Mardi 7 juillet 2009
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -Renseignement maritime pour les stupéfiants - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacques Gautier sur le projet de loi n° 333 (2008-2009) autorisant la ratification de l'accord entre l'Irlande, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume d'Espagne, la République italienne, la République portugaise, la République française et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, établissant un centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants.
M. Jacques Gautier, rapporteur, a souligné la nécessité, face au fléau de la drogue, de lutter efficacement contre les différentes formes de trafic. Précisant que la voie maritime était le principal mode d'acheminement de la cocaïne vers l'Europe depuis l'Amérique du Sud, via l'Afrique de l'Ouest, il a mis en évidence les difficultés d'interception en haute mer des navires suspects, compte tenu de l'étendue de la zone et des limites à l'intervention rapide de moyens navals ou aériens nationaux.
C'est pour remédier à ces difficultés que sept pays européens (Irlande, Pays-Bas, Espagne, Italie, Portugal, France et Royaume-Uni) ont signé à Lisbonne le 30 septembre 2007 un accord établissant un centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants ou MAOC-N (Maritime Analysis and Operations Centre - Narcotics).
Mis en place dès la conclusion de l'accord et compétent pour la zone de l'Atlantique, le MAOC-N est une structure légère d'une quinzaine de personnes. Il vise à collecter et échanger le renseignement entre les sept pays et à tenir à jour l'état des moyens navals disponibles afin de pouvoir faire appel à tout navire ou avion de l'un des Etats participants situé à proximité du bâtiment dont l'interception est envisagée.
Outre les sept pays membres, la Grèce, l'Allemagne, les Etats-Unis, le Cap Vert et le Maroc disposent du statut d'observateur, tout comme la Commission européenne et Europol, avec qui est prévue une procédure d'échange d'informations.
L'accord ne donne au MAOC-N aucune prérogative propre, le renseignement étant fourni par les Etats sur une base volontaire et les opérations d'interception restant de leur ressort.
L'Union européenne finance 70 % de son budget de fonctionnement, qui s'élève à 1 million d'euros pour trois ans, le solde étant supporté à parts égales par les sept Etats membres.
Depuis son activation en juillet 2007, le MAOC-N est intervenu sur près de quarante opérations d'interception, qui ont permis de saisir une quarantaine de tonnes de cocaïne et une vingtaine de tonnes de haschisch. Des poursuites judiciaires ont été engagées dans neuf pays suite à ces opérations.
Sur le même exemple, une structure comparable, le Centre de coordination pour la lutte antidrogue en Méditerranée (CECLAD-M) situé à Toulon, a été créée pour la Méditerranée en janvier 2009.
M. Jacques Gautier, rapporteur, a souligné la plus-value apportée par de tels centres opérationnels dans la lutte contre le trafic maritime de stupéfiants.
Il a replacé cette initiative dans l'ensemble des actions soutenues par la France au plan multilatéral dans ce domaine, que ce soit dans le cadre des Nations unies, d'instances informelles comme le groupe de Dublin ou d'organisations régionales.
Il a invité la commission à adopter le projet de loi.
À l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Josselin de Rohan, président, a demandé dans quelle mesure les pays africains par lesquels transite la drogue acheminée à travers l'Atlantique s'impliquaient dans les dispositifs mis en place par les pays européens.
M. Jacques Gautier, rapporteur, a précisé que la Maroc et le Cap-Vert disposaient d'un statut d'observateur au sein du MAOC-N, le Maroc et le Sénégal ayant en outre adhéré au CECLAD-M, centre opérationnel compétent pour les opérations en Méditerranée.
La commission a ensuite adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.
Gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacques Blanc sur le projet de loi n° 390 (2008-2009) autorisant l'approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée.
M. Jacques Blanc, rapporteur, a indiqué que ce protocole, signé à Madrid le 21 janvier 2008, et qui résulte d'une initiative française, complétait une convention, adoptée à Barcelone en 1976, portant sur la protection du milieu marin en Méditerranée, et qu'il avait pour objet de renforcer la protection du littoral de la mer Méditerranée.
Il a rappelé que la convention de Barcelone, qui a été signée par tous les pays riverains de la Méditerranée, contenait une série de mesures de protection du milieu marin contre les risques de pollution et qu'elle avait été complétée par une série de protocoles, portant notamment sur la pollution par les navires ou la pollution par les déchets et les activités industrielles.
Il a indiqué que la convention de Barcelone avait été modifiée en 1995 pour intégrer le littoral dans son champ d'application et dans son intitulé, mais que chaque partie restait libre d'étendre ou non cette convention au littoral et de définir ce qu'elle entend précisément par le terme de littoral.
M. Jacques Blanc, rapporteur, a indiqué que la principale innovation du protocole tenait à la reconnaissance du principe d'une bande côtière inconstructible, dont l'étendue ne pourra pas être inférieure à cent mètres.
Il a indiqué que cette stipulation était largement inspirée du droit français, et en particulier de la loi dite Littoral du 3 janvier 1986, qui interdit toute construction dans la bande des cent mètres à partir de la mer.
Toutefois, il a souligné que la reconnaissance de ce principe dans le protocole avait fait l'objet de négociations très difficiles, plusieurs pays, comme la Grèce, étant réticents face à une telle disposition, et que, à titre de compromis, plusieurs dérogations avaient été prévues, en particulier pour des projets d'intérêt public ou en fonction de contraintes locales, liées notamment à la densité de la population ou aux besoins sociaux.
Il a également mentionné d'autres mesures de protection de la zone côtière contenues dans ce protocole, comme l'accès libre et gratuit à la mer et la limitation de la circulation et du stationnement de véhicules le long du rivage.
Il a estimé que la ratification de ce protocole par la France, qui a été signé à ce jour par quatorze pays riverains et qui n'a été encore ratifié par aucune partie, constituerait un signal fort, en cohérence avec les résultats du « Grenelle de la Mer » et la relance de l'«Union pour la Méditerranée ».
Sur proposition du rapporteur, la commission a alors adopté ce projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.
Mission au Moyen-Orient - Présentation des principales conclusions de la mission portant sur l'évaluation de la situation au Moyen-Orient
M. Jean François-Poncet et Mme Monique Cerisier-ben Guiga ont ensuite présenté les conclusions de leur rapport sur l'évaluation de la situation au Moyen-Orient.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, après avoir rappelé que les différentes étapes de la mission avaient fait l'objet de comptes rendus détaillés devant la commission, a indiqué que Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, et lui même présenteraient les principales conclusions de leur rapport en distinguant, d'une part, les problèmes communs à l'ensemble de la région et, d'autre part, les problèmes particuliers à chaque pays ou groupe de pays.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, présentant la première partie du rapport relative aux problèmes communs, a rappelé que les pays du Moyen-Orient étaient aussi différents entre eux que les pays européens et que, globalement, nous les connaissions mal. Elle a évoqué comme causes possibles le fait que nous avons oublié l'histoire de ces pays, que nous ne retenons d'eux que des images de violence, même si leur population n'a jamais été aussi éduquée et développée, ou encore que notre vision de l'Islam soit celle d'une religion conservatrice et archaïque. A cet égard, elle a rappelé que l'Islam n'était pas réductible aux taliban, pas plus que le catholicisme à l'Inquisition ou le protestantisme aux sorcières de Salem.
A l'inverse, il est important de comprendre que l'opinion publique arabe et les gouvernements n'ont pas oublié l'époque coloniale et ses séquelles qui subsistent encore aujourd'hui dans la politique et les interventions occidentales.
Elle a ajouté que les sociétés du Moyen-Orient étaient en pleine mutation. La première de ces évolutions concerne la transition démographique. Cette phase de l'histoire d'une société où les couples commencent à contrôler leur fécondité est partout commencée au Moyen-Orient, même si elle est n'est nulle part achevée. Le taux de fécondité des femmes au Moyen-Orient est passé de 6,8 %o, en 1975 à 3,7 %o en 2005, la Tunisie, par exemple, ayant un taux de fécondité inférieur à celui de la France. Cet accès de plain-pied à la modernité provoque une désorientation des sociétés qui deviennent tumultueuses et convulsives.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a ensuite évoqué la question du statut des femmes. Elle a noté que le développement du port du voile avait permis un accroissement de la scolarisation des filles dans les classes populaires, soulignant par là-même que le port du voile était un indicateur ambivalent, facteur paradoxal de progrès, mais également le témoin d'un retour à une norme religieuse traditionaliste. Elle a d'ailleurs souligné que les termes de « réislamisation » et de « retour du religieux » étaient trompeurs, cette région du monde n'ayant jamais cessé d'être profondément musulmane. Se référant à l'ouvrage d'Amin Maalouf « les identités meurtrières » et au fait que les croyances religieuses, parce qu'elles sont plus durables que les idéologies, offrent un ancrage identitaire aux populations, elle a ajouté que l'Islam était redevenu la norme sociale, en réaction à l'occidentalisation.
Le rapporteur a enfin évoqué rapidement le fossé existant entre les peuples et les gouvernants, la relation tourmentée que ces mêmes peuples ont avec l'Occident et, enfin, l'attente partout manifestée de « plus d'Europe et moins d'Amérique ». Elle a conclu son propos en évoquant l'abondance des ressources énergétiques et la menace vitale de la pénurie généralisée d'eau.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, a présenté les problèmes particuliers de la région, évoquant tout d'abord les trois défis auxquels elle est confrontée.
Le premier défi, qui se pose depuis 1948, est celui du conflit israélo-palestinien. A l'origine israélo-palestinien et israélo-arabe, ce défi comporte désormais une composante israélo-occidentale. Le rapporteur s'est étonné que les Israéliens n'aient pas tranché entre la proposition de l'Etat unique, binational, qui ne peut aboutir qu'à une dilution, voire une disparition de son identité juive, et la solution des deux Etats, que l'Occident pourtant privilégiait depuis longtemps et dont on connaissait tous les paramètres depuis la négociation de Taba et les propositions du Président Clinton. La seule chose qui fasse défaut, a-t-il ajouté, est la décision politique. Selon lui, les raisons pour lesquelles Israël ne parvient pas à trancher ce dilemme s'expliquent par le fait que sa sécurité est assurée et que son armée est supérieure à toute autre dans la région. Ces deux éléments conjugués incitent les dirigeants israéliens à la procrastination. Mais la raison principale de l'absence de choix tient au système politique israélien lui-même et aux effets de la représentation proportionnelle intégrale. Celle-ci aboutit à un grand nombre de partis politiques et à l'absence de majorités cohérentes. Politiquement trop faible pour faire la paix, militairement trop fort pour en avoir besoin, le gouvernement israélien ne pourra changer d'orientation que sous la pression des Etats-Unis. De ce point de vue, le Président Obama, contrairement au Président Bush qui n'avait jamais osé le dire au cours de ses deux mandats, a affirmé qu'il était en faveur de la solution des deux Etats et a demandé l'arrêt complet de la colonisation. La question est de savoir de quelle détermination il fera preuve à long terme et quelle capacité il aura à affronter le lobby pro-israélien. A cet égard, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que la mission avait eu l'occasion de rencontrer les principaux lobbies pro israéliens, tant à Washington qu'à New York, et que ceux-ci disposaient de ressources humaines et financières importantes. Pour l'instant le Président Obama a une grande marge de manoeuvre, qu'il n'est cependant pas sûr de conserver longtemps.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, a ensuite évoqué le dossier du programme nucléaire iranien, deuxième défi dans la région, dont l'enjeu était la nucléarisation de toute la région. Il a rappelé qu'on pouvait s'interroger sur la nature militaire du programme, que les autorités iraniennes démentaient avec la plus grande fermeté. Selon lui, même s'il n'existe pas de preuve formelle du caractère militaire de ce programme, il y a un faisceau d'indices plaidant en ce sens : l'absence de réponses aux questions de l'AIEA, la rationalité économique discutable du développement du nucléaire civil, enfin la mise au point d'un programme de missiles balistiques sophistiqués. Il a ajouté que, si les installations nécessaires aux premiers cycles d'enrichissement de l'uranium, du type de Natanz, occupaient une grande superficie au sol et étaient difficiles à dissimuler, en revanche, les usines impliquées dans les phases finales de l'enrichissement étaient de bien plus petite taille et pouvaient très bien faire l'objet d'une dissimulation. Il en a conclu que ce programme, qui n'avait pas pour l'instant de rationalité économique et technique, pouvait avoir une finalité militaire. Si tel est le cas, est-il possible d'arrêter le programme nucléaire iranien ? M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que le régime iranien n'était pas menacé, mais qu'il était impopulaire et que des dissensions commençaient à apparaître au sein de l'élite religieuse du pays. Malgré des élections vraisemblablement truquées, le régime repose, selon lui, sur des piliers solides tels que les Pasdaran et les Basidj. Les sanctions adoptées sont efficaces alors que les négociations entreprises dans le cadre 5 + 1 sont un échec. Ces sanctions peuvent encore être renforcées afin de faire évoluer le régime. A la question de savoir si les troubles actuels étaient susceptibles de pousser à l'ouverture ou à l'intransigeance, il a avoué pencher plutôt pour l'intransigeance tant, a-t-il estimé, ce régime avait besoin d'ennemis pour se maintenir.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, a ensuite évoqué le cas du Yémen, troisième et dernier défi. Cet Etat n'est pas encore un Etat failli mais semble sur le point de le devenir. Il a rappelé l'attentat contre l'ambassade des Etats-Unis, en septembre 2008, qui a causé la mort de seize personnes, et le fait que le Président Ali Abdullah Saleh n'ait en réalité plus d'autorité que sur le territoire de sa propre capitale. Il a évoqué la rébellion houtiste au nord du pays, les tentations irrédentistes du sud et l'insécurité régnant dans la région de l'Hadramaout, berceau natal de la famille Ben Laden. Il a déclaré que la situation était d'autant plus préoccupante que ce pays était en train de devenir une nouvelle base pour Al-Qaïda.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, a ensuite évoqué les raisons d'espérer une amélioration de la situation au Moyen-Orient, au premier rang desquelles figurait, selon lui, le changement de la politique américaine. Il a également évoqué, d'une part, la renaissance de l'Irak du fait de l'amélioration de la sécurité, des progrès de la démocratie et d'une vie parlementaire active et, d'autre part, en contrepoint, l'extrême dégradation des infrastructures, entièrement à reconstruire, ainsi que la nécessité, pour les Irakiens, d'établir des règles de partage de la rente pétrolière.
Toujours au titre des raisons d'espérer, M. Jean François-Poncet a évoqué la consolidation du régime saoudien, un moment ébranlé par le problème dit des « égarés ». Il a rendu hommage au roi Abdallah, grand roi réformateur, prudent mais déterminé, populaire dans son pays et influent dans la région. Les réserves financières tirées de la rente pétrolière ont été placées avec beaucoup de sagesse et la crise économique affectera moins ce pays que d'autres. Il a indiqué que ce pays était à la veille d'un changement de génération dans la classe dirigeante, la loi successorale devant permettre de trouver un modus vivendi entre les différents prétendants.
S'agissant des autres Etats du Golfe, principalement les Emirats Arabes Unis, le Qatar et le Bahreïn, il a indiqué qu'ils présentaient un visage nouveau de la modernité arabe, comme en témoignent certains développements architecturaux ainsi que l'intérêt porté à l'éducation au Qatar ou à la culture à Abu Dhabi. Il a regretté que ces régimes restent conservateurs dans leurs conceptions sociales.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, s'est par ailleurs réjoui du repli d'Al-Qaïda, quasiment disparu d'Irak.
Le rapporteur a ensuite abordé les problèmes récurrents du Moyen-Orient, au premier rang desquels la question de la succession du Président Hosni Moubarak. Entre son fils Gamal et Omar Souleimane, le choix n'a pas été fait, ce qui préoccupe les observateurs de la région, d'autant que cette succession s'ouvrira dans un climat économique très dégradé.
Il a ensuite évoqué le cas de la Syrie, déclarant que le Président de la République française avait eu raison en renouant les contacts avec M. Béchir El Assad, et s'est interrogé sur le fait de savoir s'il était envisageable de détourner ce pays de son alliance traditionnelle avec l'Iran. Il a répondu par la négative sauf si un accord permettait à la Syrie de récupérer le Golan, ce dont pour l'instant les dirigeants israéliens ne voulaient pas entendre parler.
Enfin s'agissant du Liban, il a évoqué le problème du confessionnalisme et l'importance du Hezbollah chiite, qui a établi un Etat dans l'Etat, et qui est en relation très directe avec Téhéran.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, a ensuite présenté les recommandations de la mission à la commission.
En premier lieu, il a indiqué qu'il ne serait pas possible de progresser dans le conflit israélo-palestinien sans contact direct avec le Hamas. Les membres de la mission ont rencontré M. Khaled Mechaal à Damas, ce qui leur a valu l'anathème des dirigeants politiques israéliens. Il a également indiqué qu'il fallait que la France et les Européens appuient la politique du Président des Etats-Unis afin d'exercer le maximum de pression sur les dirigeants israéliens, en particulier pour qu'ils lèvent le blocus de Gaza et acceptent l'arrêt de la colonisation.
Concernant l'Iran, il a considéré comme une litote le fait de dire que les relations entre nos deux pays n'étaient pas bonnes et a relaté un déjeuner, à l'invitation de l'ambassadeur d'Iran en France, au cours duquel l'ambassadeur avait porté des jugements inacceptables sur notre propre pays. Il convient de soutenir la politique d'ouverture des Etats-Unis, mais, en cas d'échec, il lui a semblé clair que les occidentaux auront à choisir entre la bombe et le bombardement, ce qui n'empêche pas, dans l'immédiat, de poursuivre les efforts et pressions afin que l'Iran accepte l'intégralité des inspections de l'AIEA dans le cadre du TNP.
S'agissant du Yémen, il a indiqué qu'il fallait absolument s'en préoccuper et, concernant la Syrie, il a considéré, une nouvelle fois, que cela avait été une bonne chose de s'en rapprocher, le rétablissement des relations diplomatiques permettant d'exercer une pression utile bien que limitée.
M. Josselin de Rohan, président, après avoir rappelé les positions très fermes en faveur de la solution des deux Etats qu'avait prises le Président des Etats-Unis, s'est interrogé sur l'importance à donner à la déclaration du vice-président Joe Biden disant que les Etats-Unis ne pourraient pas empêcher Israël de mener une attaque sur les sites nucléaires iraniens. Il s'est étonné que cette déclaration ait été faite sans concertation aucune avec les pays de l'Alliance atlantique et s'est demandé si cela ne signifiait pas que le lobby pro israélien était devenu beaucoup plus actif aux Etats-Unis. M. Benyamin Netannyahou a déclaré qu'il avait bien compris le message du Président des Etats-Unis mais n'a rien fait depuis.
Le président Josselin de Rohan s'est interrogé sur le fait de savoir si, compte tenu des positions de la Chine et de la Russie, qui opposeraient vraisemblablement un veto à une aggravation des sanctions, on ne s'acheminait pas vers un Iran nucléaire. Cela entraînerait vraisemblablement la nucléarisation de la région et l'éclatement du TNP. Dans ces conditions, la dissuasion ne jouerait-elle pas un rôle ?
Enfin, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que, dans le cadre du conflit israélo-palestinien, il était possible d'envisager un rôle pour l'Union européenne. Se déclarant choqué par la fermeté du gouvernement israélien dans la poursuite des colonisations, le maintien des check points et du blocus, il a souhaité que l'Union européenne soit aux côtés des Etats-Unis pour soutenir la politique du Président Obama.
En réponse au président de Rohan, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a déclaré que tout le jeu israélien visait à détourner l'attention des Occidentaux vers la question iranienne afin d'éviter d'avoir à résoudre le problème palestinien. M. Joe Biden était vraisemblablement influencé par le lobby pro israélien. Ce n'est qu'à partir du moment où les intérêts vitaux des Etats-Unis seront mis en danger par la politique israélienne, que les Américains feront preuve de fermeté. Les Israéliens dépendent fortement des Etats-Unis et ces derniers peuvent exercer des pressions facilement.
S'agissant de la politique de l'Union européenne dans le conflit israélo-palestinien, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a indiqué que le fait que la Suède vienne de prendre la présidence de l'Union aiderait beaucoup sans doute à la définition d'une politique claire et plus cohérente vis-à-vis d'Israël. Dans ces conditions, elle a indiqué qu'il était probable que les recommandations du texte émanant d'anciens ministres européens des affaires étrangères et de personnalités, signé par son collègue et co-rapporteur M. Jean François-Poncet, en faveur d'un contact avec toutes les parties au conflit, y compris le Hamas, soient enfin suivies par les pouvoirs européens actuels.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, en réponse à la question du président Josselin de Rohan sur l'Iran, a indiqué qu'il considérait qu'il était de bonne politique que le Président des Etats-Unis d'Amérique laisse son vice-président avertir les Iraniens que les Etats-Unis ne seraient pas en mesure d'arrêter Israël si celui-ci venait à attaquer les sites nucléaires iraniens. Si les Etats-Unis et l'Europe peuvent s'accommoder d'un Iran nucléaire, il s'est déclaré en revanche inquiet quant à la possibilité d'une nucléarisation de la région. Le rôle stabilisateur qu'a joué l'atome entre l'Inde et le Pakistan n'est pas nécessairement transposable au Moyen-Orient.
M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que chaque fois que l'Iran prenait la parole, Israël en profitait pour détourner l'attention de la Palestine et que personne n'était dupe de ce jeu.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que la presse israélienne se faisait l'écho des pressions américaines et préparait l'opinion au fait qu'il faudrait évacuer les colonies illégales, en imaginant des solutions palliatives (repli sur les colonies légales, construction en hauteur). En outre, les Etats-Unis ont dépêché dans la région le sénateur Georges Mitchell, qui s'est chargé de rappeler aux Israéliens les demandes du Président Obama et le fait que ces demandes ne pouvaient rester sans réponse. Or si rien n'avance, le Président américain sera confronté à l'échec de sa politique. Concernant les Palestiniens, le problème est bien de savoir avec qui on négocie. Si le Hamas n'est pas associé à cette négociation, il est clair qu'il la fera échouer en contestant ses décisions.
M. Didier Boulaud a déclaré qu'il était de ceux qui pensaient que la certitude d'une annihilation devait suffire à dissuader un Iran nucléaire d'utiliser ses armes. Du point de vue iranien, tous les pays voisins ont la bombe nucléaire -l'Inde, le Pakistan, Israël, la Russie et les Etats-Unis-, ce qui justifie sa volonté de la posséder. Si le président Obama renonce au bouclier anti-missile, en Pologne et en République tchèque, cela veut-il dire alors que la dissuasion reprend toute sa place ? Il a évoqué le fait que le Premier ministre israélien avait été contrarié par la déclaration du chef du Mossad, le service de renseignement israélien, selon laquelle le programme nucléaire iranien ne déboucherait pas avant 2015, au lieu de 2010, et a demandé aux rapporteurs si ces informations étaient exactes.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a indiqué que, s'agissant de la bombe, le débat se poursuit, car, si l'on comprend bien les raisons qui poussent l'Iran dans ce sens, en revanche, on peut redouter la nucléarisation de cette région du monde.
M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que l'Iran avait déclaré ne pas vouloir acquérir l'arme nucléaire et que, même si tous les indices laissent penser que les dirigeants iraniens poursuivent en fait un objectif militaire, pour l'instant, ce programme est encore conforme au TNP. Il a évoqué la possibilité que l'Iran cherche uniquement à se placer sous le seuil et à acquérir une industrie nucléaire civile. Concernant les chances d'aboutir à un gouvernement d'union entre le Hamas et l'Autorité palestinienne, il s'est déclaré moins pessimiste que les rapporteurs. En revanche, il s'est déclaré moins optimiste sur l'évolution démocratique de l'Irak. Il a rappelé que la construction d'une nation supposait une certaine homogénéité de ses composantes, ce qui n'est pas le cas de ce pays. Elle nécessite un processus de très longue durée à l'échelle historique. Le retrait des forces américaines constituera sans doute l'heure de vérité et il apparaît prématuré de le célébrer. L'Irak est devenu un grand Liban.
En réponse à la question sur le délai nécessaire à l'Iran pour posséder l'arme nucléaire, M. Jean François-Poncet a indiqué que, d'après les informations communiquées aux rapporteurs, s'il s'agissait bien d'un programme nucléaire militaire, l'Iran serait en mesure d'avoir un tout premier « engin » nucléaire vers la fin de l'année 2010. Mais ce n'est qu'en 2015 que l'Iran pourrait disposer d'un ensemble militaire dissuasif. S'agissant de l'Irak, il a confessé être optimiste. Bagdad est toujours en état de siège, mais il n'y a plus d'assiégeants. Il a ajouté que la reprise des attentats, très meurtriers, n'avait pas remis en cause l'amélioration globale de la sécurité. Puis, il a indiqué que pour le moment le danger venait moins des divisions entre les chiites et les sunnites que du fait que les Kurdes réclamaient avec insistance la ville de Kirkouk ainsi que le rattachement de territoires qui, s'il était accepté, conduirait au doublement de la superficie de leur région autonome.
Concernant les chances de succès du dialogue interpalestinien, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a indiqué que celui-ci était au point mort. Les dirigeants égyptiens avaient fixé comme date limite à ce dialogue le 7 juillet, mais viennent d'annoncer qu'ils repoussaient cette date au 25 juillet. Les discussions achoppent sur le programme du gouvernement, le système électoral, les forces de sécurité et l'intégration du Hamas à l'OLP. En réalité, ce dialogue est bloqué du fait de l'exigence posée par le Quartette d'une reconnaissance préalable d'Israël. Toutefois, la véritable date butoir est le 25 septembre, date limite de convocation des élections prévues en janvier 2010. Une médiation européenne pourrait contribuer au déblocage des négociations, mais cela suppose au préalable la reconnaissance des résultats des élections palestiniennes de 2005 et celle du Hamas.
M. Daniel Reiner a interrogé les rapporteurs sur le nucléaire iranien, reconnaissant que le régime était impopulaire depuis une quinzaine d'années. Il a considéré que la tentation serait forte de penser que ce ne sont que les extrémistes qui souhaitent le développement d'un tel programme, alors que celui-ci fait l'objet d'un consensus national. Il a posé la question de savoir quelles garanties la Chine, la Russie et l'Occident pourraient apporter à cette région du monde au cas où l'Iran deviendrait une puissance nucléaire militaire. L'Occident a-t-il accompagné le mouvement d'évolution du Moyen-Orient vers la modernité dans un sens positif ou, au contraire, l'a-t-il compliqué ? Enfin, il s'est déclaré indigné que l'Europe accepte sans rien dire que tous ses investissements en Palestine, et notamment à Gaza, soient régulièrement détruits par l'armée israélienne et que l'on s'apprête à recommencer comme si de rien n'était.
En réponse, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que, certes, l'impopularité du régime n'était pas un fait nouveau et que cela s'était manifesté par l'abstention dans les précédentes élections, mais qu'elle n'avait jamais été aussi forte. S'agissant du programme nucléaire, il est effectivement soutenu par la totalité de l'opinion car ce peuple est profondément nationaliste, en raison de son passé glorieux et millénaire.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur, a estimé qu'effectivement si on laissait ces pays trouver leur propre voie vers la modernité, cela serait beaucoup plus simple pour eux.
S'agissant de la position commune des Européens, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que les principaux pays étaient d'accord entre eux, même si l'Allemagne ne s'exprimait guère sur le sujet pour des raisons historiques évidentes et que, pour des raisons similaires, les Pays-Bas avaient une attitude systématiquement pro-israélienne. Il s'est déclaré en accord avec M. Daniel Reiner sur le fait que les destructions infligées à Gaza sur les immeubles construits par l'Europe étaient intolérables, et que cette absence de protestation était encore plus intolérable.
Rappelant un déplacement effectué au Moyen-Orient, M. Marcel-Pierre Cléach a indiqué que l'ensemble des interlocuteurs rencontrés s'étaient montrés convaincus que l'Iran irait jusqu'au bout de ses ambitions nucléaires et qu'Israël, qui n'attend rien des négociations internationales, interviendrait pour détruire les sites de production d'uranium de ce pays.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, a rappelé la conviction de M. Denis Ross, chargé par le Président Obama de suivre cette question, qu'Israël allait attaquer l'Iran. Cependant, il est tout aussi évident que les militaires israéliens n'entreprendront une opération que si les intérêts existentiels d'Israël sont mis en cause.
Mercredi 8 juillet 2009
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes
La commission a procédé à l'audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que l'audition du ministre des affaires étrangères et européennes porterait principalement sur les questions de l'Iran, de l'Irak et du Proche-Orient, sur lesquelles la commission avait souhaité mener un travail d'analyse spécifique dans le cadre du rapport d'information confié à Mme Monique Cerisier-ben Guiga et à M. Jean François-Poncet.
M. Josselin de Rohan, président, a souligné la détérioration des relations entre les pays européens et l'Iran, qui résultait des conditions contestées dans lesquelles était intervenue la proclamation des résultats de l'élection présidentielle et de la répression brutale des manifestations de protestation. Il a approuvé la ferme réaction du Président de la République à la suite de l'arrestation d'une jeune Française accusée d'espionnage. S'agissant de l'Irak, où venait de se rendre, accompagné de chefs d'entreprise, le Premier ministre M. François Fillon, il s'est interrogé sur les perspectives de stabilisation durable de ce pays après le retrait des troupes américaines. Enfin, il a souligné le caractère critique de la situation au Proche-Orient, et s'est demandé dans quelle mesure les positions de l'administration américaine pourraient amener le gouvernement israélien à assouplir sa politique sur le blocus de Gaza et l'arrêt de la colonisation.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a tout d'abord évoqué les contacts avec les autorités iraniennes sur la situation de Clotilde Reiss, jeune lectrice de français terminant son séjour en Iran, et accusée d'avoir communiqué des photographies des manifestations alors qu'elle se trouvait à Téhéran. Il a indiqué avoir bon espoir que les diplomates français puissent très prochainement lui rendre visite et a estimé que les charges invoquées à son encontre n'étaient pas étayées.
Il a ensuite confirmé la détérioration des relations entre l'Iran et les pays européens, en particulier avec le Royaume-Uni, ancienne puissance coloniale, tout en soulignant qu'elle ne faisait pas obstacle à la poursuite d'un dialogue constant, lui-même s'entretenant régulièrement avec son homologue iranien M. Mottaki.
Le ministre a souligné le fait majeur que constituait l'apparition de divisions profondes au sein de la hiérarchie religieuse et la mise en cause du guide Ali Khamenei, du fait du soutien qu'il avait ouvertement apporté à M. Ahmadinejad, c'est-à-dire aux extrémistes contre les conservateurs. Cette situation paraît de nature à entretenir durablement une contestation latente du régime, notamment de la part de la classe moyenne et des milieux économiques qui s'inquiètent de l'isolement international croissant de l'Iran. Le maintien des positions défendues par M. Moussavi, la suspicion exprimée par M. Rafsandjani, l'opposition de l'Allatoyah Montazeri sont autant d'indices d'un clivage profond et durable au sein de la haute hiérarchie chiite.
S'agissant du dossier nucléaire, M. Bernard Kouchner a estimé que les sanctions restaient d'actualité et qu'elles étaient ciblées et efficaces. Il a rappelé le soutien de la France aux propositions de dialogue formulées par le président Obama, bien que les autorités iraniennes semblent peu disposées à y répondre. Il a indiqué que la Russie considérait que la contestation des conditions de réélection de M. Ahmadinejad relevait de la politique intérieure iranienne (ce qui ne l'avait pas empêchée de souscrire au communiqué du G8 critiquant la répression), mais qu'elle restait préoccupée par le développement du programme nucléaire. Il a également précisé que, si les Iraniens ne faisaient pas rapidement mouvement dans le sens attendu par les Six, le Conseil de sécurité serait saisi d'un nouveau projet de résolution. Il a souligné l'importance de conserver un front uni avec la Russie sur cette question et a relevé la discrétion de la Chine.
En ce qui concerne l'Irak, le ministre des affaires étrangères et européennes a estimé qu'en dépit de progrès marqués, la stabilisation du pays ne pouvait être tenue pour acquise : la question de la répartition des ressources pétrolières n'est pas réglée, du fait des revendications kurdes ; les attentats, bien qu'en diminution, n'ont pas disparu ; les tensions entre communautés ne se sont pas apaisées, bien que leurs représentants cohabitent au sein des institutions nationales. Par ailleurs, les relations avec le Koweït sont affectées par la question des frontières et des personnes disparues lors de la première guerre du Golfe.
Le ministre a indiqué que la France entendait développer son implantation diplomatique en Irak comme en témoignait la multiplication des visites politiques de haut niveau dans les deux sens depuis le début de l'année. La France a ouvert un consulat à Erbil, prépare le renforcement de sa présence à Bagdad et songe à ouvrir un consulat à Bassorah.
Enfin, évoquant les autres pays de la région, le ministre s'est félicité de l'évolution positive des relations avec la Syrie. Celle-ci continue d'entretenir des liens très étroits et profonds avec l'Iran, mais elle est également en attente de dialogue avec d'autres partenaires. La Turquie joue de ce point de vue un rôle actif. Le ministre a également estimé que le bon déroulement des élections au Liban constituait un signe positif pour la région. Il a annoncé qu'il allait se rendre très bientôt au Liban pour saluer la réussite de ce processus électoral, parler avec toutes les composantes de la vie politique libanaise et soutenir la perspective de la formation d'un éventuel gouvernement d'union nationale.
S'agissant du Proche-Orient, quelques signes positifs de règlement sont apparus. Les solutions sont contenues dans l'initiative de paix arabe qui pourrait être reprise mais, dans le contexte actuel, le gouvernement israélien n'y est pas prêt.
Puis un débat s'est ouvert au sein de la commission.
M. Jean-Pierre Chevènement a estimé que les positions économiques de la France étaient en passe d'être restaurées en Irak, alors qu'elles se sont notablement dégradées en Iran avec des exportations qui ont chuté de 5 milliards à un milliard d'euros. Abordant la nouvelle politique étrangère américaine, il s'est interrogé sur ses buts de négociations avec l'Iran : s'agit-il d'obtenir la garantie d'un usage purement civil des centrales nucléaires, ou de se préparer à un futur franchissement du « seuil » d'accession à l'arme nucléaire militaire ? Puis il a émis le souhait que la France s'implique plus fortement dans les négociations en cours, sous l'égide de l'Egypte, pour rapprocher l'Autorité palestinienne et le Hamas, considérant qu'il s'agissait là d'un point décisif pour l'évolution de la situation au Proche-Orient.
Evoquant enfin le prochain renouvellement du directeur général de l'UNESCO, il a estimé que le candidat égyptien, un moderniste parfaitement francophone, devait être appuyé plus fortement par notre pays, les propos malencontreux que ce candidat avait tenus contre la culture israélienne ayant fait l'objet d'excuses acceptées par Israël.
En réponse, le ministre a apporté les précisions suivantes :
- les investisseurs français prospectent activement les multiples potentialités offertes par la reconstruction de l'Irak, qu'il s'agisse de travaux d'assainissement à Bagdad, de la reconstruction du sud du pays, ou de la vente d'hélicoptères. Néanmoins, il faut savoir que de nombreux pays sollicitent actuellement les autorités irakiennes dans ce domaine et que le retour de la France sur ce marché est tardif ;
- les positions économiques de la France en Iran ont effectivement pâti de la mise en oeuvre des sanctions internationales et européennes ; mais c'est le prix à payer pour exercer une pression diplomatique efficace sur l'Iran ;
- les discussions entreprises avec Téhéran par les trois pays européens, rejoints par les Etats-Unis, la Russie et la Chine, se déroulent sans résultat. Les Iraniens ne cèdent rien. Leur demande principale porte sur la venue à Téhéran de responsables politiques européens pour y rencontrer le Président Ahmadinejad. Les Etats-Unis d'Amérique ont proposé à l'Iran des contacts directs, et ont sollicité la Grande-Bretagne et la France pour les aider à les préparer, du fait de leur bonne connaissance de ce pays ;
- il est indéniable que les scientifiques iraniens poursuivent l'enrichissement de l'uranium, avec la mise en marche progressive de milliers de centrifugeuses supplémentaires, comme cela est constaté par l'AIEA. L'Iran continue de violer les résolutions du Conseil de sécurité. Cette fuite en avant est particulièrement préoccupante. Elle ne doit pas être occultée par l'attention portée à la situation intérieure du pays;
- les négociations entre le Hamas et l'Autorité palestinienne reprennent au Caire le 27 juillet prochain, avec la perspective d'un accord possible sur un nouveau gouvernement palestinien d'Union nationale dirigé par l'actuel Premier ministre Salam Fayad, accord que la France soutiendrait naturellement. Le Président de la République française a réitéré sa volonté de favoriser un accord de ce type, d'autres initiatives comme les propositions de tenir une conférence à Moscou et une autre à Paris étant sur la table. S'agissant de la colonisation, le gouvernement israélien considère certes comme illégaux les vingt-et-un « outposts » construits en dehors du cadre juridique israélien mais ne semble prêt à proposer qu'un moratoire d'une durée et d'une étendue à déterminer pour les autres types de colonies ; il faut cependant relever que le gouvernement israélien a récemment mené une opération très ferme contre les colons d'Hébron ;
- à Bethléem, 2 000 entrepreneurs palestiniens sont prêts à s'installer sur une zone proche de cette ville, en partenariat avec des entreprises françaises, projet qui est largement financé par notre pays. Ce dynamisme pourrait être renforcé par la suppression des points de contrôle sur la route reliant Jénine à Naplouse. Dans un avenir proche, de nombreux check points pourraient disparaître ;
- il y a aujourd'hui neuf candidats au poste de directeur général de l'UNESCO, dont M. Hosni mais aussi trois Européens. La France, pays hôte de l'organisation, se doit de respecter une nécessaire neutralité.
M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que la France avait défendu en son temps un directeur général contesté en la personne du Sénégalais Moktar M'Bow, alors critiqué pour sa volonté de promouvoir un nouvel ordre mondial de l'information. Il a également souligné que l'Union pour la Méditerranée était coprésidée par la France et l'Egypte, ce qui devait conduire notre pays à appuyer le candidat égyptien.
M. Michel Boutant a fait état de l'enlèvement intervenu, il y a plusieurs semaines, d'un ressortissant français au Balouchistan pakistanais, et a souhaité obtenir des précisions sur son sort.
En réponse, le ministre a confirmé qu'il suivait activement cette affaire et que cet enlèvement semblait plus crapuleux que politique.
Mme Gisèle Gautier a rappelé la récente visite du Président Obama en Russie, et s'est félicitée de l'annonce d'un accord prolongeant l'actuel accord START qui expire en décembre 2009. Elle a estimé que ces discussions avaient été menées parallèlement à d'autres portant sur le sort du bouclier anti-missiles. Puis elle a déploré que la Russie, bien qu'hostile à un Iran nucléaire, veuille y préserver ses intérêts, ce qui laisse subsister une menace. Elle s'est donc interrogée sur les moyens de convaincre les Russes d'appuyer la position européenne.
En réponse, le ministre a précisé que :
- la perspective d'un accord entre Etats-Unis et Russie sur un désarmement nucléaire progressif est opportune, puisque 95 % des stocks d'armes nucléaires appartiennent à l'un ou l'autre pays, la France possédant moins de 300 têtes nucléaires ;
- le ministre des affaires étrangères russes Serguei Lavrov a exprimé sa préoccupation et son inquiétude sur l'évolution du programme nucléaire de l'Iran, lors des récentes conférences tenues à Trieste et à Corfou, d'autant que la Russie pourrait constituer une cible éventuelle pour des missiles iraniens. Quant à la centrale nucléaire de Busher, alimentée en combustible par les Russes, et sous le contrôle de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique), elle est dévolue à la production nucléaire civile ;
- la situation prévalant actuellement en Géorgie est inacceptable : les observateurs déployés par l'OSCE (Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe) et l'ONU n'ont pas vu leur mission renouvelée. De son côté, la communauté internationale ne reconnaîtra pas l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie.
Mme Catherine Tasca s'est émue que Radio France Internationale soit en grève depuis de nombreuses semaines sans que le Gouvernement n'intervienne dans ce conflit, alors que le personnel a sollicité la désignation d'un médiateur, faute d'ouverture avec la direction. Or cette radio occupe une place exceptionnelle dans le paysage des moyens de communication internationaux.
En réponse, le ministre a rappelé que cette radio de grande qualité ne dépendait plus financièrement de son ministère et a estimé qu'elle devait, avant tout, se moderniser en abandonnant notamment la diffusion en ondes courtes qui n'a plus d'auditeurs. Il a déploré que 35 grévistes sur 1 100 membres du personnel de RFI suffisent à bloquer durablement la diffusion de cette radio dont les effectifs sont d'ailleurs beaucoup plus nombreux à Paris que sur le terrain. Il a souhaité que la grève trouve rapidement une issue pour que RFI maintienne sa place sur la scène internationale, et notamment en Afrique. A titre de comparaison, les correspondants extérieurs des Etats-Unis ne sont que 150 dans le monde entier.
M. Josselin de Rohan, président, a évoqué le récent rapport commun rédigé par la commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères du Sénat sur l'action culturelle extérieure et a souhaité recueillir les réflexions du ministre sur les réformes à entreprendre dans ce secteur et les préconisations de ce rapport.
En réponse, le ministre, après avoir salué la qualité du travail et des propositions du Sénat, a précisé que :
- un nouvel élan doit être donné dans ce domaine par la création à la rentrée d'une agence dont la structure plus souple, permettrait de recevoir plus de financements y compris des financements privés, et dont la flexibilité permettrait de nouer des liens avec les centres culturels, de promouvoir les cultures locales et de répondre ainsi à une demande plus diversifiée. Le directeur général de cette agence sera basé à Paris. Il convient que les ambassadeurs s'impliquent dans la diffusion culturelle car ils jouent, dans ce domaine, un rôle central. Il faut également promouvoir le réseau et ne pas le pénaliser ;
- il est important que les agents relevant du ministère des affaires étrangères et de celui de la culture puissent travailler ensemble dans cette perspective, et que soient à l'avenir distinguées action culturelle et action de coopération qui relèvent de métiers différents ;
- cette agence devrait être mise en place dans les mois qui viennent, après négociations avec les personnels du ministère des affaires étrangères. Cette négociation devra surmonter les conservatismes et les craintes des personnels dont une partie vit cette création comme une externalisation, ce qui n'est naturellement pas l'objectif de la réforme.
Maison de la francophonie - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Catherine Tasca sur le projet de loi n° 356 (2008-2009) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de la francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la francophonie à Paris.
Mme Catherine Tasca, rapporteur, a d'abord rappelé que l'idée de regrouper sur un site unique, appelé Maison de la francophonie, toutes les institutions de la francophonie ayant leur siège à Paris avait été évoquée par l'ancien Président de la République M. Jacques Chirac, lors du sommet de la francophonie qui s'est tenu à Beyrouth, le 18 octobre 2002.
Elle a indiqué que, actuellement, les institutions de la francophonie présentes dans la capitale, c'est-à-dire l'Organisation internationale de la francophonie, l'Agence universitaire, dont le siège légal est à Montréal mais qui dispose d'une antenne à l'université de la Sorbonne, l'Association internationale des maires francophones et l'Assemblée parlementaire de la francophonie, étaient implantées sur sept sites différents et que le regroupement sur un site unique permettrait à la fois de réaliser des économies de loyers, de rationaliser le travail de l'organisation et de donner à la francophonie une vitrine qui lui fait aujourd'hui défaut.
Elle a aussi indiqué que, après avoir envisagé plusieurs sites, le choix initial du Gouvernement s'était porté sur un bâtiment appartenant à l'Etat, situé au 20, avenue de Ségur, à proximité immédiate de l'UNESCO, qui a abrité le siège du ministère des postes et télécommunications, et dont un tiers de la surface, soit environ 11 000 mètres carrés, avait été rendu disponible par le départ d'agents du ministère de l'économie et des finances, les deux tiers restant étant occupés par le ministère de l'écologie et du développement durable.
Mme Catherine Tasca, rapporteur, a rappelé que le Gouvernement avait signé, le 28 septembre 2006, une convention avec l'Organisation internationale de la francophonie, prévoyant la mise à disposition à titre gratuit de locaux dans ce bâtiment destinés à la Maison de la francophonie et que cette convention avait fait l'objet d'un projet de loi déposé en premier lieu au Sénat en mars 2007.
Elle a toutefois indiqué que le coût de la rénovation de ce bâtiment, qui date des années 1930, après avoir été évalué à 35 millions d'euros, avait ensuite été porté, en juillet 2006, à 60 millions d'euros, à la suite de la découverte d'amiante dans les sols, puis, en janvier 2007, à 85 millions d'euros, en raison d'un besoin de financement supplémentaire pour la mise aux normes thermiques de l'immeuble, demandée par le ministère de l'écologie et du développement durable.
Elle a précisé que, à ce montant de 85 millions d'euros, il convenait d'ajouter le coût du déménagement et de l'installation provisoire du personnel du ministère de l'écologie et du développement durable dans un autre site pendant toute la durée des travaux, évalué à 40 millions d'euros, le coût total de l'opération passant donc de 35 à 125 millions d'euros.
Mme Catherine Tasca, rapporteur, a rappelé, que, à la suite d'un article de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, une polémique s'était alors déclenchée dans la presse sur le coût de la Maison de la francophonie.
Toutefois, Mme Catherine Tasca, rapporteur, a tenu à souligner que la Maison de la francophonie n'était concernée que pour un tiers de la surface du bâtiment, ce qui, au prorata des surfaces occupées, ne représentait que 28 millions d'euros et que, de ce montant, il convenait de déduire la participation de 12 millions d'euros de l'Organisation internationale de la francophonie résultant de la vente de ses immeubles à Paris et à Bordeaux, le coût réel de l'opération étant donc de l'ordre de 16 millions d'euros pour la Maison de la francophonie.
Elle a indiqué également que les délais de réalisation des travaux, et en particulier ceux de la mise aux normes thermiques du bâtiment, avaient été reportés de plusieurs mois, soit vers la fin de 2010 ou en 2011.
Enfin, elle a tenu à souligner que les nombreux atermoiements du ministère de l'écologie et du développement durable, qui était directement à l'origine du retard pris dans la rénovation du bâtiment et qui hésitait à quitter ses locaux, avaient définitivement incité le Gouvernement, en juillet 2007, à retirer de l'ordre du jour du Sénat le projet de loi.
Elle a souligné que, à la suite de l'engagement pris par le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, de doter la francophonie d'un siège unique à Paris, une mission conjointe de l'inspection générale des finances, du conseil général des Ponts et chaussées et de l'inspection générale des affaires étrangères avait remis, en décembre 2007, un rapport qui retenait quatre immeubles possibles pour l'installation de la Maison de la francophonie, dont l'ensemble immobilier situé 19-21, avenue Bosquet, dans le 7e arrondissement de Paris, qui figurait en tête de ses recommandations, en raison notamment de son bon état général et de sa disponibilité immédiate.
Elle a précisé que, après l'accord écrit du secrétaire général de la francophonie, M. Abdou Diouf, le 31 janvier 2008, sur cet emplacement, une nouvelle convention entre le Gouvernement et l'Organisation internationale de la francophonie avait été négociée et signée en marge du sommet de la francophonie, à Québec, le 18 octobre 2008.
Mme Catherine Tasca, rapporteur, a indiqué que le projet de loi autorisant l'approbation de cette convention avait été soumis à l'Assemblée nationale, qui l'avait adopté le 9 avril 2009, non sans difficultés, puisque la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale s'était réunie à deux reprises, plusieurs députés s'étant interrogés sur certains aspects du montage budgétaire et financier de l'opération.
Mme Catherine Tasca, rapporteur, a ensuite précisé que la convention stipulait que l'Etat mettrait à disposition, à titre gratuit, de l'Organisation internationale de la francophonie un ensemble immobilier sis au 19-21, avenue Bosquet, d'une surface hors oeuvre nette de 8 600 mètres carrés, pour une durée de cinquante ans prorogeable et qu'il était précisé, dans le protocole d'application, que l'immeuble serait livré meublé et totalement équipé.
Concernant le montage financier de l'opération, elle a souligné que son originalité résidait dans le fait que le ministère des affaires étrangères et européennes ne devenait pas propriétaire de l'immeuble, l'Etat l'ayant au contraire cédé à la société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), le 15 septembre 2008, pour la somme de 59 millions d'euros, bien que cet immeuble eût ensuite vocation, après réalisation des travaux, à être loué par la SOVAFIM au ministère des affaires étrangères et européennes, pour un loyer annuel de 5,3 millions d'euros, pendant une durée de trente ans.
Elle a précisé que ce montage financier original qui pouvait sembler curieux à première vue s'expliquait en réalité par le souci de l'Etat de maîtriser les coûts et les délais de réalisation des travaux.
Elle a rappelé que la SOVAFIM était une société anonyme, créée en 2006, qui avait été initialement chargée de valoriser les biens immobiliers de Réseau ferré de France, avant de voir son champ de compétence élargi à tous les biens immobiliers appartenant à l'Etat et à ses établissements publics.
Elle a estimé que la reconduction éventuelle du bail était assurée puisque l'Etat détient la totalité du capital de cette société. D'autant que l'Etat s'est engagé dans la convention à mettre à la disposition de l'Organisation internationale de la francophonie l'immeuble pour une durée de cinquante ans, alors que le contrat de bail entre l'Etat et la SOVAFIM ne porte que sur une durée de trente ans, conformément à la pratique en matière de baux immobiliers, et, en outre, que l'Etat pouvait à tout moment décider de racheter l'ensemble du bâtiment à la SOVAFIM.
S'agissant du coût des travaux, Mme Catherine Tasca, rapporteur, a indiqué qu'ils avaient été initialement estimés à 3 millions d'euros par la mission conjointe d'inspection, mais que la représentante de la SOVAFIM avait avancé le chiffre de 17 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter le coût de l'équipement des locaux, qui fait actuellement l'objet de négociations et pourrait s'élever à un million d'euros, soit au total 18 millions d'euros, desquels il convient de déduire la participation de l'organisation internationale de la francophonie.
Indiquant qu'elle s'était rendue sur place pour apprécier l'état d'avancement des travaux et de l'aménagement des futurs locaux, elle a exprimé sa satisfaction de la qualité du travail réalisé par l'entreprise et s'est déclarée optimiste sur la possibilité d'une inauguration de la Maison de la francophonie le 20 mars 2010, date de la journée internationale de la francophonie.
En conclusion, Mme Catherine Tasca, rapporteur, a tenu à rappeler que la Maison de la francophonie permettra de regrouper sur un site unique les différents organismes de la francophonie dispersés actuellement sur sept implantations différentes, ce qui devrait entraîner une réduction des coûts de fonctionnement par la mise en commun de certains services et faciliter le travail coopératif, participant ainsi au mouvement actuel de modernisation institutionnelle de la francophonie et notamment à l'unité de commandement décidée lors du sommet de Ouagadougou, en novembre 2004, qui avait fait du Secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie le Secrétaire général de la francophonie.
Elle a regretté toutefois que certains opérateurs de la francophonie, comme l'agence universitaire, n'aient pas pu, ou pas voulu, être regroupés dans le même bâtiment que celui de l'Organisation internationale de la francophonie, en s'appuyant sur la réduction de la superficie des locaux par rapport au bâtiment de l'avenue de Ségur, même s'ils disposeront de bureaux permanents dans le nouvel immeuble et que celui-ci hébergera un campus numérique, destiné aux étudiants francophones, géré en partenariat par l'organisation internationale de la francophonie et l'agence universitaire francophone.
Elle a également regretté que, en raison d'une moindre superficie, il n'ait pas été possible de prévoir une salle des conférences dans le nouvel immeuble, notamment pour les réunions institutionnelles de la francophonie, mais elle a précisé, à cet égard, que le secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, M. Alain Joyandet, s'était engagé à prêter la salle de conférence située dans le nouvel immeuble du ministère, sur le site de la Convention, à proximité de la Maison de la francophonie.
Elle a également tenu à rappeler que la mise à disposition par la France d'un bâtiment pour accueillir la Maison de la francophonie correspondait à une obligation d'Etat hôte, c'est-à-dire aux engagements internationaux de la France.
Enfin, elle a rappelé l'importance de la francophonie, qui regroupe cinquante-six États membres et quatorze États observateurs, non seulement pour la place du français, mais aussi pour la défense de valeurs communes, comme la diversité culturelle, les droits de l'Homme et la démocratie.
Estimant que le nouvel emplacement mettait un terme à la polémique créée autour de ce dossier, elle a souhaité que la Maison de la francophonie permette de mieux faire connaître la francophonie auprès du public, et notamment de la jeunesse.
Remerciant le rapporteur pour la qualité de son travail, M. Josselin de Rohan, président, a souhaité savoir si les services de l'Assemblée parlementaire de la francophonie resteraient hébergés par l'Assemblée nationale.
En réponse, Mme Catherine Tasca, rapporteur, a indiqué que l'Assemblée parlementaire de la francophonie, comme d'ailleurs l'agence universitaire et l'association des maires francophones, resteraient dans les bâtiments qu'ils occupent actuellement, la moindre superficie de l'ensemble immobilier situé avenue Bosquet, par rapport à celle du bâtiment de l'avenue de Ségur, n'ayant pas permis de les regrouper avec les services de l'Organisation internationale de la francophonie au sein de la Maison de la francophonie.
Elle a précisé que l'Assemblée parlementaire de la francophonie disposait de locaux boulevard Saint-Germain mis à disposition à titre gratuit par l'Assemblée nationale.
Elle a estimé que l'absence de regroupement des opérateurs au sein de la Maison de la francophonie constituait sans doute la principale faiblesse du projet actuel, notamment par rapport à celui de l'avenue de Ségur, qu'il s'expliquait par une moindre superficie des nouveaux locaux mais aussi par une certaine réticence des opérateurs à l'encontre d'un regroupement avec les services de l'Organisation internationale de la francophonie.
A cet égard, elle a indiqué que TV5 Monde représentait un cas à part, étant donné que, dès le départ, il avait été convenu que la chaîne francophone ne serait pas concernée par ce projet, en raison de contraintes techniques.
Toutefois, elle a souligné que la Maison de la francophonie permettra de regrouper l'ensemble des services de l'Organisation internationale de la francophonie, et notamment ceux du Secrétaire général, qu'au sein des nouveaux locaux il y aura plusieurs salles de réunions et que les opérateurs disposeront de bureaux de liaison au sein de la Maison de la francophonie
Elle a souhaité que ces bureaux de liaison permettent de renforcer la coordination et les synergies entre les différents organismes de la francophonie, sous la direction du Secrétaire général de la francophonie.
M. Didier Boulaud s'étant interrogé sur l'identité du détenteur du capital de la SOVAFIM, Mme Catherine Tasca, rapporteur, a confirmé qu'il appartenait entièrement à l'Etat.
M. René Beaumont a indiqué qu'il avait été étonné par le montage financier de l'opération mais que les explications du rapporteur l'avaient rassuré sur ce point. Il a souhaité connaître le devenir du bâtiment de l'avenue de Ségur. Il a en effet estimé que, après le départ des agents du ministère de l'écologie et du développement durable, dont les services seraient regroupés sur un nouveau site à la Défense, il convenait de trouver une nouvelle affectation à cet immeuble, qui date des années 1930 et qui dispose d'un emplacement central, à proximité immédiate de l'UNESCO.
Mme Catherine Tasca, rapporteur, a répondu que le devenir du bâtiment de l'avenue Ségur n'avait pas encore été décidé, la mission conjointe d'inspection ayant proposé plusieurs pistes.
Toutefois, elle a indiqué que le ministère de l'économie et des finances avait toujours eu le projet de vendre ce bâtiment, mais que le contexte actuel du marché immobilier pourrait retarder cette cession.
M. Joseph Kergueris a regretté que le projet ne permette pas de regrouper l'ensemble des organismes de la francophonie et notamment les opérateurs, comme l'agence universitaire ou l'Assemblée parlementaire, estimant indispensable de renforcer les mutualisations et les synergies.
Il a rappelé que l'Organisation internationale de la francophonie employait plus de 350 agents et s'est demandé si le regroupement au sein d'un même bâtiment ne permettrait pas des économies d'échelle et une meilleure rationalisation qui permettrait, à terme, d'accueillir au sein des nouveaux locaux les personnels provenant des autres organismes.
M. Roger Romani a fait part de son étonnement au sujet de la vente éventuelle par l'Etat du bâtiment de l'avenue de Ségur, compte tenu de sa valeur architecturale et de son emplacement prestigieux.
M. Josselin de Rohan, président, a estimé que la manière dont l'Etat menait sa politique immobilière offrait encore des marges de progression, comme l'avait montré le cas du bâtiment de l'imprimerie nationale et comme l'illustrait le fait qu'il ait jugé préférable de faire appel à la SOVAFIM pour réaliser les travaux de rénovation du bâtiment de l'avenue Bosquet avant sa mise à la disposition de l'Organisation internationale de la francophonie pour y installer la Maison de la francophonie.
A l'issue de ce débat, et sur proposition de son rapporteur, la commission a approuvé à l'unanimité ce projet de loi et recommandé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.
Convention de partenariat entre la France et l'Algérie - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Robert del Picchia sur le projet de loi n° 334 (2008-2009) autorisant l'approbation de la convention de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire.
M. André Trillard, rapporteur, suppléant M. Robert del Picchia, a rappelé que le contenu effectif du partenariat entre l'Algérie et la France fluctuait en fonction de leurs relations complexes, et que l'application de la convention de coopération culturelle, scientifique et technique conclue en 1986, et reconduite en 1996, avait été affectée par les événements violents qui avaient marqué l'Algérie durant la « décennie sanglante », entre 1990 et 2000. Il a relevé que l'élection de M. Abdelaziz Bouteflika à la Présidence de la République, en 1999, sur un programme de concorde civile, avait permis au pays de sortir de son chaos interne et de son isolement international.
Il s'est félicité que la visite d'Etat du Président de la République à Alger et Constantine, du 3 au 5 décembre 2007, ait fourni l'occasion de refonder cette coopération, par la signature d'une nouvelle convention, se substituant à celle de 1986. Il a précisé que c'est ce texte, conclu pour dix ans renouvelables par tacite reconduction, qui était soumis à l'examen de la commission.
Il a rappelé que cette convention ne faisait aucune référence à l'histoire commune des deux pays, écartant ainsi toute polémique, et a précisé que l'Algérie avait déjà ratifié la convention le 11 avril 2008 et attendait avec impatience que la partie française fasse de même.
Ce texte a été inspiré par la « Déclaration d'Alger » des Présidents Chirac et Bouteflika du 2 mars 2003, qui visait à consacrer leur volonté commune de refondation de la relation bilatérale par un dialogue politique renforcé dans lequel les questions maghrébines, méditerranéennes et africaines seraient mises en exergue.
Il a rappelé que la création du Comité franco-algérien pour le partenariat et le développement, installé le 11 décembre 2006 après la signature par les ministres des finances des deux parties d'un mémorandum économique et financier, visait à accompagner l'Algérie dans ses efforts de réforme des secteurs économiques et financiers et dans sa stratégie de diversification de son économie productive.
La présente convention, signée à Alger le 4 décembre 2007, a donc pour but de consolider la coopération bilatérale dans les domaines scientifique, technique, culturel et éducatif et dans celui de la gouvernance, et vise à soutenir le programme de réformes engagé en Algérie, ainsi qu'à l'élargir à de nouveaux domaines, comme la coopération décentralisée, et la coopération en matière de sécurité.
Ses vingt-neuf articles sont regroupés en deux titres, dont le premier recense l'ensemble des domaines de la coopération bilatérale, et le second en détaille l'organisation.
Un protocole administratif et financier lui est annexé, qui établit les procédures de financement et de mise en oeuvre des actions de coopération, les franchises et exonérations dont bénéficient les biens et flux financiers qui seront mobilisés dans le cadre de ce partenariat, et énumère des dispositions particulières en matière de coopération universitaire et scientifique et de coopération décentralisée.
Une commission mixte sera chargée de l'application du document cadre de partenariat (DCP), qui fixera, par période de cinq ans les orientations prioritaires de la coopération bilatérale. Cette commission sera présidée par les deux chefs de gouvernement, assistés d'experts ; elle se réunira alternativement en Algérie et en France. Entre ces réunions, un comité de suivi, coprésidé par les représentants des ministères des affaires étrangères des deux pays, est institué pour effectuer une revue annuelle d'exécution.
M. André Trillard, rapporteur, suppléant M. Robert del Picchia, s'est félicité que le réseau d'enseignement français se soit d'ores et déjà renforcé, par autofinancement, avec les projets d'ouverture, en 2010, de deux écoles de la mission laïque à Oran et Annaba, et, en 2011, d'une école primaire à Alger.
Il a fait valoir que l'appui à la réforme administrative et à la bonne gouvernance visait à une nécessaire modernisation du secteur public algérien et à une coopération dans le domaine de l'aménagement du territoire.
Il a rappelé que la communauté algérienne en France était composée de 588.000 titulaires de titres de séjour sur le sol français en 2008, alors que les listes électorales des consulats d'Algérie recensant les Algériens de l'étranger comptaient près d'un million d'inscrits, soulignant le nombre élevé de binationaux franco-algériens résidant sur le sol français.
Il a estimé que les relations franco-algériennes dans les domaines politiques, économiques et culturels, évoluaient positivement, même si elles étaient parfois empreintes d'incompréhension touchant notamment aux questions de mémoire, et rappelé que la circulation des personnes restait une question sensible. Cependant, le nombre de visas délivrés s'est accru pour atteindre 140.000 par an, contre 57.000 en 1997, et un taux de délivrance de plus de 65 %. Les conditions d'instruction des visas s'améliorent aussi, avec le retour progressif en Algérie de cette compétence qui avait été transférée à Nantes en 1994. Le réseau consulaire français a été rétabli avec la réouverture du consulat général d'Oran, le 2 septembre 2007.
De leur côté, les autorités algériennes font d'importants efforts pour l'amélioration de la délivrance, dans les délais impartis, de laissez-passer consulaires (LPC), leur taux de délivrance s'élevant à 48,4 % en 2008 contre 39 % en 2003.
En conclusion, M. André Trillard, rapporteur, suppléant M. Robert del Picchia, a recommandé d'adopter cette convention, qui appuiera utilement la présence française en Algérie et les nécessaires réformes que ce pays doit accomplir, et proposé une procédure d'examen simplifiée en séance publique.
Mme Catherine Tasca a souhaité que le rapport de M. Robert del Picchia fasse le point sur la situation de l'enseignement du français en Algérie.
M. Josselin de Rohan, président, a rappelé combien les relations bilatérales étaient passionnelles, et parfois acrimonieuses sur le plan officiel, mais toujours confiantes avec la population algérienne. Il s'est félicité que cette convention permette de renforcer la coopération avec l'Algérie, et d'y maintenir ainsi notre influence.
Puis la commission a adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.