Mercredi 6 février 2008
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président.Afrique - Situation au Tchad - Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la situation au Tchad.
M. Josselin de Rohan, président, s'est félicité des décisions prises par le Président de la République et le Gouvernement face à la crise survenue au Tchad. Il a salué le travail remarquable réalisé par les troupes françaises qui ont procédé, dans les meilleures conditions de sécurité, à l'évacuation des ressortissants français et étrangers qui le souhaitaient. Il a rappelé que l'Union africaine comme le Conseil de sécurité des Nations unies avaient clairement condamné la tentative de renversement par la force du gouvernement tchadien et avaient appelé à une solution négociée. Il a souhaité que le ministre apporte à la commission des informations détaillées sur le déroulement des combats de ces derniers jours et qu'il évalue les conséquences de cette crise sur la situation de la région et le déploiement de la force européenne EUFOR.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a également rendu hommage à l'action des forces françaises, à celle des diplomates ainsi qu'à celle des volontaires humanitaires présents dans les hôpitaux tchadiens. Il a précisé que 1.135 personnes avaient été évacuées vers Libreville et un peu plus d'un millier vers la France. Cette évacuation s'est déroulée sans incident, seuls deux militaires souffrant de blessures superficielles.
Le ministre a indiqué que le Président Déby avait repris le contrôle de N'Djamena, mais pas encore celui de l'ensemble des faubourgs environnants. Les rebelles se sont repliés à l'est de N'Djamena, et pourraient chercher à rejoindre une nouvelle colonne en provenance de l'Est. Le Président Déby n'a pas accepté le cessez-le-feu proposé par les rebelles qui attendent actuellement un ravitaillement en carburant et en munitions.
M. Bernard Kouchner a précisé que les forces françaises avaient porté secours aux ressortissants français et étrangers qui le souhaitaient et qu'elles avaient également pris en charge les blessés tchadiens. Plus de 200 blessés ont été transférés à l'hôpital de N'Djamena où des médecins militaires français et des médecins des organisations humanitaires ont opéré. Les cas les plus graves ont été transférés à l'hôpital militaire français situé près de l'aéroport. Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le nombre de tués se situerait entre 200 et 300 pour les civils et entre 1.000 à 1.500 pour les combattants. On compterait environ 50.000 réfugiés tchadiens au Cameroun et de l'ordre de 2000 à 3000 au Nigéria.
Le ministre a souligné que la Libye, par la voix du colonel Khadafi, avait rapidement réagi en sa qualité de garante des accords conclus entre le Tchad et le Soudan, notamment l'accord de Syrte, et de présidente du Conseil de sécurité jusqu'au 31 janvier. Elle a contribué à la condamnation ferme, par l'Union africaine, des attaques contre le gouvernement tchadien, condamnation prononcée par de nombreux autres pays, dont la France. Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est, quant à lui, réuni dès dimanche ; une déclaration de son président en date du 4 février condamne, elle aussi, fermement les tentatives de déstabilisation par la force, appelle les États de la région à respecter leurs engagements et demande à tous les États membres d'apporter leur appui au gouvernement tchadien.
Le ministre a considéré que la poursuite du déploiement de l'EUFOR au Tchad était plus que jamais nécessaire. Il a estimé que ce déploiement pourrait reprendre au milieu de la semaine prochaine. Il a rappelé que le Haut commissariat pour les réfugiés ainsi que les organisations humanitaires avaient appelé à cette opération européenne qui conditionne la bonne mise en place de la force hybride de l'Union africaine et des Nations unies au Darfour, cette présence internationale devant elle-même favoriser les pourparlers de paix et une solution politique du conflit.
M. Bernard Kouchner a souligné qu'au cours de la récente crise, la France avait veillé à faire face à ses obligations d'assistance et d'aide humanitaire sans intervenir sur le plan militaire à aucun moment dans le conflit.
Puis un débat s'est ouvert au sein de la commission.
M. André Dulait s'est étonné que les colonnes de rebelles aient pu parcourir 800 km dans le désert tchadien sans avoir été arrêtées avant la capitale N'Djamena. Il s'est interrogé sur les conséquences de ces événements sur la mise en place de l'EUFOR.
En réponse, le ministre a apporté les précisions suivantes :
- l'avancée des rebelles a bien été repérée, notamment par les avions de reconnaissance français ;
- le Président Déby a laissé ces rebelles, qui formaient une colonne comportant près de 350 véhicules, s'avancer loin de leurs bases et a fait attaquer ses hélicoptères, mais cette offensive n'a pas été suffisante pour les stopper. Les rebelles ont pris le parti de contourner la ville d'Abéché, où se trouvaient des militaires tchadiens, pour éviter une confrontation précoce ;
- le Soudan refuse toujours, dans les faits, le déploiement au Darfour de la force hybride Union africaine-ONU en dépit de son acceptation de la résolution du Conseil de sécurité qui prévoit la création de cette force. Malgré ces réticences marquées, certaines troupes de l'Union africaine sont déjà sur place, comme celles en provenance d'Egypte. La mise en oeuvre de l'EUFOR facilitera celle de la force hybride.
M. Didier Boulaud a rappelé que la France est liée au Tchad par des accords de coopération. Il s'est interrogé sur la nature des opérations autorisées par ces accords aux troupes françaises stationnées dans ce pays.
En réponse, le ministre a apporté les éléments suivants :
- la France soutient le gouvernement légitime du Tchad mais a choisi de ne pas intervenir militairement dans les combats entre Tchadiens
- le Président Déby a été porté à la présidence de son pays par deux élections successives, et a mené à bien une réconciliation nationale intégrant 80 % des opposants tchadiens ;
- l'accord de 1976 comporte des engagements français en matière de logistique, de santé et de renseignement, mais aucune obligation militaire.
