Mardi 1er avril 2008
- Présidence de M. Nicolas About, président -Egalité - Lutte contre les discriminations - Audition de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité
La commission a procédé à l'audition de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, sur le projet de loi n° 241 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, a rappelé que la législation européenne est abondante dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Le projet de loi a pour objet de poursuivre la mise en conformité du droit français au droit communautaire relatif à l'égalité de traitement. Il introduit trois séries de nouvelles dispositions dans le droit français :
- il précise les définitions de la discrimination directe et indirecte, ainsi que celle des faits constitutifs de harcèlement, au sens civil et non pénal du terme. Il assimile par ailleurs à une discrimination le fait d'enjoindre à quelqu'un de pratiquer une discrimination, ce qui permettra de donner à ces deux comportements les mêmes conséquences juridiques ;
- il affirme de manière explicite qu'un certain nombre de discriminations sont interdites : discriminations en matière de biens et services, de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux et d'éducation, fondées sur la race ou l'origine ethnique ; discriminations en matière de travail et d'emploi, fondées sur le sexe, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion, l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle ou les convictions ; discriminations pratiquées en raison de la maternité ou de la grossesse, sauf à ce qu'il s'agisse d'en assurer la protection ; discriminations fondées sur le sexe en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services ;
- il renforce les garanties qui sont accordées aux personnes victimes de discriminations en instaurant une protection contre les rétorsions qui peuvent frapper les personnes qui témoignent d'une discrimination.
L'ensemble des dispositions introduites seront d'application générale et immédiate. Elles s'imposeront aux personnes privées et aux collectivités publiques. Dans le domaine professionnel, elles vaudront donc de la même manière pour les personnes qui sont employées en vertu d'un contrat de droit privé que pour les fonctionnaires, y compris les magistrats, les militaires et les fonctionnaires des assemblées parlementaires.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, a par ailleurs indiqué que le Gouvernement intensifiera la lutte contre les discriminations en présentant prochainement deux projets de loi, l'un sur le statut du beau-parent, l'autre sur l'égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes.
Elle a ensuite abordé trois points soulevés lors du débat en première lecture à l'Assemblée nationale. Concernant la prise en compte de la paternité au même titre que la maternité, les directives transposées ont clairement posé le principe d'une asymétrie entre les principes de non-discrimination posés en raison de la maternité et ceux posés en raison de la paternité. Revenir sur cette asymétrie serait affaiblir le principe. La disposition prévoyant la possibilité d'enseignements réservés aux filles ou aux garçons a provoqué de nombreuses critiques, en particulier chez les membres de la Délégation aux droits des femmes. Pourtant, il ne saurait être question de remettre en cause le principe de mixité au sein des établissements scolaires. Enfin, il est vrai que l'exclusion des médias et de la publicité du champ des interdictions des discriminations fondées sur le sexe peut paraître curieuse. Mais le contenu des médias et de la publicité est explicitement laissé hors du champ de la directive 2004/113 et le principe de non-discrimination entre les hommes et les femmes doit s'articuler avec le principe de liberté d'expression, qui est aussi l'une des valeurs fondamentales communes aux Etats membres de l'Union européenne.
En conclusion, Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, a rappelé qu'une interprétation trop libre par rapport aux observations de la Commission européenne pourrait ouvrir la voie à de nouvelles mises en demeure, et le Gouvernement ne souhaite pas exposer la France à ce risque. Elle a déclaré mesurer combien cet exercice peut paraître contraint aux législateurs.
M. Nicolas About, président, puis M. Alain Gournac, se sont étonnés de l'utilisation du terme de « race » dans le texte et ont souligné que cette notion est contraire aux principes fondamentaux de la République.
Madame Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, a répondu que la directive 2000/43 relative à la lutte contre les discriminations fondées sur la race et l'origine ethnique dispose clairement que « l'Union européenne rejette toutes théories tendant à déterminer l'existence de races humaines distinctes. L'emploi du mot « race » dans la présente directive n'implique nullement l'acceptation de telles théories ».
M. Nicolas About, président, a estimé paradoxal l'emploi d'une notion dont on rejette l'utilisation.
Mme Muguette Dini, rapporteur, a déclaré qu'un certain nombre de définitions du projet de loi posent un problème. Par exemple, la définition de la discrimination directe prévoit que « constitue une discrimination directe la situation dans laquelle [...] une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait ». La dimension fictive de la comparaison introduite par la formulation « ne serait » est inquiétante car elle ouvre la porte à des condamnations fondées sur des hypothèses invérifiables : comment prouver qu'il n'y a pas discrimination si des éléments de comparaison objectifs n'existent pas ?
Mme Christiane Hummel, rapporteur pour avis au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a confirmé que cette définition pourrait donner lieu à des procès d'intention.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, a fait valoir que la Commission européenne laisse une très faible marge de manoeuvre aux Etats membres dans la transposition des directives. Elle considère que les définitions doivent être reprises mot à mot. Si l'Etat français ne se plie pas à ses recommandations, la Commission européenne continuera la procédure en manquement. C'est en amont, lors de la phase de préparation de la directive, avant son adoption par le Parlement européen, que les gouvernements peuvent peser dans la négociation du contenu des textes.
M. Nicolas About, président, a vivement regretté que ces questions importantes n'aient pas été soulevées par la France lors des négociations.
Puis Mme Muguette Dini, rapporteur, a noté que le projet de loi reprend la définition communautaire du harcèlement sexuel, sans supprimer la définition actuelle. Ce choix ne pose-t-il pas des problèmes de sécurité juridique et d'égalité devant la loi, dans la mesure où des individus placés dans des situations semblables pourront se voir appliquer un jugement différent selon que l'une ou l'autre définition sera invoquée ? Par ailleurs, la définition communautaire est particulièrement large : « tout agissement à connotation sexuelle subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Une telle définition n'est-elle pas si vague qu'elle conduit en réalité à confier au juge le soin de la préciser, et donc de dire la loi ?
En outre, le projet de loi généralise un régime dérogatoire d'aménagement de la preuve. Dans le droit commun de la procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les thèses qu'elle soutient. Au contraire, dans ce cas de figure, la personne qui s'estime victime d'une discrimination doit d'abord établir devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence, puis il revient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le Conseil constitutionnel a déjà émis des critiques à l'égard de ce régime qui touche à la présomption d'innocence. Est-ce une bonne idée de le généraliser ?
Mme Christiane Hummel, rapporteur pour avis au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a fait part de l'inquiétude de la délégation concernant la possibilité implicitement accordée aux médias par le projet de loi de diffuser des images à caractère sexiste. Cette disposition est issue d'une directive pour laquelle le Gouvernement n'a encore reçu aucune mise en demeure. La délégation recommande donc sa suppression.
De plus, l'autorisation explicitement donnée par le projet de loi d'organiser des enseignements en regroupant les élèves en fonction de leur sexe est difficile à admettre. La délégation propose également son retrait.
M. Nicolas About, président, a déclaré que, si elle donne son accord, la commission des affaires sociales déposera un amendement pour supprimer cette autorisation.
Mme Annie David a constaté que les gouvernements précédents ont beaucoup légiféré dans le domaine de la lutte contre les discriminations, mais qu'à ce jour aucun bilan global n'est disponible. Par ailleurs, le délai de transposition de la cinquième directive n'expire que le 15 août 2008 : il n'y avait donc aucune urgence à la transposer si vite.
Mme Sylvie Desmarescaux a souligné le risque judiciaire qui pèse sur les femmes portant plainte pour harcèlement : si leur demande est rejetée, elles s'exposent à un procès en diffamation. Par ailleurs, il est nécessaire, en matière de harcèlement, de mieux articuler le droit civil et le droit pénal.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, a rappelé qu'il n'y a pas de présomption d'innocence en matière civile. Elle a dit partager le souci de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de veiller aux représentations des femmes véhiculées par les médias. Ce projet de loi n'est qu'une étape dans la réflexion sur la lutte contre les discriminations, qui va se poursuivre à l'occasion de la prochaine concertation nationale sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et à travers les travaux de la commission nationale des violences envers les femmes et de la commission de réflexion sur l'image des femmes dans les médias, présidée par Mme Michèle Reiser. Les délégations du Sénat et de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes seront associées à ces travaux, qui devraient déboucher sur une charte.
Par ailleurs, en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, un nouveau plan a été adopté pour la période 2008-2010 et, dans ce cadre, un groupe de travail commun aux ministères de la justice et de la solidarité se met en place pour travailler à une meilleure articulation entre droit civil et droit pénal.
Mercredi 2 avril 2008
- Présidence de M. Nicolas About, président -Egalité - Lutte contre les discriminations - Examen du rapport
La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de Mme Muguette Dini sur le projet de loi n° 241 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Mme Muguette Dini, rapporteur, a indiqué que le projet de loi transpose partiellement ou intégralement cinq directives communautaires relatives à la lutte contre les discriminations. La France a déjà transposé en partie les trois premières directives datant de 2000 et 2002. Cependant, la Commission européenne a estimé cette transposition incomplète, et le délai de transposition expirant en 2005, elle a engagé trois actions en manquement contre l'Etat français. Soucieux de parfaire l'image européenne de la France trois mois avant de prendre la présidence de l'Union, le Gouvernement a souhaité se mettre à l'abri de toute procédure judiciaire en répondant un à un, dans le projet de loi, aux griefs de la Commission européenne.
Ceci étant, cet objectif, si légitime soit-il, ne doit pas conduire les parlementaires à fermer les yeux sur le contenu du texte. Or, certains points sont inquiétants et on peut se demander si le retard pris par la France pour transposer ces directives est vraiment le fait du hasard.
Le projet de loi apporte quatre éléments nouveaux : il redéfinit les notions de discrimination et de harcèlement en recopiant les définitions communautaires, il interdit les discriminations fondées sur le sexe en matière d'accès aux biens et services, il généralise l'aménagement de la charge de la preuve à tous les contentieux qui concernent les discriminations et il prévoit, enfin, que les interdictions en matière de discrimination s'appliquent à toutes les personnes publiques ou privées, y compris celles exerçant une activité professionnelle indépendante. L'Assemblée nationale a par ailleurs prévu que les cinq premiers articles du projet de loi et les articles du code du travail correspondants seront affichés dans les lieux de travail.
Le texte constitue donc en apparence un progrès, mais cette apparence est trompeuse pour plusieurs raisons a indiqué Mme Muguette Dini, rapporteur.
D'abord, le projet de loi fait un amalgame entre l'inégalité de traitement et la discrimination : la définition de la discrimination directe, reprise des directives, laisse penser qu'une inégalité de traitement est toujours due à une discrimination. Or, le droit français veille au contraire à distinguer clairement les deux, la Cour de cassation rappelant régulièrement qu' « une différence de traitement entre plusieurs salariés d'une même entreprise ne constitue pas une discrimination ». La distinction n'est pas anodine : une femme moins bien payée qu'un collègue masculin pour le même travail et le même niveau de compétences peut soit plaider qu'étant une femme elle est victime d'une discrimination - c'est la voie communautaire - soit demander l'application du principe d'égalité de traitement, en vertu duquel les salariés placés dans une situation identique doivent être payés de la même manière - c'est le droit français actuel. Le résultat sera finalement le même mais l'état d'esprit qui sous-tend la démarche et ses effets sur les rapports sociaux seront différents : d'un côté, on insiste sur les différences, sur les caractéristiques particulières et l'on place la personne en position de victime pour réclamer l'égalité ; de l'autre, le droit encourage à invoquer le principe de l'égalité de traitement et conforte de ce fait la personne dans une posture positive et constructive. Or, la transposition ici proposée engage la France dans la première voie et l'on ne peut que regretter que les principes français n'aient pas été mieux défendus lors de la négociation des directives à Bruxelles.
Le deuxième problème soulevé par le projet de loi est l'insécurité juridique qu'il risque de provoquer, car plusieurs définitions communautaires sont confuses. La discrimination directe, par exemple, y est définie comme un traitement plus favorable qui pourrait être accordé à une autre personne : la dimension fictive de la comparaison, introduite par l'usage du conditionnel, est inquiétante, car elle autorise des condamnations fondées sur des hypothèses invérifiables. Comment prouver qu'il n'y a pas discrimination si des éléments de comparaison objectifs n'existent pas ?
La même observation s'applique pour la discrimination indirecte, qui condamne tout élément « susceptible » de désavantager certaines personnes par rapport à d'autres. Là encore, le texte risque de conduire à des condamnations fondées sur de simples suppositions si le juge estime qu'une mesure, sans créer de discrimination, est susceptible de le faire. On frôle ici le procès d'intention, et cela n'est pas acceptable.
La manière de traiter le harcèlement sexuel dans le projet de loi est également préoccupante, car celui-ci reprend la définition communautaire sans supprimer celle déjà en vigueur en droit français. Cette coexistence de définitions pose un problème d'égalité devant la loi dès lors que le jugement pourra être différent selon celle qui sera invoquée. C'est d'autant plus gênant que la définition communautaire du harcèlement sexuel est extrêmement large et qu'elle risque de transférer au juge le soin de la préciser, et donc de dire la loi.
Puis Mme Muguette Dini, rapporteur, a souligné qu'il n'est pas certain, au regard des textes communautaires et du traité européen, que le Parlement français n'ait aucune marge de manoeuvre dans ce travail de transposition en droit interne. L'article 249 du traité stipule en effet que « la directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ».
Elle a donc proposé d'amender le projet de loi pour préciser certaines définitions communautaires, indiquer qu'une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas en elle-même une discrimination et améliorer la mesure de publicité et d'affichage des textes antidiscrimination votée par l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, pour répondre aux recommandations de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, il serait judicieux de supprimer d'une part, la disposition, techniquement inapplicable, prévoyant que la liste des emplois pour lesquels les discriminations fondées sur le sexe sont autorisées est fixée en Conseil d'Etat, d'autre part, l'autorisation inacceptable donnée par le projet de loi à l'organisation d'enseignements par regroupement d'élèves en fonction de leur sexe.
M. Alain Gournac a déclaré partager les analyses du rapporteur. Le manque de clarté des définitions communautaires conduira inévitablement à un transfert du pouvoir législatif du Parlement vers le juge. Par ailleurs, il n'est pas acceptable que le texte mentionne le terme de « race », qui est contraire aux principes les plus fondamentaux de la République française.
Mme Muguette Dini, rapporteur, a confirmé que le projet de loi risque d'accélérer la judiciarisation des rapports sociaux. L'analyse des directives montre que leur rédaction s'inspire clairement des pays anglo-saxons et des pays d'Europe du Nord, où cette tendance est particulièrement forte. L'adoption du projet de transposition en l'état contribuerait à faire basculer la France dans un autre modèle de société.
Mme Annie David a également soutenu les positions défendues par le rapporteur et les amendements proposés. Ceci étant, il est regrettable que le Gouvernement se soit contenté de transposer les directives et n'ait pas voulu engager une lutte plus substantielle contre les discriminations. Son invocation de la contrainte communautaire pour refuser toute modification est également irrecevable. Il n'est pas inutile de noter à ce titre que le Gouvernement lui-même n'a pas repris la définition communautaire du harcèlement.
Mme Jacqueline Alquier s'est inquiétée des effets potentiels d'une proposition de loi déposée par le président de la commission des lois et votée par le Sénat qui ramènerait le délai de prescription de trente ans à cinq ans, notamment dans les affaires de discriminations. Elle s'est également interrogée sur la mesure votée à l'Assemblée nationale en première lecture interdisant aux associations de se porter partie civile dans les contentieux relatifs aux discriminations touchant les fonctionnaires.
Mme Sylvie Desmarescaux s'est indignée de l'autorisation donnée par le projet de loi d'autoriser l'organisation d'enseignements par regroupements d'élèves en fonction de leur sexe. Une telle disposition doit être supprimée, quand bien même elle reprendrait mot à mot la directive.
M. Nicolas About, président, a déclaré qu'en effet, cette mesure n'est pas acceptable car elle pourrait conduire à exclure les filles de l'accès à l'éducation ou les astreindre à certaines filières de formation, mais qu'une application particulière se justifie davantage pour les établissements assurant un hébergement, comme les pensionnats. Il a par ailleurs indiqué que la commission des lois interviendra dans ce débat en séance publique pour éclairer les points liés à la question de la prescription sur cinq ans.
M. Jean-Pierre Michel a estimé que les directives transposées sont contraires à la philosophie du droit français. Elles véhiculent une conception communautariste de la société, qui différencie les personnes et les classes en catégories pour leur attribuer des droits distincts. Cette vision de la société est entièrement à l'opposé de l'idée républicaine à la française, fondée sur le principe d'égalité des droits des citoyens, sans distinction d'origine, de sexe ou d'orientation sexuelle. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat rappellent régulièrement le caractère fondamental de ce principe d'égalité.
M. Pierre Bernard-Reymond a regretté que les Etats membres ne se consultent pas davantage sur la manière dont ils assurent la transposition de directives susceptibles de se trouver en contradiction avec leur droit interne.
M. Nicolas About, président, a rappelé qu'une réunion des organes parlementaires dédiés aux droits des femmes sera organisée au Sénat le 3 juillet prochain à l'occasion de la présidence française de l'Union, en présence des vingt-sept Etats membres. Cette réunion pourrait être l'occasion de faire le point sur cette question de la transposition des directives relatives aux discriminations.
Mme Muguette Dini, rapporteur, a expliqué que si les directives sont très éloignées de la tradition juridique française, c'est probablement parce que les Français ne se sont pas mobilisés au moment de l'élaboration, de la négociation et du vote des textes.
Le Gouvernement n'a pas repris les définitions communautaires du harcèlement car celles-ci sont absurdes. Les directives évoquent en effet, pour le harcèlement, « un comportement non désiré lié au sexe » et pour le harcèlement sexuel « un comportement non désiré à connotation sexuelle » ; il est évident que ces rédactions comportent des malfaçons. Le projet de loi propose donc d'adapter les définitions communautaires et de maintenir en parallèle le droit français, qui distingue clairement le harcèlement sexuel du harcèlement moral.
En l'absence de Mme Christiane Hummel, rapporteur pour avis de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, empêchée, Mme Muguette Dini, rapporteur, a présenté les observations et les recommandations de la délégation.
Elle a d'abord souligné que trois des cinq directives traitent exclusivement de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Le Gouvernement a fait le choix d'opérer une transposition au plus près des directives et de maintenir l'essentiel des nouvelles dispositions dans un texte spécifique plutôt que de les intégrer dans les codes et lois existants et d'opérer une fusion avec les dispositifs actuels, très étoffés, de lutte contre les discriminations du droit français. Certes, cette démarche présente l'avantage d'être inattaquable au regard des exigences précises formulées par la Commission européenne. Mais elle aboutit à un dispositif complexe où les définitions que donne le droit français des notions de discrimination, de harcèlement sexuel et de harcèlement moral coexisteront avec des définitions voisines, mais non identiques, qu'en donne le projet de loi, sans que l'articulation entre ces différentes notions soit vraiment précisée. Cette complexité est particulièrement regrettable dans un domaine où la loi doit être intelligible pour les victimes.
La délégation a formulé six recommandations :
- la première pour inciter le Gouvernement à revenir sur ces dispositions et définitions distinctes afin d'élaborer un corpus de règles plus homogène et plus compréhensible ;
- la deuxième pour souhaiter une application plus effective des textes ;
- la troisième pour demander l'application prudente des définitions de la discrimination directe et de la discrimination indirecte, afin qu'elle évite certaines dérives et n'alimente pas des procès d'intention ;
- la quatrième pour préconiser une simplification du dispositif autorisant les différences de traitement fondées sur le sexe en matière d'emploi ;
- la cinquième pour réaffirmer son attachement à l'objectif de mixité inscrit à l'article L. 121-1 du code de l'éducation et empêcher la remise en question, pour des motifs culturels ou religieux, de la bonne intégration des jeunes filles aux activités, notamment sportives, des établissements d'enseignement ;
- enfin, la sixième pour s'assurer qu'en dispensant « le contenu des médias et de la publicité » de toute obligation en matière de discrimination en raison de l'appartenance à un sexe, le texte n'autorise pas des représentations discriminatoires de la femme dans ces domaines.
Sous réserve de ces six recommandations, la délégation s'est déclarée favorable à l'adoption du projet de loi, car malgré ses défauts, il devrait contribuer à faire avancer la cause de l'égalité entre les hommes et les femmes.
La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.
A l'article 1er (transposition de la définition communautaire de la discrimination directe, de la discrimination indirecte et du harcèlement), elle a adopté trois amendements tendant :
- à limiter l'insécurité juridique résultant de l'approximation de la définition communautaire de la discrimination directe ;
- à contenir les risques de procès d'intention créés par l'imprécision de la définition communautaire de la discrimination indirecte ;
- à rappeler la distinction fondamentale entre la discrimination et l'inégalité de traitement.
A l'article 2 (divers régimes d'interdiction des discriminations), elle a adopté un amendement visant à supprimer l'autorisation d'organiser des enseignements scolaires par regroupement des élèves en fonction de leur sexe.
La commission a adopté sans modification les articles 3 (protection contre les rétorsions) et 4 (extension de l'aménagement de la charge de la preuve à tous les contentieux relatifs aux discriminations).
Elle a adopté un amendement portant article additionnel avant l'article 5 qui abroge la disposition prévoyant que la liste des emplois pour lesquels les discriminations fondées sur le sexe sont autorisées est fixée par décret en Conseil d'Etat.
Elle a adopté sans modification l'article 5 (champ d'application du projet de loi).
A l'article 6 (coordination juridique dans le code du travail et application du droit communautaire), elle a adopté un amendement prévoyant l'affichage des dispositions du code pénal relatives aux discriminations sur les lieux de travail.
A l'article 7 (mesures de coordination dans le nouveau code du travail), elle a adopté un amendement assurant la coordination juridique dans le nouveau code du travail avec le précédent amendement modifiant l'article 6.
La commission a ensuite adopté le projet ainsi modifié.
Associations - Extension du chèque emploi associatif - Examen du rapport
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Sylvie Desmarescaux sur la proposition de loi n° 195 (2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'extension du chèque emploi associatif.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, a indiqué que cette proposition de loi a pour objet de faciliter la vie des associations. Son article unique porte de trois à neuf l'effectif salarié maximum des associations pouvant recourir au chèque emploi associatif.
Le secteur associatif français compte environ un million d'associations avec plus de 60 000 créations par an. Plus de vingt millions de personnes sont membres d'une association. Trois domaines concentrent l'essentiel de la vie associative : la santé et l'action sociale, l'éducation, la culture et le sport. L'emploi associatif représente plus de 5 % de l'emploi salarié total avec 1,9 million de salariés, soit un peu plus d'un million d'équivalents temps plein, le temps partiel étant très répandu dans ce secteur. On compte au total 170 000 associations employeur, dont 75 % avec moins de dix salariés. Ces chiffres, en progression continue au cours des dernières années, témoignent à la fois de la vitalité du secteur associatif et de sa capacité à créer des emplois. En effet, pour de nombreux observateurs, les associations constituent un réel gisement d'emplois.
Afin de faciliter les formalités d'embauche, particulièrement dissuasives pour les petites associations, la loi du 19 mai 2003 a créé le chèque emploi associatif, avec pour objet de permettre aux associations à but non lucratif, employant au plus un équivalent temps plein, de simplifier les formalités liées à la rémunération et aux déclarations sociales de leur salarié. Concrètement, le chèque emploi associatif est un titre de paiement, émis par les banques, qui permet à la fois le paiement des salaires, le calcul et le prélèvement des charges sociales par le centre national du chèque emploi associatif (CNCEA), la dispense de diverses obligations administratives comme la déclaration unique d'embauche ou les déclarations annuelles des salaires à la sécurité sociale et à l'administration fiscale, enfin, la dispense d'avoir à établir un contrat de travail écrit et des bulletins de paie, ceux-ci étant envoyés au salarié par le CNCEA.
Devant le succès des dispositifs de paiement simplifiés, le Gouvernement a décidé d'élargir le champ du chèque emploi associatif en portant, par l'ordonnance du 18 décembre 2003, à trois équivalents temps plein le nombre de salariés permettant, à une association, d'y recourir. Selon les derniers chiffres disponibles, on compte un peu plus de 44 000 associations utilisant le chèque emploi associatif pour rémunérer environ 113 000 salariés, soit 6 200 équivalents temps plein.
Afin de poursuivre le développement de ce moyen de paiement simplifié et dans le but de favoriser la création d'emplois, le texte propose de porter de trois à neuf équivalents temps plein l'effectif maximal de salariés permettant aux associations d'utiliser le chèque emploi associatif. Désormais, plus des trois quarts des associations employeur, c'est-à-dire environ 130 000 associations représentant plus de 300 000 salariés, seront susceptibles de bénéficier du dispositif (contre seulement 80 000 à 90 000 associations aujourd'hui). Le choix de limiter le nouveau seuil d'effectif à neuf salariés est justifié d'une part, par le souci de limiter l'emploi des formules de « chèque emploi » aux seules petites structures, d'autre part, par la complexification des cotisations et la difficulté de centraliser le calcul des charges au-delà de dix salariés.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, s'est félicitée du bien-fondé de ce texte, parfaitement en prise avec les réalités du terrain et qui poursuit un objectif essentiel, à savoir favoriser les embauches et l'emploi dans notre pays. Son adoption permettra tout à la fois de développer un dispositif qui fonctionne bien, d'étendre une mesure de simplification administrative et de faciliter l'application des règles sociales, car le chèque emploi associatif permet une grande souplesse pour l'association employeur comme pour le salarié qui ne souhaite travailler que quelques heures. Il est, à son avis, très justifié de soutenir le secteur associatif auquel tous les concitoyens et les élus sont extrêmement attachés.
Mme Isabelle Debré a jugé la proposition de loi excellente. Elle a ensuite souligné les nombreux problèmes liés aux effets de seuil pour les entreprises.
M. Alain Gournac a estimé très positive la démarche retenue, à savoir l'expérimentation d'un système, puis son extension, après avoir vérifié son bon fonctionnement. Il est indispensable de faciliter la vie des associations qui se heurtent encore trop souvent à des procédures complexes. Enfin, la régularisation du travail au noir est toujours une excellente chose.
Mme Annie David a estimé que l'extension du chèque emploi associatif ne résoudra pas forcément le problème du travail au noir. Par ailleurs, si le texte permet un développement de l'emploi, il s'agira essentiellement de travail à temps partiel. Au total, elle reste dubitative sur l'objet réel de la proposition de loi.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle a rappelé que le chèque emploi associatif a été créé à un moment où ont été supprimés les emplois jeunes et les contrats de solidarité. Si elle s'est dite favorable au contenu de la proposition de loi, qui répond à une attente des associations, elle a indiqué que le groupe socialiste s'abstiendra sur le texte pour dénoncer le désengagement de l'Etat en faveur du secteur associatif, pourtant dernier rempart en matière de solidarité dans notre pays, et la forte diminution des crédits aux associations au cours des dernières années. Elle s'est élevée contre la précarisation croissante des petites associations ainsi que celle des salariés, s'interrogeant notamment sur l'accès à la formation des salariés des petites associations.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, a indiqué que le projet de loi de modernisation de l'économie devrait répondre à la question de la simplification des procédures pour les petites et moyennes entreprises. Elle s'est félicitée de l'état d'esprit de la proposition de loi qui permet le développement de la légalité, notamment pour l'emploi d'animateurs sportifs ou culturels dans les petites communes. Elle a rappelé que les petites associations ne sont jamais financées par l'Etat, ce qui signifie qu'il n'y a pas de lien à établir entre la proposition de loi et la dénonciation de la baisse des crédits budgétaires en faveur des associations. En tout état de cause, le texte proposé répond parfaitement aux attentes des associations.
La commission a alors adopté la proposition de loi dans le texte voté par l'Assemblée nationale.
Nomination d'un rapporteur
La commission a ensuite désigné M. Pierre Bernard-Reymond en qualité de rapporteur du projet de loi n° 743 (AN - XIIIe législature) portant modernisation du marché du travail.
Jeudi 3 avril 2008
- Présidence de M. Nicolas About, président -Temps de travail - Journée de solidarité - Examen du rapport
La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. André Lardeux sur la proposition de loi n° 245 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, relative à la journée de solidarité.
M. André Lardeux, rapporteur, a rappelé que la décision de supprimer un jour férié, en l'occurrence le lundi de Pentecôte, afin de dégager des ressources supplémentaires destinées aux personnes âgées et aux personnes handicapées, a été prise dans le contexte tragique de la canicule de l'été 2003. Quelques mois plus tard, la loi du 30 juin 2004 a créé le mécanisme de la journée de solidarité qui a pris la forme, en définitive, d'une majoration de sept heures de la durée annuelle de travail des salariés.
Cette initiative a revêtu, à l'origine, une force symbolique importante, mais qui a rapidement disparu à l'épreuve des faits. Alors que la suppression d'un jour férié était intervenue dans le même objectif en Allemagne, en 1994, sans susciter de problème particulier, la mise en oeuvre de la journée de solidarité a fait l'objet, en France, de nombreuses critiques injustes et d'une certaine dose de mauvaise volonté dans le monde du travail. En dépit des déclarations de principe sur le fondement solidaire du système de protection sociale, de nombreux acteurs économiques et sociaux renâclent à fournir, en faveur des plus fragiles, un effort limité de sept heures supplémentaires chaque année dans un pays où la durée moyenne du travail est l'une des plus faibles au monde.
De fait, en 2007, la majorité des salariés n'a pas travaillé le lundi de Pentecôte. La proposition de loi vise à améliorer ce bilan peu flatteur en apportant de nouveaux assouplissements techniques à la loi du 30 juin 2004.
Le bilan de la journée de solidarité apparaît aujourd'hui mitigé en raison d'importantes difficultés pratiques résultant de la diversité des jours chômés accordés aux salariés français.
M. André Lardeux, rapporteur, a déploré qu'à ces problèmes de mise en oeuvre se soit ajouté un certain nombre de manifestations de mauvaise volonté aboutissant in fine à vider la loi d'une grande partie de sa substance. Ni les grèves intervenues en 2005 dans les services publics, ni les recours contentieux déposés par les organisations syndicales, ni l'attitude de certaines entreprises du secteur privé offrant cette journée à leurs salariés sans contrepartie, n'ont été conformes à l'esprit de la loi. La pratique consistant à fractionner la journée de solidarité sous la forme de quelques minutes de travail supplémentaires chaque jour en est l'illustration la plus caricaturale.
A l'actif de cette mesure, on peut inscrire le fait qu'un nouveau mode de financement pérenne a été créé pour un montant annuel de 2,1 milliards d'euros, dont 1,85 milliard versés par les employeurs privés et publics, auxquels s'ajoute une contribution sur les revenus du capital produisant 350 millions d'euros de recettes supplémentaires ; de même, le pouvoir d'achat des salariés a été effectivement préservé.
En revanche, l'insertion de la journée de solidarité dans le droit social s'est avérée très difficile et la neutralité économique de cette mesure n'est pas entièrement assurée.
En outre, la disparité de situations individuelles entre les assurés sociaux sape aujourd'hui la légitimité de la journée de solidarité auprès de l'opinion publique. Si, dans le secteur privé, 70 % des entreprises sont ouvertes et 48 % des salariés travaillent le lundi de Pentecôte, la plupart des services publics sont fermés. Certes, 86 % des salariés au total se conformeraient à la loi, d'une façon ou d'une autre, durant l'année civile, mais cette contribution est susceptible de prendre des formes diverses de fractionnement ou de renoncement à un jour de RTT.
M. André Lardeux, rapporteur, a estimé que la solution exposée dans la proposition de loi s'inscrit dans la continuité des démarches déjà engagées dans le secteur public. Il s'agit à nouveau, cette fois dans le secteur privé, de promouvoir davantage de souplesse dans l'organisation de la journée de solidarité.
Le texte propose en substance de donner « carte blanche » aux entreprises pour aménager au mieux, durant l'année civile, ces sept heures de travail supplémentaires. Il se fonde sur le rapport publié en décembre 2007 par le secrétariat d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques, qui a mis à l'étude trois hypothèses d'évolution du cadre juridique actuel :
- le premier scénario consistait à revenir à une application uniforme fixée au lundi de Pentecôte ;
- le deuxième scénario impliquait l'abandon de toute référence au lundi de Pentecôte et le renvoi des modalités pratiques à des négociations avec les partenaires sociaux et in fine, en cas d'échec, aux employeurs ;
- le dernier scénario visait à mettre fin aux principaux goulets d'étranglement empêchant l'enracinement de la journée de solidarité dans la vie économique et sociale le lundi de Pentecôte, notamment en améliorant l'accueil et la garde des enfants, ainsi que la situation dans le secteur des transports.
C'est la deuxième piste qui a été retenue. M. André Lardeux, rapporteur, a observé que la version initiale de la proposition de loi ne concernait paradoxalement que les salariés relevant du code du travail, alors que les principaux problèmes se situent dans les services publics. Mais un article additionnel adopté en première lecture par l'Assemblée nationale a opportunément réparé cet oubli. En conséquence, il a proposé à la commission de ne pas modifier le texte voté par l'Assemblée nationale, tout en observant que trois questions majeures demeurent en suspens.
La première porte sur le rapport des Français au travail, dans un contexte de déficit structurel croissant du système de protection sociale. On observe que le nombre annuel d'heures travaillées par actif occupé est en France inférieur d'environ 15 % à la moyenne des pays de l'OCDE.
La deuxième est relative au dialogue social souhaité par la proposition de loi mais qui peut ne pas produire les effets escomptés dans la mesure où la quasi-totalité des organisations syndicales a manifesté son hostilité au principe même de la journée de solidarité, parfois qualifiée de « corvée ». Il n'est guère étonnant, dans ces conditions, que seulement dix-neuf accords de branche aient été signés depuis 2004 entre les partenaires sociaux à ce sujet. Les chefs d'entreprise seront donc probablement le plus souvent conduits, comme aujourd'hui, à définir en dernier ressort les modalités de la journée de solidarité. Enfin, compte tenu des délais très courts entre la date prévisionnelle d'entrée en vigueur de la proposition de loi et le prochain lundi de Pentecôte (12 mai 2008), les effets des nouvelles dispositions ne seront guère perceptibles avant 2009.
La troisième question porte sur la réelle neutralité économique de la journée de solidarité pour le secteur productif. En effet, faute d'une augmentation durable de 0,4 % de la quantité de travail produite par l'ensemble de l'économie française, l'apport de la loi du 30 juin 2004 se bornerait à la création d'un prélèvement obligatoire. Un processus d'ajustement dynamique dans les entreprises est donc indispensable pour leur permettre de faire travailler leurs salariés davantage. Mais l'introduction, pour le secteur privé, de davantage de souplesse ne risque-t-elle pas, à l'instar de ce qui s'est déjà produit dans les services publics, de vider la loi du 30 juin 2004 d'une partie de sa substance ?
Il faut espérer qu'en autorisant plus largement « toute autre modalité » pour effectuer la journée de solidarité, la loi n'incite pas au développement du schéma de fractionnement journalier des sept heures de travail supplémentaires.
En conclusion, M. André Lardeux, rapporteur, a proposé l'adoption du texte dans la rédaction votée à l'Assemblée nationale, qui a du moins le mérite d'une plus grande lisibilité pour l'opinion publique. Il aurait néanmoins été tout autant concevable de conserver l'acquis du lundi de Pentecôte, tout en améliorant l'accueil des enfants dans les crèches et les écoles et l'organisation des transports publics et privés afin de le rendre plus facilement applicable.
Quoi qu'il en soit, cette proposition de loi ne résout pas à elle seule le problème du financement de la politique de la dépendance. Ce sera l'objet du projet de création d'un cinquième risque de protection sociale, auquel le Gouvernement travaille actuellement et que le Parlement examinera probablement d'ici à la fin de l'année.
M. Bernard Seillier a indiqué qu'il partage les observations formulées par le rapporteur ainsi que sa déception de voir le principe de solidarité vidé d'une partie de sa substance par les pesanteurs du monde du travail.
M. Nicolas About, président, a jugé que certaines pratiques sont effectivement choquantes au regard de ce principe. Il a proposé en conséquence que la commission adopte un amendement visant à encadrer les modalités de fractionnement de la journée de solidarité.
M. André Lardeux, rapporteur, a approuvé cette initiative visant à éviter que ces sept heures annuelles de travail ne soient effectuées sous la forme d'un allongement de quelques minutes du temps de travail quotidien.
A l'article premier (assouplissement des modalités d'exercice de la journée de solidarité dans les entreprises du secteur privé), la commission a adopté un amendement tendant à interdire les possibilités de fractionnement de la journée de solidarité supérieur à deux demi-journées.
A l'article 2 (organisation de la journée de solidarité dans la fonction publique), elle a adopté un amendement répondant au même souci pour la fonction publique.
La commission a alors adopté la proposition de loi ainsi amendée.
Santé - Droit communautaire dans le domaine du médicament - Examen des amendements en deuxième lecture
Puis la commission a procédé à l'examen des amendements en deuxième lecture sur le projet de loi n° 198 (2007-2008), modifié par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2007-613 du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament dont M. Gilbert Barbier est le rapporteur.
A l'article 8 (application de sanctions en cas de non-réalisation d'une étude post-autorisation de mise sur le marché [post-AMM]), la commission a émis un avis défavorable aux amendements nos 1, 2 et 3, déposés par les membres du groupe communiste républicain et citoyen, visant respectivement à suspendre le renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament pour lequel les études post-AMM demandées n'auraient pas été réalisées, à retirer de la liste des produits remboursables tout médicament pour lequel les études post-AMM prescrites n'ont pas été réalisées et à étendre le dispositif de sanction aux études pharmaco-épidémiologiques commandées par l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et la Haute Autorité de santé.