- Mercredi 23 juin 2010
- Maisons départementales des personnes handicapées et politique du handicap - Examen des amendements au texte de la commission
- Groupe de travail sur la fin de vie - Examen du rapport d'information
- Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat
- Orientation sur les finances publiques - Audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
Mercredi 23 juin 2010
- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -Maisons départementales des personnes handicapées et politique du handicap - Examen des amendements au texte de la commission
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission examine les amendements sur la proposition de loi n° 191 (2009-2010), présentée par M. Paul Blanc, tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap dans le texte n° 531 (2009-2010) de la commission adopté le 9 juin 2010.
Elle adopte d'abord trois nouveaux amendements présentés par son rapporteur :
- à l'article 4 (accès des personnels des MDPH aux formations dispensées par le centre national de la fonction publique territoriale), un amendement actualisant une référence ;
- à l'article 11 bis (élargissement des compétences du fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique), un amendement précisant une référence ;
- à l'article 14 bis (élargissement des compétences du fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique), un amendement de précision rédactionnelle.
Elle examine ensuite les amendements déposés sur le texte, auxquels sont donnés les avis suivants :
M. Yves Daudigny. - L'assemblée des départements de France s'est majoritairement ralliée au maintien du groupement d'intérêt public (Gip). Mais certains de nos collègues souhaitent encore que les MDPH soient intégrées dans les services du conseil général.
M. Paul Blanc, rapporteur. - Ces deux amendements identiques remplacent, au sein de la commission exécutive des MDPH, les représentants de l'Etat désignés par le préfet par des représentants désignés par le directeur de l'agence régionale de santé (ARS).
Actuellement, l'Etat est représenté à cette commission exécutive par au moins trois personnes : deux sont désignées par le préfet, l'une venant de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass), l'autre de l'ancienne direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) ; la troisième l'est par le recteur d'académie.
La présence d'un représentant de l'ARS n'exclut pas que d'autres soient désignés par le préfet. Il serait en particulier utile que la nouvelle direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et que la nouvelle direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) soient représentées pour traiter des questions concernant l'emploi et veiller au respect des conditions d'attribution des diverses allocations (AAH, PCH, etc.).
La loi prévoit que la moitié des membres de la commission exécutive représente le conseil général et qu'un quart soit réservé aux associations. L'ajout d'un représentant des ARS sur le quart restant ne remet donc pas en cause cet équilibre.
M. François Autain. - Pourquoi ne pas tirer les conséquences de la création des ARS ?
M. Yves Daudigny. - La création des ARS ajoute de la complexité dans l'organisation du système médico-social. Les agences ont la compétence médico-sociale, ce qui justifie leur représentation dans la commission exécutive des MDPH. Mais la présence de l'Etat se justifie aussi, semble-t-il, du fait du maintien des personnels qu'il met à disposition des MDPH.
M. Paul Blanc, rapporteur. - Les ARS ne couvrant pas l'ensemble du champ de compétences des MDPH, il convient de maintenir parallèlement la présence des représentants de la DDCS et de la Direccte nommés par le préfet.
M. Paul Blanc, rapporteur. - Cet amendement prévoit la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement, au plus tard le 30 novembre 2010, évaluant les dettes de l'Etat à l'égard des MDPH, au titre de la compensation financière des postes non mis à disposition, en associant l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'association des directeurs des MDPH.
Il est nécessaire de faire le point sur les dettes de l'Etat vis-à-vis des MDPH. Je suis donc plutôt favorable au principe d'un rapport. Mais dans sa rédaction actuelle, cet amendement pose trois difficultés :
- son positionnement serait préférable après l'article 5, qui traite des questions de financements en prévoyant une convention triennale d'objectifs et de moyens ;
- la date du 30 novembre 2010 me semble trop proche dès lors que l'adoption de la proposition de loi pourrait n'avoir lieu qu'à la fin de l'année ;
- il conviendrait de supprimer l'injonction faite au Gouvernement d'associer l'ADF et l'association des directeurs de MDPH.
Sous réserve de ces modifications, je propose de donner un avis favorable à cet amendement.
Mme Muguette Dini, présidente. - Il est en effet préférable de prévoir la date de publication d'un rapport en fonction de la promulgation de la loi. Selon toute vraisemblance, l'examen de ce texte ne pourra s'achever demain dans le temps imparti et sera reporté à l'automne. Au vu du nombre d'amendements à examiner - près de soixante-dix - il aurait fallu au moins sept heures de discussion alors que nous ne disposerons au mieux que de deux heures, le groupe UMP ayant choisi d'inscrire deux propositions de loi sur le même créneau. Dans un souci de respect de l'équilibre des temps accordés à chaque groupe pour l'examen des textes issus d'initiatives parlementaires, la Conférence des présidents n'a pas répondu favorablement à la demande du groupe UMP, que j'avais soutenue, de prolonger les débats en séance de nuit.
M. Paul Blanc, rapporteur. - Je comprends mal les raisons qui ont conduit la Conférence des présidents à rejeter notre demande alors que ce texte vise à apaiser les inquiétudes des associations représentatives des personnes handicapées, à améliorer le fonctionnement des MDPH et à donner aux conseils généraux les garanties financières qu'ils sont en droit d'attendre.
Mme Raymonde Le Texier. - Je déplore les conditions dans lesquelles nous devrons examiner ce texte qui porte pourtant sur le sujet sensible du handicap. Plutôt que d'interrompre nos débats durant la période de vacances, il semblerait préférable de reporter l'examen de l'ensemble du texte à la rentrée.
Mme Sylvie Desmarescaux. - Je partage cet avis. Cette façon de procéder est irrespectueuse pour les personnes handicapées et pour le rapporteur qui a beaucoup travaillé sur ce texte. Il ne me parait pas opportun de séparer la discussion générale de l'examen des articles. Le report de l'ensemble de la discussion à la rentrée me semble préférable, d'autant plus que nombreux sont celles et ceux qui, parmi nous, vont rencontrer des difficultés de transport du fait des grèves annoncées demain.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Je rejoins mes collègues sur la nécessité de ne pas segmenter la discussion sur ce texte sensible. Pour ma part, je ne pourrai être présente demain matin, étant retenue par une réunion du Comité national d'éthique. J'aimerais plus de considération, à l'avenir, pour la commission des affaires sociales et les questions dont elle débat.
M. Paul Blanc, rapporteur. - Je suis disposé à demander le retrait du texte de l'ordre du jour, à condition qu'un autre créneau nous soit accordé. Je crains que cela ne puisse être, au plus tôt, qu'au mois d'octobre.
Mme Muguette Dini, présidente. - Cette décision ne relève pas de la commission mais du groupe UMP.
M. Nicolas About. - Le report de la discussion générale ne constitue pas une solution car il est évident qu'un texte de cette ampleur ne peut être examiné sur le seul créneau d'une demi-journée, soit quatre heures de séance. Il me semble qu'il vaut mieux en commencer la lecture et prévoir ensuite de réserver une journée dans l'ordre du jour pour l'achever. D'ailleurs, le Gouvernement pourrait tout à fait prévoir de l'inscrire en priorité sur les semaines qui lui sont réservées.
Mme Muguette Dini, présidente. - Une solution pourrait aussi être trouvée grâce à un accord entre les groupes : si le groupe socialiste accordait au groupe UMP la demi-journée qui lui est réservée, on disposerait ainsi d'une journée complète de séance, à charge de réciproque le mois suivant par exemple.
Mme Françoise Henneron. - J'approuve l'idée d'un report de ce texte pour pouvoir en débattre sur une journée, sans interruption. Dans ce cas, est-il utile de procéder dès aujourd'hui à l'examen des amendements ?
Mme Muguette Dini, présidente. - Nous pouvons les examiner dès maintenant puisque le délai-limite de leur dépôt est expiré.
Mme Raymonde Le Texier. - Nous ne souhaitons pas que l'examen de ce texte soit morcelé mais rien ne fait obstacle, en effet, à ce que nous poursuivions l'examen des amendements.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Afin de raccourcir la durée des travaux en séance publique, et espérer ainsi achever l'examen du texte dans les délais impartis, ne peut-on imaginer que les amendements qui recevront un avis défavorable de la commission soient retirés avant la séance publique ?
Mme Raymonde Le Texier. - Cette solution n'est évidemment pas acceptable sur le plan des principes démocratiques et du respect des droits de l'opposition.
M. Paul Blanc, rapporteur. - Je me rangerai à la décision de la commission : si nous décidons de reporter le débat, je demanderai à mon groupe de réclamer son retrait de l'ordre du jour de demain matin.
Mme Sylvie Desmarescaux. - Avant de renoncer à l'inscription de ce texte à notre ordre du jour de demain, il me semble plus prudent de s'assurer de son report. Je me range, de ce point de vue, à l'avis éclairé de Nicolas About.
M. Gilbert Barbier. - Je crois en effet qu'il convient de commencer l'examen de ce texte dès demain matin comme prévu, quitte à poursuivre ultérieurement nos débats. Il sera ainsi dans le circuit parlementaire, ce qui est plus prudent compte tenu de la surcharge de l'ordre du jour.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Dans ce cas, il serait opportun de limiter autant que possible la durée de la discussion générale.
Mme Muguette Dini, présidente. - Il paraît difficile de restreindre les durées d'intervention de nos collègues.
Mme Raymonde Le Texier. - Je crois en effet que cela n'est pas souhaitable. Cela n'irait pas dans le sens de l'amélioration de la qualité de nos travaux.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - On peut néanmoins envisager de regrouper les interventions au sein de notre groupe.
Article 3 |
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Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Doligé, Huré, Le Grand, du Luart, Pinton, Lambert, de Montgolfier |
72 |
Amendement de suppression |
Mme Françoise Henneron. - Les auteurs de l'amendement craignent que le manque à gagner pour l'Etat soit très élevé, les autres Gip risquant de réclamer eux-aussi cette exonération. Cela pourrait représenter une somme de 300 millions d'euros.
M. Paul Blanc, rapporteur. - L'exonération ne concerne que les MDPH et le manque à gagner pour l'Etat est minime, de l'ordre de 1,2 million d'euros. Les autres Gip n'acquittent généralement pas la taxe sur les salaires car ils ne sont pas employeurs et ne fonctionnent qu'avec des personnels mis à disposition par l'Etat ou des collectivités publiques, qui ne sont eux-mêmes pas assujetties au paiement de la taxe. D'ailleurs, deux tiers des MDPH ne la payent pas : c'est le cas lorsqu'elles ont délégué la gestion de leurs personnels aux conseils généraux. Il est fort probable que les auteurs de l'amendement proviennent de départements qui se trouvent précisément dans ce cas de figure. Il convient de corriger cette anomalie qui est à l'origine d'inégalités entre les départements : tels sont l'objet de l'article 3 et la raison de mon opposition à cet amendement qui le supprime.
M. Nicolas About. - Je suis surpris de constater que la mise à disposition des personnels d'Etat subsiste dans le dispositif retenu par notre commission. La proposition de loi initiale prévoyait la suppression de ce statut et son remplacement par une formule plus avantageuse de détachement, avec à terme la possibilité d'intégrer la fonction publique territoriale.
M. Paul Blanc, rapporteur. - C'est exact mais le détachement présentant le risque d'un retour massif des agents de l'Etat dans leur administration d'origine, il nous a paru plus sage d'opter pour un aménagement du régime de la mise à disposition qui offre les mêmes garanties que le détachement, en particulier sur le plan financier pour les conseils généraux.
M. Jean Desessard. - Je crains que l'obligation fixée par cet article pour les MDPH d'ouvrir leur permanence téléphonique et leurs services pendant une durée hebdomadaire minimale de trente-cinq heures ne soit trop contraignante. Ne serait-il pas préférable de prévoir que cette obligation s'applique alternativement à l'accueil physique ou téléphonique ?
M. Jean-Louis Lorrain. - La qualité de l'accueil ne dépend pas seulement de la durée d'ouverture des services mais surtout de la formation des personnels. Celle-ci mériterait d'être améliorée.
M. Paul Blanc, rapporteur. - Les réponses apportées par téléphone ne remplacent pas le contact et les échanges directs avec la personne handicapée ou sa famille. Il est également important que les MDPH soient ouvertes pour que les personnes puissent récupérer les documents nécessaires à la formulation de leurs demandes.
M. Nicolas About. - Dans le cadre de cette délégation de compétence, quel département prendra la décision relative à l'attribution de la prestation et à la fixation de son montant, le délégant ou le délégataire ? La convention prévoit-elle de déléguer l'intégralité de la procédure ? Et auprès de qui la personne handicapée devra-t-elle faire appel de la décision si elle souhaite la contester ?
Mme Sylvie Desmarescaux. - Lors de la convention, il faut préciser que l'appel relève du conseil général qui a fait l'étude préalable.
M. Nicolas About. - Il serait préférable que l'appel de la décision puisse se faire auprès du conseil général du domicile de secours et non auprès de la MDPH qui a instruit la demande et fixé le montant de la prestation. Celle-ci ne peut pas être à la fois juge et partie.
M. Paul Blanc, rapporteur. - Le dispositif prévoit la signature d'une convention qui doit préciser les modalités concrètes de cette délégation. Cette dernière ne porte que sur l'évaluation des besoins et la décision demeure du ressort du département qui délègue l'évaluation. Il n'est pas nécessaire de tout préciser dans la loi. Les conseils généraux qui ont été consultés sur ce point préfèrent conserver une certaine souplesse. La convention prévoira par exemple si la délégation de l'évaluation doit donner lieu à une compensation financière ou s'il s'agit d'une délégation réciproque.
Mme Sylvie Desmarescaux. - Cet amendement prévoit de mieux encadrer les conditions dans lesquelles des mesures de substitution sont prises en cas d'impossibilité technique de remplir les exigences d'accessibilité pour les constructions neuves. Je précise qu'il s'agit bien de mesures de substitution et non de dérogations, la différence est de taille. J'ai également souhaité indiquer que l'impossibilité ne peut être que technique et non financière et que l'avis rendu par la commission consultative départementale d'accessibilité pour éclairer la décision du préfet doit être conforme. Malgré les pressions fortes des représentants des logements sociaux notamment, je défendrai cet amendement jusqu'au bout.
M. Jean-Louis Lorrain. - Il faudra toutefois veiller à ne pas durcir les exigences de mise en accessibilité de façon démesurée, l'excès de normes pouvant se révéler contre-productif et décourager les meilleures volontés. Il faut se garder de devenir des « ayatollahs de l'accessibilité ».
M. Paul Blanc, rapporteur. - Je crois toutefois que, pour les constructions neuves, l'assouplissement des exigences doit être strictement encadré. Il convient aussi de faire observer que les surcoûts de 12 % mentionnés par l'union sociale de l'habitat ne sont pas uniquement le fait des normes d'accessibilité, mais résultent également de celles relatives à la sécurité et à l'environnement.
M. Nicolas About. - L'objectif de la loi de 2005 n'est pas de mettre en accessibilité totale les bâtiments, mais d'assurer l'accessibilité du service. Ainsi, une mairie qui a prévu une salle d'accueil accessible, au rez-de-chaussée, peut se dispenser de prévoir un ascenseur pour accéder aux bureaux installés à l'étage dès lors que tous les services sont disponibles à ce guichet accessible. Ce serait faire une interprétation extensive de la loi que de conclure qu'elle impose l'accessibilité de tous les locaux.
Mme Sylvie Desmarescaux. - Je ne comprends pas bien la logique qui sous-tend cet amendement : les parties communes seraient accessibles alors que les locaux d'habitation ne le seraient pas. Si l'objectif est d'éviter une hausse des loyers, je crois qu'il convient de définir des priorités : la mise en accessibilité a un coût, ne justifie-t-elle pas que celui-ci soit intégré aux loyers ?
Mme Patricia Schillinger. - Cet amendement prévoit la création d'une commission communale d'accessibilité dans toutes les communes, celle-ci n'étant obligatoire que pour celles de plus de cinq mille habitants. Pour les plus petites d'entre elles, la création de commissions intercommunales ne permet malheureusement pas d'établir un diagnostic pour l'ensemble des questions relatives à l'accessibilité, en particulier lorsque la communauté de communes n'est compétente que sur les transports par exemple. Ainsi, le diagnostic sur les établissements recevant du public ou les voieries n'est pas assuré.
M. Paul Blanc, rapporteur. - La loi de simplification du droit, adoptée l'été dernier, a prévu ce cas en autorisant les communes à déléguer aux intercommunalités l'établissement du diagnostic d'accessibilité dans tous les domaines, y compris ceux pour lesquels elle n'est pas compétente.
M. Paul Blanc, rapporteur. - Je suis favorable à l'objectif de cet amendement de réactiver les groupes d'entraide mutuelle destinés aux personnes handicapées psychiques, mais je ne suis pas certain que cela passe par une classification contraignante dans la nomenclature des établissements et services sociaux et médico-sociaux. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable mais il conviendrait d'étudier plus avant les moyens à mettre en oeuvre pour faire vivre ces groupes dont l'utilité est reconnue.
M. Jean-Louis Lorrain. - Les moyens qui leur sont alloués sont en diminution continue. J'approuve l'idée du rapporteur de rechercher une solution adaptée pour les réactiver.
M. Paul Blanc, rapporteur. - L'option d'une intégration des AVS dans la fonction publique, très coûteuse, a été écartée au profit de la mise en place d'un système conventionnel associant les services d'aide à la personne et les associations de parents d'élèves handicapés. L'objectif est de permettre aux AVS d'exercer leur activité à l'école mais aussi hors temps scolaire, pour offrir une continuité dans l'accompagnement aux enfants pour lesquels il se justifie.
Mme Muguette Dini, présidente. - Je vous indique que nous avons prévu d'entendre Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, sur ce sujet, mardi 29 juin, à 16 heures 15.
Mme Raymonde Le Texier. - Nous ne pouvons plus tolérer que des enfants ne soient pas scolarisés faute d'accompagnement. De même, il est regrettable que des AVS arrivant en fin de contrat ne puissent valoriser leurs compétences et l'expérience acquise en poursuivant leur activité au service des élèves handicapés. Par ailleurs, il arrive que le contrat d'un AVS arrive à échéance en cours d'année, et celui-ci ne pouvant être renouvelé, l'enfant doit interrompre sa scolarité faute d'aide, ce qui est humainement insupportable, pour lui et pour sa famille.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Nous sommes très souvent sollicités par les familles qui ne parviennent pas à trouver d'AVS pour leur enfant lequel, pour cette raison, se voit refuser l'accès à l'école ordinaire. Il y a manifestement une grave insuffisance dans ce domaine qu'il faut parvenir à combler.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - J'observe de la même façon une pénurie de places pour accueillir les enfants trisomiques.
Mme Françoise Henneron. - Je crois aussi que nous ne pouvons tolérer que des enfants handicapés ne puissent être scolarisés du fait de l'impossibilité de leur offrir un accompagnement. Selon les dires des directeurs d'école, il semble que les effectifs d'AVS diminuent et que la situation ne cesse de se dégrader.
M. Jean Desessard. - Pourquoi dès lors ne pas accepter qu'un rapport dresse un bilan de la situation et donner un avis défavorable à un amendement qui recherche des solutions ?
Mme Raymonde Le Texier. - Pourquoi ne pas prévoir en effet que les AVS seront intégrés au ministère de l'éducation nationale ? Je ne suis pas forcément favorable à la fonctionnarisation de toutes sortes de professions, mais il convient de stabiliser celle-ci.
M. Paul Blanc, rapporteur. - Je suis hostile à un rapport qui se bornerait à n'étudier que la seule option de l'intégration des AVS dans la fonction publique du ministère de l'éducation nationale. Cette solution n'est pas adaptée car elle est coûteuse et ne permet pas de résoudre la question de la prise en charge hors temps scolaire. L'éducation nationale ne finance l'accompagnement que sur le temps scolaire, c'est-à-dire à peine 180 jours par an. C'est là tout l'intérêt de recourir aux associations de services d'aides à domicile.
Groupe de travail sur la fin de vie - Examen du rapport d'information
M. Nicolas About, président du groupe de travail, rapporteur. - Le rapport que notre groupe de travail sur la fin de vie a adopté la semaine dernière n'a pas la prétention de dresser un tableau exhaustif de ce sujet difficile, ni d'en tirer des conclusions définitives. Il a plus simplement pour ambition d'en faire une analyse et il comporte deux propositions qui me paraissent pragmatiques.
L'analyse découle de la vingtaine d'auditions que nous avons conduites dans le souci d'entendre l'expression de toutes les familles de pensée, sans exclusive.
Deux points me semblent essentiels. Tout d'abord, et je pense relayer notre sentiment unanime, nous souhaitons rompre avec une vision purement technicienne de la fin de la vie qui peut aboutir à l'acharnement thérapeutique. Les droits reconnus au patient, sa volonté d'autonomie par rapport à la décision médicale, le fait qu'il puisse décider lui-même de la poursuite ou de l'arrêt des traitements, font l'objet d'un consensus social. La loi Leonetti du 22 avril 2005, venant elle-même à la suite de la loi Kouchner, s'inscrit dans cette logique. Ainsi, la mort n'est plus nécessairement masquée, niée, par la médecine, même si, comme l'a indiqué François Autain, elle l'est encore parfois. Ceux qui le souhaitent peuvent choisir d'y faire face en pleine conscience.
Notre consensus va encore plus loin sur la manière d'aborder la fin de vie. En effet, tant les partisans des soins palliatifs que ceux de l'euthanasie cherchent d'abord à lutter contre la douleur. Plus personne aujourd'hui n'entend lui attribuer une valeur morale ou spirituelle qui ferait obstacle à sa prise en charge ou empêcherait de chercher à la soulager. Que ce soit en diffusant les pratiques palliatives ou en choisissant une « mort douce » provoquée, nous nous préoccupons tous de trouver le meilleur moyen pour que la fin de vie soit, au moins physiquement, apaisée.
La différence entre les conceptions possibles réside ailleurs, dans l'attitude face à la mort elle-même. Pour certains, il faut l'accepter et attendre l'échéance en vivant pleinement tous les instants qui nous en séparent. Pour d'autres, il faut pouvoir maîtriser la mort, non pas prétendre la surmonter, mais pouvoir la choisir et par là conserver jusqu'à la fin la conduite de son existence et l'évolution de son corps.
Face à ces deux attitudes, que permet l'état du droit ? D'abord, si le suicide n'est plus pénalement réprimé en France depuis le code pénal de 1810, le cas du suicide assisté est plus complexe : on ne peut réprimer une action destinée à accomplir un acte qui n'est pas lui-même répréhensible mais le risque d'incrimination sur la base de l'assassinat, de l'empoisonnement ou même de la non-assistance à personne en danger est réel.
La question centrale, comme l'a souligné Gilbert Barbier, est celle du rôle du médecin. La loi Leonetti admet, on le sait, le « double effet » des soins palliatifs : un soin destiné à apaiser la douleur peut avoir aussi pour effet de réduire l'espérance de vie. Ce soin pourra être prodigué si le patient ou son entourage sont informés de ses conséquences potentielles. C'est donc l'intention du médecin qui marque la frontière entre un acte destiné à soulager la douleur, et celui qui abrège la vie.