M. Robert Hue a salué l'action des militaires français qui ont su efficacement protéger nos compatriotes lors des combats qui se sont déroulés dans la capitale même du Tchad. Il s'est inquiété des termes de la résolution non contraignante de l'ONU, qui accorde de vastes possibilités d'intervention, ce qui, a-t-il estimé, place notre pays dans une situation délicate. Il s'est interrogé sur les issues politiques à la crise actuelle, relevant que les dirigeants civils des principaux partis d'opposition ont été arrêtés par le pouvoir.
Le ministre a apporté les précisions suivantes :
- la France s'est inquiétée de ces arrestations et a obtenu l'assurance des autorités tchadiennes que le CICR pourra se rendre auprès des prisonniers. Il convient cependant de vérifier que l'absence des principaux opposants de leur domicile résulte bien d'une arrestation, et non d'une volonté de trouver refuge dans un pays voisin ;
- le contenu de la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité engageait tous les pays et pas seulement la France.
M. Robert del Picchia s'est inquiété d'une possibilité de reprise des hostilités, alimentées par le soutien évident que les rebelles reçoivent d'un pays frontalier du Tchad. Il s'est interrogé sur l'impact de ces troubles sur la détermination des alliés européens de la France à participer effectivement à l'opération EUFOR.
En réponse, le ministre a indiqué que le tout récent COPS (Comité politique et de sécurité), réuni à Bruxelles, a permis aux 20 pays européens participant à l'EUFOR de réaffirmer leur engagement ; les troubles récents ont, en réalité, contribué à une meilleure compréhension de la légitimité de cette opération. Il n'a en outre pas exclu que les rebelles réitèrent leurs attaques.
Après avoir rappelé la permanence des schémas opératoires de tentative de prise du pouvoir au Tchad depuis 25 ans, M. Jean-Michel Baylet a souhaité connaître le nombre précis de blessés et de morts, tant civils que militaires, que ces troubles ont entraîné.
En réponse, le ministre a indiqué que :
- seules les estimations effectuées par le CICR sont actuellement disponibles ; elles évoquent environ 300 victimes civiles et 1 500 tués, tant militaires tchadiens que rebelles, ces chiffres demandant à être confirmés. Les photos prises par satellite permettent de dénombrer environ 150 véhicules rebelles détruits lors des combats ;
- il y a aujourd'hui au Tchad environ 1 500 soldats français, après les deux renforts successifs en provenance de Libreville. Les Mirage F1, qui pourraient être pris pour cibles par les rebelles sur l'aéroport de N'Djamena, ont été mis en sécurité.
Le ministre s'est félicité des remerciements exprimés, notamment par l'Allemagne et les Etats-Unis, à l'armée française qui a réalisé l'exfiltration des personnels de plusieurs ambassades dans des conditions très difficiles. Il a souligné que les rebelles, dont l'objectif était de tuer le président Déby, ont subi un revers important et a rappelé qu'aucun pays africain n'avait publiquement apporté son soutien à la rébellion depuis le début des hostilités. Le président tchadien a pu s'appuyer sur un soutien loyal et solide de ses partisans, sans compter une force envoyée par le Mouvement pour la justice et l'égalité (islamistes soudanais en opposition au président Béchir) qui est venue appuyer le président Déby.
Militaires - Formation des marins - Communication
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu une communication de M. André Boyer sur la formation des marins.
M. André Boyer, rapporteur, a tout d'abord indiqué que la question de l' « après-Jeanne d'Arc » l'avait conduit à s'intéresser à la formation des marins.
Il a rappelé que le désarmement de la Jeanne d'Arc, le bâtiment-école qui est une pièce maîtresse dans notre dispositif de formation des officiers de marine, était proche. Ce bâtiment ne sera pas remplacé, obligeant à une réflexion globale sur l'organisation de la formation initiale des officiers et, au-delà, sur la formation des marins.
Plus largement, il a observé que les armées évoluaient aujourd'hui dans un environnement marqué par la part croissante des opérations interarmées, interalliées et internationales. Il fallait, à l'évidence, en tirer les conséquences en termes de formation.
Enfin, dans un contexte budgétaire difficile, le meilleur rapport coût/efficacité devait être recherché.
Il a indiqué qu'en sus de ses travaux sur le système français, il avait tenté un exercice de comparaison entre les systèmes français et britannique de formation des marins, les deux marines étant comparables en de nombreux points (vocation océanique, forces nucléaires, choix d'équipements, effort budgétaire et personnels).
Evoquant tout d'abord l'évolution des besoins de formation, il a rappelé que la marine était une armée d'ingénieurs et de techniciens. Les matériels, de plus en plus sophistiqués, et la réduction du format des équipages exigent des personnels adéquatement formés et polyvalents pour les mettre en oeuvre. Armée de petite taille, la marine forme de petits effectifs, dans un grand nombre de spécialités. Il en résulte, notamment, un coût de formation par marin double de celui des autres armées. La marine prévoit de consacrer en 2008, 286,5 millions d'euros à la formation de ses personnels, soit environ 10 % des crédits de préparation et d'emploi des forces navales.
M. André Boyer, rapporteur, a considéré que le principal défi, qui touche, lui, toutes les armées, tenait plutôt à l'évolution de notre société. La formation initiale en effet doit faire passer de l'état civil à l'état militaire des jeunes qui y sont moins préparés sinon moins disposés. Le système doit s'adapter à une population désormais différente.
