Mercredi 26 septembre 2007
- Présidence de M. Robert Del Picchia, vice-président.Audition de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie
La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, sur la coopération, l'aide au développement et le budget de la mission « Aide au développement » pour 2008.
Accueillant M. Jean-Marie Bockel, M. Robert Del Picchia, président, a rappelé que la commission s'intéressait bien sûr aux montants que le projet de loi de finances consacrait à l'aide au développement pour 2008, mais aussi, et peut-être surtout, aux priorités et aux canaux d'intervention de cette aide.
Il a souligné que 2007 aurait dû être l'année de franchissement d'un palier symbolique de 0,5 % du PIB consacré à l'aide au développement, mais que, comme pour tous les objectifs définis en part de la richesse nationale, celui-ci était soumis à des aléas extérieurs nombreux, qui tenaient à la conjoncture, mais aussi à la structure de notre aide.
Il a noté que la réforme de la coopération, lancée il y a dix ans, et sans cesse revisitée, n'était pas encore achevée et que l'OCDE critiquait régulièrement sa dispersion et ses priorités multiples.
Il a rappelé que le ministre avait fait part de son intention de concentrer les aides, de les conditionner davantage et de les évaluer de façon plus systématique.
Il a souhaité que le ministre s'exprime sur la façon dont la Direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, pourrait être réformée, pour s'adapter à cette poursuite de la réforme, et sur l'arrivée d'un nouvel acteur sous la forme d'un ministère chargé, de façon spécifique, du codéveloppement, qui suscite également un nouveau partage des rôles.
M. Jean-Marie Bockel a tout d'abord indiqué que le volume de l'aide française, qui avait atteint 0,47 % du PIB, en 2006, devrait certainement être revu à la baisse en 2007, pour s'établir à environ 0,42 %. En dépit de l'objectif de 0,5 %, plusieurs facteurs expliquent cette évolution. Certaines dépenses comptabilisées dans l'aide publique au développement (APD), comme les frais d'accueil des réfugiés et des coûts de scolarité des étudiants étrangers en France, ont été réévalués à la baisse, tandis que l'on observe une stagnation de l'aide bilatérale programmable et que deux importantes opérations d'annulation de dettes relatives à la Côte d'Ivoire et à la République démocratique du Congo ont dû être reportées en raison de l'instabilité politique qui prévaut dans ces deux pays. En 2008, si ces deux opérations sont réalisées, l'aide publique française pourrait se redresser à hauteur de 0,45 % du PIB. L'augmentation de l'effet de levier des prêts consentis par l'Agence française de développement (AFD) devrait contribuer à cet objectif ainsi que la comptabilisation du produit de la taxe sur les billets d'avion, utilisé en 2007 pour financer la première émission d'emprunt de la facilité internationale pour la vaccination ainsi que la facilité pour l'achat de médicaments UNITAID. A plus long terme, le ministre a indiqué que le Président de la République avait réaffirmé l'objectif de 0,7 % à l'horizon 2015.
Evoquant les crédits de la mission « Aide publique au développement », qui constitue la part dite « programmable » de l'aide française, M. Jean-Marie Bockel a indiqué qu'en dépit d'un contexte budgétaire très tendu, ces crédits avaient été préservés. Il a qualifié de « pause dynamique » la stabilité des crédits de paiement associés à un renforcement des autorisations d'engagement, qui constituent l'APD de demain.
Les crédits du programme 110 sont stables à hauteur de 985 millions d'euros, les prêts de l'AFD ayant été sécurisés par une affectation des 100 millions d'euros des résultats de l'Agence. L'augmentation des autorisations de programme, de 13 % par rapport à 2007, permettra de faire face aux reconstitutions de différents fonds internationaux comme l'aide internationale au développement (AID) ou le Fonds africain de développement ( FAD).
Le programme 209 présente les mêmes caractéristiques de stabilité des crédits de paiement et de progression des autorisations d'engagement. Ces crédits permettront, avec 900 millions d'euros pour les trois prochaines années, de conserver le second rang des contributeurs au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, de répondre à un appel de contribution accru du Fonds européen de développement, pour lequel la France a entamé des discussions en vue d'un lissage dans le temps.
Les dotations de l'aide bilatérale, dont le ministre a considéré qu'elles avaient été trop souvent le parent pauvre de l'aide, bénéficient d'un effort significatif en faveur de l'AFD, sous forme d'une augmentation réelle de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 32 millions d'euros en crédits de paiement.
Conformément à l'engagement renouvelé par le Président de la République, les moyens mis à la disposition des ONG sont accrus, en contrepartie d'une véritable évaluation des programmes et de la mise en concurrence des crédits délégués. L'aide française a besoin d'ONG solides et crédibles pour son rayonnement.
Le niveau des contributions volontaires au système des Nations unies reste stable et pourrait bénéficier de l'évolution de l'euro.
Abordant ensuite les crédits du programme 301, le ministre a rappelé que la création d'un programme géré par le ministère de l'immigration avait pu susciter une certaine appréhension, mais qu'il n'y voyait, pour sa part, que l'expression d'une cohérence accrue.
Les crédits de ce programme restent limités, à hauteur de 60 millions d'euros d'autorisations d'engagement, dont 30 millions d'euros de mesures nouvelles, et de 29 millions d'euros de crédits de paiement, dont 16 millions d'euros de mesures nouvelles.
Dans un dernier temps, M. Jean-Marie Bockel a évoqué les priorités politiques de la mise en oeuvre de l'aide au développement sur fond de la revue générale des politiques publiques et de l'élaboration du livre blanc sur l'action diplomatique de la France. Il a mis l'accent sur une action de solidarité continue dans les pays les plus pauvres, en particulier les pays africains, dans une logique de concentration et de recherche d'une efficience durable, sur la préservation d'intérêts communs, comme la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité ou la gestion concertée des migrations, ainsi que sur la modernisation de notre appareil de coopération. Sur ce dernier point, le ministre a indiqué qu'une relation de confiance s'était établie entre les différents services et que la revue générale des politiques publiques devait être conçue comme une chance pour identifier, en interne, les besoins de réforme et renforcer les capacités d'orientation des arbitrages des administrations centrales et des postes.
Il a évoqué, en conclusion, l'idée d'une coalition pour l'APD, qui doit constituer un levier fort, à imaginer avec tous les partenaires du développement : ONG, entreprises, coopérations décentralisées ou encore migrants, dans le respect de leur spécificité, pour renforcer la cohérence, la mutualisation des aides, avec un objectif de plus grande lisibilité.
Puis un débat s'est instauré avec les commissaires.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est interrogée sur la gouvernance, l'efficacité et la lisibilité de l'aide française et sur la cohérence entre les différents services. Elle a souhaité savoir quelle autorité assurait le contrôle de l'usage des crédits du Fonds européen de développement ou du Fonds sida, alors que l'aide française transite très largement par ces canaux, mais n'est pas visible sur le terrain. Elle a exprimé son inquiétude devant la réduction de l'expertise française mobilisable et a souligné la nécessité de l'améliorer et de la renforcer. Elle s'est enfin interrogée sur la compatibilité entre le message humaniste porté par l'aide publique française et la politique de maîtrise de l'immigration, alors que le Parlement examine une loi supplémentaire dans ce domaine.
Mme Catherine Tasca a interrogé le ministre sur les priorités géographiques et sectorielles de l'aide française ainsi que sur sa conception de la conditionnalité de l'aide. Elle a souhaité savoir si de récents développements étaient intervenus dans le dossier de la Maison de la francophonie.
Mme Paulette Brisepierre a souhaité des précisions sur la dotation de l'Agence française de développement, sur la reconstitution du Fonds sida et sur le produit, attendu pour 2008, de la taxe sur les billets d'avion. Elle s'est interrogée sur l'avenir des accords de partenariat économique alors que les négociations semblent marquer le pas.
M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité connaître la répartition de l'aide française entre aide bilatérale et aide multilatérale, soulignant que les partenaires de la France lui reprochaient fréquemment de ne pas soutenir suffisamment les dispositifs multilatéraux.
Le ministre a apporté les éléments de réponse suivants :
- l'influence réelle exercée par la France au sein des différents fonds multilatéraux est insuffisante. Elle doit s'y comporter davantage en actionnaire soucieux de ses intérêts légitimes. La revue générale des politiques publiques offre une opportunité pour mettre davantage en cohérence les différentes contributions ;
- 993 assistants techniques sont rémunérés sur les crédits du programme 209 en 2008. Leurs effectifs s'élevaient à 1.536 en 2003. Il faut ajouter à cet effectif 240 experts rémunérés sur les crédits délégués à l'Agence française de développement ;
- les critiques adressées aux lois successives sur l'immigration sont excessives. Elles comportent par exemple les dispositifs de valorisation de l'épargne du migrant, tandis que les autorités des pays d'origine sont conscientes des conséquences d'une immigration non régulée ;
- la priorité géographique de l'aide française va à l'Afrique. Elle n'est pas incompatible avec les interventions de l'Agence française de développement, en Chine ou en Inde, dans des secteurs où la plus-value française est réelle. La Méditerranée, en particulier les questions de développement durable, constitue une autre priorité ;
- la mise en oeuvre de conditionnalités vise à rechercher un équilibre entre le principe de réalité et un discours qui doit se traduire en actes sur des sujets comme la corruption ou les droits de l'homme ;
- la répartition entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale est d'un tiers-deux tiers si l'on considère l'ensemble de l'aide française, mais ce ratio est inversé si l'on ne considère que les moyens budgétaires. Les contributions françaises restent insuffisantes à l'ONU et la France fera un effort particulier en faveur du PNUD, de l'UNICEF et du FNUAP. Nos partenaires, conscients de notre engagement dans d'autres dispositifs, ne formulent pas de reproches particuliers ;
- l'évolution du dossier de la Maison de la francophonie reste suspendue à la décision du ministère de l'écologie, quant à son éventuel déménagement. Une réponse devrait être apportée sur ce sujet avant la fin de l'année ;
- la France a consacré 675 millions d'euros au Fonds sida sur les trois dernières années et sa contribution augmentera de 33 % pour la prochaine reconstitution. La France joue un rôle moteur dans ce domaine, même si sa contribution doit être mieux valorisée ;
- la France est favorable à la conclusion des accords de partenariat économique, mais est bien consciente des difficultés pour y parvenir. Les propositions de la Commission européenne doivent tenir compte de l'objectif final : la compensation de la disparition des droits de douane par des aides budgétaires massives ne serait pas responsabilisante. Il faudrait encore plusieurs années pour parvenir à conclure ces accords, qui constituent un des dossier épineux de l'aide européenne. Le maintien d'un consensus dans ce dossier a toutefois pu être obtenu à Madère, lors de la réunion des ministres européens chargés du développement ;
- les recettes de la taxe sur les billets d'avion ont été revues à la baisse en 2006, à hauteur de 45 millions d'euros. Beaucoup de pays s'y intéressent, mais ne l'ont pas encore mise en oeuvre.
En réponse à M. Robert Hue, qui l'interrogeait sur le malaise suscité par le discours du Président de la République à Dakar et sur les mesures concrètes que le Gouvernement entendait prendre pour renouer le dialogue et la confiance avec les Africains, M. Jean-Marie Bockel a indiqué qu'il avait expliqué et défendu le discours de Dakar, qui avait, par ailleurs, été soutenu par des partenaires aussi importants que l'Afrique du Sud. Ce discours a ouvert un débat sur des questions très sensibles dont l'Afrique du Sud a souhaité l'appropriation par le continent africain. Il avait pour objet d'entrer dans une vraie démarche de solidarité efficiente et d'aider l'Afrique à mieux assumer son destin. Depuis, un dialogue constant a été mené avec nos partenaires, dans un esprit de confiance et de responsabilité partagée. Passée la période de débat, un processus nouveau et intéressant est engagé. La France reste présente dans des crises très graves et préserve sa capacité à contribuer à leur résolution, dans un esprit d'échange et de partenariat.