Plusieurs des personnes auditionnées nous ont affirmé que cette distinction est confuse, voire hypocrite, et qu'elle ne permet pas une bonne application de la loi. Pourtant, la détermination de la valeur d'un acte en fonction de l'intention qui le sous-tend est l'un des fondements de notre droit pénal. Ceux qui sont partisans de l'euthanasie devraient donc compléter la loi Leonetti plutôt que la changer, car elle est cohérente du point de vue des soins palliatifs. Par ailleurs, même si l'euthanasie venait à être autorisée, il est évident, comme le montre l'exemple belge, que les soins palliatifs continueraient à jouer un rôle prédominant dans la fin de vie.
Incontestablement, la loi Leonetti a apporté une solution acceptable pour de nombreux cas en affirmant le droit des malades de refuser le traitement et en demandant la mise en place de soins palliatifs une fois que les soins curatifs ne sont plus envisageables. Bien sûr, il faut que cette loi soit mieux connue et que des moyens supplémentaires soient alloués aux soins palliatifs. Ceux-ci ne doivent d'ailleurs plus être cantonnés aux unités spécialisées mais être intégrés aux pratiques de l'ensemble des services hospitaliers confrontés à la fin de vie et étendus, autant qu'il est possible, aux soins dispensés à domicile.
J'estime cependant, à titre personnel et cette considération ne figure pas en tant que telle dans le rapport, que la loi Leonetti ne règle pas un cas particulier : celui des personnes qui ne sont pas nécessairement en fin de vie mais qui se trouvent dans l'incapacité physique de mettre elles-mêmes fin à leurs jours, si tel devait être leur souhait face aux difficultés insurmontables de leur existence quotidienne. A la suite de la question que m'avait posée Marie-Thérèse Hermange, je précise que j'exclus de cette interrogation les personnes atteintes de troubles mentaux ou d'un handicap mental dont le consentement me semble ne pouvoir être valablement recueilli.
Je suis parfaitement conscient du message que sont venues nous porter plusieurs des personnes auditionnés sur le risque que certaines de ces personnes puissent voir, dans un débat sur l'euthanasie qui leur serait particulièrement consacré, une remise en cause du combat qu'elles mènent à chaque instant pour vivre. Mais mon optique est précisément inverse. Offrir à ceux qui se sont tant battus la possibilité de s'arrêter, quand ils l'auront voulu, sans être une fois encore dominés par le corps contre lequel ils ont dû combattre, c'est leur donner une perspective apaisante. Je ne plaide évidemment pas pour qu'ils aient recours à l'euthanasie mais je conçois que si la possibilité leur en était offerte, cela en aiderait certains à mieux vivre sans jamais, peut-être, y avoir recours.
Concernant l'évolution éventuelle de notre droit, notre rapport ne peut qu'exposer les différents arguments pour et contre une légalisation de l'euthanasie. Bien évidemment, il ne tranche pas en faveur de l'une ou l'autre de ces thèses. Il appartiendra à chacun de prendre, le moment venu, ses responsabilités en fonction de ses convictions les plus profondes. Nous en aurons probablement l'occasion lors de l'examen de la proposition de loi, dont nos collègues François Autain et Guy Fischer ont annoncé le dépôt et dont il nous a été dit que l'inscription à l'ordre du jour serait demandée.
Le groupe de travail a adopté, tout en notant les réserves de Gilbert Barbier, deux propositions :
- la première concerne les procès pour euthanasie. L'audition du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, Bertrand Louvel, a été, sur ce point, particulièrement éclairante. Les juges ont eu à connaître d'une vingtaine de cas d'euthanasie sur les dix dernières années, ce qui est faible. Seule la moitié d'entre eux a abouti devant les tribunaux. Mais ces cas, particulièrement douloureux, ont-ils réellement leur place en cour d'assises ? Je ne le crois pas et nous devons empêcher que d'autres familles n'aient à supporter un tel drame judiciaire, qui s'ajoute au drame humain qu'elles ont déjà vécu. Le groupe de travail demande donc que le Garde des Sceaux adresse aux parquets une instruction tendant, après qu'ils se seront assurés que l'euthanasie était uniquement motivée par la volonté de mourir de la personne, au classement sans suite de ces affaires. Comme le suggérait le président Louvel, la base juridique de ce classement pourrait être celle de l'article 122-2 du code pénal.
Cet article, qui prévoit les cas d'irresponsabilité pénale, a déjà été appliqué par un juge d'instruction au cas d'une mère ayant fait l'injection d'un produit létal à son fils devenu tétraplégique et qui lui demandait de mourir. Le juge a estimé que la volonté du fils s'était substituée à celle de la mère et que cette dernière n'était donc pas responsable de ces actes. Cette interprétation et l'instruction qui, sur cette base, pourrait être donnée aux parquets, me paraissent d'autant plus intéressantes qu'elles sont susceptibles de répondre à la situation des personnes qui, sans être nécessairement en fin de vie, désirent mettre fin au combat quotidien qu'elles mènent pour survivre mais qui ne peuvent techniquement se donner la mort, comme je l'exposais précédemment ;
- la deuxième proposition répond au besoin de connaissances sur les pratiques liées à la fin de vie en France, et précisément sur les euthanasies, dont on sait qu'elles sont, dans les faits, pratiquées en dehors du cadre de la loi. Il existe plusieurs rapports sur la mort à l'hôpital et l'on dispose d'études partielles qui montrent que des décisions d'euthanasie sont prises dans des services médicaux. Mais aucune étude systématique n'a été menée à ce jour sur ce sujet sensible.
L'observatoire de la fin de vie, créé le 10 février dernier à la suite du rapport Leonetti et que préside Régis Aubry, ancien président du comité de suivi du développement des soins palliatifs, pourrait valablement conduire cette étude.
J'insiste, toutefois, sur le fait qu'il est essentiel qu'elle repose sur des méthodes internationalement reconnues et qui permettent la comparaison entre la situation de la France et celle d'autres pays concernant la fin de vie et l'euthanasie.
Le professeur Luc Deliens, de l'université libre flamande de Bruxelles, que nous avons entendu, est un spécialiste reconnu en ce domaine et son approche pragmatique a grandement servi à la réflexion engagée par le législateur belge. Le groupe de travail pourrait donc demander qu'une étude sur les circonstances de la fin de vie en France soit menée selon les principes que ce professeur a élaborés. Il peut sembler paradoxal, voire impossible, de mener une étude et de publier un rapport sur des pratiques illégales, mais le professeur Deliens a déjà conduit un travail de ce type pour d'autre pays, en entourant ses recherches d'un certain nombre de garanties pour les professionnels de santé qui décrivent leurs pratiques, notamment en matière d'anonymat et d'absence de poursuites.
Si l'observatoire de la fin de vie était dans l'incapacité de répondre à cette demande, ne pourrait-on imaginer que la commission des affaires sociales, qui dispose de crédits d'études, demande au professeur Deliens de la conduire pour elle, ce qu'il serait disposé à faire ?
Telles sont les conclusions du groupe de travail. Si vous autorisez la publication de ce rapport d'information, les contributions personnelles des membres du groupe qui souhaiteront préciser leur point de vue, y figureront en annexe.
M. Gilbert Barbier. - Je félicite Nicolas About d'avoir mené à son terme les travaux du groupe de travail sur la fin de vie. Son rapport, qui porte sur un sujet délicat, tente de parvenir à un consensus, difficile à trouver du fait des approches fondamentalement différentes des uns et des autres.
Je rappelle ensuite qu'il est important de bien faire la distinction, comme le propose Marie de Hennezel, entre : la limitation ou l'arrêt des thérapeutiques actives ; le soulagement de la douleur et de l'angoisse ; l'acte de donner intentionnellement la mort, c'est-à-dire l'euthanasie au sens propre.
C'est sur ce dernier point que les opinions sont les plus partagées.
L'une des propositions du président About consiste à confier à l'observatoire de la fin de vie une étude sur les pratiques liées à la fin de vie dans notre pays. Ce travail, bien qu'intéressant en soi, risque d'être difficile à mener, dans la mesure où ces pratiques se rencontrent aussi bien dans les services d'urgence, de réanimation, de gériatrie que dans les blocs opératoires ou les services à domicile. En outre, je m'interroge sur la finalité de cette enquête. Servira-t-elle à cautionner l'idée selon laquelle l'existence d'actes illégaux prouve qu'il est désormais temps de les légaliser ? Ou permettra-t-elle de lutter contre ces pratiques clandestines en les sanctionnant ?
Sur la proposition relative aux procès pour euthanasie, je m'oppose - comme je l'ai dit devant le groupe de travail -, à ce que l'on confie au seul juge l'appréciation de l'acte d'euthanasie. Lui laisser la décision de classer l'affaire sous prétexte d'« une euthanasie fondée sur un sentiment d'humanité » me paraît être la porte ouverte à toutes les interprétations. Je note toutefois que cette expression, qui figurait dans l'intervention du président Nicolas About de la semaine dernière devant le groupe de travail, n'a pas été reprise dans celle qu'il vient de prononcer.
En tout état de cause, il ne revient pas au juge de dire si l'acte de donner intentionnellement la mort relève de la cour d'assises ou pas. C'est au législateur de prendre ses responsabilités et de décider de légaliser ou non cette pratique.
En définitive, laissons les médecins et les soignants face à leur conscience, sachant que c'est toujours « l'intention qui préside à l'acte ».
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Je trouve particulièrement intéressant de débattre de ce sujet juste après les échanges que nous avons eus sur le handicap et je remercie le président Nicolas About pour le travail qu'il a accompli.
La question sous-jacente au rapport du groupe de travail sur la fin de vie est celle de l'aide à la mort volontaire. En effet, c'est bien de la volonté d'une personne de mettre fin à ses jours dont il s'agit, et non pas de la mort « bonne » ou « douce » en soi, comme le laisse supposer le terme d'euthanasie. La mort volontaire n'est pas non plus la mort digne. Cette assimilation, comme l'a souligné le professeur Axel Kahn lors de son audition, reviendrait à considérer qu'il existe des formes de vie indignes. Or, tant la Déclaration universelle des droits de l'homme que la Convention européenne des droits de l'homme récusent cette idée.
Ce n'est donc pas d'un débat sur l'organisation de la mort volontaire dont notre société a besoin mais d'une réflexion sur les moyens permettant de mieux accueillir les plus faibles d'entre nous. Lancer une discussion sur l'euthanasie, avant d'avoir répondu aux besoins de prise en charge des personnes fragiles, c'est risquer de leur signifier qu'elles sont de trop.
A supposer que l'on accepte l'idée que l'Etat organise une aide à la mort volontaire, deux questions ne peuvent être éludées : qui sera chargé de donner la mort et qui pourra la demander ?
A la première question, les partisans de l'aide à la mort répondent que la France pourrait prendre exemple sur les législations belge et hollandaise, qui imposent que l'injection létale soit faite par un médecin. Comme le montre le débat actuel en Suisse, l'aide au suicide par des volontaires non médecins pose en effet de nombreuses difficultés d'ordre éthique. Cependant, demander à des médecins de donner la mort est lourd de conséquence pour la médecine elle-même. Cela consacrerait un changement dans la conception que notre société se fait de la mission de la médecine qui, tournée jusqu'à présent vers la vie, serait dès lors contrainte d'envisager les moyens d'y mettre fin.
Pour ce qui est de la seconde question, aucune loi sur l'aide à la mort volontaire ne pourra jamais prétendre répondre à l'intégralité des demandes individuelles. Ainsi, à la question prétendument délimitée des personnes en fin de vie s'ajoute aussitôt celle des personnes handicapées, sans que soit clairement déterminé de quel type de handicap il est question. Il est clair que les demandes, tendant à inclure de nouveaux cas où l'aide à la mort sera possible, ne seront pas satisfaites par une loi consacrée aux personnes en fin de vie.