Des méthodes pédagogiques plus interactives et faisant davantage appel aux nouvelles technologies sont nécessaires, tout comme l'accent mis sur le développement de qualités humaines telles que l'esprit d'équipage ou la formation au « leadership ».
C'est pourquoi le rapporteur a estimé que la partie initiale de la formation, celle où s'acquiert l'état militaire, devait relever de chacune des armées. On y acquiert non seulement un savoir-faire mais encore une culture et un sentiment d'appartenance qui font partie de l'attractivité du métier militaire. Ce dernier point sera de plus en plus décisif dans un contexte démographique où les jeunes entrants sur le marché du travail seront moins nombreux.
Il a indiqué que l'école navale, valorisant son implantation sur le site de Brest, avait ainsi fait le choix de développer son rayonnement dans le domaine maritime en nouant des partenariats avec des universités et des instituts de recherche, plutôt que de se rapprocher de ses homologues des autres armées. Elle a mis en place un institut de recherche spécifique, l'IRENAV, qui sert de cadre aux projets de recherche des élèves.
S'agissant d'une formation plus interarmées, c'est dans le domaine des spécialités que les perspectives de mutualisation étaient les plus évidentes.
Il a indiqué que ce processus avait été engagé : les personnels de maintenance aéronautique étaient formés à Rochefort par les soins de l'armée de l'air, les formations en langues étaient dispensées à Strasbourg sous tutelle de l'armée de terre et la marine accueillait, à Querqueville, les formations administratives et aux métiers de bouche de l'ensemble des armées et de la gendarmerie.
Il a cependant estimé que cette logique semblait pouvoir être poussée beaucoup plus loin, l'école des fourriers de Querqueville étant plus une colocalisation qu'une école interarmées : les équipes enseignantes locales sont certes interarmées, mais, pour les élèves, les cours restent dispensés par armée, les efforts, réels, des personnels de l'école, se heurtant à des différences d'organisation propre à chacune des armées. Une impulsion interarmées pour gommer les différences de calendrier de recrutement, de systèmes d'exploitation, de logiciels ayant le même objet, de procédures qui n'ont pas de justification opérationnelle, serait dans ce domaine éminemment souhaitable.
M. André Boyer, rapporteur, a précisé que les armées disposant d'une structure de dialogue, le comité de coordination de la formation recense les contenus des formations et les rapprochements possibles. Il semble cependant nécessaire de renforcer dans ce domaine l'impulsion donnée à ce mouvement ; au plus haut niveau, c'est-à-dire celui du chef d'état-major des armées. Il ne s'agit pas là de définir des contenus de formation, mais bien de lever les obstacles qui s'opposent à des rapprochements plus significatifs et plus profitables.
Evoquant les évolutions susceptibles d'intervenir dans l'organisation de la formation, il a rappelé que le système de formation de la marine s'appuyait largement sur les écoles, sous la direction d'une structure relativement légère en état-major. Les instructeurs proviennent des unités, ce qui garantit un dialogue permanent entre les écoles et les forces. Ces écoles sont au nombre de 27, de tailles très différentes.
Si le centre d'instruction naval (CIN) de Saint-Mandrier, qui forme à de nombreuses spécialités (51 types de cours différents), accueille 2.300 élèves officiers et non-officiers et plus de 4.850 stagiaires par an, tandis que l'école de navigation sous-marine de Brest forme une centaine de personnes par an avec une moyenne de 4 stagiaires par cours, dans de nombreux cas, les formations concernent un nombre très réduit d'élèves.
M. André Boyer a relevé qu'à la différence des écoles placées sous tutelle de la DGA, les écoles des différentes armées n'étaient pas des établissements publics : elles sont considérées comme des unités et relèvent, pour leurs dépenses, de la région militaire, ou de la direction du personnel de la marine pour la solde des élèves.
Il a constaté que ce système présentait divers inconvénients.
En premier lieu, il n'est pas adapté à la spécificité des besoins des écoles, tant en matière d'achat qu'en matière d'entretien des matériels.
Il a regretté que l'expérimentation de globalisation de crédits dans la perspective de la mise en oeuvre de la LOLF, menée au CIN Saint-Mandrier, en 2004-2005, n'ait pas été pérennisée.
Il a craint que la suppression annoncée du « régime des masses », procédure dérogatoire permettant de rendre compte a posteriori de certaines dépenses (32 millions d'euros pour la marine), ne se traduise par une perte de souplesse dans la gestion des écoles.
D'une façon générale, il a estimé que l'autonomie de gestion des écoles devait être renforcée tant pour des questions d'organisation que de développement et de rayonnement sur le plan universitaire et scientifique. Pour l'institut de recherche de l'Ecole navale, cette évolution est indispensable. Sur le strict domaine de la recherche, un GIP est en cours de constitution avec l'Ecole supérieure des arts et métiers, Thalès et DCNS. L'école atomique de Cherbourg, qui dispense des formations de très grande qualité, devrait également avoir les moyens de rayonner dans son domaine spécifique, le nucléaire, actuellement en grand développement.
M. André Boyer, rapporteur, a estimé que l'évolution vers une autonomie de gestion accrue supposait cependant une certaine taille critique dont beaucoup d'établissements ne disposaient pas.
Il a estimé que la réflexion en cours sur les implantations militaires devrait prendre en considération l'appareil de formation, même si des investissements en infrastructure s'avéraient nécessaires à d'éventuels rapprochements.
Il a ensuite évoqué les coopérations européennes envisageables.
