites. Le relèvement du taux d'emploi des seniors demeurant une priorité, le nombre d'entrées dans les dispositifs de préretraite continuera à diminuer.
En matière de formation, l'objectif fixé par le président de la République le 16 novembre dernier est de doubler le nombre de jeunes formés par l'alternance, laquelle offre les meilleures perspectives d'insertion professionnelle. La création d'un ministère de l'apprentissage et de la formation professionnelle, confié à Nadine Morano, atteste qu'il s'agit bien d'une priorité de la nouvelle équipe gouvernementale.
Les mesures de soutien adoptées en 2009 ont maintenu à un niveau satisfaisant les entrées en apprentissage et en contrat de professionnalisation. Pour atteindre l'objectif, d'autres initiatives devront être prises, notamment dans le secteur public ou l'enseignement supérieur ; 500 millions d'euros d'investissements sont prévus, dans le cadre du grand emprunt, pour financer la construction de centres de formation et la création d'internats pour les jeunes travailleurs.
Sur la sécurisation des parcours professionnels, des changements sont à attendre l'année prochaine. Deux dispositifs coexistent actuellement : la convention de reclassement personnalisé (CRP) mise en place par les partenaires sociaux, et le contrat de transition professionnelle (CTP) créé par l'Etat à titre expérimental en 2006.
Le Gouvernement souhaite expérimenter au premier semestre de 2011 un nouveau contrat d'accompagnement renforcé (CAR), pour aider des salariés précaires à accéder à l'emploi durable. La CRP comme le CTP s'adressent en effet à des salariés en CDI licenciés pour motif économique. Les salariés en CDD ou en intérim, particulièrement vulnérables, n'en bénéficiaient pas ! Le Gouvernement a également l'intention d'ouvrir des discussions avec les organisations patronales et syndicales, afin d'étudier le remplacement éventuel de la CRP et du CTP par un dispositif unique sur l'ensemble du territoire. Par cohérence, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui prolonge jusqu'au 31 mars 2011 l'expérimentation du CTP, date à laquelle la convention instituant la CRP arrivera à échéance.
Au sein des articles rattachés, je m'attarderai sur la suppression de l'exonération de cotisations sociales, notamment dans le secteur des services à la personne, car elle préoccupe nombre d'entre vous.
Le Gouvernement a accepté, à l'Assemblée nationale, la suppression de l'article 88, qui tendait à limiter le champ d'application de l'exonération accordée aux organismes d'intérêt général implantés dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). Plusieurs députés, souvent des élus de la montagne, ont souligné l'impact défavorable d'une telle mesure sur l'emploi dans les ZRR, déjà en grande difficulté économique. La suppression de l'article 88 coûtera environ 100 millions d'euros à l'Etat en 2011.
Un deuxième « coup de rabot » concerne les employeurs du secteur des hôtels, cafés et restaurants (HCR), exonérés de cotisations sociales au titre des repas fournis à leurs salariés. L'an dernier, la commission des finances du Sénat avait proposé la suppression de cette exonération, mais le Gouvernement s'y était opposé. Cette année, c'est lui qui prend l'initiative de cette mesure, que je vous propose d'approuver : nous pouvons demander un effort au secteur HCR, qui a bénéficié d'une aide substantielle avec la baisse de la TVA.
Je vous proposerai, en revanche, des amendements à l'article 90, qui concerne les services à la personne. Cet article tend d'abord à supprimer l'exonération de quinze points de cotisations dont bénéficient les particuliers employeurs qui pratiquent la déclaration au réel, plus avantageuse pour le salarié que la déclaration au forfait en termes de droits sociaux ; il tend ensuite à supprimer l'exonération de cotisations dont bénéficient, dans la limite du Smic, les entreprises et associations agréées qui interviennent auprès de personnes « non fragiles ». Les personnes « fragiles », au sens du code de la sécurité sociale, sont les personnes âgées de plus de soixante-dix ans, les personnes handicapées, invalides, dépendantes ou ayant un enfant handicapé. Je vous présenterai deux amendements visant à mieux cibler ces dispositifs au lieu de les supprimer, car je crains qu'une décision trop brutale pénalise les créations d'emplois et encourage le travail au noir.
Deux mesures, plus ponctuelles, visent à supprimer une exonération applicable aux indemnités de rupture versées dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et une exonération applicable à certains CIE conclus avant 2002.
Le projet de loi de finances prévoit également la suppression de la prime de retour à l'emploi, d'un montant de 1 000 euros, qui est versée aux titulaires de l'ASS lorsqu'ils retrouvent un emploi d'une durée d'au moins quatre mois. C'est que la prime n'a pas eu d'effet tangible sur le taux de retour à l'emploi - la mesure est aussi une harmonisation, puisqu'elle n'était pas versée aux bénéficiaires du RSA...
