- Mercredi 15 novembre 2006
- Mercredi 22 novembre 2006
- Organisations internationales - Nations unies - 61e Assemblée générale des Nations unies - Communication
- Audition de M. Louis Gallois, co-président exécutif d'EADS et président exécutif d'Airbus
- PJLF pour 2007 - Mission « Défense » - Préparation et équipement des forces : capacités interarmées
- PJLF pour 2007 - Mission « Défense » : préparation et équipement des forces : forces aériennes - Examen du rapport pour avis
- PJLF pour 2007 - Mission « aide publique au développement » - Examen du rapport pour avis
- Mission d'information - Echange de vues
Mercredi 15 novembre 2006
- Présidence conjointe de M. Serge Vinçon, président, et de M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne -Audition de Son Exc. Mme Christine Roger, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès du Comité politique et de sécurité (COPS) de l'Union européenne
La commission a procédé, conjointement avec la délégation pour l'Union européenne, à l'audition de Son Exc. Mme Christine Roger, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès du Comité politique et de sécurité (COPS) de l'Union européenne.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, a rappelé la réunion, tenue il y a dix-huit mois avec Mme Sylvie Bermann, qui avait précédé Mme Christine Roger à son poste de représentant permanent de la France au COPS. Le cadre était alors plus large, puisque participaient également à cette réunion le Général Perruche, au titre de l'état-major militaire de l'Union, M. Jacques Bayet, au titre de l'Agence européenne de défense, et M. Alain Richard, en qualité d'ancien ministre de la Défense.
Pour M. Hubert Haenel, l'évolution de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), depuis cette réunion, suscite des sentiments contradictoires. A s'en tenir à la défense européenne, l'Europe n'est pas en panne et les réalisations récentes sont loin d'être négligeables. Il a invité Mme Christine Roger à en faire un bilan, qu'il s'agisse des opérations extérieures menées par l'Union, des développements de l'Agence européenne de défense ou du rôle que peuvent jouer les forces de gendarmerie dans des opérations extérieures comportant des aspects de maintien de l'ordre. Il serait également intéressant de savoir si, pour les questions comme l'Iran ou le Liban, où l'Union est présente par l'intermédiaire de certains de ses membres, l'articulation avec le processus de décision à vingt-cinq est satisfaisante ou si des problèmes se posent. En tout état de cause, quelles que soient les difficultés, M. Hubert Haenel a estimé que l'Europe de la défense était sur la pente ascendante.
Pourtant, la lecture de la presse, a poursuivi M. Hubert Haenel, donne l'impression que le doute est en train de s'installer. L'Europe de la défense « s'essoufflerait, faute de capacités et financement », « Londres s'éloignerait de Paris » dans le domaine de la défense. Enfin, un vote étonnant du Parlement européen a réduit de moitié les crédits de la politique étrangère et de sécurité commune, afin, semble-t-il, de se voir attribuer des pouvoirs que les traités ne prévoient pas. Ainsi, a conclu M. Hubert Haenel, une impression se dégage que, depuis quelque temps, les difficultés s'accumulent.
Mme Christine Roger a estimé que la PESD était effectivement une des politiques européennes les plus dynamiques, bien qu'elle n'ait que quelques années d'existence. L'Union s'est dotée d'un concept commun, la stratégie européenne de sécurité, document sobre, sans lyrisme, qui recense les défis à 10, 20, 30 ans et définit ce que peut être la contribution européenne à la paix et la stabilité. L'Union s'est dotée de structures : un état-major, un comité militaire, un centre de situation pour l'échange de renseignements, une agence d'armement, et un centre d'opérations autonome. Ces structures sont implantées du côté du Conseil des ministres, même si la Commission apporte des compléments utiles. L'amélioration des capacités est naturellement un aspect essentiel. Des objectifs ont été arrêtés pour 2010 dans le cadre d'une planification à long terme. Les progrès passent aussi par un effort de rationalisation : il y a aujourd'hui 23 programmes de véhicules blindés en Europe. La mise en place des « groupements tactiques » se poursuit : il s'agit de forces de 1500 hommes pouvant être déployées sur le terrain sous 15 jours.
Mme Christine Roger a précisé que le financement de la PESD reposait sur des contributions nationales : selon la formule consacrée « les coûts restent là où ils tombent », c'est-à-dire que ceux qui envoient des troupes en supportent le coût. Le mécanisme Athéna, qui permet un financement collectif des coûts communs, n'a qu'un rôle modeste. Les opérations civiles peuvent en revanche être financées par le budget communautaire, sur les crédits de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Ces crédits atteignent 102 millions d'euros en 2006. Pour 2007, un montant de 159 millions d'euros était espéré, mais le Parlement européen a mis en réserve plus de la moitié de ces crédits ; on peut espérer que ce problème soit bientôt réglé. Ces moyens demeurent d'ailleurs très limités par rapport au budget très important et de la capacité d'action dont dispose la Commission au titre de l'aide au développement, des accords avec les pays tiers et de l'assistance technique. Pour ce qui relève des compétences du COPS, il faut donc faire beaucoup avec peu.
Aujourd'hui, a rappelé Mme Christine Roger, 12 ou 13 missions sont en cours. La plus importante est l'opération Althéa, en Bosnie, où l'Union a pris la relève de l'OTAN dans le cadre du partenariat défini par l'accord dit de « Berlin plus ». La Bosnie reste une zone sensible, mais les effectifs européens - aujourd'hui de l'ordre de 7 000 hommes - ont vocation à diminuer progressivement. En République démocratique du Congo, l'Union intervient en soutien de la MONUC (Mission des Nations unies en République démocratique du Congo) pour assurer le bon déroulement des élections, et cette mission s'achèvera à la fin du mois. Sur le plan civil, l'Union est intervenue en Indonésie après le tsunami. Dans les territoires palestiniens, elle assure le contrôle de la frontière entre Gaza et l'Egypte, dans le cadre de la mise en oeuvre des accords israélo-palestiniens de l'an passé. Le succès de cette mission a conduit les acteurs locaux à demander l'assistance européenne pour le contrôle d'autres points de passage. D'autres formes d'intervention peuvent être mentionnées, comme le conseil auprès des forces armées ou les missions de police qui, selon Mme Christine Roger, devraient pouvoir, dans certains cas, s'appuyer sur la force de gendarmerie européenne à laquelle la Pologne souhaite d'ailleurs se joindre.
Le nombre et la variété des interventions de l'Union donnent une crédibilité à la PESC. Celle-ci, au départ intergouvernementale, est aujourd'hui une politique plus intégrée ; accompagnée de capacités d'action, elle prend une vraie consistance. Une petite opération relevant de la PESD, comme à Aceh, a ainsi fait évoluer du tout au tout la manière dont est perçue l'Europe dans le Sud-Est asiatique.
On relève également, a poursuivi Mme Christine Roger, des actions atypiques. Pour l'Iran, trois États membres agissent de concert avec Javier Solana et travaillent avec les États-Unis, la Russie et la Chine. L'Iran est un interlocuteur avec lequel il est difficile de travailler, mais il a été possible d'éviter une fracture au sein de la communauté internationale. Au Liban, des États membres, notamment l'Italie et la France, apportent leur concours à la FINUL renforcée (Force intérimaire des Nations unies au Liban). Ce n'est pas alors exactement l'Europe qui agit, mais ce sont des Européens et, aux yeux du monde, c'est en fait l'Europe.
Abordant ensuite les perspectives, Mme Christine Roger a fait valoir que la Constitution européenne apportait de nouveaux instruments : le ministre des Affaires étrangères de l'Union, destiné à assurer la cohérence - aujourd'hui insuffisante - des actions extérieures respectives du Conseil et de la Commission ; une clause de défense mutuelle et une clause de solidarité dans le cas notamment d'actions de nature terroristes. La Constitution prévoyait également une Agence européenne de l'armement, qui a finalement été créée sur la base des textes en vigueur. La Constitution introduisait également la possibilité de coopérations renforcées en matière de défense : néanmoins, en pratique et dans le cadre actuel, il est possible de mettre le label « Europe » sur une action à quelques-uns. La notion de coopération renforcée est cependant toujours un moyen de pression utile : en cas de blocage, on peut menacer d'agir en groupe plus restreint.
Pour Mme Christine Roger, malgré l'absence des instruments prévus par la Constitution, il est possible de travailler. Trois grands défis sont à relever. Il faut d'abord accroître les capacités. Mme Christine Roger a souligné à cet égard que, si la France a un poids politique important aujourd'hui dans ce secteur, c'est grâce à ses capacités. Le progrès dans les capacités ne doit pas concerner seulement les missions militaires, mais aussi les missions civiles ; le budget, en second lieu, doit augmenter comme prévu. Une question de pouvoir est posée : le Parlement européen veut conquérir des compétences par l'intermédiaire du budget , veut être consulté avant chaque opération, et demande par exemple que son autorisation soit requise pour la nomination des représentants spéciaux de l'Union. Pour Mme Christine Roger, l'accord interinstitutionnel 2007-2013 est supposé éviter des controverses de ce type, qui créent une difficulté. Il faut, enfin, renforcer la cohérence. Le Haut représentant est responsable devant le Conseil et c'est ce dernier qui conduit les missions de la PESC et de la PESD, avec peu de moyens et une forte visibilité. La Commission européenne dispose du budget communautaire, avec des moyens considérables et des résultats parfois difficiles à apprécier. Une cohérence plus forte s'impose entre les différentes interventions. L'affirmation de l'Europe dans le monde dépendra de sa capacité à combiner les différents volets de l'action extérieure.
Concluant son propos, Mme Christine Roger a estimé que le moteur de la PESD résidait dans les États membres. Le Royaume-Uni et la France sont les plus actifs ; le rôle de l'Allemagne est également important. Certes, les divergences, lors de la guerre en Irak, ont laissé des traces. Mais les articles de presse sont trop négatifs, accordant trop d'importance à des attitudes qui relèvent du symbole politique ou de l'affichage. Au vu des progrès enregistrés en quelques années, Mme Christine Roger s'est dite optimiste.
M. Serge Vinçon, président, a considéré que, même si cela paraissait paradoxal, il était rassurant de constater que la PESD progressait malgré l'absence de traité constitutionnel. Pour ce qui était du budget, il a estimé que tout ce qui était commun devrait être géré au niveau européen. Il a ensuite interrogé Mme Christine Roger sur le bilan qu'il était possible de tirer de l'Agence européenne de défense. Les États jouent-ils le jeu ? Enfin, la présence de deux ambassadeurs, l'un au COPS, l'autre auprès de l'OTAN, constitue-t-elle une force ou une faiblesse et qu'en est-il pour nos partenaires ?
Mme Christine Roger a formulé les réponses suivantes :
- pour ce qui est du budget, l'approche décrite par le président Vinçon est sans doute ce à quoi, idéalement, il faudrait tendre. Mais dans le cas de l'OTAN également, toutes les dépenses communes ne sont pas prises en charge par l'organisation : la prise en charge est au contraire l'exception. Le débat sur l'élargissement des dépenses prises en charge existe d'ailleurs aussi au sein de l'OTAN et il convient de maintenir des positions cohérentes. Il importe de progresser, notamment en ce qui concerne la mutualisation des coûts du transport aérien stratégique. L'OTAN a acheté des avions C17 pour créer une capacité commune de transport aérien stratégique. Cette initiative est le pendant d'une autre, qui vise aussi à doter l'OTAN de capacités de transport aérien stratégique. Cette autre initiative est la solution intérimaire pour le transport aérien stratégique (SALIS), au titre de laquelle un consortium multinational de seize pays affrète des avions de transport militaire ;
- l'Agence européenne de défense est une structure encore jeune. Vingt ou vingt-cinq ans sont souvent nécessaires pour développer un programme et on ne peut espérer des résultats rapides. De plus, vingt-quatre États membres participent à l'agence, et ceux qui sont seulement acheteurs n'ont pas nécessairement les mêmes intérêts que ceux qui sont aussi producteurs. La France insiste sur le rôle de l'Agence dans le développement de programmes, le Royaume-Uni beaucoup moins. Il convient de tenter de surmonter ces différences d'approche. La « géométrie variable » joue là également un rôle, puisque certains États membres - dont la France - ont lancé ensemble un programme de recherche « ad hoc » sur la protection des forces, dont le coût est bien supérieur au budget opérationnel de l'Agence ;
- un code de conduite a été mis au point pour les appels d'offre, et il y a aujourd'hui une plus grande transparence. C'est un aspect pour lequel il existe d'ailleurs une compétence communautaire, même si l'article 296 du traité permet une approche restrictive de cette compétence ;
- aucun des collègues ambassadeurs au COPS n'est également ambassadeur auprès de l'OTAN ; cela ne serait d'ailleurs guère envisageable pour des raisons de disponibilité. En revanche, la situation est différente pour le comité militaire ; la France est en effet seule, avec la Belgique et le Luxembourg, à envoyer deux représentants différents pour l'OTAN et pour l'Union européenne. Les risques de duplication entre l'Union européenne et l'OTAN sont un thème récurrent. L'OTAN cherche aujourd'hui à redéfinir son rôle par une triple ouverture : élargissement de sa zone d'action, adhésion de nouveaux membres, élargissement de ses missions. Dans l'émulation ou la concurrence entre l'OTAN et l'Union européenne, cette dernière a, semble-t-il, deux cartes en mains: tout d'abord, celle d'une capacité d'intervention pouvant jouer sur l'ensemble du spectre allant du militaire au civil ; ensuite, celle d'une organisation généraliste, agissant aussi sur le plan politique, alors que l'OTAN est essentiellement une alliance militaire.