Il a rappelé que le ministre de la défense avait annoncé que la mise en place d'une sorte « d'Erasmus de la Défense » pour les officiers serait une de ses priorités. Il a considéré que, sur ce point, la démarche devait être pragmatique.
Les échanges complets de cursus, comme tel est le cas avec l'Allemagne, pour deux élèves par an depuis 1993, à l'école navale, paraissent difficiles à généraliser. En 2008, l'école devrait cependant accueillir des marins belges et allemands pour la scolarité du master.
Le rapporteur a indiqué qu'un travail de recensement et de comparaison des différentes formations d'officiers dispensées en Europe avait été réalisé et que, sur cette base, il fallait développer les échanges de semestres.
Il a estimé que cette approche pragmatique était préférable à celle d'un « bâtiment-école européen », qui apparaissait davantage comme l'expression de la volonté française de remplacer la Jeanne d'Arc à moindre frais, que de celle de proposer une coopération européenne et qui ne peut relever que d'une démarche de plus long terme. C'est pourquoi le désarmement de la Jeanne d'Arc conduira certainement à une révision plus large de notre outil de formation qu'il n'apparaît de prime abord. Dans l'immédiat, la solution retenue consiste à dissocier l'école de spécialité et la période de stage, la première étant réalisée au CIN de Saint-Mandrier, la seconde sur la frégate Georges Leygues accompagnée de deux autres bâtiments ainsi que par le recours accru à des simulateurs.
Il a précisé qu'amorcée sous l'effet de l'application aux écoles militaires des normes établies par le processus de Bologne (LMD : Licence, Master, Doctorat), la division des cursus en semestre, opérée depuis 2002 à l'école navale était décisive pour nouer des coopérations et favoriser des échanges, au bénéfice de la formation linguistique et de la formation aux pratiques d'autres armées. A la différence notable du Royaume-Uni, c'est au demeurant la voie suivie par les autres écoles européennes (Allemagne, Belgique, Espagne). Elle permet d'accueillir en cours de formation des étudiants issus de l'université ou d'autres filières. Elle a cependant eu pour effet de faire passer la scolarité de l'école navale de 3 à 4 ans et conduit à des cursus particulièrement denses pour certaines spécialités.
M. André Boyer, rapporteur, a souligné que le renforcement de la « modularité » pourrait permettre de commencer plus tôt certains parcours, comme celui des atomiciens et que la phase de « militarisation » des élèves officiers, répartie au long du cursus, pourrait utilement être dispensée au début de celui-ci, pour une meilleure perception par les élèves de la carrière à laquelle ils se destinent. Des coopérations devant également être développées pour les personnels travaillant sur des matériels issus de programmes menés en coopération (Horizon, FREMM, 2e porte-avions).
Evoquant ensuite l'outil de formation britannique, il a souligné que même si le résultat obtenu était, en définitive, assez proche, la philosophie du système de formation britannique était très différente. L'environnement économique (économie en croissance), social (marché du travail dynamique et compétitif) ou militaire (engagements importants en Iraq et en Afghanistan) dans lequel s'inscrit ce système de formation génère des contraintes particulières, notamment, budgétaires.
M. André Boyer, rapporteur, a indiqué que le Royaume-Uni s'était livré à une révision globale de son outil de formation militaire.
Lancée en 1999 après une très vaste consultation, la « Defense Training Review » a été publiée en 2001.
Le mot d'ordre en était la réduction des coûts passant par la réduction du volume de personnels, la réduction du nombre de sites, la réduction de la durée de formation et le recours accru aux nouvelles technologies. Elle s'inscrit dans un contexte général d'externalisation poussée et de mutualisation forte entre armées.
Le budget de la formation des marins s'élève à 500 millions de livres par an, ce qui représente 15 % des crédits de la marine. Sur ce total, 120 millions de livres sont consacrés à la rémunération des personnels en formation. Le rapporteur a précisé que la comparaison avec la France était cependant malaisée en raison du caractère perfectible de nos outils de connaissance des coûts.
M. André Boyer, rapporteur, a souligné que les Britanniques évoquaient plus la notion d'entraînement que de formation. L'enseignement académique est strictement réduit et confié, autant que possible, à l'université, voire à l'auto-formation. Il se concentre sur les aspects plus militaires (valorisation du travail en équipe, leadership, courage physique...) et se veut avant tout appliqué, orienté vers les situations concrètes auxquelles sont confrontés les personnels.
Autre différence importante, les personnels sont recrutés plus tôt, plus jeunes et sans condition de diplôme particulière, 20 % d'une promotion de l'école de formation des officiers en effet sont recrutés sans diplôme universitaire. A HMS Raleigh, centre de formation initiale des équipages, une part non négligeable des recrues est mineure. Le recrutement fait une large place à la promotion par le rang tandis que l'équivalent de la formation des sous-officiers recrutés à un niveau élevé dans notre école de maistrance, qui fournit en France les effectifs promus par le rang, n'existe pas en tant que telle.
Dans un souci d'adaptation de la formation au « juste besoin », les parcours de formation sont beaucoup plus modulaires. Le choix des spécialités s'effectue très tôt, dès l'entrée en formation, ce qui permet d'adapter la durée des cursus à la spécialité choisie. La durée de la formation initiale des officiers varie ainsi de 28 à 49 semaines.
Un accent particulier est mis sur l'utilisation des nouvelles technologies, notamment comme outil de personnalisation de la formation et comme alternative à la présence physique des personnels dans un centre de formation.