Enfin, les deux derniers articles rattachés aux crédits de la mission visent à mettre à contribution des structures paritaires. Le premier prévoit un prélèvement exceptionnel de 300 millions d'euros sur les ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), institué par la loi de novembre 2009 et qui rassemble une partie des contributions versées par les entreprises au titre de la formation professionnelle. Ce choix peut paraître contestable : le Sénat avait veillé à introduire dans la loi une disposition destinée à empêcher l'Etat de prélever les excédents du fonds ! Je vous propose néanmoins de l'accepter afin de concentrer nos efforts sur l'article 90 et parce que le prélèvement servira à financer des dépenses de formation professionnelle. Nous aurons cependant un débat en séance sur ce point puisque la commission des finances a déposé un amendement de suppression de l'article.
Le deuxième vise à confier à l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) l'exercice de certaines missions jusqu'ici assumées par l'Etat : gestion des déclarations des entreprises relatives à l'emploi de travailleurs handicapés, des demandes de versement de primes de reclassement ; et financement du marché conclu avec l'Afpa pour la formation de demandeurs d'emploi reconnus travailleurs handicapés. Au total, 30 millions d'euros supplémentaires seraient à la charge de l'Agefiph en 2011, 60 millions les années suivantes.
Ce transfert de compétences permettra de rationaliser la gestion de la politique de l'emploi en faveur des travailleurs handicapés, l'Agefiph disposant du savoir-faire et de l'expertise nécessaires. La situation financière de l'association est par ailleurs suffisamment solide pour lui permettre d'absorber cette charge supplémentaire.
Le projet de budget pour 2011 contribue à l'effort nécessaire de réduction de nos déficits publics, sans sacrifier les dépenses d'avenir. C'est pourquoi je vous propose de l'approuver, ainsi que les articles 88 à 97 qui y sont rattachés, sous réserve des amendements que je vous présenterai.
Mme Catherine Procaccia. - Je m'interroge sur le transfert des 900 conseillers d'orientation de l'Afpa, sans transfert des ressources correspondant à leurs salaires : Pôle Emploi est-il dans une situation financière si florissante ? Quant aux maisons de l'emploi, j'approuve la diminution de leur dotation. Celles qui sont déjà agréées n'ont pas toujours fait la preuve de leur bon fonctionnement... La formation en alternance, notamment dans le secteur public, est un sujet essentiel. A ce propos, il me paraît anormal que les sénateurs n'aient pas le droit d'accueillir et de rémunérer des stagiaires en alternance.
L'accompagnement renforcé fera désormais l'objet d'un dispositif unique. Tant mieux car la création d'un nouveau type de contrat ne simplifierait pas le code du travail.
Sur l'article 90, je partage l'inquiétude du rapporteur pour avis : certes, les personnes fragiles ne seront a priori pas concernées mais je crains que les mères de famille soient fragilisées. Je rappelle en outre que ce dispositif a été créé pour lutter contre le travail au noir.
Mme Christiane Demontès. - Ce ne sont pas les gens les plus en difficulté qui profitent du crédit d'impôt associé aux emplois à domicile. Baisse des cotisations employeur ou non, les foyers bénéficiaires ne sont pas dans l'embarras financier.
Quant à l'apprentissage, nous avons tous éprouvé beaucoup d'inquiétudes pour son essor lorsque le chômage a considérablement augmenté. Or cette filière a plutôt bien résisté. La coopération entre l'Etat et les régions a été efficace : les conventions qui les lient vont-elles d'ailleurs êtres renouvelées ? Je souligne que dans le secteur public, rien n'empêche une collectivité locale d'embaucher des apprentis : je suis maire depuis 2008 et j'en accueille huit dans mes services.
Je suis choquée par le prélèvement opéré sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Est-ce une bonne chose de réduire ses crédits ? Son intervention est essentielle pour ceux qui perdent leur emploi dans la seconde partie de leur vie professionnelle. Certes, sa montée en charge est lente mais il ne faut pas lancer un signal aussi négatif.
J'en viens aux maisons de l'emploi. Le service public de l'emploi comporte un opérateur principal, qui est Pôle emploi, et ce n'est pas en multipliant les structures que l'on améliorera son fonctionnement, bien au contraire. La baisse des crédits des CAE et des CUI suscite enfin beaucoup d'inquiétudes car il s'agit d'outils précieux pour le retour à l'emploi. Quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Sur les maisons de l'emploi, je ne partage pas l'avis de Christiane Demontès : elles ne font pas le même métier que Pôle emploi et devaient, à l'origine, se cantonner à un rôle de coordination du service public de l'emploi. M. Wauquiez s'était engagé à maintenir les crédits des maisons de l'emploi. Or, ils sont divisés par deux ! L'Assemblée nationale a ajouté 10 millions d'euros, mais cela ne suffira pas. La diminution des crédits devrait être beaucoup plus progressive. Des axes clairs doivent être définis : les maisons doivent jouer le rôle d'un observatoire de proximité, faciliter l'insertion dans l'emploi et accompagner le développement économique.
