- Mardi 1er juillet 2008
- Mercredi 2 juillet 2008
- Etat des comptes de la sécurité sociale - Auditions
- Audition de M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)
- Audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav)
- Santé - Lutte contre l'anorexie - Examen du rapport
- Etat des comptes de la sécurité sociale - Audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale
- Etat des comptes de la sécurité sociale - Auditions
- Audition de M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)
- Audition de MM. Pierre Burban, président du conseil d'administration, Bernard Billon, directeur adjoint, et Alain Gubian, directeur financier, de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss)
- Nomination d'un rapporteur
Mardi 1er juillet 2008
- Présidence de M. Nicolas About, président -Sécurité sociale - Certification des comptes de la sécurité sociale - Audition de M. Philippe Séguin, premier président, Mmes Rolande Ruellan, présidente de la 6e chambre, et Catherine Mayenobe, secrétaire générale, MM. André Gauron et Jean-Philippe Vachia, conseillers maîtres de la Cour des comptes
La commission a procédé à l'audition de M. Philippe Séguin, premier président, Mmes Rolande Ruellan, présidente de la 6e chambre, et Catherine Mayenobe, secrétaire générale, MM. André Gauron et Jean-Philippe Vachia, conseillers maîtres de la Cour des comptes sur la certification des comptes de la sécurité sociale.
M. Philippe Seguin a d'abord présenté le rapport de la Cour des comptes, publié la veille, sur la certification des comptes du régime général de la sécurité sociale, dont la Cour s'est acquittée cette année, comme elle le fait pour l'Etat, pour la deuxième fois en vertu de la loi organique relative aux lois de financement.
Les enjeux financiers de cette mission de certification sont importants, puisque l'ensemble des dépenses du régime général de la sécurité sociale atteint 323 milliards d'euros. A titre de comparaison, le total des charges nettes de l'Etat s'élève à 309 milliards d'euros. Le régime général représente en outre une part essentielle au sein des régimes de sécurité sociale, soit 80 % des dépenses d'assurance maladie, 100 % des dépenses de la branche famille, 50 % des dépenses de retraite et environ 80 % des dépenses d'accidents du travail et maladies professionnelles. Ces masses financières recouvrent enfin les comptes combinés de plus de 101 Urssaf, de 128 caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), des quatre caisses générales de sécurité sociale dans les Dom, de 123 caisses d'allocations familiales (Caf) et de seize caisses régionales d'assurance maladie (Cram).
La mission de certification consiste à dire si les comptes sont réguliers, sincères et offrent une image fidèle de la situation financière et du patrimoine, c'est-à-dire à donner une assurance raisonnable que les comptes ne comportent pas d'anomalies significatives qui pourraient fausser le jugement de celui qui utilise les comptes, principalement le Parlement.
Pour la Cour des comptes, le travail lié à la certification a donc pour objet de mettre en lumière la réalité financière du régime général et de fournir les éléments nécessaires à une conduite des finances sociales plus adaptée et plus consciente des difficultés financières réelles.
Dans ce contexte, la Cour a émis neuf opinions relatives, d'une part, aux cinq branches (maladie, accidents du travail, famille, retraite, recouvrement), d'autre part, aux trois caisses nationales (Cnam, Cnaf et Cnav) et à l'Acoss. Elle a certifié cinq comptes avec réserves, elle a conclu qu'elle n'était toujours pas en mesure de certifier ceux de la branche famille et de la Cnaf et elle a refusé de certifier les comptes du recouvrement et de l'Acoss.
M. Philippe Séguin a alors présenté quatre séries d'observations sur ces positions.
Il a d'abord mis l'accent sur les raisons qui ont conduit la Cour à refuser de certifier les comptes du recouvrement et de l'Acoss. Elles portent sur trois désaccords liés au non-respect du plan comptable de la sécurité sociale, dont une nouvelle version a été mise en oeuvre en 2007. Le premier désaccord concerne 490 millions d'euros d'acomptes de CSG sur les revenus de placement rattachés, selon la Cour, de manière irrégulière à l'exercice comptable 2007 alors qu'ils auraient dû être comptabilisés en 2008. Le deuxième porte sur un produit à recevoir de 150 millions d'euros, destiné à financer à titre complémentaire les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, également rattaché irrégulièrement à l'exercice. Le troisième a pour objet le non-respect des règles comptables relatives aux corrections d'erreurs commises antérieurement dont une application stricte aurait dû conduire à accroître le déficit du régime général de 340 millions d'euros
Sur ces trois points, la Cour a demandé des corrections qui n'ont pas été faites. Or, contrairement à ce que semblent croire l'Acoss et son administration de tutelle, le plan comptable des organismes de sécurité sociale ne se prête pas à interprétation. A cet égard, les motifs invoqués par le ministre du budget et des comptes publics, dans sa réponse à la Cour, traduisent une forte divergence d'appréciation sur l'exigence de sincérité des écritures au regard des normes comptables.
Au total, le déficit du régime général pour 2007 a été minoré de 980 millions d'euros ; il n'est donc pas de 9,5 milliards d'euros, mais de 10,5 milliards d'euros.
M. Philippe Séguin a ensuite insisté sur le caractère encore défaillant de l'audit et du contrôle internes au sein des différentes caisses.
La certification des comptes du régime général présente en effet la particularité de reposer sur un système de validation des comptes des organismes de base (Urssaf, CPAM, Caf et Cram) par l'agent comptable national de chaque branche ou activité. La Cour fonde l'essentiel de son audit sur ces travaux de validation des comptes locaux. Elle a constaté des efforts importants des organismes nationaux, conformément aux engagements qu'ils avaient pris, pour renforcer ces contrôles, mais ce chantier n'a été engagé pour l'essentiel qu'à l'automne 2007 et s'étendra au-delà de 2008. De ce fait, les travaux de validation des comptes de 2007 ne permettent pas encore d'apporter une assurance suffisante sur la qualité des comptes des organismes de base, ce qui justifie un certain nombre de réserves, identiques à celles exprimées l'an dernier. C'est une des raisons qui expliquent que, pour la branche famille, la Cour se trouve pour la deuxième fois dans l'impossibilité d'exprimer une opinion sur les comptes. Les déficiences générales du contrôle interne demeurent en effet de même ampleur en 2007 qu'en 2006. Qui plus est, la branche famille ne disposait toujours pas en 2007 de fichier national des bénéficiaires de prestations, fichier indispensable au contrôle.
Puis M. Philippe Séguin a fait état d'améliorations ponctuelles qui ont permis de lever certaines réserves. Par exemple, la répartition des dépenses hospitalières entre la branche maladie et la branche accidents du travail a été corrigée conformément aux souhaits de la Cour ; de même, la Cnam a intégralement déprécié, comme la Cour l'avait demandé, la provision inscrite fin 2006 à l'encontre du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata). Enfin, une amélioration importante doit être soulignée dans les relations comptables entre la branche famille et la branche retraite au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer, pour laquelle la branche famille doit s'acquitter auprès de la branche retraite d'un montant de plus de 4 milliards d'euros de cotisations par an. L'année dernière, la Cour avait émis plusieurs réserves tenant à de graves défaillances de la comptabilité en ce domaine. Cette année, elle peut lever ces réserves pour l'essentiel.
Il a ensuite fait valoir que la levée de ces réserves laisse néanmoins subsister un nombre encore trop élevé d'insuffisances au regard des exigences de la certification. Parmi celles-ci, il a indiqué, pour la branche recouvrement, la production tardive du bilan et du compte de résultat ainsi que l'absence de recensement complet des litiges avec les cotisants, ce qui empêche l'Acoss de constituer de manière exhaustive les provisions nécessaires.
Pour la branche famille, des insuffisances, évaluées à 330 millions d'euros par la Cour, affectent les inscriptions de charges à payer et provisions et une incertitude globale existe sur l'ensemble des charges d'action sociale des Caf, soit près de 3,5 milliards d'euros.
Pour la branche maladie, les réserves concernent les règlements « à l'acte » c'est-à-dire les remboursements des prestations aux assurés ou aux médecins dans le cadre du tiers payant, ainsi que les règlements aux cliniques privées car, dans ces domaines, il n'existe pas de chemin de révision permettant au certificateur de justifier les écritures comptables et donc de remonter le processus de comptabilisation jusqu'au fait générateur. La Cour attend également une rigueur accrue dans le calcul, établi par le ministère de la santé, des provisions destinées à couvrir les versements aux hôpitaux au titre des derniers mois de l'année.
Pour la branche retraite, la Cour estime nécessaire de renforcer le contrôle effectué par les agences comptables sur la liquidation des pensions de retraite. Elle rappelle aussi que les comptes de la branche retraite ne font pas mention des problèmes posés par la situation financière du fonds de solidarité vieillesse (FSV), ce qui devrait au moins figurer dans une annexe. En effet, si l'on prenait en compte la partie concernée des comptes du FSV, le déficit de la branche retraite du régime général passerait de 4,9 milliards d'euros à 9,2 milliards d'euros.
En conclusion, M. Philippe Séguin a insisté sur le fait que la certification n'est pas un exercice purement formel, destiné à s'adapter aux aléas de gestion et aux pratiques des organismes et des administrations de tutelle. La comptabilisation des opérations de la sécurité sociale est en effet soumise au respect de règles comptables qui s'imposent juridiquement à elle. Aucune stratégie valable de redressement des finances publiques, et particulièrement des finances sociales, ne peut être bâtie sur des comptes qui ne seraient pas suffisamment fiables.
Puis il a présenté le rapport récemment adopté par la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, en insistant plus particulièrement sur la situation financière de la sécurité sociale.
M. Philippe Séguin a rappelé que l'année 2007 a été marquée par un déficit que la Cour estime à un peu plus de 10 milliards d'euros, contre 8,7 milliards en 2006. Toutefois, si on tient compte du fait qu'en 2006, le résultat intégrait près de 2 milliards de recettes exceptionnelles, les deux résultats sont comparables.
