- Mardi 9 novembre 2010
- Mercredi 10 novembre 2010
- Réforme de la politique agricole commune - Examen du rapport d'information
- Nomination d'un rapporteur
- Loi de finances pour 2011 - Mission Economie et compte spécial Gestion et valorisation des ressources tirées du spectre hertzien - Examen du rapport pour avis
- Audition de M. Pascal Viné, candidat aux fonctions de directeur général de l'Office national des forêts
Mardi 9 novembre 2010
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Loi de finances pour 2011 - Mission Politique des territoires - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2011 de M. Rémy Pointereau sur les crédits de la mission Politique des territoires.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous allons examiner les crédits de la mission Politique des territoires, et ouvrirons le débat après l'exposé du rapporteur.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - La mission Politique des territoires participe à l'effort d'économies budgétaires engagé par le Gouvernement : son budget diminue de 5 % en autorisations d'engagement (AE) et de 11 % en crédits de paiements (CP), pour s'établir à 356 millions et 328 millions d'euros. La baisse est moins sensible en considérant le collectif budgétaire du 9 mars dernier, qui a déjà réduit de 7 millions les crédits de la mission. Surtout, les AE demeurent nettement supérieures au niveau inscrit dans le cadre de la programmation pluriannuelle 2009-2011 pour 2011.
La diminution des crédits devrait prendre de l'ampleur dans les années à venir, puisque la nouvelle programmation pluriannuelle 2011-2013 prévoit une baisse de 10 % supplémentaire des AE entre 2011 et 2013.
La Datar devra prendre sa part de l'effort budgétaire inédit que nous impose la situation de notre économie : son budget, retracé dans le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », baisse de 14 %, à 291 millions en CP. Cependant, ses missions se sont élargies aux activités liées au Grand Paris. Le programme 112 attribue ainsi une subvention de 6 millions d'euros à la Société du Grand Paris, correspondant à un transfert de crédits et d'emplois. Vous savez que l'Etat prévoit par ailleurs d'apporter 4 milliards pour le développement du réseau de transports du Grand Paris et qu'il compte développer le plateau de Saclay ; je me réjouis du développement de ce pôle de recherche indispensable pour la compétitivité de notre pays, mais cela devra se faire en plus et non pas à la place des politiques d'aménagement menées dans le reste du territoire.
C'est aussi dans le cadre du programme 112 que le Gouvernement soutient des politiques indispensables à l'attractivité de nos territoires :
- le programme national du très haut débit, lancé cette année et dont l'objectif est de connecter 100 % des foyers d'ici à 2025. M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, a annoncé que 2 milliards seraient affectés au Fonds d'aménagement numérique du territoire, mis en place par la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique ;
- 15 millions seront consacrés dès l'an prochain au financement du plan d'action annoncé par le Gouvernement à l'issue des Assises des territoires ruraux ; ce plan concernera notamment les maisons de santé pluridisciplinaires et la mutualisation des services essentiels à la population, expérimentée dans 23 départements.
Les nouveaux pôles d'excellence rurale (PER) bénéficieront, comme leurs prédécesseurs, d'une enveloppe de 235 millions d'euros, dont 115 millions en provenance du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Cette année, 115 PER ont été validés dès le mois de juin, une seconde phase est prévue l'an prochain, pour laquelle 454 dossiers ont été déposés. Pour mémoire, 379 PER ont été validés depuis 2006.
Je m'interroge sur la mise en oeuvre de la réforme de La Poste : comme Pierre Hérisson nous l'a déjà fait remarquer, le décret qui devait permettre à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) de calculer le coût de la mission d'aménagement du territoire de La Poste n'est toujours pas publié. Or, en vertu de la loi, cette évaluation est indispensable pour permettre de donner à La Poste les moyens de maintenir son réseau. Ce retard n'est pas un signal positif, même si le Gouvernement assure que le décret est presque prêt et que le financement de la présence postale sera assuré.
Le programme 162 « Interventions territoriales de l'Etat » regroupe comme l'année passée quatre actions destinées à des territoires particuliers : la reconquête de la qualité des eaux en Bretagne, le programme exceptionnel d'investissement en faveur de la Corse, le plan gouvernemental sur le marais poitevin - Poitou-Charentes et le plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe. Ces actions représentent 34 millions en CP et sont stables par rapport à l'an passé, sauf pour la Bretagne : le lancement du plan contre la prolifération des algues vertes se traduit par des engagements d'un montant de 7,5 millions dès 2011.
La politique d'aménagement du territoire ne se limite pas, bien heureusement, aux crédits de cette mission. Le document de politique transversale chiffre l'effort total de l'Etat à 5,15 milliards, supportés par 16 missions budgétaires différentes. Cet éparpillement n'est guère propice à la lisibilité de l'action publique en ce domaine, et je me demande si l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) est vraiment respecté dans l'architecture de cette mission. Il faudrait aussi considérer les dépenses fiscales, d'un montant prévu de 410 millions d'euros en 2011, en baisse sensible conformément à la politique de réduction des « niches fiscales ».
Enfin, cette année encore, le projet de loi de finances contient des dispositions relatives aux zones de revitalisation rurale.
L'article 65 étend aux reprises d'activité l'exonération d'impôt sur les bénéfices qui concerne actuellement les seules créations d'entreprises. Il faut s'en féliciter : cette évolution répond à une demande des territoires, même si, en contrepartie, elle est limitée aux entreprises de moins de dix salariés, de sorte que cette mesure est budgétairement neutre.
L'article 88 soulève plus de débats en limitant aux organismes employant moins de dix personnes l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les organismes d'intérêt général situés en ZRR. Cette exonération a été introduite par l'Assemblée nationale aux articles 15 et 16 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux (loi DTR). Elle a été supprimée pour les nouvelles embauches à compter du 1er novembre 2007, mais elle continue à valoir pour les contrats de travail en cours à cette date. Cela représentait une charge de 219 millions d'euros en 2009.
Plusieurs rapports ont critiqué cette exonération, estimant qu'elle n'aurait pas profité aux petites associations rurales visées par les députés en 2005, mais plutôt à des structures importantes, notamment hospitalières. Si elle n'est pas parfaite et si elle a pu induire un effet d'aubaine pour certains organismes, il nous semble difficile de la supprimer brutalement, quand bien même les établissements peuvent recourir à la « réduction Fillon » de droit commun qui concerne les salaires proches du Smic. Pensons aux conditions de vie dans nos territoires ruraux, aux organismes qui s'occupent des handicapés ou des personnes âgées. Les collectivités risquent de faire face à des demandes d'aide de la part des associations qui n'auront plus droit à l'exonération.
La commission des finances de l'Assemblée nationale a voté la suppression de cet article et la commission des affaires sociales de la même Assemblée a proposé de porter le seuil d'effectif à 30 salariés au lieu de 10. Dans l'attente de l'examen de cet article en séance publique à l'Assemblée nationale, je vous soumets un projet d'amendement à l'article 88, afin de maintenir l'exonération pour les associations qui relèvent du secteur social et médico-social ; et de prévoir un aménagement de l'extinction du dispositif entre 2011 et 2013 pour les autres organismes. L'article 88 relève de la mission « Travail et emploi », mais la dimension évidente d'aménagement du territoire du dispositif des ZRR nous permet de nous saisir pour avis de cet article afin de l'amender.
Les crédits de la mission Politique des territoires proprement dit se place dans une perspective de contrainte budgétaire indéniable, mais il a réussi à préserver les marges de manoeuvre indispensables à la continuité de la politique de soutien aux territoires. C'est pourquoi je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption de la mission et d'adopter notre amendement.
M. Charles Revet. - Nous prenons acte de la baisse des crédits, qui vaut pour l'ensemble des politiques publiques et qui est nécessaire, dans le contexte d'endettement que nous connaissons.
Les crédits des PER sont maintenus pour 2011, c'est une bonne chose. Cependant, peut-on en savoir davantage sur les critères de sélection de ces pôles ? Quels types de projets peut-on y faire entrer ? Je pense en particulier, dans mon département, à un projet de restauration d'une ligne de chemin de fer.
M. Jean-Paul Emorine, président. - En 2006-2007, les critères ont été très contraignants et le nombre des pôles limité à 270. Les critères sont désormais plus souples et le nombre de pôles plus important. L'un des critères essentiels est la dimension économique du projet.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - Les critères principaux sont le développement de la capacité économique des territoires ruraux, la réponse aux besoins de la population, le service au public, en particulier sur le plan de la santé. Avec un projet visant le transport collectif, vous êtes bien dans la course. Cependant, la subvention maximale étant de 1,5 million d'euros, le projet doit être raisonnable.
Mme Jacqueline Panis. - Les maisons de santé pluridisciplinaires peuvent-elles être soutenues dans le cadre d'un pôle ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - Elles ont pu l'être jusqu'ici. Désormais, il y a aussi le programme de développement des maisons de santé pluridisciplinaires.
M. Gérard Bailly. - L'Etat nous incite à passer par le dispositif du PER. Je pense à un site classé de mon département, qui a dû faire l'objet d'un plan de travaux important et où passent quelque cinq cent mille visiteurs chaque année : la préfecture nous a conseillé de monter un pôle d'excellence, pour obtenir plus de financements.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Pour monter une maison de santé pluridisciplinaire, il faut l'accord de l'agence régionale de santé (ARS), qui établit le constat qu'on est en zone insuffisamment pourvue.
M. Daniel Raoul. - C'est l'ARS qui décide...
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - Le programme de maisons de santé pluridisciplinaires peut aller jusqu'à 50 000 euros par maison de santé. Si le projet est important, il faut en passer par un PER.
M. Daniel Raoul. - Quelques remarques liminaires. D'abord, je dois constater que l'esprit de la LOLF est de plus en plus contourné : les missions devaient nous donner une lecture claire et transparente des politiques publiques, elles servent aujourd'hui à cacher la misère, comme on peint sur la rouille des bateaux. Sur le terrain pourtant, chacun sait bien ce qu'il en est : cela ne sert à rien de prétendre que les politiques publiques ont plus de moyens quand chacun constate l'inverse ! J'admire donc avec quel brio notre rapporteur nous a présenté son numéro d'équilibre ! Cependant, nous ne nous laissons pas prendre : nous voterons contre ce budget ! Le Gouvernement ne peut pas prétendre tout et son contraire, dire qu'il veut à la fois des agglomérations plus fortes et des territoires ruraux plus prospères, prétendre que la présence postale est maintenue alors que nous savons tous que des bureaux de poste ferment, y compris en agglomération ! Les files d'attente s'allongent jusque dans la rue ! La Poste ne met plus assez d'agents derrière les comptoirs, le nombre de bureaux diminue, qu'en sera-t-il demain ? On a de quoi s'inquiéter, surtout quand on voit les atermoiements de la Caisse des dépôts pour investir dans La Poste, comme il en a été convenu.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Dans la loi relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, que nous avons adoptée définitivement en janvier dernier, nous avons obtenu le maintien de 17 000 Points Poste. L'activité postale évolue en profondeur, le volume de courrier diminue de 6 % par an, soit un recul de 30 % d'ici 2015 : La Poste doit impérativement se réorienter, en particulier vers l'activité colis, à l'échelon européen. La présence postale sera compensée, un contrat entre l'AMF, La Poste et l'Etat prévoit 300 millions pour le courrier, et l'exonération de taxe professionnelle est évaluée à 170 millions, au lieu des 135 à 155 millions estimés en début d'année.
La présence postale n'implique pas nécessairement le maintien du bureau de poste lui-même, d'autres solutions peuvent être préférables. Lorsque vous accueillez le Point Poste en mairie, La Poste peut vous aider à réaliser les travaux d'aménagement, et lorsque vous êtes en ZRR, vous êtes soutenus à hauteur de 965 euros par mois, ce qui finance un mi-temps : j'invite chacun de vous à regarder de près ces conditions.
Quant à l'engagement de la Caisse des dépôts, nous en avons eu confirmation avec nos collègues députés, de la part du directeur général de la Caisse : elle va entrer dans le capital de La Poste à hauteur de 1,5 milliard, soit une participation de 26 %, avec un programme d'investissements industriels, et l'Etat va compléter avec 1,2 milliard d'euros : ce que nous avons prévu est en marche.
M. Daniel Raoul. - Cela ne règlera pas le problème des services au public.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - Je déplore aussi que la LOLF soit contournée : notre politique en direction des territoires n'est pas lisible, nous avons besoin d'un document transversal, qui rassemble toutes les lignes budgétaires concernées.
Sur la présence postale, il faut partir de l'attente des usagers. Que demandent-ils ? Non pas un bureau de poste qui ferme dès 16 heures, mais des services postaux accessibles dès le matin tôt et jusqu'au soir : si cela peut se faire dans des commerces ou des mairies, il est utile d'en passer par là.
M. Jean Boyer. - Il faut être réaliste et parler le langage de la vérité : les pôles d'excellence ruraux et les ZRR sont maintenus, la parité entre eux demeure, c'est une très bonne chose. A l'origine, les pôles de proximité étaient urbains, le monde rural attendait. Depuis deux ans, les PER répondent à de vraies aspirations, avec une logique de projet plutôt que de guichet, un tiers ayant porté sur des projets forestiers. Aujourd'hui, on demande plus d'innovation, ce qui n'empêche pas la filière bois de présenter encore des projets. Cependant, nous manquons d'une ligne budgétaire spécifique aux PER, car nous avons déjà dû composer par le passé et rien ne nous garantit les financements annoncés. Je connais bien la situation de ce qu'on appelle la France profonde, puisque 22 des 35 cantons de mon département sont en ZRR et que deux ont moins de cinq habitants au kilomètre carré.
Enfin, pour atteindre l'objectif annoncé le 22 février dernier par le président de la République, de 250 maisons de santé pluridisciplinaires, faut-il passer par les PER, ou par le programme spécifique à ces maisons ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - Les PER sont effectivement très appréciés dans les territoires ruraux, ils y fédèrent des énergies autour de projets porteurs.
La filière bois et l'élevage représentent un nombre important de PER, tel le Palmipôle du Gers, faut-il pour autant changer de secteurs ? L'innovation est un bon critère, mais nous ne devons pas perdre de vue que des projets demandent de la continuité, et qu'un arrêt brutal du soutien pourrait les compromettre. Peut-on parvenir à une ligne budgétaire spécifique ? Les PER sont soutenus par plusieurs financeurs et on nous annonce l'éventualité d'un fonds mutualisé : c'est encourageant, et cela évitera de compenser certains manques de financement par des recours à la dotation globale d'équipement (DGE) qui enlèvent des moyens à d'autres projets.
Enfin, sur les maisons de santé pluridisciplinaires, je dirai que le plus difficile est de réunir l'équipe médicale. Il existe ensuite plusieurs pistes financières, toutes méritent d'être explorées.
M. Jean-Paul Emorine, président. - J'encourage chacun à faire des réunions de terrain sur le sujet. Une maison de santé pluridisciplinaire commence à trois médecins, cela suppose 6 000 à 7 000 habitants au moins, ce qui demande parfois de réunir plusieurs cantons.
M. Roland Courteau. - Quand le maire embauche pour le Point Poste qu'il accueille, et que des fonds y disparaissent, ou que des erreurs comptables s'y produisent, qui est responsable : l'employé ? Le maire ? La Poste ?
M. Jean-Paul Emorine, président. - Tout doit être prévu par la convention.
M. Charles Revet. - J'accueille l'agence postale dans ma mairie depuis douze ans, après avoir constaté que le bureau de poste coûtait plus cher à la commune que cette solution ; nous avons doublé le temps d'ouverture, les employés qui y travaillent sont agréés par La Poste, après une formation rapide et ils sont rémunérés en fonction de l'activité. Quand une erreur se produit, La Poste est responsable.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Dès lors que La Poste délivre son agrément, elle est responsable, en plus du champ de la responsabilité personnelle de l'employé.
Mme Jacqueline Panis. - On me dit qu'on ne peut retirer d'argent à un bureau de poste en mairie lorsqu'on n'est pas détenteur du compte mais qu'on a une procuration : qu'en est-il ?
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous allons le vérifier.
J'en reviens à l'article 88 du projet de loi de finances pour 2011. L'Assemblée nationale va se prononcer le 16 novembre, éventuellement pour supprimer l'article. En attendant, notre rapporteur nous propose de maintenir l'exonération pour les associations intervenant dans le domaine de l'action sociale et médico-sociale, et de réduire progressivement le montant des exonérations pour les autres bénéficiaires : c'est l'objet de son amendement. Quelque 3 900 associations seraient concernées, l'exonération représenterait 146 millions d'euros. Quant au lissage, il porterait sur 43 millions d'euros d'exonération.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - Nous proposons en effet de ne pas appliquer le plafond de dix salariés pour les associations intervenant dans le domaine de l'action sociale et médicosociale. Notre amendement propose également un mécanisme de lissage de la fin de l'exonération, avec une application progressive de 2011 à 2013 pour les autres organismes.