Je regrette aussi la mesure brutale qui frappe les CAE : il faut désormais passer deux ans au chômage avant de pouvoir en bénéficier et non plus un an. Quant à l'alternance dans le secteur public, il faudrait simplifier les choses pour développer le nombre de contrats.
Le groupe centriste est favorable à la suppression de l'article 90 : pour économiser quelques deniers, vous allez relancer le travail au noir ! Des dizaines de milliers d'emplois sont en jeu. Il ne faut pas revenir sur ce qui fut une excellente initiative et il existe encore bien des besoins non satisfaits.
Mme Annie David. - Il est regrettable que le budget de l'emploi soit l'un des plus touchés par la politique de rigueur cette année. Sommes-nous sortis de la crise comme semble le dire notre rapporteur pour avis ? Je ne le crois pas : les entreprises du CAC 40 se portent bien, peut-être, mais pas nos concitoyens.
Je déplore la mesure qui touche les maisons de l'emploi. Nous n'étions pas favorables à leur création car nous redoutions la « casse » du service public, mais à présent elles existent et rendent des services, par exemple aux demandeurs d'emploi éloignés d'une agence de Pôle emploi. Le transfert des neuf cent salariés de l'Afpa représentera pour l'institution une masse salariale supplémentaire et son budget risque de ne pas être suffisant pour y faire face. Nous n'étions pas non plus très favorables, à l'origine, aux contrats aidés qui n'aboutissent pas à un emploi pérenne. Mais cette façon d'y mettre fin brutalement n'est pas correcte. S'agissant de l'Agefiph, il est regrettable, Monsieur le rapporteur, de vous entendre dire que le fonds peut absorber des millions d'euros de charges supplémentaires. S'il a des réserves, c'est pour financer des actions en faveur des handicapés, non pour salarier des personnes qui l'étaient auparavant par l'Etat ! Concernant l'alternance, le problème qui se pose est que les jeunes ne trouvent pas d'entreprise pour les accueillir.
Alors que les exonérations de cotisations et les dépenses fiscales en faveur des employeurs s'élèvent à 53 milliards d'euros, les titulaires de l'ASS ne toucheront plus la prime de retour à l'emploi, ce qui représente une économie de 200 millions d'euros. On fait les poches des plus démunis !
Nous nous sommes battus pour que le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels bénéficie aux demandeurs d'emploi, et pas seulement aux entreprises. Si le fonds dégage des excédents, c'est parce qu'il est encore dans une phase de démarrage.
Je m'insurge enfin contre la suppression brutale de l'exonération pour les services à la personne, même si je suis consciente qu'elle est accordée à des particuliers employeurs qui n'en ont pas toujours besoin. Ce débat me paraît mal engagé : il faudrait, à mon sens, moduler l'avantage selon les revenus et je crois que, dans l'attente, nous demanderons la suppression de l'article 90.
M. Alain Vasselle. - Le rapporteur pour avis a beaucoup de mérite car le périmètre de la mission change d'une année sur l'autre, ce qui ne facilite pas l'analyse de l'évolution des crédits. Une compensation financière est-elle prévue pour l'Acoss qui va être chargée du recouvrement des cotisations Assedic ?
Les maisons de l'emploi ayant moins de ressources, ma crainte est que les collectivités locales soient obligées de contribuer à leur financement. Ces maisons et les agences locales de Pôle emploi se font concurrence dans mon département, les premières étant plus performantes que les secondes pour le placement des demandeurs d'emploi. Et quel est le rôle des missions locales dans ce dispositif ? La tendance dans mon département est à les intégrer dans les maisons de l'emploi.
Le Gouvernement a-t-il, à l'article 90, évalué les conséquences de son choix en termes de suppressions d'emploi et de pertes de recettes fiscales ? Je ne suis pas certain que la mesure proposée rapporte plus de recettes qu'elle n'en fera perdre.
Le fonds paritaire pour la sécurisation des parcours professionnels a été conçu, le rapporteur nous l'avait indiqué, de façon à éviter les prélèvements intempestifs de l'Etat ; or aujourd'hui le Gouvernement revient sur cette disposition. Enfin, comme président de l'association des maires de mon département, je regrette que beaucoup de contrats aidés ne puissent être renouvelés, contrairement à ce qu'on nous avait dit l'an dernier.
M. Claude Jeannerot. - Ce budget a été élaboré sous contrainte alors que l'on devrait traiter l'emploi de façon volontariste. Faire des choix était inévitable, mais il aurait fallu privilégier l'emploi ! Pôle emploi aura moins de moyens, il prendra en charge les salariés de l'Afpa et verra ses effectifs diminuer. Dans certaines agences, il y a deux cents demandeurs d'emploi par conseiller.