M. Jean-Pierre Masseret a regretté que l'Europe reste « le nez dans le guidon » alors qu'une vision à long terme s'impose. Quel rôle politique devrait être assigné à l'Europe ? Estimant que la France avait toujours défendu une volonté d'autonomie de défense de l'Europe en lien avec son affirmation politique, il convenait de faire de l'Europe un acteur respecté sur la scène internationale. Il a ensuite interrogé Mme Christine Roger sur la réactivité des structures de l'Union et sur les enseignements tirés de la mission au Congo, pour laquelle l'Allemagne avait souligné certaines carences. Relevant qu'il ne pouvait y avoir d'Europe de la défense sans la Grande-Bretagne, il a relevé que les Britanniques n'entendaient pas partager leur budget. Il a considéré que les Britanniques avaient retiré de leur action en Irak un sentiment de frustration et qu'il devrait en résulter une plus grande disponibilité à l'action commune.
Il s'est interrogé sur une certaine forme d'impérialisme du Parlement européen, qui, fort de son élection directe, entend exercer un contrôle politique dans des domaines où les traités ne lui donnent pas cette compétence. En tant que président de l'Assemblée de l'UEO, il s'est dit conscient de la nécessité d'évoluer vers une autre formule, mais a estimé que ce serait une grave erreur de ne plus disposer d'une structure régulière de débat avec les parlements nationaux. Il ne s'agirait pas d'un instrument de contrôle politique au sens d'une « deuxième chambre », mais d'un suivi régulier par les parlements nationaux avec une participation du Parlement européen. Il a considéré que les gouvernements manquaient de courage face aux revendications du Parlement européen, l'association des parlements nationaux lui semblant indispensable au développement à long terme de la PESD.
Il a enfin interrogé Mme Christine Roger sur le couple franco-allemand, dont il lui semblait qu'il avait désormais moins d'importance pour l'Allemagne et qu'il n'était plus considéré comme le moteur de l'Europe pour l'avenir.
M. Didier Boulaud a interrogé Mme Christine Roger sur l'idée d'un partage des tâches entre l'Union et l'OTAN, celle-ci étant chargée des opérations durables, et celle-là des missions courtes. Il s'est ensuite enquis de l'attitude du COPS vis-à-vis de l'élargissement de l'OTAN. Il a enfin demandé à Mme Christine Roger son sentiment sur l'idée d'une armée européenne, ainsi que sur les outils disponibles pour assurer une bonne coordination des aspects civils et militaires.
M. Yves Pozzo di Borgo a interrogé Mme Christine Roger sur l'attitude de la Russie à l'égard de l'Europe de la défense, ce pays semblant paradoxalement formuler plus de griefs à l'égard de l'Europe de la défense qu'à l'encontre de l'OTAN. Alors que le partenariat pour la paix lui garantit un véritable rôle au sein de l'OTAN, la Russie considère-t-elle être tenue à l'écart de la politique étrangère et de sécurité commune ?
Il s'est ensuite demandé si l'Union européenne devrait renforcer sa coopération avec la Russie en matière de sécurité extérieure et de gestion commune de crises, en particulier dans le Caucase ou dans la région des Balkans.
M. Robert Bret a estimé qu'en dépit des progrès accomplis en matière d'« Europe de la défense », la crise sur la guerre en Irak avait montré les limites de l'entreprise, l'Europe étant loin d'avoir surmonté ses faiblesses et ses divisions. Le blocage sur l'utilisation militaire de Galileo est également révélateur. Si la grande majorité des États membres souhaite que la défense de l'Europe reste fondée sur l'OTAN, quelle peut être, dès lors, l'autonomie de l'Europe ?
M. Pierre Fauchon a fait valoir que les questions de défense étaient au coeur de l'ambition européenne, puisque celle-ci était d'abord née d'une volonté de paix, mais qu'elles étaient en même temps les questions les plus difficiles pour la construction européenne. Il a observé que les « coopérations renforcées » avaient une grande importance pratique : chacun participe aux travaux du COPS, mais l'action sur le terrain est conduite par des groupes plus restreints. N'est-ce pas là le meilleur moyen d'avancer aujourd'hui ? La force européenne de gendarmerie, fondée par cinq pays, lui a semblé constituer un autre exemple.
Il s'est ensuite interrogé sur le degré d'intégration atteint sur le terrain, au niveau du régiment ou de la division, et sur les modalités du travail commun.
Il s'est enfin enquis de la vision des Américains sur le développement de l'Europe de la défense.
M. Roland Ries a relevé la diversité, voire la complexité, des organes mis en place dans le cadre de la PESD. Estimant qu'une « politique des petits pas » était parfaitement compréhensible quand les objectifs sont très clairs, il s'est demandé si c'était le cas pour la PESD, ou si on ne parcellisait pas les tâches faute de vue d'ensemble, rendant le problème plus complexe faute de savoir le résoudre. Soucieux que l'Europe pèse davantage dans le monde, et considérant que, après l'échec du traité constitutionnel, une initiative politique forte serait nécessaire, il s'est interrogé sur la pertinence de créer une ébauche d'armée européenne, si possible avec tous les États membres et, sinon, par le biais d'une coopération renforcée. Il s'agirait en quelque sorte de relancer la CED un demi-siècle après son échec.
Mme Christine Roger a apporté les éléments de réponse suivants :
- le maximum d'enseignements doit être retiré des missions. Au Congo, les Allemands ont éprouvé certaines frustrations, les Français aussi. Peut-être n'a-t-on pas su utiliser au mieux le temps de préparation disponible ;
- une étroite collaboration avec le Royaume-Uni est indispensable, et un « Saint-Malo bis » serait bienvenu ;
- pour ce qui est du contrôle parlementaire, la référence à l'UEO pose manifestement un problème d'image, car elle renvoie au passé. Un contrôle parlementaire est nécessaire et le fait est que les moyens demeurent nationaux. Une solution comme celle proposée par M. Masseret est envisageable, mais il faudra beaucoup de lobbying pour la faire accepter. Une sorte de COSAC pour les questions de défense pourrait être une bonne formule ;
- la division des tâches entre l'Union et l'OTAN est un problème récurrent. À une époque, les Américains plaidaient pour que l'OTAN traite les questions militaires et l'Union, les questions civiles. Une division fondée sur la durée des opérations, non sur leur nature, est une réponse possible, mais suscite-t-elle un accord ? Il faut éviter de poser le problème en termes généraux, et avoir au contraire une réponse empirique. Les expériences sont plus utiles qu'un grand débat ;
- l'élargissement de l'OTAN n'a pas été évoqué au sein du COPS ;
- une armée européenne semble une idée futuriste. L'OTAN n'a pas retenu non plus cette approche, qui ne semble pas dans l'air du temps ;
- dans les opérations de l'Union, l'intégration se fait surtout au niveau du commandement et, sur le terrain, elle ne se fait pas en dessous du bataillon (sept à huit cents hommes). Pour les groupements tactiques, certains projets réunissent quatre pays. Il faudra s'assurer de leur valeur opérationnelle, qui repose notamment sur des garanties d'entraînement. De fait, il y a une tension entre l'idéal de forces multinationales et la nécessité d'avoir un dispositif crédible sur le terrain ;
- une coordination plus efficace entre aspects civils et aspects militaires supposerait avant tout de régler le problème des rapports entre Conseil et Commission ;
- en ce qui concerne les relations avec la Russie, celle-ci est en effet mécontente de ne pas être associée à la PESD, mais les Européens ne souhaitent pas arriver à une formule de type « 25+1 » où il y aurait un partage du pouvoir de décision. L'association à des coopérations concrètes serait une meilleure formule, mais, lorsqu'une coopération est proposée autour des problèmes concernant son voisinage proche, la Russie se montre moins intéressée ;
- il est vrai que la crise irakienne a provoqué une fracture qui a laissé des traces. Il est possible de dépasser les antagonismes en se tournant vers le concret. À cet égard, l'adoption du traité constitutionnel n'aurait pas changé la donne. Les structures ne peuvent être, à elles seules, la solution à un problème d'ordre politique. L'idée d'une Europe autonome, d'une « Europe puissance », passe mal dans beaucoup de pays membres. Il faut la faire, sans en parler trop ;
- sur les coopérations, et sauf pour l'Agence européenne de défense, tous les États membres sont présents dans les structures de décision. En revanche, la mise en oeuvre des décisions fait appel à la « géométrie variable » : certains seulement s'engagent, mais tout le monde reste bienvenu ;
- les États-Unis ne sont pas hostiles au développement de la PESD. Ils sont prêts à participer à des missions européennes, par exemple, il faut l'espérer, au Kosovo. Mais les objectifs assignés à l'OTAN ne reposent pas sur les mêmes concepts que la PESD. L'influence américaine est considérable sur les sujets importants comme l'Irak ou l'Afghanistan. Cela ne veut pas dire que les nouveaux États membres se tiennent à l'écart des développements de la PESD. La Pologne, pour ne citer qu'elle, a envoyé un fort contingent au Congo et participe activement à l'Agence européenne de défense ;
- on peut envisager dans l'absolu que la PESD puisse donner lieu à une initiative de grande ampleur permettant de relancer la dynamique européenne, mais ce n'est guère crédible. On imagine difficilement une armée européenne, de même qu'une police européenne ou une justice européenne. Cela ne veut pas dire que des progrès ne sont pas possibles, mais il ne semble pas qu'un modèle fédéral s'imposera dans de tels domaines. Ce sont des politiques nationales fortes qui permettront une politique européenne forte. Le Royaume-Uni et la France pèsent grâce à leurs politiques nationales : ce que l'on peut mettre au « pot commun » détermine pour beaucoup l'influence qu'on peut exercer.
Mercredi 22 novembre 2006
- Présidence de M. Serge Vinçon, président -Organisations internationales - Nations unies - 61e Assemblée générale des Nations unies - Communication
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a entendu le compte rendu, par M. Serge Vinçon, président, du déplacement effectué à New York, du 29 octobre au 2 novembre 2006, dans le cadre de la 61e Assemblée générale des Nations unies.
M. Serge Vinçon, président, a précisé qu'il avait participé à la 61e Assemblée générale de l'ONU, à New York dans le cadre d'une délégation désignée par le ministre des affaires étrangères, et composée également de MM. Jean-Pierre Fourcade, Didier Boulaud et Jean-Pierre Plancade, ainsi que de MM. Jacques Legendre et Jean-Pierre Cantegrit.
Grâce au programme d'entretiens préparé par la représentation permanente de la France, la délégation a pu rencontrer, en particulier, le Secrétaire général, M. Kofi Annan, les représentants des quatre autres membres permanents du Conseil de Sécurité, ainsi que l'ambassadeur israélien et l'observateur palestinien. Le Consul général de France a par ailleurs organisé un déjeuner de travail sur l'impact prévisible des élections de mi-mandat sur la politique étrangère des Etats-Unis, avec des représentants de « think tanks » américains.
Les sujets abordés au cours de ces divers entretiens ont porté, pour l'essentiel, sur les crises internationales en cours, en particulier la Côte d'Ivoire, les sujets du nucléaire nord-coréen et iranien, enfin la situation au Proche-Orient.
Sur la Côte d'Ivoire tout d'abord, M. Serge Vinçon, président, a indiqué que la présence de la délégation à New York a coïncidé avec la négociation au Conseil de sécurité d'une nouvelle résolution tendant à cadrer, juridiquement, la nouvelle année accordée aux responsables ivoiriens pour préparer l'organisation d'élections régulières et incontestables. M. Serge Vinçon, président, a rappelé les conclusions du groupe de travail international (GTI) du 8 septembre dernier, qui a estimé que les pouvoirs que le Premier ministre de transition, M. Konan Banny, détenait en application de la précédente Résolution 1633, ne lui avaient pas permis de prendre les décisions nécessaires. Le GTI a donc préconisé de renforcer fortement les pouvoirs du Premier ministre. Peu après, la CEDEAO (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest), puis le Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union africaine , ont abouti à plusieurs avancées positives, mais sans régler la question centrale de la dualité juridique entre, d'une part, les pouvoirs reconnus au Premier ministre par la résolution du Conseil et, d'autre part, ceux que le chef de l'Etat ivoirien détenait de la Constitution. C'est donc sur ce point de la « dualité institutionnelle » que s'était focalisée la difficile négociation d'une nouvelle résolution.
Après une négociation ardue, la France a proposé un texte ambitieux conforme aux recommandations du GTI, pour permettre au Premier ministre d'exercer effectivement ses pouvoirs.
Le texte final ne comporte plus toutes les avancées initialement souhaitées par la France, mais les principales lacunes de la précédente résolution sont comblées et le texte, adopté à l'unanimité, devrait permettre au Premier ministre ivoirien, s'il lui est possible de coopérer avec le Président, d'aller de l'avant dans la mise en oeuvre des accords.
La délégation a ensuite abordé avec ses interlocuteurs Russes, Chinois et Américains les deux dossiers, à la fois distincts et voisins, que sont les programmes nucléaires iranien et nord-coréen.
En particulier, les entretiens sur le nucléaire iranien ont démontré la différence d'approche entre la Russie et la Chine d'une part et les Etats-Unis d'autre part, en particulier sur la pertinence de sanctions. Plus généralement, sur l'avenir du Traité de non-prolifération, le représentant américain a estimé que les cas iranien et nord-coréen démontraient que cet instrument ne permettait pas de réagir à des gouvernements ou à des Etats décidés à se doter de l'arme nucléaire. Le risque serait donc qu'au Moyen-Orient, certains Etats (Arabie saoudite, Syrie, Egypte, Turquie...), estimant leurs intérêts menacés, pourraient tenter de se doter chacun de l'arme nucléaire. L'urgence des sanctions n'en était donc que plus grande pour inciter les Iraniens à changer de comportement.
La délégation a également abordé la situation au Proche-Orient, sous le double aspect des suites du conflit israélo-libanais et de la situation en Palestine.
Les survols du Sud-Liban par les appareils israéliens, en violation de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, ont été évoqués avec plusieurs interlocuteurs. Pour sa part, l'ambassadeur d'Israël a fait valoir que ces survols s'inscrivaient dans le cadre de la recherche de renseignements, qu'Israël continuerait d'assurer tant qu'il n'aurait pas la certitude que la surveillance de l'embargo sur les armes à la frontière libano-syrienne écarte définitivement tout risque d'approvisionnement du Hezbollah.
Pour l'ambassadeur d'Israël, si les trois éléments essentiels de la résolution 1701 étaient durablement appliqués : déploiement de l'armée dans le sud, mise en place d'une force internationale et embargo sur les armes, une chance s'offrait à la région. A défaut, le risque d'explosion n'en serait que plus important. Or beaucoup, selon lui, restait à faire : le Hezbollah poursuivait l'entraînement de ses forces et l'embargo n'était pas totalement respecté.
M. Serge Vinçon, président, a ensuite décrit le fonctionnement de la cellule stratégique mise en place à New York dans le cadre de la FINUL II.
Cette cellule est une première dans une opération Nations unies. Elle constitue l'outil de commandement stratégique du Département des opérations de maintien de la paix et lui fournit quotidiennement l'information nécessaire sur la situation sur le terrain. Pour cette seule opération, qui mobilise 12 000 hommes, 30 officiers ont été recrutés, sachant que pour les 18 autres opérations de maintien de la paix actuellement en cours dans le monde et qui mobilisent 80 000 militaires, le DOMP ne bénéficie que d'un Etat-major de 60 personnes.
La situation politique interne au Liban a également été évoquée avec le Secrétaire général de l'ONU, qui s'est dit inquiet des profondes divisions de la société libanaise qui avaient succédé à l'unité affichée pendant la guerre. L'assassinat de M. Pierre Gemayel confirmait cette analyse, en même temps qu'il faisait craindre une nouvelle escalade.
Enfin, la situation en Palestine a été débattue avec son observateur permanent à l'ONU, principalement la perspective du gouvernement d'Union nationale, dont l'objectif était de tenter de rompre le blocus financier imposé par les Occidentaux, compte tenu de la position du Hamas à l'égard d'Israël.
En concluant, le président Serge Vinçon a précisé que, sur le Kosovo, le Représentant du Secrétaire général, M. Ahtisaari, avait décidé de reporter à février 2007, après les élections serbes, ses propositions pour le statut final. Sur ce sujet, les positions se durcissaient, en particulier depuis le référendum qui vient de se tenir en Serbie sur la Constitution, qui reconnaît le Kosovo comme partie inaliénable du pays. La position russe - comme son représentant l'a clairement indiqué - sera de s'opposer à toute solution imposée, c'est-à-dire à une indépendance de la province contre l'avis de Belgrade. La Russie n'entendait pas qu'un tel précédent soit ainsi créé, compte tenu des « conflits gelés », qui l'intéressent directement, en particulier dans le Caucase.
M. Didier Boulaud a déploré qu'aucune solution ne soit en vue pour le Kosovo. Cette crise engageait durablement la présence de la communauté internationale sur le terrain, en particulier celle de la France. Il a déploré l'impuissance des grandes nations à avancer sur cette crise, qui semble s'enliser.
M. Jean-Pierre Plancade a indiqué qu'il avait en particulier retenu des entretiens à New York sur le nucléaire iranien la position très tolérante de la Russie, qui ne semble pas même fixer de « ligne rouge » à l'évolution du programme nucléaire en cours en Iran.
M. Philippe Nogrix, évoquant la réunion récente à Québec de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN à laquelle il avait participé, a pour sa part attiré l'attention de la commission sur l'inquiétude du Canada face à une situation qui s'aggravait en Afghanistan, où ce pays était militairement très impliqué.
M. Serge Vinçon, président, a rappelé qu'au cours de sa récente audition par la commission, le président du Sénat afghan avait très largement insisté sur la responsabilité du Pakistan dans la situation actuelle de la sécurité en Afghanistan, y compris dans des régions jusqu'alors épargnées par la violence. L'OTAN tentait de convaincre ses membres d'envoyer de nouvelles forces dans le pays.
M. Charles Pasqua a relevé qu'un certain flou entourait la stratégie de l'OTAN en Afghanistan. Ainsi, un récent retrait précipité d'un contingent britannique d'une province exposée à la violence avait laissé la population sans protection face aux talibans. Il a proposé d'entendre la ministre de la défense sur cette situation préoccupante.
M. Jean-Guy Branger a confirmé que l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, réunie au Canada, avait centré ses débats sur la situation en Afghanistan, où l'OTAN elle-même tient une responsabilité militaire essentielle.
Mme Hélène Luc est revenue sur la préoccupation exprimée par les Canadiens, lors de la session de l'Assemblée de l'OTAN, quant à la situation en Afghanistan, après les pertes qu'ils avaient subies et qui les conduisaient à s'interroger sur un éventuel retrait. Elle a soutenu la proposition d'une audition de Mme Michèle Alliot-Marie sur cette question.
M. Jean-Pierre Plancade a estimé que l'intervention internationale en Afghanistan avait été légitime et juste, reposant sur une résolution du Conseil de sécurité. Lors d'une récente audition du ministère des affaires étrangères, il l'avait interrogé sur la situation afghane et la réponse du ministre ne l'avait pas convaincu.
M. André Vantomme a fait observer que l'un des problèmes majeurs de l'Afghanistan était le trafic de drogue et s'est interrogé sur l'action de la communauté internationale contre ce fléau.
M. Josselin de Rohan a estimé que, sur l'Afghanistan, c'est le ministre des affaires étrangères qu'il convenait d'entendre en priorité, compte tenu des nombreux enjeux diplomatiques : les Etats-Unis sollicitent leurs alliés européens et entretiennent par ailleurs une attitude ambiguë dans leur relation avec le Pakistan. Par ailleurs, pour ce qui est de la France, les limites sont atteintes quant à ses disponibilités en troupes déployées à l'extérieur.
M. Didier Boulaud, se référant aux propos du président du Sénat afghan sur la responsabilité du Pakistan dans la dégradation actuelle de la situation afghane, a estimé cependant qu'une partie des difficultés provenait aussi sûrement des Afghans eux-mêmes.
M. Serge Vinçon, président, a indiqué que la prochaine réunion de l'OTAN à Riga, à la fin du mois de novembre, sera, entre autres thèmes, l'occasion d'aborder cette question centrale de la situation sécuritaire en Afghanistan et du rôle qu'y tient l'Organisation atlantique.
Il a estimé qu'au-delà de l'indispensable action de sécurisation militaire du pays, le problème de l'efficacité de l'aide internationale était posé. En dépit des montants financiers substantiels apportés au pays depuis 5 ans, la population, toujours aussi démunie, n'en ressentait pas les effets et pouvait perdre confiance dans l'action internationale. La question de la lutte contre la drogue et la production de pavot, où la Grande-Bretagne est « nation-pilote », est un sujet extrêmement complexe : aucune culture de substitution ne peut rivaliser avec la rentabilité du pavot et toute action coercitive tend à opposer les paysans à l'Etat afghan ou à ceux qui l'assistent dans ce combat. Il a conclu en indiquant que lors du débat budgétaire sur la mission « Défense », il se proposait d'interroger Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur la situation en Afghanistan.
Audition de M. Louis Gallois, co-président exécutif d'EADS et président exécutif d'Airbus
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Louis Gallois, co-président exécutif d'EADS et président exécutif d'Airbus.
Accueillant M. Louis Gallois, M. Serge Vinçon, président, a souligné l'intérêt de la commission pour la situation du groupe EADS et de sa filiale Airbus. Il a évoqué les difficultés de cette dernière, liées au retard de livraison de l'A 380, et le plan de redressement destiné à y remédier et à établir les conditions propices à un prochain lancement de l'A 350. Il a souligné la part représentée par la défense dans les activités du groupe et souhaité que l'audition permette également de faire le point sur le déroulement des principaux programmes militaires dont il est en charge.
M. Louis Gallois a tout d'abord rappelé que la création d'EADS lui avait permis d'être aujourd'hui une entreprise de haut niveau technologique située au deuxième rang mondial dans son domaine et première société véritablement européenne. Il a ajouté que la période d'euphorie qui avait suivi sa constitution était désormais terminée. Les turbulences autour de son management ont affecté les relations internes au sein de l'entreprise et nui à son image. Sa filiale Airbus traverse une phase difficile.
M. Louis Gallois a jugé plutôt satisfaisante la situation des autres divisions du groupe : Eurocopter, n° 1 mondial pour les hélicoptères, dispose d'un carnet de commandes très fourni, son souci étant d'éviter la saturation de sa chaîne d'approvisionnement pour respecter les calendriers de livraison ; la division « espace » a été remarquablement redressée, les activités « satellites » étant toujours soumises à une rude concurrence américaine alors que l'activité « lanceurs », avec Ariane 5, voit ses parts de marché confortées et que le plein succès du 1er essai en vol du missile M 51 démontre l'excellence technologique atteinte dans le domaine balistique ; la division « défense » enregistre quant à elle des résultats appréciables, avec un carnet de commandes abondant.
M. Louis Gallois a jugé paradoxale la situation d'Airbus qui n'a jamais livré autant d'avions -430 en 2006 contre 395 pour Boeing et 450 livraisons prévues en 2007-, et qui, en même temps, est confronté aux problèmes affectant le programme A 380, à la faiblesse du dollar par rapport à l'euro et à l'agressivité de Boeing sur les marchés, dans un contexte marqué par la succession à la tête de la société de quatre présidents en moins de deux ans. Il a ajouté que l'A 380 est considéré, de l'avis des pilotes des compagnies clientes, comme un excellent avion, et sans doute un des tout meilleurs de tous ceux qu'Airbus ait jamais construits, avant de rappeler sa certification dans les prochaines semaines, en respectant le calendrier initial prévu.
Détaillant les difficultés de l'A 380, M. Louis Gallois a précisé qu'elles concernaient la phase d'industrialisation de l'avion et portaient essentiellement sur le câblage électrique d'une partie du fuselage, la conception ayant été menée avec des logiciels de versions différentes pour la partie française et la partie allemande. De ce point de vue, il a estimé qu'Airbus n'était pas encore une véritable entreprise intégrée, la hiérarchie officielle de la société étant doublée de hiérarchies nationales. Sa priorité sera donc de résoudre cette question. Il a convenu de l'impact très négatif, en termes d'image, des retards successifs annoncés à trois reprises, leur incidence étant également considérable sur le plan financier puisqu'elle est évaluée à 4,8 milliards d'euros entre 2006 et 2010 en termes de résultats et à 6,3 milliards d'euros en termes de trésorerie. Le « business case » de l'avion en sera affecté, puisque le seuil de rentabilité, initialement estimé à 250 appareils vendus, s'établit désormais à 420 appareils.
Le programme A 380 est également fortement pénalisé par le cours du dollar, qui a baissé de 40 % depuis la date de lancement, ce qui revient à une perte de compétitivité de 20 % par rapport à Boeing dans la mesure où la moitié des coûts sont en euros et l'autre moitié en dollars, mais 100 % des ventes sont en dollars. Il a rappelé qu'une baisse de 10 centimes d'euros du cours du dollar se traduit par une perte automatique de 1 milliard d'euros pour Airbus.
M. Louis Gallois a ensuite présenté les principaux aspects du plan de redressement intitulé « énergie 8 ». La baisse des prix demandée aux fournisseurs et sous-traitants se traduira inévitablement par un recours à des fabrications hors de la zone euro. Des efforts permettant d'aboutir à une restructuration équilibrée seront demandés dans chacun des pays d'implantation d'Airbus, aucune rationalisation de la structure industrielle n'ayant réellement été opérée depuis la création de la société actuelle qui est issue de 4 sociétés nationales. L'objectif central est d'aboutir à une véritable entreprise européenne intégrée, les économies devant atteindre 2 milliards d'euros en 2010 par rapport à la tendance actuelle. La réussite de ce plan est une condition impérative pour le lancement de l'A 350, qui ne peut être engagé sans une restauration de la compétitivité de l'entreprise. Il a rappelé qu'il n'y avait pas de conséquences immédiates significatives à attendre sur l'emploi industriel à l'intérieur d'Airbus, compte tenu du nombre important de commandes à livrer.
M. Louis Gallois a ensuite abordé les activités d'EADS dans le domaine de la défense, qui représentent un chiffre d'affaires de 8 milliards d'euros et un carnet de commandes de 52 milliards d'euros. Il a jugé ces activités essentielles pour le groupe, compte tenu des retombées technologiques des programmes de défense dans le domaine civil -ce qui par exemple bénéficie amplement à Boeing- et de la nécessité d'équilibrer les variations de cycle propres à l'aéronautique civile. Il a estimé que l'industrie de défense n'avait pas à peser sur les choix relatifs à la politique de défense, mais il a rappelé que toute politique de défense autonome devait s'appuyer sur des capacités industrielles, celles-ci participant donc de la posture de défense d'un pays ou, s'agissant de l'Europe, d'un ensemble de pays. Il a également salué la bonne application de la loi de programmation militaire et le redressement des crédits de recherche et technologie, pour lesquels il reste souhaitable de parvenir à un flux annuel de l'ordre de 1 milliard d'euros et de renforcer les coopérations européennes. Celles-ci ne portent actuellement que sur 10 % des dépenses de recherche de défense en Europe, l'ensemble de ces dépenses ne représentant que 20 % de l'effort de recherche militaire américain.
M. Louis Gallois a ensuite évoqué les différents programmes militaires en cours de réalisation au sein d'EADS. Dans le domaine de la dissuasion qu'EADS considère comme une priorité, le succès remarquable du 1er essai en vol du missile balistique M 51 constitue en tant que tel un élément participant à la crédibilité de notre dissuasion. Quant au missile ASMP/A, qui constitue une prouesse technologique que les Français sont les seuls, avec les Russes, à réaliser et dont la capacité de pénétration permet de s'affranchir de toute parade connue, le tir de qualification effectué en juin dernier s'est avéré excellent.
Le programme d'avion de transport militaire A 400 M se déroule jusqu'à présent dans le respect des jalons initialement fixés. Il est développé selon une approche commerciale, mais il s'agit cependant d'un programme militaire complexe, notamment dans le domaine de l'aérodynamique, de l'intégration du moteur, qui sera le plus puissant turbopropulseur au monde, et des systèmes militaires embarqués, comme les radars ou les contre-mesures. Un audit a été effectué et ses résultats seront présentés à l'OCCAr (Organisation conjointe de coopération en matière d'armement) le 30 novembre prochain. M. Louis Gallois a indiqué que le respect de délais tendus nécessiterait en tout état de cause un resserrement de la gestion du programme et un travail en équipe au sein d'EADS et avec des partenaires essentiels comme les motoristes. Il a proposé à ces derniers la constitution d'une équipe intégrée.
S'agissant du ravitaillement en vol encore assuré par des avions très anciens, EADS propose au ministère de la défense un contrat de service pour la fourniture d'A 330 multi rôles, aptes au transport stratégique et au ravitaillement, cet avion remportant actuellement toutes les compétitions auxquelles il participe, notamment en Australie, au Royaume-Uni et en Arabie Saoudite. EADS participe également à la compétition pour le renouvellement des avions ravitailleurs aux Etats-Unis, en espérant une compétition ouverte. Pour la France, le loyer proposé dans le cadre d'un tel contrat serait inférieur au coût actuel des flottes très anciennes remplissant aujourd'hui ces missions.
