Mardi 17 avril 2007
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, puis de M. Gérard César, vice-président-Assurance récolte - Communication
La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Dominique Mortemousque, parlementaire en mission, sur les conclusions de son rapport au Premier ministre relatif à l'assurance récolte.
Remerciant M. Dominique Mortemousque d'être venu présenter son rapport à la commission, M. Jean-Paul Emorine, président, a estimé que ce rapport ne pourra manquer d'être un outil de référence pour le prochain gouvernement. L'assurance récolte est un instrument indispensable pour maintenir le niveau de l'activité agricole, et devrait acquérir une certaine dimension européenne pour mieux la sécuriser.
Précisant que son rapport avait été remis au Premier ministre à la fin du mois de mars et serait prochainement disponible en ligne, M. Dominique Mortemousque s'est félicité de l'occasion qui lui était donnée d'en exposer les conclusions à la commission.
Il a rappelé, en introduction à son propos, la mise en place en 1964 du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), complété depuis par des dispositifs connexes, mais dont le fonctionnement présente aujourd'hui certaines imperfections car toutes les catégories d'exploitation n'en bénéficient pas de façon égale. Les exploitations les plus rentables et les exploitants qui se sont regroupés, par exemple au sein d'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), peuvent être pénalisés par les mécanismes d'évaluation et de versement des indemnisations.
Il convient donc de rechercher un système nouveau, démarche qui a été notamment engagée avec la création, en 2005, à la suite du rapport de M. Christian Ménard, député, d'une aide de 35 % du montant des primes, destinée à favoriser le développement d'une assurance multirisque climatique : M. Dominique Mortemousque a indiqué que son rapport avait d'abord eu pour objet de dresser un bilan de cette expérience. Il a noté que le montant total de l'aide devait atteindre quelque 30 millions d'euros en 2007, le marché de l'assurance récolte étant actuellement porté par essentiellement deux opérateurs, Groupama et Pacifica, filiale du Crédit agricole.
M. Dominique Mortemousque a relevé que, jusqu'à présent, l'assurance récolte s'était surtout développée dans le secteur des grandes cultures, notamment céréalières. Le niveau élevé des cotisations freine en effet sa diffusion à d'autres secteurs spécialisés : vigne, fruits et légumes, cultures fourragères.
Evoquant les exemples étrangers de régimes d'assurance récolte, M. Dominique Mortemousque a souligné que les expériences américaine et canadienne, très anciennes, se situent dans un contexte très différent de celui de la politique agricole commune, l'assurance récolte jouant dans ces pays un rôle de régulation des marchés incompatible avec les règles communautaires. Le régime espagnol, en revanche, fonctionne depuis près de 30 ans dans un pays appartenant à l'Union européenne : M. Dominique Mortemousque a observé que ce dispositif, exclusif d'autres aides, représente plus de 264 millions d'euros de crédits, mais ne couvre que 50 % des agriculteurs. Il a rapproché ce coût du montant des crédits consacrés en France en 2006 à l'indemnisation des aléas climatiques et des différentes crises, soit plus de 450 millions d'euros, dont 256 provenant du FNGCA, précisant que la « ferme Espagne » ne représente que les deux tiers environ de la « ferme France ».
M. Dominique Mortemousque a insisté sur la nécessité d'inscrire la réflexion sur l'assurance récolte dans une perspective européenne, pour tenir compte tant de l'évolution des règles internationales et communautaires en matière d'indemnisation que de l'échéance du « bilan de santé » ou « rapport d'étape » de la PAC en 2008 et de celle de 2013 : il a souligné qu'un développement cette assurance donnerait plus de poids aux propositions que pourrait formuler la France en vue d'un cofinancement de la gestion des risques et des crises.
Il a indiqué qu'il s'était en conséquence attaché, dans ses conclusions, à définir les conditions d'un tel développement :
- le relèvement à 45 % du taux de l'aide à l'assurance récolte pour les cultures spécialisées, et un allégement de la taxe additionnelle pour les exploitants souscrivant un contrat à l'exploitation, ces mesures d'incitation à l'assurance lui semblant préférables à la solution, prônée par certains, de l'assurance obligatoire ;
- une amélioration du régime de la déduction pour aléas (DPA), à travers la fixation des plafonds en pourcentage du chiffre d'affaires, le relèvement à 1.500 € du complément déductible par salarié, l'institution d'un délai après la clôture de l'exercice pour le versement sur le compte bancaire ; M. Dominique Mortemousque a en outre précisé que la DPA ne devait pas être subordonnée à la souscription d'une assurance ;
- un aménagement du régime des calamités agricoles, comportant l'introduction d'une franchise, une revalorisation du taux d'indemnisation, sauf pour les cultures considérées comme assurables à terme, et une minoration du taux de base en cas de sinistres successifs.
En conclusion, M. Dominique Mortemousque a rappelé que la France, en se fondant sur le fonctionnement d'un modèle français d'assurance récolte consensuel et bien engagé, ne disposait que d'un délai limité pour se positionner, en vue de 2013, au niveau de l'Union européenne, à laquelle était déjà soumis le modèle espagnol.
Jugeant que ce modèle devrait prévoir, conformément aux souhaits de la profession, un « socle » minimal de garantie, que chacun pourrait compléter en fonction de ses engagements, et notant qu'un tel dispositif présenterait l'avantage de responsabiliser les producteurs, il a enfin relevé qu'il était indispensable que le régime d'assurance récolte s'étende du secteur des grandes cultures aux autres secteurs de production et fasse l'objet d'un consensus de l'ensemble de la « ferme France ».
M. Jean-Paul Emorine, président, a tenu à rappeler que le montant de l'effort financier réalisé par le gouvernement au titre du fonds national de garantie des calamités agricoles équivaut aux concours publics apportés au système d'assurance récolte en vigueur en Espagne.
Par ailleurs, il a estimé nécessaire d'avancer dès maintenant sur le sujet de l'assurance récolte, puisque le bilan d'étape de la politique agricole commune prévue pour 2008 doit donner lieu à des discussions au niveau européen dès cette année. Il a rappelé tout l'intérêt de la démarche assurantielle en faisant valoir que les exploitations agricoles s'apparentaient de plus en plus, par leur dimension, à des entreprises, dans la mesure où 350.000 des 700.000 exploitations françaises réalisent aujourd'hui 90 % de la production avec une surface moyenne de 100 hectares.
Il a aussi considéré que l'avenir de la politique agricole commune risquait fort de consister en une baisse des aides, exception faite des soutiens à l'agriculture extensive notamment au travers des mesures agro-environnementales. Dans ce contexte global, il a rappelé qu'il serait essentiel de disposer d'un instrument permettant la pérennisation des entreprises agricoles -en particulier celles créées par les jeunes- qui puisse être pleinement intégré à la réforme à venir de la PAC tout en étant acceptable dans le cadre des négociations de l'organisation mondiale du commerce (OMC).
M. Gérard César a souligné que la montée en puissance du dispositif d'assurance récolte devrait s'accompagner d'une diminution de l'enveloppe budgétaire consacrée à la garantie contre les calamités agricoles et estimé que ce mouvement pourrait être amorcé dès la loi de finances pour 2008.
Par ailleurs, il a fait référence à l'obligation faite aux agriculteurs américains, de souscrire au système d'assurance revenu dès lors qu'ils souhaitent obtenir un prêt. Il a considéré que ce type de mesures pourrait être très utile en France afin de sécuriser les jeunes exploitations et il s'est demandé dans quelle mesure il serait possible d'ajouter ce point au rapport.
M. Marcel Deneux a rappelé que voilà onze ans, il avait, avec certains de ses collègues, soumis aux assureurs français l'idée d'une assurance récolte à la suite d'un voyage aux Etats-Unis. Il a estimé qu'il était nécessaire de poursuivre et que dans cette perspective, le rapport présenté serait incontestablement un élément utile. Il s'est ensuite demandé si la synthèse du rapport ne faisait pas l'amalgame entre l'assurance récolte d'une part et le fonds national de garantie de calamités agricoles d'autre part. Il a rappelé que ce fonds reposait sur une contribution paritaire des professionnels et de l'Etat qui, à ses yeux, n'avait pas toujours rempli ses obligations. Il a, de plus, considéré que la comparaison entre les deux dispositifs était d'autant plus difficile que le système français d'assurance récolte n'existait que depuis deux ans.
Revenant sur les exemples américains et espagnols, il a souligné l'importance du rôle que pouvaient jouer les régions dans un système assurantiel, par exemple en direction des exploitations consacrées à des productions originales, participant de l'identité agricole régionale.
M. Paul Raoult a tenu à souligner que les Etats-Unis utilisent le système d'assurance revenu comme un véritable dispositif d'aide publique à l'agriculture pour des montants considérables -trois milliards de dollars pour le coton et quatre milliards de dollars pour le soja et le maïs-, alors même que ces soutiens ne sont pas pris en compte par l'organisation mondiale du commerce et demeurent dès lors non négociables dans ce cadre. S'appuyant sur cet exemple, il a estimé nécessaire d'approfondir la question du caractère dérogatoire du dispositif américain dans la perspective des négociations à venir.
M. Dominique Mortemousque a répondu à ces interventions.
S'agissant de la substitution progressive de l'assurance récolte aux concours actuels du fonds national de garantie des calamités agricoles, il a estimé que ce mouvement était en effet nécessaire mais que ses modalités devaient être négociées avec les organisations professionnelles de façon à préserver autant que possible une forme de parité dans les décisions tout en veillant à assurer la cohésion de l'ensemble de la profession. Il a rappelé que seuls les producteurs de céréales sont aujourd'hui clairement favorables à une évolution en ce sens.
A propos de l'obligation d'assurance imposée aux Etats-Unis en particulier à l'occasion d'octroi de prêts, il a clairement indiqué que ses réflexions actuelles s'inscrivaient plutôt dans une perspective d'incitation et non d'obligation d'assurance.
Il a ensuite estimé que le rapport aussi bien que la synthèse distribuée ne contenaient nul amalgame entre le système entre l'assurance récolte et la garantie des calamités agricoles, précisant en outre que l'Etat avait rempli ses obligations vis-à-vis de cette dernière comme le témoignait l'exemple de l'année 2003. Il a par ailleurs indiqué que c'est à dessein qu'il n'avait pas évoqué le rôle des régions, dans la mesure où la mission confiée par le Premier ministre concernait les mesures à prendre au niveau national. Il a toutefois estimé que l'intervention de ces collectivités pouvait être très utile.
Concernant enfin la comparaison avec le système américain dans le cadre de l'OMC, il a fait valoir qu'il s'agissait là d'une question stratégique qui rendait d'autant plus impérative la nécessité pour la France de présenter avant 2008 un projet consensuel et cohérent en vue des négociations à venir.
M. Marcel Deneux a tenu à préciser, qu'à ses yeux, le fonds national de garantie des calamités agricoles s'apparentait principalement à un système de redistribution du revenu des exploitants du nord de la France vers ceux du sud, compte tenu en particulier de l'assiette très large sur laquelle les contributions sont assises. En réponse, M. Dominique Mortemousque a observé que si ce système peut aboutir à un transfert global du nord vers le sud, il ne s'agit pas d'une règle absolue, de nombreux agriculteurs du sud du pays n'ayant jamais bénéficié des interventions du fonds. Il a en revanche tenu à signaler que ce fonds pénalise aujourd'hui les agriculteurs appliquant des stratégies de diminution des risques et qu'à l'inverse, il avantage relativement les exploitants ne prenant aucune précaution à cet égard, notamment par la diversification des cultures.
Il a estimé, pour ces raisons, qu'un système assurantiel serait mieux adapté à la réalité agricole actuelle dans la mesure où il responsabiliserait l'ensemble des exploitants.
M. Jean-Paul Emorine, président, est intervenu sur ce point pour rappeler la nécessité d'une solidarité au niveau national et pour indiquer que les franchises d'assurances étaient toujours possibles pour les agriculteurs s'estimant relativement moins sujets aux risques liés à la récolte.
Il a précisé que le rapport de M. Dominique Mortemousque n'était pas présenté au nom de la commission, qui ne pouvait donc l'amender, et qu'il incombait à son auteur de décider de la manière dont les débats ouverts par sa communication pourraient être portés à l'attention du Premier ministre.
M. Daniel Soulage soulignant à son tour l'intérêt du rapport de M. Dominique Mortemousque, s'est déclaré favorable en particulier à l'augmentation du taux d'aide pour les cultures de la vigne et des fruits et légumes, ainsi qu'aux propositions relatives à la déduction pour aléas.
S'agissant des modalités précises du dispositif à mettre en place, il a estimé nécessaire de poursuivre la négociation avec les professionnels. Il a tenu à insister sur l'importance d'un système de réassurance, dont l'absence apparaît aujourd'hui comme un frein au développement de l'assurance récolte.
M. Daniel Soulage a fait part de l'intérêt de conférer au fonds national de garantie des calamités agricoles un rôle de garantie du système assurantiel, tout en indiquant que le ministère de l'économie et des finances semblait avoir des réticences à l'encontre de cette idée.
Sur ce point, M. Dominique Mortemousque a précisé que le ministère de l'économie et des finances étudiait des solutions alternatives concernant les systèmes de réassurance ou de garantie de l'assurance récolte, les assureurs eux-mêmes souhaitant une intervention de la puissance publique.
En conclusion, il a rappelé l'urgence pour la France à disposer d'une position consensuelle et crédible sur ce sujet au sein de l'Union européenne.
Résolutions européennes - Protection des sols - Nomination d'un rapporteur et examen du rapport
La commission a tout d'abord désigné M. Paul Raoult rapporteur de la proposition de résolution n° 284 (2006-2007), sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil définissant un cadre pour la protection des sols et modifiant la directive 2004/35/CE (E3251), confirmant ainsi sa désignation officieuse effectuée depuis la dernière réunion de la commission par son président et ses vice-présidents.
Puis la commission a entendu M. Paul Raoult présenter son rapport.
M. Paul Raoult, rapporteur, a tout d'abord souligné la grande vulnérabilité du sol, qui remplit des fonctions essentielles, car il s'agit d'une ressource non renouvelable -la dégradation pouvant être rapide, alors que les processus de formation et de régénération sont extrêmement lents- et soumise à de fortes pressions. Support des activités humaines, le sol est source de matières premières, contribue à la biodiversité et permet la production d'aliments, de biomasse ainsi que le stockage et la filtration de l'eau et des éléments nutritifs, alors même qu'il est soumis à divers phénomènes tels que l'érosion, les inondations ou glissements de terrains, la diminution des matières organiques, le tassement, l'artificialisation et les contaminations ponctuelles ou diffuses.
M. Paul Raoult, rapporteur, a précisé qu'en 2002, le 6e programme d'action communautaire pour l'environnement avait reconnu l'importance de la protection des sols et préconisé l'établissement d'une stratégie thématique sur ce thème. En septembre 2006, après de nombreuses consultations et réunions de groupes de travail, la Commission européenne a abouti à l'adoption d'une stratégie thématique en faveur de la protection des sols, comprenant une communication de la Commission et une proposition de directive définissant un cadre pour la protection des sols.
La proposition de directive, a-t-il ajouté, a fait l'objet d'un premier examen par la délégation pour l'Union européenne dans le cadre de la procédure expérimentale de contrôle des principes de subsidiarité et de proportionnalité par les parlements nationaux. La délégation a considéré que ce texte n'appelait pas d'observation au regard du principe de subsidiarité mais qu'il pouvait porter atteinte au principe de proportionnalité, notamment s'agissant du coût des mesures envisagées au regard des avantages attendus et elle a appelé l'attention de la commission des affaires économiques.
Le rapporteur a souligné que, parallèlement, le président de la commission des affaires économiques, avec l'accord des vice-présidents, avait retenu des projets de texte communautaires qui requéraient un examen approfondi en raison de leur importance et de leur impact et que la proposition de directive sur la protection des sols en faisait partie.
Le rapporteur a indiqué que le processus d'examen communautaire prévoyait un passage au Parlement européen en septembre 2007 après l'adoption du rapport de la commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire en juillet 2007. Rappelant qu'un débat d'orientation avait eu lieu au Conseil environnement du 20 février 2007 et que le sujet avait également été abordé lors du Conseil agriculture du 19 mars 2007, il a souligné que, si la grande majorité des Etats membres acceptaient le principe d'une stratégie communautaire de protection des sols visant à définir une approche et des objectifs communs, tous n'étaient pas convaincus de la nécessité d'adopter une directive en la matière. L'approche de la Commission a été ainsi jugée trop complexe et bureaucratique par certains et financièrement trop lourde au regard des avantages attendus. En particulier, le volet relatif à la contamination des sols a fait l'objet de nombreuses critiques et d'oppositions parfois fortes et il importe d'assurer un meilleur respect du principe de subsidiarité, de proportionnalité et la prise en compte des spécificités nationales voire locales.
M. Paul Raoult, rapporteur, a ensuite présenté l'économie générale de la proposition de directive puis les principales recommandations qu'il proposait à la commission d'adopter, sur la base de sa proposition de résolution déposée fin février, et après avoir entendu les acteurs économiques concernés.
Pour justifier son intervention, la Commission européenne fait valoir que différentes politiques communautaires contribuent déjà à la protection des sols, mais qu'il manque une législation communautaire spécifique et cohérente en la matière. Seuls neuf Etats se sont dotés d'une législation nationale sur la protection des sols.
La proposition de directive établit une distinction entre certaines menaces pesant sur le sol et attachées à des zones spécifiques (érosion, perte de matières organiques, tassement...) alors que d'autres sont imputables à des politiques nationales (contaminations et imperméabilisation). Elle propose en conséquence deux niveaux d'action, celui concernant les dégradations liées aux contaminations allant dans le détail des mesures à prendre.
Est ainsi imposé un recensement, par les Etats membres, des zones exposées à des risques d'érosion, de diminution des teneurs en matières organiques, de tassement, de salinisation et de glissement de terrain, puis, pour chaque zone recensée, l'adoption d'un programme de mesures visant à préserver les sols assorti d'objectifs de réduction des risques, d'un calendrier de leur mise en oeuvre et d'une estimation des fonds publics ou privés nécessaires.
S'agissant du volet spécifique à la contamination des sols, qui constitue l'élément central de la proposition de directive, le rapporteur a énuméré les obligations prévues : réaliser un inventaire exhaustif des sites potentiellement pollués et établir un diagnostic de chacun de ces sites dans un calendrier très resserré, puis réhabiliter les sites effectivement contaminés dans le cadre d'une stratégie d'assainissement nationale et selon un calendrier progressif définissant des priorités.
Enfin, en application de l'article 16 de la proposition de directive, les Etats membres doivent transmettre à la Commission européenne toute une série d'informations relatives aux zones à risques recensées et à la méthodologie utilisée pour y parvenir, ainsi qu'aux programmes de mesures adoptés assortis de l'évaluation de leur efficacité à réduire le risque et la fréquence des processus de dégradation des sols. S'agissant des sols contaminés, les résultats des inventaires, des diagnostics de sols ainsi que la stratégie nationale d'assainissement doivent être transmis.
M. Paul Raoult, rapporteur, a considéré que l'examen approfondi de cette proposition de directive suscitait de multiples interrogations, tant sur l'architecture générale du dispositif que sur les modalités de mise en oeuvre.
Il a tout d'abord souhaité voir clarifier le fondement juridique de la proposition de directive, relevant que plusieurs des interlocuteurs auditionnés s'interrogeaient sur le fondement juridique retenu par la Commission en se demandant s'il ne fallait pas plutôt faire application de l'article 175, paragraphe 2, qui attribue au Conseil un pouvoir de décision à l'unanimité, après consultation du Parlement européen, pour les questions relatives à l'aménagement du territoire et l'affectation des sols. En effet, on peut considérer que toute politique des sols, surtout concernant la réhabilitation des sols contaminés, a un impact sur leur affectation, puisque, pour certains d'entre eux, des restrictions voire des interdictions d'usage pourraient être décidées. Il conviendrait à tout le moins, a-t-il jugé, que les services juridiques du Conseil et du Parlement européen se prononcent sur cette question.
Evoquant ensuite la politique française conduite en matière de protection des sols, de surveillance des zones soumises à des risques spécifiques et de traitement des sites pollués, il lui est apparu essentiel de s'appuyer sur l'expérience acquise par certains Etats membres. En effet, actuellement, la Commission a retenu un principe de recensement et de diagnostic des sols systématique, suivi d'un processus qui pourrait conduire à une remise en état de l'ensemble des sites pollués. De plus, le champ d'application du dispositif est très largement défini puisqu'il inclut toutes les activités industrielles relevant de la législation sur les installations classées, sans application de seuil, mais également les stations-service, les pressings, les décharges, les stations d'épuration.
Au regard de ce champ d'application et des obligations d'agir entendues très largement par la proposition de directive, M. Paul Raoult, rapporteur, a considéré que le calendrier proposé par celle-ci apparaissait incroyablement resserré et, dans la pratique, intenable. Ainsi, dans un délai de cinq ans à compter de la transposition de la directive, il faudrait avoir recensé l'ensemble des sites pollués, procédé au diagnostic des sols pour 10 % d'entre eux et, deux ans après, avoir défini la stratégie nationale d'assainissement, cette dernière devant établir la priorité des sites à dépolluer.
Enfin, il a jugé que les critères retenus pour décider ou non de réaliser un diagnostic de sols dans un site recensé comme pollué étaient beaucoup trop flous et sources de contentieux, en se demandant ce qu'il fallait entendre par « bonnes raisons de penser qu'il existe un risque non négligeable pour la santé humaine ou l'environnement ».
Plus généralement, a-t-il relevé, une telle approche, dont l'étude d'impact n'évalue pas suffisamment le coût, correspond aux premières orientations adoptées par la France pour la gestion des sols pollués dans les années 1990. Or, il est apparu très rapidement que ce processus de réhabilitation systématique ne garantissait aucunement une allocation optimale des ressources ni des résultats satisfaisants. Il a donc été abandonné en 1999 au profit d'une politique fondée sur la gestion des risques suivant l'usage des sols.
Le rapporteur a donc préconisé que l'approche communautaire, qui définit trois axes d'intervention : prévenir, recenser et assainir, décline le principe de l'évaluation des risques en fonction des usages sur chacun de ces trois axes.
Il a considéré également qu'il fallait veiller à ce que la réglementation proposée ne se superpose pas à des dispositifs communautaires existants ayant un impact sur les sols. En ce qui concerne les programmes des mesures à adopter dans des zones exposées à certains risques, il a ainsi rappelé qu'il existait déjà de nombreuses mesures dans le cadre de la politique agricole commune, récemment renforcées par la réforme de la PAC, qui constituaient des moyens appropriés pour atteindre les objectifs de la stratégie thématique en faveur de la protection des sols.
Il conviendrait à tout le moins de procéder à une évaluation de l'impact de ces mesures avant d'en définir de nouvelles et, de manière générale, de veiller à la cohérence et à l'articulation de cette proposition de directive avec les autres directives européennes déjà en vigueur qui ont un lien direct ou indirect avec des usages des sols. Il s'agit notamment des directives sur l'air, les déchets, la responsabilité environnementale, le cadre communautaire pour la politique de l'eau et Natura 2000.
M. Paul Raoult, rapporteur, a souhaité enfin qu'il soit fait une vraie application du principe de subsidiarité afin de respecter les spécificités locales. En matière de contamination des sols, qu'il s'agisse du recensement des sites, du diagnostic ou des obligations d'assainissement, le niveau de détail du dispositif est tel qu'il ne laisse que peu de place à la définition, par les Etats membres, des modalités de gestion et de mise en oeuvre de cette politique de protection des sols.
Il est ainsi frappant que la proposition de directive n'envisage aucune règle dérogatoire ou aménageant des délais de mise en oeuvre, alors même que les exigences d'assainissement fixées sont très fortes et le calendrier de réalisation très resserré.
Le rapporteur a rappelé que la directive du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire de l'eau fixe des objectifs ambitieux, s'agissant du bon état écologique et chimique des eaux de surface et des masses d'eau souterraines, à atteindre dans des délais strictement définis et relativement rapprochés, à savoir au plus tard décembre 2015. Mais, dans le même temps, son article 4 prévoit l'identification de masses d'eau de surface artificielles ou fortement modifiées pour lesquelles les objectifs de qualité à atteindre sont moindres. En outre, si les objectifs fixés ne peuvent être atteints dans les délais fixés pour des raisons techniques ou financières justifiées, une échéance plus lointaine peut être alors retenue. Enfin, lorsque la réalisation des objectifs est impossible ou d'un coût disproportionné au regard des bénéfices attendus, des objectifs dérogatoires peuvent être alors fixés par les Etats membres.
M. Paul Raoult, rapporteur, a regretté que l'approche tout à la fois ambitieuse et pragmatique de la directive sur l'eau ne se retrouve pas dans la proposition de directive définissant un cadre pour la protection des sols. Celle-ci affirme ainsi, à l'article 1er, qu'elle a pour objet la préservation de la capacité de tous les sols à remplir chacune des fonctions écologiques, économiques, sociales et culturelles qu'elle a identifiées sans dérogation possible. En outre, la possibilité de « prioriser » les sites à assainir en fonction des risques encourus pour la santé humaine n'apparaît pas suffisante pour prendre en compte les spécificités locales.
Il a jugé indispensable de prévoir des dérogations et des délais supplémentaires pour des sols très fortement contaminés et pour lesquels les coûts d'assainissement sont disproportionnés eu égard aux bénéfices attendus.
M. Marcel Deneux a souligné tout l'intérêt qu'il y avait à renforcer les connaissances sur l'état des sols, évoquant l'exemple du département de l'Aisne qui, il y a 25 ans, a procédé à la cartographie systématique de la qualité pédologique de ses sols.
Il a relevé que les risques de contamination des sols constituaient une vraie menace pour l'activité agricole en rappelant les exigences des industries agroalimentaires à ce sujet et s'est montré très réservé sur les obligations fixées par la proposition de directive s'agissant des mesures à adopter par les Etats membres.
M. Roland Ries s'est interrogé sur la nécessité d'adopter une directive sur la protection des sols, compte tenu de l'extrême diversité de ces derniers à l'échelle européenne mais aussi de chacun des Etats membres.
M. Paul Raoult, rapporteur, a considéré que la proposition de directive devait être modifiée dans le sens d'une plus grande souplesse et a fait valoir l'impact de cette politique d'assainissement des sols sur les finances des collectivités territoriales. Il a souhaité que le point de vue de la commission des affaires économiques puisse être défendu à Bruxelles, tant auprès de la Commission que du Parlement européen.
La commission a ensuite adopté à l'unanimité la proposition de résolution dans les termes proposés par son rapporteur.
Résolutions européennes - Marché des céréales - Nomination d'un rapporteur et examen du rapport
La commission a ensuite nommé M. Jean Boyer rapporteur de la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1784/2003 portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (E 3371), confirmant ainsi sa désignation officieuse effectuée depuis la dernière réunion de la commission par son président et ses vice-présidents.
La commission a ensuite procédé à l'examen de la proposition de résolution n° 287 (2006-2007) présentée par M. Jean Boyer sur le texte précité.
M. Jean Boyer, rapporteur, a d'abord rappelé que la politique agricole commune (PAC) ferait l'objet, en 2008-2009, d'un « bilan de santé » qui donnerait lieu à certains ajustements, la prochaine grande réforme étant prévue en 2013, soit dix ans après les accords de Luxembourg de 2003 qui ont posé les bases de l'actuelle PAC. Estimant qu'il ne fallait pas anticiper ces échéances, et commencer dès maintenant à démanteler nos systèmes de régulation des marchés, il a regretté que ce soit l'objet, dans le secteur du maïs, du texte communautaire sur lequel portait la proposition de résolution examinée.
Afin de garantir des prix minimum aux producteurs de maïs, a-t-il rappelé, a été mise en place à l'échelle européenne une « organisation commune de marché » (OCM) comportant un instrument appelé « intervention ». Si les prix de marché tombent en dessous d'un certain niveau du fait d'un excès d'offre, les agriculteurs céréaliers se voient acheter une partie de leur production à un prix minimum garanti par les institutions communautaires. Les quantités achetées sont stockées et ensuite « relarguées » progressivement sur le marché de façon à réguler les cours.
M. Jean Boyer, rapporteur, a exposé comment cette organisation a été bouleversée par l'entrée dans l'Union européenne de nouveaux adhérents : certains gros producteurs, la Hongrie notamment, se sont servi du système d'intervention comme débouché pour écouler leur production, et non comme « filet de sécurité » destiné à faire face à un déséquilibre ponctuel. Une telle pratique étant contraire aux objectifs de l'intervention et coûteuse pour les finances communautaires, la commission européenne a déposé, en décembre 2006, une proposition de règlement supprimant purement et simplement le système dit de l'intervention.
Ce projet a été vivement critiqué par bon nombre d'Etats membres, dont la France, estimant qu'il n'y avait pas lieu de régler par une mesure définitive un problème ponctuel : le développement pour le maïs hongrois de nouveaux débouchés, à la fois géographiques (avec un désenclavement progressif, via les transports ferroviaires et routiers) et économiques (avec le développement à venir de l'élevage et des biocarburants, tous deux très consommateurs de céréales), devrait en effet permettre d'ajuster naturellement l'offre à la demande, et donc d'éviter de recourir à l'intervention de façon excessive. De plus, les chefs d'Etat et de gouvernement ont fixé à 2008-2009 la réalisation du « bilan de santé » de la PAC, durant lequel il sera possible de faire le bilan des différentes OCM, dont celle des céréales.
Confrontée à la constitution d'une minorité de blocage à l'encontre de la proposition de la Commission, a poursuivi M. Jean Boyer, rapporteur, la présidence allemande a présenté successivement deux projets de compromis consistant à prévoir :
- le plafonnement dégressif des quantités à l'intervention pour les deux campagnes à venir ;
- la suppression, dans le premier projet, puis la fixation à 0, mais avec une possibilité de réactivation, dans le second projet, de l'intervention pour la campagne de 2009.
La France, appuyée par plusieurs autres Etats membres, s'est à nouveau opposée à cette proposition, estimant essentiel de maintenir le principe d'une intervention, seul instrument à même de garantir une régulation des marchés, dans un contexte de grande volatilité des prix au niveau international. Elle ne s'est pas opposée, en revanche, à ce que le procédé de l'intervention fasse l'objet d'un plafonnement, afin d'éviter que son usage ne soit dévoyé et banalisé.
Afin de soutenir le Gouvernement dans les négociations, la proposition de résolution tend ainsi à :
- maintenir le principe même de l'intervention, et sa non remise en cause lors du bilan de santé de 2008-2009 ;
- accepter le plafonnement de cette intervention, afin d'encadrer sa mise en oeuvre, mais à condition que ce plafonnement soit non dégressif et non nul ;
- suggérer la restriction, au cours de l'année, de la période d'intervention, afin d'éviter son usage à des fins spéculatives.
Le respect de ces trois points devrait permettre de maintenir un système de garantie régulateur, tout en l'adaptant afin qu'il soit à nouveau en phase avec ses objectifs originels, a conclu M. Jean Boyer, rapporteur, ajoutant que notre pays était d'autant plus légitime à soutenir ces positions qu'il ne profitait pas du régime de l'intervention, bien que premier producteur européen de maïs.
Jugeant cette proposition de résolution réaliste, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que les délégations à l'Union européenne de l'Assemblée nationale et du Sénat s'étaient prononcées de façon similaire et a, de ce fait, appelé à l'adopter.
M. Roland Ries a souligné les problèmes écologiques posés par la culture du maïs notamment dans la plaine d'Alsace, question politiquement sensible.
Jugeant qu'il s'agissait d'un tout autre débat, M. Jean-Paul Emorine, président, a indiqué qu'il était possible, à condition d'indemniser propriétaires et exploitants, de délimiter des périmètres de protection à l'intérieur desquels la culture du maïs est interdite. Il a ajouté que le maintien de prairies en herbe constituait le meilleur filtre de protection pour les nappes phréatiques.
M. Jean Boyer, rapporteur, a précisé que la recherche génétique s'orientait vers un avancement des périodes de culture, aux mois de mai et juin, afin de restreindre la consommation d'eau l'été, période de stress hydrique.
Rapportant que des territoires entiers avaient été sinistrés d'un point de vue environnemental du fait d'une mauvaise gestion de l'eau, M. Dominique Braye a fait observer que les agriculteurs cherchaient à amortir des matériels d'irrigation coûteux. Il a dit souscrire à la volonté de la présidente de la région Poitou-Charentes de faire diminuer l'assolement en maïs afin de lutter contre les gaspillages d'eau.
M. Jean-Paul Emorine, président, a fait remarquer que la simple humidité provenant d'une nappe phréatique suffisait parfois pour irriguer des champs de maïs.
M. Dominique Braye a estimé insoutenable de prendre, en période de sécheresse, des arrêtés interdisant aux particuliers un usage domestique de l'eau à des fins non indispensables, comme pour le lavage des voitures, alors que les agriculteurs, céréaliers notamment, continuent d'irriguer la journée durant avec une eau s'évaporant à plus de 95 %.
M. Marcel Deneux a suggéré d'amender la proposition de résolution, afin de préciser que le plafonnement de l'intervention envisagé le serait « en volume » et la commission en a ainsi décidé.
Rapportant les efforts réalisés depuis une trentaine d'années dans son département du Lot-et-Garonne, où 80 % de l'eau utilisée par les agriculteurs provient de stockages et fait l'objet de contrôles minutieux, M. Daniel Soulage a redouté que l'extrême sensibilité de l'opinion publique n'aboutisse à interdire le stockage d'eau durant l'hiver, qui permet pourtant de faire face aux pénuries estivales.
Souscrivant à l'idée d'économiser impérativement la ressource en eau, M. Jacky Pierre a estimé, en se référant à l'évolution du cours de l'orge, que les marchés céréaliers allaient s'équilibrer naturellement.
La commission a adopté l'amendement de M. Marcel Deneux, puis la proposition de résolution ainsi modifiée, MM. Dominique Braye et Roland Ries votant contre.