Le système de formation tire aussi avantage des progrès accomplis dans la simulation, qui permettent, dans des conditions de sécurité totale et à moindre coût, d'exposer les personnels à des situations très variées et à unifier leur expérience.
M. André Boyer, rapporteur, a souligné que la marine britannique avait, par ailleurs, une longue expérience de l'externalisation. Des contrats de quinze ans ont ainsi été signés en 1996 pour tous les sites d'entraînement et reconduits, après renégociation, jusqu'en 2012. Ils avaient d'emblée pour objectif une économie de 46 millions de livres (en crédits de personnels principalement), objectif partiellement atteint à l'approche de l'échéance du contrat.
Ces partenariats publics-privés ont progressivement changé de nature pour passer de la simple prestation de services à un partenariat beaucoup plus intégré qui allie, en matière de formation, la conception et la fourniture des supports pédagogiques, le développement et la mise à disposition des outils de formation, comme les simulateurs mais aussi le soutien des infrastructures et les prestations de formateurs. La société « Flagship » est extrêmement visible sur tous les sites, qu'il s'agisse de ses installations ou de ses personnels.
Une des conséquences les plus notables de la Defense training review est d'ailleurs un projet de partenariat public-privé particulièrement ambitieux qui représente 14 milliards de livres sur 30 ans. Ce projet vise à assurer la formation de spécialité des trois armées, dans des domaines où les besoins sont proches, sur un campus de défense situé à St Athan, dans le sud du pays de Galles, où est actuellement implanté un centre de formation de l'armée de l'air.
Il consiste en un vaste programme immobilier réalisé ex nihilo et financé, pour partie, par la vente de sites existants, réduisant le nombre d'implantations de 30 à 10. Le contrat devrait être signé en 2008 pour une durée de 30 ans et une mise en oeuvre à partir de 2011.
Afin de ne pas donner à ce projet le caractère d'une université de la défense « civile », le ministère de la Défense britannique a décidé de maintenir un ratio de 40 % du temps de formation assurée par des militaires.
Tout en indiquant que ses interlocuteurs s'étaient montrés confiants dans la capacité du ministère de la Défense à gérer cette relation avec le partenaire privé de façon profitable, le rapporteur a considéré cette expérience comme risquée. A terme, il convient de s'interroger d'une part sur la répartition des rôles entre l'Etat et le secteur privé dans un domaine où les possibilités de mise en concurrence sont par nature limitées et d'autre part sur les conséquences de la présence d'une part importante de formateurs civils dans les équipes.
En conclusion, M. André Boyer, rapporteur, a estimé que, sans imaginer la transposition d'un modèle d'organisation très différent, il était possible de tirer parti de certaines expériences, qu'il s'agisse notamment d'une pratique beaucoup plus ancienne de l'interarmées (en respectant bien sûr la culture spécifique de chaque milieu), ou d'une pratique beaucoup plus poussée de l'externalisation, sur laquelle on peut être plus réservé.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
Evoquant l'importance de la Jeanne d'Arc pour l'image de la France, M. Robert del Picchia a souligné que ce bâtiment était plus qu'un bâtiment-école et qu'il assurait des missions de rayonnement.
M. André Boyer, rapporteur, a estimé que ce type de service pourrait continuer d'être rendu par les escales des bâtiments de la marine.
M. Josselin de Rohan, président, a souligné le rôle joué par la Jeanne d'Arc pour forger l'unité d'une promotion. Il a estimé qu'un bilan de la nouvelle organisation serait nécessaire dans quelques années.
M. André Boyer, rapporteur, a indiqué que l'ensemble d'une promotion n'embarquerait pas sur le même bâtiment et que la durée de la campagne serait raccourcie mais que le principe d'une « école à la mer » était maintenu. Il a insisté sur la qualité des simulateurs disponibles.
M. Joseph Kergueris a considéré qu'il fallait replacer la formation à l'école navale dans le cursus global accompli par les officiers, dont le statut était particulier. Il a estimé que la France souffrait d'un déficit de techniciens et qu'il fallait apprécier la contribution à l'économie nationale des formations dispensées par la marine, lorsque les techniciens quittent l'armée.
Il s'est interrogé sur le point de savoir si un bâtiment de la marine pouvait être adapté à la fonction de marine-école.
M. Josselin de Rohan, président, a souligné l'importance des différences entre les systèmes français et britannique et la spécificité du bâtiment-école.
Il a estimé que les résultats des changements apportés devraient être appréciés sur la longue période.
La commission a pris acte de la communication de M. André Boyer et autorisé sa publication sous la forme d'un rapport d'information.
Géorgie - Mission d'observation et situation géopolitique - Communication
La commission a ensuite entendu une communication de M. Philippe Nogrix sur sa récente mission d'observation électorale en Géorgie.
M. Philippe Nogrix a indiqué qu'il avait été désigné par le Président du Sénat, à l'invitation des autorités de Géorgie, pour participer en tant qu'observateur international aux trois scrutins organisés concomitamment dans ce pays le 5 janvier 2008 : l'élection présidentielle anticipée et deux référendums, le premier sur la demande d'adhésion de la Géorgie à l'OTAN, l'autre sur l'organisation d'élections législatives au printemps 2008. Il a précisé qu'il avait séjourné dans ce pays du 2 au 8 janvier 2008, d'abord à Tbilissi où il avait eu plusieurs entretiens avec différentes personnalités -notamment Mme Salomé Zourabischvili- puis à Batoumi, sur la Mer Noire, où il avait suivi les opérations électorales et rencontré les représentants de la République autonome d'Adjarie, des responsables économiques et deux hautes autorités religieuses : le Métropolite Dimitri, et le Grand Mufti de Batoumi.
Abordant le déroulement du scrutin, M. Philippe Nogrix a considéré que les opérations s'étaient déroulées dans un climat serein et des conditions techniques acceptables, mais que, sur le plan politique, la consultation marquait un semi-échec du Président Saakachvili, eu égard à la très faible avance dont l'avaient finalement crédité les urnes.
Tout en soulignant qu'il ne pouvait livrer que des observations personnelles -donc parcellaires- il a constaté qu'elles rejoignaient, pour l'essentiel, celles de la majorité des autres observateurs internationaux, pour lesquels le scrutin n'avait pas révélé de faille majeure, qu'il s'agisse des présidents des bureaux de vote, du matériel électoral, de l'agencement des locaux et des isoloirs ou de la présence effective des représentants des candidats et de très nombreux observateurs nationaux et internationaux.
En revanche, M. Philippe Nogrix s'est montré plus réservé sur le dépouillement, qui lui avait paru lent et lourd, entouré d'un formalisme beaucoup trop pointilleux et relativement inefficace. Il a noté, en particulier, le caractère brouillon des décomptes de voix et le traitement approximatif des « enveloppes rouges » correspondant aux suffrages des électeurs non-inscrits sur la liste électorale principale, mais qui justifiaient de leur inscriptibilité dans le ressort du bureau de vote. A cet égard, il s'est interrogé sur la marge de fraude qui avait pu en résulter, élément de nature à discréditer les résultats, compte tenu de la faible avance du vainqueur (moins de 3 %).
M. Philippe Nogrix a ensuite formulé quelques observations sur la campagne électorale, manifestement déséquilibrée en faveur du « candidat n° 5 », c'est-à-dire le président sortant, qui avait bénéficié d'une couverture médiatique et d'affichage très importante par rapport à ses concurrents.
Dans ce contexte, il a considéré que la consultation du 5 janvier ne représentait pas un succès politique, même si, dès le départ, l'opposition s'était présentée en ordre trop dispersé pour pouvoir espérer l'emporter. Il a craint qu'avec seulement 53 % des voix -et des accusations de fraude électorale difficiles à démentir- le Président géorgien ne soit pas parvenu à redresser son image ternie par l'état d'urgence de novembre 2007, et que finalement, le gain soit nul, et même plutôt défavorable.
M. Philippe Nogrix a toutefois souligné que les législatives du printemps devaient constituer un test essentiel en redonnant au président une vraie majorité, ou, au contraire, en lui imposant une cohabitation dont, à ce jour, nul ne pouvait prévoir les effets.
Etendant ensuite son propos à la situation géopolitique de la Géorgie en 2008 (pays auquel, à son avis, la France prêtait sans doute insuffisamment d'attention) M. Philippe Nogrix a regretté la faible présence des entreprises françaises, y compris dans leurs secteurs privilégiés d'expertise (traitement des eaux, équipements touristiques, BTP et agro-alimentaire), avec pour conséquence une forte implantation d'autres opérateurs étrangers, les Américains, les Turcs, les Allemands ou les Kazakhstanais, notamment.
Il s'est déclaré frappé par le délabrement de l'agriculture géorgienne -naguère florissante mais laissée à l'abandon avec l'effondrement des structures agraires héritées de l'ex-URSS- par sa dépendance vis-à-vis de ses fournisseurs extérieurs et, apparemment, par ses faibles perspectives économiques à court terme.
Il a, en outre, rappelé l'incidence de l'embargo imposé par la Russie en raison des conflits intérieurs en Ossétie du Sud et en Abkazie, empêchant le Géorgie d'y exporter ses anciennes productions phare comme le vin, les eaux minérales ou les fruits.
Au plan industriel, il a indiqué que la Géorgie vivait principalement du traitement et de l'exportation des ferrailles, ainsi que du transit des hydrocarbures de la Mer Caspienne vers la Mer Noire, via une noria de wagons-citernes déchargeant au terminal pétrolier de Batoumi. Il a également évoqué les grands projets d'oléoducs devant permettre l'acheminement par la Géorgie d'une partie de la production d'hydrocarbures russe.
M. Philippe Nogrix s'est toutefois montré prudent dans son diagnostic économique, soulignant le poids de l'économie souterraine facilitée par les allégeances claniques, l'influence des capitaux étrangers -dont sans doute beaucoup « d'argent sale »- et l'ampleur des transferts directs d'argent ou des investissements en provenance de la diaspora géorgienne, non comptabilisés dans les statistiques officielles.
A titre d'exemple, il a cité l'intense promotion immobilière et la réalisation d'ambitieux équipements touristiques sur le littoral de la Mer Noire, dont le financement empruntait des voies parfois assez obscures.
En conclusion, M. Philippe Nogrix s'est déclaré convaincu de l'intérêt de resserrer les liens avec la Géorgie, citant, parmi différentes pistes crédibles, la coopération électorale, la coopération économique ou les relations interparlementaires auxquelles, a-t-il rappelé, le groupe interparlementaire d'amitié France-Caucase du Sénat s'employait activement depuis des années.
En réponse à une question de M. Josselin de Rohan, président, M. Philippe Nogrix a confirmé qu'outre les observateurs nationaux et les représentants de tous les partis déployés dans tous les bureaux de vote, l'élection avait été suivie sur place par plus d'un millier d'observateurs étrangers de plusieurs délégations, notamment celles de l'OSCE, du Conseil de l'Europe, du Bureau international des Droits de l'Homme, etc... Avec une telle densité d'observateurs, il lui a semblé improbable que ces scrutins aient pu donner prise à une fraude de grande ampleur.
A M. André Boyer, qui l'interrogeait sur les relations entre la Turquie et la Géorgie, M. Philippe Nogrix a fait valoir l'ambiguïté des liens entre ces deux pays aux cultures si différentes, la Géorgie devant toutefois composer avec les Turcs, principaux fournisseurs des biens de consommation courante du marché géorgien et alliés potentiels dans la perspective d'une éventuelle accession de la Géorgie à l'OTAN.
M. Robert del Picchia a souhaité des précisions sur le rôle joué actuellement par Mme Salomé Sourabichvili et M. André Boyer s'est interrogé sur les relations entre la Géorgie et la Turquie.
M. Philippe Nogrix a confirmé l'engagement politique de Mme Sourabichvili et sa position très critique à l'égard de l'actuel gouvernement. Il a indiqué que les relations entre la Turquie et la Géorgie étaient bonnes, mais non dénuées d'ambiguïté.
Jeudi 7 février 2008
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président.Union européenne - Traité de Lisbonne - Examen du rapport
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean François-Poncet sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes.
M. Josselin de Rohan, président, a indiqué qu'après l'adoption du projet de loi de révision constitutionnelle et les débats au Congrès, les parlementaires étaient appelés pour la troisième fois à se prononcer, directement ou indirectement, sur le traité de Lisbonne avec le projet de loi autorisant sa ratification.
M. Josselin de Rohan, président, a également rappelé que, compte tenu du calendrier serré d'examen du projet de loi de ratification, la commission avait confié à son rapporteur, M. Jean François-Poncet, le soin de présenter un rapport d'information sur le traité de Lisbonne, discuté la semaine passée, adopté par la commission et déjà publié.
M. Robert Bret s'étant interrogé sur la possibilité pour la commission de se prononcer sur un projet de loi qui n'a pas encore été déposé formellement sur le bureau du Sénat et qui est toujours en discussion à l'Assemblée nationale, M. Josselin de Rohan, président, a rappelé le contexte très particulier de l'examen de ce projet de loi de ratification. Compte tenu de ce contexte, il lui avait semblé préférable pour l'expression des opinions qu'un débat ait lieu au sein de la commission, d'autant plus s'agissant d'un traité dont le contenu ne peut être amendé.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué qu'il ne reviendrait pas sur le contenu du traité de Lisbonne, dont la description détaillée figure dans son rapport d'information. Il a simplement souhaité faire trois observations.
En premier lieu, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a rappelé les grandes avancées du traité de Lisbonne, qui s'inspirent des propositions formulées par la Convention présidée par M. Valery Giscard d'Estaing, et qui permettront à l'Union élargie de fonctionner de manière efficace.
En deuxième lieu, il a souligné la nécessité de préparer la mise en place des principales innovations institutionnelles prévues par le traité de Lisbonne.
A cet égard, il a mentionné la question complexe de l'articulation future entre les quatre figures que seront le président stable du conseil européen, le président de la Commission européenne, le chef d'Etat ou de gouvernement de la présidence tournante des formations spécialisées du Conseil et le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui dépendra à la fois du Conseil européen et de la Commission européenne et qui présidera le Conseil « Affaires étrangères ».
En dernier lieu, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que le projet de loi de ratification, tel qu'il a été transmis à l'Assemblée nationale, ne comportait qu'un seul article visant à autoriser la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la communauté européenne, et certains actes connexes, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007.
M. Jean-Pierre Raffarin a souligné l'importance de la présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre de l'année 2008 dans la préparation de la mise en oeuvre du traité de Lisbonne, qui devrait pouvoir entrer en vigueur le 1er janvier 2009, si tous les Etats membres ont achevé à cette date leur procédure de ratification.
Il a mentionné, en particulier, le choix des personnalités pour occuper la fonction de président du conseil européen et celle du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui devrait intervenir sous présidence française.
M. Jean-Pierre Raffarin a également considéré que les élections européennes de juin 2009 pourraient avoir une grande importance et influencer directement l'évolution du régime politique de l'Union européenne, en favorisant l'émergence d'une politisation, notamment dans le cas où une nette majorité parlementaire se dégagerait au sein du parlement européen.
M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que la commission avait créé un groupe de travail chargé du suivi de la présidence française de l'Union européenne, qui aura notamment pour tâche de suivre la préparation de la mise en place du traité de Lisbonne. Il s'agira d'un exercice délicat, compte tenu des procédures de ratification qui se dérouleront parallèlement.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que le choix des premiers titulaires des fonctions de président du conseil européen et de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité aura une grande importance et que la présidence française de l'Union européenne devrait avoir à cet égard une responsabilité particulière, même si on ne peut exclure un certain retard dans le processus de ratification. La République tchèque serait alors conduite à exercer pendant une certaine période une présidence de plein exercice.
Concernant la personnalité qui sera choisie pour occuper le poste de président du Conseil européen, M. Jean François-Poncet, rapporteur, s'est interrogé sur l'éventuelle candidature de Tony Blair, dont il n'est pas certain qu'elle recueille l'adhésion du Premier ministre britannique, M. Gordon Brown. Il a, en revanche, mis en avant les qualités de M. Jean-Claude Juncker, qui présente l'avantage d'avoir une grande expérience à la fois nationale et européenne, d'avoir démontré son engagement européen et d'être issu d'un « petit pays ».
En ce qui concerne le Haut représentant, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que le premier titulaire serait désigné par le Conseil européen, avec l'accord du président de la Commission, pour une période transitoire jusqu'au renouvellement de la Commission européenne à l'automne 2009.
