Mardi 1er avril 2008
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président.-Industrie aéronautique - Audition de M. Jean-Marc Thomas, président délégué d'Airbus France
La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marc Thomas, président délégué d'Airbus France, sur les perspectives d'activité et de développement de l'entreprise et les conditions actuelles de son fonctionnement.
M. Jean-Marc Thomas a tout d'abord présenté des documents sur l'activité d'Airbus. Il a souligné le paradoxe qui voyait Airbus perdre de l'argent, alors même que son chiffre d'affaires s'était accru pour atteindre 25 milliards d'euros et que l'entreprise livrait plus d'avions que jamais auparavant dans son histoire, soit 453 avions en 2007. En revanche, il s'est félicité de ce que le carnet de commandes ne cessait de s'étoffer, l'entreprise ayant enregistré 1.458 commandes en 2007. Il a rappelé que l'entreprise commercialisait 14 types d'avion. Ces éléments s'inscrivent dans un contexte très favorable à la construction aéronautique, puisque les deux principaux producteurs, à savoir Boeing et Airbus, ont l'équivalent de six à sept années de production dans leurs carnets de commande. Il a fait valoir que l'industrie aéronautique vivait actuellement un cycle d'activité particulièrement long.
Il a ensuite souligné qu'Airbus représentait une part de marché qui oscillait depuis dix ans entre 40 et 60 %, la limite supérieure étant difficile à dépasser pour des raisons commerciales et la limite inférieure ne devant pas être franchie pour des raisons de compétitivité. Il a indiqué que l'A380 avait fait l'objet de 196 commandes ferme et que le programme enregistrait en moyenne un nouveau client chaque année, soit plusieurs appareils commandés. Il a souligné fortement l'augmentation des cadences de production, les livraisons d'avions augmentant de 66 % entre 2007 et 2010 et doublant entre 2006 et 2010, ce qui constituait un défi considérable de montée en puissance pour les fournisseurs d'Airbus.
Il a enfin rappelé qu'Airbus employait 57.000 salariés dans le monde.
M. Jean-Marc Thomas a ensuite insisté sur l'importance des aides publiques que recevait Boeing. Ainsi, on pouvait estimer que la NASA avait dépensé 500 millions de dollars pour la recherche sur les seuls matériaux composites, effort qui avait ensuite bénéficié au nouveau programme B787. Il a indiqué qu'en 2006, Boeing avait reçu 800 millions de dollars d'aide, alors que dans le même temps Airbus recevait de ses quatre pays fondateurs et de l'Union européenne un total de 62 millions d'euros seulement. Faisant part de son espoir que ce ratio de 1 à 10 s'améliore à l'avenir, il a reconnu que celui-ci resterait vraisemblablement défavorable à l'entreprise européenne, ce qui constituait un handicap important.
Abordant la question des délocalisations dues à la faiblesse du dollar, il a estimé que celles-ci étaient particulièrement importantes chez les fournisseurs de l'entreprise. Il a rappelé qu'à l'heure actuelle, Airbus portait 75 % des risques et des investissements de ses projets, alors que Boeing n'en portait plus que 25 %. Jugeant que l'évolution de Boeing avait sans doute été trop accentuée dans cette direction, il a estimé que le bon équilibre pour Airbus consisterait sans doute à porter 50 % des risques et des investissements des projets. Pour ce faire, le plan Power8 tendait à constituer une entreprise étendue, avec des partenaires de premier rang capables de fournir une partie de l'effort d'investissement et de la prise de risques (risk sharing partners). Quant au volet social du plan Power8, il a insisté sur le fait que les soldes d'emplois aéronautiques dans les années à venir seraient largement positifs dans les trois bassins d'emplois concernés, c'est-à-dire les régions Picardie, Pays de la Loire et Midi-Pyrénées.
A l'issue de cette présentation, M. Jean-Paul Emorine, président, a souhaité rendre hommage à cette grande entreprise et s'est félicité de ce que les restructurations prévues s'accompagnent également de perspectives de développement global de l'emploi. Il a ensuite souhaité savoir quelle était l'ambiance actuelle dans l'entreprise, comment l'évolution du taux de change entre l'euro et le dollar était perçue et quelle réponse pouvait être apportée aux distorsions de concurrence nées des aides publiques américaines à Boeing.
M. Daniel Dubois a souhaité tout d'abord remercier M. Jean-Marc Thomas et la direction d'Airbus pour la disponibilité dont ils faisaient preuve auprès des élus concernés par l'application du plan Power8. A propos du paradoxe évoqué par M. Jean-Marc Thomas sur la situation d'Airbus qui voyait à la fois son chiffre d'affaires progresser fortement et sa rentabilité se dégrader, il a fait part de sa préoccupation quant au fait que l'entreprise se situait actuellement en haut de cycle d'activité. Il a souhaité savoir si la dégradation du taux de change entre le dollar et l'euro n'allait pas conduire à une délocalisation massive des activités aéronautiques dans la zone dollar ou dans les pays à bas coûts, et ce, malgré l'application du plan Power8. Il a ensuite demandé si l'échec de la vente des sites allemands du groupe était de nature à remettre en cause le volet français du plan. Enfin, il s'est interrogé sur les moyens de financer le développement des matériaux composites.
Revenant sur l'évolution d'Airbus et d'EADS au cours des deux années précédentes, M. Jean-Marc Pastor a souhaité savoir comment Airbus avait tiré les leçons des difficultés du programme A380 et en particulier quelles mesures avaient été prises pour éviter que celles-ci se répètent sur le programme A350. Il s'est demandé si les treize A380 dont la livraison était prévue en 2008 seraient bien livrés aux dates prévues.
M. Alain Fouché a souhaité savoir à combien pouvait être évalué le surcoût lié à l'éclatement des différents sites de production d'Airbus en Europe et dans le monde.
M. Daniel Reiner a demandé si l'on pouvait espérer voir un jour le marché des avions être libellé en euros, et non plus en dollars.
En réponse à ces différents intervenants, M. Jean-Marc Thomas a précisé les points suivants :
- la direction d'Airbus attachait effectivement une très grande importance aux relations avec les élus et avec les représentants de l'Etat ;
- la dépréciation continue du dollar n'amènerait pas à définir une nouvelle version du plan Power8, mais pousserait sans doute à en accélérer certaines mesures, par exemple afin d'avoir des lignes de production plus efficaces et plus fluides. Il a confirmé que la menace de l'accélération des délocalisations pesait bien sur l'industrie aéronautique de la zone euro, et ce, alors qu'aujourd'hui Airbus réalisait les deux-tiers de son activité en Europe et un tiers dans le reste du monde. Il a fait part de sa conviction que, si le taux de change entre l'euro et le dollar se maintenait, la situation d'Airbus et celle de ses fournisseurs serait compromise. Il a jugé que l'Europe ne pouvait faire reposer toute son économie sur les activités à forte valeur ajoutée ;
- concernant la cession de certains sites dans plusieurs pays d'Europe, il apparaissait que MT Aerospace ne serait pas en définitive le repreneur des sites allemands. Toutefois, Airbus envisageait d'autres solutions et M. Tom Enders avait indiqué que le plan de cession des sites se déroulerait selon le rythme prévu, c'est-à-dire qu'ils devraient être en 2011 sous la responsabilité de partenaires d'Airbus. Dans l'entre-temps, une filialisation de ces sites serait peut-être mise en oeuvre afin de préparer la cession tout en donnant à Airbus six à huit mois supplémentaires pour la préparer au mieux ;
- à propos de la répartition des responsabilités entre différents pays européens, il a déclaré qu'il était évident qu'Airbus devait être une entreprise européenne. Certes, l'intégration de l'entreprise en était plus difficile, mais cette nécessité était incontournable. En outre, Louis Gallois avait fait beaucoup d'efforts pour européaniser la gestion d'EADS et d'Airbus. Quant au coût de l'éclatement de l'entreprise entre plusieurs pays, évoqué par M. Alain Fouché, on pouvait l'estimer à environ 2 % du coût de production. Mais il lui semblait qu'il fallait y voir le prix à payer pour disposer d'une base industrielle plus large que celle d'un seul pays. A titre de comparaison, il a souligné que Boeing faisait fabriquer des parties importantes de ses avions au Japon ;
- concernant la possibilité d'un retournement de cycle du secteur, il a jugé qu'on pouvait redouter au pire une diminution de 20 % du volume d'avions attendus à moyen terme, ce qui maintiendrait les commandes à un niveau très important ;
- évoquant les difficultés passées du programme A380, il a estimé qu'Airbus en avait tiré les leçons, mais qu'il convenait de rester vigilant pour éviter la réapparition de ce type de difficulté. Par ailleurs, les treize A380 prévus seraient bien livrés en 2008 ;
- quant à l'éventualité de voir les commandes être libellées en euros, elle lui paraissait inenvisageable, les compagnies aériennes s'efforçant de limiter le risque de change. Or, dès lors que tous les avions étaient libellés en dollars pour toutes les compagnies, le risque de change était neutralisé. Il a ajouté qu'il était aujourd'hui difficile d'anticiper sur l'évolution à moyen terme du dollar, et donc de définir la politique de couverture du risque de change adéquate.
Organisme extra-parlementaire - Désignation de membre
La commission a ensuite désigné M. Francis Grignon comme membre appelé à siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière.
Commande publique - Contrats de partenariat public-privé - Rectification d'amendements
Enfin, la commission a, sur proposition de M. Michel Houel, rapporteur pour avis, rectifié plusieurs de ses amendements sur le projet de loi n° 211 (2007-2008) relatif aux contrats de partenariat.
A l'article 2 (article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004), la commission a rectifié son amendement n° 54 pour y apporter une précision rédactionnelle.
A l'article 4 (article 5 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004), elle a apporté plusieurs modifications à son amendement n° 56 pour lever une ambiguïté relative au choix de la procédure à suivre en cas de conclusion d'un contrat de partenariat.
A l'article 5 (article 6 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004), la commission a apporté une correction rédactionnelle à son amendement n° 57.
En conséquence, elle a procédé aux mêmes rectifications sur ses amendements n° s 66, 69 et 70 s'attachant respectivement aux articles 16 (article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales), 18 (article L. 1414-5 du code général des collectivités territoriales) et 19 (article L. 1414-6 du code général des collectivités territoriales).