M. Borloo voulait, en 2005, faire la promotion des maisons de l'emploi dans mon département ; je m'y suis opposé, refusant l'empilement des structures. La création des maisons ne s'est pas accompagnée d'une révision des compétences de l'ANPE. De nombreuses collectivités ont pris des initiatives de leur côté. Je propose de créer une mission d'information sur la situation de Pôle emploi, car il règne une grande confusion et un grand désarroi au sein de ce service public.
Je suis choqué par le prélèvement opéré sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. On voulait mobiliser des sommes pour faire plus de formation professionnelle et voilà qu'elles sont affectées à des charges existantes ! Ce prélèvement risque d'inciter les partenaires sociaux à réduire les contributions des entreprises à la formation professionnelle.
Mme Muguette Dini, présidente. - Le bureau de la commission examinera demain votre proposition de créer une mission sur Pôle emploi.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Sur l'article 90, je signale que les associations se substituent souvent aux collectivités en milieu rural pour gérer les cantines, les garderies, le soutien scolaire... La fin de l'exonération pénalise ces associations et la charge retombera sur les collectivités locales.
J'ai enseigné longtemps dans un Greta et un lycée professionnel et je sais que l'alternance donne les meilleures chances aux élèves, mais il est difficile de trouver des entreprises pour les accueillir. Nous avons dû fermer des filières, plasturgie par exemple, faute d'entreprises candidates.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Concernant la sécurisation des parcours professionnels, pourquoi ne pas créer un contrat d'accompagnement renforcé-type, décliné selon toutes les situations ? La coexistence de plusieurs contrats est regrettable. A l'article 90, je proposerai un amendement pour réduire l'abattement sur les cotisations patronales des particuliers employeurs. La mesure proposée par le Gouvernement menace l'emploi, pénalise la professionnalisation des salariés et risque d'empêcher le maintien à domicile de personnes âgées ou handicapées.
M. Guy Fischer. - Alors que les Français sont préoccupés avant tout par l'emploi, ce budget est à contre-courant de leurs attentes. Je reste totalement hostile à la fusion et la création de Pôle emploi : écoutez le personnel, voyez la façon dont les demandeurs d'emploi sont reçus et vous comprendrez que la situation est grave. Par ailleurs, des mesures telles que le transfert des neuf cents conseillers d'orientation contribuent au démantèlement de l'Afpa. Cet outil, qui aurait dû évoluer dans ses missions, est sacrifié. L'Agefiph subit enfin une véritable opération de « racket ».
M. Paul Blanc. - S'il ne me paraît pas anormal que l'Agefiph participe à la gestion des fonds dédiés à la formation des demandeurs d'emplois handicapés, pourquoi ne pas y associer le fonds « fonction publique » ?
Par ailleurs, les associations qui s'occupent de personnes handicapées, que j'ai toutes entendues lors de la préparation de mon rapport pour avis sur la mission « solidarité », m'ont convaincu qu'il serait normal d'abonder les crédits destinés aux entreprises adaptées, qui manquent de financements. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à augmenter leur dotation de 1,5 million d'euros, ce qui reste une somme modeste.
Mme Raymonde Le Texier. - Ce projet « contribue à l'effort nécessaire de réduction des déficits publics, sans sacrifier les dépenses d'avenir », nous a dit le rapporteur. Autant dire que toutes les remarques pertinentes qui viennent d'être formulées sont inutiles : l'objectif de ce budget est de réduire toutes les lignes budgétaires, y compris sur la formation et l'emploi, pourtant prioritaires. Je ne suis pas convaincue, malgré les propos du rapporteur, que les 53 milliards consacrés indirectement à l'emploi via des dépenses fiscales et des exonérations de cotisations sociales aient servi l'emploi.
Pôle emploi est aujourd'hui dans une situation tragique : manque de personnel, manque de formation, manque d'emplois à proposer aux demandeurs, chez lesquels il ne faut pas s'étonner de voir monter l'angoisse ou l'agressivité. Le rapporteur nous dit que les effectifs diminueront légèrement en 2011 : j'aimerais savoir combien d'emplois seront encore supprimés. Il nous dit aussi que neuf cent emplois de l'Afpa sont transférés à l'établissement mais comment est-ce possible sans les ressources correspondantes ?
Je partage les observations qui ont été faites sur les contrats aidés. Le volume retenu en 2010, nous dit le rapporteur, « ne sera plus justifié l'an prochain ». Nous savons très bien que tel n'est pas le cas. Or, ce ne sont pas moins de 60 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi et 70 000 contrats initiative emploi qui disparaissent.
Sans contester l'intérêt des 50 millions d'euros d'aide à l'embauche des seniors obtenus lors du débat sur les retraites, il y a pour moi quelque chose de tragique à vouloir reconvertir des salariés en fin de vie professionnelle, en les obligeant à s'adapter à une nouvelle entreprise, alors qu'il serait bien préférable, à mon sens, de faire en sorte que les entreprises conservent leurs salariés âgés. Je regrette, enfin, que l'on ne prévoie rien pour l'emploi des jeunes, dont le taux de chômage atteint 24 %, et jusqu'à 40 % dans les quartiers sensibles.
Le contrat d'accompagnement renforcé est une nouvelle formule qu'on ajoute aux autres. Il est vrai qu'il était temps de se soucier de l'intérim, sachant que sur 100 000 emplois créés, 90 % sont des emplois d'intérimaires.
Je ne vais pas épiloguer sur la suppression de l'exonération de cotisations sociales sur les repas servis aux employés dans l'hôtellerie-restauration. L'Assemblée nationale a supprimé l'article 88, qui limitait le champ de certaines exonérations dans les zones de revitalisation rurale, sans doute à juste titre. Je reste inquiète de la proposition de suppression des exonérations de charges se rapportant aux emplois à domicile. Celles qui bénéficient à la garde des enfants et à l'accompagnement scolaire à domicile ne sont, à mon sens, pas injustifiées. D'autres, en revanche, me semblent plus contestables...
M. Yves Daudigny. - Je m'inquiète, en particulier, de la diminution des emplois aidés, qui jouent le rôle d'amortisseurs du chômage et sont devenus des éléments régulateurs : ces emplois sont indispensables dans un grand nombre de structures. Je pense aux maisons du handicap, aux collèges - où un grand nombre de contrats, au moment du transfert des Tos, n'ont pas été compensés par l'Etat, alors que les départements n'ont pas les moyens de les financer -, aux établissements d'accueil pour personnes âgées ou handicapées, voire aux très petites collectivités, qui ne sont souvent pas en mesure de financer un emploi de fonctionnaire territorial. Il y a là un vrai risque de déséquilibre. Sans compter que le taux de chômage varie considérablement selon les territoires. Le ministre du travail le sait fort bien : il suffit d'observer ce qui se passe dans sa ville.
Je ne reviens pas sur la situation faite à Pôle emploi, sinon pour dire que je déplore le transfert trop fréquent à des opérateurs privés d'une mission de service public.
Je regrette, enfin, de bien chiches mesures d'économie - comme la suppression de la prime au retour à l'emploi pour les titulaires de l'ASS - qui viennent, encore une fois, frapper les plus précaires.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. - Je m'étonne de l'ampleur des critiques formulées à l'encontre de Pôle emploi, car si j'en crois une récente enquête de satisfaction, 66 % des demandeurs d'emploi et 68 % des entreprises se déclarent satisfaits. Le taux de satisfaction est de 80 % pour la gestion des allocations chômage ; 79 % des employeurs estiment que l'accès à un interlocuteur est simple et 66 % jugent que le candidat qui leur a été adressé était le bon.
La suppression de l'exonération dans l'hôtellerie-restauration n'est pas anecdotique : elle rapportera 150 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable dans le contexte que nous connaissons.
Je ne peux pas laisser dire que Pôle emploi ne peut assurer un accompagnement de proximité, alors que l'établissement ne compte pas moins de 950 agences locales. Cessons donc de stigmatiser son action, alors que les personnels ont su rapprocher leurs cultures et faire un effort exemplaire d'adaptation. Pour les demandeurs d'emploi en grande difficulté, il est bon de pouvoir compter sur un guichet unique. Les maisons de l'emploi doivent se recentrer sur leur rôle de coordination et de gestion prévisionnelle de l'emploi sur le territoire. Quant aux missions locales, elles ne sont compétentes que pour le suivi des jeunes de seize à vingt-cinq ans.
Le surcoût pour l'Urssaf, qui recouvre déjà les cotisations sociales, du prélèvement des cotisations Assedic sera négligeable.
Laurent Wauquiez avait annoncé un plan de relance de l'apprentissage. Je ne doute pas que Nadine Morano poursuivra son action. La clé réside pour moi dans la simplification des procédures, y compris, d'ailleurs, pour les stages : les entreprises demeurent trop fermées à l'accueil de jeunes en formation.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. - L'article 90 du projet de loi de finances propose de supprimer l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les particuliers employeurs lorsqu'ils déclarent leurs salariés au réel. On peut craindre que ne soit ainsi encouragée la déclaration au forfait, moins favorable pour les employés, notamment en matière de droits à l'assurance vieillesse et à l'assurance chômage. Le risque d'une réapparition du travail au noir n'est pas non plus à exclure.
Cet amendement vise à préserver l'exonération, en la ramenant toutefois de quinze à dix points, ce qui maintient une économie pour l'Etat sans déstabiliser le secteur des services à la personne. Afin que l'on ne puisse inclure dans le dispositif tout et n'importe quoi, un décret serait utile pour mieux définir le champ des activités concernées.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Je vous suis. J'ai déposé le même amendement, à peu de chose près.
La commission adopte l'amendement.
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. - L'article 90 propose également la suppression de l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les organismes agréés de services à la personne qui interviennent auprès de publics considérés comme « non fragiles » au sens du code de la sécurité sociale. Le risque est de voir augmenter les dépenses à la charge des associations qui interviennent au domicile des familles en difficulté dans le cadre de la politique d'aide sociale à l'enfance des conseils généraux ou qui assurent la garde de très jeunes enfants, sans que les collectivités territoriales aient les moyens de les soutenir financièrement.
Cet amendement propose de maintenir le dispositif d'exonération pour les salariés qui exercent certaines activités à caractère social.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Les associations loi de 1901 qui embauchent sont-elles couvertes ?
M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. - Oui, si elles emploient du personnel qui assure, à domicile, l'une des activités visées dans l'amendement.
La commission adopte l'amendement.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
Loi de finances pour 2011 - Mission Régimes sociaux et de retraite - Examen du rapport pour avis
Puis la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis du projet de loi de finances pour 2011, mission « Régimes sociaux et de retraite ».
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis. - Cette mission retrace les subventions versées par l'Etat pour équilibrer les comptes de plusieurs régimes spéciaux de retraite dont certains assurent la couverture vieillesse d'entreprises, comme la SNCF ou la RATP, ou d'une profession, comme celle de marin, tandis que les autres correspondent à des régimes en voie d'extinction - régimes des mines, de la Seita, des chemins de fer d'Afrique...
Enfin, la mission regroupe les crédits destinés à financer des mesures spécifiques visant à compenser la pénibilité des conditions de travail des conducteurs routiers - congé de fin d'activité, complément de pension.
Les régimes concernés - sachant que ne sont pas pris en compte les régimes spéciaux des industries électriques et gazières, de la Banque de France et des clercs et employés de notaire - représentent un total d'environ 860 000 pensionnés. Depuis plusieurs décennies, tous sont structurellement déficitaires : le nombre insuffisant de cotisants ne permet pas de couvrir la totalité des dépenses de pensions. Pour assurer le service des prestations vieillesse dues, l'Etat doit leur verser des subventions d'équilibre. Ces régimes ne doivent donc leur survie qu'à la solidarité nationale.
Entre 2010 et 2011, les crédits progressent de 5,3 % pour s'élever à 6,03 milliards. Cette progression suit une tendance qui s'explique par l'évolution à la hausse des dépenses des régimes, notamment en raison du « papy-boom », et le mouvement à la baisse de leurs ressources, qui crée un effet de ciseaux.
La diminution des ressources tient à un rendement décroissant des recettes de cotisations lié à l'extinction progressive de certains régimes, comme les mines ou la Seita, ou à la diminution du nombre de cotisants, par exemple à la SNCF ; elle s'explique aussi par la réduction des transferts au titre de la « surcompensation » entre régimes spéciaux qui, aux termes de la loi du 21 août 2003, doit disparaître à l'horizon 2012.
En conséquence, les subventions de l'Etat représentent une part de plus en plus importante du budget de ces régimes. Ainsi, la dotation d'équilibre couvre 61 % du budget de la caisse de retraite de la SNCF, 56 % de celui de la caisse de la RATP, 74 % du budget du régime des marins et 87 % de celui des retraités de la Seita.
Inévitablement, le besoin de financement de ces régimes va continuer à progresser dans les prochaines années. Les dotations de l'Etat, qui jouent le rôle de variable d'ajustement, sont donc appelées à augmenter. Or, rien ne garantit qu'elles suivront l'évolution des besoins : ne peut-on craindre que le contexte budgétaire contraint et les arbitrages financiers qui en découlent conduisent, à terme, à un abondement insuffisant de la mission ?
En attendant, l'évolution des crédits pour 2011 est marquée par une augmentation relativement contenue, de 2,3 %, de la dotation à la caisse autonome de retraite de la SNCF, qui s'établit à 3,19 milliards, dans la continuité de la tendance observée ces dernières années ; par une stabilisation de la dotation à la caisse autonome de retraite de la RATP à 527 millions ; par une très légère augmentation de la subvention d'équilibre accordée au régime des marins, laquelle atteint 797 millions ; par une forte progression, enfin, de 25 %, de la subvention versée au régime des mines, qui atteint 1,2 milliard. Cette évolution est la conséquence, d'une part, de la diminution des transferts au titre de la surcompensation dont le régime est l'un des principaux bénéficiaires, d'autre part, du moindre rendement de ses actifs immobiliers.
En harmonisant progressivement les règles en vigueur dans les régimes spéciaux avec celles applicables dans les régimes de la fonction publique, la réforme engagée en 2007 poursuivrait deux objectifs : rétablir davantage d'équité entre les assurés sociaux et garantir la viabilité financière de ces régimes sur le long terme. A la SNCF et à la RATP, deux décrets du 15 janvier 2008 ont fixé les principes communs d'harmonisation relatifs à la durée d'assurance, au mécanisme de décote/surcote, à l'indexation des pensions et aux bonifications. Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er juillet 2008.
L'adoption de la réforme a été subordonnée à l'instauration de mesures salariales d'accompagnement actées dans le cadre des négociations d'entreprise. A la SNCF et à la RATP ont notamment été décidés la création d'échelons supplémentaires d'ancienneté, le déblocage de la grille des salaires, la possibilité de rachat d'années d'études et la suppression de la condition d'âge pour l'affiliation au régime spécial. J'en tire la conclusion que le principe de la spécificité des droits des assurés de ces régimes a été préservé.
Certes, il était nécessaire de conduire cette réforme dans un souci de dialogue, mais je crains qu'elle n'ait abouti à des contreparties qui pourraient, à terme, en annuler les effets. L'an passé déjà, j'avais alerté sur le coût potentiel des mesures de compensation en faveur des salariés. Les nouvelles estimations dont je dispose confirment cette analyse.
On ne peut, sur cette réforme, raisonner en termes de coût global, dès lors que la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF et celle du personnel de la RATP sont totalement indépendantes des entreprises SNCF et RATP. Il faut donc bien distinguer les effets de la réforme sur les caisses, d'une part, et sur les entreprises, d'autre part.
Pour la caisse de prévoyance de la SNCF, l'économie, selon un chiffrage effectué en 2009, plus élevée que ce qu'avait initialement prévu le Gouvernement, sera de l'ordre de 300 millions par an sur la période 2009-2030, ce qui représente 10 % de la subvention d'équilibre versée par l'Etat au régime. Selon ces projections, le gain cumulé en 2030 dépasserait 6,5 milliards.
En revanche, pour l'entreprise SNCF, la réforme alourdit la masse salariale. En 2009, l'accroissement des charges de personnel du fait des mesures salariales d'accompagnement a été estimé à près de 127 millions. A cela s'ajoute la charge entraînée par l'effet démographique, conséquence mécanique de la suppression de la retraite d'office et de l'incitation au recul de l'âge de départ, de quelque 50 millions l'an dernier. La SNCF estime ainsi que le coût annuel global de la réforme, si l'on intègre les contreparties sociales et le facteur démographique, est très significatif : de 170 millions en 2009, il passerait à 418 millions en 2012.
Il semble donc bien que la réforme du régime spécial de la SNCF opère un transfert de charges substantiel du régime de retraite, dorénavant budgétairement et juridiquement autonome, vers l'entreprise. Et je ne dis rien des primes intégrées à l'assiette de liquidation.
Qu'en est-il pour la RATP ?
Selon la caisse de prévoyance et de retraite, la réforme ne commencerait à produire des économies qu'à compter de 2015, et encore faibles puisqu'elles n'atteindraient que 23 millions en 2020, soit 2,2 % du total des pensions servies. Les gains escomptés seraient essentiellement dus à l'augmentation de la durée d'assurance et à l'instauration d'une décote.
De son côté, la RATP a évalué le surcoût résultant des contreparties salariales. Celles-ci devraient entraîner, dès 2012, une augmentation de 10,5 millions des charges de salaires, alors même que la réforme n'aura, à cette date, produit aucune économie. A compter de 2015, cette charge supplémentaire atteindrait près de 14 millions, si bien que sur la période 2015-2018, les économies issues de la réforme de 2008 seraient inférieures aux surcoûts salariaux.
Les gains pour la collectivité résultant de la réforme des régimes spéciaux pourraient ainsi se révéler beaucoup plus faibles que les prévisions initiales, particulièrement optimistes, ne le laissaient penser.
Ces observations faites, je vous propose, parce que ces crédits sont indispensables à la survie des régimes de retraite concernés, d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission pour 2011.
M. Guy Fischer. - Cette mission a fait l'objet de nombreux débats en 2008. Les travailleurs de ces entreprises s'étaient bien battus et le Président de la République avait souhaité que l'on parvienne à une solution acceptable pour eux. Mais ne nous faisons pas d'illusions. L'évolution des conditions de travail et des rémunérations dans les entreprises concernées est inquiétante. La pression est forte sur les effectifs, en diminution continue. Et l'on sait ce que l'ouverture à la concurrence prépare à la SNCF.
Si la participation de l'Etat au financement de ces régimes va croissant, c'est que leur démographie est en baisse. Mais n'en déplaise à ceux qui s'acharnent à les dénigrer, je considère qu'ils sont partie à l'effort collectif en faveur du service public. Il serait temps que l'on cesse de remettre en cause à tout propos les acquis. Quant aux entreprises que sont devenues la SNCF et la RATP, elles continuent pour moi, même si elles ont perdu leur statut, de faire partie de notre service public de transport. L'ajustement par les effectifs a ses limites. Je ne dis rien des dispositions spécifiques en faveur des chauffeurs routiers, évidemment nécessaires.
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Il devient de plus en plus difficile de défendre ces régimes spéciaux alors que la situation des entreprises concernées se rapproche du droit commun et que les conditions de travail sont comparables à celles qui ont cours ailleurs. La question de la pénibilité devrait donc y être traitée dans le cadre commun.
J'ai bien l'impression que la réforme de 2008 aura été un coup pour rien. Son coût annuel, à partir de 2012, sera de 418 millions à la SNCF. Même problème à la RATP, dans de moindres proportions. Le Gouvernement ne rechigne guère, pour ces régimes là, à mettre la main à la poche. Tous ne connaissent pas le même régime de faveur. Il faudra peut-être lui en faire la remarque. Quant au service minimum, la proposition de loi que nous avons adoptée ne suffira pas. Il faudra, pour que les usagers n'aient pas à souffrir des grèves à répétition, passer à la vitesse supérieure.
Je vois mal comment nous éviterions une remise en chantier de tous ces régimes. Le Gouvernement a-t-il évalué l'impact des mesures adoptées en 2008 ? Je crains que non, pas plus que n'avait été anticipé celui des mesures adoptées, au moment de la réforme Fillon, en faveur des carrières longues. Toutes choses qui ne rassurent guère sur les effets à attendre de la réforme que nous venons d'adopter...
Mme Isabelle Pasquet. - Il n'est pas inutile de rappeler que le but de la réforme de 2008 était d'introduire dans les régimes spéciaux des mesures, comme la décote, jusqu'alors réservées aux régimes de droit commun. Mission accomplie, de ce point de vue. Les cheminots et les agents de la RATP ont demandé, et obtenu, une compensation salariale, pour atténuer l'effet négatif de la réforme sur le niveau de leurs pensions. Le Gouvernement pensait qu'ils continueraient à partir en retraite à cinquante ou cinquante-cinq ans. Cela n'a pas été le cas. C'est la seule raison du surcoût pour les entreprises.
M. Alain Gournac. - A temps nouveaux, décisions nouvelles. Les Français ne comprennent plus la survivance de ces régimes spéciaux. Il faudra leur rendre les choses plus lisibles. Et je dois dire que la transparence ne règne pas. J'ai eu l'occasion de discuter avec un chef contrôleur, qui m'a expliqué ce qu'il gagnait en me montrant sa feuille de paye. Je l'ai trouvée bien légère, avant de découvrir qu'il y en avait en fait une seconde complétant la première...
M. Guy Fischer. - Si l'âge moyen de liquidation est aujourd'hui de soixante et un an et demi, on constate que les nouvelles générations en partance, inquiètes de l'avenir, tendent à retarder leur départ d'un ou deux ans. Et cela vaut pour toutes les professions.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis. - La solidarité nationale doit certes jouer pour les régimes en extinction. Mais nous ne sommes pas dans le même cas de figure à la SNCF et à la RATP. Et la dotation de l'Etat représente pourtant 60 % des prestations versées... Les entreprises doivent de surcroît honorer les compensations salariales obtenues dans le cadre de la réforme, qui alourdissent la masse salariale et poussent les agents à retarder leur départ. Songez que la surcote s'applique sur le salaire de référence, où sont intégrées quatre primes sur lesquelles ils n'ont jamais cotisé ! Avec toutes les bonifications, le taux de remplacement approche les 80 % ! Et ceci alors que la décote est entrée en application cette année. Difficile, dans ces conditions, de parler d'équité et de solidarité. Ceux qui invoquent le Conseil national de la Résistance me font sourire : le CNR voulait un seul régime ; c'est la pression des corporatismes qui a conduit à maintenir des caisses spécifiques. Il faut aller vers la convergence des règles. Tout le monde, au Conseil d'orientation des retraites, en convient.
Mme Isabelle Pasquet. - Je ne peux pas vous laisser dire que les cheminots partent en retraite avec 80 % de leur salaire.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis. - C'est pourtant l'entreprise elle-même qui communique ces chiffres. J'ai par ailleurs reconnu qu'il fallait aussi considérer le déséquilibre démographique du régime.
Mme Isabelle Pasquet. - Si on veut l'améliorer, on ne peut pas laisser de côté la question de l'emploi.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis. - Je redis que, pour ce qui concerne, le taux de remplacement, je ne l'ai pas inventé. Il figure non seulement dans le document de la SNCF mais dans le rapport de Bertrand Auban, rapporteur spécial de notre commission des finances.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.