Indiquant qu'il partageait le sentiment de M. Jean-Pierre Raffarin, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a souligné la montée en puissance du Parlement européen, qui voyait ses pouvoirs renforcés en matière législative et budgétaire par le traité de Lisbonne.
Compte tenu du risque de concurrence ou de conflit entre le président du conseil européen et le président de la Commission européenne, dont la légitimité sera renforcée, puisqu'il procèdera de la majorité issue des élections au parlement européen, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a évoqué la question de la fusion du poste de président de la Commission et de président du conseil européen qui pourrait se poser à terme, ouvrant la voie à un exécutif unifié et à un système parlementaire au niveau européen.
M. Jean-Pierre Raffarin s'étant interrogé sur les difficultés qui pourraient résulter d'une concomitance d'un retard dans les procédures de ratification avec le processus électoral européen, M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué qu'au-delà du référendum irlandais, le Royaume-Uni envisageait de ratifier au mois de juillet prochain.
En revanche, M. Jean François-Poncet, rapporteur, s'est déclaré confiant dans l'attitude du Danemark et de son gouvernement, qui envisage même d'organiser un ou plusieurs référendums afin de pouvoir participer pleinement à l'acquis européen, notamment en ce qui concerne la monnaie unique, la citoyenneté européenne, la politique de défense et l'espace de liberté, de sécurité et de justice.
A l'issue de ce débat, la commission a adopté, sur le rapport de M. Jean François-Poncet, le projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne, sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission au Sénat, décision à confirmer lors de la réunion de la commission prévue le même jour à 17 heures.
Nomination de rapporteurs
La commission a ensuite désigné comme rapporteurs sur les projets de loi suivants (sous réserve de leur adoption par l'Assemblée nationale et de leur transmission) :
- M. Robert del Picchia sur le projet de loi n° 170 (AN - XIIIe législature) autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion des nouveaux Etats membres de l'Union européenne à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes ;
- M. Gérard Roujas sur le projet de loi n° 249 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la coopération dans le domaine de l'étude et de l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques ;
- Mme Paulette Brisepierre sur le projet de loi n° 300 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de la convention de partenariat pour la coopération culturelle et le développement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc ;
- M. André Boyer sur le projet de loi n° 443 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie relatif à la coopération en matière d'application de la législation relative à la pêche dans les zones maritimes adjacentes aux Terres australes et antarctiques françaises, à l'île Heard et aux îles Mc Donald ;
- M. Joseph Kergueris sur le projet de loi n° 500 (AN - XIIIe législature) autorisant l'approbation du règlement de la Commission intergouvernementale concernant la sécurité de la liaison trans-Manche ;
- M. Philippe Nogrix sur le projet de loi n° 668 (AN - XIIIe législature) autorisant la ratification de l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Etats-Unis d'Amérique, d'autre part.
La commission a également désigné M. André Dulait sur le projet de loi n° 324 (2006-2007) relatif aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense.
Union européenne - Traité de Lisbonne - Examen de motions et d'amendements
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé, sur le rapport de M. Jean François-Poncet à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 200 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes.
La commission a d'abord procédé à l'examen de la motion n° 3, présentée par M. Jean-Luc Mélenchon, tendant à opposer la question préalable au motif, le traité de Lisbonne ne se distinguant que par la forme du projet de Constitution européenne rejeté par le peuple français par référendum le 29 mai 2005, qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre la discussion visant à autoriser la ratification de ce traité.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, a indiqué que cette motion n'avait pas lieu d'être étant donné que le traité de Lisbonne se différencie du traité constitutionnel, non seulement parce qu'il abandonne l'ambition constitutionnelle de ce dernier, mais encore parce qu'il ne reprend pas l'essentiel de la troisième partie de la constitution européenne.
La commission a alors donné un avis défavorable à cette motion.
La commission a ensuite procédé à l'examen de la motion n° 2, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Robert Bret et les membres du Groupe Communiste Républicain et Citoyen, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au motif que le projet de loi de ratification du traité de Lisbonne était irrecevable politiquement et qu'il demeurait incompatible avec la Constitution en dépit de la révision de celle-ci.
M. Robert Bret a considéré que le choix de procéder à la ratification du traité de Lisbonne par la voie parlementaire constituait un déni de démocratie et il a considéré comme une « anomalie » le fait qu'au Sénat la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité soit débattue à l'issue de la discussion générale.
M. Jean François-Poncet, rapporteur, a rappelé que la plupart des traités européens avaient été ratifiés par le passé par voie parlementaire, comme le traité de Rome, le traité d'Amsterdam ou le traité de Nice. Tel sera le cas pour 26 des 27 pays européens en 2008.
La commission a alors donné un avis défavorable à cette motion.
Enfin, la commission a procédé à l'examen de l'amendement n° 1 présenté par MM. Michel Charasse et Jean-Luc Mélenchon tendant à ajouter à l'article unique du projet de loi une référence aux décisions du Conseil constitutionnel des 19 novembre 2004 et 20 décembre 2007, ainsi qu'une disposition selon laquelle tout acte européen de quelque nature que ce soit contraire aux décisions susvisées du Conseil constitutionnel est nul et de nul effet à l'égard de la France.
Après que M. Jean François-Poncet, rapporteur, eut rappelé les termes de la décision du Conseil constitutionnel en date du 9 avril 2003, précisant la portée de l'article 47 du règlement du Sénat, la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.
La commission a alors adopté, le groupe CRC votant contre, le projet de loi n° 200 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes.