Mardi 9 janvier 2007
- Présidence de M. Serge Vinçon, président -Audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères
La commission a procédé à l'audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères.
Après avoir adressé, au nom de la commission, ses voeux au ministre et à tous les personnels du ministère des affaires étrangères concourant à l'action diplomatique de notre pays à l'étranger, M. Serge Vinçon, président, a invité M. Philippe Douste-Blazy à s'exprimer sur les principaux sujets d'actualité internationale, notamment la situation au Liban et la préparation de la conférence de Paris du 25 janvier prochain, l'évolution de la crise palestinienne, les perspectives d'action internationale au Darfour et la situation en Somalie après l'intervention militaire des forces gouvernementales et éthiopiennes.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, a tout d'abord évoqué la situation en Israël et en Palestine. Celle-ci demeure tendue malgré les éléments positifs intervenus ces dernières semaines, à savoir la trêve conclue le 25 novembre entre Israël et l'Autorité palestinienne, le discours du 27 novembre d'Ehud Olmert appelant à une reprise du dialogue et sa rencontre du 23 décembre avec Mahmoud Abbas au cours de laquelle il s'est engagé à dégeler une partie des taxes retenues par Israël, à libérer certains prisonniers palestiniens, à alléger les entraves à la circulation dans les territoires et à favoriser le renforcement de l'appareil sécuritaire de l'Autorité palestinienne. Toutefois, aucune de ces mesures n'a été mise en oeuvre à ce jour, excepté des livraisons d'armes de l'Égypte à l'Autorité palestinienne, ce qui dans le contexte actuel présente le risque d'attiser les tensions inter-palestiniennes.
S'agissant de l'annonce par le Président Mahmoud Abbas d'organiser prochainement des élections législatives et présidentielles anticipées, M. Philippe Douste-Blazy a estimé qu'elle pouvait être interprétée comme un moyen d'exercer une pression sur le Hamas pour l'amener à accepter un programme respectueux des principes du Quartet. Si le principe de ces élections anticipées a reçu le soutien des Etats-Unis, de la Grande Bretagne et de l'Espagne, la France, pour sa part, a souhaité réitérer son soutien au Président Mahmoud Abbas et à la formation d'un gouvernement d'union nationale, par opposition à une stratégie de rupture entre le Fatah et le Hamas.
M. Philippe Douste-Blazy a estimé que, pour la communauté internationale, la première urgence était de favoriser l'émergence d'un interlocuteur palestinien fort, bénéficiant du soutien de tous les palestiniens et capable de reprendre le dialogue avec Israël. Il a souligné que le Président palestinien avait besoin de gestes concrets de la part d'Israël, dans le prolongement des engagements pris le 23 décembre, mais aussi d'un investissement politique réel de la part de la communauté internationale et, en particulier, du Quartet. Il a relevé l'unité de vue des Européens sur la nécessité d'un consensus politique entre Palestiniens et indiqué qu'une réunion du Quartet pourrait se tenir à la fin du mois à Paris, en marge de la Conférence du 25 janvier sur le Liban. Pour la France, cette réunion doit être l'occasion de fixer l'organisation à moyen terme d'une conférence internationale pour traiter du statut final des territoires palestiniens, sur la base de l'initiative de paix du sommet de Beyrouth en 2002, des résolutions de l'ONU et de la feuille de route.
Évoquant le Liban, le ministre des Affaires étrangères a réaffirmé le soutien plein et entier de la France au premier ministre Fouad Siniora et à son gouvernement démocratiquement élu, ainsi qu'à toute médiation capable de satisfaire aux trois impératifs d'équité, avec la mise en place du tribunal à caractère international, d'efficacité gouvernementale et d'unité des Libanais. S'agissant de la Conférence internationale sur le soutien au Liban qui se tiendra à Paris le 25 janvier, elle doit permettre à la communauté internationale de marquer son soutien à la stabilité politique et économique du Liban, à travers l'aide à la reconstruction et à l'assainissement des finances publiques. Souhaitant que cette conférence soit un succès, la France mobilise actuellement l'ensemble des pays les plus concernés par la reconstruction du Liban et entretient des contacts étroits avec les autorités libanaises.
Au sujet de l'Irak, M. Philippe Douste-Blazy a considéré que trois axes devaient être privilégiés : la relance du processus politique, en vue d'assurer l'adhésion de toutes les communautés aux institutions et de réaffirmer l'unité du pays, la restauration de la souveraineté irakienne, qui passe notamment par la fixation d'un horizon pour un retrait clair des forces étrangères, et enfin l'appui de la communauté internationale et des pays de la région. Il a appelé à la mise en oeuvre d'un processus global comportant des exigences et des engagements concrets et significatifs, le respect par les Irakiens de ces engagements conditionnant la poursuite de l'assistance internationale.
Évoquant l'exécution de Saddam Hussein, le ministre des Affaires étrangères a estimé que, si cette décision appartenait au peuple et aux autorités souveraines d'Irak, les conditions dans lesquelles elle avait été mise en oeuvre avaient manqué de la plus élémentaire dignité, avec de surcroît le risque de creuser les divisions déjà profondes entres les communautés irakiennes.
Il a insisté sur la nécessité, pour les Irakiens, de se tourner vers l'avenir et de travailler à la réconciliation et à l'unité nationale.
M. Philippe Douste-Blazy a ensuite évoqué la situation en Somalie. Il a rappelé que les milices de l'Union des tribunaux islamiques, fortes de 2 000 à 3 000 combattants, avaient abandonné le terrain sans combattre et s'étaient repliées dans la zone frontalière du Kenya, quasi inaccessible. Il a souligné qu'une très grande quantité d'armes restait disséminée dans Mogadiscio, avec un risque de voir les forces éthiopiennes prises à partie par une guérilla islamiste. Aussi a-t-il estimé que le retrait à brève échéance de ces troupes paraissait nécessaire. Évoquant le souhait américain de les voir remplacées par une force africaine composée en majorité de soldats ougandais, il a précisé que la France plaidait pour sa part en faveur d'une approche plus globale impliquant une ouverture du gouvernement actuel à l'ensemble des acteurs somaliens, y compris les islamistes modérés, en vue de renforcer sa légitimité, ainsi que des perspectives concrètes de développement. C'est notamment l'un des axes de l'action en cours de préparation en liaison avec la Commission européenne, tant pour répondre à la situation humanitaire que pour financer des perspectives de sortie de crise, notamment en matière de réinsertion des combattants.
S'agissant du Darfour, le ministre des Affaires étrangères a souligné le pas important constitué par l'acceptation par les autorités soudanaises, depuis le 23 décembre dernier, du renforcement de la force africaine par les Nations unies. Ce renforcement s'opèrera en deux temps, avec un appui en termes d'expertise militaire, d'équipement et de logistique opérationnelle. A terme, la mission de l'Union africaine (AMIS) ainsi renforcée devrait se transformer en opération conjointe sous l'égide de l'ONU et de l'Union africaine. Les premiers renforts des Nations unies, à savoir une trentaine d'officiers et de policiers ainsi que du matériel, sont désormais effectifs sur le terrain et seront complétés à très brève échéance. L'accélération du déploiement de la force hybride ne rencontre plus aucun obstacle de principe.
M. Philippe Douste-Blazy a souligné le rôle joué par la France dans les efforts internationaux qui ont permis cette évolution, que ce soit par le dialogue avec le président soudanais, par l'action au Conseil de sécurité et à l'Union européenne, ainsi qu'auprès de l'Union africaine, ou par les contacts établis avec l'Égypte. Il a toutefois insisté sur la nécessité d'un cessez-le-feu effectif, alors que les opérations militaires se poursuivent toujours ainsi que les exactions contre les civils, et que l'aide humanitaire est gravement perturbée.
