Mercredi 20 janvier 2010
- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -Laboratoires pharmaceutiques fournisseurs des vaccins antigrippaux H1N1 - Table ronde
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a organisé une table ronde avec les représentants des laboratoires pharmaceutiques fournisseurs des vaccins antigrippaux H1N1.
Elle a entendu MM. Jacques Berger, directeur général délégué de Sanofi Pasteur, Philippe Chêne, président, et Olivier Grumel, directeur « affaires publiques et gouvernementales » de Baxter France, Hervé Gisserot, président, David Lechleiter, directeur des opérations vaccins, et Jean-Noël Bail, directeur des affaires économiques et gouvernementales de GlaxoSmithKline, Alexandre Sudarskis, directeur général de Novartis vaccins et diagnostics, Mme Véronique Ameye, directeur exécutif « relations institutionnelles et économiques » de Novartis Pharma, et M. Cyrille Marquette, pharmacien responsable de Novartis vaccins et diagnostics.
Mme Muguette Dini, présidente, a rappelé que la commission des affaires sociales est attentive, depuis plusieurs mois, à l'évolution de la pandémie grippale et aux conditions dans lesquelles la lutte contre cette pathologie est organisée. Elle a ainsi procédé à l'audition de la ministre de la santé et a été très active, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, afin que la répartition des dépenses liées à la grippe A, entre l'Etat et l'assurance maladie, corresponde au rôle respectif de chacun.
Alors que l'épidémie est en fort recul, il apparaît aujourd'hui que la campagne de vaccination organisée depuis le mois de novembre dernier a faiblement incité la population à se faire vacciner, de sorte que le nombre de vaccins commandés par le Gouvernement excède largement les besoins. Certes, ces commandes ont été passées à un moment où l'on estimait que deux doses de vaccin seraient nécessaires pour assurer une protection efficace contre le virus, mais le problème des surplus se pose désormais. Le Gouvernement a donc annoncé la résiliation de la commande de 50 millions de doses sur les 94 millions initialement achetées.
Dans ce contexte, il est nécessaire que les quatre laboratoires concernés - GlaxoSmithKline, Sanofi Pasteur, Novartis et Baxter - expliquent à la commission comment ils se sont organisés pour faire face à la pandémie et précisent les conditions de négociation, le calendrier et les termes du contrat passé avec le gouvernement français. Deux des contrats ont pris la forme d'avenants à des marchés existants, tandis que deux autres ont été passés sur le fondement de l'article 3 du code des marchés publics, qui permet de ne pas appliquer les règles essentielles de ce code pour la passation de marchés qui exigent le secret ou dont l'exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité.
Au-delà, bien des questions se posent : les contrats signés contenaient-ils des clauses de résiliation ou prévoyaient-ils des tranches conditionnelles ? Où en est l'exécution de ces contrats en termes de livraison et de fabrication des vaccins et sont-ils comparables, dans leur contenu, avec ceux passés avec d'autres gouvernements ?
Quelle est la portée exacte des clauses de responsabilité qui ont conduit l'Etat à garantir les titulaires des marchés contre les conséquences de toute réclamation ou action judiciaire pouvant être menées dans le cadre des opérations de vaccination, sauf en cas de faute du titulaire ou de livraison de produit non conforme à l'autorisation de mise sur le marché ? Enfin, quelle a été la part de la vaccination contre la grippe H1N1 dans l'activité des laboratoires en 2009 ?
M. Jacques Berger, directeur général délégué de Sanofi Pasteur, a indiqué que Sanofi Pasteur, qui constitue la division vaccins du groupe Sanofi Aventis, emploie treize mille personnes en France et commercialise des vaccins dans cent cinquante pays. La préparation de la campagne de lutte contre la pandémie grippale a nécessité la mobilisation de toutes les équipes de l'entreprise, puisqu'il était indispensable de disposer, pour faire face à cette situation, de l'expertise humaine nécessaire, d'une capacité de production adaptée et des technologies pertinentes pour assurer la mise au point d'un vaccin efficace pouvant être produit rapidement en grande quantité. La préparation à cette situation a été engagée depuis plusieurs années lorsqu'est apparue la souche de grippe H5N1.
M. Philippe Chêne, président de Baxter France, a rappelé que Baxter, entreprise américaine fondée en 1931, spécialisée dans la fabrication de médicaments et de dispositifs médicaux utilisés à l'hôpital, est un jeune acteur dans le domaine des vaccins, employant trois cent quarante personnes en France. L'entreprise a mis au point un vaccin élaboré sur culture cellulaire et non sur oeuf, ce qui permet une mise à disposition plus rapide. Ce vaccin sans adjuvant a obtenu une autorisation de mise sur le marché de la Commission européenne le 7 octobre 2009.
En juillet 2009, le gouvernement français a souhaité disposer d'un certain nombre de doses de ce vaccin, compte tenu de ses caractéristiques spécifiques, et un contrat portant sur cinquante mille doses a été signé avec l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) le 10 août. Il s'agit d'un contrat d'appoint par rapport à ceux qui ont été signés avec d'autres laboratoires, représentant 0,05 % des montants d'achats programmés par la France. Les premières doses sont arrivées sur le sol français le 29 août et, le 27 octobre, l'Eprus en a réceptionné douze mille. Le solde a été livré le 10 décembre dernier, de sorte que le contrat, qui ne contenait aucune clause spécifique de résiliation, a été entièrement exécuté.
Les laboratoires, aux termes des différents contrats passés avec le gouvernement français, sont pleinement responsables des produits qu'ils délivrent, mais pas de l'organisation de la campagne de vaccination elle-même. Pour l'avenir, la signature très en amont de contrats de pré-réservation serait sans doute souhaitable, notamment pour permettre aux acquéreurs de bénéficier d'un prix connu à l'avance.
M. Hervé Gisserot, président de GlaxoSmithKline (GSK), a indiqué que GSK emploie en France cinq mille cinq cents personnes réparties sur quatre sites industriels et un site de développement. L'entreprise a engagé ces dernières années des investissements considérables à hauteur de 2,5 milliards d'euros en capacité industrielle et en recherche et développement pour faire face à une éventuelle pandémie de virus H5N1 ou à d'autres phénomènes comparables. Ces investissements ont été récemment accélérés.
Les laboratoires ont des contacts permanents avec les gouvernements depuis plusieurs années à propos des risques de pandémie grippale mais les négociations relatives à la vaccination contre la grippe H1N1 se sont accélérées en avril et mai 2009. Le gouvernement français a adressé à GSK une lettre d'intention le 14 mai, la production a démarré le 22 juin et un contrat portant sur l'acquisition de cinquante millions de doses de vaccins a été signé le 10 juillet. Ces négociations ont été sereines et rapides dans un contexte où l'on craignait que les capacités de production mondiale soient inférieures à la demande potentielle. Les premières doses ont été livrées le 9 octobre.
Le contrat signé avec le gouvernement français est fondé sur le 7° de l'article 3 du code des marchés publics, compte tenu des impératifs de sécurité entourant ce marché. Il ne contient ni tranche conditionnelle ni clause spécifique de rupture, mais il est évident qu'un motif d'intérêt général peut toujours permettre la résiliation d'un marché public. En ce qui concerne les clauses de responsabilité, chaque laboratoire assume naturellement sa responsabilité pharmaceutique mais, s'agissant d'une campagne de vaccination de masse, les Etats doivent demeurer responsables de ce qui arrive dans le déroulement de cette campagne.
Au 15 janvier 2010, 15,5 millions de doses de vaccins étaient livrées à l'Eprus par GSK. Pour satisfaire les commandes passées par le Gouvernement, le laboratoire a dû faire appel à des sous-traitants pour certaines étapes industrielles, notamment le conditionnement, de sorte que l'annonce d'une résiliation d'une partie importante du contrat impliquera, pour GSK, des pénalités financières élevées.
Si les contrats avec les autres gouvernements sont secrets et ne peuvent être évoqués publiquement, GSK, dans un souci d'équité, a été attentif à la cohérence et à l'homogénéité des différents marchés passés avec les Etats.