Du point de vue des recettes, l'année 2007 reste favorable avec une croissance de 4,4 % due à la bonne tenue de la masse salariale. Du côté des dépenses, les évolutions ont été très différentes d'une branche à l'autre. Le déficit de l'assurance maladie s'est réduit : en quatre ans, il est revenu de 11,6 à 4,6 milliards d'euros, mais la progression des recettes y est pour beaucoup. L'année 2007 a connu un nouveau dérapage de l'Ondam de 3 milliards d'euros, dû essentiellement aux soins de ville. Sur la même période, la branche retraite est passée d'un excédent de 300 millions à un déficit de 4,6 milliards, en forte augmentation par rapport à 2006, où il n'était que de 1,9 milliard. Deux facteurs expliquent cette dégradation : l'arrivée à la retraite des générations d'après guerre et l'impact des retraites anticipées pour carrière longue. La branche famille, après deux années de fort déficit, est redevenue excédentaire en 2007 avec la fin de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje).
La réduction du chômage a permis au FSV de connaître un excédent, de 156 millions d'euros, après cinq années déficitaires. En revanche, le Ffipsa, qui finance la protection sociale agricole, voit son déficit se creuser pour atteindre 2,2 milliards d'euros.
Aussi, malgré quelques améliorations, la situation reste globalement préoccupante. Elle pèse évidemment sur la trésorerie de la sécurité sociale qui, au 31 décembre 2007 et malgré l'apurement par l'Etat de ses dettes, accusait un découvert de plus de 20 milliards d'euros entraînant 648 millions de frais financiers.
Cette situation conduit à différer année après année l'horizon du retour à l'équilibre. La dernière loi de financement visait un retour à l'équilibre en 2012. Les évolutions de ce début d'année risquent de conduire une nouvelle fois à repousser cette perspective. En effet, malgré les mesures prises l'an dernier pour faire face au dérapage des dépenses d'assurance maladie, l'Ondam a été dépassé de 3 milliards d'euros en 2007 et devrait l'être à nouveau en 2008. Le comité d'alerte a, en mai dernier, estimé ce nouveau dépassement entre 500 et 900 millions. Par ailleurs, les départs anticipés pour carrière longue restent soutenus et pèsent sur les dépenses de la branche retraite ; de plus, les recettes de la branche progressent un peu moins vite du fait de moindres transferts du FSV qui diminuent avec l'amélioration du chômage. Enfin, si la branche famille restera excédentaire en 2008, l'excédent attendu est faible, d'environ 400 millions.
Dans ces conditions, l'objectif d'un déficit du régime général ramené à 8,9 milliards d'euros en 2008 est donc loin d'être assuré. Au-delà même de la croissance des dépenses, le ralentissement de l'économie fait peser un risque sur le rythme d'augmentation des recettes qui ne doit pas être ignoré.
Le rapport de la Cour trace plusieurs pistes pour une meilleure maitrise des finances sociales, en particulier le réexamen du champ des avantages familiaux de retraite dont le coût est évalué à plus de 11 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter les cotisations d'assurance vieillesse des parents au foyer, soit plus de 4 milliards par an. Les problèmes d'équité qu'ils posent et les critiques récurrentes faites par la Cour sur certains d'entre eux justifient une action de réforme continue. C'est le cas notamment pour les majorations de pensions, dont la Cour a demandé à plusieurs reprises qu'elles soient forfaitisées ou plafonnées et soumises à l'impôt sur le revenu.
La Cour a aussi critiqué ces dernières années les mesures qui, sous couvert de coordination ou d'amélioration des soins de ville, se sont traduites par des augmentations tarifaires sans réelles contreparties en matière de modération des dépenses. Le choix des mesures est également important : ainsi, concernant l'installation des médecins, il semble préférable de privilégier une mesure « désincitative », source de réduction des dépenses, plutôt qu'incitative qui s'accompagne d'une subvention ou d'un nouvel avantage qui augmente la dépense. Enfin, l'aggravation sensible de la situation financière de nombreux hôpitaux, et en premier lieu de la grande majorité des CHU, justifie une relance des restructurations intra et inter hospitalières.
Enfin, la Cour rappelle que la première des économies consiste à ne pas céder à la tentation d'engager de nouvelles dépenses dès qu'une branche redevient excédentaire, ce qui pourrait se produire prochainement pour la branche famille.
A côté de l'action sur les dépenses, il convient également d'agir sur les recettes. A cet égard, les premières mesures prises en matière de « niches sociales » restent encore d'un montant très limité par rapport à l'importance des masses financières concernées.
Enfin, la Cour a pris acte de l'apurement des dettes de l'Etat, antérieures à 2007, envers le régime général, pour un montant de 5,1 milliards d'euros, même si leur traitement budgétaire est critiquable. En revanche, elle s'inquiète de voir, dès 2007, se reconstituer une dette de 2,5 milliards d'euros. Cette situation est la conséquence de crédits budgétaires insuffisants pour financer certaines prestations et aussi la compensation d'exonérations de charges ciblées, notamment dans les Dom. La question de l'apurement de cette dette se trouve ainsi reposée : des crédits suffisants doivent être inscrits en loi de finances.
M. Philippe Séguin a conclu en estimant qu'ainsi décrite, la situation financière des régimes de base de la sécurité sociale continue d'inspirer de vives inquiétudes.
M. Alain Vasselle a relevé une contradiction entre les constats de progrès effectués cette année par la Cour et la sévérité accrue de ses positions. Il a souhaité obtenir des éclairages complémentaires sur les points de désaccord entre la Cour et l'Acoss, notamment au regard du communiqué de presse diffusé par le ministre des comptes publics.
M. Philippe Séguin a repoussé l'idée de mise en place d'une « comptabilité d'opportunité ». Il a estimé que le nouveau plan comptable de 2007 ne permet pas d'autre interprétation que celle de la Cour et qu'en particulier, il n'est pas possible d'inscrire une recette inexistante dans les comptes au motif que celle-ci résulte d'un principe de compensation totale des exonérations de cotisations voté par le Parlement. L'application des normes comptables s'impose en effet au certificateur. A ce sujet, il convient de souligner l'ambiguïté posée par la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale, qui produit des comptes « définitifs » des organismes de sécurité sociale préalablement à leur certification par la Cour des comptes. Il apparaît indispensable d'engager une réflexion sur la mise en cohérence des deux exercices. En tout état de cause, c'est au Parlement qu'il reviendra, dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, de trancher la question.
Mme Rolande Ruellan, présidente de la 6e chambre, a jugé paradoxal que, dès sa première année de mise en oeuvre, il soit proposé de ne pas appliquer le nouveau plan comptable. Le désaccord relatif aux acomptes de CSG sur les revenus de placement provient essentiellement de pratiques différentes selon les banques. Pour la contribution sociale sur les bénéfices, le désaccord est lié au fait qu'il faudra attendre la prochaine loi de finances pour que la recette soit réellement affectée à la sécurité sociale ; la Cour ne peut accepter l'inscription d'un produit à recevoir « virtuel ».
M. Alain Vasselle a souhaité savoir quel moyen préconise la Cour pour traiter les déficits accumulés par le régime général et s'il existe des limites au montant des dettes financières que peut porter un organisme comme l'Acoss. Que doit-on penser de l'idée récemment émise d'utiliser une partie des excédents du FSV comme ressource pour rembourser un nouveau transfert de dette à la Cades ? Sur la branche famille, peut-on identifier les principaux responsables du mauvais état des comptes ? Ne faudrait-t-il pas d'ores et déjà prévoir de transférer les excédents futurs de la branche famille à d'autres domaines, par exemple pour le financement de certains avantages familiaux dans le cadre de la retraite ou le développement de la prise en charge de la dépendance ? Enfin, quelle est la position de la Cour sur la situation financière actuelle du Ffipsa ?
M. Philippe Séguin a précisé que la Cour ne porte aucun jugement négatif sur les responsables de la Cnaf, mais seulement sur les comptes de la branche qui ne sont pas encore en état d'être certifiés. En particulier, la mise en place d'un fichier national des allocataires réellement opérationnel est un préalable.
Mme Rolande Ruellan a rappelé la grande difficulté qu'il y aurait à abaisser les taux des cotisations affectées à la famille, notamment en raison du poids des associations familiales dans les diverses instances de la branche.
M. André Gauron, conseiller maître de la Cour des comptes, avait indiqué que le découvert de trésorerie de l'Acoss s'élevait à 20,1 milliards d'euros à la fin décembre 2007 et devrait atteindre 24 milliards à la fin juin. Or, son mode de financement, par la Caisse des dépôts et consignations, pose aujourd'hui un problème, car il s'agit de financer à très court terme une dette de moyen ou long terme.
Par ailleurs, si le FSV est aujourd'hui en excédent, il n'y a aucune assurance pour qu'il le soit de manière durable. Cette ressource serait donc trop incertaine pour assurer que la durée de la dette portée par la Cades ne soit pas allongée. En outre, le FSV porte une dette de près de 5 milliards d'euros due à la Cnav.
Pour le Ffipsa, aucune solution n'est encore proposée, alors que son déficit s'est accru en un an, passant de 1,6 à 2,4 milliards d'euros, et que l'endettement cumulé du fonds atteint 5,2 milliards. De surcroît, son conseil de surveillance ne s'est pas réuni depuis la démission de son président, il y a plus de dix-huit mois.
M. Guy Fischer a souhaité savoir si la Cour a examiné les relations entre les Caf et les départements, notamment en ce qui concerne le RMI. Il s'est interrogé sur les raisons de l'augmentation de 16,7 % pour atteindre 25,2 milliards d'euros, du coût des exonérations de charges sociales. Il a estimé que dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, la branche famille serait mise à contribution pour le financement des avantages familiaux en matière de retraite. Enfin, il a demandé si les dettes financières du régime général, évaluées à 20 milliards d'euros, seront transférées à la Cades.