S'agissant des recommandations du groupe de travail, deux remarques s'imposent :
- l'étude relative aux pratiques liées à la fin de vie en France permettra non seulement de mesurer l'ampleur du phénomène mais aussi de lutter contre les pratiques illégales ;
- la proposition consistant à confier l'appréciation de la volonté de mourir de la personne au juge est difficilement acceptable, sauf à être reconnue comme une démission du législateur.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Je félicite à mon tour le président About pour ce rapport qui a le mérite de poser une question de fond : la loi Leonetti du 22 avril 2005 est-elle suffisante ? A mon sens, elle ne l'est pas.
Il me semble particulièrement dangereux de vouloir opposer développement des soins palliatifs et possibilité de donner la mort. Il s'agit là de deux pratiques non antinomiques mais bien complémentaires. C'est à l'individu en fin de vie, et à lui seul, de décider de continuer ou non à vivre dans des conditions éprouvantes. Il doit être libre d'organiser son départ comme il l'entend. Aujourd'hui, cette possibilité n'existant pas, certaines personnes en sont réduites au suicide, autrement dit à une mort violente et solitaire. Sans compter que leurs proches sont susceptibles d'être accusés de non-assistance à personne en danger.
Comme j'ai pu personnellement le constater, la loi Leonetti organise une euthanasie à petit feu. Il est temps, désormais, de laisser à chaque individu le libre choix de s'exprimer.
J'apprécie que le président About ait posé le problème des personnes qui, sans être en fin de vie, ne peuvent physiquement pas se donner la mort. Pourquoi ces dernières, à qui la société apporte une aide dans les tâches de la vie quotidienne, ne pourraient-elles pas également bénéficier d'une assistance lorsqu'elles ont décidé de mourir ?
En ce qui concerne les propositions du groupe de travail, la seconde me paraît être une très bonne idée car elle permettra de sortir de l'hypocrisie actuelle et de mettre à plat un certain nombre de choses. La première est, certes, une piste intéressante, mais je crains que l'instruction adressée aux parquets puisse être contestée à tout moment. Par ailleurs, je suis d'accord avec Gilbert Barbier et Marie-Thérèse Hermange lorsqu'ils affirment que l'appréciation de l'acte d'euthanasie est de la responsabilité du législateur.
La France pourrait utilement s'inspirer des législations hollandaise et belge qui autorisent les médecins à donner la mort. Ainsi que l'a montré le professeur Luc Deliens lors de son audition, le simple fait que les individus en fin de vie aient la possibilité de demander la mort peut les inciter à vouloir poursuivre leur existence.
M. Paul Blanc. - Ce rapport m'interpelle car j'estime que la loi Leonetti est suffisante. En tant que médecin, j'ai été confronté à ces questions et, en tant que législateur, je ne conçois pas voter un texte qui reviendrait à demander aux médecins de renier le serment d'Hippocrate. Je m'oppose donc à toute loi qui consisterait à légaliser l'euthanasie. Par ailleurs, la proposition du rapport sur l'instruction adressée par le Garde des Sceaux aux parquets ne me semble pas reposer sur un fondement juridique rigoureux.
M. François Autain. - Je partage pleinement la position de Jean-Pierre Godefroy et tiens à saluer l'esprit d'ouverture ayant présidé à la préparation de ce rapport qui s'attache à respecter tous les points de vue.
Le groupe CRC-SPG déposera prochainement une proposition de loi sur l'aide active à mourir et demandera son inscription à l'ordre du jour, à l'occasion d'une niche accordée au groupe au mois de novembre.
Je ne suis évidemment pas de l'avis de ceux qui combattent l'euthanasie, mais je comprends parfaitement que l'on puisse y être opposé. En revanche, j'estime que ces personnes doivent, inversement, respecter la position de ceux qui plaident pour l'euthanasie.
Dans un pays comme la France, la loi doit donner la possibilité à ceux qui demandent de mourir d'être aidés dans leur geste. Actuellement, et j'y ai été confronté autrefois en tant que médecin, beaucoup d'euthanasies sont pratiquées par sédation par des membres du corps médical. L'acte consistant à aider un patient en fin de vie à mourir n'est pas contraire au serment d'Hippocrate : au contraire, il s'inscrit dans la continuité des soins prodigués par le médecin.
Comme l'a expliqué le professeur Luc Deliens, l'autorisation de recourir à l'euthanasie n'enraye pas le développement des soins palliatifs ; elle a plutôt tendance à l'encourager. Dans les pays qui ont légalisé l'euthanasie, le recours à cette pratique demeure d'ailleurs marginal.
La première proposition du rapport ne peut être qu'une mesure transitoire : la seule vraie réforme consiste à modifier la loi pour autoriser l'euthanasie. A ce sujet, je rappelle que ce n'est pas la loi Leonetti qui donne le droit aux malades de décider eux-mêmes de la poursuite ou de l'arrêt des traitements, mais la loi Kouchner de 2002. Celle-ci a constitué un premier pas en consacrant une forme d'euthanasie passive.
La seconde proposition me semble très pertinente et, en définitive, je voterai pour la publication de ce rapport.
Mme Françoise Henneron. - Je ne partage pas le point de vue exprimé par Jean-Pierre Godefroy sur l'euthanasie et je m'oppose à sa légalisation. Il peut en effet arriver que des personnes en fin de vie demandent à mourir, en raison de l'état de grande détresse physique et/ou morale dans laquelle elles se trouvent, mais reviennent, un peu plus tard, sur leur position notamment lorsqu'on est parvenu à apaiser leurs douleurs.
M. Jean-Louis Lorrain. - Je crains que ce débat sur la fin de vie, certes nécessaire, ne soit l'occasion d'ouvrir de nouvelles brèches dans la législation. Le législateur doit-il s'approprier quelque chose, en l'occurrence le corps humain, qui ne lui appartient pas ? Il me semble que ni le législateur, ni le juge, ni le médecin, n'ont à s'emparer de cette question.
Le concept de « liberté de choix », entendu à maintes reprises, me semble particulièrement flou et évolutif.
Par ailleurs, j'insiste sur le fait que la mort n'est pas seulement l'affaire d'un individu, c'est aussi une épreuve pour l'entourage.
Il faudrait que les défenseurs de l'euthanasie nous disent qu'elles sont les valeurs qui les animent.
Enfin, pourquoi ne citer que l'école belge lorsqu'on parle d'euthanasie et ne pas s'intéresser aux travaux de l'école de Lausanne, par exemple ?
Mme Janine Rozier. - Ce rapport, très pédagogique, est en quelque sorte une grille de lecture particulièrement précieuse pour comprendre le sujet, fort complexe, de l'euthanasie.
Je considère que finalement, tout dépend des convictions de chacun : soit l'on croit que notre vie nous appartient, soit l'on croit qu'elle est entre les mains de Dieu.
M. Nicolas About, rapporteur. - Janine Rozier vient de parfaitement résumer le sujet que nous devrons approfondir à l'occasion du futur débat parlementaire sur la proposition de loi que déposera prochainement le groupe CRC-SPG. Ce n'est, en revanche, pas le thème que nous avons à traiter aujourd'hui. Le rapport du groupe de travail sur la fin de vie n'a en effet pas pour objectif de se prononcer pour ou contre l'euthanasie.
J'insiste sur le fait que seule l'intervention liminaire que j'ai prononcée devant vous tout à l'heure fait foi. Plusieurs collègues ont réutilisé des mots, que j'ai pu employer lors de la réunion du groupe de travail de la semaine dernière mais que je n'ai volontairement pas repris dans mon propos d'aujourd'hui. C'est en effet tout l'intérêt d'un groupe de travail que de faire évoluer la pensée.
J'aimerais répondre à Gilbert Barbier que toute enquête, quelle qu'elle soit, ne peut présager des conclusions qu'elle est censée apporter. On ne mène pas une étude pour accréditer une thèse en particulier mais, au contraire, pour rendre compte de manière objective d'une situation et, éventuellement, en tirer les leçons qui s'imposent.
S'il s'avère que des euthanasies sont pratiquées en dehors du cadre de la loi en France, ces pratiques doivent être sanctionnées. On ne peut accepter que des personnes en fin de vie soient tuées sous prétexte que le tiers à l'origine de l'acte soit épris d'un « sentiment d'humanité ». L'étude proposée permettra donc, dans un premier temps, de mettre au clair la situation et d'envisager des sanctions pour ceux qui ne respectent pas la loi actuelle. Elle sera, dans un second temps, l'occasion pour tout un chacun de se forger sa propre opinion sur l'euthanasie.
Sur la deuxième proposition du groupe de travail, je précise qu'il est question d'une instruction adressée par le Garde des sceaux aux parquets, ainsi que l'article 30 du code de la procédure pénale en prévoit la possibilité. Cette instruction, délivrée à titre collectif et non pas individuel, autoriserait le juge, après qu'il se sera assuré qu'il n'y a pas d'incrimination prévue par les textes dans le dossier qui lui est soumis, de classer sans suites l'affaire. La base juridique de ce classement pourrait être celle de l'article 122-2 du code pénal qui prévoit les cas d'irresponsabilité pénale. Cette procédure permettrait que les affaires les plus douloureuses ne soient pas renvoyées en cour d'assises.
Concernant le serment d'Hippocrate évoqué par plusieurs collègues, il faut rappeler que celui-ci énonce une obligation à soigner, à prendre soin et à rester humain.
Par ailleurs, je ne cèderai pas à la pression de la théorie de la « pente fatale », selon laquelle toute brèche dans la législation est la porte ouverte aux dérives en tout genre. La loi est là pour interdire certains comportements, pour poser des limites, pour fixer des bornes, qui certes peuvent bouger, mais seulement si le législateur en décide ainsi.
Je voudrais, en réponse à Marie-Thérèse Hermange, citer les propos tenus par le professeur Axel Kahn qui venaient compléter ceux qu'elle a elle-même rapportés : « Je veux rester responsable même si un jour je devais moi-même me réserver la liberté de faire éventuellement ce que me dicte ma conscience ». Cette déclaration est remarquable car son auteur, pourtant grande figure de l'éthique médicale, ne rejette pas l'idée qu'il pourrait, un jour, éventuellement, être amené à faire un acte auquel il s'oppose aujourd'hui. Il déclare simplement qu'il en assumera la responsabilité.
Je précise que je n'ai, dans mon propos introductif, volontairement pas parlé de personnes handicapées, mais de personnes qui ne sont pas obligatoirement en fin de vie et qui ne peuvent physiquement pas mettre elles-mêmes fin à leurs jours, si tel devait être leur souhait. La question est de savoir si ces personnes doivent pouvoir bénéficier d'une aide pour passer à l'acte. Il serait, en revanche, très dangereux que ce débat conduise certains à demander une loi sur l'euthanasie qui concernerait spécifiquement les personnes handicapées.
Comme l'a fait remarquer Françoise Henneron, il est indispensable que la volonté de mourir soit réitérée et non pas exprimée à la va-vite dans la clandestinité.
Enfin, je rappelle à Jean-Louis Lorrain que le débat sur l'euthanasie a été relancé non pas par ce rapport mais dès l'année dernière, à l'occasion d'une question orale avec débat posée au Sénat par le groupe socialiste. J'indique enfin que l'argument suivant lequel le législateur ne doit pas traiter du corps est déjà largement démenti par le droit : la loi a déjà abordé tous les sujets, celui des cellules, de l'embryon, du sang de cordon ombilical. Il a également affirmé, et réaffirmé, l'indisponibilité du corps humain.
Mme Muguette Dini, présidente. - Conformément à l'usage, je vais solliciter l'autorisation de la commission pour la publication du rapport du groupe de travail. Je rappelle que celui-ci sera accompagné des contributions des sénateurs de la commission qui le souhaitent, à charge pour eux de faire parvenir ces documents au secrétariat d'ici à la fin du mois.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Je ne vais pas m'opposer à la publication de ce rapport, mais je tiens à souligner que la pratique consistant à faire approuver le principe de la publication d'un rapport avec le contenu duquel on peut être en désaccord me paraît pour le moins surprenante.
Mme Muguette Dini, présidente. - A l'inverse, s'opposer à la publication d'un rapport d'information reviendrait en quelque sorte à nier la réalité du travail effectué alors qu'il est susceptible d'apporter une contribution utile à la réflexion.
M. Gilbert Barbier. - Je demande que soit mentionné le fait que je vote contre.
Mme Françoise Henneron. - Je m'abstiens.
La commission autorise la publication de ce rapport d'information.
Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat
La commission désigne Mme Christiane Demontès, suppléante, appelée à siéger au sein de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles.
- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances -
Orientation sur les finances publiques - Audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission, conjointement avec la commission des finances, procède à l'audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, en prévision de la tenue du débat d'orientation sur les finances publiques.
M. Jean Arthuis, président. - L'audition du Premier président de la Cour des comptes constitue un moment essentiel pour préparer l'examen du projet de loi de règlement des comptes et le débat d'orientation budgétaire, qui auront lieu cette année au Sénat le 8 juillet, respectivement le matin et l'après-midi, conformément au « chaînage vertueux » retenu par les pères de la loi organique relative aux lois de finances.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Je suis honoré de cette audition commune consacrée à la présentation du rapport 2010 sur la situation et les perspectives des finances publiques établi par la Cour des comptes pour laquelle je suis accompagné de Christian Babusiaux et Rolande Ruellan, présidents de chambre, ainsi que d'autres collègues. Ce rapport, établi conformément à l'article 58-3° de la LOLF, complète le rapport sur les résultats et l'exécution du budget de l'État et l'acte de certification de ses comptes, que j'ai présentés à la commission des finances le 26 mai dernier, ainsi que l'acte de certification des comptes du régime général de sécurité sociale, qui a été rendu public hier et que j'exposerai à la commission des affaires sociales le 6 juillet prochain.
Pour en résumer les conclusions, la dégradation très sérieuse de nos finances publiques en 2009 et au début de 2010 n'est pas encore irréversible si la France s'attelle dès maintenant à une action de redressement forte, crédible et durable. Si le mal qui atteint nos finances publiques est chronique, ce dont témoignent les précédents rapports de la Cour, la maladie a franchi un nouveau stade. Il y a urgence à la traiter, sauf à hypothéquer notre indépendance et notre souveraineté.
Avant de décrire les perspectives, arrêtons-nous quelques instants sur les exercices 2009 et 2010.
En 2009, notre déficit et notre endettement publics ont atteint un niveau sans précédent depuis l'après-guerre. Le déficit public s'est élevé à 7,5 % du PIB, en raison d'un accroissement des dépenses publiques de 3,7 % en volume et d'une baisse du produit des prélèvements obligatoires de plus de 5 % par rapport à 2008. Si l'on exclut les mesures liées à la crise - soit le plan de relance de 7 milliards, le remboursement anticipé de TVA aux collectivités pour un coût de moins de 1 milliard et un accroissement de 4 milliards des allocations chômage -, le rythme d'augmentation des dépenses publiques est de 2,4 %, un chiffre bien supérieur à celui de 1% prévu dans la loi de programmation. En outre, les charges d'intérêt payées au titre de la dette ont fortement diminué du fait de la baisse des taux. Autrement dit, ce sont les dépenses courantes, hors intérêts de la dette, hors investissement, et hors mesures de relance et d'assurance chômage, qui ont progressé de 3,7 % en volume. L'année 2009 a donc été marquée par un « phénomène de décompensation », un relâchement des efforts de maîtrise des dépenses publiques dans tous les secteurs, dont s'était inquiété Philippe Séguin devant vous l'an dernier. Quant à la baisse des recettes, majoritairement attribuable à la récession et, dans une moindre mesure, au volet fiscal du plan de relance, elle est également la conséquence de baisses pérennes de prélèvements obligatoires, telle la diminution du taux de TVA sur la restauration, et des hausses de recettes affectées aux organismes de protection sociale ou aux collectivités territoriales. Le coût net de ces mesures nouvelles a aggravé le déficit public de 2,5 milliards en 2009. Du côté des dépenses comme des recettes, la crise n'explique donc qu'une partie de la dégradation de nos finances publiques. Pour dresser un diagnostic précis du mal, il est nécessaire de procéder à de savants calculs, sur la base d'une prévision de croissance potentielle. Le chiffrage de la Cour ne prend pas en compte les mesures de relance, considérées comme non pérennes, contrairement à la Commission européenne qui retient, en conséquence, un niveau de déficit structurel sensiblement plus élevé que le nôtre. D'après nos calculs, le déficit structurel est de 5 % du PIB en 2009, contre 3,9 % en 2008, la crise et les mesures de relance expliquant seulement un tiers du déficit global.
Je ne reviens pas sur la forte augmentation du déficit public de 4,2 points de PIB, principalement attribuable à l'État et à ses divers organismes d'administration centrale, que j'avais évoquée à l'occasion de la présentation du rapport sur les résultats et l'exécution budgétaire de l'État.
L'année 2009 aura également été marquée par une forte hausse des déficits sociaux du fait d'une croissance des dépenses de 4,5 %, après une augmentation de 3,1 % en 2008, conjuguée à une diminution des recettes due à la baisse en valeur de la masse salariale privée de 1,3 %. Ce déficit atteint 20,3 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 3,2 milliards de déficit pour le fonds de solidarité vieillesse. En 2009, les quatre branches du régime général sont dans le rouge. L'assurance maladie, avec un solde négatif de plus de 10 milliards, est responsable de la moitié du déficit d'ensemble des branches. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été à nouveau dépassé de 700 millions en 2009, du fait d'une sous-estimation des dépenses hospitalières et de la réalisation incomplète des économies prévues en loi de financement. Le déficit de la branche retraite continue de se creuser pour atteindre 7,2 milliards, confirmant la tendance observée depuis 2005, malgré une croissance moins vive des prestations servies grâce au ralentissement des départs anticipés. La branche famille enregistre également un déficit important de 1,8 milliard, alors qu'elle était proche de l'équilibre en 2008. Quant à l'assurance chômage qui avait dégagé d'importants excédents en 2007 et 2008, elle est redevenue déficitaire en 2009 avec un résultat négatif de plus de 1 milliard.
Dans ce panorama, les collectivités territoriales se distinguent : leur déficit, qui a diminué de plus de 3 milliards en 2009, représente désormais 0,3 % du PIB, contre 0,4 % en 2008. Leurs recettes ont progressé plus fortement que leurs dépenses, grâce aux remboursements anticipés de TVA qui n'ont guère relancé l'investissement. Leurs dépenses de fonctionnement ont décéléré sensiblement par rapport aux années précédentes, sauf pour les intercommunalités. Néanmoins, ces évolutions positives masquent l'aggravation de la situation financière de nombreux départements, victimes d'un effet de ciseau entre le dynamisme des dépenses sociales et la faible progression de leurs recettes.
Plus préoccupant, le déficit primaire, c'est-à-dire hors charges d'intérêts de la dette, est passé de 0,5 % en 2008 à 5,1 % du PIB en 2009. Dans ces conditions, il est impossible de stabiliser l'endettement en pourcentage du PIB, la France devant emprunter pour payer les intérêts de la dette et une partie des dépenses courantes hors intérêt. C'est le fameux effet boule de neige décrit par Philippe Séguin l'an dernier. La dette au sens du traité de Maastricht a augmenté en une seule année de plus de dix points de PIB. Elle représente 78,1 % du PIB, soit presque 1 500 milliards. La dette publique est portée à près de 80 % par l'État et les organismes qui lui sont rattachés, dont l'endettement a progressé de 135 milliards en 2009. La dette sociale a augmenté, pour sa part, de 31 milliards, si l'on tient compte des 24 milliards de découvert de trésorerie de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) fin 2009. Au total, avec les déficits transférés à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et non amortis, la dette sociale atteint près de 150 milliards, soit quasiment le niveau de la dette locale qui s'établit à 157 milliards. Toutefois, la dette sociale est profondément anormale, les cotisations devant couvrir les prestations, quand la dette locale, elle, résulte d'investissements et a pour contrepartie des actifs.
Pour mieux comprendre l'état de nos finances publiques, recourons à des comparaisons internationales. Notre position, défavorable l'an dernier, l'est restée. Notre déficit et notre dette publics ont augmenté dans les mêmes proportions que dans les autres pays européens, malgré une récession moins violente et un plan de relance d'une ampleur plus limitée. Plus inquiétant : le décrochage de la France par rapport à l'Allemagne. Notre déficit public, inférieur à celui constaté outre-Rhin entre 2002 et 2005, est supérieur de plus de quatre points de PIB en 2009. De même, notre déficit structurel est supérieur de quatre points de PIB à celui de l'Allemagne en 2009 quand la différence était d'un point en 2006. Quant à l'écart entre les soldes primaires français et allemand, il dépasse pour la troisième année consécutive les trois points de PIB, un niveau jamais atteint. Notre dette publique qui était inférieure à celle de l'Allemagne jusqu'à fin 2007, lui est désormais supérieure de cinq points. D'aucuns considèrent que ces écarts croissants tiennent à une gestion trop restrictive des finances publiques en Allemagne. Pour autant, la dégradation de notre position en Europe est également patente lorsque l'on nous compare à l'Italie : notre déficit public comme notre solde structurel sont supérieurs depuis trois ans à ceux de l'Italie, même si notre dette reste inférieure.
Pour 2010, le Gouvernement annonce une nouvelle dégradation : le déficit et la dette publics atteindraient respectivement 8 % et 83,7 % du PIB. Cette évolution s'explique par une croissance de 1,7 % des dépenses publiques en volume, hors relance et allocations chômage, soit un niveau bien supérieur à l'objectif de 0,6 % retenu pour la période 2011-2013 ; et par une insuffisante sécurisation des recettes résultant, entre autres, de la réforme de la taxe professionnelle. Dès lors, le déficit structurel atteindra 5,7% du PIB, soit une hausse de 100 milliards. L'ensemble des administrations publiques sera concerné en 2010, même si les organismes sociaux seront les plus affectés en raison du faible dynamisme de la masse salariale. En retenant les hypothèses du Gouvernement, le déficit du régime général sera proche de 27 milliards, dont la moitié proviendra de l'assurance maladie, auquel il faut ajouter le déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui s'établira à 4,3 milliards ; celui de l'assurance chômage atteindra 10 milliards. Le déficit budgétaire de l'État sera de 152 milliards -un record. La prévision d'un fort rebond de recettes fiscales nettes apparaît volontariste au regard de la précédente récession de 1993, qui s'était traduite par une élasticité des recettes fiscales sensiblement inférieure à l'évolution du PIB pendant trois ans. Dans ce contexte, l'augmentation de près de 12 milliards de recettes fiscales fin avril 2010 doit être interprétée avec une grande précaution. Elle traduit d'abord le contrecoup des mesures de relance de début 2009. Ce déficit record est surtout la conséquence de la réforme de la taxe professionnelle d'un coût net de 12,7 milliards et des 35 milliards de dépenses d'investissements d'avenir. Certes, les investissements d'avenir auront un faible impact en 2010 sur le déficit et l'endettement publics au sens de Maastricht. En effet, les 35 milliards, déposés auprès du Trésor, seront versés, pour partie, par tranches de 4 à 5 milliards chaque année sur une période de quatre ans, sans être inclus dans la norme de dépenses. Le reste de cette somme, non consomptible, donnera lieu au versement d'intérêts de 600 millions par an qui seront, eux, intégrés dans la norme de dépense, ce qui accroîtra d'autant l'effort nécessaire de réduction des dépenses courantes de l'État. Pour autant, ce programme d'investissement augmentera la dette de 19 milliards en 2014, sans compter la charge cumulée des intérêts de plus de 11 milliards durant la période 2010-2020.
L'année 2010 sera probablement marquée par une nouvelle dégradation de la capacité d'autofinancement des collectivités, et en particulier des départements du fait de la forte croissance des dépenses sociales. Leur besoin de financement progressera dans un contexte d'incertitudes sur l'évolution du cadre institutionnel et financier des collectivités et de baisse des remboursements de la TVA.
Résultat : le déficit public de la France restera plus élevé que celui des pays de la zone euro et de l'Union européenne, supérieur de trois points de PIB à celui de l'Allemagne. La dette publique sera dans les moyennes communautaires, mais son déficit structurel continuera d'être plus élevé.
Le futur n'est pas davantage rassurant. Les conditions d'un retour à un déficit public de 3 % du PIB, objectif affiché par le Gouvernement, sont loin d'être assurées à ce jour. Le programme de stabilité adressé à la Commission est fondé sur une croissance de 2,5 % par an entre 2011 et 2013. Le Gouvernement a, en effet, privilégié un scénario de rattrapage rapide des pertes de production, plus favorable que les scénarios du rapport Cotis-Champsaur. L'élasticité des recettes semble surévaluée tandis que l'objectif de progression des dépenses, de 0,6 % par an, paraît très ambitieux. Comment dégager 45 milliards d'économie, et beaucoup plus sur les dépenses primaires pour compenser la hausse des charges d'intérêt, au vu des décisions qui font suite à la publication du Livre blanc sur la défense nationale ou encore de l'accroissement des dépenses fiscales prévues au titre du Grenelle de l'environnement ? En outre, il sera difficile à l'État de diminuer de 1 à 2 points le rythme des dépenses des administrations locales et sociales, faute de leviers efficaces pour les réguler.
A moyen terme, la soutenabilité des finances publiques de la France n'apparaît pas assurée. Si l'on retient une croissance de 2,25 %, soit le scénario bas du Gouvernement, le déficit public et la dette dépasseront en 2013 respectivement 6 % et 93 % de la richesse nationale. Le redressement de nos finances publiques est désormais un impératif. Il faut un traitement immédiat, continu et massif de nos déséquilibres financiers pour réussir à faire atterrir cet avion gros porteur qu'est la France, lancé à pleine vitesse, sur une piste qui se réduit à mesure que notre endettement devient de moins en moins supportable.
Parmi les causes de déséquilibres financiers qui menacent à court terme la soutenabilité des finances publiques figurent les retraites avant la mise en oeuvre des mesures récemment annoncées par le Gouvernement. Le rôle de la Cour n'est pas de prendre parti sur celles-ci, mais de mesurer leur impact. Le chiffrage du besoin de financement par le conseil d'orientation des retraites (COR), à l'horizon 2050, est de 114 milliards pour l'ensemble des régimes de retraite, selon le scénario le plus pessimiste, soit 3 % du PIB. La réforme aura un effet structurel à long terme, c'est-à-dire à l'horizon 2020. Pour autant, ces calculs ne tiennent pas compte des charges d'intérêts au titre des déficits cumulés des régimes, supérieures en 2050 à 114 milliards. Les mesures annoncées par le Gouvernement réduiront relativement peu le déficit à court terme alors que la moitié du problème de financement des retraites se pose dès maintenant. Le déficit hors intérêts, de 1,7 % du PIB en 2010 selon le COR, doit être traité par des mesures d'impact immédiat pour enrayer l'effet boule de neige des intérêts de la dette.
En outre, les comparaisons internationales montrent que la France devra faire un effort de redressement équivalent aux autres pays européens pour compenser la situation initiale plus dégradée de ses finances publiques. La réforme des seules retraites ne suffira pas à traiter un problème financier global, qui appelle des mesures continues et vigoureuses de l'État, des organismes sociaux et des collectivités. Depuis des années, il y a un décalage permanent entre les dépenses et les recettes publiques : les dépenses ne sont couvertes qu'à hauteur de 86 % en 2009 et les recettes de l'État couvrent à peine plus de la moitié de ses dépenses nettes. Le Gouvernement a annoncé des mesures d'approche pour réduire la progression des dépenses fiscales, des dépenses d'intervention ou des dépenses de fonctionnement de l'État et de ses opérateurs. La diminution du déficit structurel de 1 point de PIB chaque année sur la période 2011-2013, soit 20 milliards par an, à laquelle il s'est engagé devant le Conseil de l'Union européenne, devra être impérativement tenue. Il revient au Gouvernement et au Parlement de décider des modalités de cet ajustement budgétaire, difficile, mais non impossible comme l'ont prouvé de nombreux pays.
Si la Cour n'a pas pour rôle de mettre au point un programme qui engagerait des choix collectifs, elle est fondée, de par la mission d'assistance qui lui est confiée par la Constitution, à identifier les termes du débat, le niveau des efforts à accomplir et à proposer des pistes de réflexion. Il convient d'abord de déterminer la part respective que doivent jouer la hausse des recettes et la réduction des dépenses dans le redressement. Pour la Cour, l'effort doit porter prioritairement sur la dépense publique, dont les effets sont plus durables pour la consolidation des comptes publics. Cela implique une politique, plus ambitieuse que celle de la révision générale des politiques publiques, consistant à réexaminer l'ensemble des dépenses publiques, et notamment les plus coûteuses : les prestations sociales, qui représentent le tiers des dépenses publiques, les rémunérations, qui en constituent le quart, mais également les dépenses d'assurance maladie, dont le déséquilibre est tout aussi fort que celui des retraites. De telles réformes structurelles nécessitent, au préalable, une réflexion sur le bien-fondé et l'efficacité de l'intervention publique afin de ne pas dégrader la qualité du service rendu. La Cour entend prendre toute sa part dans la revue générale des programmes, conformément à sa nouvelle mission constitutionnelle.
Les réformes structurelles ayant un impact budgétaire souvent très progressif, il faut dès à présent mettre l'accent sur les dépenses d'intervention. Depuis de trop nombreuses années, nous avons pris la mauvaise habitude de tenir un guichet ouvert pour des publics sans cesse plus nombreux. L'insuffisante sélection de la dépense publique conduit à un saupoudrage, que la Cour a déjà souligné en matière d'aides personnelles au logement ou au développement des entreprises. En attendant, il faudra prendre des mesures à effet rapide, quitte à ce qu'elles soient temporaires. Ainsi, pourrions-nous gager toute nouvelle dépense publique de manière à ce que la satisfaction des nouveaux besoins soit strictement réalisée par redéploiement. Il serait en effet paradoxal de vouloir à la fois réduire la vitesse à l'atterrissage, tout en appuyant en même temps sur la manette des gaz. De même, n'attendons pas d'atteindre le bout de piste pour actionner les freins ! La Cour propose une « boîte à outils » pour consolider rapidement les comptes publics. En matière de dépenses de personnel, les réductions d'effectifs ayant des limites inévitables, la prochaine négociation salariale pluriannuelle dans la fonction publique sera déterminante : la hausse de 1 % de la valeur du point de la fonction publique représente 1,8 milliard en année pleine. D'autres pays ont déjà pris des décisions de gel, voire même de baisse des rémunérations des hauts fonctionnaires ou de l'ensemble des fonctionnaires. Toutefois, l'alignement progressif des cotisations retraite de la fonction publique sur le régime général, annoncé par le Gouvernement, pèsera déjà sur l'évolution des rémunérations versées.
Ramener les comptes de la sécurité sociale à l'équilibre en 2013 nécessitera également un cocktail de mesures à effet rapide et de réformes structurelles, pesant de manière équitable sur les assurés, les bénéficiaires d'allocations et les professionnels de santé. La réforme des retraites annoncée par le Gouvernement contribuera à ralentir la croissance des pensions avec un relèvement de l'âge d'ouverture des droits. Mais l'indexation des pensions continuera d'entretenir le dynamisme de ces dépenses, comme la revalorisation des prestations légales qui accroît la progression des prestations familiales. En matière de maladie, nous pourrions envisager la baisse du prix des médicaments, une plus grande sélectivité des admissions au régime des affections de longue durée ou une non-revalorisation des actes et consultations au-delà de ce qui a été déjà décidé.
Il faut également agir sur les recettes en cessant impérativement de consentir des baisses d'impôt et en limitant la progression des dépenses fiscales qui ont augmenté à périmètre constant de plus de 5 % par an depuis 2000, et même de 8,5 % chaque année depuis 2004. Ces deux phénomènes sont, en effet, la cause principale du déficit structurel. Une hausse ciblée des prélèvements obligatoires est inévitable. Elle devra passer, en priorité, par un réexamen des dépenses fiscales et des niches sociales. Ce sera une mesure d'équité. De nombreux dispositifs ont été retirés depuis quelques années des dépenses fiscales, sans que les explications apportées ne convainquent totalement. Les critères d'ancienneté et de généralité manquent de pertinence sans compter qu'ils ne sont pas utilisés de manière cohérente. Leur chiffrage, exercice difficile, progressera via une meilleure utilisation des déclarations fiscales et un croisement plus fréquent avec des données statistiques. Cet effort ne devra pas se limiter aux 6 milliards annoncés par le Gouvernement à horizon 2013, qui correspondent à la hausse moyenne des dépenses fiscales chaque année, mais porter sur 10 milliards en application de la règle posée par la loi de programmation qui limite la durée de vie des dépenses fiscales créées à partir de 2009 à quatre ans. Il faudra compléter cet examen des dépenses fiscales par un abaissement du plafond global des avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu qui a été instauré en 2009 ou une réduction forfaitaire de tous les crédits et réductions d'impôts -le fameux coup de rabot. Si de telles mesures sont décidées, elles devront s'appliquer de manière systématique et uniforme et, en priorité, aux réductions et crédits d'impôts.
Quant au retour à l'équilibre des comptes sociaux, il passera par un apport de nouvelles recettes qu'il faut d'abord rechercher dans un réexamen systématique des exonérations de cotisations et des réductions d'assiette. On pourra agir, en particulier, sur les dispositifs d'entreprise, comme l'intéressement ou la protection sociale complémentaire, générateurs de fortes inégalités entre les salariés. Enfin, il faudra rapidement transférer à la Cades la dette accumulée de l'ACOSS au titre de la maladie, ce qui imposera sans doute de combiner un relèvement du taux de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et un allongement de la durée de vie de la dette sociale, à condition qu'elle soit remboursable dans un délai maximum de dix à quinze ans.
Pour conclure, la France, dont les finances publiques étaient déjà fortement dégradées, est entrée en 2009 dans une récession jamais connue depuis la seconde guerre mondiale si bien qu'elle ne pourrait pas faire face aujourd'hui à un éventuel retournement conjoncturel ou à une nouvelle crise financière sans craindre les réactions de ses créanciers. Les marges de manoeuvre de l'État se trouvent progressivement réduites par l'effet boule de neige de notre endettement. Plus nous attendrons, plus les efforts à réaliser seront importants parce qu'il faudra payer les charges d'intérêts de notre dette. Le coût de l'inaction est supérieur à celui des mesures immédiates. La dette a augmenté de près de quinze points de PIB entre fin 2007 et fin 2009, ce qui génère chaque année des charges d'intérêts supplémentaires de 10 milliards au taux d'intérêt théorique de 3,5 %, soit l'équivalent des deux tiers des aides personnelles au logement versées à plus de 6 millions de personnes. Il faut donc engager la consolidation des comptes publics dès 2011. Voilà le principal message de la Cour, dont j'ai bon espoir qu'il sera entendu.
Ce message, loin d'être pessimiste, oblige à plus de lucidité sur les efforts à accomplir et les nombreux atouts dont la France dispose pour rétablir sa situation financière. Engageons-nous dans cette voie pour donner à tous la conviction d'un effort collectif, partagé et équitable. C'est à cette condition que nous pourrons parer aux comportements d'épargne de précaution, défavorables à la croissance, et conforter la confiance des créanciers dans notre pays.
M. Jean Arthuis, président. - Merci de cet éclairage sur nos finances publiques. Vos observations, partagées par la commission des finances, ne nous étonnent guère. La bonne nouvelle est que la dégradation de nos finances publiques n'est pas irréversible ! Nous aurons tout le loisir d'éprouver nos convictions lors de l'exercice stimulant du débat d'orientation budgétaire auquel participe le Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Merci de ce constat extrêmement clair. J'ai le sentiment que notre commission des finances, pour m'en tenir à une litote, est enfin moins isolée...
M. Jean Arthuis, président. - La Cour cheminait déjà...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Soit ! Mais l'aggravation de notre situation a incité à davantage de lucidité... Une contrainte contradictoire pèse sur notre pays. D'une part, nous devons revenir à un déficit de 3%, sans quoi les conditions de financement de notre dette s'alourdiront de sorte que toutes les perspectives de rétablissement de nos comptes voleront en éclat. D'après toutes les études prospectives, le crédit de la France se maintiendra. Soit, mais à condition que nous nous astreignions à une trajectoire crédible. J'insiste : il nous faudra de la persévérance, de la constance et, j'ose le mot, de la rigueur dans les mesures appliquées... D'autre part, les efforts de consolidation, qui iront s'amplifiant à mesure que les plans des États de la zone euro et de l'Union européenne s'accroîtront, remettront en cause la croissance potentielle de nos États et notre capacité à nous situer sur cette trajectoire de croissance potentielle. Dans ces conditions, est-il concevable de revenir à 3 % de déficit public en 2013 avec une croissance sensiblement inférieure aux 2,5 % affichés de manière volontariste, et selon moi, non crédible par le Gouvernement ? Il y a donc une contradiction entre la confiance des marchés, la capacité à faire évoluer nos économies et à maintenir une croissance minimale. Cette contradiction, à laquelle nous n'échapperons pas, ne doit en aucun cas être une excuse à une coûteuse inaction, a rappelé le président Migaud. Pour autant, elle constitue un vrai problème de modèle pour la France et la zone euro.
La nouvelle norme de dépenses de l'État, annoncée par le Premier ministre, est le gel en valeur des dépenses hors charge de la dette et hors pensions. Monsieur le président, cette nouvelle norme de dépense est-elle plus rigoureuse que l'ancienne norme, c'est-à-dire la stabilisation en volume ? Concernant les dépenses de personnel, pensez-vous que la RGPP a été source d'économies ? Les mesures catégorielles et générales portant sur les rémunérations ont-elles réduit les gains de la RGPP ? La Cour préconise-t-elle le gel indiciaire de la fonction publique d'État ? Quelles mesures spécifiques devraient être prises pour éviter que la création de très nombreux opérateurs de l'État ne rende théoriques les règles de gouvernance de nos finances publiques ? Quelles sont les mesures préconisées pour contraindre les dépenses et l'endettement des opérateurs de l'État ? Enfin, deux questions inspirées par les auditions sur le projet de loi de règlement. Peut-on réduire de 10% les dépenses d'intervention en ne sacrifiant que des dépenses discrétionnaires ou faut-il aussi modifier les régimes des différents guichets ? Les objectifs de réduction des dépenses sont-ils compatibles avec les lois de programmation et les nombreuses contractualisations en cours que l'État s'est plu à signer avec des partenaires divers ?
M. Jean Arthuis, président. - Ce matin, le rapport de M. de Montesquiou sur la loi de programmation et d'orientation pour la performance de la sécurité intérieure ne nous a guère rassurés...
M. Didier Migaud. - Merci de ces propos sur les travaux de la Cour. Il est dans l'intérêt de notre pays de respecter ses engagements vis-à-vis des autres pays de l'Union. Il y va du crédit de la France, il y va des conditions de financement de notre dette. Un retour à un déficit de 3% en 2013 paraît un objectif difficile quand le Gouvernement se fonde sur des hypothèses optimistes. Par exemple, l'élasticité des recettes est fixée à 1,2% quand, dans le passé, elle n'a jamais été supérieure à 1% après une forte période de récession. La Cour recommande donc de prévoir des mesures pour parer à la situation où les hypothèses ne se vérifieraient pas. Le Gouvernement y réfléchit actuellement, le Parlement débattra bientôt des orientations budgétaires, les arbitrages ne sont pas encore rendus sur les lois de finances et de financement.
L'adoption d'une nouvelle norme de dépense modifie peu la situation. Il faut donc aller au-delà car les objectifs de maîtrise de la dépense publique ne sont pas respectés, en raison de l'accroissement des dépenses fiscales et des dépenses des opérateurs de l'État, dont l'augmentation respective a été de plus de 8,5 % et de plus de 11 %.
Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite génère des économies modestes, environ 500 millions, qui sont, de surcroît, en partie recyclées. En revanche, cette réforme aura des effets à long terme sur les finances publiques.
Concernant les règles de gouvernance de nos finances publiques, elles ont une portée symbolique au moins pour nos partenaires. L'important, plutôt que de les modifier, est de les faire respecter.
La réduction de 10% des dépenses d'intervention et des dépenses courantes nécessite la modification du régime des guichets pour mieux cibler la dépense. Trop souvent, l'objectif initial s'est perdu.
Effectivement, la comparaison des engagements pris dans les lois de programmation avec les objectifs de réduction des dépenses peut être source d'inquiétude. D'où la nécessité de ne pas multiplier les dépenses, notamment fiscales.
La loi de programmation militaire, comme toute politique publique, devrait être remise sur la table.
M. Jean Arthuis, président. - Sur le gel de l'évolution du point de la fonction publique ?
M. Didier Migaud. - La Cour ne formule pas de propositions.
M. Jean Arthuis, président. - Ce serait pourtant intéressant. A-t-elle des tabous ?
M. Didier Migaud. - Elle reste à sa place en dressant des constats et en établissant des chiffrages : aux politiques de décider.
M. Jean Arthuis, président. - Le gouvernement ira-t-il dans le sens de ce que vous souhaitez ?
M. Didier Migaud. - La maîtrise de la dépense publique requiert un effort plus ample. Nous mettons des éléments sur la table, il vous appartient d'arbitrer. Il peut aussi y avoir des mesures temporaires. Nous avons chiffré le gel indiciaire.
M. Jean Arthuis, président. - Rappelez-nous...
M. Didier Migaud. - Cela représente 1,8 milliard...
M. Christian Babusiaux, président de la première chambre. - ... pour les trois fonctions publiques.
M. Jean Arthuis, président. - Avez-vous chiffré la suppression des 35 heures ?
M. Jean Arthuis, président. - « Lorsque la mesure devient réalité, l'utopie se dissipe... »
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - La situation des comptes sociaux 2009 et 2010 n'est pas plus rassurante que celle de l'Etat. Fin 2010, les déficits cumulés du régime général et du fonds de solidarité vieillesse atteindront 53 milliards d'euros. L'Acoss ne pourra continuer à les prendre en charge et la Cades aura besoin de ressources nouvelles, voire d'une prolongation de sa durée de vie. Quelles sont les options envisageables ?
Dans le cadre de la réforme des retraites, le FRR pourrait alimenter la Cades. Est-ce inévitable ? Une affectation au FSV ne serait-elle pas plus judicieuse ?
L'Ondam a connu un dépassement de plus de 700 millions en 2009. La rationalisation des établissements doit-elle conduire à tout facturer selon la logique de la tarification à l'activité (T2A) ? Cette réforme n'a-t-elle pas des effets pervers ?
M. Didier Migaud. - La Cour a indiqué dans son rapport 2009 que l'Acoss ne pouvait pas porter des déficits d'une telle ampleur ; la loi de financement de la sécurité sociale l'a néanmoins autorisée à emprunter jusqu'à 65 milliards. Les plafonds d'avance de trésorerie de l'Acoss doivent permettre de faire face aux seuls déficits infra-annuels ; le processus est aujourd'hui dévoyé. Un transfert à la Cades aurait pour contrepartie de nouvelles ressources avec, peut-être, un report de son échéance. Il convient d'augmenter la CRDS et de jouer sur la durée d'amortissement. Rolande Ruellan vous expliquera que, dans cette dernière hypothèse, il faut modifier la loi organique.
La réforme des retraites devrait permettre de revenir à l'équilibre en 2018, mais rien ne le garantit. Elle repose sur 13 milliards de recettes supplémentaires et 15 milliards de mesures d'économies. En tout état de cause, il faudra des ajustements. Nous ne connaissons pas le détail de la réforme proposée, qui laisse entière la question du financement de l'assurance maladie, sauf à imaginer que le FRR vienne combler le déficit. Céder des actifs est difficile dans le contexte actuel ; il n'y a pas de disponibilités immédiates. La crise peut rendre légitime d'utiliser une ressource, mais il ne s'agit pas du seul déficit et un raisonnement global est nécessaire.
M. Jean Arthuis, président. - La crise ne change rien au problème démographique.
M. Didier Migaud. - Non, mais elle a accéléré le déficit. La question des retraites ne doit pas occulter celle de l'assurance maladie, dont le déficit est supérieur.
Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre. - Le dépassement de l'Ondam s'élève à 740 millions, dont 600 millions pour les établissements de santé. La grippe peut avoir « le dos large » ; en réalité, l'introduction de la nomenclature V 11 a provoqué des dépenses supplémentaires, les hôpitaux étant mieux rémunérés pour les cas graves ; ce nouveau codage a donné lieu à une optimisation. Les Hospices civils de Lyon viennent ainsi de se voir infliger un redressement pour avoir surcodé, même si des erreurs sont possibles. Le problème essentiel reste l'organisation de l'hôpital. On n'a pas assez progressé sur le réseau et sur l'organisation interne. Des hôpitaux demeurent déficitaires et empruntent parfois pour rembourser des emprunts. Ils n'ont pas sur s'adapter assez rapidement pour faire face au passage à la T2A, ce juge de paix impitoyable qui a révélé les sous-productivités des établissements.
M. Didier Migaud. - Nous y reviendrons en septembre.
M. Jean-Jacques Jégou. - A vous entendre, on sent qu'il n'y aura pas de mesures fortes prises dans ce domaine par le Gouvernement. Il faudra que la commission des finances...
M. Jean Arthuis, président. - Et celle des affaires sociales !
M. Jean-Jacques Jégou. - ... renouvellent leurs initiatives. Vous avez en effet dressé un parallèle entre le déficit budgétaire, qui appelle une diminution des dépenses car les recettes ne sont pas certaines, et le déficit social, qui nécessite des recettes supplémentaires - vous devinez la position de celui qui a à connaître du FRR et de la Cades. Vous ne pouvez pas donner votre sentiment sur la TVA pour la restauration mais la Cour donne souvent son avis sur l'efficacité ou l'inefficacité d'une dépense. Les 20 milliards d'allègements de charges forment une trappe à bas salaires. La Cour pourrait-elle nous aider par ses avis ?
Il est nécessaire de relever la CRDS, je le confirme. L'assiette de cette contribution est large et son taux bas ; la reprise de 10 milliards d'euros supposerait ainsi une augmentation de 0,077 point de la CRDS en 2010, mesure qui présenterait l'avantage d'être indolore et compréhensible pour l'opinion publique. La réforme des retraites est le prélude à un règlement des comptes sociaux et des solutions seront peut-être apportées au sujet du financement de la dépendance. Tarder ne rendra-t-il pas le relèvement de la CRDS plus difficile ? Ma génération a la douleur de reporter sur ses enfants et petits-enfants la charge de ses feuilles de maladie. Un gouvernement peut néanmoins répugner à augmenter la CRDS et à ajuster la CSG à l'endroit des retraités, ce qui pourrait être mal accepté.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Si je n'ai pas encore eu le temps de lire la totalité du rapport, j'ai pris connaissance avec intérêt des réponses du Gouvernement. Représentant la commission des finances au conseil de surveillance du Fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c), j'ai noté une augmentation de 40 % du nombre des bénéficiaires de la CMU en 2009. La croissance est plus faible pour la complémentaire. Cette affaire, qui concerne plus de 4 millions de personnes, n'apparaît jamais dans les dépenses sociales. Pourriez-vous y jeter un coup d'oeil ?
La Cour a noté que 68 % de notre dette extérieure était portée par des non-résidents, ce qui est dangereux. Dans ses réponses, le Gouvernement avance une justification extraordinaire : cela accroît la sécurité du pays !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Elle est bien bonne...
M. Jean-Pierre Fourcade. - On doit trouver un mécanisme de réorientation de l'épargne. Enfin, dans la boîte à outils, il y a l'augmentation des recettes. Une augmentation de la TVA et de la CSG n'est-elle pas préférable au bricolage fiscal ?
M. Jean Arthuis, président. - Ne gaspillez pas la TVA...
M. Edmond Hervé. - Il y a entre nous quelques points de consensus. Indépendamment du respect que nous lui portons, nous n'avons pas à déléguer une partie de nos pouvoirs à la Cour. Nous avons un rôle de contrôle des dépenses. La communication d'Aymeri de Montesquiou ce matin, en commission des finances, a démontré que la mission « Sécurité » a engagé des dépenses qui n'avaient pas encore été validées par le vote de la loi de programmation (LOPPSI 2), ce qui est extrêmement dommageable. Certaines règles ne sont pas respectées, ainsi en ce qui concerne les niches fiscales.
L'an dernier, le rapporteur général nous avait expliqué qu'il était heureux que nous n'ayons pas à voter sur les projections pluriannuelles qui engagent le Gouvernement. Je suis ravi de son nouvel optimisme.
Nous discutons de manière systématique de la dépense et de la recette, mais la croissance est fondamentale. Comment atteindre nos objectifs si nous ne prenons garde à celle-ci ? Le plan de relance a souligné l'importance du rôle des collectivités locales, mais quel sort leur réserve-t-on ?
La T2A et le prix de journée ont un effet inflationniste. J'ai été très surpris de constater l'importance des partenariats public-privé dans les hôpitaux publics. Si je n'y suis pas hostile par principe, je sais aussi quelle bombe à retardement ils deviennent quand on ne les contrôle pas. Il n'est pas admissible que des hôpitaux empruntent pour rembourser d'autres emprunts. Je m'y suis opposé pendant trente-et-un ans au CHU de Rennes, alors même que je votais les budgets.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Si j'ai dit qu'il était préférable de ne pas être amené à voter les programmes pluriannuels, c'est que je les trouvais insincères : ils étaient envoyés à Bruxelles sans réelle intention de les mettre en pratique. Le double langage n'étant plus de mise cette année, car la situation est bien pire, nous pourrions voter.
M. Jean Arthuis, président. - La commission Camdessus propose de fixer un plafond de dépenses et un plancher de recettes pluriannuels.
M. Edmond Hervé. - Quand le discours s'écarte de la réalité, c'est la résurrection du « nouveau roman » !
M. Jean Arthuis, président. - Le temps est venu de réconcilier l'image et la réalité.
M. Bernard Angels. - Il faut beaucoup d'optimisme pour y croire... La situation est pire que l'an dernier, quand on nous annonçait un effort de maîtrise. Il y a la crise, mais les deux-tiers du déficit sont d'ordre structurel.
Je suis abasourdi par la comparaison avec nos partenaires européens : nous sommes les mauvais élèves de l'Europe. Comment redresser la situation ? Tout est dans le rouge et il n'y a pas beaucoup de grain à moudre. Je suis plutôt pessimiste. Quand le Gouvernement a pris de mauvaises décisions au cours de ces huit dernières années, sa majorité ne l'a pas corrigé. Peut-on arrêter les cadeaux fiscaux et avez-vous analysé les niches fiscales et sociales du point de vue de l'emploi ? Il ne s'agit pas que le malade meure guéri ! Rêver d'une croissance de 2,5 %, c'est se faire plaisir.
M. Jean Arthuis, président. - Une ordonnance pour administrer des potions ?
Mme Raymonde Le Texier. - La situation est grave, et désespérée.
M. Jean Arthuis, président. - Mais pas irréversible.
Mme Raymonde Le Texier. - Cet échange me déprime. Les mesures indispensables auront des conséquences peu réjouissantes. Pouvez-vous nous remonter le moral en énumérant les atouts de la France ?
M. Jean Arthuis, président. - La Cour des comptes...
M. Jacky Le Menn. - Dans son récent rapport sur l'hôpital, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale pointe la possible dérive de la T2A. Ce mécanisme crée en effet un intérêt à amplifier les recettes pour caler les dépenses. La tentation est grande pour un CHU en déficit... Les comptabilités analytiques restent indigentes et, si l'on a accompli des progrès sur les paramètres de base des échelles de coût et que l'on maîtrise mieux les coefficients de groupe, encore faut-il jouer sur les deux tableaux simultanément.
M. Jean Arthuis, président. - Avez-vous constaté une amélioration de la gouvernance des hôpitaux et des systèmes d'information ?
M. Jean-Jacques Jégou. - Il n'y en a pas !
M. Jean Arthuis, président. - Ce n'est pas managé ! Peut-on espérer un meilleur pilotage et qu'on sorte des querelles entre hôpital public et clinique privée qu'il faudrait mettre en synergie ?
M. Edmond Hervé. - L'administration hospitalière française est très bonne mais il y a une défaillance au niveau ministériel - je l'ai expérimenté à mes dépens. Cela procède de la tradition de pauvreté des ministères sociaux.
M. Jean-Jacques Jégou. - Les mesures d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac), sur lesquelles je prépare un rapport, représentent plus de 8 milliards d'euros. Je découvre des choses au fil des auditions.
M. Didier Migaud. - Il faut agir sur les dépenses et sur les recettes, tant pour le budget de l'Etat que pour les comptes sociaux. Il y a des marges sur le bloc des niches fiscales et la Cour s'est exprimée à plusieurs reprises sur la baisse de la TVA pour la restauration, qu'elle a estimée inopportune. Le contexte des finances publiques est extrêmement tendu. La loi de programmation prévoit que toute nouvelle dépense fiscale doit être gagée et qu'elle peut être mise en cause. La Cour des comptes, monsieur Hervé, reste à sa place...
M. Philippe Marini, président. - Confortable !
M. Didier Migaud. - Nous disons les choses en toute indépendance et vous décidez.
M. Jean Arthuis, président. - Les conditions de vote de la TVA sur la restauration ne sauraient se reproduire puisque de telles dispositions relèveront désormais obligatoirement de la loi de finances.
M. Didier Migaud. - La Cour des comptes ne peut que se réjouir de cette discipline. S'agissant des niches fiscales et sociales, la méthode du « rabot » présente au moins le mérite de l'efficacité et de la rapidité : 10 % de 30 milliards d'exonérations fiscales, cela fait 3 milliards. Cependant, une mesure générale ne doit pas exclure de travailler sur chaque niche.
M. Jean-Jacques Jégou. - Absolument !
M. Didier Migaud. - Ce matin, à l'Assemblée nationale, la question de la retransformation des dépenses fiscales en dépenses budgétaires a été posée par le rapporteur général Gille Carrez.
La CMU est inscrite dans notre programme pluriannuel et nous y reviendrons dans un rapport futur. Nous avons pris connaissance de la réponse du Gouvernement sur la dette. Il devient dangereux de trop dépendre de l'extérieur qui impose des règles. Si l'on ne doit pas prendre de décisions interdisant le retour à la croissance, les effets keynésiens s'émoussent quand la dette est trop élevée et l'inaction a un coût car ne pas agir, c'est laisser la dette et la dépendance s'accroître aux dépens de la souveraineté et de notre marge de manoeuvre.
La TVA ne fait pas partie de nos recommandations afin de ne pas trop peser sur la consommation. Le déblocage de l'épargne est un sujet récurrent.
M. Jean Arthuis, président. -Il faudra bien se poser un jour la question de savoir ce qui prime de la consommation ou de la production.
M. Didier Migaud. - Je connais vos propositions.
Oui, le contrôle et l'évaluation sont importants, et la Cour peut y aider. Poursuivre l'endettement, même de façon maîtrisée peut être contreproductif en termes de croissance et si les collectivités territoriales contribuent à l'investissement, celui-ci n'a pas augmenté en 2009, les mesures du Gouvernement ayant eu essentiellement pour objet de faciliter la trésorerie des collectivités.
La situation est grave mais pas désespérée car la France a des atouts, madame Le Texier. La crise immobilière y a été moins forte et les conséquences de la crise financière y ont été moins sensibles. Nous avons des comptes transparents et fiables, grâce à la certification, ce qui peut contribuer à notre crédibilité. Le taux d'épargne privée est plutôt plus important que chez nos voisins et la démographie joue en notre faveur. Enfin, le modèle social a pu avoir des effets heureux lors de la récession. Préserver ces atouts contribue à un redressement qui est possible si l'on prend des mesures immédiates, continues, partagées et structurelles.
On peut partager le constat de messieurs Le Menn et Arthuis sur les hôpitaux qui ont un vrai problème de pilotage.
Mme Rolande Ruellan. - Nous traitons tous les ans de l'hôpital dans le rapport sur la sécurité sociale. Nous avons observé des poches de sous-productivité : il y a forcément des progrès à réaliser. Nous disposons d'outils comparatifs. Les établissements n'en sont pas moins des personnes morales et il y en a 1 100. La loi Hôpital patients santé et territoires devrait apporter des améliorations. Les comptabilités analytiques ne sont pas assez développées et la T2A, qui a un côté inflationniste, appelle des contrôles. Des hôpitaux perdent de l'argent faute de coder correctement. Or les tarifs sont fixés en fonction de l'enveloppe prévue. Nous avons bien entendu évoqué les MIGAC l'an denier.
M. Jean Arthuis, président. - Merci de cette audition stimulante. En présentant votre rapport, vous avez confirmé que la Cour assure pleinement sa mission d'assistance du Parlement, et tout particulièrement quand il veut exercer ses prérogatives de contrôle. Les prochains rendez-vous seront vivifiants car le vote sur le débat d'orientation budgétaire, s'il n'engage pas la responsabilité du Gouvernement, préfigure les lois pluriannuelles, avec un plafond de dépenses et un plancher de recettes pour tracer la trajectoire du retour à l'équilibre. Nous avons entendu vos observations. Le Gouvernement s'engagera sur les préconisations de M. Camdessus. Nous devrions avoir une autre attitude sur les lois de finances et contenir l'addiction pour les dépenses publiques comme la tentation de baisser les impôts. Nous sommes appelés à un partage équitable, avec 45 milliards de recettes supplémentaires et 45 milliards de dépenses en moins. Nous n'aurons pourtant franchi que la moitié du chemin vers l'équilibre.