M. Jean Boyer. - L'association d'aide à domicile en milieu rural (ADMR) peut-elle bénéficier de ce mécanisme ?
M. Jean-Paul Emorine, président. - Oui, même si la loi de finances pour 2008 a déjà écorné l'exonération, alors qu'elle ne datait que de 2005, et il ne faut pas exagérer les montants en jeu : si les ZRR couvrent 40 % des communes françaises, elles représentent seulement 4,5 millions d'habitants.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - Dans mon département, des communes ont dû créer une communauté de communes, spécialement pour monter une maison de retraite gérée par une association. Je me vois mal leur annoncer la fin de l'exonération, qui se traduirait par une hausse de 15 % des tarifs.
M. Jean Boyer. - La durée des prises en charge dans les ZRR, qui était de 12 ans a-t-elle été réduite ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - Il existe plusieurs dispositifs ; l'exonération de cotisations sociales dans les organismes d'intérêt général est permanente.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je vais mettre aux voix les crédits de la mission. En revanche, nous n'adopterons l'amendement qui vous a été présenté que lorsque la loi de finances sera transmise au Sénat.
Les crédits de la mission Politique des territoires sont adoptés.
Loi de finances pour 2011 - Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche
Puis, la commission procède à l'audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, sur le projet de loi de finances pour 2011.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je souhaite remercier M. Le Maire d'être venu nous présenter les crédits de son ministère pour 2011.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. - Je suis également très heureux de venir vous présenter mes crédits et de répondre à vos questions.
Le projet de loi de finances prévoit de doter mon ministère en crédits de paiement de 5,27 milliards en 2011, de 5,22 milliards en 2012 et de 5,16 milliards en 2013. Par rapport aux 5,17 milliards pour 2010, la hausse est de 1,8 %, grâce au redéploiement des crédits libérés par l'arrivée à échéance des dispositifs antérieurs. Cette hausse s'annule néanmoins progressivement en raison des économies réalisées grâce à la réduction des coûts de gestion des services de l'État et des structures d'accompagnement.
Mon souci principal est d'accompagner la reprise économique dans le secteur agricole et de préserver les crédits d'investissement, de modernisation et d'innovation du programme 154 « Agriculture - pêche » afin qu'ils bénéficient à tous les agriculteurs.
Ce programme est doté de 2 milliards de crédits de paiement. J'ai souhaité réaliser des économies pour pouvoir mieux investir dans d'autres domaines, plus utiles pour les agriculteurs eux-mêmes. Ces économies résultent de l'arrivée à échéance de dispositifs antérieurs : le plan de soutien exceptionnel à l'agriculture, ce qui permet d'économiser 150 millions d'euros en CP ; la non-reconduction de la mesure rotationnelle, d'où une économie de 135 millions en AE ; le bilan de santé de la PAC, soit une économie de 22 millions en CP. Enfin, nous avions budgété 31 millions en CP pour la taxe carbone : comme elle n'a pas été mise en oeuvre, cela fait autant d'économie pour le programme 154.
Au-delà de ces économies mécaniques, des réformes ont été engagées par mon ministère dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Ainsi en est-il de la rationalisation des crédits de FranceAgriMer, qui permet de dégager 15 millions de CP, de la réaffectation des 9,6 millions d'euros de génétique animale et de sélection végétale sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR), de la réforme des aides aux associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (ADASEA), soit 6 millions d'économies, de la réduction des dépenses de fonctionnement de l'administration qui représente près de 16 millions d'économies sur trois ans. Ainsi, le développement de la télé-déclaration est plus rapide que prévu et permet de faire plusieurs millions d'économie chaque année.
Toutes ces économies permettent de renforcer les mesures de soutien au revenu des agriculteurs. C'est ma priorité absolue : nous avons donc décidé de maintenir intégralement la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante (ANSVA), soit 165 millions d'euros. Il en est de même pour l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) pour 248 millions. Les élus de la montagne savent que le maintien de cette indemnité est un choix politique majeur en faveur des agriculteurs de ces zones défavorisées.
Les crédits nécessaires ont également été prévus pour couvrir un engagement que j'avais pris devant vous lors de l'examen de la loi de modernisation de l'agriculture (LMAP) : il s'agit du renouvellement intégral des contrats de primes herbagères agro-environnementale (PHAE) opérés en 2010. Nous avons donc prévu 65 millions d'euros en CP et l'intégralité des contrats sera honoré jusqu'en 2014. Nous renouvellerons par anticipation les contrats arrivant à échéance en 2011 et en 2012. Tout cela à un coût élevé mais il sera cofinancé par l'État et par l'Union européenne.
Enfin, les crédits en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs sont sanctuarisés à hauteur de 350 millions d'euros.
Ces trois points sont vraiment essentiels.
Les crédits du programme 154 permettront également de renforcer la compétitivité de nos filières. Nous allons accompagner la modernisation de l'agriculture en mobilisant 300 millions sur trois ans pour financer les plans de développement par filière : 180 millions sur le budget de l'État sur trois ans, soit 60 millions par an, et 120 millions sur trois ans provenant de la taxe sur le foncier agricole que vous avez adoptée dans la LMAP. Ces plans de développement sont indispensable pour réaliser des économies d'énergie dans les exploitations, gagner en compétitivité, financer les mises aux normes de certains élevages, notamment en raison des nouvelles règles de bien-être animal qui s'appliqueront en 2013.
Nous allégeons également certaines contraintes qui induisent des distorsions de concurrence vis-à-vis de nos voisins européens. Nous avons exonéré le travail occasionnel de toutes charges sociales, soit un surcoût pour le budget de l'État de 170 millions d'euros en année pleine par rapport au dispositif antérieur. L'ensemble des exonérations de charges sur le travail occasionnel s'élève à 492 millions. Le prix du travail occasionnel en France, 11,29 € de l'heure, doit en effet parvenir à peu près au même niveau que chez nos voisins, dont l'Allemagne, où il est de 9,26 €. Ces mesures ne permettent néanmoins pas de résoudre le problème du coût du travail permanent, ce qui pèse sur la compétitivité de la filière agricole française. Il est ainsi difficile d'être compétitif quand nos voisins allemands utilisent du personnel polonais sous contrat de service à 6 euros de l'heure alors que nos salariés sont payés 12,3 euros. Le problème reste donc posé. Je vous demande de nous faire rapidement des propositions constructives.
Enfin, nous allons réformer la gouvernance de la pêche et développer l'aquaculture, chère à Charles Revet. Nous poursuivrons certaines actions innovantes en matière de pêche, comme les contrats bleus, bénéficiant de 10 millions d'euros par an. Nous renforcerons la recherche en matière de ressources halieutiques, en y consacrant 5 millions. Il faut encourager un véritable partenariat entre pêcheurs et scientifiques, pour mettre fin au face à face actuel stérile.
J'en viens au programme 206 : « Sécurité et qualité sanitaire » dont les crédits baissent de 12,7 % en CP. Cette diminution significative résulte du transfert du financement et de la gestion de l'équarrissage aux filières professionnelles et de la fin de l'élimination des farines animales, soit une économie de 27 millions en CP ; du transfert aux services du Premier ministre des crédits mutualisés des directions départementales interministérielles, soit près de 17 millions en CP. Nous ne baissons donc pas la garde sur la sécurité et la qualité sanitaire mais nous procédons à des réajustements. Pour preuve, le budget de la nouvelle Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSéS), qui résulte de la fusion de la l'AFSSA et de l'AFSSET, augmente de 3,7 millions.
Les crédits prévus pour améliorer la qualité de l'offre alimentaire augmente de 0,7 millions en CP. Les crédits dédiés à la protection des végétaux et des animaux sont stables. Enfin, le projet de loi de finances intègre les conclusions des États généraux du sanitaire avec le financement des réseaux d'épidémio-surveillance pour 750 000 euros et la responsabilisation des éleveurs en matière de soins vétérinaires.
Un mot sur la forêt, sujet majeur s'il en est. Mes deux priorités sont les suites de la tempête Klaus et la gestion de l'Office national des forêts (ONF). Comme l'a souhaité le Président de la République, 371 millions seront consacrés au développement des forêts, soit une hausse d'environ 10 % des CP. Près de 25 % de ceux-ci sont destinés à la reconstitution des forêts touchées par cette terrible tempête.
Le renforcement de l'ONF est une préoccupation majeure. J'ai lu avec attention les recommandations faites par mon prédécesseur, Hervé Gaymard, qui propose plusieurs solutions pour parvenir à l'équilibre financier. Nous avons équilibré le budget pour 2011 en augmentant la subvention du ministère de l'agriculture de 5 millions. Nous avons maintenu les 144 millions du versement compensateur sur la programmation pluriannuelle 2011-2013. Nous devrons néanmoins nous interroger l'année prochaine sur les choix que nous voulons faire en matière d'équilibre financier de l'ONF, car nous ne pourrons continuer à augmenter systématiquement les dotations du ministère de l'agriculture.
Grâce à votre mobilisation, le Premier ministre a décidé de maintenir le programme «Enseignement technique agricole » dans la mission « Enseignement scolaire ». C'est une excellente décision. Rien n'aurait été plus dommageable que d'isoler l'enseignement agricole en le délégant entièrement à mon ministère. Nous consacrerons 1,6 milliard d'euros à l'enseignement agricole dont 1,3 à l'enseignement technique et 300 millions à l'enseignement supérieur et à la recherche. Pour 2010, j'avais annoncé un moratoire sur la suppression de postes d'enseignants agricoles. Pour l'année prochaine, la règle d'un remplacement pour deux départs ne sera pas appliquée dans ce domaine : seuls 25 % des départs à la retraite ne seront pas remplacés, soit 120 postes. S'agissant du départ à la retraite des autres fonctionnaires de mon ministère, nous poursuivrons en revanche le non remplacement d'un départ sur deux : 890 départs sont prévus en 2011 contre 980 en 2010 et cela représente 650 emplois non remplacés en 2011, dont 450 emplois de titulaires.
Les priorités de ma politique sont donc claires : poursuivre le redressement de l'agriculture française, en ne relâchant pas le soutien aux exploitations, aux paysans et aux pêcheurs eux-mêmes, quitte à faire des économies sur les crédits de fonctionnement de mon ministère.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. - Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si les 33 millions d'euros que votre ministère s'était engagé à verser cette année en matière d'assurance risque agricole ont été consommés ? Quid des 100 millions d'euros annoncés par l'Europe dans le cadre du bilan de santé de la PAC ?
Vous avez dit vouloir maintenir l'enveloppe de 350 millions pour les aides à l'installation. Pouvez-vous être plus précis sur le contenu de cette enveloppe ?
Où en sommes-nous de la déduction pour aléas climatiques ? Qu'en est-il de la déduction pour investissement (DPI) et de la déduction pour aléas (DPA) ?
Quelle est la lettre de mission que vous avez confiée à M. Pascal Viné qui est pressenti pour devenir directeur général de l'ONF ? L'Office devra-t-il faire un effort structurel ?
Enfin, je souhaite en savoir plus sur les crédits de soutien aux exportations agricoles et agroalimentaires, d'autant qu'elles vont diminuer l'année prochaine alors même que le secteur a perdu des parts de marché.
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. - La filière élevage est en grande difficulté, en particulier du fait de l'augmentation du coût de l'alimentation animale. Quelles mesures entendez-vous prendre pour lui venir en aide ?
L'hydraulique agricole est en voie de disparition depuis la loi de finances pour 2009. Quels seront les moyens publics et privés disponibles pour financer les aménagements indispensables à la maîtrise de l'approvisionnement en eau de nos territoires qui est cruciale ?
La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche a modifié les missions des chambres d'agriculture. Or, nous avons constaté en 2010 une stagnation du produit de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti qui les finance à plus de 40 %. Prévoyez-vous une revalorisation de cette ressource pour 2011 ?
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. - La filière élevage connaît de graves difficultés : quelle politique de soutien à la viande allez-vous mettre en place ?
Il avait été question de vendre une partie du patrimoine de l'ONF, comme les maisons domaniales forestières, pour assurer le financement du déménagement du siège de l'Office. Où en est-on ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - La couverture des risques en agriculture est une de mes grandes priorités. Il est indispensable que nous disposions d'une meilleure protection, notamment face aux risques économiques. Les contrats d'assurance au titre d'une année sont pris en charge par l'État sur le budget de l'année n +1 : la dotation budgétaires pour 2010 est donc utilisée pour honorer les contrats 2009, pour lesquels 26 millions avaient été versés. Les contrats 2010 seront payés par les dotations pour 2011 qui prévoient 33,3 millions, plus 100 millions de crédits communautaires.
Nous ne connaîtrons précisément le nombre de contrats d'assurance souscrits cette année que fin novembre.
La question de la réassurance publique est capitale et nous nous sommes tous battus pour en obtenir la création. Les travaux de réflexion ont commencé avec le Trésor, les assureurs et les réassureurs. Le démarrage officiel du groupe de travail est prévu pour le 15 novembre. Je souhaite qu'il aboutisse fin janvier 2011, conformément aux délais prévus dans la loi de modernisation. S'agissant plus spécifiquement de l'assurance fourrage, nous devrons vraisemblablement mettre l'épée dans les reins des assureurs, car Groupama et Pacifica n'avancent que très lentement : ils n'ont pas l'intention de lancer de produits avant 2012, voire 2013. Des expérimentations sont plus que souhaitables dès l'année prochaine, et je demande votre soutien.
Vous m'avez également interrogé sur les 350 millions d'euros destinés aux jeunes agriculteurs. Chaque année, 11 000 jeunes de moins de 40 ans s'installent en agriculture, dont 6 000 sont aidés car ils répondent aux critères de formation. Les plans de professionnalisation personnalisés ont connu un réel succès car ils mettent l'accent sur tout ce qui précède l'installation. Un fonds pour les jeunes agriculteurs a été créé, alimenté par la taxe dont je vous ai parlé, afin de favoriser l'accès des jeunes au foncier et de développer les projets innovants.
Les 350 millions se décomposent ainsi : 169 millions de crédits budgétaires inscrits en loi de finances pour 2011, au titre de mon ministère, et 86,9 millions qui proviennent de dépenses fiscales comptabilisées au titre de l'installation des jeunes, soit des exonérations fiscales ou sociales. Le total est donc de 255,9 millions, auquel il convient d'ajouter 94,1 millions de dotations jeunes agriculteurs au titre de la politique commune. Nous en arrivons donc à 350 millions.
La DPA et la DPI ne sont pas à mettre sur la même échelle puisqu'elles concernent respectivement 1 100 et 115 000 entreprises. La dépense fiscale est de 2 millions pour la DPA et de 305 millions pour la DPI. Vous avez souhaité renforcer la DPA ce qui permettra une meilleure couverture face aux aléas économiques.
Sur l'ONF, je tiens à éviter toute mauvaise interprétation sur le départ de mon directeur de cabinet. Nous nous connaissons depuis des années et nous avons toujours remarquablement bien travaillé ensemble, en véritables partenaires politiques. Une opportunité se présentait à lui et je m'en réjouis. N'ayez crainte, son successeur sera également excellent. L'audition de demain permettra à Pascal Viné d'exposer en détail sa vision et le projet qu'il a pour l'ONF.
En 2011, nous allons consacrer 19,7 millions pour la promotion internationale des produits et du modèle agro-alimentaire français. Nous consacrerons au maximum 15 millions à la délégation de service public de la Sopexa qui court jusqu'en 2012. Je crois au maintien d'un instrument spécifique pour soutenir les exportations des produits agro-alimentaire et je suis opposé à la fusion entre la Sopexa et Ubifrance, dont les relations se sont d'ailleurs améliorées. L'industrie agroalimentaire est un domaine à part entière : 400 000 emplois en dépendent et ce secteur compte pour beaucoup dans notre balance commerciale.
L'Union européenne accorde des crédits à la France pour soutenir ses exportations, or seuls 8 % sont consommés pour la promotion vers les pays tiers, comme la Chine ou l'Amérique du sud, tout le reste étant consacré aux pays européens, alors que ce sont les pays émergents qui connaissent la croissance la plus forte. Au Salon international de l'alimentation, j'ai constaté que les Italiens avaient réussi à imposer une seule marque italienne, identifiable partout dans le monde, avec des indications régionales. Pourquoi poursuivons-nous nos querelles de chapelle et ne sommes-nous capables d'avoir une marque France, clairement identifiable au Japon, en Inde, en Chine, au Canada ou au Brésil ? Il est temps d'y travailler ! Les filières professionnelles doivent se remettre en question. Ainsi, le travail engagé pour la viticulture doit se poursuivre. Nous produisons 47 millions d'hectolitres de vin chaque année, dont la moitié en AOC. Est-ce raisonnable ? Je suis persuadé du contraire.
Enfin, la question du coût du travail dans l'industrie agro-alimentaire est vitale. Nous avons fait des efforts pour le travail occasionnel. Nous devons nous pencher sur le travail permanent, et j'attends vos propositions. Nous devrons aussi poser un jour ou l'autre la question de l'harmonisation sociale européenne pour éviter des distorsions de concurrence insupportables pour nos agriculteurs. Est-il normal qu'il existe des contrats de service dans certains pays européens et pas dans d'autres ? Est-il normal que certains salariés dans les abattoirs allemands puissent être embauchés pour un travail pénible à 6 euros de l'heure alors que les nôtres le sont à 14 ou 15 euros ?
Je continuerai à me battre pour une harmonisation des règles européennes. On ne peut demander à nos éleveurs d'être compétitifs et de rogner un centime d'euro par kilo de carcasse tout en leur interdisant, en matière de transport, d'utiliser des 44 tonnes, comme en Allemagne : cela représente 10 centimes supplémentaire par kilo de carcasse ! De tels choix engagent la survie de la filière toute entière.
A marché unique, je souhaite des règles uniques.
J'en viens aux questions de Raymond Vall. L'hydraulique est un sujet majeur : le Conseil de modernisation des politiques publiques a mis fin en 2008 au financement de l'État pour tous les travaux hydrauliques agricoles, en dehors des ouvrages domaniaux et des concessions de l'État. Nous allons mettre en place divers programmes, notamment sur la question des tuyaux et des relais hydrauliques. Avec les collectivités territoriales et les agences de l'eau, nous devrons nous accorder sur le partage de ces financements.
On ne peut pas demander des efforts à l'État en matière de crédits de fonctionnement et parallèlement exonérer les chambres d'agriculture de toute réduction de leurs dépenses de fonctionnement. La baisse des subventions de l'État est progressive : 14,7 millions en 2010, 8 millions en 2011 et 3 millions en 2012. L'année prochaine, les chambres d'agriculture verront leur budget baisser de 6,7 millions, soit 1 % de leur budget total. Dans mon ministère, je réduis mes dépenses de fonctionnement de 5 %. Nous avons prévu une augmentation de 1,5 % de la taxe pour les chambres et il sera possible de prévoir des taux différenciés par département pouvant aller jusqu'à 3 %. Tout cela doit permettre d'opérer le transfert des missions des ADASEA aux chambres d'agriculture dans les meilleures conditions possibles.
Enfin, Joël Bourdin m'a interrogé sur le soutien à la filière bovine. Dans de nombreuses filières, de vraies réformes structurelles ont été mises en place. Ce fut le cas dans les secteurs laitier, des fruits et légumes, et pour la viticulture. Reste la filière de l'élevage, notamment bovin. Le revenu moyen des éleveurs de bovins, c'est 40 % du revenu moyen agricole, qui est lui-même inférieur de 15 % au revenu moyen des salariés français. Ces éleveurs sont donc dans une situation de grande détresse. Nous avons proposé des plans de développement et des aides immédiates. Mais les subventions n'ont jamais réglé les problèmes. Nous sommes donc convenus aujourd'hui même avec les représentants de la filière de mettre en place un plan d'urgence qui tient en trois points. Il est indispensable que tous les acteurs de la filière jouent le jeu, surtout dans le secteur de l'abattage, pour que les prix remontent rapidement. Si tel n'est pas le cas, aucune discussion ne sera possible car les éleveurs refuseront de se mettre autour de la table des négociations. J'ose espérer que les résultats se feront sentir rapidement, c'est la condition sine qua non. Deuxième point : l'interprofession va se réunir pour traiter d'un certain nombre de sujets qui n'ont jamais été examinés depuis des années. Or, cette réunion marque une avancée importante car cela faisait des mois que ses représentants ne se parlaient plus ! Ils doivent apprendre à renouer le dialogue : tous les acteurs ont pris l'engagement d'être là demain matin, en présence d'un médiateur.
J'ai proposé divers chantiers : la valorisation des carcasses en fonction de l'origine des bêtes. Il n'est pas normal que le prix directeur en matière d'élevage soit fixé par rapport à celui de la vache de réforme. Tous ceux qui font de la race à viande, Salers, Charolais, Blonde d'Aquitaine... se retrouvent systématiquement dévalorisés. L'échelonnage du produit doit donc être beaucoup plus strict car la force de la France, c'est la qualité.
Deuxième chantier : la question de l'évaluation des carcasses. Ce sujet est majeur, mais on ne dispose pas aujourd'hui d'instruments d'évaluation fiables aux yeux des éleveurs. Il n'est pas possible de valoriser les avants ou les arrières : on ne sait que peser l'ensemble de la carcasse. Il existe des machines pour faire cela, mais elles sont coûteuses. Elles auraient dû être installées depuis des années et elles ne le seront qu'en 2012. On ne va pas attendre jusque là ! J'ai demandé à l'interprofession de hâter les choses et si elle n'y parvient pas, je publierai un décret.
Troisième chantier : les contrats. On m'explique depuis des mois que cela ne se fait pas dans l'élevage mais les éleveurs sont sans ressources, ce qui prouve que le système actuel ne fonctionne pas. Je m'attends à des oppositions mais je dois garantir le revenu des éleveurs !
Enfin, j'ai demandé au président de l'Observatoire des prix et des marges de me remettre d'ici la fin de l'année un rapport sur les prix et les marges dans la filière de l'élevage bovin. Je n'arrive en effet pas à comprendre pourquoi une entrecôte à 17 euros dans la grande distribution n'est payée que 3 euros au producteur. Où passent les 14 euros manquants ?
Contrairement à ce que croient certaines bonnes âmes, l'agriculture est facilement délocalisable. Si on ne défend pas nos filières agricoles, elles partiront ailleurs. La viande viendra d'Amérique du sud, les fruits et légumes seront produits en Afrique du nord et notre agriculture disparaîtra. Il est indispensable de tout faire pour éviter la désespérance et les fermetures d'exploitations.
Pour ce qui est de l'ONF, seules une dizaine de maisons forestières sont en cours de vente alors qu'une centaine de cessions était prévue. Cela rapportera 2,5 millions au lieu des 10 millions espérés. Pascal Viné a donc du travail en perspective. (Sourires)
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. - Je suis tout à fait d'accord avec vous : l'Europe doit harmoniser les charges, les coûts et les méthodes de fonctionnement.
Vous annoncez des réductions d'effectifs dans votre ministère. C'est dans l'air du temps, mais ces réductions vont-elles frapper l'administration centrale ou vos services dans les départements ? Nous vivons actuellement le « mariage » entre les directions départementales de l'agriculture et les directions départementales de l'équipement, et cela ne se passe pas facilement - c'est un euphémisme ! Le monde agricole est souvent négligé. Quand allez-vous arrêter de réduire les effectifs ? Pouvons-nous espérer un coup de frein ?
Un programme de trois ans sur les biocarburants avait été lancé avec des aides fiscales. Or, il va prendre fin en 2011. Qu'en sera-t-il ensuite ?
Les crédits d'impôt pour favoriser les remplacements ne seraient pas prorogés. C'est bien dommage car on touche là aux conditions de vie des jeunes agriculteurs. Qu'en est-il précisément ?
La filière des fruits et légumes a connu en 2009 de grosses difficultés. Les choses se sont améliorées en 2010, mais la situation reste fragile. Pouvez-vous rassurer les acteurs de cette filière ?
Que pensez-vous de la proposition de la Cour des comptes qui suggérait en 2008 de remplacer le système de subvention des actions de développement des chambres d'agriculture, qui représente environ 40 millions, par une affectation directe du produit de la taxe sur le chiffre d'affaire des exploitations ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - La politique de réduction des effectifs dans la fonction publique s'arrêtera en 2012, si les Français le décident, ce qui est peu probable. Sinon, elle pourrait se prolonger.
Pour 2011, 650 emplois sont concernés : 450 emplois permanents et 200 contrats à durée déterminée. L'effort portera sur l'administration centrale et sur les autres services déconcentrés plutôt que sur l'enseignement agricole.
En 2011, dans l'enseignement agricole, le non-renouvellement des départs à la retraite n'atteindra que 25 % des postes contre 50 % dans le reste de la fonction publique, soit 120 emplois de fonctionnaires et 25 postes de contractuels.
Nous tiendrons les engagements pris sur les biocarburants. Le rôle des parlementaires sera essentiel. Nous ne reviendrons pas sur le choix fait en 2008 de maintenir pendant trois ans le même niveau de défiscalisation - mais pour 2012, rien n'est arrêté, or ce serait un coup très dur pour les biocarburants si l'on modifiait les montants actuels à savoir 14 euros par hectolitre pour l'éthanol et 8 euros pour le biogazole.
Je suis très attaché au crédit impôt remplacement qui permet aux agriculteurs de partir en vacances ; il coûte 10 millions d'euros par an pour 21 700 exploitations, soit 460 euros par exploitation, ce qui est raisonnable. A l'Assemblée nationale, un amendement de M. Michel Raison propose de maintenir ce crédit d'impôt. Nous ne souhaitons pas revenir sur cet engagement pris en 2006.
Quant à votre proposition concernant les chambres d'agriculture, je n'y suis pas favorable. Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et durable » assure un meilleur pilotage des recettes de la taxe, incluant une évaluation scientifique. Tenons-nous en au système actuel.
M. Alain Vasselle. - Reconduirez-vous les aides financières à ces agriculteurs dont les résultats sont dramatiques en 2010, pires qu'en 2009 ? Dans la production céréalière, le prix à la tonne est peut-être remonté à 200 euros, mais si le rendement a chuté de 8 à 5 tonnes l'hectare, la situation des exploitants reste catastrophique. Eh oui, certains céréaliers, dans l'Oise, ont un rendement de 6 tonnes à l'hectare, sur 50 hectares. Je sais qu'on s'intéresse plus aux producteurs de légumes ou aux éleveurs qu'aux céréaliers, considérés comme les nantis de l'agriculture ! Mais vous, Monsieur le ministre, vous devriez vous sentir plus proche d'eux, car vous en avez quelques-uns dans votre département.
Je vous avais adressé une lettre il y a quelques mois - restée sans réponse - pour vous interroger sur les mécanismes de régulation. Lors du vote de la loi de modernisation de l'économie, vous aviez annoncé des outils de régulation, des prix planchers et des mesures pour éviter le yo-yo. Où en sont les négociations européennes sur le sujet ?
La compétence de l'Observatoire des prix et des marges, s'agissant de l'élevage bovin, peut-elle s'étendre jusqu'aux ovins et aux productions agricoles ? L'écart entre le prix versé aux producteurs et le prix à l'étal est énorme. Lorsque le prix du pain se renchérissait, on invoquait le cours de la farine mais lorsqu'il a diminué, la baguette est restée au même prix.
Un mot enfin des dotations d'assurance, car les agriculteurs font l'avance de trésorerie. Quand l'année est bonne, ils peuvent le supporter mais lorsque leur revenu provient des subventions, non. Le montant de ma prime d'assurance a doublé cette année, mais, m'a-t-on dit, cela sera compensé par la subvention de l'État... versée au printemps prochain. J'ai été obligé d'aller au Crédit agricole demander une avance de trésorerie - avec des frais...
M. Bruno Le Maire, ministre. - Aucune filière ne suscite l'indifférence du ministre de l'agriculture, sachez-le - surtout d'un ministre qui est élu de l'Eure, où les terroirs calcaires du sud ont un faible rendement. Un comité de suivi des grandes cultures sera réuni en fin d'année, pour examiner le cas de chaque filière. Mais les statistiques sont sans appel : la situation est meilleure dans les grandes cultures que dans l'élevage.
Il existe à présent un consensus européen en faveur de la régulation, laquelle figure dans la position franco-allemande pour l'avenir de la PAC. Mais la conception française de la régulation est ambitieuse par rapport à ce que veulent la plupart de nos partenaires. Pour nous, filet de sécurité, stockages, interventions ne suffisent pas et il faut aussi faire de la prévention, en particulier élaborer des mécanismes d'alerte pour les flambées ou les effondrements de prix. C'est là-dessus que nous aurons à nous battre.
L'observatoire se penche sur toutes les productions, y compris céréales et ovins. Il met en oeuvre des outils statistiques élaborés mais certains travaux complexes n'ont jamais été conduits : impossible d'expliquer la formation du prix d'un steak. J'ai demandé à Philippe Chalmin de s'intéresser à l'élevage bovin, aux nombreuses ruptures de charge qu'il subit, à la valorisation avant et arrière. Lorsqu'elle part à l'abattoir, la vache de réforme est amortie depuis plusieurs années ; il en va différemment avec la race à viande.
Enfin, je comprends votre problème d'avance de trésorerie, mais il y a la réglementation européenne. Je puis vous indiquer au moins que le niveau de subvention va augmenter.
M. Roland Courteau. - La viticulture traverse une crise grave. Les producteurs français sont unanimement opposés à la disparition des droits de plantation : la vigne redescendrait des coteaux dans la plaine, ce serait la surproduction, la chute des prix assurée, la fin des efforts de qualité et il faudrait débloquer des moyens budgétaires considérables pour faire face à la surproduction. Il importe de réintroduire dans la réforme de la PAC le système des droits de plantation. Je connais votre position, celle de Mme Angela Merkel, celle du rapporteur Gérard César. Mais le Président de la République ? Il est essentiel que la France prenne la tête des pays favorables au maintien des instruments de régulation.
Les investissements matériels dans la viticulture relèvent soit du Fonds européen agricole de garantie (Feaga), soit du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Du fait d'une surconsommation en 2010, vous auriez, Monsieur le ministre, décidé de clore cette enveloppe. Il conviendrait de modifier la ligne de partage afin de sortir de l'OCM (Organisation commune des marchés) et de faire financer les investissements matériels par le Feader, à l'instar de ce qui a été fait pour l'irrigation. Pour cela, il faut une notification du ministre à la Commission européenne.
Mme Évelyne Didier. - Vous avez affiché le rétablissement de 150 postes d'enseignants en 2010, soit pour un trimestre, un équivalent temps plein de 50 postes. Or l'année scolaire se poursuit en 2011, mais je ne trouve aucun crédit correspondant dans votre budget. La filière d'enseignement technique agricole, pourtant de grande qualité, est menacée. Quel dommage. A force de réductions d'effectifs, on a commencé à attaquer le gras et, à un certain niveau, la filière risque de perdre sa cohérence.
M. Gérard Bailly. - La production de viande bovine est en déclin. Même la Franche-Comté a perdu 5.000 têtes ces dernières années. La commission départementale d'orientation agricole n'a pu répondre à toutes les demandes d'aides à la modernisation des bâtiments d'élevage, car elle accorde la priorité aux aides aux jeunes agriculteurs et à la mise aux normes. Pourtant, des subventions de modernisation de 30 à 40 %, cela donne de la compétitivité ! Il faut en faire une priorité.
L'ESB (encéphalopathie spongiforme bovine) existe-t-elle toujours ou a-t-elle été éradiquée ? L'élimination de la moelle épinière, de la cervelle, le désossement, ont-ils encore une raison d'être ? Car c'est une valorisation de la carcasse que l'on s'interdit.
Quant au prix payé aux producteurs, tant qu'il n'y aura pas d'obligations imposées aux grandes surfaces, rien ne changera. M. Michel-Edouard Leclerc disait ce matin sur une radio « qu'il n'en a rien à faire » et que seuls les consommateurs comptent...
Enfin, où en est la filière bois-énergie ?
M. Charles Revet. - Où en est la mise en place des constats communs sur les réserves de pêche, établis conjointement par les scientifiques et les pêcheurs ? Vous l'aviez annoncée lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Une date butoir a été prévue pour établir les schémas de zones d'aquaculture. Les préfets ont-ils commencé à travailler ?
Le général de Gaulle avait qualifié Fécamp de «port de mer et qui entend le rester ». Aujourd'hui, nous importons 80 % des produits consommés, alors que la France possède de très vastes zones de pêche, par exemple autour des Kerguelen ou au large de La Réunion, où les autres pêchent abondamment: comment y relancer l'activité ?
Dans la production agricole, il faut aller vers une harmonisation du niveau des coûts de production, notamment avec notre partenaire allemand. Et ne pas oublier que dans la production de porc ou de lait, ce qui contribue à la position concurrentielle des agriculteurs allemands par exemple, ce sont les revenus complémentaires qu'ils obtiennent avec les installations de méthanisation...
M. Gérard Le Cam. - Les charcutiers, les bouchers nous interrogent sur les matériaux à risque spécifié, sur le retrait des colonnes vertébrales. L'idée de réintroduire les farines animales dans l'alimentation des animaux court de temps en temps : qu'en est-il exactement ?
Compte tenu de l'évolution du prix de la viande de cheval et depuis la réforme des haras, les chevaux lourds, les chevaux de trait, disparaissent. C'est une perte...
L'interprofession de la filière bovine, qui comprend les producteurs, les importateurs, les équarisseurs, s'interrogent sur la concurrence que l'Amérique latine peut nous faire.
Mme Odette Herviaux. - La baisse importante des crédits de l'action 16 correspond à la fin du plan « pour une pêche durable et responsable », d'accord. Mais d'autres diminutions touchent par exemples des interventions socio-économiques - les crédits passent de 13,16 millions d'euros à 6,8 millions en 2010. Sur les contrats bleus, où en sont les paiements pour 2008 et 2009 ? Où en est-on de la création d'une interprofession de la pêche ? Quelles sont les perspectives économiques de la conchyliculture et quelles sont les pistes pour surmonter la crise aiguë de la surmortalité des naissains ? Avez-vous une stratégie nationale pour sauver la filière ?
Mme Jacqueline Panis. - Je rejoins les préoccupations d'Evelyne Didier sur l'enseignement agricole. Quant à l'élevage équin, les chevaux lourds doivent être subventionnés, car il est important de pérenniser ces races... Des emplois sont aussi en jeu !