Le ministre des affaires étrangères a également indiqué que la France avait demandé au Conseil de sécurité de décider du déploiement rapide d'une force de l'ONU aux frontières du Tchad et de la Centrafrique, où la situation reste encore fragile. La France souhaite également l'accélération du processus de négociation politique en vue d'aboutir à un accord de paix signé par toutes les parties à la crise, l'accord d'Abuja de mai 2006 devant être complété, notamment les volets relatifs au désarmement et aux compensations.
A la suite de l'exposé du ministre, un débat s'est engagé avec les membres de la commission.
M. Robert Del Picchia a évoqué la campagne d'information d'une organisation non gouvernementale faisant état de 400 000 victimes au Darfour. Il a interrogé le ministre sur la signification et l'impact éventuel des changements intervenus ou annoncés parmi les responsables en charge de la politique étrangère aux Etats-Unis. Il a également demandé des précisions sur les informations de presse relatives à la planification par Israël de frappes aériennes, au moyen d'armes nucléaires de faible puissance, sur certains sites nucléaires iraniens.
M. Yves Pozzo di Borgo a demandé s'il était exact que les Etats-Unis faisaient obstacle à un renforcement de l'armement des forces de sécurité irakiennes. Il a également souhaité savoir dans quelle mesure la représentation de la communauté sunnite pourrait être accrue au sein du gouvernement irakien.
M. André Rouvière a demandé des précisions sur les conditions de l'intervention de l'ONU au Darfour. Il a notamment souhaité savoir si la nouvelle force internationale disposerait d'un mandat lui permettant de s'interposer efficacement. Il s'est également interrogé sur le rôle que pourrait jouer la Libye dans la stabilisation de la situation. Enfin, il a demandé quelles étaient les perspectives de reprise du dialogue avec le Rwanda après la rupture des relations diplomatiques.
Mme Josette Durrieu a évoqué la dégradation de la situation sécuritaire en Afghanistan sous l'effet de la recrudescence des actions des talibans. A propos de la Palestine, elle a regretté l'attitude de la communauté internationale à la suite des élections législatives de l'an passé, estimant qu'en dépit des réserves à l'égard du Hamas, il aurait été préférable d'accepter pleinement les conséquences d'un processus électoral qui a été libre et transparent. Elle s'est félicitée du fait que la France n'encourage pas la tenue de nouvelles élections qui, à son sens, constitueraient une nouvelle faute politique. Elle a indiqué qu'à l'automne, nombre de responsables politiques du Hamas jugeaient encore possible un gouvernement d'union nationale. Évoquant les prochaines initiatives du Quartet, elle a souhaité savoir dans quelle mesure les pays arabes modérés pourraient y être associés. Enfin, en ce qui concerne la situation régionale, elle a regretté la position française à l'égard de la Syrie, compte tenu du rôle que ce pays pourrait jouer, notamment vis-à-vis de l'Irak.
M. André Dulait a demandé des précisions sur l'attitude de l'Érythrée vis-à-vis de la Somalie, compte tenu des contentieux érythréo-éthiopiens. S'agissant du Moyen-Orient, il a relevé la récente visite du premier ministre turc à Téhéran et s'est demandé si elle s'inscrivait dans une réorientation de la politique de la Turquie dans la région.
M. Pierre Mauroy a approuvé la position française vis-à-vis d'éventuelles nouvelles élections en Palestine. A propos de l'Irak, il s'est demandé dans quelle mesure le changement de majorité au Congrès américain pouvait changer la donne. S'agissant du Liban, il a observé le bénéfice politique que le Hezbollah cherchait à retirer, auprès de la population, des actions de reconstruction qu'il mène grâce aux financements considérables dont il dispose. Il a estimé à cet égard que cette situation n'était qu'une illustration, parmi bien d'autres, de la stratégie d'ensemble de l'Iran dans la région. Il s'est vivement inquiété du rôle joué par le président iranien qui semble vouloir attiser toutes les sources de déstabilisation tout en prenant des initiatives inacceptables visant à encourager le révisionnisme. Dans ces conditions, il a approuvé les positions prises par Mme Ségolène Royal au sujet du programme nucléaire iranien, considérant que la question du droit à l'énergie nucléaire civile au profit d'un tel régime se posait légitimement.
M. Gérard Roujas a demandé des précisions sur le niveau des relations politiques entre la France et l'Érythrée.
M. Robert Hue a salué la position française en faveur de la formation d'un gouvernement d'union nationale en Palestine. Il a demandé des précisions sur la situation des élus palestiniens détenus en Israël et souligné la force des attentes vis-à-vis d'une initiative européenne au Proche-Orient. Il s'est interrogé sur les conséquences d'un renforcement, voire d'une victoire des formations islamistes au Maroc lors des prochaines élections. Enfin, à propos de la Côte d'Ivoire, il s'est demandé si la substitution de troupes africaines aux forces françaises ne serait pas de nature à favoriser le règlement de la crise.
Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est étonnée de l'absence de réactions occidentales après l'annonce par les autorités israéliennes de l'implantation de nouvelles colonies en Cisjordanie.
En réponse à ces interventions, M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, a apporté les précisions suivantes :
- la France considère que, par rapport à des élections anticipées en Palestine, l'objectif prioritaire doit être la formation d'un gouvernement d'union nationale même si, sur le terrain, les récents affrontements à Gaza ont donné le sentiment d'un début de guerre civile ;
- on peut espérer que les autorités israéliennes donneront suite à l'engagement de libérer certains prisonniers palestiniens ; l'absence d'éléments nouveaux en ce sens depuis la rencontre du 23 décembre peut être liée aux difficultés au sein de la coalition gouvernementale, mais également aux contraintes des procédures judiciaires ; la France regrette pour sa part qu'aucune libération ne soit pour l'instant intervenue ; elle condamne également les nouvelles implantations de colonies en Cisjordanie annoncées par les autorités israéliennes ;
- la réunion du Quartet que la France propose d'accueillir à la fin du mois constituera un enjeu important ; l'implication plus forte de l'Union européenne a été entravée par les dissensions inter-palestiniennes et elle se trouverait facilitée si le Hamas faisait un pas en direction de la reconnaissance, même implicite, d'Israël ;
- la conférence de Paris sur le Liban a bien entendu un objectif politique, mais elle vise aussi à mobiliser l'aide internationale en faveur de la reconstruction afin de permettre au gouvernement libanais d'agir et de ne pas laisser au Hezbollah le monopole des initiatives en la matière sur le terrain ;
- la reprise du dialogue avec la Syrie nécessite que cette dernière marque par des actes concrets sa volonté de respecter la souveraineté et l'indépendance du Liban ;
- on ne peut que condamner avec la plus grande fermeté l'organisation par l'Iran d'une conférence visant à remettre en cause l'existence même de l'Holocauste ;
- les autorités israéliennes ont démenti formellement tout projet de frappes contre les installations nucléaires iraniennes ;
- la résolution 1737 du Conseil de sécurité enjoignant à l'Iran d'arrêter ses activités nucléaires sensibles a été votée à l'unanimité ; elle offre le choix à l'Iran de continuer à s'isoler ou, au contraire, ce que l'on doit encore espérer, de saisir l'occasion qui lui est de nouveau donnée de coopérer avec la communauté internationale ;
- la remise en cause du droit à l'énergie nucléaire civile pour l'Iran risquerait de fragiliser le traité de non-prolifération nucléaire (TNP) sur la base duquel, en contrepartie de ce droit, de nombreux pays ont renoncé à toute capacité nucléaire militaire ; il faut également veiller à ce que les pays du sud ne ressentent pas le régime international de l'énergie nucléaire comme discriminatoire à leur encontre ; en revanche, la question des garanties offertes par le TNP face au risque de passage d'un programme nucléaire civil à un programme militaire reste posée ;
- les changements intervenus au Congrès américain ne vont pas forcément se traduire par un changement radical d'orientation de la politique étrangère, celle-ci demeurant essentiellement déterminée par le Président Bush et par Mme Rice ;
- face au communautarisme et à l'escalade de la violence en Irak, il convient de veiller à associer l'ensemble des communautés aux institutions et à renforcer les instruments de souveraineté que constituent l'armée et la police, actuellement moins puissantes que les milices ; dans la perspective d'une sortie de crise, l'Irak doit d'abord miser sur ses propres atouts, notamment ses ressources naturelles considérables ; un dialogue doit s'établir avec les pays de la région ; enfin, il est indispensable de fixer un horizon clair pour le départ des forces étrangères ;
- préoccupée par les incidences possibles sur son territoire des évolutions au Kurdistan irakien, la Turquie plaide pour l'unité de l'Irak, ce qui rejoint les préoccupations françaises et celles de l'ensemble des voisins de l'Irak ;
- la situation en Afghanistan est marquée par la reprise des offensives des talibans, par une recrudescence à un niveau inégalé de la culture du pavot et par la dégradation des relations avec le Pakistan ; le rétablissement de la sécurité passe par un renforcement de l'armée et de la police afghanes, ainsi que par le déploiement des forces de l'OTAN dans certaines zones aujourd'hui incontrôlées ; il faut également continuer à aider les autorités afghanes à construire un véritable Etat ; c'est pourquoi le Président Chirac s'est exprimé, au sommet de l'OTAN de Riga en novembre dernier, en faveur d'une stratégie globale, politique et économique, l'OTAN se recentrant sur les opérations militaires ;
- le bilan humanitaire au Darfour est d'ores et déjà extrêmement lourd puisqu'on évoque 300 000 morts, 1,5 à 2 millions de personnes déplacées et environ 150 000 personnes privées de tout accès à l'aide humanitaire ; au-delà de ce drame, il existe un risque d'éclatement du pays et de déstabilisation régionale, dans une zone charnière entre monde africain et monde arabe ;
- la nouvelle force internationale au Darfour comptera 20 000 hommes (16 000 militaires et 4 000 policiers et gendarmes), ce qui la place parmi les plus grosses opérations de maintien de la paix engagées par les Nations unies ; elle sera composée de soldats africains et dotée d'un commandement africain, mais bénéficiera du soutien logistique de l'ONU ; l'actuelle mission de l'Union africaine souffrait d'un manque criant d'équipement qui paralysait ses possibilités d'action ; la nouvelle force conservera une mission centrée sur la sécurisation et l'interposition, mais elle bénéficiera des moyens logistiques de l'assurer plus effectivement ;
- la France entretient des contacts réguliers avec la Libye au sujet du Darfour ;
- l'Érythrée joue un rôle important dans la région, tant vis-à-vis du Darfour que de la crise somalienne ; dans cette dernière, elle a soutenu les islamistes en se déterminant largement en fonction de son contentieux avec l'Éthiopie ; la France entretient des contacts réguliers avec l'Érythrée et une rencontre avec le président érythréen est prévue en marge du prochain sommet France-Afrique ;
- le gouvernement ne peut accepter les mises en causes infondées à son encontre dans la responsabilité du génocide rwandais ; la rupture des relations avec le Rwanda n'est pas de son fait et il apparaît nécessaire d'attendre un apaisement des esprits avant de reprendre le dialogue avec ce pays ;
- en Côte d'Ivoire, des possibilités de dialogue entre le Président Gbagbo et les forces du Nord pourraient se développer ; la force Licorne a reçu mandat des Nations unies pour appuyer le processus politique et son retrait n'est donc pas d'actualité ;
- si une progression des formations islamistes au Maroc devait se réaliser lors des prochaines élections, elle soulèverait des interrogations sur la future coalition gouvernementale et sur les relations qu'elle établira avec le roi.
Mercredi 10 janvier 2007
- Présidence de M. Serge Vinçon, président -Traités et conventions - Accord France-Russie sur la coopération en matière de destructions des stocks d'armes chimiques - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport de M. André Vantomme sur le projet de loi n° 87 (2006-2007) autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à une coopération en matière de destruction des stocks d'armes chimiques en Fédération de Russie.
M. André Vantomme, rapporteur, a tout d'abord effectué un bref historique de l'usage des armes chimiques dans les conflits armés, signalé dès l'antiquité. Il a précisé qu'après leur utilisation massive lors de la 1ère guerre mondiale, un protocole international d'interdiction avait été signé en 1925, mais que ce dernier autorisait les Etats à recourir aux armes chimiques en cas de légitime défense. Il a évoqué l'emploi d'armes chimiques lors de conflits plus récents, comme la guerre du Vietnam ou la guerre Iran-Irak. Il a mentionné les différents types d'armes chimiques (agents vésicants, suffocants, hémotoxiques et neurotoxiques) et précisé que la frontière entre armes chimiques et biologiques pouvait être ténue, les armes biologiques pouvant contenir des toxines secrétées par reproduction naturelle d'agents vivants mais dispersées par des vecteurs chimiques sous forme d'aérosol. Il a ajouté que la prolifération des armes chimiques avait été favorisée du fait de la dualité des composants qui entrent dans leur fabrication.
M. André Vantomme, rapporteur, a ensuite présenté les principales dispositions de la convention sur l'interdiction des armes chimiques de 1993, entrée en vigueur en 1997 et ratifiée par 180 Etats. Celle-ci prohibe la fabrication, l'acquisition, la détention, le transfert et l'emploi des armes chimiques et impose l'obligation de destruction des stocks existants dans un délai de dix ans suivant son entrée en vigueur. Elle instaure un système de déclaration et un régime d'inspection très complet.
Le rapporteur a évoqué les programmes d'armes chimiques et biologiques mis en oeuvre en URSS, notamment dans le cadre du complexe militaro-industriel « Biopreparat » mis en place sous couvert d'activités civiles en 1973, au lendemain même de l'adoption de la convention de 1972 sur l'interdiction des armes bactériologiques ou à toxines.
M. André Vantomme, rapporteur, a précisé que l'accord signé le 14 février 2006 entre la France et la Russie portait sur la coopération en matière de destruction des stocks d'armes chimiques russes hérités de l'Union soviétique et s'inscrivait dans la perspective des obligations incombant à la Russie, dans le cadre de la convention sur l'interdiction des armes chimiques et de la coopération internationale mise en place par les pays industrialisés, au sein du G8, pour contribuer au désarmement nucléaire, chimique et biologique en Russie.
Il a indiqué que la destruction des armes chimiques constituait un processus lourd et complexe nécessitant des installations hautement spécialisées et, par conséquent, coûteuses. Pour la Russie, qui possède le plus vaste arsenal d'armes chimiques au monde, évalué à 40 000 tonnes, le coût de la destruction des stocks a été estimé à 11 milliards de dollars. Ces armes et les produits associés sont entreposés dans sept sites sur lesquels doivent être construits autant d'unités de destruction. Trois de ces sept usines de destruction ont été mises en activité. La quatrième, située en Sibérie occidentale et sur laquelle porte la coopération avec la France, devrait entrer en service en 2008, et les trois dernières ultérieurement. La Russie, tout comme les Etats-Unis, a obtenu de repousser à 2012 l'achèvement de la destruction de ces stocks, en conformité avec la convention d'interdiction des armes chimiques qui permet un délai supplémentaire de 5 ans maximum au-delà du délai normal de 10 ans.
M. André Vantomme, rapporteur, a indiqué que, pour la mise en oeuvre de son programme de destruction, la Russie avait obtenu une importante assistance internationale provenant de plus d'une quinzaine de pays, au titre du partenariat mondial contre la prolifération lancé par le G8 en 2002.
L'accord signé entre la Russie et la France, le 14 février 2006, est un accord-cadre destiné à définir les conditions de l'assistance française à des projets de coopération pour la destruction d'armes chimiques en Russie. Il prévoit que la coopération franco-russe sera mise en oeuvre par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et l'Agence fédérale russe de l'industrie. Les projets mis en oeuvre dans le cadre de l'accord seront supervisés par une ou plusieurs entreprises désignées, pour chaque projet, par le CEA. En dehors de la mission générale d'organisation et de surveillance, les travaux concrets sur les chantiers seront confiés à des sous-traitants russes. L'accord comporte des dispositions destinées à faciliter la coopération sur le plan des procédures administratives et du régime de responsabilité civile.
Le rapporteur a précisé que le premier projet susceptible d'être mis en oeuvre dans le domaine chimique concerne une coopération sur l'usine de destruction de Shchuch'ye, en Sibérie occidentale, dont la construction s'effectue avec l'aide des Etats-Unis, du Royaume-Uni et du Canada. La contribution française porterait sur la surveillance environnementale du site et son coût pourrait s'établir à 6 millions d'euros.
M. André Vantomme, rapporteur, a indiqué que, jusqu'à présent, la coopération franco-russe, dans le cadre du partenariat mondial contre la prolifération, portait essentiellement sur le domaine nucléaire, notamment le démantèlement des sous-marins nucléaires retirés du service dans la péninsule de Kola, l'appui à la conversion du plutonium militaire russe en excès en combustible pour les centrales nucléaires civiles et l'amélioration de la sécurité des matières nucléaires sur certaines centrales russes. Il a également mentionné les projets de recherche communs initiés dans le domaine de la biologie, afin de soutenir la charge de travail de laboratoires russes auparavant dédiés aux armes biologiques et de réemployer les scientifiques sur des recherches à vocation civile. Il a précisé que la France avait pris l'engagement, en 2002, de consacrer, sur 10 ans, 750 millions d'euros aux actions du partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive, mais qu'à l'heure actuelle, les projets identifiés portaient sur environ 200 millions d'euros, seule une petite partie des fonds ayant en outre été engagée, compte tenu du temps nécessaire à la finalisation des arrangements pratiques avec la partie russe. Il a également souligné que la France veillait à rester sélective sur les projets de coopération afin de garantir la pertinence de son assistance financière à la Russie.
En conclusion, le rapporteur a estimé que l'adoption du projet de loi permettrait d'entretenir la dynamique du désarmement chimique entrepris par la Russie et il a également souligné la nécessité d'oeuvrer à la reconversion des scientifiques et techniciens qui étaient employés au sein du complexe militaro-industriel biologique et chimique de l'Union soviétique. Il a invité la commission à adopter le projet de loi.
A la suite de cet exposé, M. André Dulait a évoqué la situation des Etats issus de l'ex-URSS au regard des stocks d'armes de destruction massive.
M. Philippe Nogrix s'est demandé si, compte tenu de la situation financière actuelle de la Russie, l'aide internationale pour la destruction d'armes issues de l'Union soviétique était bien justifiée.
Mme Hélène Luc s'est inquiétée du report à 2012 obtenu par les Etats-Unis et la Russie pour détruire leurs stocks d'armes chimiques. Elle a souligné l'urgence de l'élimination de ces armes et estimé que l'assistance internationale était, à ce titre, justifiée.
M. Yves Pozzo di Borgo a jugé nécessaire de multiplier les solidarités concrètes entre les pays occidentaux et la Russie, afin d'arrimer celle-ci à l'Europe. Il a estimé que les coopérations comme celles permises par l'accord allaient en ce sens.
M. Serge Vinçon, président, a estimé que la communauté internationale avait un intérêt majeur à l'élimination des armes de destruction massive héritées de l'Union soviétique, compte tenu du risque représenté par la prolifération.
A la suite de ces interventions, M. André Vantomme, rapporteur, a lui aussi souligné que l'assistance financière internationale était justifiée par la nécessité de réduire les risques de prolifération inhérents aux stocks d'armes de destruction massive détenus par la Russie. Il a précisé que la France faisait preuve de sélectivité et veillait à ce que son assistance financière porte sur des projets bien identifiés et bénéficie de toutes les garanties de suivi.
La commission a ensuite adopté le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et la Russie relatif à une coopération en matière de destruction des stocks d'armes chimiques en Fédération de Russie et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.
Mission commune d'information - Sécurité d'approvisionnement électrique de la France - Désignation des membres
Puis la commission a désigné M. Xavier Pintat et Mme Dominique Voynet comme membres appelés à représenter la commission au sein de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver.