Mardi 6 mai 2008

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président.-

Transports ferroviaires - Audition de M. Guillaume Pépy, président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF)

M. Guillaume Pépy, président de la SNCF, a indiqué en préambule que son audition lui fournissait sa première occasion de s'exprimer depuis sa prise de fonctions devant des parlementaires. Il a fait part de son désir de discuter, avec eux, des choix stratégiques de l'entreprise, qui étaient en cours de définition pour les quatre à cinq années à venir. Relevant que la SNCF était l'entreprise la plus connue des Français et qu'elle jouissait d'une image très puissante, il a souligné qu'elle était paradoxalement en même temps mal connue et faisait l'objet de beaucoup de stéréotypes. Il a rappelé que l'entreprise publique et les différentes sociétés du groupe représentaient 220.000 salariés et 24 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Il a souligné que le résultat positif, obtenu hors subvention d'exploitation, s'établissait à 650 millions d'euros cette année, ce qui avait permis à la SNCF de verser à l'Etat un dividende de 131 millions d'euros, 50 millions d'euros de ce dividende ayant été affectés aux infrastructures ferroviaires. Il s'est félicité de ce que le Président de la République lui ait adressé, à sa nomination, une lettre de mission symbolisant les choix-clefs de l'Etat en matière de politique ferroviaire. Cette lettre de mission révèle que la France a une grande ambition pour la SNCF, ce qui s'inscrit pleinement dans le cadre du Grenelle de l'environnement : il s'agit de mettre la SNCF et le rail au coeur du développement de la société. Il s'ensuit que le redressement du fret ferroviaire constitue sa première priorité. Cela impose, d'une part, qu'il relève d'une dimension européenne, et non plus seulement nationale et, d'autre part, que l'entreprise maîtrise les autres modes de transport. M. Guillaume Pépy, président de la SNCF, a fait observer qu'aucun des dix premiers logisticiens mondiaux n'était français et que cette activité était aujourd'hui dominée par des sociétés allemandes. L'ensemble SNCF - Géodis, qui sera un acteur multimodal, même si le ferroviaire y occupe naturellement une place très importante, devrait se classer au quatrième rang mondial des logisticiens. Il a jugé que la France avait besoin d'un grand logisticien pour favoriser le maintien de son tissu industriel.

La seconde priorité établie par sa lettre de mission consiste à amener les différentes activités de la SNCF au niveau de réussite qu'a atteint le train à grande vitesse (TGV). Cela demande naturellement des investissements importants, mais, d'une part, la SNCF dégage désormais une capacité d'autofinancement et, d'autre part, elle peut, dans une certaine mesure, recourir à l'emprunt.

La troisième priorité est de contribuer à la remise à niveau du réseau ferroviaire. La France a la chance de disposer d'un réseau classique très dense, en cours de modernisation, et d'un réseau à grande vitesse qui peut être connecté au premier. Cette complémentarité et l'effort de remise à niveau doivent permettre à terme de développer des solutions nouvelles, comme le TGV-fret, ou la montée en puissance d'opérateurs de proximité de fret ferroviaire.

La dernière priorité, pour la SNCF, est de contribuer à faire de la France le leader mondial de l'exportation de la grande vitesse. A ce titre, il faut notamment que le TGV de la SNCF soit plus présent dans les autres pays européens comme l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne.

L'ensemble de ces priorités renvoie à un concept fort, élaboré par Mme Anne-Marie Idrac lorsqu'elle présidait la SNCF : celui de l'écomobilité, c'est-à-dire une mobilité économe et écologique. De ce point de vue, le Grenelle de l'environnement offre des opportunités majeures à la SNCF, mais en même temps il oblige l'entreprise publique. A cet égard, le recours à des locomotives diesel pour tirer quelques wagons est sans doute critiquable et la SNCF doit faire des efforts plus importants que par le passé en matière de performances énergétiques et environnementales. M. Guillaume Pépy a conclu par deux constats : d'une part, ce projet extrêmement ambitieux repose sur le redressement opéré par ses prédécesseurs ; d'autre part, sur le plan social, un tel projet est de nature à mobiliser les personnels et à conforter une situation sociale fragile, domaine qui recueille toute son attention.

M. Charles Revet, après avoir rappelé l'attachement des membres de la commission à la SNCF, a souhaité savoir :

- à combien se montaient les investissements nécessaires à la remise à niveau des trains Corail, et quel en serait le calendrier ;

- comment M. Guillaume Pépy concevait-il l'évolution de Réseau Ferré de France (RFF) ;

- comment aurait lieu l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs ;

- quelles ambitions pouvait-on former pour le fret ferroviaire, quand on voyait par exemple sa faible part de marché dans la desserte des ports français, ce qui contrastait, par exemple, avec la situation allemande ;

- quelles démarches pouvaient être entreprises pour développer le tram-train.

M. Guillaume Pépy a tout d'abord confirmé qu'il fallait renouveler le parc de trains Corail dans les dix ans à venir, ce qui représentait un investissement d'au moins un milliard d'euros. Un tel effort impose de mettre en place des tours de table financiers, ce qui sera plus ou moins facile selon le niveau de rentabilité des lignes. Il a ensuite indiqué qu'il s'attendait à une augmentation du niveau des péages qui lui paraissait justifiée en considération de l'ambition ferroviaire française. Encore faut-il que cette hausse soit raisonnable pour ne pas avoir un impact trop négatif sur le pouvoir d'achat des voyageurs et ne pas nuire à l'attractivité des transports en commun. Rappelant le dynamisme des trains express régionaux (TER), dont l'activité croissait de 8 à 10 % par an et avait même atteint une augmentation de 25 % en deux ans dans la région Rhône-Alpes, il a insisté sur la nécessité de ne pas casser ce développement par une hausse trop forte des péages. Quant à la concurrence en matière de trafic voyageurs, il a déclaré l'attendre avec impatience, soulignant que d'essayer de retarder une évolution inéluctable ne rendait pas service à l'entreprise publique. Au contraire, la concurrence peut jouer le rôle d'aiguillon pour améliorer le fonctionnement de l'entreprise. Le premier concurrent de la SNCF aujourd'hui sur le marché du fret ferroviaire est la Deutsche Bahn (DB), qui a su se réformer avant l'ouverture à la concurrence. Quant à l'ambition portuaire exprimée par M. Charles Revet, elle concerne pleinement, non seulement les grands ports français, mais encore des ports étrangers comme Anvers, où la SNCF affrète désormais 100 trains par semaine. Enfin, le tram-train constitue effectivement une innovation positive avec une dizaine de projets en France, de nature à offrir une réponse très pertinente à la coupure entre les centre-villes et la périphérie des agglomérations, et la SNCF compte assister les collectivités territoriales dans leurs projets, pour cette solution qui n'existe qu'en Europe.

M. Michel Teston, après s'être félicité de ce que l'acquisition de Géodis par la SNCF permette l'émergence d'un grand logisticien français, a estimé que la SNCF devait continuer à défendre ses positions, par exemple en liant des partenariats avec les entreprises ferroviaires européennes de taille moyenne. Il a également souhaité savoir qui dominerait dans l'ensemble SNCF/Géodis, dans la mesure où Géodis avait un chiffre d'affaires beaucoup plus important.

M. Guillaume Pépy a fait valoir que le succès de la DB venait de son rapprochement sans fusion avec le transporteur routier Schenker. Le rapprochement du fret SNCF et de Géodis s'inscrit dans la même logique qui permet de laisser subsister la personnalité et l'organisation de chacune des entreprises. Ce rapprochement permet au nouvel ensemble de proposer des offres combinées, qui en définitive contribuent fortement à développer le fret ferroviaire. On a ainsi observé qu'en Allemagne l'acquisition de Schenker par la DB a permis une augmentation de 26 % du fret ferroviaire. La vraie difficulté française en matière de fret ferroviaire ne s'explique pas par le niveau des salaires, mais plutôt par la rigidité de l'organisation du travail et le manque de réactivité aux attentes du marché. Il a indiqué qu'il menait en ce moment d'importantes négociations avec les organisations syndicales pour discuter de l'évolution de l'organisation de l'activité fret de la SNCF.

M. Bruno Sido a jugé que le Grenelle de l'environnement avait fait apparaître des questions sous-jacentes concernant le ferroviaire, notamment le financement des projets ambitieux, à l'heure où les caisses de l'Etat étaient vides. Il a également souhaité savoir quelles étaient les perspectives de développement de l'électrification des lignes, par exemple sur la liaison Paris-Bâle. Enfin, il a souhaité savoir si les sillons libérés par la mise en place de lignes à grande vitesse (LGV) seraient attribués à l'activité fret ou aux TER.

M. Guillaume Pépy a estimé tout d'abord qu'il n'était plus envisageable aujourd'hui de cantonner le fret à la circulation de nuit. Mais la circulation de jour soulève des questions de nuisances sonores et de saturation des lignes. Il y a donc un vrai débat national à conduire sur la question de l'utilisation des infrastructures. Il a cité comme exemple la ligne de la rive droite du Rhône, dont Louis Gallois avait obtenu qu'elle soit réservée au fret et sur laquelle le trafic TER commençait à empiéter, à la demande des élus. Pourtant, cette « ligne réservée » symbolisait une priorité accordée au fret ferroviaire. Les mêmes questions sont soulevées par le projet de contournement ferroviaire de l'est lyonnais, sans lequel 30 % des trains français de fret continueraient à devoir traverser Lyon à 40 km/heure.

L'électrification des lignes est une nécessité pour des raisons de fiabilité du service, même si elle coûte environ un million d'euros au kilomètre, et la SNCF a parfois fait des erreurs en n'y recourant pas, comme par exemple pour la ligne Paris - Granville. La question de l'électrification de Paris - Bâle est donc clairement posée. Concernant RFF, il faut rappeler tout d'abord que sa dette est celle que l'Etat a accumulée en construisant les premières LGV. La SNCF, elle, a gardé sa dette contractée pour l'acquisition de son matériel. Il n'est pas envisageable de financer l'ambition ferroviaire française par la seule activité du chemin de fer et il faut aussi un transfert financier entre les différents modes de transport, à l'image de ce qui avait été fait en Suisse, où l'important développement du rail a été permis par des prélèvements sur le secteur routier. Il a estimé que la France était à la veille de choix stratégiques dans le domaine des transports et de l'environnement. La réalisation des objectifs du Grenelle de l'environnement ne pourra notamment être atteinte que par l'acceptation des Français de payer plus cher la route.

Il a également souligné que la capacité financière des collectivités territoriales, partenaires essentiels dans les projets d'infrastructure, n'était pas illimitée, ce qui imposerait de gérer finement l'étalement dans le temps de leur réalisation. En outre, la simultanéité des projets risquait d'entraîner une augmentation des prix de construction et il en a conclu qu'il fallait être volontariste dans l'ambition et réaliste dans la programmation.

M. Daniel Reiner, après avoir salué le caractère optimiste et mobilisateur du discours du président de la SNCF, a souhaité connaître son analyse des propositions de la Cour des comptes dans son rapport public annuel. Celle-ci a en effet critiqué fortement le fonctionnement du système ferroviaire français et en particulier le jeu complexe des relations entre RFF et la SNCF. Il a estimé que la France avait mis en place le système ferroviaire le plus compliqué d'Europe, ce qu'elle était conduite aujourd'hui à regretter. Il a jugé ensuite que la question de l'état du réseau était déterminante, de même que celle de la concurrence entre le TER et le fret pour l'attribution des sillons. Après avoir relevé que le coût des péages était somme toute comparable à celui que connaissaient les autres pays européens, il a estimé que leur hausse devait avoir des limites. Il serait en effet regrettable que le remplacement des trains classiques par des TGV s'accompagne d'une augmentation du coût des billets qui interdirait à une partie des usagers d'en profiter. Enfin, alors que le fret ferroviaire a perdu 30 % de son activité dans les années récentes, il a souhaité savoir quels moyens permettraient de lui faire regagner 25 % dans les années à venir et de mettre en place les opérateurs de fret de proximité.

M. Guillaume Pépy a réaffirmé sa volonté de répondre aux attentes très fortes des Français envers la SNCF et de contribuer à faire de la France le leader mondial du chemin de fer, puisque le pays disposait du constructeur Alstom, de l'exploitant SNCF et du gestionnaire de réseau RFF. Ce savoir-faire français est particulièrement important à l'heure où le chemin de fer reprend de l'importance dans le monde entier. Concernant les relations de la SNCF avec RFF, il a reconnu que la France avait eu une vision trop juridique du système ferroviaire qui induit aujourd'hui une répartition extrêmement complexe du patrimoine immobilier, en particulier dans les gares. Les inconvénients de cette situation sont particulièrement évidents pour les élus locaux et la mission confiée au sénateur Hubert Haenel devrait permettre de simplifier le système. Même si les défauts du dispositif retenu en 1997 apparaissent clairement aujourd'hui, il est néanmoins difficile de faire table rase du cadre existant. Il faut s'inspirer du système qui existe en matière d'énergie et d'électricité avec le partage des tâches entre EDF et le Réseau de transport d'électricité (RTE), qui sont regroupés dans un même ensemble, ce système pragmatique semblant avoir fait ses preuves. Les gares étant indissociables des trains, M. Guillaume Pépy s'est déclaré, pour sa part, totalement opposé à l'idée de leur transfert à RFF. Cette solution aurait notamment comme inconvénient d'inscrire les gares dans un environnement non commercial, ce qui serait catastrophique.

Revenant sur son analyse relative au caractère stimulant de la concurrence, il a cité l'exemple de la chaîne logistique d'approvisionnement des magasins Monoprix à Paris, qui constituait une réponse moderne à la demande logistique et qui pourrait sans doute être reproduite dans d'autres villes. Il a enfin abordé la question des tarifs sociaux, estimant que les solutions trouvées in fine étaient bénéfiques tant pour les voyageurs, puisque ces tarifs étaient confirmés et que la SNCF envisageait même de les étendre, que pour l'entreprise, puisque l'Etat continuerait à lui compenser cette charge.

M. Michel Billout a estimé que la concurrence pouvait être, plus qu'un aiguillon, un synonyme de dégradation du service, comme l'avaient montré les accidents survenus au Royaume-Uni, ainsi que l'actualité récente en France avec des incidents de sécurité chez l'opérateur privé Veolia.

M. Guillaume Pépy, reconnaissant qu'un train de Véolia avait connu un incident de sécurité très sérieux, a jugé que la sécurité ferroviaire constituait un atout considérable du chemin de fer et ce, d'autant plus que le système demandait un haut niveau de technologie et de savoir-faire pour y parvenir. Il a précisé qu'il n'était pas un partisan de la concurrence par idéologie, mais simplement parce qu'il constatait qu'elle permettait de développer l'activité ferroviaire, sous réserve que celle-ci s'inscrive dans un cadre juridique satisfaisant et que la sécurité soit en toutes circonstances garantie. C'est ainsi que la moitié de l'activité des nouveaux opérateurs du fret ferroviaire avait été gagnée sur la route.

M. René Beaumont a fait part de son appréciation positive sur la démarche consistant à proposer une offre multimodale aux chargeurs. Il a souhaité savoir quels étaient les partenariats que la SNCF développait avec les transporteurs maritimes ou fluviaux et quelle était la complémentarité du chemin de fer et du transport fluvial. Il a enfin estimé que la SNCF avait beaucoup progressé et que ses personnels étaient aujourd'hui remarquables, tout en regrettant que les observations des usagers, et en particulier celles des parlementaires, soient parfois insuffisamment prises en compte.

Sur ce dernier point, M. Guillaume Pépy a reconnu que les relations avec les élus devaient être encore améliorées et que la complexité des sujets ne devait pas conduire à se cantonner à une réponse technique. Quant au rapport entre le chemin de fer et le transport fluvial, il a observé que les deux modes s'étaient ignorés complètement depuis plusieurs dizaines d'années, alors même qu'il existait beaucoup de points d'interaction possible. La SNCF travaille donc avec Voies navigables de France (VNF) pour développer l'intermodalité, de même qu'elle développe ses contacts avec les chargeurs pour mieux desservir les ports.

M. Jean Bizet, après s'être réjoui de la bonne santé financière de la SNCF, a jugé que le diesel n'avait plus d'avenir après le Grenelle de l'environnement et souhaité connaître le nombre de locomotives diesel encore en fonctionnement. Concernant la ligne Paris - Granville, il a jugé totalement incohérent que le département abritant le réacteur EPR et une ligne à très haute tension (THT) voie subsister une ligne ferroviaire non électrifiée. Il lui a semblé à tout le moins que le recours à des locomotives hybrides s'imposait, en attendant l'électrification complète de la ligne.

Concernant cette ligne, M. Guillaume Pépy a admis que la SNCF avait poussé à la mauvaise solution technique en 1990. Reconnaissant qu'il conviendrait d'électrifier cette ligne, il a rappelé que cette décision incombait à RFF. En raison du coût d'une telle opération, il serait sans doute opportun de la réaliser progressivement, même si cela devait prendre du temps, les nouveaux matériels roulants bi-modes permettant d'ici là d'améliorer progressivement la qualité de service. Il a enfin souligné l'importance du consensus des élus locaux pour faire avancer les projets de ce type.

M. Jean Boyer a souligné la clarté et l'optimiste des propos du président de la SNCF. Il a estimé que des progrès devaient encore être réalisés en matière d'information des usagers, dont certains pâtissaient de la disparition progressive des supports papier. Il a enfin demandé si les wagons à essieux polyvalents, qui pouvaient rouler sur les rails et sur les routes, constituaient une solution technique opportune.

M. Guillaume Pépy a estimé que la SNCF devait suivre les évolutions de la société, ce qui impliquait notamment un recours accru aux communications électroniques, et qu'elle devait parallèlement continuer ses actions de service public, notamment à destination de ses clients qui n'avaient pas accès aux nouveaux modes de communication. Des efforts devaient donc encore être faits en ce sens. Il a rappelé à cette occasion que la SNCF croyait aux gares, dans lesquelles elle réalisait encore 50 % de ses ventes. Quant au système de wagons à polyvalence d'essieux, il existe aux Etats-Unis, mais n'a jamais été adopté en France en raison de son coût très élevé. La solution des caisses mobiles lui a été préférée et on expérimente également l'autoroute ferroviaire, techniquement au point, mais qui n'arrive pas encore à l'équilibre économique. Il convient du reste de se demander si la création de l'éco-taxe permettrait d'y parvenir.

M. Roland Ries, après avoir confirmé que la région Alsace avait atteint la limite de ses capacités de cofinancement des projets ferroviaires, a déploré les grandes difficultés de réalisation du projet de tram-train de Strasbourg, qui contrastaient singulièrement avec le fonctionnement du tram-train de Karlsruhe depuis quinze ans. Il a souhaité que soient identifiés précisément les blocages à dépasser.

M. Guillaume Pépy a déclaré partager la préoccupation de M. Roland Ries et a reconnu que le développement du fer en France était semé d'embuches. Il faut simplifier la SNCF afin que ses modes de fonctionnement coïncident mieux avec ceux des élus porteurs de projets. Il a également jugé que la SNCF souffrait d'une centralisation excessive préjudiciable à la réalisation des projets. Il a enfin conclu que son rôle de président de la SNCF était de passer le temps nécessaire avec les élus pour faire aboutir les projets ferroviaires et qu'il se tenait donc à leur disposition.

Mercredi 7 mai 2008

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président.-

Ports - Réforme portuaire - Audition de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports

La commission a procédé à l'audition de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports auprès du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire sur le projet de loi n° 300 (2007-2008) portant réforme portuaire.

M. Dominique Bussereau a souligné que le projet de loi portant réforme portuaire, dont l'examen au Sénat est prévu le 20 mai, était un texte important visant à mettre en place un plan de relance des ports français qui, bien que de qualité, n'étaient plus compétitifs par rapport aux ports des autres pays européens et du Maghreb. La compétitivité des ports français s'est beaucoup dégradée au cours des dernières années, leur part de marché en Europe ayant chu de 18 % en 1989 à 14 % en 2006. S'agissant du marché des conteneurs, qui connaît une croissance annuelle de plus de 5 % en Europe et qui génère la plus forte valeur ajoutée, la part de marché des ports français est revenue de près de 12 % à 6 % en quinze ans. Enfin, la productivité des ports français est, en général, beaucoup plus faible que celle de leurs concurrents européens et, lorsqu'elle est équivalente, le coût du service est plus élevé. Ainsi, il est dénombré 46 000 mouvements annuels pour un portique à Marseille, contre 76 000 à Valence et jusqu'à 150 000 à Anvers.

Rappelant qu'une courageuse réforme du statut des dockers avait permis, en 1992, la mise en place, dans certains ports, de conventions d'exploitation de terminal intégrant l'ensemble des activités de manutention, M. Dominique Bussereau a estimé que ces changements demeuraient insuffisants et partiels. En effet, l'organisation du travail de manutention reste éclatée entre les entreprises (les dockers) et les services d'outillage (les grutiers). L'absence d'unité de commandement sur les terminaux est néfaste à la productivité des ports français. Une réforme de la gestion de l'outillage, mais aussi un plan d'investissement destiné à permettre aux ports français d'affronter la concurrence européenne à armes égales, s'avèrent donc indispensables pour améliorer leur productivité et leur fiabilité. L'enjeu du redressement des ports français est également important en termes d'emplois, la création de 30 000 postes pouvant en résulter tant dans les ports maritimes que dans les ports logistiques ou ports secs.

M. Dominique Bussereau a rappelé que ce plan de relance des ports s'inscrivait dans le cadre des travaux du Grenelle de l'environnement, qui avaient conclu à sa nécessité. Il a précisé que le projet de loi comportait quatre volets : l'évolution des missions des ports, la modernisation de leur gouvernance, la mise en place d'une coordination entre les ports et l'instauration d'un commandement unique sur les activités de manutention.

M. Dominique Bussereau a indiqué que le projet de loi visait à recentrer les missions des ports sur la performance et l'amélioration de la compétitivité en alliant développement économique, respect de l'environnement et promotion des transports multimodaux. Les sept ports autonomes rebaptisés « grands ports maritimes » s'inscriront plus clairement dans le développement de leur territoire. Leurs missions sont recentrées sur leurs rôles d'aménageur et de gestionnaire du domaine et ils n'interviendront plus, sauf cas exceptionnels, dans les activités de manutention. Il leur reviendra de développer les activités du port, notamment les dessertes terrestres, dont l'objectif fixé par le Grenelle de l'environnement est de doubler leur part de marché dans les années à venir. Chaque port devra décliner ses missions, dans les trois mois suivant la promulgation de la loi, dans un projet stratégique faisant l'objet d'une contractualisation avec l'Etat et, s'ils le souhaitent, les régions, départements et grandes communautés urbaines concernés.

S'agissant ensuite de la gouvernance des grands ports maritimes, M. Dominique Bussereau a indiqué que le projet de loi instituait dans chacun d'eux un conseil de surveillance et un directoire, ce système devant permettre une meilleure réactivité des établissements portuaires et une distinction plus nette entre missions de contrôle et gestion courante. Le conseil de surveillance comprend seize membres, dont cinq représentants de l'Etat, quatre des collectivités territoriales, trois des salariés de l'établissement et quatre personnalités qualifiées. Le directoire est composé selon les ports de deux à quatre membres, qui peuvent être issus du monde de l'entreprise et, en particulier, de grands ports européens tels que ceux d'Anvers ou de Hambourg.

M. Dominique Bussereau a fait valoir que ces deux instances s'appuieraient, dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, sur les avis émis par un conseil de développement associant l'ensemble des parties prenantes telles que collectivités territoriales, associations de défense de l'environnement et représentants des salariés notamment. Ce conseil de développement est obligatoirement consulté sur les décisions les plus importantes et en particulier sur le projet stratégique et les tarifs.

Soulignant la nécessité pour les ports français de travailler ensemble, M. Dominique Bussereau a ensuite évoqué les dispositions du projet de loi encourageant la coordination entre les ports d'une même façade maritime ou d'un même axe fluvial, citant à titre d'exemple Dunkerque et Lille, Le Havre, Rouen et Paris ou encore Nantes, La Rochelle et Bordeaux. Cette coordination, nécessaire en matière de politique commerciale et d'investissement, se traduit par la possibilité de créer un conseil de coordination entre les ports maritimes et fluviaux relevant de l'Etat. Ce conseil définit dans un document-cadre les principaux éléments de coordination, comme par exemple la mutualisation de moyens. Il ne s'agit pas de fusionner les ports français, mais simplement d'optimiser leur fonctionnement au service de la politique portuaire nationale.

M. Dominique Bussereau a enfin abordé le quatrième volet du projet de loi qui tend à mettre en place un commandement unique pour les activités de manutention afin d'améliorer la productivité, d'augmenter les investissements et de rétablir la confiance des grands clients des ports, armateurs et chargeurs. Les grands ports maritimes devront transférer les outillages qu'ils possèdent à des opérateurs dans les deux ans de l'adoption de leur projet stratégique. Toutefois, ces transferts ne se feront pas selon les mêmes modalités pour tous les terminaux et chaque port décidera des transferts le concernant, au cas par cas, terminal par terminal. Dans le cas où il n'existerait pas, pour certains ports, de repreneur de l'activité, le projet de loi laisse la faculté au port d'agir, si le projet stratégique le justifie, par l'intermédiaire de filiales.

M. Dominique Bussereau a rappelé que le plan de relance des ports français avait été annoncé par le Premier ministre, le 14 janvier dernier, le Président de la République ayant lui-même évoqué le sujet à la fin de l'année dernière. Depuis ces annonces, l'esprit de concertation a prévalu et le dialogue avec les syndicats se poursuivra pendant la discussion du projet de loi et après son adoption, afin qu'ils puissent déterminer les conditions dans lesquelles les agents affectés aux opérations de manutention intégreront les opérateurs de terminaux. Le projet de loi confie ainsi aux partenaires sociaux le soin de parvenir, d'ici au 31 octobre  2008, à un accord-cadre définissant les conditions ainsi que les mesures d'accompagnement social de la réforme. Insistant sur le fait que personne ne serait laissé sur le bord du quai et qu'aucun licenciement n'aurait lieu, le ministre a indiqué que les agents qui n'intégreraient pas les opérateurs de terminaux resteraient au sein des grands ports maritimes ou de leurs filiales où ils évolueront vers de nouvelles missions. En outre, le projet de loi prévoit la faculté pour le salarié de réintégrer la structure du port, en cas de difficulté économique de l'entreprise d'accueil, dans les cinq ans suivant son transfert.

M. Dominique Bussereau a ensuite souligné la volonté de l'Etat de mettre en oeuvre un ambitieux programme d'investissements, précisant qu'il doublerait sa participation pour la période 2009-2013, à hauteur de 445 millions d'euros. Au total, les investissements s'élèveront à 2,7 milliards d'euros répartis sur l'ensemble des grands ports maritimes.

Enfin, M. Dominique Bussereau a indiqué que les textes réglementaires étaient en cours d'élaboration et que les avant-projets de ces textes seraient présentés lors de l'examen du projet de loi en séance. Il s'est déclaré sensible à l'importance que le Sénat accordait à la publication rapide des décrets d'application. S'agissant de la procédure d'urgence, le ministre a estimé qu'il convenait que cette réforme soit adoptée rapidement compte tenu du climat social qui l'entourait.

M. Jean-Paul Emorine, président a rappelé que la commission s'était félicitée de l'action entreprise par M. Dominique Bussereau, en qualité de ministre de l'agriculture, pour la publication des décrets consécutifs à la loi relative au développement des territoires ruraux.

Puis M. Charles Revet, rapporteur, est intervenu, rappelant que le projet de loi était très attendu au regard de l'enjeu que représente le développement des ports pour l'ensemble de l'économie française, comme cela lui avait été confirmé au cours de ses auditions et de la visite des ports de Hambourg et d'Anvers.

Il a ensuite posé plusieurs questions :

- quel serait le rôle des conseils de surveillance, dans la mesure où les conseils d'administration actuels sont parfois accusés de n'être que des chambres d'enregistrement, ce qui explique notamment un fort taux d'absentéisme ?

- la durée du mandat des présidents de directoire leur permettra-t-elle d'engager une action réellement efficace ?

- quel sera exactement le rôle des collectivités territoriales dans la nouvelle gouvernance ?

- quelle sera l'autonomie réelle des ports après la réforme, s'agissant notamment de la capacité à prendre des décisions rapides en matière d'investissements lourds ?

- quelles seront les possibilités ouvertes aux grands ports français en matière de développement à l'international, à l'instar de ce qui existe déjà pour les ports d'Anvers et d'Hambourg ?

- quelles sont les intentions du Gouvernement en termes de programmation des projets portuaires, notamment à l'occasion d'un comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT) ?

- est-il possible de renforcer les contrats pluriannuels, éventuellement en les rendant obligatoires ?

Lui répondant, M. Dominique Bussereau a fourni les informations suivantes :

- les conseils de surveillance ont vocation à définir les orientations stratégiques, à contrôler effectivement le fonctionnement du port, et à décider de ses investissements majeurs ;

- le président du directoire est désigné pour cinq ans et disposera de capacités d'action importantes ;

- l'autonomie de grands ports est renforcée et effective, ce qui implique notamment la suppression des autorisations préalables de travaux données par l'Etat, ainsi que la possibilité pour les ports d'investir là où cela sera jugé utile, comme par exemple dans des activités de logistique, dans des ports secs ou hors des frontières nationales. Pour favoriser un meilleur exercice de cette autonomie, il est nécessaire que les cinq représentants de l'Etat au conseil d'administration disposent d'une vision commune ;

- initialement, il était prévu que les contrats pluriannuels d'objectifs soient obligatoires, ce qui n'est plus le cas dans la version actuelle du texte ;

- la première loi relative au Grenelle de l'environnement fixera des objectifs stratégiques en matière de transports sans pour autant exclure qu'un CIACT puisse se tenir avant l'été et que -comme cela a déjà été évoqué avec M. Daniel Paul, député- ce comité soit éventuellement consacré aux seuls ports.

M. Jean-Paul Emorine, président a déclaré que la commission était favorable au principe d'un CIACT consacré aux ports.

M. Gérard Le Cam, tout en rappelant l'importance du développement des ports, s'est déclaré opposé au projet de loi, estimant que celui-ci procédait d'une volonté inavouée de privatisation. Il a rappelé que lors de la réforme de 1992 concernant les dockers, 50.000 créations d'emplois avaient été annoncées, alors que dans les faits on avait constaté à une division par deux des effectifs.

Il a fait part de ses inquiétudes en termes d'aménagement du territoire quant à un risque de hiérarchisation des ports, qui pourrait se traduire par la spécialisation, voire la remise en cause de l'existence des ports les moins importants.

Il a en outre jugé incohérent de procéder à l'examen de la loi par le Parlement et de poursuivre parallèlement les négociations avec les personnels, rappelant que le principal obstacle au développement des ports jusqu'à présent avait été la faiblesse des investissements de l'Etat et non les problèmes sociaux, ces derniers n'expliquant que 5 à 7 % des difficultés rencontrées. Il a rappelé la préférence de plusieurs syndicats pour des formules de mise à disposition des personnels plutôt que pour les dispositifs envisagés dans le projet de loi.

Il a enfin demandé à pouvoir disposer de l'avis du Conseil d'Etat sur le texte.

M. Bruno Sido a, pour sa part, estimé particulièrement intéressant de rapprocher les deux informations selon lesquelles, d'une part, la productivité des grands ports français était deux fois plus faible que celle d'Anvers et de Hambourg et, d'autre part, le fait que la moitié des marchandises importées en France par la voie maritime avait transité par des ports étrangers.

Il s'est aussi interrogé sur la capacité de « l'hinterland » des ports français à accueillir le doublement ou le triplement du trafic espéré par certains, évoquant à ce titre la question du contournement du grand Paris ou des ports secs, tels que celui de Chalindrey. Tout en regrettant l'insuffisante participation de la SNCF au développement de ce dernier site, il s'est demandé si les ports secs allaient désormais s'engager dans des politiques de contractualisation avec les ports maritimes.

Après avoir souligné la nécessité pour l'Etat et les entreprises de respecter leurs engagements d'investissements dans les ports français, M. Charles Josselin a fait part de ses doutes sur la justification de la réforme proposée par le projet de loi, qui pourrait se traduire uniquement par la privatisation des 2.000 portiqueurs, actuellement sous statut public. Estimant que le constat du déclin des ports français à l'échelle européenne devait être nuancé au regard de la progression substantielle du trafic enregistré au cours des dernières années, il a jugé que leur faiblesse principale était liée à la gestion des conteneurs et à une moindre adaptation par rapport aux exigences du trafic maritime qui requiert des investissements lourds dans les infrastructures portuaires, ferroviaires et fluviales. Dès lors, il s'est demandé si la dualité observée dans le commandement et la gestion des infrastructures portuaires suffisait à elle seule à expliquer ces difficultés, compte tenu de l'insuffisance des moyens dont dispose l'Etat pour investir dans les grues et les portiques. Reconnaissant que certaines expériences, comme celle du port de Dunkerque, avaient démontré que la participation du secteur privé permettait de moderniser certaines infrastructures, il s'est demandé si la généralisation de ces expériences serait de nature à favoriser la réalisation des investissements nécessaires. Enfin, il a noté que l'avance dont bénéficient certains ports, comme celui de Rotterdam, était également liée aux investissements immatériels, dans le domaine des services financiers ou des assurances, qui jouent un rôle important dans la décision des armateurs de transiter par un port déterminé.

Puis il a fait part de ses interrogations sur l'intégration dans les nouvelles entreprises des portiqueurs, notamment dans les nouveaux ports qui ne compteront plus dans leurs compétences les tâches de déchargement des conteneurs. Il a demandé des précisions sur le fait que le projet de loi offre aux grands ports maritimes la possibilité uniquement « à titre exceptionnel » d'exploiter les outillages utilisés pour les opérations de chargement, de déchargement, de manutention et de stockage liées aux navires. En outre, il s'est interrogé sur la place accordée aux collectivités territoriales dans les conseils de surveillance des ports, notamment aux régions, qui ont vu leurs compétences renforcées en ce domaine, et sur l'opportunité d'élargir l'expérimentation menée actuellement sur la zone de chalandise des ports normands.

Relevant que l'accroissement du transport des marchandises s'effectuait actuellement à partir des ports, M. Daniel Reiner a exprimé ses préoccupations sur le développement des infrastructures permettant de distribuer ces marchandises sur le territoire français. Prenant l'exemple de Port 2000 au Havre, qui a reçu d'importantes subventions publiques, il a jugé que les investissements pour permettre la distribution des marchandises avaient quant à eux été insuffisants. Il s'est en conséquence interrogé sur l'état de la réflexion stratégique en matière de circulation des marchandises et de création de noeuds d'échanges, notant par ailleurs que la SNCF faisait circuler 100 trains chaque semaine pour évacuer des marchandises du port d'Anvers, dont l'essentiel à destination de l'Allemagne. Il a enfin demandé des précisions sur le calendrier et la nature des 2,7 milliards d'euros d'investissements promis par le Gouvernement dans le secteur portuaire.

S'interrogeant sur les clefs d'explication de la faiblesse de la France en Europe dans le domaine portuaire, situation paradoxale au regard de l'importance de ses façades maritimes, M. Dominique Braye s'est demandé si le projet de loi était à la fois suffisamment ambitieux pour redonner à la France la place qu'elle doit occuper dans ce secteur et trop ambitieux compte tenu de la modicité des moyens financiers dont dispose aujourd'hui l'Etat pour moderniser les ports.

En réponse, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a apporté les précisions suivantes :

- la réforme proposée a pour objet de procéder à une meilleure spécialisation et à une meilleure coordination des ports français, au nombre de sept en France métropolitaine, afin notamment de favoriser l'émergence d'une politique commerciale coordonnée entre certains d'entre eux ;

- la concertation sur le projet de loi a été initiée de manière informelle dès le mois d'octobre 2007 et de manière officielle dès le 14 janvier dernier et elle a donné lieu à une centaine de réunions avec les syndicats qui y ont pleinement participé ;

- le projet de loi définit un système de base, mais rien n'interdit aux partenaires sociaux de négocier, dans chaque port, des dispositions plus favorables ;

- les ports français disposent aujourd'hui de capacités de développement importantes, à l'image de Port 2000, doté de six portiques, ou de Fos ;

- certains ports français se caractérisent par la faiblesse de leurs infrastructures de desserte qui se résorbe progressivement, comme le démontre le raccordement ferroviaire en cours du port de Dunkerque ou du Havre ;

- à l'occasion du dernier conseil informel de l'Union européenne des ministres chargés des transports, la question du développement des autoroutes de la mer a été débattue. Une commission intergouvernementale a été créée entre l'Espagne, le Portugal et la France s'agissant de la façade atlantique et les négociations se poursuivent pour la façade Méditerranée entre l'Espagne, la France et l'Italie ;

- la rentabilisation des autoroutes de la mer nécessite le versement d'aides financières, une fréquence importante du trafic, une grande régularité des convois et une importante capacité d'absorption des marchandises ;

- la France dispose d'une forte capacité à développer des ports secs ;

- l'amélioration des capacités logistiques françaises ne concerne pas exclusivement la SNCF, comme le démontre l'exemple réussi de développement de la plate-forme multimodale de Dourges, située dans la région Nord-Pas-de-Calais ;

- l'alliance entre la SNCF et Geodis devrait permettre aux acteurs français de proposer des services de transports de marchandises plus efficaces à l'échelle mondiale ;

- la réalisation effective des investissements dans les ports est essentielle et l'Etat entend tenir ses engagements à cet égard, ce qui n'exclut pas la mobilisation des investissements privés ;

- l'expression « à titre exceptionnel » signifie que l'exploitation des équipements concernés ne figure pas parmi les compétences de droit commun des grands ports maritimes, mais ouvre la possibilité de la leur confier, si aucune autre solution ne peut être trouvée ;

- quatre places sont réservées aux collectivités territoriales dans les conseils de surveillance des ports, pour la région, le département, la commune et la structure intercommunale, même s'il est vrai que les régions jouent désormais un rôle primordial en la matière, notamment au travers des contrats de projet Etat-régions ;

- la France entend maintenir à 40 unités le tonnage maximal autorisé pour la circulation des camions, compte tenu des conclusions du Grenelle de l'environnement, même si la possibilité de faire circuler des convois de 44 tonnes reste ouverte sur décision de l'autorité préfectorale pour le transit de certaines marchandises comme les céréales ou le bois. Il n'est pas actuellement envisagé d'expérimenter la circulation de convois de 60 tonnes ;

- le plan d'investissement de l'Etat dans les ports sera exécuté sur la période 2009-2013 ;

- de nombreux rapports, notamment l'un émanant de la Cour des Comptes, ont pointé les faiblesses françaises et parviennent aux mêmes conclusions pour y remédier, en proposant d'unifier les tâches de maintenance, de modifier les règles de gouvernance et de procéder à des investissements ;

- la plupart des parties concernées sont en accord avec les objectif de la réforme, qui apparaît aujourd'hui nécessaire pour donner un véritable élan au développement des ports français ;

- la France dispose de véritables atouts pour se hisser au premier rang européen, notamment l'existence d'une flotte de commerce importante, qui tend à se développer.

Enfin, en réponse à M. Daniel Reiner, M. Dominique Bussereau a confirmé que les investissements prévus par l'Etat transiteront par l'intermédiaire de l'Agence de financement des infrastructures de transport (AFIT).

Chasse - Amélioration et simplification du droit - Examen des amendements

Puis la commission a examiné les amendements sur la proposition de loi n° 269 (2006-2007) pour l'amélioration et la simplification du droit de la chasse.

Article ou division

Objet de l'article

N° d'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Article 2

 

5

M. Gérard Le Cam et les membres du groupe CRC

Défavorable

Article 12

 

1 rectifié

MM. Jean-Marc Pastor, Jean-Louis Carrère et les membres du groupe socialiste

Défavorable

Article 16

 

2 rectifié

MM. Jean-Marc Pastor, Lean-Louis Carrère et les membres du groupe socialiste

Favorable sous réserve de rectification

Article 19

 

6

M. Gérard Le Cam et les membres du groupe CRC

Défavorable

Article additionnel après l'article 21

 

3

M. Alain Vasselle

Demande de l'avis du Gouvernement

Article additionnel après l'article 21

 

7

M. René Beaumont

Défavorable

Union européenne - Politique agricole commune - Audition de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

La commission a enfin procédé à l'audition de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la politique de son ministère et le bilan de santé de la politique agricole commune (PAC).

En préambule, M. Michel Barnier a fait le point sur le dossier de la fièvre catarrhale ovine (FCO), et plus particulièrement sur les délais exigés par les autorités italiennes, avec l'aval des institutions communautaires, en matière de traitement des broutards français en vue de leur commercialisation : un mois entre la première et la seconde vaccination et deux mois après cette dernière et l'exportation. 200.000 animaux sont actuellement stockés et engraissés en attendant de pouvoir être commercialisés. La France a réalisé, la première, un important effort de vaccination, en mettant à disposition 40 millions de doses de vaccin disponibles progressivement sur tout le territoire, au fur et à mesure de leur fabrication par les laboratoires, et il a été obtenu un raccourcissement du second délai de quatre semaines imposé par l'Italie qui doit permettre dans les tout prochains jours la reprise des exportations de broutards.

A moins de deux mois du début de la présidence française de l'Union européenne, il a rappelé le double enjeu de son action, à savoir la promotion d'une agriculture stratégique durable d'une part, et la mise en oeuvre de politiques publiques en faveur des agricultures dans le monde, d'autre part. Insistant sur la dimension européenne et internationale de la politique agricole dans la promotion de la sécurité alimentaire mondiale, que la France défend ardemment, bien au-delà de ses propres intérêts économiques, il a jugé que les émeutes de la faim actuelles ne pouvaient en aucun cas trouver une solution dans le démantèlement de ces politiques, parce que la cause en incombait au recul de l'investissement dans le secteur agricole, et non au seul dumping agricole pratiqué par les pays développés. Constatant l'échec des politiques agricoles des pays en voie de développement (PVD), tournées uniquement vers l'exportation de produits agricoles, en-dehors de toute considération des besoins alimentaires de leurs populations, il s'est félicité de ce que des institutions internationales telles que la Banque mondiale se mobilisent afin de garantir la sécurité alimentaire dans le monde par la mise en oeuvre de projets agricoles régionaux permettant une mutualisation de la gestion des risques et de la production. Il a illustré son propos en annonçant l'organisation d'une conférence à Bruxelles, le 3 juillet prochain, intitulée « Qui va nourrir le monde ? ».

Dans le cadre de la préparation de la présidence française de l'Union européenne, il a exposé sa double ambition de conclure le bilan de santé de la PAC, ainsi que d'ouvrir le débat avec les 26 autres Etats membres sur sa réforme, qui sera négociée en même temps que les perspectives financières 2013-2020.

S'agissant du bilan de santé de la PAC, il s'est déclaré raisonnablement optimiste après le Conseil des ministres du 17 mars dernier. Dans l'attente de la proposition de règlement de la commission, le 20 mai prochain, il a indiqué que ce bilan donnait lieu à un véritable débat politique. Evoquant la position initiale de la Commission qui, d'inspiration très libérale, recommande un abandon progressif des outils de régulation des productions et préconise la transformation de la PAC en une politique de développement rural par une augmentation de la modulation, il a tenu à rappeler l'accueil « courtois », mais sans concession, que la France avait réservé à ces orientations.

Se félicitant du travail exemplaire de la présidence slovène, qui a pris en compte les préoccupations des Etats membres lors du Conseil des ministres du 17 mars dernier, ainsi que des nombreux échanges avec la commissaire européenne à l'agriculture, Mme Mariann Fischer Boel, et ses homologues, il s'est déclaré satisfait d'avoir défendu avec succès et force une PAC plus prévoyante, plus équitable et plus durable. Il a précisé avoir pour objectif, dans le cadre de cette première étape, de consolider la dimension économique de la PAC et d'introduire le plus de souplesse possible à l'intérieur du premier pilier.

Il a ensuite présenté ses deux objectifs dans les négociations européennes, d'une part la rénovation des mécanismes de stabilisation des marchés dans l'intérêt des consommateurs et des agriculteurs et, d'autre part, un soutien aux productions plus en phase avec les réalités des marchés et les objectifs d'une agriculture durable et territorialisée.

Il a fait observer que la rénovation des mécanismes de stabilisation des marchés, point fort de la négociation, devait se traduire par la mise en place d'un dispositif de gestion des risques climatiques et sanitaires. Il s'est félicité du changement de position de la Commission quant au financement de ce dispositif. Alors que celle-ci ne l'avait envisagé initialement que dans le cadre du second pilier, elle prévoyait désormais d'en assurer le financement dans le premier pilier, conformément au souhait de la France.

Il a ajouté qu'un autre levier au service de cette stabilisation des marchés résidait dans une plus grande responsabilisation des filières et une sécurisation juridique de leurs moyens d'intervention. Le mémorandum demandé par le Président de la République tend notamment à l'organisation des interprofessions pour une meilleure mutualisation des moyens et services et a été bien accueilli par une dizaine d'Etats membres lors de sa présentation au Conseil, même si la Commission a émis quelques réticences au regard du droit de la concurrence.

Annonçant avoir obtenu le maintien des mécanismes de gestion des marchés, comme les mesures d'intervention, il a affirmé demeurer très vigilant sur les projets de règlements, dont celui sur les céréales. S'agissant des quotas laitiers, il a fait valoir qu'il n'y avait aujourd'hui aucune minorité de blocage pour s'opposer à leur suppression à partir de 2014/2015 sous réserve, cependant, de deux conditions qu'il a estimées non négociables : la contractualisation de la production et un soutien à la production laitière en montagne.

Satisfait des ouvertures proposées par le texte du Conseil sur l'objectif de stabilisation des marchés, dont il a souligné que la négociation ne faisait que commencer, il a abordé le second objectif de son ministère, à savoir le meilleur équilibre du soutien entre les productions et les objectifs d'une agriculture durable et territorialisée. Il a soutenu l'ouverture du champ de l'article 69, devenu dans les projets de règlements l'article 58. Il s'agit de réorienter les aides à l'intérieur du premier pilier pour un meilleur soutien à certaines filières telles que le secteur ovin, celui du lait en montagne, l'agriculture biologique, les fruits et légumes, les protéagineux et plus généralement l'ensemble des productions animales à l'herbe.

Une telle redistribution est très ambitieuse, la Commission européenne n'ayant envisagé l'utilisation de l'article 69 que pour soutenir la production de lait en montagne après la suppression des quotas laitiers en 2015. Il convient d'obtenir une plus grande souplesse sur le taux de prélèvement dans le cadre de cet article, limité aujourd'hui à 10%, sur ses modalités et sur son utilisation.

Rappelant les enjeux de l'évolution de la PAC à l'horizon 2012 et la nécessaire adaptation de la position française, il a affirmé la nécessité d'une réduction des écarts entre les niveaux de soutien, les références historiques françaises ne pouvant, à cet égard, être maintenues, et émis des réserves quant à la régionalisation des aides, constatant qu'une prime unique à l'hectare n'était pas la voie nécessairement la plus adaptée pour garantir la légitimité et la pérennité de la PAC de l'après 2013. Il s'est déclaré, au contraire, favorable à une diversification de ses outils pour faire face aux risques, à un meilleur équilibre dans la répartition des aides et au maintien d'outils d'orientation des productions.

Puis il a exprimé ses réserves sur la proposition de la Commission d'une modulation des aides de 2 % par an à partir de 2010 pour renforcer le second pilier, pour des raisons notamment budgétaires. La PAC doit conserver des objectifs ambitieux et promouvoir une agriculture vertueuse sur le plan environnemental, ce qui autorise une réorientation des aides du premier pilier vers des systèmes de production durables. Observant qu'un grand nombre de partenaires européens, dont notamment les nouveaux Etats membres et l'Allemagne, partageaient ses réticences face au renforcement du second pilier, il est toutefois convenu que la Commission ne semblait pas, à ce jour, sensible à ses arguments sur ce point.

En conclusion sur le bilan des négociations sur la PAC, il a évoqué les contraintes imposées par le calendrier communautaire, notamment en raison des élections européennes et du renouvellement de la Commission à venir. Il convient de rester vigilant et actif dans la perspective d'obtenir simultanément, pour la mi-novembre, un accord politique au Conseil des ministres de l'agriculture et un avis favorable du Parlement européen sur ce compromis dans le cadre nouveau de la co-décision, début 2009.

A propos de l'ouverture du débat sur la PAC de l'après 2013, il a jugé que la présidence française devait être utilisée afin d'anticiper et d'éviter que le « temps budgétaire » ne conditionne et ne contraigne le « temps politique ». Il a jugé crucial, au regard de ces enjeux, d'ouvrir le débat avant les discussions budgétaires, qui débuteront dès 2010. Il a insisté sur la position française consistant à promouvoir l'agriculture comme un actif stratégique ambitieux pour l'Europe. La PAC, qui s'inscrit dans un monde sans cesse en mouvement, doit être élaborée avec la Commission, le Parlement européen et toutes les forces vives, dont les agriculteurs, pour une meilleure une politique alimentaire, agricole et territoriale.

Défendant son ambition de placer l'agriculture au coeur des enjeux majeurs de la planète, il a annoncé que le renforcement des contrôles sanitaires aux frontières européennes constituait aujourd'hui une priorité, ajoutant à cet égard que l'alimentation des Européens et leur cadre de vie ne devaient pas être abandonnés à la spéculation financière et au moins-disant sanitaire ou environnemental.

De tels objectifs seront débattus à Annecy les 21, 22 et 23 septembre prochains lors du conseil informel, en vue de dégager un consensus parmi les 27 participants. Il faut éviter toute interférence avec l'exercice sur le bilan de santé, l'objectif de la France étant l'adoption d'un texte sur les principes et l'avenir de la PAC lors du Conseil des ministres de l'agriculture de décembre, juste après l'accord prévu sur ce bilan de santé.

Après avoir fait observer que cette politique agricole ne pouvait exister sans une préférence européenne renforcée, il a déclaré, s'agissant des négociations menées dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce (OMC), que la France s'opposait à la conclusion d'un accord à tout prix. Rappelant l'ensemble des efforts de l'Union européenne sur le soutien à l'exportation et l'accès au marché, et jugeant qu'aucune avancée n'avait été enregistrée sur les autres volets de la négociation, il a réfuté également l'idée qu'un accord à l'OMC constituerait la solution aux actuelles émeutes de la faim. Un grand nombre d'études montrent que les pays les plus pauvres, notamment d'Afrique sub-saharienne, seraient particulièrement désavantagés par un tel accord global.

Pour résoudre la crise alimentaire, il ne s'agit pas seulement de produire dans les zones rentables ou développer les échanges, mais de produire davantage et de façon efficiente dans toutes les régions du monde. L'augmentation de la production agricole sur l'ensemble de la planète, et particulièrement en Afrique, constitue la clé de la sécurité alimentaire, comme en témoignent également les préconisations de la Banque mondiale dans son dernier rapport sur l'agriculture.

Concluant sur la place de l'agriculture dans l'Union européenne, qu'il a présentée comme étant tout à la fois une puissance politique, un marché régulé et une communauté solidaire avec des politiques intégrées, il s'est déclaré convaincu de la nécessité de défendre la politique agricole comme outil stratégique de développement national et international.

Après avoir remercié le ministre de son action pour conjurer l'épidémie de FCO, M. Gérard Bailly a souligné la vulnérabilité des exploitations agricoles en matière sanitaire, climatique et économique. Appelant à la mise en place, à l'occasion du bilan de santé de la PAC, de dispositifs permettant de réagir aux crises en adaptant de façon rapide le soutien aux divers types de production selon leurs besoins, il a fait remarquer la brutalité du retournement de conjoncture dont avait été l'objet l'agriculture mondiale depuis l'année passée. Il a estimé que les objectifs fixés dans le « Grenelle de l'environnement » en matière d'autonomie énergétique des exploitations nécessiteraient d'importants investissements, dont devraient tenir compte ses traductions législatives et financières. Il est convenu qu'il serait difficile d'éviter la suppression future des quotas laitiers, mais qu'il faudrait qu'elle soit progressive afin d'éviter toute déstructuration de la filière. Rapportant l'inquiétude des éleveurs de montagne, il a insisté sur la distinction à maintenir entre la prime herbagère agri-environnementale (PHAE), octroyée au-delà des seules zones de montagne, et l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), qui relève d'une autre logique. Considérant qu'il valait effectivement mieux sortir le dossier agricole des négociations de l'OMC, il s'est demandé si l'ampleur des contraintes pesant sur la filière élevage, notamment le niveau élevé du cours des céréales, n'allait pas entraîner une conversion de très nombreuses exploitations vers d'autres productions.

M. Charles Revet a fait observer que la PAC, si elle n'avait pas pour objectif direct l'aménagement des territoires, comportait des mesures ayant sur ce point une influence substantielle. Jugeant favorablement, à cet égard, le soutien ministériel au secteur de l'élevage ovin, il a attribué l'origine de la crise dont a souffert durablement la filière porcine aux aides que percevraient les éleveurs allemands pour récupérer du méthane. Notant que d'importants problèmes d'érosion des sols étaient dus, dans sa région, au surcroît d'aide dont bénéficie le maïs fourrage par rapport aux productions herbagères, il s'est interrogé sur les moyens de renforcer le soutien à ces dernières.

M. Marcel Deneux a souhaité voir intégrés les enjeux environnementaux et de société, notamment ceux touchant à la place de la viande rouge dans l'alimentation humaine, dans la politique d'aide à l'élevage. Estimant que les groupes de pression défendant les productions végétales étaient aujourd'hui bien plus puissants que ceux des productions animales, en France comme en Europe, il a fait remarquer la différence d'approche américaine dans le domaine agricole, les Etats-Unis s'attachant plus à sa dimension commerciale qu'à sa fonction productive. Se félicitant à cet égard de ce que le ministre ait rappelé que le commerce ne crée pas en lui-même de production, il a regretté que la France n'ait pas accordé plus d'importance aux personnes qu'elle déléguait dans des institutions stratégiques, comme l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Appelant à durcir les négociations en matière de quotas laitiers, tant pour des motifs d'aménagement du territoire que parce que le marché ne reflète pas naturellement, dans cette filière, ses structures de production, il s'est déclaré favorable à l'agriculture bio dès lors que ses objectifs demeurent réalistes. Ainsi, la moindre productivité de ce type d'agriculture par rapport à celle de nature conventionnelle devrait dissuader de vouloir l'étendre à l'ensemble des surfaces utiles, sous peine de ne pouvoir nourrir une population mondiale en accroissement structurel. Enfin, il a souligné que les changements de direction au sein du ministère de l'agriculture et de la pêche, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), auraient des conséquences notables sur le traitement respectif à long terme des secteurs des productions végétales et animales.

En réponse aux divers intervenants, M. Michel Barnier a apporté les éléments de précision suivants :

- les problèmes sanitaires risquent, du fait de l'accroissement des échanges internationaux et du réchauffement climatique, de se multiplier à l'avenir, rendant nécessaire un renforcement des contrôles et la mise en place d'une politique sanitaire commune avec les pays du bassin méditerranéen ;

- plus que d'aides aux agriculteurs, il convient de parler d'investissements, propres à assurer la diversité, la sécurité et la productivité de notre agriculture, ainsi que d'un aménagement satisfaisant des territoires. Il convient de négocier dès à présent auprès des institutions communautaires, dans la perspective de la prochaine réforme de la PAC prévue en 2013, une plus grande adaptabilité des subventions agricoles en fonction des variations des marchés ;

- les problématiques agricoles ont été évoquées de façon volontariste lors du « Grenelle de l'environnement », les mesures en découlant devant à présent être réunies, avec d'autres, au sein d'un grand plan en faveur d'une agriculture durable. L'utilisation des crédits du second pilier de la PAC pour la valorisation énergétique des exploitations devrait être possible dans ce cadre ;

- le dispositif des quotas laitiers doit faire l'objet d'une approche prudente, leur augmentation de 2 % pour cette année étant le fruit d'un compromis avec les institutions communautaires. La mutualisation du surplus de quotas par région et la moindre augmentation des cours du lait bénéficiant d'une appellation d'origine (AO) justifient la nécessité de donner une importance particulière aux zones de montagne dans la redistribution des crédits du premier pilier ;

- la discussion sur la répartition des enveloppes financières entre PHAE et ICHN aura lieu en 2011, lors de la révision des zonages ;

- la crise du porc tient avant tout à l'augmentation du prix des céréales servant à l'alimentation des animaux. Le dispositif de soutien allemand doit être analysé, l'Allemagne ayant également mis en place un système d'aides interprofessionnelles financées par des contributions prélevées sur les producteurs durant les périodes de conjoncture favorable. Elles permettent de réaliser des activités de recherche et des actions de promotion. De tels mécanismes pourraient financer sur une base similaire des mécanismes assurantiels ;

- les productions herbagères permettent de diminuer les risques naturels liés aux sols. Il faut obtenir de l'Union européenne la possibilité de prélever 15 %, et non seulement 10 %, au titre de l'article 58, et travailler sur la définition d'une prime à l'herbe ;

- le commerce ne crée pas, à lui seul, les productions agricoles dont ont besoin les pays en voie de développement, comme le montre l'exemple de la culture du riz au Sénégal. Il est regrettable que la France et les grandes institutions internationales et européennes n'aient plus de politique de coopération en matière agricole et actuellement la France redéploie des postes d'attachés au sein du ministère pour en créer dans des pays émergents ;

- la réorganisation du ministère de l'agriculture et de la pêche vise à asseoir sa légitimité, alors que sa pérennité a pu être récemment discutée. Profitant au monde agricole dans son ensemble, elle donnera lieu à une fusion de l'école nationale des Ponts et chaussées (ENPC) et de celle du Génie rural des eaux et forêts (ENGREF), à la constitution d'une direction générale des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires, à un renforcement des directions régionales, à la création d'un service d'étude et de prospective, à une fusion des offices et à la mise en place d'une agence unique des paiements.

M. Bruno Sido a craint que le retrait du marché d'une part substantielle des produits phytosanitaires ne rende nécessaire la mise au point de molécules alternatives au coût dissuasif pour les agriculteurs. Prônant une politique agricole plus souple, mais aussi plus équilibrée entre productions et territoires, il s'est étonné de l'absence d'anticipation de la flambée du cours des matières premières agricoles. Appelant de ce point de vue à développer des instruments de prévision et à mettre en place des mesures adaptables en fonction des évolutions conjoncturelles, il a déploré l'absence d'intégration des zones de production dites « intermédiaires » dans la politique agricole. Citant une étude menée dans son département et montrant que le secteur céréalier n'y était pas le plus soutenu, il a recommandé de porter une plus grande attention à ces zones, au risque sinon que l'activité agricole ne disparaisse.

M. Daniel Soulage s'est réjoui de la priorité affichée sur les notions de prévoyance, de durabilité et d'équité dans l'élaboration de la politique agricole. Se félicitant de l'élargissement du domaine sanitaire à l'activité économique des mécanismes de couverture des risques, et notamment de la possibilité ouverte à l'interprofession de s'investir en la matière dans le secteur des fruits et légumes, il a jugé très favorablement le programme ministériel incitant à la consommation de fruits dans les écoles. Enfin, il a interrogé le ministre sur la prise en charge des conséquences économiques du gel de printemps pour les agriculteurs en difficulté.

M. Ambroise Dupont a tenu à préciser que la richesse en ressources naturelles de la région normande ne se traduisait pas en termes de revenus. Soulignant que les questions liées à la prime à l'herbe et aux AO ne concernaient pas que les régions de montagne, et appelant à une défense active des appellations françaises au moyen de ces primes, il a fait observer que les habitudes de consommation, et non le seul niveau des prix, avaient un rôle majeur dans la détermination du pouvoir d'achat.

Après que Mme Jacqueline Panis eut rapporté les inquiétudes des agriculteurs quant aux coûts qu'induirait pour eux une obligation d'autonomie énergétique sur leur exploitation, et la nécessité d'échelonner une telle mesure dans le temps, M. Daniel Dubois s'est demandé si l'agriculture, confrontée à une pression tout à la fois alimentaire, environnementale et commerciale, n'était pas sommée de concilier des éléments contradictoires. Appelant les pouvoirs publics à faire preuve, dans le domaine agricole autant qu'en matière d'aménagement du territoire, d'une grande pédagogie afin d'expliquer les évolutions positives qu'a réalisées le secteur ces dernières décennies, il a souhaité connaître la réaction du ministre face à une récente enquête d'un magazine hebdomadaire sur les abattoirs, ainsi que sur les mesures à prendre en vue de prévenir les dégâts causés sur les cultures par le gibier, dossier ignoré par la proposition de loi sur la chasse examinée le matin même en commission.

M. Benoît Huré a regretté que la Commission européenne ne prenne pas en compte les nouveaux défis auxquels est aujourd'hui confronté le monde agricole, et notamment la conciliation de l'agronomie et de l'écologie. Il a fait valoir que les ressources naturelles de l'Europe constituaient un atout qu'elle se devait de valoriser dans le secteur primaire.

En réponse aux divers intervenants, M. Michel Barnier a apporté les éléments de précision suivants :

- les mesures évoquées lors du « Grenelle de l'environnement » en matière d'agriculture durable seront intégrées, ainsi que d'autres lui étant antérieures, au sein d'un plan décennal d'action qui permettra de dessiner une véritable perspective en ce domaine ;

- l'ajustement des produits phytosanitaires aux exigences environnementales modernes nécessite un surcroît de recherche ;

- l'effort de simplification des procédures engagé par le ministère de l'agriculture et de la pêche sera poursuivi ;

- l'adaptabilité des droits à paiement uniques (DPU) aux variations de conjoncture est rejetée par la Commission européenne au nom des contraintes liées à la réglementation du commerce mondial dans le cadre de l'OMC, et ce, alors que les Etats-Unis octroient à leurs agriculteurs des aides contracycliques ;

- une meilleure prévisibilité de l'évolution des cours mondiaux de matières premières agricoles, qui devraient rester élevés du fait de l'augmentation de la demande mondiale, justifie la création, au sein du ministère, d'un service d'étude et de prospective ;

- la gestion des dégâts causés par le gel, actuellement recensés par les préfets dans les régions concernées, est rendue difficile d'un point de vue financier par l'absence de dotation du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA). Le bilan de santé de la PAC sera l'occasion de plaider pour la création d'un système assuranciel financé par des contributions volontaires obligatoires (CVO) ;

- l'octroi de la PHAE devra faire l'objet d'un rééquilibrage territorial au niveau national ;

- si elle ne doit pas être mise au service du développement rural, dont les objectifs sont extérieurs à ceux de la production primaire, la PAC peut en revanche constituer un instrument privilégié d'aménagement du territoire ;

- l'autonomie énergétique des exploitations agricoles, évoquée lors du « Grenelle de l'environnement », ne sera pas rendue obligatoire pour les agriculteurs et devra en tout état de cause se faire dans leur intérêt ;

- si l'agriculture doit par nature concilier des contraintes parfois contradictoires, l'Union européenne parvient en ce domaine à mener une politique équilibrée, notamment dans le partage des terres cultivables entre productions alimentaires, qui recouvrent 93 % de la surface agricole utile, et non alimentaires, qui occupent le reste des terres. L'objectif assigné à l'agriculture doit être de produire plus et mieux, et ce en faisant preuve de davantage de pédagogie et en investissant l'ensemble des champs du débat public, ainsi que l'illustrent la transmission régulière à tous les parlementaires des conclusions des conseils des ministres européens de l'agriculture, l'organisation de journées nationales d'information et de débat sur des thématiques agricoles, ou encore le déroulement actuel des assises « Animal et société » autour de trois groupes de travail consacrés respectivement au statut juridique de l'animal, à sa place dans la société et à sa dimension économique.