M. André Lardeux s'est interrogé sur l'ampleur des progrès à réaliser en matière de contrôle et d'audit internes au sein de la Cnaf. Il a souhaité savoir si, compte tenu des sous-estimations mises en évidence par la Cour, les excédents annoncés pour la Cnaf ne seraient pas encore largement hypothétiques. Il a pris acte des critiques de la Cour sur les avantages familiaux en matière de retraite mais il s'est demandé s'ils ne devraient pas être remis en cause parallèlement avec un certain nombre de niches fiscales.
M. François Autain a souhaité obtenir des précisions sur les divergences d'appréciation de la Cour et du comité économique des produits de santé (Ceps) sur les remises conventionnelles acquittées par l'industrie pharmaceutique.
M. Philippe Séguin s'est engagé à transmettre des éléments d'information sur la question des rapports entre les Caf et les départements, notamment à propos du RMI, ainsi que sur les remises conventionnelles. Comme M. André Lardeux, il a estimé que l'existence d'excédents à la Cnaf n'est encore ni durable, ni assurée.
M. Jean-Philippe Vachia, conseiller maître de la Cour des comptes, a rappelé que l'impossibilité de certifier les comptes de la branche famille résulte pour une large part des délais de mise en oeuvre du fichier national qui, aujourd'hui construit, n'est pas encore opérationnel. De même, comme la Cour l'avait préconisé dès l'année dernière, des auditeurs sont en cours de recrutement. La clarification de la comptabilisation des dépenses d'action sociale sera également suivie avec beaucoup d'attention par la Cour, en lien avec la direction de la Cnaf, qui a pris la mesure des difficultés.
Enfin, M. André Gauron a considéré qu'il est encore un peu tôt pour établir un bilan complet de la compensation des exonérations de charges au titre des heures supplémentaires.
Mercredi 2 juillet 2008
- Présidence de M. Nicolas About, président -Etat des comptes de la sécurité sociale - Auditions
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à plusieurs auditions se rapportant à l'état des comptes de la sécurité sociale.
Audition de M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf).
M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf, a présenté les résultats financiers de la branche famille pour 2007. 65,7 milliards d'euros de prestations ont été versés en 2007 : 46,2 milliards correspondent à des prestations strictement familiales et 19,5 milliards aux aides de solidarité annoncées par l'Etat. Les aides à la petite enfance ont augmenté de 4,3 milliards d'euros pour atteindre 12,8 milliards. Ceci étant, l'action sociale, les aides au logement et les aides directes, comme l'allocation de rentrée scolaire, ont connu une progression très modérée. Par ailleurs, il faut souligner que le nombre de bénéficiaires du RMI a baissé de 8,3 % et celui de l'allocation de parent isolé (API) de 5,5 %.
Les dépenses de fonctionnement représentent 2 milliards d'euros. Les recettes sont constituées pour 48 milliards d'euros des différentes cotisations affectées et pour 20 milliards d'euros des remboursements directs de l'Etat.
Au total, la branche est depuis 2007 à l'équilibre et devrait dégager des excédents de 5 à 6 milliards d'euros en 2012.
Pour la deuxième année consécutive, la Cour des comptes n'a pas été en mesure de certifier les comptes de la branche. Les recommandations de juin 2007 ont été mises en oeuvre mais n'ont pas pu produire encore tous leurs effets. Par exemple, le registre national des allocataires est opérationnel depuis le mois de décembre 2007 mais on ne peut encore en tirer tous les bénéfices. Ce décalage dans le temps entre la mise en oeuvre des mesures et leurs effets sur la fiabilité des comptes est, de l'aveu de la Cour elle-même, tout à fait normal.
M. André Lardeux a souhaité connaître l'avis de la Cnaf sur les limitations, désaccords et incertitudes émis par la Cour sur les comptes 2007. D'abord, l'absence de fichier national des bénéficiaires entraîne-t-elle effectivement, selon la Cnaf, des erreurs dans le versement des prestations d'un montant de 200 millions d'euros ? Ensuite, les charges à payer et provisions pour charges de gestion technique ont-elles bien été sous-estimées à hauteur de 230 millions d'euros ? Par ailleurs, existe-t-il une incertitude globale sur l'ensemble des charges de l'action sociale ? Enfin, comment contrôler les prestations familiales versées par d'autres régimes ou organismes délégataires et intégrées dans les comptes de la branche ?
M. Philippe Georges, directeur général de la Cnaf, a répondu que l'estimation de l'erreur due à l'inexistence d'un fichier national des bénéficiaires n'est pas entièrement fiable dans la mesure où elle n'est fondée que sur l'examen de six cents dossiers. Une évaluation plus exhaustive sera menée en 2008. De plus, le fichier national des bénéficiaires sera intégré dans l'architecture du système d'information de la Cnaf dès le mois de novembre prochain, ce qui évitera de manière certaine tout risque de doublons et de paiements indus à l'avenir.
L'agent comptable de la Cnaf conteste la remarque de la Cour sur le manque de provision pour charges à payer et pour charges de gestion technique. Ceci étant, il faut espérer qu'un accord puisse être trouvé dès l'année prochaine sur ce point.
Il est effectivement très difficile d'évaluer avec certitude l'ensemble des charges de l'action sociale car celles-ci sont largement constituées de dépenses de petites structures, notamment les crèches, qui n'ont pas encore les moyens de faire remonter des informations fiables et structurées. Toutefois, les prévisions de dépenses d'action sociale sont depuis 2006 conformes à l'exécution constatée.
Enfin, la Cnaf n'a pas les moyens de contrôler elle-même les comptes des organismes délégataires. Il faudrait que ceux-ci soient à leur tour soumis à une procédure de certification des comptes.
M. André Lardeux a souhaité connaître la position de la Cnaf sur le transfert des charges de majoration de pension pour familles nombreuses de la Cnav vers la Cnaf et sur l'éventualité d'un prélèvement sur les excédents de la branche famille pour financer le risque dépendance.
M. Jean-Louis Deroussen a indiqué que le conseil d'administration de la Cnaf n'a pas pris position sur le financement par la branche famille du cinquième risque. En ce qui concerne les majorations de retraite pour les parents de famille nombreuse, la fin de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) rend moins illogique le transfert à la branche famille de la totalité de ces majorations. Cependant, le droit opposable à la garde d'enfant promis par le Président de la République nécessite de développer une capacité d'accueil de 400 000 places pour les jeunes enfants. Si l'on veut que la politique familiale continue à permettre à la France d'avoir le taux de fécondité le plus haut d'Europe, il faudra être très attentif avant d'envisager de prélever les excédents de la branche famille ou de revoir son mode de financement.
M. André Lardeux s'est inquiété de projets visant à plafonner les avantages familiaux en fonction des revenus du foyer. Par ailleurs, il a souhaité savoir où en est le projet de fusion des caisses pour ne plus avoir qu'une seule Caf par département.
M. Jean-Louis Deroussen a clairement affirmé que le conseil d'administration de la Cnaf est opposé à la mise sous condition de ressources des prestations familiales. En ce qui concerne le réseau des caisses, il faut savoir qu'il existe actuellement 123 Caf pour cent départements : douze départements ont deux Caf, celui de la Seine-Maritime en a quatre et celui du Nord, huit. Le projet d'une Caf par département devrait aboutir en 2011 au moment du renouvellement du conseil d'administration de la Cnaf. Ce délai est nécessaire afin de laisser le temps aux organismes locaux de gérer toutes les contraintes, notamment de personnel, liées à cette rationalisation. Dans certains départements, les projets de fusion sont déjà bien avancés.
M. Philippe Georges a ajouté que la Cnaf accompagne par des mesures d'aides ce processus et qu'elle pousse également à la mutualisation de certaines fonctions des Caf.
M. Guy Fischer a regretté que la faible augmentation des prestations familiales en 2008 ne permette pas de compenser, au moins en partie, la baisse du pouvoir d'achat que subissent actuellement les familles françaises. Dans le contexte inflationniste actuel, comment la Cnaf peut-elle mieux répondre aux attentes des familles, à la fois en termes de services et de prestations ?
M. Jean-Louis Deroussen a répondu que le pic d'inflation actuel qui devrait conduire à une augmentation annuelle des prix de l'ordre de 3 % appelle effectivement une réflexion de la part des pouvoirs publics sur l'opportunité de revaloriser en conséquence les prestations familiales au 1er janvier 2009. Cette remarque s'applique d'autant plus aux allocations logement que le niveau des prestations et les conditions de ressources dans ce domaine évoluent faiblement depuis plusieurs années. Toutefois, l'enveloppe globale de l'allocation de rentrée scolaire sera revalorisée de 50 millions d'euros, comme l'a annoncé Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille.
M. Alain Milon s'est interrogé sur les causes de la baisse du nombre de bénéficiaires des prestations sociales. Par ailleurs, la Cnaf a-t-elle l'intention de continuer à diminuer sa participation au financement des contrats enfance ?
M. Pierre Bernard-Reymond a souhaité connaître le bilan effectif des regroupements de Caf en 2008 et s'est étonné du maintien d'une caisse d'allocations familiales autonome dans les petits départements, comme ceux qui n'ont que 150 000 habitants. Par ailleurs, le nombre de prestations délivrées est-il actuellement un sujet de réflexion de la Cnaf ?
Mme Sylvie Desmarescaux s'est préoccupée du projet de fusion des caisses dans le département du Nord : les spécificités des différents territoires de ce vaste département seront-elles respectées ?
Mme Françoise Henneron a demandé si ce projet de rationalisation concerne aussi le Pas-de-Calais, département également très étendu.
Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité savoir si la Cnaf dispose de statistiques sur la proportion d'adolescentes enceintes, puis jeunes mères, par exemple dans le nombre de bénéficiaires de l'API. Par ailleurs, elle a demandé comment est régulé et contrôlé le taux d'occupation des crèches.
Mme Patricia Schillinger s'est inquiétée de la difficulté que risquent de rencontrer les parents aux revenus modestes pour assumer la charge financière des activités périscolaires proposées aux enfants après les heures de classes : le dispositif proposé prévoit actuellement que seules deux heures d'accompagnement éducatif seront gratuites, le reste étant à la charge des parents.
A Alain Milon, M. Philippe Georges a confirmé que la baisse du nombre de bénéficiaires des prestations sociales est due à une amélioration de la situation économique. Concernant les contrats enfance, la diminution du financement par les Caf fait suite à une explosion des dépenses d'action sociale au cours des années précédentes. La nouvelle convention d'objectifs et de gestion (Cog), signée pour la période 2009-2012, devrait confirmer le taux de financement actuel.
La question de Patricia Schillinger soulève un problème de politique publique essentiel : actuellement, aucune collectivité ou organisme n'est spécifiquement en charge de l'aide aux enfants et adolescents. Toutes les parties prenantes s'en occupent un peu, indirectement, mais personne n'est responsable de la coordination des actions de soutien qui leur sont destinées. Cet état de fait explique que la Cnaf n'ait pas dégagé de ligne budgétaire pour financer les activités et encadrements périscolaires.
En ce qui concerne la restructuration du réseau, il n'y aura aucun regroupement de caisses avant 2011. C'est à cette date que le ministre, par arrêté et en fonction de l'avancement des réflexions, engagera les fusions nécessaires. Cette rationalisation répond aux besoins de présenter aux conseils généraux un interlocuteur unique de la Cnaf par département. Cependant, elle n'empêchera nullement les Caf, dans les grands départements, de disposer d'antennes couvrant l'ensemble du territoire concerné.
En ce qui concerne plus spécifiquement le département du Nord, l'association des huit Caf du Nord, l'Adcaf, travaille actuellement à un nouveau schéma d'organisation. Celui-ci comprendrait un conseil d'administration unique plus étoffé mais devrait permettre de prendre en compte la spécificité des besoins de chaque territoire du département. Le département du Pas-de-Calais est également concerné par la rationalisation.
A l'heure actuelle, la Cnaf n'a pas engagé de réflexions sur l'opportunité de mettre en place de nouvelles prestations.
Enfin, les Caf demandent régulièrement aux crèches d'améliorer leur taux d'occupation.
M. Nicolas About, président, a fait remarquer que, pour permettre une pleine occupation des berceaux, les crèches doivent admettre l'inscription d'un nombre d'enfants légèrement supérieur à leur capacité d'accueil. En général, on accepterait environ soixante-cinq enfants pour soixante places pour éviter de laisser des berceaux non occupés, en raison des vacances des parents ou des absences pour maladies infantiles, et renchérir le coût de fonctionnement de la structure.
Mme Marie-Thérèse Hermange a indiqué que certaines crèches acceptent, pour les mêmes raisons, l'inscription de quatre-vingts bébés pour soixante berceaux.
Pour conclure, M. Philippe Georges a rappelé que si le coût de fonctionnement de la Cnaf s'élève à 2 milliards d'euros, celle-ci est engagée dans un plan de rigueur budgétaire qui se traduit notamment par une réduction d'effectifs de neuf cents personnes.
Audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav)
Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav).
Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Cnav, a indiqué que, conformément aux prévisions, les prestations vieillesse ont augmenté de 6 % en 2007 par rapport à 2006. Pour 2008, les estimations tablent sur une hausse annuelle de 5,9 %. La situation financière de la Cnav s'est dégradée depuis 2004, année encore excédentaire, pour atteindre en 2007 un déficit de 4,6 milliards d'euros, qui devrait se creuser en 2008 à hauteur de 5,7 milliards.
Cette évolution résulte d'abord du flux des nouveaux retraités, en augmentation continue, dont le nombre est passé de 660 000 en 2004 à 773 000 en 2007. Cette tendance, qui devrait se confirmer avec un flux moyen de 800 000 départs par an, tient en partie à l'accroissement du nombre de départs en retraite avant soixante ans dans le cadre de la mesure des longues carrières (116 800 personnes en 2007 ; probablement 120 000 en 2008). Ces chiffres, plus élevés que les estimations qui avaient été faites au moment de la réforme de 2003, s'expliquent notamment par la souplesse du système de régularisation des périodes non cotisées, qui devrait désormais faire l'objet d'un encadrement plus strict. En outre, les régularisations de trimestres de cotisation ont été plus importantes que prévu, notamment dans le monde agricole.
Au total, le montant des prestations versées par la Cnav s'est élevé en 2007 à 74,8 milliards d'euros. L'impact financier de la revalorisation exceptionnelle des pensions qui interviendra au mois de septembre 2008 sera de 220 millions. Au surplus, le coût des mesures relatives aux carrières longues s'est considérablement accru depuis 2004, passant de 619 millions à 2,1 milliards en 2007, avec un montant estimé pour 2008 à 2,4 milliards. Ce mouvement de hausse devrait se ralentir du fait du départ à la retraite des générations désormais assujetties à l'obligation scolaire jusqu'à seize ans, en application de la loi de 1959, même si l'éventuelle prise en compte de la pénibilité du travail risque de changer la donne.
De ce fait, les estimations tablent sur un besoin de financement de la Cnav compris entre 6,7 et 7,4 milliards d'euros pour 2010 et entre 8,7 et 10,4 milliards pour 2012.
Cette situation justifie d'examiner avec attention la question des transferts de ressources provenant d'autres organismes de protection sociale. Mme Danièle Karniewicz a notamment évoqué le transfert des excédents de l'assurance chômage vers l'assurance vieillesse. Un point de cotisation rapporterait ainsi à la Cnav 4,8 milliards d'euros en 2009 et 6 milliards à l'horizon 2020. Elle s'est ensuite prononcée, d'une façon générale, en faveur d'une meilleure allocation des ressources disponibles entre les différents organismes de protection sociale. Cette démarche devrait concerner en priorité les majorations de pension pour enfant, ainsi que la compensation des périodes de chômage.
Par ailleurs, le coût estimé du paiement des pensions dès le premier jour du mois est de 90 millions d'euros, ce qui devrait occasionner pour l'Acoss des surcoûts de trésorerie non négligeables. On peut d'ailleurs s'interroger sur la réelle valeur ajoutée pour les ménages d'une telle mesure, dès lors qu'une fois fixée la périodicité des versements des pensions, les retraités adaptent la gestion de leur budget.
Les économies réalisées par le régime général grâce au passage à quarante et une annuités seraient d'1 milliard d'euros par an à l'horizon 2015, de 2,2 milliards à compter de 2020 et de 8,4 milliards à partir de 2040. Qui plus est, en l'absence de cette mesure, ce sont plus de 110 000 personnes supplémentaires qui seraient parties à la retraite à partir de 2015, 204 000 à partir de 2020 et 344 000 à l'horizon 2040.
Il convient de relativiser l'impact financier de la surcote dont le coût est limité à environ 22 millions d'euros par an. Toutefois, ce faible coût ne permet pas aujourd'hui de préjuger de l'évolution des comportements à venir, les actifs en âge de partir ayant préféré jusqu'ici anticiper leur départ par crainte d'une dégradation de leur taux de remplacement à l'occasion des prochaines réformes. Ainsi, en 2007, 55 600 retraités ont bénéficié de la surcote, soit 7,6 % du flux, mais l'avantage financier retiré des années de cotisation au-delà des quarante annuités est très faible.
Puis Mme Danièle Karniewicz a dressé un premier bilan de la mise en place du système d'adossement au régime général des industries électriques et gazières (IEG). En 2006, le mécanisme de la soulte a permis de dégager un excédent net de 120 millions d'euros puisque le coût en trésorerie de l'intégration du régime des IEG - 240 millions - a été compensé par les produits financiers - 360 millions - dégagés par le placement des sommes au fonds de réserve des retraites (FRR). Il serait d'ailleurs souhaitable de prévoir une clause de révision des règles de calcul de la soulte car il est difficile d'anticiper sur des durées de vingt ou trente ans les évolutions démographiques, ainsi que celles des marchés financiers.
Les débats intervenus au sein du conseil d'administration de la Cnav ont fait valoir que le passage à quarante et une annuités ne serait acceptable que si des conditions d'emploi convenables étaient parallèlement garanties pour les seniors. Il est en effet indispensable que les personnes n'ayant pas atteint le taux plein puissent accéder à un emploi pour continuer à cotiser. Aussi s'est-elle prononcée en faveur de la signature d'accords de branches ou d'entreprises concernant l'emploi des seniors et de l'application d'une surcotisation aux entreprises qui n'en auraient pas signé.
M. Nicolas About, président, s'est demandé si l'engagement d'une négociation pouvait être suffisant. Beaucoup d'accords seront probablement signés dans les entreprises, mais au-delà de cette obligation formelle, quelle sera la portée réelle de ces accords conventionnels ? Comporteront-ils vraiment des dispositions suffisamment fortes pour accroître le taux d'emploi des personnes de plus de cinquante ans ?
Mme Danièle Karniewicz a considéré qu'il ne suffirait pas d'ouvrir la négociation pour exonérer les entreprises qui ne jouent pas le jeu du maintien des seniors dans l'emploi de l'obligation d'acquitter une surcotisation. Mais la signature d'accords constitue un préalable indispensable et les sommes ainsi collectées doivent permettre de financer le manque à gagner que représentent les périodes chômées en fin de carrière pour les personnes de plus de cinquante ans. Elle a ainsi proposé la bonification éventuelle de la quarante et unième annuité ou, selon les capacités financières de la Cnav, des trois ou quatre dernières années d'activité. Une telle mesure pourrait également s'appliquer aux retraites complémentaires, qui ont connu, elles aussi, une diminution significative de leur taux de rendement au cours des dix dernières années.
Puis elle a adhéré au principe de la surcote, qui inciterait réellement les actifs de plus de soixante ans à prolonger leur activité, plutôt qu'à une sortie en capital. S'agissant du cumul emploi-retraite, le déplafonnement total envisagé par les pouvoirs publics correspond, à son sens, à un refus implicite du Gouvernement de dégager les moyens nécessaires pour consolider le système de retraite par répartition. Cette mesure devait certes probablement intervenir tôt ou tard, mais la mettre en oeuvre aujourd'hui et sans garde-fou apparaît risqué car elle est susceptible de créer des « effets d'aubaine » incitant paradoxalement à des départs précoces. De plus, le cumul emploi-retraite ne doit pas devenir le quatrième pilier de l'assurance vieillesse, en complément du régime général, de la retraite complémentaire et de l'épargne retraite. Il faudrait d'ailleurs surtout mettre un terme à la tendance à la diminution du taux de remplacement de la Cnav. A cette fin, elle a évoqué la possibilité d'augmenter les taux de cotisation, d'élargir l'assiette de prélèvement à d'autres types de revenus ou de faire appel à d'autres ressources.
Après avoir réaffirmé son attachement de principe à la retraite par répartition, M. Dominique Leclerc s'est inquiété de la faible capacité du système par annuités de la Cnav à faire face avec souplesse au choc démographique dont on commence à mesurer les effets. Faisant référence à la technique des points de retraite, ainsi qu'à la réforme dite des comptes notionnels réalisée en Suède, il a souhaité que des pistes de réflexion alternatives puissent être rapidement envisagées. Il s'est en outre inquiété de l'équilibre fragile du fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Il a par ailleurs rappelé que la relative faiblesse du taux de remplacement s'explique en grande partie par une entrée tardive sur le marché du travail - à l'âge de vingt-deux ans - et un départ à un âge qui n'excède guère cinquante-huit ans, ce qui ne permet pas d'atteindre un taux plein et déclenche, dans de nombreux cas, le mécanisme de la décote.
A cet égard, il a souligné l'inégalité de traitement entre les assurés de la Cnav et ceux de certains régimes, comme celui des IEG, où les salariés sont autorisés à partir en retraite dès l'âge de cinquante-cinq ans, sans que leur taux de remplacement ne soit diminué.
Constatant à son tour l'effondrement continu du taux de remplacement, M. André Lardeux s'est dit pessimiste sur l'avenir du mécanisme de retraite par annuités. Il a appelé de ses voeux une réforme de fond, allant au-delà des mesures d'ajustement annoncées cette année et qui s'apparentent manifestement à la technique du sapeur Camembert consistant à creuser de nouveaux déficits pour combler ceux déjà constatés. Est-il pertinent d'envisager uniquement l'augmentation de la durée de cotisation, sans étudier d'autres alternatives, par exemple le passage à un système à cotisations définies qui permettrait aux cotisants d'accumuler des points et d'avoir ainsi une meilleure visibilité sur le niveau de leur retraite future ?
Réaffirmant son attachement au système de retraite par répartition, M. Guy Fischer a regretté que le passage de quarante à quarante et une annuités n'ait pu faire l'objet d'un débat ni avec les partenaires sociaux, ni au Parlement. Il s'est inquiété de l'augmentation du nombre des retraités en situation de précarité, qui résulte à la fois de la baisse continue du taux de remplacement au cours des dix dernières années et de la hausse du taux d'inflation, qui a grevé considérablement le pouvoir d'achat.
M. Alain Vasselle a souhaité connaître la nature des mesures prises pour mieux encadrer la régularisation des périodes non cotisées dans le cadre du dispositif des carrières longues. Il s'est inquiété de l'annonce hâtive de l'utilisation des futurs excédents du FSV pour réduire le déficit de la Cades, alors que la dette accumulée dans le passé par le fonds n'a pas été soldée. Il a souhaité que contrairement à ce qui s'était produit en 2003, le Parlement dispose pour la prochaine réforme des retraites d'une étude d'impact financier des mesures envisagées. Puis il a fait valoir lui aussi l'intérêt de la réforme des retraites réalisée en Suède, qui pourrait être transposée en France.
M. Pierre Bernard-Reymond s'est interrogé sur la possibilité d'élaborer plusieurs scenarii d'équilibre du régime en évaluant l'impact des mesures susceptibles d'être mises en oeuvre.
Mme Danièle Karniewicz a été convaincue par la nécessité d'apporter des ressources supplémentaires au régime pour en garantir la pérennité. Elle a estimé que cet arbitrage relève d'un choix de société. Elle a jugé pour sa part préférable de consolider le système de retraite par répartition par une augmentation des taux des cotisations, plutôt que par le développement de l'épargne individuelle. Le système de retraite par répartition permet en effet de mutualiser les coûts pour les cotisants et se révèle être, à terme, plus rentable qu'un mécanisme de rente par capitalisation dont le rendement avoisine 4 % sur quarante ans, contre 7 % pour la Cnav.
Elle a par ailleurs émis des réserves sur la mise en place d'un système à cotisations définies, calculées par points, estimant qu'il serait moins lisible que le mécanisme actuel. A titre d'exemple, elle a indiqué que la diminution régulière, depuis les années 1990, de la valeur du point des régimes de retraite complémentaire n'est pas perçue dans toute son ampleur par les cotisants.
Privilégiant une approche globale du financement de la protection sociale, elle s'est déclarée favorable à l'élargissement de l'assiette de prélèvement, actuellement concentrée sur la masse salariale. Elle a notamment évoqué la possibilité de financer l'assurance maladie et les prestations familiales grâce à un prélèvement sur la valeur ajoutée ou la consommation, ce qui permettrait de dégager une marge de manoeuvre pour compenser une augmentation du taux de cotisation retraite prélevé sur les salaires.
M. Nicolas About, président, a souhaité savoir si l'élargissement de l'assiette des cotisations destinées à financer l'assurance maladie et la branche famille pourrait permettre une diminution des charges salariales.
Mme Danièle Karniewicz a indiqué que l'élargissement de l'assiette peut effectivement avoir le double intérêt de dégager des marges de manoeuvre supplémentaires pour financer la branche vieillesse et de diminuer les charges.
Faisant suite aux observations de Dominique Leclerc sur le manque d'équité de l'assurance vieillesse, elle a constaté que des inégalités importantes existent entre les régimes spéciaux et le régime général, entre les salariés du secteur privé et ceux de la fonction publique, mais également au sein même du secteur privé, entre grandes entreprises et PME. A cet égard, la fixation d'un taux de remplacement identique, quels que soient les régimes, aurait l'avantage d'une meilleure lisibilité pour les cotisants.
Par ailleurs, elle s'est inquiétée des répercussions de l'adossement éventuel du régime des fonctionnaires de La Poste au régime général. Puis elle a fait part de sa préoccupation face à l'augmentation de la part des personnes disposant d'une retraite inférieure à 600 euros par mois en raison de carrières incomplètes, des emplois à temps partiel subi ou des longues périodes de chômage. La précarité des personnes s'aggrave lors de la disparition du conjoint, sans que le système de solidarité puisse offrir un minimum social supérieur à 618 euros.
En réponse à la question d'Alain Vasselle sur le FSV, Mme Danièle Karniewicz a indiqué que ce fonds accusait effectivement un endettement de 4,8 milliards d'euros en 2007, qui devrait revenir à 3,8 milliards à la fin de l'année 2008. D'une façon générale, il faudrait parvenir à un assainissement durable de la situation du FSV, afin que celui-ci puisse rembourser sa dette vis-à-vis de la Cnav.
En ce qui concerne les nouvelles règles encadrant la régularisation des périodes non cotisées dans le régime agricole pour être éligible à la mesure des carrières longues, elle a précisé que désormais, les deux témoins nécessaires devront se déplacer aux Urssaf et avoir travaillé dans la même exploitation que le demandeur.
En réponse à la demande formulée par Alain Vasselle et Pierre Bernard-Reymond relative à la nécessité de disposer d'une étude d'impact pour la prochaine réforme des retraites, elle a souligné la difficulté d'apprécier l'incidence financière de la surcote et du cumul emploi-retraite qui relèvent de comportements contradictoires pour lesquels les hypothèses retenues peuvent être critiquables. En tout état de cause, il serait illogique de partir deux ans avant l'âge légal de la retraite au titre d'une carrière longue et de pouvoir choisir ensuite de cumuler une retraite et un emploi.
M. Alain Vasselle a réaffirmé la nécessité de disposer d'une étude d'impact financière sérieuse, pour que législateur puisse apprécier l'incidence des réformes envisagées sur les équilibres financiers des caisses de sécurité sociale.
M. François Autain, souscrivant à ces propos, a toutefois craint que les informations ne soient pas communiquées à temps au Parlement.
M. Paul Blanc a fait valoir la richesse produite et le surcroît de consommation qui résulteraient nécessairement du déplafonnement du niveau de cumul emploi-retraite.
M. Pierre Bernard-Reymond a souligné l'intérêt qu'il y aurait à réaliser une audition commune des responsables de toutes les branches afin d'avoir une vision globale du financement de la sécurité sociale. Il a estimé par ailleurs que la perspective d'une augmentation des cotisations vieillesse ne semble guère envisageable, dans la mesure où cette solution nuirait au pouvoir d'achat des ménages et dégraderait la compétitivité de l'économie.
Mme Danièle Karniewicz a considéré que le système de retraite par répartition doit rester le socle protecteur de l'assurance vieillesse, sans être exclusif d'autres modalités de financement complémentaires, telles que l'épargne retraite.
Enfin, elle n'a pas exclu une réduction des charges grâce à l'élargissement de l'assiette de cotisations.
Santé - Lutte contre l'anorexie - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Patricia Schillinger sur la proposition de loi n° 289 (2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre les incitations à la recherche d'une maigreur extrême ou à l'anorexie.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur, a rappelé que la table ronde du 3 juin dernier avait montré que la proposition de loi suscite des débats vifs, en partie dus à la confusion qui entoure l'objet de son dispositif : en effet, il n'est pas question de pénaliser l'anorexie mais bien les agissements répréhensibles de tiers qui pourraient la causer ; de même, la brièveté des délais imposés à l'Assemblée nationale pour examiner ce texte fait qu'il présente une incohérence entre son intitulé, qui mentionne la répression de l'incitation à la « maigreur extrême et à l'anorexie », alors que le dispositif voté vise la « maigreur excessive ».
De plus, les spécialistes s'accordent pour considérer qu'il est impossible d'inciter une personne « saine » à l'anorexie. Devenir anorexique suppose une prédisposition personnelle dont la science ne sait toujours pas dans quelle mesure elle relève de la génétique et/ou du psychologique : on ne devient pas anorexique sous la pression de la société ou par imitation. Prévoir la répression de la provocation à l'anorexie n'a donc pas grand sens. Concrètement, il serait impossible au juge, même avec l'aide d'une expertise médicale, de prouver qu'une provocation a été cause d'une anorexie.
Ceci étant, la proposition de loi comporte un second volet qui réprime la propagande et la publicité, ce qui aura potentiellement beaucoup plus d'effet. Il vise clairement les sites Internet qui se proclament « pro-anorexie » ou « pro-ana ».
Il s'agit là d'une mode venue des Etats-Unis, où elle est née à la fin des années quatre-vingt-dix. Les sites pro-ana affirment que l'anorexie n'est pas une maladie mais un mode de vie. Ils ont une architecture relativement stéréotypée qui a pu faire penser qu'il s'agissait d'un mouvement sectaire, ce qui ne semble pas être le cas. Ce sont des anorexiques, ou des personnes à la limite de l'anorexie, qui tiennent ces sites ; le fait même qu'elles puissent considérer que l'anorexie n'est pas une maladie est d'ailleurs caractéristique de leur trouble.
Or, l'application du dispositif de la proposition de loi, en l'état, aurait pour conséquence de traduire en justice un ou une adolescente et de lui infliger une amende ou une peine pouvant aller jusqu'à deux ans de prison, pour un effet dissuasif nul et le risque d'aggraver l'état des malades.
Ceci étant, le texte transmis ne se limite plus à l'anorexie puisqu'il mentionne désormais l'incitation à la « maigreur excessive ». Cette formule vise non seulement les sites Internet mais aussi les employeurs, les professeurs, les entraîneurs ou les parents, toute personne dont l'attitude est susceptible, en encourageant le jeûne prolongé, de porter atteinte à la santé ou à la vie de ceux qu'ils ont sous leur autorité. Il faut savoir que ces comportements anormaux sont déjà réprimés par le droit : la Cour de cassation a confirmé l'obligation de résultat qui incombe à l'employeur en matière de garantie de la santé de ses employés ; le code pénal réprime tant l'abus de faiblesse que le refus d'aliment à enfant. On pourrait légitimement en conclure que de nouvelles dispositions ne sont pas utiles.
Toutefois, Mme Patricia Schillinger, rapporteur, a fait valoir que l'inaction n'apporterait pas aux parents et aux soignants l'aide dont ils ont besoin pour lutter contre l'anorexie. Celle-ci passe d'abord par la prévention et le rapport esquisse des pistes en ce sens. Au-delà, il est légitime d'interdire les sites pro-anorexie, tout autant, d'ailleurs que ceux faisant l'apologie d'autres troubles du comportement alimentaire, par exemple le mouvement « pro-mia » en faveur de la boulimie ou les « feeders » qui tirent un plaisir pathologique de la prise de poids, et ceux qui prônent l'atteinte à soi-même, par la scarification par exemple. Ne pas traiter ici ces phénomènes inquiétants reviendrait à devoir les traiter plus tard, dans d'autres propositions de loi qui ne manqueront pas d'être déposées.
Pour répondre au problème complexe de l'interdiction des sites, trois dispositifs sont envisageables pour remplacer celui proposé par l'Assemblée nationale :
- le premier est le plus contraignant. Il consisterait à introduire dans le code de la santé publique, et non dans le code pénal, un nouveau titre consacré à la lutte contre les troubles du comportement alimentaire et composé d'un article unique élargissant le dispositif prévu par l'Assemblée nationale à l'ensemble des troubles du comportement, mais sans l'assortir de sanctions pénales. Les hébergeurs seront donc obligés de fermer les sites Internet qui rendent publiques les méthodes pour entretenir un trouble du comportement alimentaire. L'inconvénient de ce dispositif serait qu'en créant un nouveau titre dans le code de la santé publique, il encouragerait à l'étoffer et contribuerait à l'inflation législative dans un domaine qui demande surtout une meilleure organisation des soins ;
- la deuxième option serait de régler la seule question des sites pro-anorexie en introduisant, dans la loi de 1986 relative à la liberté de communication, un nouvel alinéa les interdisant. Ce dispositif peut toutefois paraître trop restreint et laisserait exister, sans justification, les sites de même nature mais non dédiés à l'anorexie, les pro-boulimie par exemple ;
- une troisième possibilité, la plus efficace semble-t-il, consisterait à élargir l'interdiction des sites à tous ceux faisant l'apologie des troubles du comportement alimentaire et des comportements mettant gravement et directement en danger la santé des personnes, comme la scarification.
Enfin, Mme Patricia Schillinger, rapporteur, a indiqué que deux autres amendements pourraient être retenus : le premier, pour prévoir l'application du dispositif outre-mer, le second, pour modifier le titre de la proposition de loi afin qu'il ne porte plus à confusion.
M. Alain Milon a confirmé que les causes de l'anorexie ne sont pas scientifiquement établies et qu'un doute subsiste sur le caractère purement génétique, psychologique ou chimique de la maladie. Ces incertitudes conduisent à juger dangereux de s'engager sur la voie de la pénalisation. Le troisième dispositif proposé par le rapporteur semble donc le plus adapté, la priorité étant de favoriser la recherche en matière de lutte contre la maladie.
M. Nicolas About, président, a souhaité également que soit prise une mesure d'interdiction des sites proportionnée au danger qu'ils représentent.
M. Pierre Bernard-Reymond s'est dit favorable au fait de compléter l'interdiction prévue par le troisième dispositif proposé par celle des sites faisant l'apologie de l'atteinte à l'intégrité des personnes.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle a souligné la nécessité de retirer le terme d'anorexie, qui porte à confusion, de l'intitulé du projet de loi.
Mme Annie David a estimé nécessaire de soutenir l'action des médecins et psychiatres qui, comme le professeur Philippe Jeammet auditionné précédemment par la commission, mènent un combat quotidien contre la maladie.
M. Alain Vasselle a déclaré partager le sentiment que traiter spécifiquement le cas de l'anorexie reviendrait à devoir légiférer rapidement sur l'apologie de toutes les autres maladies comportant une dimension psychique. Plutôt que de trouver des solutions au cas par cas, il convient à son sens de replacer la question de l'anorexie dans le cadre d'une réflexion globale sur la santé publique.
M. Paul Blanc a jugé impossible d'appliquer des sanctions pénales à des personnes souffrant de maladies mentales. C'est d'ailleurs ainsi que procède le droit pénal qui juge que celles-ci ne sont pas responsables de leurs actes. Pour ces raisons, il est favorable à la troisième option proposée par le rapporteur.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur, a précisé que l'abolition du discernement en droit pénal est une notion très restrictive. En conséquence, on ne peut affirmer a priori que des anorexiques seraient jugés irresponsables des actes de provocation ou de publicité qu'ils auraient pu commettre pour le seul motif de leur maladie.
M. Nicolas About, président, a jugé que l'objectif essentiel est d'empêcher l'accès aux sites Internet qui pourraient faire basculer dans la maladie les personnalités déjà fragiles ou accentuer les crises. Le législateur doit envoyer un signal fort pour que les hébergeurs contrôlent leur réseau et ferment les sites de ce type lorsqu'ils en constatent la présence.
Mme Brigitte Bout a souligné que l'anorexie correspond souvent à une période de mal de vivre et qu'une fois la maladie déclenchée, il est particulièrement difficile de la guérir. Faisant état de sa propre expérience en ce domaine, elle a considéré que la punition est inefficace et qu'il convient plutôt, si l'on veut aider les malades, de faire montre de patience et de sens du dialogue.
Mme Sylvie Desmarescaux s'est associée à l'idée que l'anorexie est liée à la période de fragilité de l'adolescence. Pour limiter les effets dangereux de l'identification des adolescentes aux mannequins, il serait surtout souhaitable d'agir sur le mannequinat et les normes draconiennes qu'il impose aux corps.
Mme Bernadette Dupont a insisté sur le fait que la politique publique en matière d'anorexie doit d'abord passer par la prise en charge de la pathologie et des malades. Elle s'est interrogée sur la possibilité d'introduire des dispositions en ce sens dans la proposition de loi.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur, a indiqué que le champ de la proposition de loi ne se prête pas à l'adoption de telles mesures qui trouveront davantage leur place dans un prochain texte relatif à la santé publique. Ceci dit, le rapport écrit comporte des préconisations en matière de prévention.
M. Alain Vasselle s'est interrogé sur le caractère dangereux du piercing et d'autres pratiques de modification du corps.
Pour répondre à cette observation, M. Pierre Bernard-Reymond a confirmé son souhait que soient interdits les sites faisant l'apologie de comportements portant atteinte à l'intégrité physique des personnes.
M. Alain Milon a fait valoir que la notion d'intégrité physique est trop large et que cette définition risquerait d'entraîner des interdictions plus nombreuses que ce qui est souhaitable.
Dans le même souci, M. Gilbert Barbier a souhaité que le texte ne puisse interdire les sites relatifs à la chirurgie esthétique.
En conséquence, M. Jean-Pierre Godefroy a préféré s'en tenir au texte de l'amendement proposé par le rapporteur, en ne retenant que l'atteinte grave et directe à la santé.
A son tour, M. Nicolas About, président, a jugé préférable de ne pas faire référence à la notion d'intégrité physique. Il a proposé que le texte de l'amendement soit modifié pour interdire l'apologie des troubles du comportement alimentaire, de l'automutilation et des comportements mettant en cause gravement et directement la santé des personnes, quel que soit le moyen d'y procéder, et non simplement par voie électronique.
A l'issue de ce débat, la commission a examiné les amendements présentés par le rapporteur.
A l'article unique (incrimination de la provocation à la recherche d'une maigreur excessive), elle a adopté une nouvelle rédaction pour interdire l'apologie des troubles du comportement alimentaire, de l'automutilation et des comportements mettant en cause gravement et directement la santé des personnes, par tout moyen.
Après l'article unique, la commission a adopté un article additionnel étendant le dispositif à l'outre-mer.
Enfin, la commission a modifié l'intitulé de la proposition de loi afin de préciser qu'elle tend à l'interdiction de l'apologie des comportements portant atteinte à la santé des personnes.
Elle a adopté le texte ainsi amendé.
Etat des comptes de la sécurité sociale - Audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale
Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale, sur l'état des comptes de la sécurité sociale.
M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale, a précisé que la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), qui s'est tenue le 18 juin dernier, a été l'occasion de dresser un tableau complet de l'état des comptes de la sécurité sociale et, sauf dégradation brutale de la situation économique, les objectifs de dépenses fixés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 seront respectés.
Les tableaux récapitulatifs publiés par la CCSS font apparaître un déficit important de la branche vieillesse, dont la situation financière s'aggrave par rapport aux prévisions initiales, mais on constate aussi un redressement des comptes de la branche maladie, malgré le dépassement de l'Ondam en 2007, et l'amélioration de la situation financière du fonds de solidarité vieillesse (FSV).
L'environnement macro-économique n'a, pour l'instant, pas remis en cause l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. La bonne tenue du marché de l'emploi au dernier trimestre 2007, puis au premier trimestre 2008, a constitué un gage de sécurité pour les recettes, principalement fondées sur les cotisations salariales. Des incertitudes existent toutefois sur les comptes 2009 car si l'évolution de l'inflation n'a pas produit d'effets sur l'année en cours, elle peut avoir un impact sur le prochain exercice, notamment en raison de la nécessité de revaloriser certaines prestations, par exemple dans le domaine de la politique familiale.
Puis il a indiqué que la direction de la sécurité sociale (DSS), qui exerce la tutelle des caisses de sécurité sociale du régime général, ne partage pas l'avis émis par la Cour des comptes dans le cadre de sa mission de certification des comptes de ces organismes. Sur les comptes de l'Acoss, trois sujets font l'objet d'un désaccord entre la Cour et l'exécutif.
Le premier est relatif à la compensation des exonérations de charges sur les heures supplémentaires prévue dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa), adoptée en août 2007. Or, lors de l'examen de ce texte, le Parlement a clairement exprimé le souhait que la sécurité sociale ne subisse pas de nouvelles pertes de recettes dues à la mise en oeuvre du dispositif proposé. En conséquence, un mécanisme de compensation, reposant sur l'affectation d'une fraction de TVA sur les boissons alcoolisées, d'une fraction de la taxe sur les véhicules de société et, enfin, d'un produit à recevoir au titre de la contribution sociale sur les bénéfices (CSB), a été prévu. En cas d'insuffisance de ces recettes, une compensation intégrale doit être mise en oeuvre dans le cadre de la loi de finances. Ce dispositif est plus rigoureux que la compensation budgétaire qui existe pour d'autres exonérations.
C'est précisément sur le point de la comptabilisation de ces compensations que porte le litige avec la Cour. La sécurité sociale a fait application des règles de comptabilité des organismes de sécurité sociale, qui est établie en fonction des droits constatés : de ce fait, les produits à recevoir de façon certaine peuvent être inscrits dans les comptes avant leur perception effective, d'autant que cette écriture n'a aucun impact sur les charges. Or, la Cour des comptes a considéré cette comptabilisation comme irrégulière pour les sommes effectivement perçues après le 31 décembre 2007. Cette position de la Cour soulève plusieurs difficultés, notamment au regard de la présentation annuelle des recettes perçues au titre de la compensation, dont les modalités vont fluctuer d'une année sur l'autre.
Le deuxième reproche de la Cour pour justifier sa décision de ne pas certifier les comptes de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) porte sur la répartition des créances entre organismes de sécurité sociale en 1996 et 1997, lors du passage à la comptabilité en droits constatés.
Sur ce point, M. Dominique Libault s'est interrogé sur l'intérêt d'affecter au compte de résultats 2008 des erreurs commises dix ou quinze ans auparavant, ainsi que sur la pertinence d'une rectification du solde des comptes sociaux après le transfert de la dette des organismes de sécurité sociale à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Cette démarche nuit à l'intelligibilité des comptes et n'apporte aucun élément nouveau à la politique de maîtrise des dépenses. En outre, cette présentation comptable a pour effet de masquer une partie des résultats positifs, près de 200 millions d'euros, obtenus en 2007. De manière plus générale, les obligations des organismes de sécurité sociale doivent être précisées afin de déterminer si leur comptabilité doit retranscrire toutes leurs opérations - ce que l'Etat, pour ne prendre que cet exemple, ne fait pas - ou si la présentation doit être limitée aux opérations relatives aux produits et charges de l'année.
Le troisième point de désaccord est relatif aux conditions de rattachement des acomptes de contribution sociale généralisée (CSG) perçue sur les revenus de placement. Il est singulier de constater que ces revenus ont été inscrits dans les comptes de la sécurité sociale pour 2007 dans les mêmes conditions qu'en 2006, année pour laquelle la Cour des comptes n'avait pas soulevé d'objections à ce propos. Là encore, il n'est pas illégitime de considérer qu'une telle taxation doit être comptabilisée l'année du fait générateur, c'est-à-dire celle de la perception de l'intérêt. Or, les établissements bancaires ont des pratiques administratives différentes et comptabilisent les intérêts de l'année écoulée soit le 31 décembre, soit le 1er janvier de l'année suivante.
M. Alain Vasselle a souligné l'intérêt de ces précisions, qui permettent de mieux comprendre la nature du désaccord entre la Cour et le Gouvernement sur les conditions de certification des comptes des organismes de sécurité sociale. L'usage par les organismes de sécurité sociale d'une comptabilité en droits constatés doit effectivement leur permettre d'affecter à l'exercice en cours les recettes attendues pour en financer les charges. Ceci étant, le nouveau plan comptable ne permet pas de procéder de cette manière et le rôle de la Cour des comptes est bien de veiller au strict respect de la règle. Ce problème de procédure doit donc être résolu, tout en conservant les avantages, en termes de transparence des comptes, d'une comptabilité en droits constatés. Par ailleurs, renvoyer à une loi de finances les décisions relatives à la compensation des exonérations de charges peut soulever des difficultés pour le financement de la sécurité sociale et le fait d'aller dans le sens d'une intégration des dispositions de la loi de financement à la loi de finances ne peut que nuire à la transparence des comptes sociaux.
Il s'est ensuite interrogé sur le possible transfert à la Cades des dettes accumulées de la sécurité sociale, ainsi que sur les recettes requises pour procéder à ce transfert de charge dans le respect de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. A son avis, le choix de recourir aux excédents du FSV pour financer ce nouveau transfert vers la Cades ne lui donnerait pas une crédibilité suffisante pour mobiliser les financements nécessaires sur les marchés financiers.
Enfin, il a voulu connaître les intentions du Gouvernement à l'égard de la protection sociale agricole.
M. Dominique Libault a confirmé que des ajustements du plan comptable sont possibles, mais il a regretté que la Cour des comptes ait choisi la position extrême du refus de certifier les comptes de l'Acoss alors qu'elle avait la possibilité d'exprimer un jugement plus nuancé, par exemple en émettant des observations ou des réserves.
Il a indiqué que le ministre chargé des comptes publics doit faire des propositions à l'automne sur les conditions de prise en charge de la dette de la sécurité sociale par la Cades. La question de la ressource supplémentaire à lui affecter est très importante : la piste privilégiée semble bien être celle du transfert d'une partie des excédents du FSV, mais ce choix ne garantit effectivement pas le financement de la Cades dans les mêmes conditions que celles offertes par la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), ce qui peut dégrader son image auprès des marchés financiers.
Le redéploiement des recettes entre les différents organismes de sécurité sociale est un sujet capital pour faire face aux échéances à venir. Des objectifs forts en matière de maîtrise des dépenses ne suffisent pas à compenser l'évolution de la dépense, notamment dans le domaine de la vieillesse. Des réallocations de ressources doivent donc pouvoir être envisagées, aucune affectation de ressources n'étant intangible.
La question du financement de la protection sociale agricole, qui est reportée d'une année sur l'autre, doit être traitée prochainement, d'une part, pour organiser l'apurement de la dette du Fipsa, d'autre part, pour préparer l'avenir, avec le développement d'une solidarité accrue entre les régimes, notamment pour la branche maladie. L'hypothèse d'une intégration de la branche maladie de la protection sociale agricole au régime général a été étudiée. Une telle évolution devrait s'accompagner d'une modification des règles de tutelle, aujourd'hui assurée par le seul ministère chargé de l'agriculture, à laquelle la direction de la sécurité sociale pourrait être associée.
M. Alain Vasselle s'est interrogé sur l'inexistence d'étude d'impact préalable aux différentes réformes de la sécurité sociale afin de connaître le cadrage financier général et les objectifs pluriannuels qui leur sont assignés. De telles études éviteraient pourtant l'adoption de mesures ponctuelles, souvent catégorielles qui, par leur coût non maîtrisé, annulent les économies globales. La branche vieillesse illustre bien cette situation : la réforme de 2003, par exemple, est un échec si l'on en juge par les résultats financiers de la branche vieillesse.
M. Dominique Libault s'est déclaré moins pessimiste sur les résultats de la réforme des retraites de 2003. Toutefois, une gestion trop sectorielle de la protection sociale produit souvent des effets négatifs en favorisant une hétérogénéité des situations. Les droits ouverts par la sécurité sociale doivent être conçus de façon universelle.
Il a estimé que les processus de décision ne permettent pas toujours d'établir des études d'impact. La réalisation d'une étude de ce type préalablement à la réforme des retraites de 2003 aurait probablement produit des résultats erronés car certains phénomènes, notamment les départs anticipés pour carrière longue, auraient sans doute été sous-estimés, les effets de comportement n'étant pas toujours identifiables.
Etat des comptes de la sécurité sociale - Auditions
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à plusieurs auditions relatives à l'état des comptes de la sécurité sociale.
Audition de M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Cades, a indiqué que le montant de dette de la sécurité sociale reprise par la Cades au 31 décembre 2007 s'élève à 107,6 milliards d'euros. Sur ce total, 34,7 milliards ont déjà été remboursés ; il reste donc 72,9 milliards à amortir.
Les emprunts émis par la caisse sont souscrits dans le monde entier, principalement par les banques centrales de pays étrangers.
La Cades dispose d'une ressource unique, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), dont le produit a atteint 5,7 milliards d'euros en 2007 : 3,1 milliards ont été affectés au remboursement des intérêts et 2,6 milliards à l'amortissement de la dette, conformément à l'objectif fixé en loi de financement.
En application de l'article 20 de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, tout nouveau transfert de dette à la Cades doit être accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale. Selon les estimations les plus récentes, la Cades a 5 % de chances d'avoir terminé sa mission dans douze ans, une chance sur deux de l'avoir achevée dans treize ans et 5 % de chances de ne pas avoir abouti dans quinze ans.
Si un autre transfert de dettes devait être effectué, ce schéma de remboursement pourrait être préservé à la condition d'augmenter les ressources de la CRDS de 0,07 point par tranche de dix milliards d'euros de nouvelle dette reprise. La majoration de la CRDS représenterait la meilleure solution en cas de nouvelle reprise de dettes, car il s'agit d'une ressource dynamique et stable, assise à 80 % sur les revenus d'activité. Si une autre ressource était choisie, elle devrait présenter les mêmes caractéristiques de fiabilité pour rassurer les souscripteurs des emprunts de la caisse.
De ce point de vue, M. Patrice Ract-Madoux a exprimé des doutes sur la fiabilité d'une recette qui proviendrait d'éventuels excédents d'un fonds, quel qu'il soit. En revanche, la solution consistant à réallouer au profit de la Cades tout ou partie des ressources du fonds de solidarité vieillesse (FSV) paraîtrait plus acceptable, dans la mesure où celles-ci sont dynamiques, même si elles apparaissent moins stables que la CRDS. Il a enfin souhaité que l'Etat transfère en une seule fois le reliquat de dettes qu'il envisage d'apporter à la Cades et ne se limite pas à un transfert partiel, au motif qu'il ne serait pas parvenu à dégager une nouvelle recette suffisante.
M. Alain Vasselle s'est montré dubitatif sur la possibilité de satisfaire ce souhait, soulignant le fait que même après l'opération de transfert qui pourrait intervenir en loi de financement pour 2009, rien ne garantit que les branches maladie et vieillesse seront à nouveau à l'équilibre dans les prochaines années.
Audition de MM. Pierre Burban, président du conseil d'administration, Bernard Billon, directeur adjoint, et Alain Gubian, directeur financier, de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss)
M. Alain Gubian, directeur financier de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), a d'abord insisté sur l'ampleur du besoin de financement global de l'Acoss, qui devrait atteindre 27 milliards d'euros à la fin du mois de septembre prochain et progresser encore jusqu'à la fin de l'année. Les perspectives pour 2009 présentent, en l'état, un accroissement de ce besoin de financement avec des aléas liés à l'éventuelle dégradation de la conjoncture économique. Or, ces perspectives sont incompatibles avec les possibilités de financement de l'Acoss.
La Caisse des dépôts et consignations, qui assure le financement de cette dette, a en effet fait savoir à l'Acoss qu'elle ne pouvait désormais garantir le financement de plus de 31 milliards d'euros en volume et que les taux favorables, négociés dans le cadre de la convention passée avec l'Acoss, ne pouvaient s'appliquer au-delà de 25 milliards, ce qui signifie que toutes les sommes empruntées entre 25 et 31 milliards le seront à un taux sensiblement plus élevé, fondé non pas sur l'Eonia (Euro OverNight Index Average) mais sur l'Euribor (Euro Interbank Offered Rate).
L'Acoss a la possibilité d'émettre des billets de trésorerie, mais les taux deviennent très élevés dès que la durée dépasse un jour, en dépit de l'excellente signature de l'Acoss sur les marchés. La situation financière de l'agence est donc devenue très contrainte et largement dépendante de la situation des marchés financiers.
M. Pierre Burban, président du conseil d'administration, a estimé que la situation actuelle de l'Acoss est très grave et qu'il n'est plus possible de financer des déficits structurels par des ressources conjoncturelles. Cet état de fait est connu depuis le mois d'août 2007, au moment du déclenchement de la crise financière, mais aucune mesure n'a été prise depuis lors.
La Caisse des dépôts et consignations a écrit à ce sujet en décembre 2007 aux ministres compétents. Elle a de nouveau fait part de ses observations écrites voici quelques semaines pour signifier au Gouvernement qu'elle ne pourrait sans doute même plus assurer le financement contractuel de 25 milliards d'euros en 2009, en raison des grandes incertitudes planant sur les marchés.
Le conseil d'administration de l'Acoss a, de son côté, émis de très vives inquiétudes et demandé aux représentants de la tutelle de lui faire part des mesures envisagées pour traiter la question des dettes financières de l'Acoss avant la fin du mois d'août. En effet, malgré l'urgence de la situation, aucune solution n'a encore été présentée à ce jour par les autorités de tutelle. Le ministre des comptes publics s'est simplement engagé verbalement à résoudre la question.
L'année dernière aussi, il s'était engagé au remboursement de la dette de l'Etat envers la sécurité sociale. Celui-ci a bien été effectué, à hauteur de 5,1 milliards d'euros. Toutefois, une dette d'environ 2,5 milliards s'est reconstituée au titre de 2007. Elle grève une fois de plus la trésorerie de l'Acoss.
M. Pierre Burban a ensuite évoqué la décision de la Cour des comptes de refuser de certifier les comptes de la branche recouvrement, ainsi que ceux de l'Acoss. Il s'est d'abord élevé contre le fait que la décision ait été rendue publique avant même que les principaux intéressés ne soient prévenus. Puis il a replacé la décision dans son contexte, celui d'un triple désaccord avec la Cour, portant sur un montant d'un milliard d'euros environ, ce qui doit être relativisé quand on le rapproche des 331 milliards inscrits dans les comptes de la branche recouvrement.
Il a constaté que, par sa décision, la Cour remet en question le principe de la compensation totale des exonérations de charges sociales auquel le législateur, et notamment la commission des affaires sociales du Sénat, sont de manière très légitime extrêmement attachés.
Il a insisté sur le caractère totalement démobilisateur d'une telle décision pour les collaborateurs de la branche recouvrement qui, au cours des dernières années, ont fourni de très importants efforts pour, en application de la convention d'objectifs et de moyens, moderniser leur activité, repenser leur organisation, accepter des regroupements de services, des suppressions d'emplois, des mutualisations d'activités et améliorer la qualité du service de recouvrement.
Il a ensuite rappelé que les comptes de la branche avaient été certifiés l'année dernière et que la Cour avait à nouveau la faculté d'émettre des observations ou des réserves cette année, sans pour autant tirer de ses constats des conséquences aussi extrêmes que le refus de certification, dont la résonance médiatique est particulièrement forte.
M. Alain Vasselle s'est interrogé sur le caractère parfois aléatoire des appréciations de la Cour des comptes, qui ne semble pas traiter de la même façon les sous-dotations budgétaires, en termes de sincérité des comptes, alors que celles-ci ont un impact direct sur la reconstitution de la dette de l'Etat envers la sécurité sociale. Il a émis le souhait que la même rigueur soit appliquée dans l'examen de l'exécution de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Il a ensuite demandé quel est le montant des frais financiers résultant du découvert de l'Acoss.
M. Alain Gubian a indiqué que, pour le régime général, le montant des frais financiers s'élève en 2008 à près d'un milliard d'euros.
M. Guy Fischer a souhaité savoir quelles sont les conséquences de la mise en oeuvre de la convention d'objectifs et de moyens sur les effectifs de l'Acoss.
M. Pierre Burban a noté qu'aux termes de la convention, à la fin 2009, un peu moins de six cents postes auront été supprimés sur un total de 14 000 collaborateurs.
Nomination d'un rapporteur
Enfin, la commission a désigné M. Alain Gournac rapporteur sur le projet de loi n° 969 (AN - XIIIe législature) portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.