Enfin, le vaccin contre la grippe H1N1 a représenté pour GSK 942 millions d'euros de chiffre d'affaires au niveau mondial au quatrième trimestre 2009, ce qui représente approximativement 3 % du chiffre d'affaires global du groupe.
M. Alexandre Sudarskis, directeur général de Novartis vaccins et diagnostics, a indiqué que la division vaccins de Novartis emploie mille cinq cents personnes environ en France et que les sites de production de vaccins en Europe sont situés à Liverpool, Marburg et Sienne, les vaccins livrés en France ayant été fabriqués en Italie.
Le groupe Novartis a répondu à un marché lancé sous la forme d'un appel d'offres par le gouvernement français en février 2005 et notifié en avril de la même année. Ce marché porte sur une tranche ferme de six cent mille traitements vaccinaux contre la grippe H5N1 et sur une tranche conditionnelle de douze millions de traitements vaccinaux contre le même virus ou tout autre virus grippal pandémique. Ce marché a fait l'objet de plusieurs avenants et la tranche conditionnelle a été affermie en juillet 2009. Les clauses de résiliation du marché sont celles du cahier des clauses administratives générales - fournitures courantes et services (CCAG-FCS). Les premières livraisons ont été effectuées mi-novembre et, à ce jour, neuf millions de doses sur les seize millions commandées ont été livrées.
M. Nicolas About a souhaité savoir comment le contrat passé en février 2005 relatif au vaccin contre la grippe H5N1 s'est transformé, en 2009, en un marché d'acquisition de vaccins contre la grippe H1N1 et a demandé le montant du chiffre d'affaires réalisé en France par les laboratoires au titre de la vaccination contre la grippe H1N1.
M. Jean-Pierre Godefroy, faisant état de propos tenus par le président de la commission santé du Conseil de l'Europe dans un entretien au quotidien l'Humanité, a interrogé le représentant du groupe Novartis sur les éventuelles conséquences dommageables pour la santé du vaccin fabriqué par ce groupe à partir de bioréacteurs, souhaitant avoir des précisions sur la résiliation par l'Allemagne de son contrat d'acquisition de ce type de vaccin. Par ailleurs, la technologie utilisée par le laboratoire Baxter est-elle comparable à celle de Novartis impliquant des bioréacteurs ? Pourquoi le vaccin de Baxter, qui doit permettre de vacciner les personnes allergiques aux oeufs, n'a-t-il pas été rendu disponible dans les centres de vaccination ? Enfin, dans quelles conditions est assurée la traçabilité de la vaccination et est-il possible de connaître, pour chaque personne vaccinée, le produit utilisé ?
M. François Autain a tout d'abord relevé que l'ampleur des investissements réalisés par les laboratoires pour faire face à une pandémie grippale rendait, de leur point de vue, urgente la survenance d'une telle pandémie. Comment explique-t-on que les Etats-Unis aient utilisé des vaccins sans adjuvant fabriqués selon le processus traditionnel de culture sur oeuf, sans faire appel aux technologies innovantes développées et commercialisées par Baxter en Europe ? Cette dernière ne constitue-t-elle pas en fait un champ d'expérimentation grandeur nature pour l'Amérique ? Enfin, la déclaration de pandémie par les autorités sanitaires a-t-elle des conséquences, pour les laboratoires, sur la manière d'envisager la vaccination ?
Mme Catherine Procaccia s'est enquise de la possibilité de réutiliser, après transformation, les stocks de vaccins pour lutter contre d'autres pathologies et sur les conditions de destruction des stocks non réutilisables. Elle a en outre demandé comment sont arrêtées les priorités de fabrication des différents vaccins lorsque les capacités de production ne permettent pas de satisfaire toutes les demandes.
M. André Lardeux a souhaité savoir si chacun des représentants des laboratoires a lui-même été vacciné et, si oui, avec le produit fabriqué par le laboratoire qu'il représente.
M. Gérard Dériot a demandé si les vaccins non encore livrés par les entreprises et qui ont fait l'objet de la récente résiliation par le Gouvernement sont en cours de fabrication ou d'ores et déjà prêts à être utilisés.
M. Alain Milon, rappelant que deux doses de vaccin sont nécessaires pour assurer une immunité correcte contre la grippe H5N1, a souhaité avoir des précisions sur les conditions dans lesquelles la même préconisation a d'abord été formulée pour la vaccination contre la grippe H1N1 avant que les autorités estiment finalement qu'une seule dose de vaccin est suffisante. Par ailleurs, le choix de conditionner les vaccins en flacons multidoses, qui a été le principal argument opposé aux médecins libéraux pour refuser, dans un premier temps, la vaccination dans les cabinets médicaux, était-il pleinement justifié et inévitable ?
M. Yves Daudigny a souhaité connaître le sentiment des intervenants face aux critiques adressées aux laboratoires, selon lesquelles ceux-ci auraient exercé une pression très forte en faveur de l'acquisition massive de vaccins par les gouvernements dans un contexte où l'on craignait que les capacités de production soient insuffisantes. Les essais préparatoires à la mise sur le marché ont-ils été réalisés dans les mêmes conditions que pour les autres vaccins ?
M. Jacky Le Menn a interrogé le représentant de Novartis sur les éventuelles discussions relatives aux préventions suscitées par le processus de fabrication du vaccin à partir de bioréacteurs lors de la négociation sur l'affermissement de la tranche conditionnelle du marché passé avec le gouvernement français en février 2005. Les négociations en cours sur la résiliation d'une partie des commandes pourraient-elles conduire à d'éventuels accords sur l'accélération des autorisations de mise sur le marché d'autres vaccins ?
Mme Patricia Schillinger a souhaité avoir des précisions sur les modalités de répartition des différents vaccins sur le territoire français.
M. Gilbert Barbier a demandé quel a été le rôle des laboratoires dans les choix consistant à envisager deux doses de vaccin puis à modifier cette prescription au bénéfice d'une injection unique. Compte tenu de l'important gaspillage provoqué par le recours aux flacons multidoses, le choix de ce mode de conditionnement était-il véritablement nécessaire ?
M. Jean-Jacques Jégou a également souhaité avoir des précisions sur les conditions dans lesquelles la préconisation relative au nombre de doses nécessaires pour assurer une bonne immunité a été modifiée après la passation des commandes par les Etats. Les contrats ont-ils été effectivement négociés avec la direction de l'Eprus ou la direction générale de la santé a-t-elle joué un rôle important dans cette négociation ?
M. Jacques Berger a précisé que Sanofi Pasteur, comme Novartis, a signé en 2005 un contrat avec le gouvernement français portant sur l'acquisition de vaccins contre la grippe H5N1 et contenant deux tranches conditionnelles portant chacune sur l'acquisition de quatorze millions de traitements vaccinaux contre la grippe H5N1 ou tout autre virus grippal pandémique. En 2009, le gouvernement a affermi la première tranche conditionnelle de ce marché portant sur vingt-huit millions de doses de vaccins contre la grippe H1N1, dès lors que deux injections étaient jugées nécessaires à ce moment.
Le vaccin contre la grippe H1N1 fabriqué par Sanofi n'est pas réutilisable pour immuniser contre d'autres souches de virus. En revanche, les laboratoires sont organisés pour détruire, en respectant des processus très précis, les produits non utilisés. Lorsque des priorités de fabrication de vaccins doivent être définies par les laboratoires, elles reposent naturellement pour l'essentiel sur des considérations de santé publique.
Il a par ailleurs indiqué n'avoir pas encore été vacciné dès lors qu'il ne figure pas parmi les publics prioritaires et que les entreprises ne sont autorisées que depuis le 19 janvier à vacciner en leur sein.
M. Alexandre Sudarskis a fait valoir que Novartis avait prévu d'offrir la vaccination à son personnel mais que les autorités françaises n'ont pas souhaité inclure les personnes participant à la fabrication des vaccins parmi les publics prioritaires. Chacun a donc dû attendre la réception de son bon de vaccination.
En réponse à Jean-Pierre Godefroy et Jacky Le Menn, il a souligné que le vaccin fabriqué à partir de bioréacteurs n'a pas été commercialisé en France. Le vaccin Focetria acquis par le gouvernement français est fabriqué selon le processus habituel de culture sur oeuf et est doté d'un adjuvant. Il a fait l'objet de quatorze études cliniques portant sur neuf mille patients.
M. Jean-Pierre Godefroy a alors souhaité avoir des précisions sur la résiliation par l'Allemagne du contrat passé avec Novartis.
M. Alexandre Sudarskis a indiqué ne pas disposer d'informations sur ce point, qui ne concerne pas Novartis France, mais s'est dit prêt à communiquer des éléments de réponse sur ce sujet à la commission. A propos du marché passé en 2005 pour l'acquisition de vaccins contre la grippe H5N1, il a confirmé que l'affermissement de la tranche conditionnelle pouvait porter sur tout virus grippal pandémique et a donc pu être utilisé lors de l'apparition du virus H1N1. Les stocks de vaccins non utilisés pourront éventuellement servir à la fabrication des prochains vaccins contre la grippe saisonnière en fonction des sélections de souches qu'opérera l'organisation mondiale de la santé (OMS). Naturellement, la réutilisation sera beaucoup plus difficile pour les vaccins déjà conditionnés que pour les vaccins encore en vrac. La durée de validité des vaccins est de l'ordre de douze à dix-huit mois une fois qu'ils sont conditionnés.
En ce qui concerne le conditionnement, deux tiers des doses de Focetria acquises par le gouvernement français, soit environ six millions de doses, ont été livrés en seringue monodose. Cependant, le recours à des flacons multidoses permet d'assurer une plus grande rapidité de livraison. En outre, les colis à livrer sont beaucoup plus volumineux en cas de conditionnement monodose qu'en cas d'utilisation de flacons multidoses.
M. Jean-Pierre Godefroy a alors souhaité savoir comment ont été répartis les vaccins conditionnés en seringue monodose.
M. Alexandre Sudarskis a répondu que ces vaccins ont été livrés entre le 15 novembre 2009 et le 10 janvier 2010 et que Novartis ne dispose pas d'informations sur les lieux et conditions de leur utilisation.
M. Jacques Berger a souligné que le recours à des conditionnements multidoses était la seule solution permettant de fournir une très grande quantité de vaccins dans des délais réduits. Le choix de recourir à une double dose de vaccin n'a pas été fait par les laboratoires mais par les autorités de chaque pays qui ont au départ supposé que deux doses de vaccins étaient nécessaires compte tenu du précédent de la grippe H5N1. Les études cliniques réalisées au cours des mois de septembre et d'octobre 2009 ont conduit à modifier cette position initiale.
M. Gilbert Barbier a alors relevé que, dès la fin septembre, des spécialistes affirmaient déjà qu'une seule dose de vaccin était suffisante. N'est-il pas singulier qu'il ait fallu attendre le mois de novembre pour qu'une décision soit prise sur ce point ?
M. Jacques Berger a indiqué que les Chinois ont été les premiers à décider de recourir à une seule dose de vaccin. La plupart des pays ont souhaité attendre les résultats des études cliniques en cours. A propos de l'état d'avancement de la préparation des doses de vaccins non encore livrées et ayant donné lieu à résiliation par le Gouvernement, il a souligné que toutes sont d'ores et déjà fabriquées et en fin de contrôle.
M. Hervé Gisserot a fait valoir que le chiffre d'affaires réalisé en France au titre du vaccin contre la grippe H1N1 a représenté 84 millions d'euros au quatrième trimestre 2009 pour un chiffre d'affaires total réalisé par GSK en France de 1,2 milliard d'euros. Il s'est inscrit en faux contre l'idée que les Européens serviraient de cobayes aux Américains en matière de vaccination, précisant que les Etats-Unis utilisent de nombreux vaccins dotés d'adjuvants et que le Gouvernement américain a commandé à GSK trente millions d'adjuvants pour augmenter sa capacité de production de vaccins contre la grippe H1N1. Le vaccin fabriqué par GSK pourra être partiellement réutilisé puisque l'adjuvant de ce vaccin, conditionné séparément de l'antigène, pourra être associé à d'autres antigènes. Les vaccins non encore livrés ont d'ores et déjà été fabriqués et sont en phase finale de remplissage. En ce qui concerne le moment choisi par les gouvernements pour décider de vacciner leur population avec une seule dose de vaccin, les autorités françaises ont attendu, contrairement à certains gouvernements, la décision des autorités réglementaires européennes et il est difficile de leur en faire grief. Si tous les laboratoires avaient fait le choix de livrer la totalité des vaccins en conditionnement monodose, les livraisons débuteraient seulement maintenant. Enfin, si les négociations des contrats d'acquisition de vaccins ont donné lieu à des pressions, celles-ci se sont davantage exercées sur les laboratoires, qui ont dû faire face à des commandes considérables simultanément, que sur les Etats. En France, les contrats ont bien été négociés par les équipes de l'Eprus, même si cette négociation a évidemment été précédée d'importants échanges scientifiques avec la direction générale de la santé.
M. Alain Milon a demandé si l'on peut espérer pour l'avenir que la souche du virus H1N1 soit incluse dans le vaccin contre la grippe saisonnière.
M. Jacques Berger a alors indiqué que le vaccin fabriqué par Sanofi Pasteur pour faire face à la grippe saisonnière dans l'hémisphère sud cette année intègre la souche H1N1 et que l'OMS se prononcera le 15 février prochain s'agissant du vaccin retenu pour l'hémisphère nord.
M. Nicolas About a salué la réactivité de l'industrie pharmaceutique face à la pandémie grippale et la responsabilité des responsables de laboratoire qui admettent que le contrat signé avec l'Etat peut être résilié pour des motifs d'intérêt général. Il s'est demandé si le Gouvernement n'aurait pu résilier plus tôt les commandes excédentaires de vaccins, compte tenu de l'évolution de l'épidémie et des conditions de déroulement de la campagne de vaccination. Il a souhaité connaître le montant, pour chaque laboratoire, de la perte résultant des résiliations de commande.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle a demandé des précisions sur les discussions en cours à propos des conditions de résiliation des commandes. Evoquant le recours par GSK à des sous-traitants, elle a souhaité savoir si cette sous-traitance a été déclarée conformément aux réglementations en vigueur.
M. Hervé Gisserot a confirmé que tous les sous-traitants de GSK ont été déclarés conformément aux règles en vigueur. En ce qui concerne sa propre vaccination, et tout en contestant l'interprétation polémique qui pourrait être faite de sa réponse, il a rappelé que les laboratoires ont demandé en vain que leur personnel chargé de fabriquer les vaccins soit considéré comme prioritaire pour la vaccination : pour ce motif, il sera lui-même vacciné après avoir reçu son bon de vaccination de la part de l'assurance maladie comme l'ensemble de la population.
M. André Lardeux a précisé que sa question sur la vaccination des responsables des laboratoires n'avait pas pour objet de les mettre en difficulté mais de montrer que cette campagne de vaccination aura souffert d'une communication particulièrement désordonnée qui a conforté les Français dans leurs réticences.
M. Philippe Chêne a déclaré avoir reçu un bon de vaccination la semaine dernière et avoir choisi de respecter la stratégie nationale relative aux publics prioritaires. En ce qui concerne la décision de recourir à une ou deux doses de vaccin, il est nécessaire de rappeler que tout dépend du type de vaccin et des populations concernées, une vaccination en deux doses restant recommandée pour les enfants de moins de dix ans. Le vaccin fabriqué sur culture cellulaire par Baxter est produit en République tchèque et conditionné en Autriche. Il est enregistré en Europe mais pas aux Etats-Unis et ne peut être produit à ce jour que dans des quantités modestes ne pouvant répondre à l'ensemble des besoins européens, tous ces éléments expliquant qu'il n'ait pas été commercialisé aux Etats-Unis. Compte tenu du faible nombre de doses acquises par le gouvernement français, il n'était pas possible de répartir le vaccin de Baxter dans tous les centres de vaccination pour en faire bénéficier les personnes se déclarant allergiques aux oeufs. Ce vaccin a donc été distribué dans les CHU, les personnes allergiques aux oeufs devant effectuer des tests préalables à la vaccination. Enfin, le vaccin fabriqué par Baxter ne peut être réutilisé pour faire face à d'autres souches de virus.
M. François Autain, rappelant que le Haut conseil de santé publique (HCSP) a estimé, en juin 2009, que le degré d'efficacité clinique de la vaccination est incertain, a souhaité avoir des précisions sur l'innocuité et l'efficacité des vaccins, s'interrogeant sur la nature des essais réalisés avant la commercialisation.
Mme Patricia Schillinger a regretté que la campagne de vaccination ait donné lieu à une information insuffisante de la population et même à une campagne médiatique largement négative.
M. Jacques Berger a indiqué que la perte théorique de chiffre d'affaires due à la résiliation des commandes est égale au nombre de doses non acquises multiplié par le prix unitaire de chaque dose, soit, pour Sanofi Pasteur, onze millions de doses à 6,25 euros. Toutefois, dès décembre, Sanofi a proposé de réduire la commande de neuf millions de doses, de sorte que la résiliation intervenue en janvier ne porte que sur deux millions.
M. Philippe Chêne a indiqué que Baxter a réalisé un chiffre d'affaires de 500 000 euros en France pour la vente du vaccin et n'est pas concerné par les résiliations, l'ensemble du contrat étant d'ores et déjà exécuté.
M. Hervé Gisserot a fait valoir que la résiliation de la commande de trente deux millions de doses du vaccin fabriqué par GSK représente un chiffre d'affaires non réalisé de 224 millions d'euros. S'il est possible que quelques pays, notamment en Amérique du Sud, passent encore des commandes permettant d'écouler une partie de la production ayant fait l'objet de résiliations de contrat, il reste que la France n'est pas seule à avoir renoncé à une partie de ses commandes et que le redéploiement de cette production est particulièrement difficile. Les discussions en cours sur les conséquences de la résiliation ne portent en aucun cas sur des contreparties relatives à d'autres médicaments ou vaccins ; d'ailleurs, la structure avec laquelle négocient les laboratoires n'est pas en charge des autorisations de mise sur le marché.
M. Alexandre Sudarskis a souligné que la résiliation de la commande de sept millions de doses du vaccin fabriqué par Novartis représente un chiffre d'affaires non réalisé de 63 millions d'euros et a confirmé que les négociations en cours avec l'Eprus ne concernent pas d'éventuels accords sur d'autres vaccins. Répondant à Mme Muguette Dini, présidente, qui l'interrogeait sur les clauses de résiliation prévues par le contrat, il a précisé que le marché ne contient aucune clause spécifique de résiliation mais que les règles prévues par le CCAG-FCS sont applicables.
M. Jean-Jacques Jégou a demandé si des livraisons de vaccins contre la grippe H5N1 ont bien eu lieu au titre des contrats passés en 2005 car il n'a pas trouvé trace de ces vaccins quand il s'est rendu à l'Eprus dans le cadre de la préparation du rapport qu'il y a consacré.
M. Jacques Berger a confirmé que Sanofi Pasteur a livré des vaccins contre la grippe H5N1 au titre du contrat passé en 2005, précisant que l'Eprus n'existait pas encore à cette époque. Répondant à François Autain sur les essais cliniques, il a rappelé que l'avis du HCSP a été rendu le 26 juin 2009, soit à peu près au moment où la souche du virus a été remise aux laboratoires. La fabrication du vaccin exige d'abord une période de trois semaines nécessaire à l'amplification de la souche puis dix-sept à dix-huit semaines pour élaborer le vaccin lui-même. Dans ces conditions, les premiers essais cliniques ont démarré dans la deuxième moitié du mois d'août et les résultats ont commencé à être connus au cours des mois de septembre et octobre. Ces essais ont été conformes aux exigences des autorités réglementaires et comparables à ceux qui sont réalisés avec le vaccin contre la grippe saisonnière.
Mme Catherine Procaccia a souhaité connaître le sentiment des intervenants sur les critiques reprochant aux laboratoires d'avoir dramatisé la situation de pandémie et exercé des pressions sur les instances internationales compétentes en matière de santé grâce à l'influence dont ils bénéficient au sein de ces institutions.
M. Jacques Berger a fait valoir que les interactions qui existent entre les laboratoires, l'OMS et les autres structures compétentes en matière de santé sont absolument indispensables mais doivent s'exercer dans la transparence.
M. François Autain a demandé si un expert n'ayant aucun lien avec les laboratoires pharmaceutiques peut être un bon expert.
M. Hervé Gisserot, faisant allusion à la récente réunion du comité stratégique des industries de santé, a estimé que les relations entre les autorités, les experts médicaux et les industriels sont normales et souhaitables mais peuvent susciter la suspicion dès lors qu'elles s'exercent en dehors de toute transparence.
M. François Autain a alors relevé que le fonctionnement de l'OMS se caractérise précisément par sa faible transparence.
Nomination d'un rapporteur
Puis la commission a désigné Mme Annie David rapporteur sur la proposition de loi n° 194 (2009-2010) visant à supprimer la fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d'accident du travail, à instaurer la réparation intégrale des préjudices subis par les accidentés du travail et à intégrer le montant des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles versé par les entreprises dans leur chiffre d'affaire soumis à l'impôt sur les sociétés.
Pandémie grippale H1N1 - Audition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a entendu Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur la gestion de la pandémie grippale H1N1.
A titre liminaire, elle a précisé que la campagne de vaccination nationale se poursuivra jusqu'en septembre, mais sous d'autres formes puisqu'il est désormais logistiquement possible de développer la vaccination dans les cabinets libéraux.
Le risque demeure en effet, pour les personnes non encore vaccinées, d'être contaminées par un virus qui, une fois sur 5 000, peut être à l'origine d'une forme très grave de la maladie, voire d'un décès. On a déjà constaté plus de 1 220 cas graves et 263 décès, et l'évolution de l'épidémie reste imprévisible. Trois scénarios sont possibles à ce jour : l'extinction pure et simple de l'épidémie après le pic de la fin 2009 ; la survenance d'un second pic précoce au début de cette année, qui pourrait être moins important que le premier, notamment parce que près de six millions de Français ont déjà été vaccinés ; la survenance d'un second pic tardif à l'automne prochain, avec la possibilité que le virus ait muté. Quoi qu'il en soit, la grippe reviendra probablement sous une forme ou une autre, avec plus ou moins de virulence et la raison commande de se faire vacciner, ce qui est un acte de prévention simple et efficace. L'heure n'est pas à la démobilisation et c'est aux résultats, en septembre, que l'on pourra juger la politique de prévention qui a été mise en place.
Revenant sur le contexte des premiers mois de la pandémie, elle a rappelé que l'alerte a été donnée le 24 avril par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui, le 29 avril, a annoncé le passage à la phase 5 attestant de l'extension géographique de la circulation interhumaine du nouveau virus. Le 30 avril, le Premier ministre a donc décidé d'activer le niveau 5 A du plan national de prévention et de lutte contre la pandémie grippale.
A cette date, très peu d'éléments étaient disponibles sur la virulence de ce nouveau virus et sur sa mortalité potentielle, mais la situation du Mexique, puis d'autres pays d'Amérique latine, était très préoccupante et l'on redoutait déjà une atteinte particulière des sujets jeunes, voire des enfants. Le 11 juin, l'état de pandémie a été déclaré par l'OMS avec le passage en phase 6.
C'est dans ce contexte, et alors que l'on ignorait la date à laquelle le virus atteindrait la France, qu'ont été prises les décisions relatives aux commandes de vaccins.
Souhaitant replacer l'éthique au coeur du débat, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a noté qu'au printemps 2009, tous les spécialistes recommandaient la vaccination, à l'exception du professeur Marc Gentilini qui, à partir d'une analyse mondiale, critiquait non pas le principe de la vaccination mais les moyens à lui affecter.
Trois stratégies vaccinales ont été mises en oeuvre à travers le monde : la Pologne, par exemple, a souverainement décidé de ne pas vacciner sa population ; une deuxième catégorie de pays a choisi de proposer la vaccination à une partie seulement de la population : l'Allemagne, l'Italie ou encore l'Espagne ; enfin, une troisième catégorie, dans laquelle se range la France, aux côtés de la Suède, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et du Canada, a opté pour un dispositif permettant d'assurer une protection à toute la population.
Le Royaume-Uni avait commandé 130 millions de doses, soit 2,1 par habitant, le Canada 51 millions de doses, soit 1,55 par habitant et les Etats-Unis voulaient commander 600 millions de doses, ce qui excédait la capacité de production des laboratoires. La commande par la France de 94 millions de doses, soit 1,46 dose par habitant, n'avait donc rien d'extravagant. Après résiliation, cette commande est ramenée à 44 millions de doses, soit 0,68 dose par habitant.
Les contrats d'acquisition des vaccins ont été négociés âprement et leur résiliation le sera dans le même souci des intérêts de la collectivité nationale.
Au niveau national, les meilleurs spécialistes ont participé à cette négociation. Outre l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), en charge de la passation des contrats, elle a été conduite avec le concours des experts de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et du président du comité économique des produits de santé (CEPS), Noël Renaudin.
Au niveau européen, le refus commun opposé par les Etats membres, à l'initiative de la France, à la demande initiale des industriels de faire supporter par les Etats la responsabilité du fait d'éventuels produits défectueux a permis d'aboutir à un partage équilibré des responsabilités, ce qui n'a pas été le cas, par exemple, aux Etats-Unis. La responsabilité assumée par l'Etat est celle des dommages résultant des effets secondaires liés à une vaccination réalisée dans le cadre de la campagne qu'il conduit. Il est, en revanche, regrettable de n'avoir pu susciter une stratégie d'achats mutualisée et coordonnée : le désordre européen dans le processus global de négociation a finalement coûté cher. Les laboratoires ont négocié avec chaque Etat et les Etats ne donnaient pas d'information à leurs partenaires, même si des contacts fructueux mais trop ponctuels ont pu avoir lieu avec certains ministres européens. En l'absence de position commune ou d'achats mutualisés, les pays de l'Union européenne n'ont pas eu de stratégie coordonnée, d'autant que les laboratoires ont fait valoir que la rapidité de la transaction était une des garanties de la rapidité relative des livraisons.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin a ensuite rappelé les fondements du choix effectué par le gouvernement français, qui est d'abord un choix éthique, déterminé par l'attachement aux valeurs d'égalité et de solidarité.
Selon l'avis n° 106, du 5 février 2009, du comité consultatif national d'éthique relatif à la survenance d'une pandémie grippale, la protection était due, au titre de l'égalité, à toute la population, la priorisation de certains groupes exposés ou vulnérables étant la réponse, qui ne pouvait être que provisoire, à la contrainte de ne pas disposer tout de suite d'assez de doses de vaccin. Le choix des produits et la définition de leurs conditions d'utilisation ont été effectués suivant les indications de l'Afssaps et de l'agence européenne du médicament. Les recommandations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) ont également été suivies pour déterminer une stratégie vaccinale adaptée.
Le HCSP, dans ses recommandations du 27 août 2008, avait établi que le vaccin était le meilleur moyen de protection contre la grippe en termes d'efficacité et de coût. Il apparaissait donc essentiel de disposer aussi rapidement et en quantité aussi importante que possible de vaccins afin d'assurer la couverture de la totalité de la population.
Le 26 juin 2009, le HCSP a confirmé la pertinence du recours à la vaccination contre le virus A (H1N1) et il a fait, le 7 septembre, une proposition de priorisation des populations à vacciner. Cet avis a été suivi par le Gouvernement et a guidé l'organisation de la campagne de vaccination.
Les commandes de vaccins réalisées au début de l'alerte pandémique, auprès de quatre industriels, représentaient un total de 94 millions de doses. Cette quantité correspondait, dans le cadre du schéma vaccinal à deux injections annoncé par les scientifiques et les industriels pharmaceutiques, à la protection de la population avec un taux d'attrition de l'ordre de 25 % et elle prenait en compte la probabilité qu'une injection pourrait être suffisante pour les sujets âgés de plus de soixante-cinq ans.
L'achat de 94 millions de doses correspondait donc à la prise d'un risque mesuré. Pour la couverture de 100 % de la population, une tranche conditionnelle avait été prévue avec les laboratoires Novartis et Sanofi-Pasteur. La France s'est ainsi donné les moyens d'un combat solidaire. Ce choix peut être discuté, mais il est pleinement assumé, dès lors qu'il a été fait en conscience et éclairé par l'analyse des experts.
La justice impliquait également d'appréhender la question de l'accès aux soins et d'éviter toute discrimination. Dans le souci d'évaluer, jusqu'au dernier moment, la nécessité de la campagne de vaccination, un nouvel avis a été demandé au HCSP avant son lancement. Le 2 octobre 2009, celui-ci a confirmé que l'accès à la vaccination devait être offert in fine à toute la population. Il a également souligné que, même si des travaux préliminaires témoignaient de l'efficacité d'une seule dose pour un des vaccins, il fallait envisager un schéma à deux injections.
Le schéma vaccinal à une dose restait, en effet, une hypothèse très fragile au début d'octobre. A la fin du mois, l'Afssaps soulignait encore la nécessité de disposer des résultats des essais cliniques relatifs à la stabilité dans le temps de la protection développée par le vaccin : face à un virus nouveau et imprévisible, le passage à une seule injection supposait des essais cliniques robustes. Ce n'est qu'au cours du mois de novembre que, peu à peu, les données se sont consolidées, et le 20 novembre, les autorisations de mise sur le marché ont été adaptées à un schéma vaccinal à une injection pour les adultes. Seule cette mesure, prise par l'agence européenne du médicament, permettait, en toute sécurité, de modifier nos orientations.
Evoquant les polémiques auxquelles a donné lieu la gestion de la pandémie grippale, Mme Roselyne Bachelot-Narquin s'est interrogée sur la remise en cause de l'analyse des experts, dont la vocation n'est pas d'exagérer les menaces, redoutant que l'on en arrive à ne se fier qu'à la rumeur ou à des informations fantaisistes. Dès le début de l'épidémie et tout au long de la crise, elle s'est entourée de l'avis des meilleurs spécialistes - virologues, épidémiologistes, infectiologues, neurologues, etc. - dans un souci constant de pluridisciplinarité et de collégialité, et dans celui de ne pas être « instrumentalisée » par des analyses isolées ou, pire, partisanes.
En outre, à sa demande, le Gouvernement n'est pas passé au stade 6 du plan « pandémie grippale », et le dispositif de réponse à la crise a été rééchelonné en permanence, en liaison avec le ministère de l'intérieur et parfois en se démarquant des décisions de l'OMS.
En ce qui concerne la stratégie d'utilisation des excédents potentiels, quatre options ont toujours été défendues : le don, la revente, le stockage stratégique de certains composants de vaccins et l'aménagement des contrats.
Les reventes seront sans doute peu importantes car les laboratoires, dont c'est le métier, sauront commercialiser leurs produits.
La résiliation des contrats pour les doses encore non livrées et donc non payées est un autre élément de cette stratégie. La résiliation unilatérale des contrats administratifs est une prérogative de puissance publique, que l'autorité administrative peut exercer même en l'absence d'une stipulation contractuelle expresse. Dans le cas présent, cette résiliation a pu s'appuyer sur un motif évident d'intérêt général. De plus, l'on est passé d'un schéma vaccinal à deux doses par personne à une injection unique.
Les négociations avec les laboratoires pharmaceutiques sont en cours et se poursuivent pour déterminer le niveau de la compensation qui leur sera notifiée par l'Etat. Contrairement à certaines affirmations publiées dans la presse, ces négociations ne portent absolument pas sur l'élaboration d'un quelconque schéma « partenarial » de long terme avec les laboratoires sous la forme de droits de tirages complémentaires. Il ne pourra s'agir que d'une simple indemnisation, dont le montant final n'est pas encore arrêté.
A titre de comparaison, les autorités allemandes se sont engagées à recevoir et à payer 68 % de la commande initiale, soit trente-quatre millions de doses sur les cinquante millions commandées de façon ferme.
La France a, pour sa part, résilié la commande de cinquante millions de doses de vaccins : trente-deux millions pour GlaxoSmithKline (GSK), onze millions pour Sanofi Pasteur et sept millions pour Novartis. Pour les neuf millions de doses du vaccin Humenza de Sanofi Pasteur commandées, cette résiliation a été faite sans dédit. En effet, l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de ce vaccin serait intervenue à une date beaucoup trop tardive. En revanche, l'autre produit commandé à cet industriel français, le vaccin Panenza, a été livré dans les temps, voire avec une légère avance. Il faut, en outre, souligner que tous les vaccins livrés, au vu des résultats connus de la pharmacovigilance, sont des produits de santé sûrs et efficaces.
Enfin, la lutte contre une pandémie grippale ne saurait se limiter à la seule vaccination. Si le nombre des décès a été, à ce jour, relativement limité, les nombreuses actions engagées ont concouru à ce résultat, tels les mesures barrière, la mise en oeuvre des mesures d'isolement, les traitements antiviraux des malades et des sujets à risque ou le développement de la vaccination anti-pneumococcique qui a bénéficié à plus de 300 000 patients, soit six fois plus que les autres années. Par ailleurs, l'observation des formes graves de grippe survenues dans l'hémisphère sud a conduit à renforcer les équipements de lutte contre les atteintes pulmonaires les plus graves : cent respirateurs très spécialisés et trente-quatre appareils d'oxygénation extra corporelle ont été acquis et répartis dans les principales unités de réanimation, et ont permis de sauver des vies.
En conclusion, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a rappelé que le choix de l'égalité, excluant la pénurie des moyens et la pratique délétère du passe-droit, a été le fondement de la politique suivie. Pour la première fois, la mise en oeuvre d'une vaccination a pu intervenir avant le pic pandémique. L'absence de recours aux centres de vaccination et l'exigence de vaccins monodoses auraient coûté deux mois de délai : la campagne de vaccination aurait alors démarré en janvier 2010 au lieu de novembre 2009, c'est-à-dire après le premier pic épidémique.
S'il n'y avait qu'une leçon à tirer des crises pandémiques récentes, c'est qu'aucune pandémie ne ressemble à une autre et que l'on ne peut reprendre, pour une nouvelle, les choix effectués pour le traitement d'une précédente. La souplesse est nécessaire, même si les choix reposeront toujours sur les mêmes principes éthiques, opérationnels et politiques.
Un débat a suivi.
Evoquant les critiques et les polémiques sur la gestion de l'épidémie grippale, M. Alain Gournac s'est demandé quelles auraient été les réactions si la France, comme la Pologne, avait choisi de ne pas vacciner sa population. S'il est aisé de se montrer critique a posteriori, la ministre a pris les bonnes décisions et s'est montrée responsable en prenant toutes les dispositions pour protéger la population, sans se limiter d'ailleurs à la vaccination. Il a déclaré apporter son entier soutien à son action et aux choix qu'elle a effectués.
M. François Autain a rappelé que, pour sa part, il avait au contraire, dès la première audition de la ministre par la commission, exprimé son désaccord avec son appréciation de la crise car on disposait déjà d'informations rassurantes sur l'évolution de la situation dans l'hémisphère sud.
Le Gouvernement donne l'impression d'avoir surestimé en permanence les risques liés à l'épidémie. La ministre juge que les commandes françaises de vaccins correspondent à la prise d'un risque mesuré : elles se traduisent, en fait, par des stocks démesurés. On peut donc se demander si les choix opérés par la ministre ne relèvent pas, à côté des raisons éthiques avancées et du souci de protéger la population, de celui de se protéger également elle-même, ce que l'on peut d'ailleurs tout à fait comprendre, car il est plus risqué d'être traduit devant la Cour de justice de la République que d'encourir la censure de la Cour des comptes.
Objectivement, cependant, il est clair que l'on en a fait beaucoup trop. Le HCSP a émis en juillet, avant les commandes de vaccins, des doutes sur la virulence de la pandémie et il a relevé, le 7 septembre, la létalité modérée de la grippe A (H1N1). Il est donc regrettable que le ministère ait plutôt écouté ceux qui dramatisaient la situation et évoquaient la perspective de 10 000 à 30 000 morts.
Dès le mois d'août, il apparaissait que l'épidémie était moins grave que la grippe saisonnière. Si l'on parle aujourd'hui de deuxième, voire de troisième vague de l'épidémie, n'est-ce pas simplement pour écouler les stocks de vaccins ?
Pourquoi, compte tenu de l'incertitude sur l'importance et la gravité de l'épidémie, n'avoir pas prévu de clauses optionnelles permettant de réduire, si nécessaire, les quantités de vaccins commandées ?
S'est-on seulement interrogé sur la possibilité matérielle de vacciner la totalité de la population, ce qui n'a jamais été fait dans aucun pays ? Il était prévu de vacciner 30 millions de personnes avant la fin de février : c'était totalement irréalisable et cela l'aurait été tout autant si la grippe avait été plus grave. Pourquoi, par conséquent, avoir commandé autant de vaccins ? Pourquoi, également, le directeur général de la santé veut-il obliger les médecins à prescrire des antiviraux, et notamment de l'oseltamivir, c'est-à-dire du Tamiflu ? Le British Medical Journal a récemment réaffirmé l'inefficacité de ce produit, dont on sait depuis longtemps que le service médical rendu est contestable et qui a, par ailleurs, des effets secondaires non négligeables. Si l'on veut le distribuer gratuitement dans les pharmacies, est-ce pour écouler des stocks de Tamiflu qui seront bientôt périmés ?
En conclusion, M. François Autain a indiqué que le groupe politique auquel il appartient demandera la création d'une commission d'enquête sur la gestion gouvernementale de l'épidémie de grippe et sur le rôle joué par l'industrie pharmaceutique.
Rappelant les explications données par la ministre devant la commission, puis lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Jean-Pierre Godefroy s'est dit personnellement convaincu par ses arguments. Il a voulu savoir comment sera poursuivie l'action de sensibilisation nécessaire, alors que beaucoup pensent que le problème de la grippe est désormais réglé. Il a souhaité avoir confirmation de la possibilité que le prochain vaccin contre la grippe saisonnière protège également contre le virus A (H1N1). Il a enfin posé des questions sur :
- l'indemnisation des résiliations de commandes de vaccins ;
- les techniques de production des vaccins disponibles en France, en se référant à la mise en cause, par le président de la commission santé du Conseil de l'Europe, d'un vaccin produit dans un bioréacteur à partir de cellules vivantes et qui pourrait contenir des cellules cancéreuses. Des produits similaires sont-ils diffusés en France ?
- les conditions de vaccination des personnes allergiques aux oeufs, qui doivent produire un certificat médical puis se faire vacciner dans un CHU, ce qui peut entraîner des frais et des déplacements importants les dissuadant de recourir à la vaccination.
Mme Catherine Procaccia, s'associant aux propos d'Alain Gournac et de Jean-Pierre Godefroy, a approuvé les pouvoirs publics d'avoir voulu protéger l'ensemble de la population, même si on peut s'interroger sur la possibilité technique de le faire. Elle a également apprécié le souci de la ministre d'informer les parlementaires.
Convenant qu'aucune crise ne ressemble à une autre, elle s'est cependant interrogée sur les leçons que l'on pourrait retenir des trois récentes crises sanitaires liées au syndrome respiratoire aigu sévère (Sras), à la grippe aviaire et à la grippe A (H1N1), car on en connaîtra sans doute de nouvelles, d'autant plus que le principe de précaution et le rôle joué par les instances internationales peuvent susciter une réaction mondiale même dans le cas d'une affection bénigne. Il faut également tirer des enseignements de l'expérience de la campagne de vaccination collective, qui a connu quelques dysfonctionnements.
Elle a aussi posé des questions sur l'évolution du dispositif de vaccination, sur l'information des médecins sur la grippe A (H1N1), qui ne semble pas avoir été suffisante, et elle a souhaité que la contribution des organismes d'assurance complémentaire à l'achat des vaccins, qui risque d'être répercutée sur les cotisations des assurés, soit réduite à la suite des résiliations de commandes.
M. Alain Milon a remarqué qu'au printemps dernier, la grande majorité des spécialistes, ainsi que l'OMS, recommandaient la vaccination. La minorité qui était d'un avis contraire semble, au bout du compte, avoir eu raison. Pouvait-on pour autant la suivre et faire courir un risque à la population ? La campagne de vaccination a donné lieu, dans les médias, à une campagne de dénigrement de la vaccination choquante, mais qui n'a pas découragé près de six millions de personnes de se faire vacciner, dans des conditions qui n'étaient pas toujours faciles.
Il est en tout cas très positif que l'action du Gouvernement ait permis un développement important de la vaccination anti-pneumococcique, qui protège pendant cinq ans contre les complications pulmonaires de la grippe. Il est également positif que des progrès aient été réalisés dans l'éducation sanitaire et le respect des règles d'hygiène, en particulier en milieu scolaire.
En fait, le plus grave aurait été qu'en présence d'un risque fondé, le Gouvernement ait choisi de ne rien faire pour des raisons financières. La ministre de la santé a agi en personne responsable et on ne peut pas la déclarer coupable.
M. Marc Laménie a également souligné les aspects positifs de l'action gouvernementale, tout en observant que la sensibilisation de la population a pu varier selon les départements ou les régions.
M. Jacky Le Menn a jugé que la démarche éthique suivie par la ministre et son souci de protéger l'ensemble de la population l'honorent, remarquant que si l'épidémie avait été plus grave, la position des pays qui ont décidé, comme la Pologne, de ne pas prévoir de vaccination aurait créé des problèmes importants.
Il a cependant regretté que les médecins n'aient pas été impliqués, dès le début, dans la campagne de vaccination, ce qui aurait sans doute facilité l'adhésion de la population et il a jugé inquiétante la campagne de dénigrement de la vaccination à laquelle on a assisté ces derniers mois.
Il a enfin déploré que les contrats de fourniture de vaccins n'aient pas prévu des tranches optionnelles qui auraient permis de mieux adapter aux besoins les quantités commandées.
Mme Patricia Schillinger a observé que le Gouvernement avait dû faire des choix à un moment où il n'était pas facile de les faire. Elle a néanmoins relevé un certain défaut d'information des maires et des élus locaux, qui avaient été mieux informés sur la grippe aviaire et qui ont eu par conséquent quelques difficultés à répondre aux inquiétudes, notamment dans les écoles.
Elle a également soulevé le problème des travailleurs frontaliers, qui ont été confrontés à des informations différentes et qui n'ont pas reçu de bons de vaccination. Elle a jugé nécessaire de développer en 2010 des efforts en direction de ces populations, ainsi que de celle des eurodistricts.
M. Nicolas About a suggéré que l'indemnisation du préjudice résultant des résiliations de commandes soit financée par une taxe acquittée par l'ensemble de l'industrie pharmaceutique, ce qui permettrait de mutualiser les pertes subies et correspondrait à une démarche de solidarité.
Il a souhaité avoir des précisions sur les gaspillages de vaccin résultant de l'utilisation de conditionnements multidoses. A propos de l'organisation de la vaccination, il a déploré certaines erreurs dans la gestion des ressources humaines, telle la réquisition d'étudiants en pleine période d'examens, erreurs qui n'ont sans doute pas favorisé l'adhésion des professions médicales à la campagne de vaccination. Il a par ailleurs noté que si l'épidémie avait été plus grave, le rapport bénéfice-risque aurait sans doute balayé les réticences vis-à-vis de la vaccination.
Il a enfin demandé si l'on avait analysé les catégories de la population auxquelles appartenaient les 263 victimes de la grippe afin de savoir si elles présentaient des fragilités préexistantes.
Mme Sylvie Desmarescaux a partagé le jugement d'Alain Milon sur les progrès réalisés dans le respect des règles d'hygiène. Elle s'est inquiétée de la complexité et de la lourdeur des tâches administratives liées à la vaccination H1N1 en ville, craignant qu'elles ne découragent les médecins de la pratiquer.
Mme Raymonde Le Texier s'est dite peu encline à polémiquer sur le sujet de la grippe A. Il serait toutefois utile de s'interroger sur le rôle de l'OMS, qui a largement contribué à propager au départ un certain alarmisme, et sur la façon dont ses recommandations sont édictées. Est-il exact que l'OMS a modifié en mai 2009 la définition de la pandémie, en supprimant les critères liés au niveau élevé de mortalité ? Est-il également exact que les vaccins préparés à partir de souches de virus A H1N1 ne pouvaient être utilisables en l'absence de déclaration d'un état de pandémie ? Enfin, on peut aussi relever le manque de transparence du fonctionnement de l'OMS et du mécanisme de prise de ses décisions.
Elle a estimé que la défiance du public vis-à-vis de la vaccination peut se comprendre, les professionnels de santé ayant eux-mêmes été peu nombreux à adhérer à la campagne de vaccination. Cette défiance a sans doute été renforcée par les recommandations successives et contradictoires relatives à la prescription de Tamiflu. En outre, l'organisation de la vaccination a tout de même donné le sentiment d'un « grand bazar » et, si l'épidémie avait été plus grave, on peut se demander comment on s'en serait sorti.
Enfin, le Gouvernement semble avoir été un piètre négociateur : il n'a pas su imposer de clause de révision des contrats en cas de modification des données disponibles lors de leur conclusion ; il a en revanche accepté d'assumer la responsabilité des effets secondaires des vaccins.
Après avoir souligné la qualité des interventions et en particulier la hauteur de vue et la responsabilité dont ont fait preuve les commissaires du groupe socialiste, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a confirmé que des leçons sont bien à tirer de cette épidémie, même s'il faut se garder d'élaborer un modèle de réponse à un type de crise et espérer pouvoir l'adapter aux cas ultérieurs. Une de ces leçons est la difficulté d'informer convenablement le public dans un monde où coexistent des sources et des formes d'informations multiples, contradictoires, plus ou moins fiables, entre lesquelles il est difficile de faire le tri. Si l'on doit considérer que l'information des élus avait été plus complète sur la grippe aviaire que sur la grippe A, la situation n'est pas comparable puisqu'il n'y a pas eu d'épidémie de grippe aviaire : il est beaucoup plus facile d'informer quand on n'est pas confronté à la réalité d'une crise et à la nécessité d'amener les uns et les autres à prendre des décisions opérationnelles, tout en faisant face à des polémiques.
Il lui paraît difficile de soutenir que les médecins n'ont pas eu accès à une information de qualité, que ce soit sur le site du ministère, à travers la presse médicale, qui a publié des articles de qualité, les courriers envoyés par le ministère, les nombreuses réunions d'information organisée par les préfets. Les médecins qui le souhaitaient ont donc eu tous les moyens d'être informés.
La méfiance à l'égard de la vaccination n'est pas un phénomène nouveau en France. On pourrait au contraire considérer que la pandémie grippale a permis des progrès par rapport à la situation préexistante, y compris au sein des professions de santé : au début de la campagne, moins de 20 % des professionnels de santé déclaraient vouloir se faire vacciner ; aujourd'hui, 60 % des personnels hospitaliers le sont, et jusqu'à 100 % dans les services de réanimation ou ceux qui accueillent des personnes atteintes de maladies infectieuses. De même, 50 % des médecins libéraux ne voulaient pas entendre parler de vaccination, y compris pour leurs malades, et redoutaient d'être chargés d'assurer cette vaccination ; ils demandent aujourd'hui à l'être. Quant au taux national de vaccination H1N1 de la population, voisin de 10 %, il est un des plus importants de ceux des pays comparables, mis à part le Canada et la Suède, qui ont dépassé le taux de 50 %. Ces deux exemples sont d'ailleurs très intéressants car ils sont totalement différents :
- le Canada a fait un choix comparable à celui de la France, avec cette différence qu'il est uniquement fondé sur la vaccination collective et qu'il n'est pas prévu de passer progressivement à la vaccination en ambulatoire. L'excellent résultat obtenu tient sans doute à la présence du Sras au Canada et à certains cas particulièrement aigus de grippe A (H1N1) qui ont suscité l'inquiétude et incité à la vaccination ;
- le système suédois est diamétralement opposé. Il est fondé sur la vaccination en ambulatoire mais selon des modalités propres puisqu'elle s'exerce dans un millier de centres pluridisciplinaires, rassemblant médecins et infirmières dans le cadre d'un régime de salariat. Sans ouvrir le débat sur la médecine libérale, l'exemple suédois démontre que pour répondre à une grande crise épidémique, on peut s'appuyer efficacement sur une médecine ambulatoire quasi étatisée. La médecine libérale paraît moins adaptée à la conduite d'une politique de santé globale ou d'une opération de vaccination générale.
Sur ce point, il n'y a jamais eu de volonté d'écarter les médecins libéraux de la campagne de vaccination. Le choix d'un système évolutif, en assurant dans une première phase la vaccination dans des centres, a répondu à des raisons logistiques. Les premières livraisons de vaccins ont été faites par unités de 500 doses, soit cinquante boîtes de dix doses non déconditionnables, et elles représentaient au total six millions de doses. S'il avait fallu fournir au moins 500 doses à quelque 60 000 médecins - généralistes, pédiatres, le cas échéant pneumologues ou cardiologues - il aurait fallu disposer d'emblée d'au moins trente millions de doses. On fait valoir que la Belgique a organisé un déconditionnement chez les grossistes mais c'est une dérogation aux règles de sécurité pharmaceutique dont il aurait été impossible de prendre le risque en France. En effet, les grossistes ne disposent pas des laboratoires réfrigérés, des personnels et des équipements nécessaires pour procéder à de telles opérations.
En outre, on savait que le pic de l'épidémie interviendrait à un moment où les médecins seraient surchargés. Il n'était donc pas envisageable de leur imposer la tâche supplémentaire d'organiser la vaccination. En revanche, ils ont pu vacciner dans les centres, où les tâches logistiques, organisationnelles et administratives étaient assurées par des personnels non médecins.
Désormais, la vaccination en ambulatoire va pouvoir être développée, notamment grâce aux six millions de vaccins monodoses qui n'ont été livrés qu'à la fin de décembre. On constate cependant que les médecins s'inquiètent des aspects logistiques et administratifs de la vaccination, c'est-à-dire précisément des inconvénients que la vaccination en centres collectifs avait pour objet de leur épargner.
On arrive cependant à une organisation équilibrée associant les hôpitaux, où sont accueillis les malades les plus atteints, et un système de vaccination actuellement mixte, les centres devant passer prochainement le relais aux médecins. La question cruciale de l'approvisionnement des cabinets médicaux devrait être réglée quand, sans doute très vite, les vaccins seront mis à la disposition des médecins dans les 22 000 officines pharmaceutiques.
Il est exact que l'utilisation de conditionnements multidoses occasionne une perte d'à peu près 10 % du produit : avec 94 millions de doses en conditionnements de ce type, on ne peut faire que 85 millions d'injections. Ce problème n'existe en revanche naturellement pas avec le conditionnement monodose.
L'organisation des centres de vaccination a pu présenter quelques difficultés d'adaptation mais il faut souligner que l'on n'avait jamais mené une opération d'une telle ampleur et qu'au surplus, la fréquentation des centres est passée en une semaine de 10 000 à 250 000 personnes par jour. Il est donc tout à fait remarquable que ces difficultés aient été surmontées en cinq ou six jours. Le mérite en revient aux personnels de la fonction publique, qu'il faut remercier d'avoir fait preuve d'une grande réactivité et d'avoir travaillé sans compter pour monter un système qui a permis de vacciner six millions de personnes, en particulier les plus fragiles.
Sur l'utilisation du Tamiflu, M. Didier Houssin, directeur général de la santé, a précisé, à l'invitation de la ministre, que la recommandation - et non, bien sûr, l'obligation - faite aux médecins de prescrire précocement du Tamiflu se fonde sur les résultats d'observations faites dans plusieurs pays, selon lesquelles les cas les plus graves de grippe et les décès sont plus fréquents parmi les patients qui n'ont pas reçu de traitement antiviral précoce. L'article du British Medical Journal mettant en cause l'efficacité du Tamiflu porte sur la grippe saisonnière et non sur la grippe A (H1N1). En outre, il est également observé en Norvège, qui est aussi un pays où le taux de vaccination de la population est très important, que l'utilisation large des antiviraux a contribué à réduire la mortalité.
En réponse aux précisions techniques demandées par Jean-Pierre Godefroy, M. Jean Marimbert, directeur général de l'Afssaps, a tout d'abord précisé que le vaccin mis en cause par le président de la commission santé du Conseil de l'Europe devait être exclusivement réservé au marché allemand, le contrat ayant d'ailleurs été annulé. Toutefois, ont été commandés en France des vaccins élaborés suivant une technique comparable, c'est-à-dire produits dans un bioréacteur à partir de cellules animales, qui sont en particulier utilisés pour la vaccination des personnes allergiques aux oeufs.
La question de la possible pénétration de cellules cancéreuses dans des vaccins issus de cellules animales n'est pas totalement absurde et c'est une préoccupation à prendre en compte dans le cas de cultures réalisées sur des lignées anciennes qui ont été conservées. La réponse à cette préoccupation réside dans les techniques susceptibles, au niveau de la fabrication ou du contrôle, de détecter ou d'éliminer de telles cellules. Les vaccins produits selon des techniques de ce type ont été évalués, au niveau français, au cours de l'automne dernier.
La procédure spécifique de vaccination en CHU des personnes allergiques, s'explique par le petit nombre de doses de vaccin adapté : 50 000 doses ont été commandées mais, au début de la campagne, 15 000 seulement étaient disponibles. L'allergie à la protéine d'oeuf pouvant provoquer des accidents très sérieux, il est essentiel que les personnes présentant cette allergie soient vaccinées avec un produit adapté.
Répondant enfin aux propos de François Autain dénonçant la dramatisation de l'épidémie grippale et attribuant au souci de sa protection personnelle le choix des actions engagées contre la pandémie, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a dit laisser à leur auteur la responsabilité d'allégations qui mettent directement en cause son honorabilité et qui constituent une accusation tellement grave qu'elle ne peut les considérer que comme une insulte délibérée.
Elle a ensuite rappelé que le discours qu'elle tient sur la grippe A (H1N1) n'a jamais varié et répond au souci d'apporter une information mobilisatrice, mais toujours mesurée et reflétant un consensus scientifique qui n'a jamais été démenti. S'il y a eu dramatisation, elle n'a été le fait ni du Gouvernement ni de la ministre de la santé.
M. François Autain a exprimé ses regrets que la ministre ait pu considérer ses propos comme une insulte et lui a demandé, si tel était le cas, d'accepter ses excuses. Il avait simplement entendu se référer aux exemples de ministres traînés devant la Cour de justice de la République parce qu'on estimait qu'ils n'avaient pas suffisamment pris de précautions, jugeant légitime que l'on souhaite éviter de se trouver dans la même situation. Encore faut-il que les précautions prises soient à la mesure des risques qui les justifient. Mais peut-être est-ce à l'OMS qu'il faut reprocher d'avoir exagéré le danger présenté par la grippe A (H1N1).