Mardi 24 juillet 2007
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, accompagnée de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé des entreprises et du commerce extérieur, et de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de la consommation et du tourisme
La commission a procédé à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, accompagnée de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé des entreprises et du commerce extérieur, et de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de la consommation et du tourisme.
M. Jean-Paul Emorine, président, a souhaité la bienvenue à la ministre et aux deux secrétaires d'Etat et, relevant le grand intérêt de la commission des affaires économiques pour les projets législatifs de modernisation économique, il a indiqué souhaiter savoir s'ils seront présentés dans un texte unique ou dans plusieurs lois spécifiques.
Après cet accueil, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a souligné l'importance qu'il y avait à ce que l'équipe qu'elle constitue avec MM. Hervé Novelli et Luc Chatel ait à inscrire son action dans un périmètre qui, pour la première fois, excède l'économie et les finances pour atteindre les questions liées à l'emploi. Elle a en effet jugé essentiel de conjuguer les interventions des deux administrations concernées de façon à rassembler « l'esprit de Bercy » et « l'esprit de Grenelle » et à fusionner les cultures. Elle a justifié ce rapprochement, voulu par le président de la République et par le Premier ministre, par le fait que le dynamisme économique constituait le déterminant essentiel de la création d'emplois et de l'amélioration des revenus, qui demeurent au coeur des préoccupations du ministère. Relevant que son programme d'action était défini de façon précise dans la lettre de mission pour les douze prochains mois que lui avait adressée le président de la République, elle a indiqué que la loi de modernisation économique devrait prendre la forme d'un texte agrégé qui pourrait être examiné par le Parlement au 1er semestre 2008.
Exposant ensuite sa vision de la mission qui lui est assignée, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, l'a présentée comme un triptyque constitué de la confiance, de la croissance et de l'emploi. Prenant pour métaphore l'image d'un train sortant de la gare France pour s'engager sur la voie de la croissance dans une économie mondialisée, elle a indiqué que son premier wagon correspondait à l'action engagée par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA). Ce texte, tout prochainement examiné par le Sénat, concerne tous les Français, puisque les mesures proposées vont du bouclier fiscal au revenu social d'activité, en passant par la défiscalisation des heures supplémentaires ou des revenus tirés du travail des étudiants.
Le deuxième wagon est l'examen très approfondi du bien-fondé, de l'opportunité et de l'efficacité de l'ensemble des prélèvements obligatoires, à la fois sociaux et fiscaux, ce qui devrait notamment conduire à s'interroger sur l'impôt sur les sociétés, sur les effets de la récente réforme de la taxe professionnelle (TP) et ou encore sur l'idée de TVA sociale.
Le troisième wagon sera la loi de modernisation économique (LME), dont la préparation suivra deux processus parallèles : d'une part, les travaux d'une commission ad hoc chargée notamment d'explorer des pistes ouvertes par le rapport de M. Michel Camdessus et, d'autre part, la réflexion du Gouvernement visant à identifier, dans tous les secteurs économiques, les réglementations de toute nature susceptibles de constituer des entraves à la concurrence et à l'efficacité économique, l'objectif étant de permettre à la France de suivre un chemin de croissance et d'emploi comparable à celui de ses principaux voisins européens.
Le quatrième wagon est constitué par la revue générale de l'ensemble des politiques publiques, prochainement engagée à la fois par le secrétariat général du gouvernement et par les directeurs de cabinet de chacun des ministres, dans le but d'évaluer l'efficacité de l'Etat et, le cas échéant, de réexaminer ces politiques.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a ensuite indiqué que son action en tant que ministre chargée de l'emploi empruntait deux voies : d'une part, selon les voeux du président de la République, l'encouragement à la négociation entre les partenaires sociaux, telle que celle engagée le 4 juillet sur les conditions de travail, l'égalité hommes-femmes et la sécurisation des parcours professionnels et, d'autre part, l'organisation, conjointement avec M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, d'un cycle de réunions sur l'emploi, les revenus du travail et, par conséquent, le pouvoir d'achat. Tout en souhaitant le développement harmonieux de ces deux voies, elle a indiqué que si les négociations collectives n'aboutissaient pas, il reviendrait au pouvoir politique de prendre le relais.
Enfin, elle a précisé que parmi les autres priorités essentielles de son équipe figuraient le soutien au développement des entreprises et la conduite des négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le cadre du cycle de Doha, dont la responsabilité revient à M. Hervé Novelli, ainsi que les questions liées au commerce et à la grande distribution et au nécessaire développement du tourisme, qui relèvent de M. Luc Chatel.
A l'issue de cet exposé, M. Pierre Hérisson, rappelant sa fonction de président du groupe d'études sur les postes et télécommunications, a souhaité connaître la position de la ministre sur la distribution du livret A, question qui oppose traditionnellement La Poste à la Fédération française des banques (FFB). S'inquiétant des conséquences de la suppression du service réservé pour la distribution et la circulation du courrier de moins de 50 grammes qui, même repoussée de 2009 à 2011 ainsi que cela pourrait être décidé, n'en demeure pas moins problématique comme le Sénat a eu l'occasion de la faire valoir depuis plusieurs années, il a ensuite demandé si la prudence ne commandait pas de mettre à profit le délai supplémentaire résultant de la probable décision communautaire pour réserver la décision politique de principe sur ce point. Enfin, il a tenu à attirer l'attention de la ministre sur la situation du fonds de péréquation qui permet à La Poste de maintenir l'implantation territoriale de ses 17.000 bureaux au moyen d'une exonération de TP portée à 80 %. Indiquant que ce fonds -dont les ressources s'élèvent à 140 millions d'euros- avait déjà été très affecté par la réforme de la TP, laquelle n'avait pas tenu compte de ses spécificités, il a plaidé pour qu'une telle situation ne se reproduise pas et que des compensations soient prévues en cas de nouvelle réforme de cette imposition.
M. Thierry Repentin a exprimé à son tour son attachement au fonds de péréquation de La Poste ainsi que ses inquiétudes quant à l'avenir du livret A postal, nourries par l'annonce d'une prochaine rencontre entre M. Michel Camdessus, chargé d'une réflexion par le Gouvernement, et le nouveau président de la FFB, depuis toujours opposé au livret A. Rappelant la forte spécificité de celui-ci, qui assure la transformation d'une épargne liquide en prêts sur 35 ou 40 ans à des taux inférieurs aux taux du marché et adaptés aux besoins du logement social, il a estimé que ce dispositif était totalement compatible avec le droit communautaire, l'article 86 du Traité de Rome autorisant explicitement les dérogations aux règles de la concurrence dès lors qu'elles sont justifiées par l'exercice de missions d'intérêt général, et fait valoir qu'une des conséquences de sa remise en cause serait d'obliger à financer le plan de cohésion sociale par des ressources budgétaires.
Puis il a relayé l'incompréhension de nombreux élus rhône-alpins quant au fait que la France n'avait pas respecté la date du 20 juillet pour le dépôt de son dossier de demande de financement pour la construction du nouveau tunnel transalpin dans le cadre de l'appel à projets des réseaux transeuropéens, alors même que l'engagement total de notre pays et de l'Italie sur ce projet devrait dépasser 745 millions d'euros et que l'Union européenne s'est engagée à augmenter sa contribution pour la porter à 50 % du montant des études et 20 % du montant des travaux, soit une aide totale possible de 200 millions. Il a souhaité interroger la ministre sur ce point car, selon ses informations, l'absence de dépôt du dossier français serait due à un blocage de « Bercy ».
M. Thierry Repentin a ensuite abordé la question de la libéralisation très prochaine du marché de l'électricité en dénonçant le caractère choquant, en particulier pour les tenants de thèses économiques libérales, de l'obligation pour un locataire de conserver le fournisseur d'électricité choisi par son prédécesseur dans le cas où il s'agirait d'un fournisseur n'offrant pas le tarif réglementé. Ajoutant que ces dispositions, dans la mesure où elles peuvent être assimilées à la création de servitudes affectant les biens des propriétaires bailleurs, posaient aussi des difficultés tant juridiques qu'économiques puisqu'un double marché de l'immobilier allait à l'évidence s'instituer, il a demandé à la ministre quelle solution elle entendait mettre en oeuvre pour mettre fin à ce dysfonctionnement.
Evoquant enfin le secteur du tourisme, il s'est inquiété du fait qu'en vertu de la convention UNEDIC de 2006, les employés saisonniers du tourisme souhaitant être indemnisés en cette qualité ne pourront plus l'être, à compter de 2008, que s'ils sont affiliés à ce régime tout au long de l'année. Il a observé que cette règle nouvelle n'est pas compatible avec la situation de beaucoup d'entre eux, qui exercent généralement, hors saison touristique, d'autres activités, en particulier dans le secteur agricole ou artisanal. Puis il a dénoncé la situation, créée par la directive européenne sur les services, permettant aux employés des tour-opérateurs étrangers de rester soumis aux conditions de leur pays d'origine lorsqu'ils interviennent en France, considérant qu'il s'agissait d'une concurrence déloyale au détriment des entreprises françaises du secteur.
Rappelant les travaux qu'il avait réalisés pour le Sénat en 1997 sur le « Small Business Act » américain, M. Francis Grignon a interrogé la ministre sur les chances de voir la France se doter d'un tel dispositif, et en particulier de ses trois composantes essentielles que sont :
- l'instauration de véritables guichets uniques, comme tel est encore trop peu le cas dans notre pays, pour simplifier et faciliter la création d'entreprise ;
- le soutien au financement des petites et moyennes entreprises (PME), notant à ce propos que les Américains avaient su se doter, au travers d'un système de cautionnement public des prêts bancaires, d'un dispositif bien adapté car mutualisé au niveau fédéral ;
- et enfin, la réservation aux PME d'une partie de la commande publique.
Puis, s'exprimant en tant que président du groupe d'études sur l'industrie du bâtiment et des travaux publics (BTP), il a ensuite fait référence à son rapport d'information mettant en évidence le respect insuffisant de la directive sur le détachement des travailleurs dans le secteur du BTP. Evoquant le fort engagement du précédent gouvernement sur ce dossier, en particulier s'agissant de la coopération administrative frontalière franco-allemande, il a souhaité s'assurer de l'existence d'une continuité de l'Etat dans la conduite de cette politique.
En réponse aux intervenants, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a précisé les points suivants :
- attentif aux particularités du livret A, notamment à son rôle dans le financement du logement social, le gouvernement a engagé deux actions parallèles : d'une part, il a déposé un recours devant les instances communautaires pour obtenir une révision de la position européenne sur le sujet ; d'autre part, afin de préparer l'hypothèse d'un rejet de ce recours, il a demandé à M. Michel Camdessus de présenter, à la fin du mois de décembre 2007, des propositions permettant, le cas échéant, de rendre le dispositif français, qu'il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause, compatible avec le droit communautaire ;
- les observations relatives au fonds de péréquation de La Poste et à la TP sont bien notées, toute proposition concrète en la matière étant bienvenue ;
- les appels à projet européens relatifs aux réseaux de transports entrent dans le champ de compétences du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, et non de celui de l'économie, des finances et de l'emploi qui, en tout état de cause, ne bloque pas le lancement desdits appels ;
- le gouvernement sera attentif au dépôt éventuel de propositions de loi relatives aux tarifs réglementés de l'électricité ;
- s'agissant de l'application du droit du travail au sein de l'Union européenne, quand le principe en vigueur est l'application du droit du pays d'accueil au salarié détaché, les tours-opérateurs doivent s'y conformer et les inspections du travail sont chargées de sanctionner, le cas échéant, d'éventuelles violations ;
- la lettre de mission du président de la République et du Premier ministre prévoit l'adoption d'un « Small Business Act à la française » : sa préparation a été déléguée au secrétaire d'Etat aux entreprises et au commerce extérieur et une mission sur le sujet a été confiée à M. Lionel Stoleru ; en outre, au cours de la précédente législature, la France avait entrepris de convaincre ses partenaires européens de l'opportunité de faire évoluer les membres de l'OMC sur cette question.
Après avoir précisé que le Parlement européen avait repoussé de deux ans l'entrée en vigueur de la libéralisation du service postal, M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé des entreprises et du commerce extérieur, a indiqué que la France pourrait se rallier à la directive ainsi modifiée, dont l'adoption pourrait alors être envisagée sous la présidence portugaise, à condition :
- que certaines exigences relatives au service universel soient prises en compte, notamment le principe de desserte de l'ensemble du territoire à des conditions de tarif équivalentes et pour tous les plis, y compris ceux inférieurs à 50 grammes ;
- que soient simultanément présentées la directive et les « lignes directrices » de la Commission, qui doivent en préciser les conditions d'application, notamment en ce qui concerne le fonctionnement du Fonds de compensation.
Puis M. Hervé Novelli a relevé que les « lois Dutreil » du 1er août 2003 pour l'initiative économique et du 2 août 2005 en faveur des PME avaient eu des effets bénéfiques sur les petites entreprises, observant que 300.000 entreprises sont désormais créées chaque année en France. Ayant ajouté que les très grandes entreprises françaises connaissaient également une situation favorable, il a souligné, en conséquence, que l'attention des pouvoirs publics devait désormais se porter sur les moyennes entreprises, l'Allemagne devant constituer une référence en la matière. Annonçant qu'un plan dénommé « Force cinq » serait rendu public en septembre et que ses dispositions de nature législative figureraient dans le futur projet de loi de modernisation de l'économie, il en a présenté les cinq axes :
- la simplification : trois groupes seront chargés de formuler des propositions de simplification d'ordre réglementaire, fiscal et social ;
- l'innovation : son renforcement devrait passer par la simplification du paysage des organismes de soutien à la recherche et leur recentrage sur les moyennes entreprises ainsi que par un appui à la recherche privée par le biais du crédit impôt-recherche, que le président de la République souhaite voir simplifié et élargi ;
- la fiscalité : une revue générale de celle-ci sera engagée, incluant notamment la taxe professionnelle ;
- le financement des entreprises moyennes : une réflexion sera lancée sur le capital-risque et le capital-développement ;
- l'exportation : la France va chercher à convaincre ses partenaires européens de présenter à l'OMC une demande d'exemption permettant de réserver une part de la commande publique aux PME ; une action sera également menée pour accroître le nombre de volontaires internationaux en entreprise (VIE), actuellement au nombre de 5.000 alors qu'on dénombre 100.000 entreprises exportatrices et 40.000 jeunes candidats ; enfin, les dispositifs de soutien à l'exportation et d'assurance-prospection seront simplifiés.
Abordant la libéralisation du marché de l'électricité, M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de la consommation et du tourisme, a souligné que le gouvernement avait veillé à ce que le passage à la concurrence s'accompagne de la délivrance d'une information optimale aux usagers, rappelant à ce titre la mise en place, par la Commission de régulation de l'électricité (CRE), de services permettant aux consommateurs d'effectuer des comparaisons entre les offres. Il est toutefois convenu que deux difficultés persistaient : d'une part, la différence de traitement entre les marchés de l'électricité et du gaz et, d'autre part, l'impossibilité pour le nouveau locataire de revenir au tarif réglementé lorsque le précédent a opté pour les prix libres.
Après quoi, M. Marcel Deneux a fait quatre observations essentielles. En premier lieu, il a regretté que le report de quatre ans du programme de stabilisation des finances publiques françaises prive le gouvernement du bénéfice des efforts de pédagogie réalisés sur ce sujet à destination de l'opinion publique pendant la campagne présidentielle. En deuxième lieu, il s'est étonné des critiques formulées par les autorités françaises à l'encontre de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne (BCE), faisant valoir que, compte tenu de son déficit commercial, la France ne pouvait que se réjouir de voir le prix de ses importations en dollars diminuer par l'effet du taux de change. Il s'est aussi interrogé sur la cohérence entre les critiques émises sur la politique de taux menée par M. Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, et les objectifs poursuivis en matière de financement de la dette publique. Il a tenu à rappeler que le monde vivait désormais dans un système de changes flottants généralisés et que le temps des injonctions gouvernementales et des interventions des banques centrales était désormais révolu, ce parti pris lui semblant devoir être celui de tout partisan du libéralisme économique. En troisième lieu, revenant sur la question du livret A, il a estimé anormalement élevées les commissions perçues par les organismes financiers sur ce placement comme sur les autres produits comparables. En dernier lieu, il a estimé souhaitable qu'au regard de l'état des propositions sur certains dossiers, notamment agricoles, le cycle de négociations de l'OMC lancé à Doha n'aboutisse pas.
Estimant que la flambée des prix agricoles et des matières premières, tout comme l'explosion économique de la Chine, avaient fondamentalement changé la donne du cycle de Doha, privant ce dernier d'une grande partie de son intérêt, M. Jean Bizet a suggéré que la France prenne l'initiative d'une amélioration du processus de négociations dans le cadre de l'OMC consistant en deux apports essentiels : d'une part, l'intégration de nouveaux paramètres dans les discussions multilatérales en matière agricole et, d'autre part, l'engagement d'un programme de lutte contre le dumping environnemental, qui constitue un problème extrêmement grave comme en témoignent les 30 millions de Chinois actuellement contraints à des déplacements du fait de la détérioration de leur environnement. Puis il a interrogé M. Hervé Novelli sur le point de savoir si les derniers décrets relatifs au statut du conjoint collaborateur allaient paraître et demandé à M. Luc Chatel comment il envisageait un meilleur partage de la valeur ajoutée des produits agricoles transformés dans le nouveau contexte créé par l'envolée du cours des matières premières agricoles, reconnaissant la difficulté à trouver un équilibre entre les intérêts des agriculteurs et ceux des distributeurs.
M. Michel Bécot, intervenant sur le tourisme, a estimé que rien n'avait réellement été engagé en la matière dans notre pays et que ce dernier s'était contenté d'un « tourisme de cueillette ». Il a considéré qu'il était dès lors urgent de créer une véritable industrie du tourisme, par une démarche de réflexion, d'ingénierie et de recherche appliquée avec les entreprises du secteur afin d'améliorer nos performances face à une concurrence internationale de plus en plus active. Dans ce contexte, il a demandé à M. Luc Chatel s'il allait réellement disposer des moyens pour engager une politique volontariste en faveur du tourisme français.
Puis M. Roland Ries a interrogé Mme Christine Lagarde sur sa vision politique de l'économie, au-delà du seul appel psychologique à la confiance comme moteur de la croissance et de l'emploi. Il a en outre estimé qu'à l'inverse de ce qu'annonce le gouvernement, la défiscalisation des heures supplémentaires ne serait pas de nature à créer d'emplois, mais plutôt à en détruire.
M. Dominique Braye a tenu à rappeler tout l'intérêt que présentait le livret A pour le secteur du logement social, qui a été déclaré cause nationale par le président de la République et le Premier ministre. D'une façon générale, il a aussi interrogé la ministre sur son programme prévisionnel, attirant son attention sur la nécessité d'évaluer les mesures qui seront prises, au regard de leur effet global et durable, et non de seules considérations de court terme. Il a ensuite abordé la question du travail dominical, devenue particulièrement critique dans le département des Yvelines après que l'inspection du travail a dressé des procès-verbaux contre des employeurs qui tenaient leur magasin ouvert chaque dimanche depuis plus de 30 ans et avaient complètement intégré cet état de fait. Il a fait valoir que les propos tenus par le président de la République en la matière avaient fait naître de grands espoirs et que toutes les parties prenantes étaient très impatientes de voir les pouvoirs publics prendre position dans le sens d'une plus grande équité, mettant fin à la situation actuelle dans lesquelles certains départements d'Ile-de-France sont frappés d'une interdiction d'ouverture le dimanche contrairement aux départements voisins. Il a précisé que si, à titre personnel, il était plutôt opposé au travail dominical, il considérait surtout l'absence d'équité actuelle comme une situation proprement insupportable.
Soulignant l'utilité des pôles de compétitivité, notamment pour les PME, M. Rémi Pointereau a souhaité savoir si cette politique serait poursuivie. Puis, indiquant que de très nombreux emplois étaient en jeu, il a demandé quelles étaient les perspectives de mise en oeuvre d'un taux de TVA réduit dans la restauration.
M. Alain Fouché a rappelé qu'une proposition de loi réformant les règles d'urbanisme commercial avait été adoptée au Sénat en 2005 dans un climat de consensus et à l'issue d'une large concertation avec les acteurs des secteurs concernés. Il s'est étonné, en conséquence, de la non-inscription de ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et de la création, par le ministre compétent de l'époque, d'un groupe de travail sur le sujet. Relevant que le texte adopté par le Sénat pouvait certes être amendé sur quelques points mais jugeant nécessaire de ne pas bloquer la navette parlementaire, il a souhaité connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet.
Après avoir rappelé que la Cour des comptes avait jugé paradoxal, en 2005, que les crédits du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) ne soient pas gérés au niveau déconcentré, M. Bernard Dussaut a souligné que la direction du commerce, de l'artisanat et des services persistait pourtant à s'y opposer, ce qui ralentissait considérablement l'examen des dossiers de demande, et souhaité savoir si, comme le craignaient les élus de son département, confrontés à des informations inquiétantes, une réduction de ces crédits était prévue. Il a par ailleurs insisté sur la forte attente entourant la mise en oeuvre du statut du conjoint-collaborateur.
Relevant que, d'après des informations fournies par la presse, les crédits relatifs aux contrats aidés pourraient baisser de 30 %, M. Paul Raoult a souligné l'utilité de ces contrats pour des publics « à la limite de l'employabilité ». Jugeant nécessaire de remobiliser les allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI), il a dénoncé une tendance récente de certains services de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) à « rayer » ces derniers des fichiers et demandé que cette pratique soit condamnée de manière expresse par circulaire. Enfin, s'exprimant en tant que président du label touristique « Clévacances », il a évoqué les difficultés du tourisme vert et souhaité, en conséquence, la mise en oeuvre d'une politique plus active en faveur des labels, les crédits actuellement affectés à celle-ci étant insuffisants selon lui.
En réponse, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a précisé les éléments suivants :
- une prise de conscience du problème de l'endettement s'est récemment opérée dans l'opinion publique et le gouvernement est soucieux de concilier l'ambition de la réforme et la nécessité de la rigueur : l'objectif d'un niveau d'endettement de 60 % et d'un déficit nul devrait être atteint soit en 2010 soit, si la croissance n'était pas au rendez-vous, en 2012 ;
- la France a rallié les Etats-Unis et un certain nombre de pays européens à sa critique de l'inadéquation actuelle entre la solidité de certaines économies et la faiblesse de leurs monnaies, qu'il s'agisse du yen, du yuan ou du dollar ; une monnaie forte entraîne, pour un produit de qualité égale, un désavantage compétitif pour les exportations ; aussi bien la France estime-t-elle que la feuille de route de la BCE n'est pas « gravée dans le marbre » et que c'est à juste titre que les membres de « l'Eurogroupe » se saisissent de la question de la croissance et de l'emploi ;
- la nécessité de lutter contre le dumping environnemental dans les règles du commerce mondial est certaine ;
- s'agissant de sa vision de l'économie, la ministre souhaite placer l'individu au coeur du système, dans un capitalisme pragmatique, participatif et régulé par l'Etat et par des organes européens et mondiaux ;
- de tout temps, la relance de l'économie est très fortement liée à la confiance nouée entre l'Etat et les acteurs économiques ; ainsi, le projet de loi TEPA doit pour partie relancer la demande, grâce à la hausse du pouvoir d'achat que créeront le crédit d'impôt lié à l'achat de la résidence principale et la défiscalisation des heures supplémentaires et, pour une autre partie, agir sur l'offre, par la réduction du coût du travail supplémentaire, la flexibilisation et la possibilité d'investir dans des PME les sommes dues au titre de l'impôt sur la fortune ;
- l'application des 35 heures fait de la France le pays d'Europe où l'on travaille le moins et si la productivité horaire française est effectivement l'une des plus élevées du monde, cet effet positif est contrebalancé par la concentration du travail sur la tranche des 25-50 ans : aussi bien est-il pertinent de permettre à ceux qui travaillent de travailler plus ;
- si l'aide aux emplois aidés doit être maintenue, celle aux emplois non marchands va être quelque peu réduite en 2008 afin de tenir compte de l'amélioration de la situation de l'emploi ; en outre, les analyses ne démontrent pas l'existence de passerelles efficaces entre ces emplois et les emplois marchands, l'accent devant, en conséquence, davantage être mis sur l'amélioration de la formation professionnelle pour accroître l'employabilité des salariés ;
- il n'entre pas dans les missions de l'ANPE de « délister » les personnes inscrites et le gouvernement est attentif à ce point ; toutefois, il apparaît difficile de maintenir inscrits les allocataires du RMI qui ne souhaitent bénéficier ni d'actions d'insertion ni d'offres d'emploi ;
- le récent avis de la Commission européenne sur la TVA à 5,5 % indique qu'un taux réduit est légitime dans les secteurs non exposés aux délocalisations comme la restauration ou l'hôtellerie -l'Italie et l'Espagne appliquent d'ailleurs déjà des taux faibles dans ces secteurs- mais il prévoit que ce sujet, qui requiert l'unanimité des membres de l'Union, ne sera remis en discussion qu'en 2010 ; le président de la République a indiqué, en conséquence, qu'il souhaitait aborder cette question lors du prochain Conseil européen ;
- le travail dominical met en jeu au premier chef les questions de culte et de droit du travail ; après consultation des représentants des consommateurs, de la grande distribution, du commerce de détail et des collectivités territoriales, des propositions seront faites, qui pourraient figurer dans le projet de LME ; si, pour sa part, la ministre souhaite plutôt favoriser le travail le dimanche afin de stimuler la croissance, dans l'attente d'éventuelles modifications législatives, le droit actuel s'applique, assorti le cas échéant de ses dérogations.
Abordant tout d'abord les négociations de l'OMC, M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé des entreprises et du commerce extérieur, a indiqué que le commissaire Mandelson avait présenté la veille son analyse sur les deux documents relatifs à l'état des négociations, celui de M. Falconer concernant les produits agricoles et celui de M. Stephenson traitant des produits non agricoles et de l'accès aux marchés (NAMA). Pour lui, les négociations ne sont pas suffisamment avancées pour qu'un aboutissement soit envisageable, mais il confirme que la France est loin d'être isolée dans sa grande prudence vis-à-vis du cycle de Doha. Plus généralement, M. Hervé Novelli a approuvé les réflexions de MM. Jean Bizet et Marcel Deneux dans la mesure où les principaux défis auxquels le commerce mondial est aujourd'hui confronté -à commencer par l'émergence de la Chine- n'avaient pas pu être réellement pris en compte lors de l'engagement du cycle, en 2001. Il a ajouté que, dès lors, un aboutissement des négociations ne résoudrait pas les principaux problèmes actuels et qu'il pouvait s'avérer préférable de repartir sur des bases plus larges intégrant notamment la question des barrières non tarifaires et du commerce des services.
S'agissant du statut des conjoints collaborateurs, il a ensuite précisé que, seuls, deux décrets restaient à publier : le premier relatif à la formation professionnelle continue et qui, préparé par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, désormais placée sous l'autorité de Mme Christine Lagarde, devrait donc être adopté dans quelques semaines ; le second, qui concerne le rachat de périodes d'assurance vieillesse non cotisées, est en cours d'élaboration à la direction de la sécurité sociale.
En ce qui concerne les pôles de compétitivité, M. Hervé Novelli a indiqué avoir constaté, lors d'une réunion informelle des ministres en charge de la compétitivité tenue à Lisbonne la semaine précédente, que ce dispositif était déjà cité en référence par les partenaires européens de la France. Il a précisé que la création de nouveaux pôles n'était pas à l'ordre du jour, la priorité étant donnée à l'audit des 71 pôles existants, mission qui sera appuyée par un cabinet externe et qui devrait se dérouler entre septembre 2007 et septembre 2008.
En matière d'équipement commercial, il a salué l'excellent travail que constituaient la proposition de loi adoptée par le Sénat en 2005 et les conclusions de la commission Dutreil, l'ensemble formant une base solide pour engager des réformes. La contrainte immédiate du gouvernement français est de répondre aux observations de la Commission européenne, qui critique le caractère anticoncurrentiel de nos procédures d'équipement commercial. Il a précisé qu'une réponse préalable à toute réforme législative doit être transmise à Bruxelles en septembre prochain, l'objectif étant de concilier nos obligations communautaires et l'équilibre entre les différentes formes de commerce.
Enfin, après avoir rappelé que Mme Christine Lagarde s'était engagée à maintenir les crédits du FISAC, dont l'efficacité est aujourd'hui avérée, il a indiqué être actuellement en train de signer les décisions d'attribution des financements.
Abordant la question du partage de la valeur dans un contexte de forte augmentation du prix des matières premières agricoles, M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de la consommation et du tourisme, a tenu à relativiser sur plusieurs points les effets de cette hausse. Il a ainsi rappelé que les matières premières agricoles avaient souvent peu d'impact sur le prix du produit final, prenant l'exemple du blé, qui ne représente que 5 % du prix de la baguette. Il a aussi fait valoir que certains acteurs économiques semblaient avoir un peu anticipé l'augmentation des prix au cours de ces dernières années. Enfin, il a indiqué ne pas se souvenir de répercussions en faveur du consommateur de baisses de prix au cours des différentes crises sectorielles connues par l'agriculture française ces dernières années. En conséquence, il a affirmé que le gouvernement avait engagé une double action consistant à la fois à demander aux acteurs d'observer un comportement responsable et à poursuivre, dans le droit fil de la loi Dutreil, la réforme de la loi Galland. Il a souligné le bilan très positif de la loi votée en 2005, tant du point de vue des prix (qui ont baissé de 3,2 % pour les produits de grandes marques vendues en grande surface) que de l'emploi (10.000 emplois ont été créés en 2006 dans le secteur de la distribution et la tendance pour 2007 est de 20.000 emplois, contrairement aux suppressions de postes aux Pays-Bas lors d'une réforme similaire) et que de la part des PME dans les linéaires des grandes surfaces (en hausse de 2 à 3 % depuis l'adoption de la loi). Il a considéré que ce contexte permettrait de poursuivre l'approfondissement de la concurrence au bénéfice des consommateurs. Au-delà du rapport d'étape prévu par la loi en faveur des PME, il attend des propositions de la part de la commission de réflexion (dont la présidence a été confiée à M. Jacques Attali) afin d'engager, début 2008, une réforme visant à réintégrer dans le prix de vente la totalité des marges arrières, tout en préservant le commerce de ville.
Enfin, reconnaissant que le succès de la France dans le domaine du tourisme ne résultait pas d'une stratégie économique, mais de son exceptionnel patrimoine naturel et historique, M. Luc Chatel a jugé nécessaire d'adapter aujourd'hui l'offre touristique nationale aux nouveaux enjeux, dans le cadre d'un marché mondial qui devrait doubler d'ici à 2020. Il a pris pour exemple la situation du tourisme de montagne, encore trop exclusivement orienté vers les sports d'hiver et qui doit désormais réaliser un profond effort de diversification pour s'adapter aux nouvelles demandes. Il a souligné que le rattachement du secrétaire d'Etat chargé du tourisme à la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi était de ce point de vue un signal fort quant à la volonté de renforcer sa compétitivité.
Puis M. Jean-Paul Emorine, président, a adressé ses remerciements à Mme Christine Lagarde et à MM. Hervé Novelli et Luc Chatel, leur indiquant que la commission des affaires économiques serait sans doute appelée à les auditionner de nouveau afin de traiter éventuellement de thèmes plus spécifiques.
Mercredi 25 juillet 2007
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -Audition de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean-Paul Emorine, président, s'est félicité de la présence du ministre devant la commission des affaires économiques, saluant son expérience de ministre des affaires étrangères et commissaire européen, fondamentale dans la compréhension des enjeux européens et internationaux de l'agriculture actuelle.
Après avoir remercié M. Jean-Paul Emorine d'avoir pris l'initiative de cette audition, M. Michel Barnier s'est réjoui de pouvoir, moins de cinq semaines après sa prise de fonctions, nouer un échange avec la commission des affaires économiques sur les grandes orientations de l'action qu'il compte mener. Il s'est également déclaré heureux de retrouver le Sénat dans le cadre de la nouvelle mission que lui a confiée le Président de la République.
Rappelant que l'agriculture dans son ensemble (agriculture, agro-alimentaire, pêche) occupait une place essentielle dans l'économie et pour le développement des territoires, il a appelé de ses voeux une étroite collaboration entre le ministre et les élus.
M. Michel Barnier a ensuite présenté les dossiers urgents et sensibles qu'il s'est attaché à traiter depuis son arrivée au ministère.
Evoquant en premier lieu la réforme de l'OCM vitivinicole, il a considéré que les propositions déposées par la Commission européenne le 4 juillet dernier procédaient d'une vision par trop inspirée des seuls mécanismes de régulation du marché et que l'Union européenne tenait compte de manière insuffisante des spécificités de la viticulture. Il a souligné, à cet égard, la contradiction existant entre la proposition de libéraliser sans contrôle les droits de plantation à compter de 2013 et l'exigence de l'arrachage de surfaces très importantes de vignes. Il a aussi fait valoir les risques que le nouveau régime proposé pour les prestations viniques ferait courir aux nappes phréatiques. Il a déclaré que, nonobstant le caractère insatisfaisant des propositions de la Commission européenne, la France avait besoin d'une « OCM forte ». Il a affirmé qu'il défendrait, dans les négociations qui s'engagent, une stratégie offensive privilégiant la conquête de parts de marché dans les pays tiers plutôt que la réduction de la production communautaire, appelant à une vigilance toute particulière sur ce dossier dans les mois à venir.
Il a ensuite abordé les deux difficultés qu'il avait eu à gérer dans le secteur de la pêche :
- la première concerne la pêche à la thonaille, interdite depuis le règlement du Conseil publié le 12 juillet dernier, qui a modifié la définition du filet maillant dérivant. Regrettant cette interdiction, à ses yeux infondée, il a porté à l'attention de la commission qu'il déposerait un recours devant la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), mais que d'ores et déjà il travaillait à la formulation d'une demande de sursis à exécution ;
- la seconde concerne la pêche à l'anchois. Malgré une demande française qui se fondait sur des éléments biologiques et scientifiques, la Commission de Bruxelles a refusé la réouverture de la pêche à l'anchois, notamment dans le Golfe de Gascogne, pour des raisons de renouvellement biologique des stocks. Critiquant dans ses justifications cette décision, il a fait valoir que son ministère avait immédiatement déclenché un plan de solidarité pour les pêcheurs d'anchois, de quinze millions d'euros, sur fonds nationaux et communautaires. Il s'est également prononcé pour l'élaboration et la mise en oeuvre d'un véritable plan communautaire de gestion de l'anchois le plus rapidement possible.
S'agissant du dossier des nitrates, M. Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, a estimé qu'il fallait rétablir une double confiance : de la Commission européenne envers l'Etat français d'une part et de la population française envers les pouvoirs publics d'autre part. Il a rappelé que la Commission européenne avait saisi la CJCE le 27 juin dernier dans le cadre de la procédure contre la France pour le non respect, dans neuf des bassins versants bretons, de la directive de 1975 relative à la qualité des eaux brutes. Il a souligné les risques de pénalité qui en résultaient pour la France, à savoir 28 millions d'euros d'amendes et 118.000 euros par jour d'astreinte. Mentionnant qu'il s'était rendu en Bretagne à la rencontre des exploitants, il a salué les efforts déjà réalisés par ces derniers. Puis il s'est dit décidé, dans le cadre du plan d'action présenté par la France à Bruxelles pour accompagner et encourager les efforts des agriculteurs, à s'employer à utiliser toutes les flexibilités pour faciliter l'acceptation du plan, tant d'un point de vue économique et technique qu'humain.
Traitant, en quatrième lieu, du dossier de la préparation du budget 2008, il a insisté sur sa volonté de proposer un budget sincère, qui ne conduise pas à la reconduction des reports de charges. Il a fait valoir que l'exécution du budget 2007 était un exercice difficile, soulignant les problèmes que posaient certains reports de charges, pour lesquels les financements n'étaient pas encore provisionnés. Il a toutefois fait part de son choix de préserver une politique active de soutien aux jeunes agriculteurs, ainsi qu'aux filières en difficulté ou en mutation (viande, vin, pêche). Il a aussi insisté sur la nécessité d'une meilleure gestion des risques agricoles au travers de systèmes mutualisés.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, a ensuite exposé que, pour la conduite de son action, il était inspiré par trois convictions :
- construire un projet agricole qui remette l'agriculture et la pêche au coeur de la société. Jugeant que dans une France qui s'urbanise, mais continue à se nourrir, ces activités ne devaient pas être reléguées dans le passé ni sacrifiées au nom des objectifs de Lisbonne, il a appelé à la construction d'un projet inscrivant agriculteurs et pêcheurs dans la modernité de notre temps et leurs métiers au centre de la société à travers la recherche, les nouvelles énergies, la biodiversité et l'indépendance alimentaire ;
- mettre en place une agriculture et une pêche durables, créatrices de croissance, respectueuses de l'environnement et porteuses de progrès social ;
- forfitier la dimension européenne de notre agriculture, car les raisons qui ont conduit à l'instauration de la PAC allaient redevenir d'actualité dans le nouveau contexte international.
Il a indiqué qu'il fallait envisager les grands rendez-vous agricoles à venir à la lumière de ces trois objectifs :
- le Grenelle de l'Environnement, qui devrait être l'occasion pour l'agriculture de faire connaître ses contributions positives et les perspectives envisageables en matière de préservation de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique ;
- la réforme programmée de la PAC, la Commission européenne devant présenter en octobre prochain un bilan de santé de cette politique ;
- les négociations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les dernières propositions présentées lui paraissant trop déséquilibrées pour être acceptables.
Sur tous ces rendez-vous, M. Michel Barnier a jugé indispensable que le Parlement soit présent et prenne toute sa part dans la définition de l'avenir de l'agriculture française.
A la suite de cette présentation, un large débat s'est instauré.
M. Jean-Paul Emorine, président, a approuvé l'idée selon laquelle l'agriculture était une partie intégrante de l'économie, ce qui avait du reste été bien mis en évidence à l'occasion de la discussion de la loi d'orientation agricole (LOA) de 2006. Il a rappelé les considérables atouts de modernité de l'agriculture française, à l'image de son patrimoine génétique animal et de sa capacité de niveau mondial en ce domaine.
M. Gérard César, après s'être félicité de la volonté du ministre de défendre l'agriculture et les territoires ruraux, a déclaré partager pleinement l'analyse selon laquelle il était contradictoire de prévoir, en matière viticole, un arrachage massif et, en même temps, une libéralisation des plantations après 2013. Il s'est inquiété de la perspective de suppression des prestations viniques, en particulier quant aux conséquences environnementales de l'épandage des moûts et des marcs sur les terres agricoles. Il partageait donc la préoccupation du ministre sur ce point. Il a déclaré ensuite que les 3 millions d'euros de crédits de soutien à la promotion du vin prévus par la commissaire européenne Mariann Fischer Boel représentaient un montant ridicule, alors qu'il importait de développer de façon soutenue la promotion pour faire face à la concurrence des pays tiers. Il a ensuite regretté que certaines des ordonnances prévues par la loi d'orientation agricole n'aient pas encore été publiées, en particulier celle relative aux signes de qualité. Enfin, alors que l'on voyait les prix agricoles augmenter en raison du développement des agro-carburants et des aléas climatiques qui ont affecté certaines grandes zones de production, il souhaitait savoir quelle était la position du Gouvernement sur la suspension des jachères dès la prochaine campagne.
Mme Odette Herviaux, après avoir déclaré se retrouver dans certains propos du ministre, a souhaité savoir quelles applications seraient faites de ces orientations sur le territoire national. Estimant que certains choix étaient devenus inévitables, elle a pris l'exemple de la Bretagne où, malgré les efforts importants des agriculteurs, l'aggravation du problème de la pollution des eaux imposait aujourd'hui des mesures de gestion drastiques. Jugeant qu'il convenait de parvenir à concilier la production agricole et le respect de l'environnement, elle a déclaré qu'il importait pour cela que les agriculteurs aient les moyens nécessaires à la mise en oeuvre des bonnes pratiques, ce que les prix agricoles ne permettaient souvent pas, à eux seuls. Elle souhaitait donc savoir quel soutien pouvait être apporté aux petites exploitations soucieuses de production durable. Dernier élément du dossier sur la qualité de l'eau : il importait de prendre en compte non seulement la qualité des eaux de surface, mais encore le problème des nappes souterraines. Concernant les crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), elle souhaitait connaître les priorités du Gouvernement au niveau national. Elle a également demandé des précisions quant au guichet unique qui devait être proposé pour l'installation des jeunes agriculteurs. Concernant l'idée d'une déconcentration des moyens, elle a demandé s'il s'agissait d'une régionalisation, par exemple pour la gestion des aides du deuxième pilier. Enfin, elle a souhaité savoir si la concertation entre les pêcheurs et l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), sur l'utilisation de filets adaptés, avait avancé.
M. Roland Courteau, après avoir souligné l'ampleur de la crise viticole et ses effets particulièrement dramatiques en Languedoc-Roussillon, a indiqué qu'il avait déposé une question orale sur ce point pour le mois d'octobre 2007. Jugeant que la réforme de l'OCM vitivinicole conditionnerait l'avenir de la filière, il a déclaré partager les analyses formulées, dans leurs rapports respectifs, par ses collègues Gérard César et Simon Sutour, qui soulignaient le caractère inquiétant des propositions de la Commission européenne. Il a estimé que l'arrachage ne devait pas être une fin en soi, mais une mesure de gestion de la crise et une réponse temporaire ne remettant pas en cause le potentiel futur de la filière. Reconnaissant que la Commission européenne avait finalement commencé de répondre au problème des plantations illicites, il a jugé que cette amélioration restait encore marginale et devait être intensifiée. Il a ensuite estimé que la suppression de la distillation de crise envisagée par la Commission européenne aurait des conséquences catastrophiques pour la viticulture française. Il a déploré que la Commission européenne semble fermée à la discussion sur ce point. Il a également fait sienne les analyses de Gérard César soulignant l'incohérence entre, d'une part, les propositions de la commission sur la libéralisation des plantations au-delà de 2013 et, d'autre part, les mesures immédiates d'arrachage, et l'insuffisance du soutien à la promotion. Après avoir indiqué qu'il importait de mener une réflexion sur l'inclusion du principe de consommation modérée dans la réforme, il a conclu en déclarant que l'autorisation de la mention des cépages et des millésimes aurait des conséquences extrêmement néfastes, en particulier pour les vins de pays.
M. Dominique Mortemousque a indiqué que les sénateurs mettaient beaucoup d'espoir dans l'action du nouveau ministre, mais qu'ils seraient en même temps exigeants quant aux résultats de sa politique. Il a émis le souhait que la France aborde la discussion du rapport d'étape de 2008 sur la PAC en position offensive, et non défensive. Il a rappelé que le législateur et les gouvernements de la législature précédente s'étaient efforcés de simplifier les procédures administratives auxquelles les agriculteurs étaient soumis et a souhaité que le nouveau Gouvernement poursuive dans cette voie. Il a également fait part de son espoir qu'une part croissante du revenu des agriculteurs provienne du prix des produits. Se disant convaincu que la mise en oeuvre des réformes supposait l'adhésion des agriculteurs, il a jugé que celle créant les bassins viticoles n'avait pas toujours été bien comprise. Enfin, après avoir rappelé qu'il avait mené, à la demande du précédent ministre de l'agriculture, une réflexion sur la gestion des risques agricoles, il a indiqué que ses propositions, en particulier celles relatives à l'extension de l'assurance récolte, avaient recueilli l'intérêt de la Commission européenne, qui souhaitait que la France développe ses suggestions. Il a fait part de sa conviction qu'il y avait dans ce domaine une très forte attente du monde agricole, M. Jean-Paul Emorine, président, abondant en son sens, en estimant que le développement de l'assurance récolte était un élément important de la compétitivité de l'agriculture française.
M. Marcel Deneux a souhaité souligner la hausse importante du prix des produits alimentaires, qui n'était pas seulement liée au développement des biocarburants, puisque trois cinquièmes des céréales produites étaient utilisés pour l'alimentation des animaux. En second lieu, il a relevé le déficit de 5,8 milliards d'euros du régime de protection sociale agricole, se déclarant convaincu que le Gouvernement aurait à prendre ses responsabilités dans ce domaine et qu'il convenait de donner à la Mutualité sociale agricole (MSA) les moyens de sa survie. Il a souhaité obtenir des précisions sur les raisons pour lesquelles l'application de l'article 47 de la LOA relatif à l'interdiction des sacs plastiques de supermarchés était différée. Quant à la suspension des jachères, il a souligné la nécessité de distinguer entre différents types de jachères. Il a ensuite souhaité que les ingénieurs agronomes jouent un rôle plus important dans l'élaboration des politiques publiques en matière d'environnement. Il a réclamé la publication rapide des textes d'application des dispositions de la LOA relative aux puits de carbone. Par ailleurs, a-t-il ajouté, s'il convient de préparer l'évolution de la PAC après 2013, il ne faut pas, pour autant, en rejeter tous les acquis. Il faudrait en particulier maintenir une politique de structure et intensifier les efforts en matière de politique laitière. Enfin, il a demandé des précisions sur les raisons pour lesquelles la plainte de l'Union européenne à l'OMC visant les droits de douane sur les importations d'alcool en provenance d'Inde avait été retirée.
M. Simon Sutour a déclaré partager dans ce dossier les positions de ses collègues Roland Courteau et Gérard César. S'il comprenait dans ce dossier les positions du ministre au niveau européen, il souhaitait savoir quelle était sa conception de leur application au niveau national. Reconnaissant le caractère massif de l'arrachage prévu pour la France, il a jugé que, dans certains cas, celui-ci était la seule solution pour les agriculteurs désireux de partir à la retraite. Encore fallait-il que l'effort soit équitablement réparti sur l'ensemble du territoire. De ce point de vue, il a souligné à quel point la situation du département du Gard était dramatique. Il a jugé que sur le fond, rien n'avait été résolu depuis la visite du précédent ministre de l'agriculture, le moratoire sur les cotisations sociales décidé alors ayant été prolongé jusqu'à l'automne 2007 sans que l'on sache ce qu'il en adviendrait. Il a conclu sur ce point en déclarant que la réforme de l'OCM vitivinicole avait pris beaucoup de retard. Enfin, il s'est félicité de la position du ministre concernant la pêche à la thonaille.
En réponse à ces premiers intervenants, M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, a fait valoir les éléments suivants :
- l'exigence des parlementaires en matière agricole corroborait son même esprit d'exigence et il entendait se rendre sur le terrain une fois par semaine et dans un pays européen deux fois par mois ;
- la définition d'un système de gestion des risques lui paraissait un élément important à intégrer à l'évolution de la PAC ; c'est une des orientations sur lesquelles il souhaitait présenter des orientations dès le « bilan de santé » de la PAC en 2008 ;
- il entendait bien s'appuyer sur l'expertise des ingénieurs agricoles en matière d'agriculture et d'environnement, plusieurs d'entre eux étant du reste membres de son cabinet ;
- il souhaitait d'une manière générale encourager le renforcement des interprofessions ; ainsi, lors d'une de ses premières interventions dans une assemblée générale dans un secteur, il avait salué l'efficacité de la structuration interprofessionnelle de la filière porcine. Quant aux quotas laitiers, la recherche de soutien à la position française n'était pas nécessairement chose aisée. Rappelant que la production française était inférieure de 600.000 tonnes au quota national, il a déclaré vouloir être vigilant sur ce dossier. Il a également rappelé que des moyens de régulation autres que les quotas départementaux étaient parfois avancés dans ce domaine et qu'il convenait de réfléchir à cette question ;
- le contentieux à l'OMC avec l'Inde s'était éteint après que ce pays eut accepté de supprimer ses droits de douane sur les alcools européens ;
- concernant la réforme de l'OCM vitivinicole, on ne pouvait que se féliciter de ce que la Commission européenne commence à traiter le problème des plantations illicites. Il en allait d'une simple question d'équité. Il a souligné que l'Espagne et l'Italie avaient été pour la première fois mises en demeure de régulariser leur situation, les plantations illicites d'après 1998 devant être arrachées et celles plus anciennes devant faire l'objet de droits relativement élevés. Il partageait l'appréciation de Gérard César sur l'effet très négatif de la suppression des prestations viniques. Concernant la promotion, si l'on pouvait juger l'effort de la Commission européenne insuffisant, du moins avait-elle pris conscience de la nécessité de conquérir des marchés. Il s'est déclaré très attaché à la possibilité de recourir à la distillation en cas de crise. Par ailleurs, il convenait de noter que la France avait obtenu une augmentation de l'enveloppe qui lui était dédiée pour la gestion des crises. Il se considérait comme le ministre du commerce extérieur agricole et viticole, ce qui l'amènerait à soutenir les productions françaises lors de ses déplacements à l'étranger. Estimant que les produits européens se caractérisaient par leur variété de goût et de saveur, il a déclaré qu'il était hors de question d'accepter leur aseptisation ou leur banalisation. Quant aux conseils de bassin, ils feraient l'objet d'une évaluation, un an après leur mise en oeuvre. Enfin, la déclinaison au niveau national de ces orientations en matière vitivinicole consistait à mutualiser l'offre pour aider à l'exportation, à soutenir le renforcement de l'interprofession et à mettre en oeuvre un accompagnement par bassin de production. S'agissant de la prolongation des allègements de cotisation pour le Gard, le point serait fait sur la poursuite de cette mesure en la soumettant à l'éventuel arbitrage du Premier ministre ;
- pour ce qui était des jachères, l'autorisation de la Commission européenne permettait de suspendre le gel d'1,5 million d'hectares en France pour un an. Il a reconnu qu'il convenait, en revanche, de prêter une attention particulière aux jachères environnementales. Il a admis, par ailleurs, que le développement des agro-carburants n'était pas la seule cause de la hausse des prix des céréales. Il a toutefois souligné qu'il conviendrait, à terme, de mener une réflexion sur la destination alimentaire ou non des productions agricoles ;
- il a fait valoir que huit des dix ordonnances prévues par la LOA étaient publiées. Les deux dernières ordonnances, relatives aux adaptations nécessaires à Saint-Pierre et Miquelon et à l'application de la loi à Mayotte, pour lesquelles le délai d'habilitation est de 18 mois, n'ont pas été prises. Quant à l'application de l'article 47 de la LOA, la Commission européenne étant pour l'instant hostile à ce dispositif en raison de son incompatibilité avec la directive « Emballages », le Gouvernement avait entamé avec elle un dialogue ;
- en réponse à Mme Odette Herviaux, il a indiqué que l'installation des jeunes restait, pour lui, une priorité qu'il entendait préserver des contraintes budgétaires. Il a confirmé la vocation des directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) à jouer un rôle de guichet unique en matière d'installation, rappelant, par ailleurs, que ces dernières avaient vocation à fusionner avec les directions départementales de l'équipement (DDE), comme cela avait déjà été fait à titre expérimental dans huit départements ;
- il a déclaré vouloir mettre en avant deux projets à l'occasion du Grenelle de l'environnement : d'une part, l'écocertification et, d'autre part, le plan d'autonomie énergétique des exploitations ;
- enfin, concernant l'état d'avancement des travaux de l'IFREMER sur les filets de pêche, il a indiqué qu'il communiquerait ultérieurement une réponse écrite à Mme Odette Herviaux.
M. Thierry Repentin a ensuite fait part de deux interrogations. Sur l'avenir de la PAC dans le cadre de la prochaine présidence française de l'Union européenne, il a fait valoir que le deuxième pilier de cette politique demeurait fondamental pour le monde agricole en montagne, même s'il ne représentait que des sommes modiques. Il a observé, à cet égard, que la montagne constituait un territoire dont la qualité des produits constitue un élément d'attractivité de la France. Puis, faisant référence aux amendements destinés à protéger la filière ovine des attaques de loups, qu'il avait défendus lors de la discussion de la loi d'orientation agricole, il a jugé paradoxal de protéger des espèces alors qu'elles menaçent d'autres espèces domestiques, introduisant de ce fait un déséquilibre inacceptable. Il était indispensable de préserver une activité d'élevage en montagne, ce qui imposait de faire évoluer la directive du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et la flore sauvage et la convention de Berne.
Observant qu'en dix ans le secteur de la pêche avait perdu 40 % de son potentiel de production, M. Bruno Retailleau s'est demandé s'il y avait encore des perspectives pour la pêche en France et il a mis en évidence le potentiel de la mer pour l'économie française, tant du point de vue du tourisme que de la construction navale. Tout en reconnaissant que la survie des pêcheurs dépendait de la préservation des ressources maritimes, il a dénoncé l'instrumentalisation de ce dossier à travers l'attitude des pêcheurs espagnols qui consistait à monopoliser l'exploitation halieutique du Golfe de Gascogne, et a appelé à la défense des travailleurs de la mer.
M. Benoît Huré, saluant l'ambition du ministre de remettre l'agriculture au coeur de la société française, a fait valoir que des arbitrages politiques devraient être opérés dans les années à venir entre les différents usages de l'agriculture (l'alimentation, l'énergie, l'utilisation des fibres végétales ou la fabrication de biens manufacturés) s'inquiétant à cet égard des éventuels conflits d'usage. Puis rappelant qu'il avait déposé une proposition de résolution tendant à unifier les 21 OCM en une seule, il a indiqué qu'il avait demandé à la Commission européenne de préserver l'OCM « vin » et de maintenir 4 OCM. Abordant enfin le problème de la fièvre catarrhale ovine qui sévissait dans les Ardennes, M. Benoît Huré s'est inquiété des nouveaux foyers découverts en Allemagne et en Belgique susceptibles d'attiser une extension de l'épizootie et a réclamé une aide d'urgence pour les agriculteurs concernés, regrettant à cet égard l'absence de démarche de mutualisation comparable à celle existant pour les autres grandes épizooties.
M. Jean-Claude Merceron a abondé dans le sens de M. Bruno Retailleau quant aux préoccupations qui lui inspirait la situation de la pêche nationale. Après avoir rappelé les spécificités des différents ports, il a regretté l'insuffisante coopération entre les scientifiques et les pêcheurs. Il a souhaité, enfin, que le Golfe de Gascogne ne soit pas réservé aux seuls pêcheurs espagnols et que l'on donne des perspectives à la pêche française.
M. Jean Desessard, après avoir remercié le ministre de sa franchise a fait part de son étonnement devant le tableau préoccupant de l'agriculture française ainsi établi, alors même que depuis plusieurs années les gouvernements successifs déclaraient avoir résolu de nombreuses difficultés du secteur. Relevant, en particulier, les difficultés budgétaires du ministère, le problème de la pollution par les nitrates en Bretagne ou la crise de l'anchois, il a considéré que ces problèmes ne pouvaient pas avoir été découverts soudainement. Concernant le dernier point, il a regretté que l'opinion publique française ait pu avoir l'impression qu'il n'y avait pas de problème de ressources halieutiques et qu'il s'agissait, seulement, d'une rivalité franco-espagnole. Il a souhaité, pour sa part, une meilleure communication sur la réalité de l'épuisement progressif des ressources halieutiques. A propos des priorités du ministre dans le cadre du Grenelle de l'environnement, il a jugé intéressant le projet d'autonomie énergétique des exploitations, mais a estimé qu'il fallait aussi prévoir, pour certains exploitants, des reconversions, afin d'anticiper les difficultés majeures de certaines filières. S'agissant du réexamen de la PAC, il a souhaité voir dépasser la seule défense des intérêts français pour permettre, également, une meilleure prise en compte des impacts écologiques de l'agriculture. Concernant les efforts consentis par la France et l'Union européenne à l'OMC, il s'est interrogé sur leurs chances de succès.
M. Paul Girod a également demandé dans quel sens les négociations à l'OMC paraissaient devoir évoluer.
Mme Adeline Gousseau a attiré l'attention de M. Michel Barnier sur les producteurs spécialisés de fruits et légumes, qui étaient d'importants employeurs de main-d'oeuvre. Se réjouissant de la diminution des cotisations sur les heures supplémentaires, elle a souligné les difficultés climatiques actuelles, en particulier pour les producteurs de tomates et de pommes de terre.
M. Jean-Paul Emorine, président a interrogé le ministre sur la situation de la production ovine, au nom de MM. Gérard Bailly et François Fortassin qui étaient en déplacement dans le cadre de la mission que la commission leur avait confiée sur l'avenir de l'élevage ovin. Il a souligné que celui-ci devait être regardé comme le dernier rempart avant la friche. Il a donc souhaité savoir quelles réponses pouvaient être apportées à la crise conjoncturelle et quelle serait l'évolution de l'aide aux régions d'élevage, en particulier, dans le cadre des indemnités compensatrices de handicap naturel (ICHN).
Répondant à M. Thierry Repentin, M. Michel Barnier a réaffirmé son engagement en faveur de l'agriculture de montagne, soulignant qu'il y serait particulièrement attentif lors des arbitrages européens et internationaux, notamment dans le cadre du deuxième pilier de la PAC, dit « développement agricole des territoires ». Soulignant qu'un effort particulier a été réalisé pour soutenir les régions de montagne, il a fait valoir que l'ICHN était passée de 5600 euros en 2005 à 7200 euros en 2006. Il a ensuite remarqué que le loup, espèce protégée au titre de la convention de Berne, n'était plus une espèce menacée au regard du niveau actuel de reproduction de l'animal, et que, dès lors, le cadre réglementaire devrait pouvoir évoluer, en concertation avec les professionnels. Il a jugé que l'obligation de regrouper les troupeaux était paradoxale et a relevé les effets indirects de certaines mesures de protection mises en place, en citant les attaques des chiens patous.
Puis, répondant à M. Bruno Retailleau, M. Michel Barnier a indiqué que l'avenir des pêcheurs était l'une de ses préoccupations majeures, soulignant l'impérieuse nécessité de trouver un équilibre avec la préservation des ressources halieutiques. Il a rappelé, à cet égard, que si les ressources étaient fondamentales, elles n'étaient pas toutes menacées, observant que chaque stock avait une dynamique propre dont il fallait tenir compte dans la définition des quotas. Insistant sur l'avenir de la pêche française, il a mis en évidence la nécessité du dialogue entre pêcheurs et scientifiques, notamment dans la gestion des quotas, et a souligné la nécessité de moderniser les flottes de pêche en dotant les bateaux de moteurs plus écologiques.
Répondant à M. Benoît Huré sur l'OCM unique, M. Michel Barnier s'est félicité de ce que la France ait réussi à éviter en la matière le transfert de compétences du Conseil vers la Commission. S'agissant de la fièvre catarrhale ovine, il a fait valoir que depuis l'identification de quatre foyers en Allemagne, des mesures d'accompagnement des agriculteurs touchés par l'épizootie étaient d'ores et déjà prévues par le ministère en raison du caractère non étanche des frontières.
Quant à l'interrogation de M. Jean-Paul Emorine sur le soutien à la filière ovine, il a déclaré que plusieurs mesures conjoncturelles seraient prochainement annoncées et, en particulier, le report du versement des cotisations à la MSA, l'attribution une aide de 3 millions d'euros pour le désendettement et la demande d'une anticipation sur l'octroi de la prime à la brebis au mois d'octobre.
En réponse à M. Jean Desessard, il a rappelé que le dossier des nitrates bretons était vieux de plus de trente ans et qu'il lui semblait que l'on pouvait donc parler de responsabilité politique partagée, s'agissant des directives européennes systématiquement votées par les différents gouvernements français successifs, et ce, sans interruptions depuis 30 ans. En revanche, il était vrai que la situation était très tendue depuis cinq semaines et il lui apparaissait indispensable de rétablir très rapidement la confiance. Pour ce qui était de la position française dans le dossier de la pêche à l'anchois, il a estimé que les demandes de la France étaient responsables, les pêcheurs français étant d'accord pour gérer la ressource et même envisager des mesures sur les flottes de pêche pour favoriser des départs à la retraite. Quant aux négociations à l'OMC, il a indiqué à MM. Jean Desessard et Paul Girod que le Gouvernement les abordait sans naïveté et avait conscience de leur extrême difficulté. Il a précisé que l'Union européenne avait mis en place une stratégie d'alliance pour faire valoir au mieux ses intérêts.
Enfin, il a indiqué à Mme Adeline Gousseau qu'il examinerait la situation particulière des productions spécialisées, pour y apporter, si besoin, une réponse spécifique.
Union européenne - OCM vitivinicole - Examen du rapport
La commission a ensuite pris connaissance du rapport et des amendements sur la proposition de résolution n° 391 (2006-2007) présentée par M. Gérard César, rapporteur, en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché (OCM) vitivinicole et modifiant certains règlements (E 3587).
Tout en reconnaissant que les chiffres de l'année 2007 étaient plutôt encourageants pour le secteur vitivinicole, M. Gérard César, rapporteur, a souligné qu'ils ne masquaient pas les faiblesses structurelles dont souffre ce dernier : montée en puissance des pays producteurs dits du « nouveau monde » et baisse de la consommation communautaire, engendrant des surproductions chroniques et une baisse des prix, et donc des revenus des producteurs.
Cette situation économique alarmante risque d'être accentuée par le projet de réforme de l'OCM vitivinicole. Dévoilé par la Commission européenne il y a un an, puis précisé le 4 juillet dernier dans une proposition de règlement tenant soi-disant compte de l'avis des différents acteurs rencontrés entre-temps par la commissaire européenne, ce projet remet en effet en cause une grande partie des instruments de régulation contenus dans l'actuelle OCM, traduisant un véritable désengagement des institutions européennes dans le soutien au secteur vitivinicole, au moment même où celui-ci en a le plus besoin.
Evoquant les fortes réactions d'hostilité à ce projet en France, ainsi que dans de nombreux autres pays membres de l'Union, il a rappelé que la commission des affaires économiques avait adopté quelques semaines plus tôt le rapport d'information qu'il lui avait soumis et dont il était allé présenter les principales conclusions à Bruxelles, une semaine après, accompagné de M. Roland Courteau. Il a précisé que les organisations professionnelles avaient également fait part de leur très nette désapprobation, et que le ministre de l'agriculture avait déclaré partager les positions défendues dans ce rapport.
Estimant nécessaire de prendre à présent position très clairement sur chacun des éléments de réforme avancés par la Commission, afin de soutenir les représentants de la France dans les négociations qui vont s'ouvrir et se dérouler jusqu'à la fin de l'année, il a indiqué que l'objectif de la Commission était de parvenir à un accord politique sous présidence portugaise, puis de rédiger les règlements d'application de la réforme durant la première moitié de l'année 2008, afin que la nouvelle OCM soit applicable aux vendanges de cette même année.
La proposition de résolution s'inscrit dans l'intérêt de la viticulture européenne, et pas uniquement de celle de la France et se positionne vis-à-vis des principaux éléments du projet de règlement en reconnaissant objectivement que certains points, sur lesquels la Commission avait manifesté des signes d'ouverture, pouvaient donner lieu à discussion. Par contre il entend rester très ferme sur ceux paraissant les plus vitaux et les plus menacés.
Il a indiqué que la proposition de résolution commençait par énumérer un certain nombre de constats et de principes. Ainsi, reconnaissant que l'actuelle OCM n'est plus adaptée à la structuration de la filière et à son contexte économique, et qu'elle doit à ce titre être réformée, il est proposé ouvertement le maintien d'une OCM spécifique au secteur, et non pas sa fusion au sein de dispositifs d'intervention couvrant une multiplicité de produits agricoles. Ce type d'organisation communautaire permet de réguler un marché naturellement très versatile, que le libre jeu de la concurrence ne permet pas le plus souvent d'équilibrer.
M. Gérard César, rapporteur, a ensuite énuméré les cinq points de divergence sur lesquels la proposition de résolution fonde son opposition au projet de règlement communautaire :
- la gestion du potentiel de production. Appelant à régulariser le problème des 120.000 hectares de plantations illégales sur le territoire communautaire comme préalable à tout nouveau programme d'arrachage, il est proposé qu'un tel programme soit mis en oeuvre dès lors que ses modalités en seraient précisément encadrées. Elle s'oppose en revanche à toute libéralisation intégrale des droits à plantation à partir de 2013, qui contribuerait à accroître les déséquilibres déjà existants entre offre et demande ;
- les mécanismes de régulation des marchés. La proposition de résolution affirme clairement son hostilité au projet de suppression des dispositifs de distillation, notamment ceux dits de « prestations viniques » et de « crise ». Ces deux mécanismes sont en effet capitaux : le premier pour éviter un désastre environnemental, qui ne manquerait pas de survenir si les viticulteurs n'étaient plus incités financièrement à livrer leurs sous-produits à des entreprises de distillation ; le second pour prévenir ou gérer des situations de surproduction telles que l'Union européenne en a connu de façon récurrente ces dernières années ;
- la structuration de l'offre. La proposition de résolution insiste sur la nécessité de mettre en place des dispositifs incitant au regroupement des différents acteurs de la filière afin de gérer plus finement la production et de mieux la valoriser à l'export ;
- la politique de qualité. La proposition de résolution accueille favorablement l'alignement des différentes appellations sur le règlement transversal distinguant les appellations d'origine protégée (AOP) et les indications géographiques protégées (IGP) et le rapprochement des pratiques oenologiques autorisées sur celles prescrites par l'Organisation internationale du vin (OIV). En revanche, elle s'oppose formellement à tout projet d'autorisation de vinifier des moûts importés et de mélanger des vins communautaires avec des vins de pays tiers, à tout transfert de compétences dépossédant le Conseil au profit de la Commission, et surtout à la suppression du régime actuel d'aide à l'enrichissement ;
- la promotion. Préconisant une politique cohérente d'éducation des consommateurs européens à une consommation modérée et responsable, la proposition de résolution pointe l'insuffisance notable des crédits affectés à la promotion sur les marchés extérieurs et, plus encore, intracommunautaires, et demande à ce qu'ils soient revalorisés en conséquence, les trois millions d'euros supplémentaires prévus pour la promotion sur le territoire communautaire paraissant en effet largement insuffisants, alors que près des trois quarts de la commercialisation des produits européens se fait sur ce même territoire.
Il a indiqué, enfin, qu'au cours d'un rendez-vous obtenu avec la commissaire européenne en charge de l'agriculture, Mme Mariann Fischer Boel, le 1er octobre prochain à Bruxelles, il exposerait la position du Sénat alors que les négociations seront en cours et qu'il conservait bon espoir que la viticulture européenne soit maintenue à son niveau d'excellence actuel, dès lors que seront mobilisés les moyens adaptés.
Présentant ensuite deux amendements à la proposition de résolution suggérés par M. Roland Courteau, M. Gérard César, rapporteur, a insisté sur la nécessité d'une part, d'inciter les acteurs de la filière à investir au niveau professionnel et interprofessionnel et, d'autre part, d'utiliser l'ensemble des crédits affectés à la promotion de manière plus opérationnelle et rapide.
Pour conclure, M. Gérard César, rapporteur, a invité ses collègues à adopter la présente proposition de résolution ainsi modifiée, tout en n'écartant pas, cependant, l'éventualité de la présentation d'une nouvelle proposition de résolution, si besoin était.
Un bref échange de vues s'est ouvert à l'issue de cette présentation, à l'occasion duquel M. Roland Courteau s'est félicité des modifications proposées par M. Gérard César, rapporteur, et a soutenu l'adoption de la proposition de résolution ainsi modifiée, qui constitue une contribution positive à l'action du gouvernement en la matière.
Se félicitant de l'émergence d'une position politique commune sur le problème vitivinicole, M. Jean-Paul Emorine, président, s'est déclaré favorable à l'organisation d'une discussion en séance publique sur le sujet, afin d'appuyer l'action du Gouvernement.
Puis la commission a adopté à l'unanimité la proposition de résolution n° 391 (2006-2007), ainsi amendée, présentée par M. Gérard César en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole et modifiant certains règlements (E 3587).
Nomination d'un rapporteur
La commission a ensuite nommé M. Ladislas Poniatowski, rapporteur sur la proposition de loi n° 369 (2006-2007) qu'il a déposée, tendant à autoriser les consommateurs particuliers à retourner au tarif réglementé d'électricité.
Environnement - Rencontre parlementaire sur le changement climatique - Désignation de membres
Enfin, la commission a approuvé la désignation de MM. Marcel Deneux et Claude Saunier pour participer à Bruxelles, les 1er et 2 octobre prochain, à la rencontre interparlementaire sur le changement climatique, étant entendu que M. Jean Bizet s'y rendra au titre de la Délégation pour l'Union européenne.