Mercredi 4 mars 2009
- Présidence de M. Jacques Blanc, vice-président -Accord entre la France et la Guinée sur les investissements - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacques Berthou sur le projet de loi n° 191 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements.
M. Jacques Berthou, rapporteur, a tout d'abord rappelé que ce type d'accord avait été conçu pour pallier l'absence de système multilatéral de protection des investissements en dehors de la zone OCDE. Il prévoit, pour les investissements, le traitement national et celui de la nation la plus favorisée ; il instaure certaines protections juridiques et met en place un mécanisme de règlement des différends. Il permet aussi d'envisager d'accorder, par l'intermédiaire de la COFACE, des garanties aux investisseurs pour leurs opérations dans le pays.
M. Jacques Berthou, rapporteur, a considéré que cet accord ne présenterait qu'un intérêt limité s'il ne concernait pas la Guinée, un pays agité par des troubles récurrents depuis plus de six ans et qui a connu, le 22 décembre 2008, un coup d'État militaire à la suite du décès du président Lansana Conté au pouvoir depuis 24 ans. Il a rappelé que, en dépit de l'organisation d'élections à partir de 1995, la Guinée était largement restée à l'écart des processus de transition démocratique à l'oeuvre sur le continent africain.
Il a souligné que la Guinée disposait d'un potentiel économique indéniable du fait de ses richesses naturelles.
Ces différentes ressources en font un exportateur de minerai et, potentiellement, une puissance agricole.
En dépit de ces atouts réels, la Guinée souffre cependant d'un grave retard de développement. Elle figure au nombre des pays les moins avancés avec un revenu moyen par habitant de 400 dollars par an. Elle est classée au 167ème rang mondial par le programme des nations unies pour le développement.
Alors que les pays africains ont enregistré une croissance de l'ordre de 5 % en moyenne ces dernières années, la situation économique et sociale de la Guinée n'a cessé de se dégrader. Elle se caractérise par une croissance faible, une forte inflation, un assèchement des réserves de change et une forte dépréciation de la monnaie. La dette publique, de plus de 3 milliards de dollars, est totalement insoutenable.
M. Jacques Berthou, rapporteur, a souligné que la Guinée ne disposait que d'un accès limité à l'aide extérieure. Premier pays à être entré dans l'initiative « pays pauvres très endettés » en 2001, qui permet de substantielles annulations de dettes, la Guinée a vu le processus très rapidement suspendu par le FMI pour cause de mauvaise gouvernance, ce qui lui a fermé l'accès au crédit des grands bailleurs, dont le Fonds européen de développement.
Cette situation s'est traduite par un mécontentement social croissant, entretenu par les forces syndicales du pays.
A plusieurs reprises, au printemps 2006 puis en juin 2007, le pays a été paralysé par des grèves et des manifestations. La répression particulièrement brutale menée par les hommes de troupe, qui constituent l'assise du régime, a fait plus de 200 morts.
La gravité de la situation a conduit le président Conté à nommer, le 26 février 2007, un premier ministre dit « de consensus » qui n'a pas été en mesure d'imposer son autorité ni de répondre aux attentes concrètes de la population. Limogé le 20 mars 2008, il n'a pas permis la nécessaire transition démocratique dans le pays, bien qu'ayant réussi à restaurer la confiance des bailleurs de fonds. C'est d'ailleurs au cours de cette brève période que l'accord soumis aujourd'hui au Sénat a été signé.
Les audits réalisés pendant cette période ont mis à jour le caractère systématique du vol des ressources publiques sous la présidence Conté et la mise en coupe réglée du pays avec l'appui de l'armée.
Le 22 décembre 2008, a poursuivi M. Jacques Berthou, rapporteur, la mort du président Lansana Conté, qui aurait dû se traduire par l'intérim du président de l'Assemblée nationale, a été suivie par la prise de pouvoir du capitaine Dadis Camarra qui s'est autoproclamé président de la République et a nommé un premier ministre et un gouvernement au sein duquel les militaires tiennent les postes-clés.
Sous la pression de la communauté internationale, le pouvoir a promis des élections avant la fin de l'année. M. Camarra a promis de ne pas être candidat, tout comme les membres du conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) ; il a également promis la restauration des libertés politiques et syndicales, suspendues depuis le coup d'État, et la levée des barrages routiers où les personnes sont rançonnées. Deux mois après le coup d'Etat, la situation reste très incertaine.
Dans ce contexte, M. Jacques Berthou, rapporteur, s'est interrogé sur le signal que ne manquera pas de donner au pouvoir en place à Conakry la ratification de cet accord par la France. Dans le contexte dans lequel il a été signé, cet accord constituait un soutien politique à un premier ministre de transition. Le contexte n'est plus le même aujourd'hui.
Aussi, tout en invitant la commission à adopter ce projet de loi, le rapporteur a suggéré de demander au Gouvernement d'en différer la notification aux autorités guinéennes jusqu'à ce que des garanties suffisantes aient été obtenues quant au retour à l'ordre constitutionnel dans ce pays qui, pour sa part, n'avait pas encore procédé à la ratification de ce texte. Un tel décalage ne serait par conséquent pas de nature à nuire aux intérêts des investisseurs français.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
M. Christian Poncelet s'est interrogé sur les demandes d'aide financière formulées par la Guinée.
M. Jacques Berthou, rapporteur, a rappelé que la Guinée ne disposait que d'un accès limité à l'aide extérieure du fait de l'absence d'accord avec le FMI. Il a souligné que l'enjeu principal était celui de l'annulation de la dette extérieure du pays qui pourrait intervenir, si les conditions en étaient réunies, avant la fin de l'année 2009.
Mme Nathalie Goulet a souhaité connaître la nature des investissements français en Guinée.
M. Jacques Berthou a précisé que les entreprises françaises n'étaient pas présentes dans le secteur de l'extraction de minerai mais investissaient dans les secteurs de la banque, des services portuaires et aéroportuaires, de la téléphonie mobile et du bâtiment.
M. Christian Poncelet s'est interrogé sur les possibilités d'intervention en garantie de la COFACE.
M. Jacques Berthou, rapporteur, a indiqué que la COFACE intervenait actuellement en Guinée de façon très ponctuelle, pour des garanties de court terme pour compte propre. L'accord soumis au Sénat devrait ouvrir à terme la possibilité d'une garantie à moyen terme dans le cadre d'activités pour le compte de l'Etat, chaque dossier faisant l'objet d'une évaluation spécifique.
A la suite de ce débat, la commission a adopté le projet de loi.
Siège d'Interpol en France - Examen du rapport
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Piras sur le projet de loi n° 193 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de police criminelle-Interpol (OIPC-Interpol) relatif au siège de l'organisation sur le territoire français.
M. Bernard Piras, rapporteur, a rappelé que l'Organisation internationale de police criminelle, plus connue sous le nom d'« Interpol », terme qui découle de la contraction de l'anglais « International Police », avait été créée en 1923 pour promouvoir la coopération policière internationale.
Il a précisé que, installé en France depuis 1946, son siège a d'abord été situé à Saint-Cloud, près de Paris, avant d'être transféré à Lyon en 1989.
Il a souligné que l'utilité et l'efficacité d'Interpol n'étaient plus à démontrer, particulièrement dans la période actuelle de mondialisation des activités, y compris criminelles, et que seule une coopération à l'échelle mondiale permettait aux Etats de lutter avec efficacité contre les réseaux organisés.
187 des 195 Etats reconnus au niveau international sont membres d'Interpol, dont le Vatican, qui l'a rejointe lors de sa dernière assemblée générale réunie en octobre 2008.
Dotée d'un budget très limité de 45,13 millions d'euros en 2008, alimenté par les cotisations des Etats membres, Interpol a recours à quatre langues de travail : l'anglais, l'arabe, l'espagnol et le français. La France contribue à ce budget à hauteur de 6,5 %.
Organisée autour du secrétariat général, situé à Lyon, Interpol est relayé dans chaque État membre par un Bureau central national (BCN), qui est son interlocuteur spécifique.
L'assemblée générale annuelle réunit les représentants des Etats membres, qui disposent chacun d'une voix pour la prise des décisions. Le Comité exécutif comprend treize membres, élus par l'assemblée générale pour superviser l'exécution de ses décisions. Enfin, le secrétaire général, désigné pour cinq ans par le comité exécutif et confirmé par l'assemblée générale, est la « cheville ouvrière » d'Interpol.
Plus qu'une organisation proprement policière, Interpol est surtout un centre d'étude et d'analyse de la criminalité et du terrorisme. Parmi les résultats qu'elle a obtenus en 2008, M. Bernard Piras, rapporteur, a cité :
- l'arrestation par des agents du service de l'immigration et des douanes des Etats-Unis d'Amérique, seulement 48 heures après le lancement par Interpol de l'opération IDent, d'un pédophile présumé ;
- l'opération SOGA II, en Asie, qui a abouti à 1 300 arrestations ainsi qu'à la saisie de 16,8 millions de dollars en espèces, dans le cadre de la deuxième opération coordonnée par Interpol pour lutter contre les paris illégaux dans le domaine du football ;
- l'opération Jupiter, en Amérique du Sud, qui, dans le cadre du programme d'Interpol sur la défense des droits de propriété intellectuelle, a abouti à l'arrestation de 185 personnes et à la saisie de contrefaçons et de produits piratés d'une valeur totale de plus de 121 millions de dollars, tandis que l'opération Mamba, première opération menée conjointement en Afrique par Interpol et l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a visé des points de vente de faux médicaments ;
- le projet Pink Panthers, portant sur des vols à main armée dans des bijouteries commis dans le monde entier par la même bande, qui a permis l'arrestation à Monaco de deux hommes identifiés par la police à partir d'une photo diffusée par Interpol.
Par ailleurs, M. Bernard Piras, rapporteur, a rappelé qu'Interpol avait ouvert un bureau de liaison auprès de l'Union européenne à Bruxelles pour renforcer la coopération policière et signé des accords de coopération avec l'Agence mondiale antidopage, l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières des États membres de l'Union européenne (Frontex), la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et le Centre antiterroriste de la Communauté des États indépendants (CAT-CEI).
Puis M. Bernard Piras, rapporteur, a présenté les principales dispositions de l'accord conclu le 24 avril 2008 entre Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, et M. Ronald Noble, le secrétaire général d'Interpol. Il a rappelé que c'était à la demande de cette organisation que des négociations visant à améliorer, au regard de l'accord de siège de 1982, ses conditions de travail et les dispositions fiscales qui lui sont appliquées, ont été ouvertes en 2003, aboutissant au présent texte.
A la fin 2008, Interpol disposait de 515 employés en poste au secrétariat général dont 274 Français.
L'accord prévoit que les fonctionnaires de l'organisation s'acquittent d'un impôt interne sur les traitements et suppléments de traitement versés par l'organisation. En contrepartie, ils sont exonérés de l'impôt sur le revenu français.
Les personnels bénéficiaires de ces nouvelles dispositions figurent en annexe de l'accord ; parmi eux, figurent des personnes mises à la disposition de l'organisation par leur administration nationale. Si celles-ci demeurent rémunérées par leur administration d'origine, ces revenus ne sont pas visés par ces dispositions.
Par ailleurs, le remboursement de la TVA pesant sur les dépenses engagées par l'organisation est étendu aux dépenses immobilières nécessaires au fonctionnement de l'organisation, avec effet rétroactif au 1er janvier 2004, alors que, auparavant, seules les dépenses en biens mobiliers et en services bénéficiaient d'un tel remboursement.
Enfin, le statut diplomatique, jusqu'ici réservé au seul secrétaire général, est étendu aux directeurs en poste au secrétariat général, qui jouissent ainsi des privilèges et immunités reconnus aux agents diplomatiques.
En conclusion, M. Bernard Piras, rapporteur, s'est félicité que le texte aligne ainsi l'accord de siège d'Interpol sur les dispositions générales en vigueur dans le même type d'accord, et en a donc recommandé l'adoption, car il conforte l'implantation du secrétariat général d'Interpol en France.
Puis la commission, suivant les recommandations du rapporteur, a adopté le projet de loi, en prévoyant son examen en séance publique sous forme simplifiée.