M. François Patriat. - Comme ancien ministre de l'agriculture, je m'abstiens souvent dans le débat budgétaire. Mais je voudrais dire que j'adhère à la vision du ministre sur les contrats d'avenir. Le monde agricole a compris qu'il ne pouvait pas continuer à tabler sur des financements européens ou autres. Une partie de la profession souhaite des contrats - mais il faut qu'ils soient établis dans la transparence.
Oui à la Maison France mais je ne partage pas tout à fait votre avis, monsieur le ministre, sur les AOC. Pour soutenir le secteur viticole, il faut multiplier les crédits à l'exportation, aider toutes les entreprises, le gros négoce comme les caves particulières, à gagner des marchés à l'exportation, par exemple à Hong-Kong ou Singapour - comme le fait ma région.
Quel est votre avis, Monsieur le ministre, sur les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche ; et sur l'innovation, qui est la condition d'avenir de l'agriculture ?
M. Jean Boyer. - Quel est pour l'essentiel la situation de la France dans le monde actuellement ? Les soutiens sont des vitamines pour notre agriculture, mais l'élément de fond, ce sont les prix. Comment peuvent-ils évoluer ?
M. Jacques Muller. - On a réalisé 125 millions d'euros d'économies grâce à la non-reconduction de la mesure rotationnelle alors que cela encourage l'agriculture durable. La PAC ne reviendra sur cette question qu'à partir de 2013. Pourquoi dès lors supprimer l'éco-conditionnalité dans le budget 2011 ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je souscris à l'analyse de Roland Courteau et le Gouvernement français est opposé à la suppression des droits de plantation. Il y va de la survie des petits viticulteurs et du modèle français.
Si l'enveloppe des investissements a été clôturée en avril, c'est que les 180 millions d'euros étaient attribués. Les années passées, on avait observé une sous-consommation des crédits : nous avons décidé de fonctionner par appels à projets et nous avons reçu 400 millions d'euros de demandes ! Votre suggestion concernant le Feoga et le Feader est intéressante, nous attendons une réponse de la Commission européenne à ce sujet.
Je veux dire à Evelyne Didier que le moratoire 2010 ne vaut que pour l'année 2010-2011. Les suppressions d'emplois, cependant, ont été mesurées au plus près afin d'épargner au maximum l'enseignement agricole. Gérard Bailly, vous avez raison, la modernisation des bâtiments d'élevage est une question majeure, du reste le niveau des dotations - 29 millions d'euros - est intégralement maintenu. A cela s'ajoutent les 300 millions d'euros, sur trois ans, du plan de développement des filières, qui comporte notamment des aides au départ mais aussi des mesures de modernisation des bâtiments au nom du bien-être animal, qui sont un vrai souci pour beaucoup d'éleveurs.
Les obligations concernant la moelle épinière et la cervelle sont à l'étude, nous prendrons une décision dans le respect, bien sûr, de la sécurité sanitaire. Nombre de pays européens ont levé les interdictions et on nous interroge sur les raisons d'être plus strictes que nos voisins.
M. Gérard Bailly. - Y a-t-il eu des cas d'ESB l'an dernier ?
M. Gérard Le Cam. - Deux.
M. Bruno Le Maire, ministre. - A Charles Revet je veux dire que nous avons créé une nouvelle structure, dotée de 5 millions d'euros, où pêcheurs et scientifiques travaillent ensemble, si bien que les relations s'apaisent. Mais il y ensuite les choix politiques. Sur le thon rouge, par exemple, on sait qu'un quota de 13 500 tonnes en 2011 nous donne plus de 50 % de chances d'atteindre en 2022 le rendement maximum durable. A 6 000 tonnes, c'est 100 % de chances, mais alors, nous menaçons 500 emplois de pêcheurs artisanaux. Nous avons fait le choix de rester à 13 500 tonnes, sans toucher un seul emploi, c'est un arbitrage politique plus sérieux que certaines estimations techniques au doigt mouillé ! Nous avons commencé à travailler sur les schémas de l'aquaculture. Nous aurons des résultats avant la fin de l'année.
Sur la méthanisation, pratique courante en Allemagne, nous sommes très en retard et des crédits ont été débloqués - il y a là une source d'amélioration notable des revenus des éleveurs.
A Gérard Le Cam, j'indique que des propositions ont été formulées pour intégrer des farines animales à la nourriture porcine, uniquement. J'ai demandé à l'Agence nationale de sécurité sanitaire un avis très rigoureux et j'attends sa réponse avant de prendre une décision.
Il est une question politique essentielle, qui m'inquiète : il s'agit des négociations avec le Mercosur (marché commun comprenant le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay auxquels sont associés le Chili et la Bolivie) et l'OMC sur l'élevage bovin. La bataille est difficile, les pressions sur la Commission fortes. Nos interlocuteurs au plan mondial demandent que nous laissions entrer des quantités données de viande bovine, en contrepartie de compensations dans le secteur des services ou sur d'autres secteurs économiques. Nous n'avons pas, soit dit en passant, d'assurances sanitaires ni environnementale sur ces produits. Une vigilance absolue s'impose, afin que tous nos efforts pour soutenir nos producteurs, pour restructurer l'offre, valoriser les carcasses, ne soient pas réduits à néant.
En matière de pêche, les contrats bleus sont reconduits en 2011 au même niveau. Sur la conchyliculture, la mobilisation de tous est indispensable. On a constaté une mortalité de 75 % des huîtres dans certains bassins. Les coûts explosent et les prix ne peuvent pas monter indéfiniment. Nous avons fait venir de nouvelles souches du Japon, le résultat n'est pas concluant... Il faut continuer, si besoin est, en plus du soutien actuellement dispensé, je dégagerai les moyens nécessaires même si le budget ne les prévoit pas. La reconnaissance de calamité agricole a été prononcée pour 2010. J'en prends l'engagement pour ne pas laisser disparaître une filière à laquelle je suis particulièrement attaché.
L'innovation est essentielle, c'est pourquoi les crédits et les emplois sont maintenus. Je vous rejoins, François Patriat, dans vos propos sur la viticulture ; le développement repose sur la conquête de parts de marché, la valorisation des produits à l'exportation. Mais la moitié des vins sont en AOC, je crois que cela représente une difficulté. On a tort de ne pas miser davantage sur les cépages, les vins sans IGP (indication géographique protégée), la conjugaison des volumes et de la qualité, à prix stable. Les Chinois ont signé avec le groupe Castel un contrat sur 30 millions de bouteilles par an - c'est déjà énorme ; le prochain contrat, ont-ils prévenu, portera sur 60 millions. Si le producteur français ne peut pas suivre en garantissant prix, volumes et qualité sur cinq ans, ils iront chercher ailleurs. Pour un Bordeaux AOC à 9 euros produit sur une petite surface, le débouché est difficile à trouver...
Jean Boyer, la compétition agricole fait rage dans le monde. Il y a nos voisins, comme les Allemands. Il y a les pays d'Amérique du sud, en particulier le Brésil - nous savions qu'ils allaient être de rudes concurrents, mais pas si rapidement ! La compétition se noue autour du prix mais aussi du modèle économique, de l'utilisation des OGM, des rendements à l'hectare, des biotechnologies... Si nous arrêtons la recherche et négligeons l'innovation, nous sommes morts. Nous devons défendre notre modèle, mais celui-ci est totalement minoritaire. Seules l'Italie et en partie l'Espagne travaillent comme nous, avec des exploitations de taille moyenne au rendement équilibré, en agriculture durable, sur tout le territoire, avec des produits à forte valeur ajoutée. Tout le reste du monde ne jure que par les prix et les volumes. Nous devons donc être imaginatifs. Par exemple, si le prix directeur de la viande est celui de la vache de réforme, et que nous produisons de la qualité avec des races particulières, il faut nous adapter, sinon notre modèle agricole disparaîtra.
Les crédits pour l'agriculture durable, Jacques Muller, sont intégralement maintenus ; il y a des retards, qui seront rattrapés facilement.
Nous poursuivons l'effort en 2011 pour combler notre retard sur les biocarburants. Les soutiens à la filière équine diminuent mais je souhaite que cela n'affecte pas le cheval de trait.
M. Didier Guillaume. - Le loup ! Ce week-end encore un troupeau de chèvres a été éventré. Il y a quinze jours, c'étaient des brebis. Ce n'est plus acceptable. Les éleveurs ne veulent pas un dédommagement financier, mais l'éradication du prédateur ! On a tout essayé, les effarouchements ne lui font pas peur. Les agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) sont consternés, car ils sont démunis du matériel adéquat pour chasser le loup la nuit.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Vous connaissez ma position. J'en rediscuterai avec mon collègue de l'environnement. Mais un peu de bon sens ne ferait pas de mal...
Mercredi 10 novembre 2010
- Présidence commune de MM. Jean-Paul Emorine, président, et Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes -Réforme de la politique agricole commune - Examen du rapport d'information
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission examine, conjointement avec la commission des affaires européennes, le rapport du groupe de travail commun sur la réforme de la politique agricole commune.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Le groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune (PAC), commun à la commission des affaires européennes et à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, a effectué une série d'auditions et de déplacements, suivant parfois de quelques mois les déplacements du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, Bruno Le Maire, et pouvant apprécier le travail qu'il réalisait auprès de nos partenaires.
Le titre proposé pour le rapport est « Redonner un sens à la PAC ». Ce rapport est articulé autour de quelques points-clefs :
- La sécurité alimentaire doit rester l'un des fondements de la PAC. C'est un objectif élémentaire que l'Europe doit à ses concitoyens, tant sur le plan quantitatif que sanitaire et qualitatif. C'est aussi une précaution élémentaire que l'Europe doit au monde. Le choix de la dépendance alimentaire est à terme facteur d'exclusion, car l'Europe, riche, pourra toujours payer son alimentation sur les marchés mondiaux, excluant les pays les plus pauvres.
- L'agriculture a pour première mission de nourrir les hommes. L'activité agricole s'exerce dans un environnement qui est un « patrimoine commun » à la société et qui doit être préservé. Elle assure également de nombreuses fonctions utiles pour le territoire : services environnementaux, vitalité des territoires et autres « biens publics » - expression consacrée par le langage communautaire - qui méritent d'être soutenues et rémunérées.
- Pour reprendre les termes de la proposition commune franco-allemande du 14 septembre 2010, proposition centrale qui fait suite à l'appel de Paris de décembre 2009, à laquelle de nombreux autres Etats membres se rallient, il faut, pour l'Europe, une PAC forte, orientée vers le marché mais conservant des outils de régulation.
- La compétitivité de l'agriculture européenne, qui permet d'assurer la performance durable des différentes filières alimentaires, également mise en avant par l'accord précité, doit être appréciée à l'aune d'autres critères, sociaux et environnementaux. La PAC doit faire coexister une agriculture à forte valeur ajoutée, capable d'exporter, et une agriculture de proximité, essentielle aux territoires. L'agriculture française ne représente que 30 millions d'hectares sur 1,5 milliard d'hectares de surfaces cultivées dans le monde : malgré cela, la valeur ajoutée produite est forte.
- Une PAC rénovée doit être simple et claire. Pour être pleinement légitime, elle doit rechercher l'adhésion de la société civile, comme celle des agriculteurs. Une réforme de la PAC ne pourra se faire sans eux, ni, a fortiori, contre eux.
- La PAC pourrait être articulée autour de deux piliers : un pilier au service de l'agriculture et des agriculteurs et un pilier au service des territoires et de l'environnement.
- Il faut cesser de raisonner à partir d'un modèle unique de l'agriculture : il y a de la place pour plusieurs agricultures : l'une présente sur les marchés mondiaux, et l'autre, tout aussi importante, tournée vers la proximité.
- La France doit s'inscrire dans une stratégie d'alliance pour préparer la PAC d'après 2013. La position commune franco-allemande est un premier succès. L'association de la Pologne donnerait une grande envergure à cet accord, susceptible de recevoir l'adhésion de tous.
- L'agriculture française évolue dans un environnement mondial. La conclusion d'accords multilatéraux dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est actuellement bloquée. Mais le relais pourrait être pris par des accords bilatéraux, aux effets peut-être plus dangereux pour l'agriculture européenne. Par ailleurs, s'il est nécessaire de protéger notre agriculture, le principe de préférence communautaire est difficile à faire partager. Il est plus adapté de parler d'exigences de réciprocités avec les pays tiers : les mêmes contraintes mises par l'Europe à son activité agricole doivent être exigées de ces pays. Enfin, il ne faudrait pas que les agriculteurs subissent coup sur coup une réforme de la PAC puis une autre réforme résultant des accords de l'OMC.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. - Une approche commune à tous les membres du groupe de travail devrait pouvoir se dégager mais il sera possible aux membres des groupes politiques de présenter une contribution.
La France est la première puissance agricole de l'Union européenne. Deux tiers des 30 millions de surface agricole utilisée sont consacrés aux cultures céréalières et un tiers à l'élevage. Mais l'Europe ne représente qu'environ 10 % des surfaces agricoles mondiales, qui s'élèvent à 1,5 milliard d'hectares. Or, le Brésil dispose de 300 millions d'hectares de surface agricole possible, sans déforestation. Ce pays pourrait produire le double de la production agricole de l'Union européenne.
Dans la droite ligne du Grenelle de l'environnement, il y aurait un intérêt à développer la consommation de produits agricoles locaux.
D'autres déplacements du groupe de travail pourront avoir lieu dans les mois qui viennent, car le travail du groupe se poursuivra après la remise du rapport et il sera nécessaire de faire partager la vision de la France à nos partenaires européens. Enfin, j'ajoute qu'un débat en séance publique sur l'avenir de la politique agricole commune a été demandé dans le cadre de la semaine de contrôle du mois de janvier 2011.
Mme Odette Herviaux, co-présidente du groupe de travail. - Les auditions et les déplacements du groupe de travail ont été très instructifs.
Il sera difficile de mettre d'accord les 27 Etats membres sur la réforme de la PAC. En revanche, au niveau national, un certain consensus peut apparaître sur des enjeux fondamentaux. Il existe autour de l'accord franco-allemand, qui est une bonne base, même s'il pourrait aller plus loin. Nos partenaires européens apprécient qu'il existe un relatif consensus en France sur la PAC mais aussi que le Sénat soit en position d'écoute par rapport à leurs propres préoccupations.
S'il faudra attendre les propositions concrètes de la Commission européenne pour apprécier les contours de la future réforme de la PAC, il faut cependant noter que l'état d'esprit a changé en Europe par rapport aux années précédentes : les grands pays agricoles sont davantage écoutés et il est probable que la communication de la Commission ira dans le bon sens.
Notons enfin que le Parlement européen sera partie prenante dans la réforme de la PAC, à travers la codécision, et que ses prises de position exprimées jusqu'à présent sont positives.
Une contribution sera déposée par les membres du groupe de travail appartenant au groupe socialiste, tant pour mettre en évidence les convergences que les divergences, qui tiennent plus à la politique nationale qu'à l'approche de la PAC.
Mme Bernadette Bourzai, co-présidente du groupe de travail. - Le rapport devrait pouvoir faire l'objet d'un certain consensus, et la contribution du groupe est moins une critique du rapport qu'un complément, développant des points peu abordés dans le rapport et mettant en exergue quelques points de divergence avec l'analyse présentée.
La position d'écoute de la France, à travers les déplacements du groupe de travail, est particulièrement appréciée. Mais ceux-ci ont également permis d'exprimer les priorités de la France. Aux Pays-Bas notamment, un débat a pu avoir lieu avec les interlocuteurs du groupe de travail pour faire valoir les exigences françaises d'une préférence rénovée, que l'on peut aussi appeler « juste échange ».
Il faut replacer la réforme de la PAC dans une perspective historique marquée par la libéralisation des échanges depuis les années 1990, ainsi que la primauté des analyses néolibérales au niveau mondial, qui placent le marché au dessus de toute régulation. Les crises alimentaires de 2007 et 2008, avec 40 pays environ touchés par des émeutes de la faim, justifient pourtant que la PAC soit orientée prioritairement vers la sécurité alimentaire.
L'agriculture ne peut être considérée comme une banale activité économique. Il faut donc dépasser le statu quo actuel, intenable vis-à-vis de nos partenaires européens, inefficace et injuste. Le groupe socialiste soutient une réforme globale de la PAC par piliers ou blocs susceptibles de remplacer les piliers, permettant une plus grande lisibilité des aides, et la prise en compte de la dimension multifonctionnelle de l'agriculture dans nos sociétés, intégrant l'ensemble des services rendus par les agriculteurs à la collectivité, appelés « biens publics ». La PAC doit donc être encore plus respectueuse de l'environnement, même si l'écoconditionnalité a déjà conduit les agriculteurs à faire des efforts considérables dans ce domaine, basée sur la contractualisation d'engagements réciproques entre agriculteurs et pouvoirs publics. Il s'agit donc de remplacer la contrainte par un contrat et la confiance.
La nécessaire durabilité de l'agriculture, le principe de solidarité, l'attachement à l'équilibre des territoires et la défense d'un budget européen ambitieux constituent le fondement de la PAC. Sur le dernier point, les débats sont ouverts : on peut craindre une diminution si l'on s'en tient aux déclarations du Président de la commission européenne, José Manuel Barroso.
Il n'y a pas d'agriculture durable sans régulation des marchés au niveau européen mais aussi au niveau mondial. Un nouveau modèle de régulation de l'agriculture peut prendre appui sur l'objectif alimentaire. La réforme de la PAC doit en effet être intégrée dans une réflexion sur les échanges mondiaux. La relocalisation des productions, notamment de protéines aujourd'hui importées, est nécessaire.
M. Charles Revet. - Trois réflexions. En premier lieu, j'approuve les principales propositions de ce rapport. En deuxième lieu, les chiffres que vous avez indiqués montrent l'importance stratégique du défi agricole pour la France. Avec 1 % de la population mondiale, la France possède 2 % de la surface agricole utile dans le monde. En dernier lieu, je souhaite revenir sur les derniers propos d'Alain Lamassoure au cours de la réunion conjointe de nos commissions avec les eurodéputés français qui s'est tenue la semaine dernière. Selon lui, le fait que la France est désormais contributrice nette au budget européen et le sera de plus en plus pourrait inspirer une approche purement comptable de la réforme de la PAC chez certaines administrations. La tentation de renationaliser la PAC, ce qui reviendrait à la démanteler, ne serait pas loin.
Cette éventualité extrême n'est pas acceptable. Mais je m'interroge sur une PAC à deux niveaux : un niveau européen responsable des normes et des objectifs, un niveau territorial responsable des modalités d'application. Cette architecture pourrait éviter que des règles européennes ne se traduisent dans leur application par des effets pervers. Je pense par exemple aux excès de la production de maïs dans des régions qui ne s'y prêtent manifestement pas. Cela pourrait aussi nous dispenser de payer chaque année un chèque au Royaume-Uni, en contrepartie de son faible retour sur les crédits de la PAC, alors même que ce pays a fait le choix d'importer une grande partie des produits alimentaires dont il a besoin d'autres régions que l'Union européenne.
M. Roland Courteau. - Je souhaite évoquer le cas particulier de la viticulture. Des projets existent à Bruxelles pour intégrer l'Organisation commune de marché (OCM) vitivinicole dans l'OCM unique. Je crains que ce projet n'aboutisse en réalité à ne plus aussi bien prendre en compte les spécificités de cette filière atypique.
M. Bruno Retailleau. - La PAC refondée doit avoir un sens. Or, cela me semble impossible dans l'articulation actuelle des enjeux nationaux, européens et mondiaux. Au niveau national, nos agriculteurs sont soumis à une masse de réglementations et de contrôles tatillons. A l'inverse, l'Europe et l'OMC soufflent le vent du libre échange. Cette équation est intenable pour notre agriculture. Aucune concurrence loyale n'est possible. L'Union doit changer de mode de pensée et reprendre à son compte le principe fondateur de la préférence communautaire.
Sur les propositions du rapport, j'avoue que l'articulation proposée pour les deux piliers est très intéressantes. Un premier pilier centré sur l'activité de production et la compétitivité. Un second sur les territoires. Cette idée a-t-elle une chance de prospérer ?
M. Gérard Le Cam. - Notre approche est différente. Le coeur du problème est l'abandon de toute politique de régulation du marché. Les mécanismes garantissant un prix juste aux producteurs ont tous été démantelés. L'exemple du lait ne montre pas que la contractualisation pourra remplir ce rôle de régulation.
Je constate aussi que le rapport est silencieux sur la grande distribution. Inversement, je désapprouve la place laissée aux marchés à terme qui ne peuvent qu'accroître encore la volatilité.
Le dilemme du prix juste n'est pas levé. On reste dans une logique de prix bas et de primes.
A propos de la convergence des aides directes entre les Etats membres, ce processus doit être progressif au risque sinon d'aggraver les différences des coûts de production.
Enfin, je relève les réticences du rapport sur le volet environnemental de la PAC.
Ceci étant, le rapport comporte de nombreux points positifs et le groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche s'abstiendra.
M. Jacques Blanc. - Il faut rendre à la politique agricole et aux agriculteurs leur dignité. Certaines voix martèlent que la PAC coûte chère. Il faut combattre cette idée fausse. La PAC est la seule politique européenne intégrée. Les dépenses agricoles du budget européen représentent l'essentiel des dépenses agricoles européennes. Elles ne viennent pas en soutien de dépenses nationales à la différence par exemple de la politique européenne de la recherche. La PAC n'est pas chère au regard de l'enjeu stratégique que cela représente. La sécurité alimentaire est au moins aussi importante que la sécurité énergétique. Enfin, il ne peut y avoir de développement durable sans agriculture.
Quelques remarques. Je regrette que l'on ait renoncé à la préférence communautaire. Il faut faire avancer cette idée dans le débat mondial. L'idée de subsidiarité est aussi intéressante, mais elle ne doit pas ouvrir le chemin à une renationalisation rampante de la PAC. Enfin, un regret. Je n'ai pas trouvé le mot montagne dans votre rapport. Il ne faut pas oublier que c'est la prime à la vache qui a sauvé l'élevage dans nos régions et que cela a permis de stabiliser nos sols.
Je crois que cet excellent rapport n'est qu'une étape. Nous aurons à y revenir à mesure que les positions vont évoluer en Europe. Le débat de la PAC va durer pratiquement trois ans et il faudra nous mobiliser pendant toute cette période pour défendre notre vision.
Un autre enjeu connexe sera celui du développement rural, partagé entre le deuxième pilier de la PAC et la politique structurelle de l'Union. Le traité de Lisbonne est très novateur, puisqu'il reconnaît enfin la cohésion territoriale comme l'un des objectifs de l'Union.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Comme mon collègue Charles Revet, l'intervention d'Alain Lamassoure la semaine dernière m'a marqué. La proposition de renationaliser la PAC en échange de l'abandon du chèque britannique a été esquissée. C'est à la fois dangereux et inadmissible. Cette idée a-t-elle la moindre chance de prospérer ?
M. François Patriat. - Une des raisons pour lesquelles les précédentes réformes de la PAC n'ont pas été acceptées est probablement qu'une fois le Livre vert de la Commission européenne publié, les positions de celle-ci n'ont jamais évolué malgré les manifestations ou contre-propositions. J'approuve donc le choix de notre groupe de travail de formuler ses propositions avant que la Commission européenne ne présente les siennes.
Je crois aussi qu'un effort de pédagogie et de clarification de la PAC est indispensable. J'espère que ce rapport y contribuera, car le manque de pédagogie est à l'origine de nombreux malentendus.
Enfin, on constate que désormais toutes les filières sont désormais touchées par la volatilité des cours, ce qui montre bien la défaillance des mécanismes de régulation.
J'ai quelques interrogations cependant. Proposez-vous d'harmoniser les normes environnementales et sanitaires dans les Etats membres, la France ayant souvent tendance à en rajouter ? L'impact sur nos coûts est considérable, ce qui nous pénalise vis-à-vis de nos partenaires européens. De la même façon, ne faudrait-il pas harmoniser les dispositifs sanitaires en cas d'épizootie ? Des crises récentes ont montré que le manque de coordination pouvait tuer des filières ou échouer à éradiquer certaines maladies. Je terminerai en vous demandant s'il est envisagé de sortir les questions agricoles de l'OMC.
M. Bruno Sido. - Les équilibres mondiaux sont en train de changer. Les Etats-Unis réfléchissent à limiter leurs importations et exportations en fonction d'un pourcentage de leur production. Les échanges mondiaux de produits agricoles ne sont pas une finalité. Ils sont une soupape. Les exportations agressives en provenance de pays comme l'Australie ou la Nouvelle Zélande créent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent. A cet égard, il faut une réforme fondamentale de l'OMC en matière agricole pour changer de logique. L'agriculture est stratégique. Chaque pays doit avoir le droit de se nourrir.
Ceci étant, il faut aussi constater le conservatisme profond des professions agricoles dont je fais partie. La concurrence n'existe pas entre agriculteurs. Si je veux faire de la betterave à sucre dans le nord, je ne peux pas. Et le système national des références historiques, qui consiste à donner plus à ceux qui gagnaient déjà le plus, est scandaleux.
Je tiens aussi à souligner la complexité de la gestion administrative des exploitations. C'est désastreux pour nos agriculteurs.
Un dernier mot pour m'opposer à toute renationalisation de la PAC, car l'argent de la PAC ne retournerait pas aux agriculteurs européens, mais serait capté au profit d'autres politiques ou, plus probablement, au remboursement de la dette.
M. Jacques Muller. - Je salue l'orientation générale du rapport et je partage, une fois n'est pas coutume, les appréciations de mon collègue Bruno Sido.
Sur le rapport, un bémol toutefois. L'objectif de l'emploi n'y figure pas clairement, alors que le Parlement européen en fait l'un des principes de la future PAC.
En outre, je ne suis pas pour opposer les deux piliers. Le verdissement du premier pilier est souhaitable. Par exemple, la rotation des cultures n'est pas contradictoire avec une meilleure sécurité alimentaire et une agriculture compétitive. Cela améliore la qualité des sols et permet d'accroître la production européenne de protéagineux.
M. Daniel Dubois. - Dans le jeu mondial, la PAC est un atout déterminant si nous savons nous en servir, notamment si notre administration cesse de se livrer à un excès de zèle normatif.
Deux remarques. Je crois en effet que l'intervention doit être beaucoup plus rapide pour être efficace. A propos de la fiscalité, la proposition tendant à provisionner le risque prix dans la comptabilité des exploitations me semble aussi déterminante pour constituer une épargne de précaution. Cette proposition requiert-elle une action au niveau européen ?
M. Rémy Pointereau. - Le document de synthèse du rapport est très important. C'est ce document qui sera lu. Chaque mot compte.
Sur les aides directes, il convient de préciser qu'il s'agit d'une aide compensatrice et non d'une aide au revenu. Par ailleurs, il faut bien distinguer la convergence des aides directes entre Etats membres et au sein des Etats membres.
Sur la préférence communautaire, le rapport mériterait d'être plus offensif. Les Etats-Unis ont moins de scrupules.
Il faut aussi affirmer l'objectif de compétitivité des productions agricoles européennes face à une concurrence internationale de plus en plus dure. C'est vital. Enfin, je suis opposé aux deux derniers paragraphes du document de synthèse. La PAC ne doit pas se fondre dans une politique de l'environnement.
M. Paul Raoult. - Quelques évidences méritent d'être rappelées. L'agriculture reste fondamentalement dépendante des aléas climatiques. On ne maîtrise pas la nature.
Quant à la volatilité des prix, elle est devenue si forte que les agriculteurs ne savent plus quelle stratégie adoptée. Quand faut-il vendre sa récolte ? Avant même de l'avoir semée ? Faut-il stocker dans l'espoir de prix meilleurs ? C'est devenu impossible. Aucune entreprise industrielle ne résisterait à des variations de cours aussi brutales et erratiques.
Tout le monde parle de plus de régulation. Mais que met-on derrière ces mots après avoir passé vingt ans à démanteler tous les mécanismes existants ? Je ne suis pas sûr que l'Europe soit prête à mettre de l'argent dans le stockage.
Même l'état d'esprit des agriculteurs a changé. Ils se sont accoutumés au marché. Quand les cours sont très hauts, ils entendent mal les arguments en faveur d'une discipline de marché. Mais quand les prix chutent, on appelle l'État à la rescousse.
J'ajoute que la France a fait des choix et qu'elle en paie aujourd'hui les conséquences. Il y a dix ans, la France a clairement favorisé le secteur céréalier par rapport à l'élevage dans l'attribution des aides directes. Le résultat est que nos éleveurs sont beaucoup moins compétitifs que les éleveurs allemands, et ceci n'a rien d'étonnant. Il faut absolument harmoniser le partage des aides pour mettre un terme à ces distorsions de concurrence au sein du marché européen.
Je terminerai sur les OGM. La proposition de la Commission européenne de renationaliser cette politique serait une catastrophe.
M. Gérard César. - Au point E/ du document de synthèse, il est important de faire figurer les territoires avant l'environnement.
En matière d'assurance aléas climatiques, il faut souligner dans le rapport que l'Europe doit continuer à verser 100 millions d'euros, prélevés sur l'enveloppe de la France, pour soutenir ces outils. Comme filet de sécurité, c'est fondamental, sans tomber pour autant dans les excès de la PAC historique.
S'agissant du calendrier de la réforme, nous ne devons pas désarmer unilatéralement. Les agriculteurs ne veulent pas, comme cela s'est produit dans le passé, payer deux fois : une fois à l'occasion de la réforme de la PAC et une fois dans le cadre des accords OMC.
M. Gérard Bailly. - Dans mon département, je constate que beaucoup d'argent est engagé en faveur de la biodiversité ou de la conversion à l'agriculture biologique. Mais a-t-on des chiffres consolidés ? Dans le même temps, on manque de moyens pour soutenir des investissements de mise aux normes indispensables à nos exploitations.
Sur le document de synthèse, je partage les observations de mes collègues Gérard César et Rémy Pointereau.
M. Jean Bizet, président. - Je retiens deux mots très importants : « dignité » et « stratégique ». Je crois qu'il faut le redire dans le rapport.
Concernant la préférence communautaire, nos partenaires ont une autre approche. Un haut responsable du ministère allemand des affaires étrangères nous a clairement indiqué que « le Mercosur était un marché potentiel et que s'il fallait payer un prix pour avoir accès à ce marché, par exemple en ouvrant les marchés agricoles, l'Allemagne l'accepterait ». Le concept s'est érodé sur le plan juridique, mais garde sa pertinence sur le plan économique. Le concept de réciprocité permet de viser les mêmes objectifs, de répondre aux distorsions de concurrence, en étant plus acceptable.
Concernant la réforme de l'OMC, les décisions doivent être prises à l'unanimité. L'organe de règlement des différents est très utile. En revanche, la réglementation des mouvements commerciaux internationaux n'est plus pertinente. Même Pascal Lamy concède que des échanges agricoles pourraient se limiter aux échanges entre zones, sans que les produits fassent le tour du monde avant d'arriver dans nos assiettes.
Concernant les questions budgétaires, la France est devenue un Etat contributeur net important. Avec la montée en puissance de nouveaux Etats membres, les retours agricoles vont également diminuer et la France sera contributrice nette, y compris sur la PAC. Comme l'a évoqué M. Alain Lamassoure, il y aurait une tentation de renationalisation de la PAC, afin d'éviter cette contribution nette. Cela doit être combattu avec d'autant plus de force que cette renationalisation ne supprimerait en aucun cas la contribution nette car les dépenses seraient affectées à d'autres dépenses, dans lesquelles la France a des taux de retours encore moins bons.
Concernant la régulation, je rappellerai les propos de l'eurodéputé Michel Dantin qui indiquait que, sous l'influence de l'ancienne commissaire à l'agriculture, la DG Agri de la Commission européenne avait abandonné le concept. Il faut que les services se remettent au travail. La Commission doit se réapproprier le concept. Le professeur Philippe Chalmin a cependant précisé que le stockage européen dans un environnement mondialisé n'a, au mieux, pratiquement aucun effet, au pire, arrange nos concurrents qui peuvent exporter davantage à meilleur prix.
La régulation doit suivre de nouvelles voies, comme par exemple la contractualisation privée.
Les références historiques ont été dénoncées par beaucoup. Il est acquis qu'elles doivent être abandonnées. En revanche, les spécificités sectorielles doivent être conservées. L'OCM vitivinicole ne doit pas être fondue dans l'OCM unique.
M. Jean-Paul Emorine, président. - La préférence communautaire reste un concept privilégié dans le monde agricole. On peut toujours se faire plaisir, répéter les mêmes idées, il faut admettre que la notion est obsolète et ne recueille l'adhésion d'aucun de nos partenaires. Certains ont même eu des mots très sévères sur cette notion laissant entendre qu'il n'y a aucune chance de voir ce concept aboutir. Il faut aller vers des concepts plus acceptables comme celui de réciprocité. La concurrence agricole va s'aiguiser. Certains grands pays agricoles disposent de réserves et de potentiels considérables.
Le deuxième pilier, tel qu'il est conçu par le groupe de travail doit mettre au premier plan les territoires, avant l'environnement. Dans cette action au profit des territoires, il va de soi que les outils dédiés à la montagne ont une place très importante. Comme le suggère notre collègue François Patriat, l'importance de la sécurité sanitaire doit être rappelée. L'action préventive est évidemment essentielle.
Mme Odette Herviaux, co-présidente du groupe de travail. - Il ne faut pas confondre subsidiarité et régionalisation. La subsidiarité laisse le choix aux Etats membres d'organiser la distribution des aides au niveau national ou au niveau régional, de façon déconcentrée ou décentralisée.
M. Daniel Raoul. - L'accord sur ce travail qui concerne la réforme de la PAC n'empêche pas d'avoir des divergences sur la politique nationale de l'agriculture.
Les deux commissions adoptent à l'unanimité, le groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche s'abstenant, la publication du rapport d'information.
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -
Nomination d'un rapporteur
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission désigne le rapporteur sur la proposition de loi n° 676 (2009-2010) relative aux télécommunications.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je vous propose de nommer M. Pierre Hérisson rapporteur de la proposition de loi relative aux télécommunications, proposition de loi déposée par le groupe RDSE.
Il en est ainsi décidé.
Loi de finances pour 2011 - Mission Economie et compte spécial Gestion et valorisation des ressources tirées du spectre hertzien - Examen du rapport pour avis
Ensuite, la commission examine le rapport pour avis de MM. Pierre Hérisson, Gérard Cornu et Mme Odette Terrade sur les crédits de la mission Economie du projet de loi de finances pour 2011, ainsi que celui de M. Pierre Hérisson sur les crédits de la mission de compte spécial Gestion et valorisation des ressources tirées du spectre hertzien.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. - Nous sommes trois rapporteurs sur cette mission « Economie ».
Le total des autorisations d'engagement (AE) de la mission passe de 1 950 à 2 060 millions. Cette hausse apparente de 5 % est cependant l'effet d'une modification du périmètre de la mission, car un changement dans le mode de facturation des prestations réalisées par la Banque de France pour le compte de l'Etat conduit à doubler les dépenses de fonctionnement du programme 305 et à augmenter fortement celles du programme 220. À périmètre constant, les AE de la mission s'établissent en réalité à 1 897 millions, en baisse de près de 3 %.
L'évolution des crédits de la mission s'explique par la poursuite de l'effort de maîtrise des dépenses de personnel, dont le plafond baisse de 1,6 %.
Mais c'est surtout au niveau des dépenses d'intervention que la rigueur budgétaire est manifeste. Le projet de loi de finances prévoit de les ramener à 455 millions, soit une baisse de 7,5 %. L'essentiel de l'effort de maîtrise se concentre sur les dépenses d'intervention du programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi ». Trois actions sont particulièrement affectées : dans l'action n° 2, « Actions en faveur des PME, du commerce, de l'artisanat et des services et des professions libérales », les dépenses de fonctionnement baissent de 15,3 % et les dépenses d'intervention de 19 %.
J'en viens à la dotation du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), dont nous défendions toujours les crédits. Or, au fil du temps, même s'ils diminuaient, ils n'étaient malheureusement pas tous consommés. Le projet initial prévoyait d'amputer le budget du FISAC de 35 millions, soit une baisse de 45 %, après un recul de 20 millions dans la loi de finances initiale pour 2010. Je me réjouis que les députés aient adopté cette nuit un amendement qui rajoute 21 millions et rétablit ainsi le FISAC à son niveau de 2010. En contrepartie, les crédits du programme 305 « Stratégie économique et fiscale » ont été réduits du même montant.
Dans l'action n° 3, « Actions en faveur des entreprises industrielles », à périmètre constant, les dépenses de fonctionnement baissent de 12 % et les dépenses d'intervention de 24 %, soit 27 millions de moins.
Dans les actions n° 16 et 17, « Régulation concurrentielle des marchés et protection économique du consommateur », mises en oeuvre par la DGCCRF, les crédits reculent respectivement de 6 % et de 13 %.
Ubifrance et Oseo sont épargnés, ce qui indique clairement les deux priorités de l'action gouvernementale : le soutien à l'export et l'accès des PME au financement. Ubifrance reçoit ainsi les fonds nécessaires à la poursuite de sa réorganisation, avec une augmentation de 11,3 % pour l'action « Développement international de la compétitivité des territoires », tandis qu'Oseo reçoit une contribution exceptionnelle de 22 millions pour financer les dispositifs de garantie à destination des PME.
Les dépenses fiscales associées à la mission sont importantes : on en compte 91, qui pourraient entraîner une perte de recettes de 9,2 milliards pour 2011, soit 4,5 fois les crédits de la mission.
L'effort de rigueur concerne aussi diverses niches : l'article 4 du projet de loi de finances propose la suppression du crédit d'impôt sur certains revenus distribués des sociétés, dont le coût pourrait atteindre 645 millions en 2011. L'article 14 propose de réformer la réduction d'impôt sur la fortune (ISF) en faveur de l'investissement dans les PME afin de cibler les entreprises rencontrant des difficultés de financement.
J'ai souhaité approfondir le sujet de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), chargée de trois missions : la lutte contre les ententes et abus de position dominante, la protection et la sécurité des consommateurs et le contrôle des relations commerciales. Ces missions recouvrent d'ailleurs les actions 16, 17 et 18 du programme 134, « Développement des entreprises et de l'emploi ». Cette administration est la mieux à même d'établir la confiance nécessaire à la régulation concurrentielle des marchés et à la politique de la consommation, piliers majeurs de la politique économique du Gouvernement.
La période récente a été marquée par des réformes importantes. La loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008 a fixé une nouvelle répartition des compétences entre la DGCCRF et la nouvelle Autorité de la concurrence (ADLC) en matière de contrôle des concentrations et de respect du droit de la concurrence. Elle a notamment transféré à l'Autorité de la concurrence le contrôle des concentrations, qui jusque là relevait de la DGCCRF, mais a conservé au ministre de l'économie le pouvoir de basculer en phase II de la procédure de contrôle, c'est-à-dire d'évoquer l'affaire et de statuer en fonction de motifs d'intérêt général. Enfin, la DGCCRF conserve la surveillance des marchés locaux par le biais des brigades interrégionales d'enquête de concurrence (BIEC), qui fonctionnent très bien.
La DGCCRF évalue désormais les pratiques commerciales au regard de la notion nouvelle de « déséquilibre significatif ». Une question prioritaire de constitutionnalité a été transmise au Conseil constitutionnel sur cette notion, et nous serons attentifs à la décision rendue.
La DGCCRF a dû composer avec la vaste réorganisation du mouvement consumériste, lancée par les Assises de la consommation du 26 octobre 2009. La loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a largement modifié le cadre juridique applicable, notamment en réunissant les services de la commission de la sécurité des consommateurs, ceux de la commission des clauses abusives et ceux de l'Institut national de la consommation (INC).
Face à ces différentes évolutions, quels sont les moyens ? Conformément aux directives gouvernementales, les moyens de la DGCCRF ont été réduits : avec 230 millions, les crédits sont en baisse d'environ 13 millions. L'action 18, relative à la sécurité du consommateur, est la seule action à voir progresser de près de 10 % ses autorisations d'engagement.
Cette diminution a été largement compensée par une très grande adaptabilité des personnels, spécialistes dotés d'une forte expertise, tant en administration centrale que dans les services régionaux. La mise en place, le 18 juin 2009, de la Brigade de contrôle de la LME, chargée du recueil des informations, a montré la réactivité de cette administration, dont les effectifs sont passés de 80 à 120 agents.
Enfin, la DGCCRF a su mener avec succès une profonde réorganisation de ses services sur l'ensemble du territoire. Un décret du 10 novembre 2009 a créé les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), qui regroupent les services régionaux communs au ministère chargé de l'économie et au ministère chargé du travail et des relations sociales. Un deuxième décret du 3 décembre 2009 a créé les directions départementales interministérielles (DDI). Le niveau régional est chargé du respect de la concurrence et des relations entre entreprises, le niveau départemental des relations entre le consommateur et l'entreprise. La coordination est assurée par le niveau régional, niveau de droit commun du pilotage des politiques de l'Etat. Le projet de loi de finances met l'accent, en termes de moyens, sur la sécurité des produits, qui constitue l'une de ses missions essentielles.
M. Daniel Raoul. - Un point me chiffonne, celui de l'accompagnement des PME dont les crédits vont fortement baisser. Alors que la compétitivité de notre économie dépend de nos PME, on réduit les aides : c'est regrettable.
Certes, les crédits du FISAC sont rarement intégralement consommés. Il était donc tentant de réduire la dotation. Mais seul un dossier sur trois ou quatre est retenu et les critères d'éligibilité sont extrêmement complexes. C'est dommage, car cela pénalise les circuits courts, les services à la personne, les commerces de proximité.
J'en viens à l'Observatoire de la formation des prix et des marges alimentaires : quels sont les moyens qui lui sont affectés ?
En ce qui concerne la DGCCRF, vous avez parlé d'adaptabilité des personnels : j'ai plutôt entendu dire qu'ils étaient sous pression et qu'ils n'arrivaient pas à faire face à toutes leurs tâches.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je vous rappelle que nous avons auditionné M. Philippe Chalmin, président de l'Observatoire de la formation des prix et marges alimentaires.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. - Nous avons toujours dénoncé la réduction des crédits du FISAC et surtout le temps que prenait l'étude des dossiers. Mais cette régulation est nécessaire car il ne faudrait pas que les interventions de ce fonds provoquent des disparités de concurrence entre les PME. L'administration régionale suit très bien les dossiers. Et je me réjouis que l'Assemblée nationale ait augmenté hier soir les crédits du fonds.
Seuls Ubifrance et Oseo n'ont pas eu à subir de coupes budgétaires. Or, Oseo aide les PME en difficulté. C'est bien la priorité du Gouvernement.
M. Daniel Raoul. - Oseo favorise aussi l'innovation.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. - Certes mais ce n'est pas ici le débat.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis. - L'an dernier j'avais choisi de m'intéresser, au sein de la mission « Economie », au programme « Statistiques et études économiques », en raison de l'actualité de la délocalisation à Metz de l'INSEE. Mais cette année, plus d'un an après le vote de la loi du 22 juillet 2009 sur le développement et la modernisation des services touristiques, j'ai décidé de mettre l'accent sur le programme « Tourisme ». Comme de coutume, j'ai procédé à un certain nombre d'auditions, notamment les responsables du syndicat national des agences de voyage, du centre des monuments nationaux, de l'agence nationale des chèques-vacances et d'Atout France.
En dépit de la crise, le tourisme confirme qu'il est un secteur majeur de l'économie nationale. Les comptes du tourisme sont en cours de révision méthodologique et nous n'aurons pas avant la fin de l'année de bilan de la part du tourisme dans le PIB ; pour la dernière année connue, 2007, celle-ci s'élevait à 6,2 %.
D'autres chiffres-clefs éclairent l'importance du tourisme. Les recettes touristiques ont été de 35,4 milliards en 2009. Bien qu'en baisse de 7,9 % sur un an, elles dégagent un solde positif de 7,8 milliards, qui fait du tourisme le premier poste excédentaire de la balance des paiements. Les entreprises du secteur sont près de 210 000 et emploient 844 000 salariés au 31 décembre 2009, chiffre en hausse de 0,8 % par rapport à 2008.
La fréquentation touristique a connu un infléchissement mais avec 76,8 millions d'entrées en 2009, la France demeure la première destination touristique mondiale, devant l'Espagne, l'Italie et les Etats-Unis. Toutefois, notre pays n'est que troisième en terme de recettes du tourisme international, car sa position géographique en fait un pays de transit pour de nombreux touristes, qui vont séjourner plus longuement dans l'un des pays limitrophes.
Le tourisme bénéficie d'un phénomène de chassé-croisé : en période de crise économique, les touristes étrangers viennent moins nombreux, mais les touristes français restent davantage en France. En période de meilleure conjoncture, c'est l'inverse. Ces flux ont un effet stabilisateur. En 2009, le taux de départ des Français s'est élevé à 77,9 %, ce qui signifie aussi qu'un Français sur quatre n'est pas parti en vacances. Le taux de départ à l'étranger ou outre-mer est de 23,9 %.
L'importance du tourisme dans l'économie française contraste avec la modicité des crédits qui lui sont consacrés. Le programme « Tourisme » est le deuxième plus petit programme. Pour 2011, sa dotation diminue fortement. Les autorisations d'engagement passent de 58 à 52,5 millions, soit une baisse de 9,6 %. Les crédits de paiement baissent du même taux. Cette diminution s'explique, en partie, par un transfert de 795 000 euros de crédits de fonctionnement du réseau déconcentré en charge du tourisme vers le programme « Développement des entreprises et de l'emploi », afin de regrouper dans un seul programme les moyens des nouvelles DIRECCTE. Elle s'explique également par la baisse de 4,7 millions de la dotation prévue pour les expositions internationales, avec la fin de celle de Shangai, où le pavillon français a été le plus visité.
Au-delà de ces effets de structure ou ponctuels, la diminution des crédits est d'autant plus préoccupante qu'elle est amenée à se poursuivre. En effet, la programmation pluriannuelle des finances publiques fait apparaître pour le programme « Tourisme » des dotations en baisse à 46,3 millions en crédits de paiement pour 2012, puis à 45,3 millions pour 2013, soit une réduction de 18,9 % en trois ans.
Toutefois, le soutien de l'Etat à la politique du tourisme ne se limite pas aux seuls crédits du ministère en charge du tourisme. Sans être exhaustif, le total des crédits consacrés par huit ministères au soutien de l'activité touristique pour 2009 s'élève à 355,5 millions. Près des deux tiers sont constitués par la dotation touristique intégrée à la dotation globale de fonctionnement (DGF). Cette dotation, qui était de 213,6 millions en 2009, n'est plus versée en tant que telle aux anciennes communes bénéficiaires, mais continue d'être identifiée au sein de la DGF.
Les crédits du programme « Tourisme » sont répartis en trois actions d'importance très inégales. Un montant de 39,9 millions en crédits de paiement, soit 75,9 % du total du programme, est affecté à l'action n° 1 « promotion de l'image de la France ». Elle correspond pour l'essentiel à la subvention à l'opérateur public Atout France, qui s'élève à 34 millions. Un montant de 7,6 millions en crédits de paiement, soit 17,8 % du total du programme, est affecté à l'action n° 2 « Economie du tourisme et développement de l'activité touristique ». Cette action s'organise autour de quatre axes : la connaissance et l'analyse des besoins du secteur touristique ; la réglementation ; le soutien aux filières et aux métiers pour l'amélioration de la qualité ; le renforcement de l'attractivité des territoires, dans le cadre des contrats de projet Etat-région pour 2007-2013. Enfin, 2,9 millions de crédits de paiement, soit 6,2 % du total du programme, sont affectés à l'action n° 3 « politique favorisant l'accès aux vacances », qui vise notamment les personnes handicapées.
Les crédits du programme « Tourisme » apparaissent donc bien modestes au regard de l'importance économique du secteur. J'en ai fait la remarque à Mme Christine Lagarde lors de son audition le 27 octobre. Celle-ci m'a fait part de sa volonté de recentrer les moyens disponibles sur Atout France. Effectivement, l'action de l'Etat est relayée par certains établissements autonomes, qui jouent un rôle de levier efficace. Atout France est un groupement d'intérêt économique résultant de la fusion en 2009 de Maison de la France, chargée de la promotion de l'image de la France à l'étranger, et d'Odit France, chargé de l'ingénierie touristique. Atout France intervient sur un marché international du tourisme dynamique, puisqu'il progresse de 4,5 % à 5 % par an, mais très concurrentiel. Cet opérateur, qui dispose de 32 bureaux à l'étranger, doit réussir à prendre pied sur les marchés émergents, tout en conservant la part de la France dans les marchés matures.
Le budget d'Atout France fait largement recours au partenariat. Sur un total de 81,2 millions pour 2010, les ressources propres devraient s'élever à 42,8 millions et celles issues du partenariat à 38,4 millions. Cet effet multiplicateur est intéressant mais il ne saurait justifier un désengagement de l'Etat.
La loi du 22 juillet 2009 a étendu les missions régaliennes d'Atout France, en lui confiant le classement des hébergements touristiques, l'immatriculation des agents de voyages et le référentiel des offices de tourisme. Or, aucun crédit supplémentaire n'a été accordé au titre de ces nouvelles missions, qui occupent 12 emplois.
Un autre établissement relayant l'action de l'Etat est le centre des monuments nationaux. Le CMN est placé sous la tutelle du ministère de la culture, mais le ministère chargé du tourisme siège à son conseil d'administration. Son rôle est fondamental pour un pays dont l'attractivité repose largement sur le patrimoine monumental. Le centre conserve, restaure et ouvre à la visite près de 100 monuments nationaux propriétés de l'Etat. Avec 8,8 millions de visiteurs par an, dont 55 % d'étrangers, il est le premier opérateur touristique public français. Il s'autofinance aux deux-tiers avec les droits d'entrée, les activités commerciales et l'édition, ainsi que par le mécénat.
La fréquentation touristique des monuments gérés par le CMN est très disparate : dix monuments concentrent 70 % des visiteurs. Il en résulte une forte péréquation, puisque seuls six monuments sont bénéficiaires et financent tous les autres. L'unité du réseau du CMN permet ainsi de maintenir ouverts à la visite des monuments moins connus, disséminés sur l'ensemble du territoire. Il va de soi qu'une relance de la politique de transfert des monuments nationaux aux collectivités territoriales doit demeurer compatible avec cet effet de péréquation. La prochaine proposition de loi de notre collègue Françoise Férat sur ce sujet comportera des garanties en ce sens.
Enfin, un troisième levier de l'action de l'Etat est l'Agence nationale du chèque-vacances (ANCV). Cet établissement public à caractère industriel et commercial, créé en 1982, est chargé de l'émission et du remboursement des chèques-vacances, et de leur commercialisation. L'ANCV ne reçoit aucune subvention, mais se finance en prélevant une commission de 1 %. Elle dégage des excédents de gestion qui lui permettent de contribuer à la rénovation du patrimoine du tourisme social et d'accompagner les actions de solidarité des associations.
Le poids des chèques-vacances a été multiplié par deux en dix ans, pour atteindre 1,3 milliard en 2009. Ce montant génèrerait environ 5 milliards de dépenses touristiques induites. En 2009, les chèques-vacances ont bénéficié à 3,3 millions de salariés, 60 % des comités d'entreprise ayant mis en place le dispositif. La loi du 22 juillet 2009 a étendu le dispositif des chèques-vacances aux entreprises de moins de 50 salariés. Ce sont ainsi 5,8 millions de salariés, employés dans un million d'entreprises, qui entrent dans le champ potentiel du chèque-vacances. L'ANCV a signé au mois de juin dernier les conventions nécessaires avec les prestataires qui seront chargés de la diffusion effective du chèque-vacances dans les PME. Mais au 31 décembre 2009, on comptait seulement 41 000 salariés porteurs de chèques-vacances dans les entreprises de moins de 50 salariés. A ce rythme, l'objectif de 500 000 bénéficiaires additionnels en deux ans semble difficile à atteindre.
En conclusion, j'estime que le dynamisme des établissements intervenant pour le compte de l'Etat dans le secteur du tourisme ne saurait suppléer le désengagement financier de celui-ci. La réduction sensible des crédits du programme « Tourisme », qui étaient déjà très modestes, est sans commune mesure avec l'importance du tourisme pour l'économie nationale. Selon la formule consacrée, je vous appellerai à voter ces crédits. A titre personnel, je m'abstiendrai.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Il faut reconnaître que 2009 a été une année difficile.
M. Gérard Bailly. - L'ANCV a mis en difficulté un certain nombre de structures du tourisme social en bloquant des années durant divers dossiers. Ce problème est-il résolu ?
L'Etat accompagne-t-il les investissements touristiques des collectivités locales ? Dispose-t-on de chiffres précis pour les sentiers de randonnée, par exemple ?
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis. - Les données se trouvent dans les documents budgétaires.
Pour ce qui est des dossiers bloqués par l'ANCV, je ne puis vous répondre. Il faudra interroger son président.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. - En ce qui concerne le CMN, seuls six monuments sont bénéficiaires. Pourquoi ne pas les citer dans le rapport ?
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis. - C'est d'autant plus intéressant comme idée que les 100 monuments nationaux sont répartis sur tout le territoire national.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. - Il faudrait prévoir un contrôle annuel d'Atout France et de l'ANCV pour suivre l'efficacité de ces organismes. Nous devons en effet éviter des dérives comme celles que nous avons connues avec Maison de la France. Une évaluation permanente de l'efficacité de la politique menée est nécessaire, alors qu'il s'agit exclusivement d'activités économiques.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous allons vous laisser la parole pour nous présenter votre rapport.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. - Comme l'année dernière, je souhaite aborder, à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Economie » du projet de loi de finances, le thème relatif aux postes et communications électroniques.
Cette année s'avère capitale pour le groupe La Poste, marqué à la fois par son changement de statut et sa prochaine augmentation de capital. Vous vous souvenez sans doute des deux semaines d'examen de la loi du 9 février 2010.
Tout d'abord, qu'en est-il de La Poste et de sa situation économique et financière à la fin d'une année charnière ? Le groupe se trouve aujourd'hui, du fait de l'ouverture à la concurrence, confronté à un marché postal en diminution. Le secteur du courrier a perdu 5,3 % d'activité en volume en 2009 et un recul de 30 % est envisageable d'ici 2015. Si le marché se rétrécit, l'offre, elle, augmente, avec l'intensification de la concurrence européenne. Au 31 décembre, le marché du courrier sera entièrement libéralisé et des groupes aussi puissants que DHL, TNT ou Royal Mail pourront venir se mesurer à La Poste sur les segments de son activité les plus rentables.
Face à ces contraintes croissantes, La Poste s'est modernisée, mais cumule encore d'importants retards structurels : son réseau de 17 000 points de vente est dense, et nous avions tenu à l'inscrire dans la loi. Nous sommes le seul pays européen à l'avoir fait. Mais ce réseau est également coûteux, et ses coûts n'ont encore pas été suffisamment optimisés. En 2002, nous comptions 950 agences postales communales et 450 relais-poste chez les commerçants et, en 2010, 4 650 agences postales communales et 1 850 relais-poste. Le processus va se poursuivre, même s'il se ralentit.
Le process industriel s'est modernisé, avec le programme « Cap qualité courrier », lancé en 2005. Mais ses objectifs ne seront pas atteints d'ici son terme, au 31 décembre prochain. La Cour des comptes regrette que ce délai n'ait pas été respecté « pour reconfigurer plus fortement cette organisation industrielle sans doute surdimensionnée ».
L'endettement du groupe se monte à 5,5 milliards : il est trop important dans la stratégie d'investissement. Le financement des missions de service public demeure largement ouvert à débat.
La loi du 9 février 2010 a prévu un fonds de compensation du service universel alimenté par l'ensemble des opérateurs concurrents, pour prendre le relais du « secteur réservé » comme moyen de financement au 1er janvier prochain. Mais la Cour des comptes, y voit soit « une hypothèse d'école », soit une « solution très délicate » quant à la fixation de ses paramètres, et appelle à revoir une « compensation appropriée ». Le législateur sera donc amené à revenir sur le sujet en 2013 lors de la clause de revoyure.
Le financement du service public du transport et de la distribution de la presse est lié au bon respect de l'accord tripartite - dit « accord Schwartz » - signé en 2008 entre l'Etat, La Poste et les professionnels du secteur de la presse.
La mission d'accessibilité bancaire est financée en grande partie par une compensation étatique, dont le montant va décroître d'un quart d'ici 2014, rendant indispensable d'importants gains de productivité de la Banque Postale, qui est déjà sur le marché concurrentiel, et qui envisage de se rapprocher d'une banque de collectivités locales.
Enfin, la mission d'aménagement du territoire, financée par un abattement sur les bases d'imposition locales, paraît insuffisante. Aussi, nous avons voulu confier à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), dans la loi du 9 février 2010, le soin de déterminer le coût de cette mission et de fixer en conséquence le taux de l'abattement. Cependant, le décret encadrant ce mécanisme tarde à être publié. La ministre de l'économie nous a rassurés en nous promettant qu'il le serait d'ici la fin de l'année. Bonne nouvelle sur le sujet : alors que, selon l'ancien calcul de 85 % d'abattement de la taxe professionnelle, le total s'élevait à 135 millions, l'application de la loi de 2010 pourrait porter ce montant à 170 millions.
Toutes ces difficultés pourraient paraître inquiétantes. Mais La Poste, qui a un projet de développement, a les moyens de les surmonter, et s'est résolument engagée en ce sens. Ses résultats 2009 sont très encourageants. Dans une conjoncture extrêmement difficile, La Poste a limité au minimum le recul de son chiffre d'affaires. Elle a amélioré sa qualité de service et nettement progressé dans ses infrastructures commerciales et dans l'accueil de sa clientèle. Le changement de statut du groupe, qui transforme la personne morale de droit public La Poste en société anonyme, dont le capital est détenu par l'Etat ou par d'autres personnes morales publiques, va lui permettre de se recapitaliser à hauteur de 2,7 milliards dont 1,5 pour la Caisse des dépôts et consignations (CDC), et 1,2 milliard pour l'Etat, qui a d'ailleurs provisionné 300 millions dans la loi de finances pour 2011. La libération des fonds devrait être étalée jusqu'en 2012. Elle est basée sur une valorisation du groupe à hauteur de 3 milliards, qui donnera à la CDC 26,3 % des droits du capital, et pourrait être réévaluée à 5 milliards si La Poste tient ou dépasse ses objectifs. Cette augmentation de capital devrait servir à réduire la dette du groupe de 800 millions à l'horizon 2015 et à participer au financement des investissements pour 8,7 milliards dans chacune de ses activités.
Pour toutes ces raisons, nous pouvons croire en l'avenir de La Poste. Ce qui ne nous empêchera pas d'utiliser la clause de rendez-vous de 2013, que nous avons insérée dans la loi, comme un moyen d'apprécier l'adaptation des missions du groupe aux attentes des usagers et des clients.
Quelques mots sur le compte d'affectation spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ».
Créé par la loi de finances pour 2009 pour dynamiser la gestion de ce spectre par l'Etat, il comprend, en recettes, les redevances payées par les opérateurs privés pour l'utilisation des fréquences de ce spectre, ainsi que le produit de la vente de systèmes de communication militaire par satellite. Ces recettes devraient être abondées en novembre prochain avec l'arrêt complet de la télévision analogique, qui va libérer de nouvelles fréquences à réallouer.
En dépenses, ce compte financera les investissements en matière de télécommunications des ministères ayant libéré des fréquences, et contribuera au désendettement de l'Etat.
Comme l'an passé, on peut regretter que le compte soit demeuré inopérant et n'enregistre donc aucune recette depuis sa création, aucune procédure de mise sur le marché des fréquences n'ayant été lancée. Les recettes pour l'année prochaine ont cependant été réévaluées à 850 millions, du fait de la vente programmée de fréquences et de systèmes de télécommunication militaire. L'absence de toute mise en vente est surprenante et j'interrogerai la ministre sur ce point. Ne doutant pas qu'elle nous fournisse des explications détaillées, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ce compte d'affectation spécial, ainsi qu'à l'adoption des crédits de la mission « Economie ».
M. Jean-Paul Emorine, président. - Merci pour cet exposé rapide mais intéressant.
M. Gérard Bailly. - J'ai été surpris par le mécontentement perceptible au cours du dernier congrès de l'Association nationale des élus de la montagne. Pourtant, les partenariats sur le terrain sont importants et fructueux. Où en est-on de l'objectif d'un bureau de poste par canton ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. - Le canton est une circonscription électorale et rien d'autre. Depuis hier, le canton est devenu, en outre, un territoire. J'ai essayé de m'opposer à la fausse bonne idée voulue par les élus de la montagne d'un bureau de plein exercice dans chaque canton. C'est totalement irréaliste, car la cohérence territoriale dépasse les strictes frontières du canton.
La loi de 2005 a créé un Observatoire de la présence postale. Je le préside et il se réunit tous les mois et demi. Chaque commission départementale de présence postale est chargée d'examiner son schéma départemental de présence postale à répartir entre les bureaux de poste de plein exercice, les agences postales communales et les relais-poste. Ne pourrait-on pas utiliser d'autres maillages, comme celui des gares SNCF ou des offices de tourisme ?
Depuis la loi de 2005, la parité a été inversée : avant, les commissions départementales comprenaient quatre représentants de La Poste pour un élu. Aujourd'hui, c'est deux conseillers régionaux, deux conseillers généraux pour un seul représentant de La Poste. Le préfet bénéficie d'un délai de trois mois pour arbitrer d'éventuels blocages, ce qui a concerné seulement 1 % des dossiers en 2009 et 2010. Quand le président de ces commissions est un élu national, les rapports avec le préfet et La Poste sont facilités. J'invite donc mes collègues à s'impliquer dans ces commissions.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Rappelons que nous avons inscrit les 17 000 points de présence postale dans la loi. Un rapport de la Cour des comptes estime que 3 à 4 000 points seraient suffisants. Le Gouvernement a montré sa volonté de maintenir la présence postale et finance l'investissement de La Poste grâce à la Caisse des dépôts et à sa propre intervention. Il y a une semaine, nous étions auprès de la CDC pour voir comment elle allait entrer au capital de La Poste. Tout cela devrait nous rassurer.
La commission émet ensuite un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Economie et du compte spécial Gestion et valorisation des ressources tirées du spectre hertzien, les groupes socialiste et communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche votant contre.
Audition de M. Pascal Viné, candidat aux fonctions de directeur général de l'Office national des forêts
Puis, la commission procède à l'audition de M. Pascal Viné, candidat aux fonctions de directeur général de l'Office national des forêts, en application des dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous allons procéder à l'audition de M. Pascal Viné, dont la nomination est envisagée pour exercer les fonctions de directeur général de l'Office national des forêts.
En application du 5ème alinéa de l'article 13 de la Constitution cette nomination ne peut intervenir qu'après l'audition du candidat devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, audition qui doit être suivie d'un vote.
Les modalités de cette audition et du vote ont été précisées par la loi organique du 23 juillet 2010 et la loi ordinaire de la même date. Il est ainsi prévu que l'audition est publique, et nous l'avons également ouverte à la presse. A l'issue de cette audition, je raccompagnerai M. Pascal Viné et demanderai aux personnes extérieures de bien vouloir quitter la salle afin que nous procédions au vote qui se déroulera à bulletins secrets comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement.
En application de l'article 3 de la loi du 23 juillet 2010, il ne peut y avoir de délégation de vote et le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat en application de l'article 6 de la loi, qui modifie l'article 5 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
L'Assemblée nationale ayant entendu M. Pascal Viné ce matin, nous préviendrons la commission de l'économie dès la fin du vote pour qu'elle puisse procéder au dépouillement en même temps que nous.
Je vous rappelle qu'en application de l'article 13 de la Constitution, le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination, si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins 3/5èmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Monsieur Pascal Viné, je suis heureux de vous accueillir. Nous vous connaissons bien en tant que directeur de cabinet de M. Bruno Le Maire. Nous souhaitons aujourd'hui vous entendre sur votre vision de l'ONF et ses perspectives pour les années à venir.
M. Pascal Viné. - Je suis très honoré d'être aujourd'hui parmi vous et sais la responsabilité qui est la mienne en me présentant, devant vous, comme candidat.
Quelques mots sur mon parcours. Lorrain d'origine et Vosgien de souche, je suis né à Nancy, ville qui abrite une école prestigieuse dans une région où la forêt est centrale. Si je suis ingénieur général des Eaux et Forêts, je reconnais que j'ai peu d'expérience dans la carrière, sauf pour avoir mené un doctorat, à Grenoble, sur la cartographie de la forêt du sud-est après incendie et ses conséquences sur la ressource en eau. J'ai travaillé dans la recherche, puis dans l'administration territoriale du département de l'Eure où j'ai croisé Bruno Le Maire. J'ai également travaillé dans l'administration centrale, au sein de laquelle j'ai eu l'honneur de servir plusieurs ministres et Premiers ministres. J'ai dirigé le Cemagref, institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement, qui emploie 1 300 personnes et administre un budget de 100 millions.
L'Office national des forêts, dont Hervé Gaymard préside le conseil d'administration, est une grande institution de l'Etat. Cet établissement public industriel et commercial est placé sous la double tutelle du ministère de l'écologie et de celui de l'agriculture. Créé en 1966, il doit répondre aujourd'hui aux nouveaux défis du développement durable et territorial.
Lors du Grenelle de l'environnement, un pacte s'est conclu entre l'ONF et les ONG liées à l'environnement : produire plus en préservant mieux.
L'ONF est de fait un acteur majeur de la filière. Il est chargé d'assurer la gestion durable de 4,7 millions d'hectares de forêts domaniales et communales, soit un quart de la forêt française, à quoi s'ajoutent les six millions d'hectares des DOM. La vente de bois par l'ONF représente, enfin, 40 % de l'approvisionnement national.
L'Office est également chargé de missions d'intérêt général dont les ministères de l'agriculture et de l'environnement ont la responsabilité : défense contre les incendies de forêt, restauration des terrains de montagne, thème central pour les élus de ces territoires et tous ceux qui sont concernés par les dangers en montagne.
Pour cet acteur majeur, chargé de responsabilités spécifiques, il est donc indispensable de raisonner dans un cadre général. Il peut compter sur des personnels compétents et reconnus, au contact quotidien des Français. En 2009, l'ONF comptait 9 600 ETP (équivalent temps plein), dont 6 600 fonctionnaires et 3 200 ouvriers forestiers.
Avec un budget de 750 millions, la part de la vente des bois représente 30 % de ses produits, tandis que ses charges sont à 60 % des dépenses de personnel.
L'établissement est en évolution permanente. Après les grandes tempêtes de 1999, il s'est engagé dans une politique de rigueur et de maîtrise des coûts. Il est partie à l'effort engagé dans le cadre de la RGPP (révision générale des politiques publiques) et travaille à rationaliser ses structures de pilotage et de soutien : ainsi de la transformation, en une décennie, de ses vingt et une directions régionales en neuf délégations territoriales.
L'ONF est aujourd'hui confronté à trois enjeux majeurs qui concernent les citoyens, les élus et la filière.
Le premier enjeu est interne. Avec 9 000 agents, l'Office constitue un établissement important, doté d'une forte culture enrichie de siècles d'expérience et de pratique. Beaucoup d'inquiétudes s'expriment parmi les personnels, qui s'interrogent sur le devenir et les orientations de l'établissement.
Le deuxième enjeu a trait aux collectivités territoriales, partenaires quotidiens de l'ONF, qui gère les forêts communales. C'est ainsi que les communes forestières ont paraphé le dernier contrat d'objectifs, 2007-2011, passé entre l'Office et l'Etat, et sont très impliquées dans la politique de l'établissement, ainsi qu'en témoigne, par exemple, la signature du protocole « Mille chaufferies bois en milieu rural ».
Le troisième enjeu, enfin, s'inscrit au sein de la filière, qui compte de nombreux acteurs - coopératives, experts, scieries, entreprises de travaux... La question se pose de la relation entre ces opérateurs et l'ONF. Pour être clair, le rôle de l'Office n'est pas de se substituer à eux mais de les accompagner et de travailler de concert avec eux. Si l'ONF est chargé de missions de service public, il doit aussi accomplir ses missions concurrentielles en encourageant le développement des opérateurs privés, ses partenaires. Il est ainsi partie prenante de l'interprofession France Forêt Bois, qui réunit l'ensemble des acteurs. Il faut savoir que 75 % de la forêt française appartient à trois millions et demi de propriétaires privés, morcellement qui rend la tâche difficile.
J'entends, si vous agréez ma candidature, agir dans trois directions. La première a été fixée par le Président de la République dans son discours de Urmatt, en mai 2009 ; la deuxième l'est par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche que vous avez votée ; la troisième, enfin, est régie par la RGPP. Au-delà, des pistes sont ouvertes. Je pense aux propositions d'Hervé Gaymard, aujourd'hui en discussion interministérielle, mais aussi en débat au sein de l'établissement et avec ses partenaires.
La question du modèle économique de l'ONF est posée. Le bois a aujourd'hui le vent en poupe. Il constitue une fabuleuse opportunité pour l'industrie et pour l'énergie. Le Grenelle de l'environnement a encouragé certains développements. Le Président de la République a pris des décisions pour son utilisation dans les constructions neuves et pour l'isolation thermique. Le bois joue également un rôle écologique majeur dans le stockage du carbone. Hélas, le déficit commercial de la filière bois reste de six milliards d'euros chaque année. C'est dire si la filière est encore faible.
L'ONF assure un service d'intérêt économique général qui l'autorise à gérer des fonds publics et justifie un statut adapté que personne n'entend remettre en cause : nous savons combien les propriétaires et les maires sont attachés à ce dispositif.
Il importe, en revanche, d'inscrire la stratégie de l'établissement dans la durée. L'ONF gère l'ensemble du patrimoine public : des mutualisations sont possibles et souhaitables.
Se pose également la question du partage des coûts. Le Premier ministre a lancé une mission, dont les travaux sont en cours, pour étudier l'adaptation des frais de garderie. Les 40 % de ventes de bois en France réalisées par l'ONF représentent 13 millions de mètres cubes. Le modèle a fait ses preuves depuis 1966. Il a su depuis s'engager dans la mutualisation et faire preuve de dynamisme : l'ONF a créé des filiales bois-énergie et une marque commune, Forêt énergie, avec les coopératives. Il faut continuer à l'améliorer pour le doter d'une visibilité à long terme, y compris pour son personnel.
La réponse réside aussi dans la capacité de l'Office à travailler sur l'évolution de son rôle s'agissant de l'infrastructure que constitue la forêt. Car si la filière est économique, elle est aussi environnementale et sociale. La forêt accueille 500 millions de visiteurs par an, elle joue un rôle central dans la préservation de la biodiversité : 30 % de la forêt publique relève de Natura 2000, toutes les forêts domaniales sont certifiées PEFC (Programme de reconnaissance des certifications forestières), l'établissement est certifié ISO 14001 - j'ajoute que nos forêts abritent 500 000 hectares de réserves biologiques et naturelles et qu'elles jouent un rôle central dans la préservation des sols. Le défi est aussi celui du changement climatique : nos forêts doivent s'adapter pour prendre en compte le phénomène des tempêtes.
J'en viens à la question du modèle de gouvernance. Le président Hervé Gaymard préconise la création d'une fonction de président directeur général et la réduction de la taille du conseil d'administration. C'est une voie à explorer : l'établissement a besoin d'une forte réactivité. J'ai, pour ma part, au Cemagref ou ailleurs, connu toutes les configurations, président et directeur général ou directeur général seul, qui ont chacune leurs mérites. Ce qui compte, c'est que la tête exécutive ait une vision commune de l'établissement. Les règles de fonctionnement doivent être claires. La tutelle devra jouer son rôle - de récents rapports de la Cour des comptes l'ont rappelé. M. Bruno Le Maire, j'en suis témoin, a demandé à son cabinet d'en tenir compte.
Le conseil d'administration est le lieu de l'analyse et de la vision stratégique, avec le président et le directeur général, sans oublier le rôle des partenaires sociaux et des partenaires de l'établissement.
La ligne stratégique a été fixée par le Président de la République, la manière de la conduire reste à définir. Ce sera l'objet du contrat d'objectif 2012-2017. Nous disposons du rapport Gaymard et des propositions des organisations. S'ouvre à présent le temps du dialogue, sachant que les prises de décision devront intervenir entre la fin de l'année et le dernier trimestre 2011, pour une mise en oeuvre à partir de 2012. Je serai attentif au respect de ce calendrier, comme je l'ai été à la tête du Cemagref et comme directeur de cabinet de M. Bruno Le Maire. L'établissement a besoin de visibilité et de stabilité.
Dans l'immédiat, l'objectif collectif est le contrat de plan 2012-2017, qui structurera la discussion et définira la place de l'établissement dans le contexte forestier des années à venir. Je rencontrerai évidemment les responsables de l'établissement, et, au plus vite, les organisations syndicales. Je sais qu'Hervé Gaymard a demandé un audit social. Pour mieux connaître l'ONF, je crois important de rencontrer le personnel sur le terrain et les nombreux partenaires de la filière, en attente de dialogue.
La discussion budgétaire sera un rendez-vous important. Nous préoccupent les difficultés liées aux pensions des personnels, ainsi que le ministre vous en a, hier, informés.
Mme Jacqueline Panis. - C'est avec beaucoup d'intérêt que je participe à cette audition. J'appartiens moi aussi à un département très forestier, la Lorraine, qui abrite un centre de formation et dont est issu le président national de la forêt privée. C'est dire si nous sommes intéressés par l'avenir de la filière bois.
Vous n'avez pas parlé de la chasse. En Lorraine, les chasseurs sont très organisés et très sérieux. Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous envisagez leur rôle ?
Vous avez évoqué les frais de garderie, sujet sur lequel les collectivités locales sont souvent interpellées et qui suscite bien des mécontentements lorsque les sommes sont prélevées pour d'autres usages que la filière.
Pouvez-vous, enfin, nous dire un mot de l'outre-mer ? Je pense notamment à la Guyane, où la forêt tient une place importante.
M. Gérard César. - Le rapport d'Hervé Gaymard trace une ligne de conduite pour le futur directeur général qui, j'en suis certain, travaillera avec plaisir et compétence avec lui.
Mes questions relaieront aussi celles de Philippe Leroy, retenu en Moselle par les travaux de la mission commune d'information sur la désindustrialisation.
Quelles relations entendez-vous établir avec les communes forestières ? Pouvez-vous préciser vos intentions pour le contrat de plan 2012-2017 ? Les frais de garderie posent en effet de vrais problèmes, selon que les communes sont ou non exploitantes. Comment entendez-vous y remédier ? Quel est votre sentiment quant à l'avenir du monopole de l'ONF au regard du droit européen de la concurrence ? Quel modèle économique vous semble pertinent pour l'Office ? Vous nous avez donné des réponses, mais j'aimerais avoir votre avis sur une possible extension de son activité aux forêts détenues par des particuliers. Je crois, quant à moi, qu'il faut laisser leur liberté aux particuliers comme aux communes forestières de signer ou pas une convention dans le cadre du plan simple de gestion. Le régime du personnel, enfin, est important pour l'avenir de l'ONF...
M. Gérard Bailly. - Vous êtes candidat à une mission dont on ne peut pas dire qu'elle soit de tout repos. Je parle d'expérience, pour avoir longtemps été maire d'une commune un peu forestière.
Le premier problème que vous allez rencontrer tient au personnel. J'ai vu, en Franche-Comté, au cours des dernières décennies, des ventes annulées ou perturbées par le personnel même. Signe que les relations ne sont pas très bonnes entre les agents et la direction...
Les relations avec les collectivités sont aussi très importantes. Je vous donnerai un exemple. Lorsqu'une commune entreprend d'installer un pylône, une antenne relais, sur un terrain soumis au régime forestier, l'ONF demande à bénéficier du revenu perçu... Les maires regrettent aussi le manque d'écoute et d'attention sur le foncier. Il serait important d'être en contact avec les parlementaires que nous sommes, susceptibles de relayer les préoccupations des maires, qui se confient plus volontiers à nous.
Dans mon département, les forêts privées constituent 46 % des terrains. Se pose la question des sentiers de randonnée. L'ONF rechigne souvent à se mettre autour de la table pour régler les questions d'autorisations de passage et d'assurances. Et sur les terrains communaux, elle est souvent réfractaire... Comment résoudre l'équation ?
Mme Christiane Hummel. - Je suis d'un département, le Var, dont on pense qu'il est le premier département boisé de France. S'y posent d'énormes problèmes. Tous les départements forestiers ne sauraient être traités de la même façon. La Franche-Comté est autre chose que la Lorraine, qui est autre chose que le Var, qui souffre à la fois des incendies et des pluies torrentielles.
Avec bien d'autres maires, je déplore la frénésie de classement de l'Office. Vous savez que le pin d'Alep, très présent sous nos climats - seuls sont épargnés le plateau du Verdon, qui compte encore beaucoup de chênes liège et de chênes verts, et les restanques du sud, faites d'oliviers et de câpriers - flambe comme une allumette. La colonisation est d'autant plus rapide que les cultures sont peu à peu abandonnées, y compris dans les zones viticoles. En resterez-vous à la même politique de classement ou êtes-vous prêt à discuter avec les propriétaires et les collectivités ? Songez que ces arbres ne mettent que vingt ans à pousser, mais qu'ils sont susceptibles de flamber en trente secondes, propageant l'incendie...
Comptez-vous proposer des politiques de prévention ? Je suis d'une commune de bord de mer, très touristique, où le danger est réel et où l'Office, ainsi que nous en sommes convenus, envoie ses agents parler avec les propriétaires et les particuliers. Ils sont mieux entendus que le maire : le prestige de l'uniforme...
Ceci pour rappeler qu'il faut une stratégie adaptée. La forêt de Haye à Nancy n'est pas la forêt des Maures ou de l'Esterel. Nous avons des obligations pour ces surfaces inconstructibles. Il est bien difficile d'obliger les propriétaires à débroussailler - car les moutons ne mangent pas tout - les grandes surfaces classées de pins d'Alep...
Mme Évelyne Didier. - Nous sommes au moins quatre ici à connaître la forêt de Haye... Je m'associe aux interrogations de mes collègues sur les frais de garde. Je m'inquiète du personnel. L'évolution de l'ONF est connue, et se poursuivra de plan en plan : on passe d'une logique de service public à une logique commerciale. Cela ne vous semble-t-il pas antinomique avec les exigences qui sont celles de la forêt ? Vous parlez de filière économique : je ne suis pas sûre qu'elle existe. Il existe bien une filière énergie mais pour la construction, je reste dubitative. Hormis quelques cas limités, dans les Vosges notamment, je constate que lorsque nous voulons construire en bois, c'est par les Allemands que nous sommes démarchés.
Se pose enfin la question du fret ferroviaire, avec l'abandon des wagons isolés. Comment concilier cela avec l'économie du bois ?
Mme Jacqueline Panis. - J'ai une question complémentaire. Elle porte sur le respect de la parité au conseil d'administration de l'ONF.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Une candidate ?
M. Pascal Viné. - Le produit de la chasse et des concessions, madame Panis, s'élève à 60 millions d'euros. L'ONF procède à l'adjudication des lots de chasse et applique les plans de chasse, elle veille à l'équilibre cynégétique et forestier - nous savons tous que la régulation, en particulier pour certaines espèces, comme le sanglier, reste un défi.
La Guyane possède une forêt tropicale riche en biodiversité, reconnue au plan international, ce qui donne à la France, donc à l'ONF, une responsabilité particulière. L'Office appuie sa politique sur les parcs nationaux de réserve biologique.
En ce qui concerne les personnels, la rencontre ne pourra avoir lieu qu'après l'élection de leurs représentants, fixée en décembre.
Nous avons beaucoup parlé, monsieur César, de la tempête Klaus lors de notre rencontre au ministère sur les enjeux sanitaires dans les massifs du Sud-ouest. La relation avec les communes forestières est essentielle : cette tempête préfigure ce à quoi il faudra travailler, ensemble, avec les maires, les coopératives et le secteur privé, pour aller vers des adaptations législatives, au terme d'un dialogue constructif.
La question de la concurrence est majeure et nous avons derrière nous quelques heures de débats juridiques. En 2000, l'Europe a reconnu certaines missions de l'ONF comme services d'intérêt économique général. Pour la forêt publique, le versement compensateur n'est pas considéré comme une aide d'Etat mais comme le prolongement de son action. C'est pourquoi le montant s'adapte au fil du temps. L'action de l'ONF peut donc s'appuyer sur une base juridique solide. Reste la question du secteur concurrentiel. L'Office a fait beaucoup d'efforts pour tenir une comptabilité analytique qui retrace son action dans le champ de la concurrence où il faut faire preuve de loyauté et respecter les règles.
La discussion de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche a largement traité le sujet des forêts particulières : le message du Parlement est clair. Je souhaite, en revanche, que des conventions se passent, que nous travaillions ensemble, que l'ONF joue son rôle de facilitateur. La filière mérite un travail d'ensemble, sans que chacun reste campé sur ses oppositions.
Les inquiétudes du personnel, monsieur Bailly, appellent au dialogue, qui a été tendu ces derniers mois - c'est pourquoi M. Hervé Gaymard a demandé un audit social. Une fois qu'il aura eu lieu, viendra le temps de la décision, qu'il faudra savoir expliquer, comme je l'ai fait au Cemagref. J'ai rencontré Pierre-Olivier Drège : je rends hommage à son travail. Comme lui, je ne ménagerai pas mon temps.
Le dialogue doit aussi avoir lieu avec les communes et les élus, avec lesquels j'entends entretenir des relations étroites, ainsi que l'audition d'aujourd'hui m'y engage. Même si je sais que le président Jean-Claude Monin connaît le chemin du bureau du directeur général... Je puis vous assurer que je veillerai à mener avec les élus un dialogue rapproché. Il peut y avoir des choix différents selon les communes, qui restent propriétaires : il faut en débattre.
Je connais le Var, madame Hummel, pour y avoir travaillé, quelques années, à une cartographie photosatellitaire de la forêt méditerranéenne ; il est fait d'un mélange de massifs granitiques, où prédomine le chêne-liège et de zones plus densément boisées, comme le massif des Maures. Au Cemagref, qui compte un centre à Aix-en-Provence, j'ai aussi eu l'occasion d'aborder les questions forestières propres à la région. Je sais qu'il existe un conflit d'usage majeur entre espaces forestiers et espaces urbanisés... Le feu est aussi un des éléments constitutifs de la forêt méditerranéenne : les forêts se régénèrent de son passage... Pour les agents de l'ONF, la maîtrise du feu est donc un enjeu majeur, lié à la biodiversité. Je suis disposé à regarder de près les problématiques qui se posent sur la commune de la Valette. Nous sommes sur un territoire fragile, et je sais aussi que les habitants sont attachés à la beauté des paysages de pinèdes... Tout cela appelle une attitude pragmatique de terrain.
J'ai habité, madame Didier, la Lorraine mais également l'Eure, qui compte quelques forêts importantes. Vous m'interrogez sur le personnel : je crois avoir répondu. Pour le développement de la filière économique, il est un enjeu fondamental : la mobilisation du bois. Je rappelle que la forêt française est à 25 % publique et à 75 % privée, entre les mains de trois millions et demi de propriétaires. Le rapport Gaymard propose un fonds de mobilisation pour financer des investissements en voierie forestière et plantations, qui a toujours été, depuis plusieurs années, refusé en interministériel. Les orientations définies par le Président de la République sont claires : susciter la demande pour faire naître l'offre. Il faut la mettre en oeuvre, en levant, par exemple, les difficultés du transport. Le problème du fret ferroviaire est plus général mais il constitue évidemment un enjeu majeur pour la mobilisation du bois.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Au moment de la mise en oeuvre des schémas de cohérence territoriale, je vous recommande d'associer l'ONF. Bien des conflits d'usage peuvent être réglés par leur voie.
M. Gérard Cornu. - Vous avez abordé les problèmes spécifiques du Var et de la Côte-d'Azur. L'Office a-t-il des conventions de gestion avec les conservatoires du littoral ?
M. Pascal Viné. - Je n'en ai pas en tête, mais vous posez-là une question centrale, celle du rôle de l'ONF dans la gestion des espaces naturels protégés. La création d'un parc naturel forestier entre la Champagne et la Bourgogne est en discussion. L'Office est prêt à aider à la gestion du dispositif sans créer de nouvelle structure. La discussion interministérielle est en cours. L'ONF gère également les cordons dunaires. Il est important, ainsi que vous le soulignez, de bien coordonner les structures.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je vous remercie de vous être soumis au feu de nos questions. Nous allons maintenant procéder au vote.
Le public est invité à quitter la salle. Le président de la commission raccompagne M. Pascal Viné.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Voici les résultats du scrutin : notre commission approuve la nomination de M. Pascal Viné comme directeur général de l'ONF, à l'unanimité par 8 voix pour sur 8 votants.