Dans le domaine des hélicoptères, a poursuivi M. Louis Gallois, les livraisons de l'hélicoptère de combat Tigre à l'armée de terre française auront atteint 9 appareils en version appui protection (HAP) en fin 2006, au lieu des 12 initialement prévus, mais le rythme de livraison devrait désormais atteindre la cadence normale. Les retards enregistrés dans le passé s'expliquent notamment par des causes techniques et des processus d'admission en réception extrêmement complexes. D'ailleurs, les procédures en vigueur en Allemagne font que le Tigre n'y a pas encore reçu sa qualification, alors que les Tigre australiens, pour leur part, vont être prochainement engagés en opérations en Afghanistan. Pour l'hélicoptère de transport NH 90 TTH, la réduction de 34 à 12 du nombre d'exemplaires commandés pour l'armée de terre en 2007 ne pourra être neutre en termes de calendrier et de prix que si des garanties peuvent être apportées sur la commande en 2008 des 22 autres appareils. Pour ce qui est de la version navale, dont Agusta est le maître d'oeuvre, la livraison ne devrait intervenir qu'en 2008, principalement en raison de problèmes rencontrés pour l'intégration du radar.
S'agissant des drones, le système intérimaire de drone Male (SIDM) offre une réponse aux besoins capacitaires des armées pour les 10 prochaines années. Dans cette perspective, le système doit bénéficier d'un programme destiné à l'industrialiser et EADS compte, dans ce cadre, prolonger la coopération avec les Israéliens. Dans les années 2013, les armées veulent pouvoir compter sur une solution européenne de drone MALE de surveillance. EADS, associé aux services officiels, se prépare à répondre à ce besoin avec une solution qui s'appellera peut-être Advanced UAV plutôt qu'EUROMALE mais qui correspond toujours à la satisfaction des mêmes missions. La volonté d'associer l'Allemagne a conduit en effet à étudier une solution intitulée « Advanced UAV » qui pourrait dériver d'un démonstrateur de technologie allemand et dont il est souhaitable que la définition entraîne la pleine participation de sociétés, comme Dassault, impliquées dans EUROMALE. La plateforme allemande pourrait être dotée d'une version ayant des ailes plus courtes permettant de répondre aux missions de reconnaissance rapide intéressant l'Allemagne.
Dans le domaine des systèmes, les activités d'EADS sont orientées par trois évolutions : la convergence des systèmes d'information et de communication des trois armées, l'émergence de « systèmes de systèmes » associant tous les outils permettant une gestion complète du champ de bataille, les besoins croissants de la sécurité civile.
Dans le domaine spatial, la première priorité vise à renforcer les synergies en Europe entre capacités optiques et radar pour l'observation. En matière de télécommunications, EADS plaide pour la satisfaction des besoins militaires supplémentaires par des synergies franco-italo-britanniques permettant une pleine utilisation des capacités disponibles.
En conclusion, M. Louis Gallois a estimé que l'Europe devait disposer d'une industrie de défense compétitive et a souligné les enjeux technologiques, industriels et économiques que cela représente. Il a considéré que la forte concurrence américaine conjuguée à une « dépression » budgétaire dans le domaine de la défense en Europe, exception faite de la France et du Royaume-Uni, créait une situation économiquement difficile pour le secteur. Il a souhaité que la position des grands maîtres d'oeuvre soit consolidée dès lors qu'ils se préoccupent de la charge des acteurs de second niveau, jugeant que la dispersion des crédits pouvait affaiblir l'industrie européenne dans son ensemble en freinant l'émergence de groupes atteignant la taille critique nécessaire. Il a ainsi observé que les consolidations n'étaient pas terminées dans l'industrie européenne de défense. Il a souhaité que les programmes soient désormais gérés au niveau européen, les leçons devant être toutefois tirées de l'expérience NH 90. Enfin, il a souligné l'enjeu vital que représente l'exportation pour l'industrie européenne de défense (qui a fait l'objet récemment du rapport Fromion auquel il souscrit) et l'importance du soutien de tous les Etats européens dans ce cadre.
Un débat s'est ensuite engagé.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a souligné le traumatisme que les difficultés rencontrées par le programme A 380 suscitaient dans la région Midi-Pyrénées. Elle a regretté que les succès de l'entreprise Airbus aient été à ce point affectés par des turbulences manageriales, probablement aggravées par le comportement de certains actionnaires qui avaient précipitamment vendu leurs parts. Elle s'est également interrogée sur une éventuelle précipitation dans le développement de l'A 380, qui ne s'était étendu que sur cinq ans.
Elle s'est ensuite enquise des solutions envisagées pour harmoniser les logiciels de fabrication, utilisés respectivement dans les usines de Hambourg et de Toulouse. Elle a évoqué la situation des sous-traitants d'Airbus, durement affectés par la crise actuelle, et a rappelé que les collectivités territoriales de la région Midi-Pyrénées avaient beaucoup oeuvré pour soutenir le programme A 380, dans l'espoir qu'il serait créateur d'emplois. Elle a exprimé la crainte que ce programme ne soit d'ores et déjà tributaire du lancement à venir de l'A 350. Elle s'est par ailleurs interrogée sur les fonctions de direction confiées à des responsables allemands pour les unités « défense » du groupe.
M. Jean-Pierre Plancade s'est dit surpris de la crise traversée par EADS, entreprise qui avait toujours été choyée par la République. Il a estimé que le bicéphalisme de sa direction, résultant d'un compromis politique, avait eu des effets négatifs. Evoquant la récente promesse du Premier ministre d'un soutien financier pour les sous-traitants, il s'est demandé si cette aide correspondait aux besoins effectifs. Souhaitant savoir si la crise d'EADS était désormais totalement résolue, il a exprimé la crainte que le pôle d'excellence aéronautique français, situé aujourd'hui à Toulouse, ne soit transféré en Ile-de-France.
M. Philippe Nogrix s'est étonné que des problèmes d'intégration aient affecté l'A 380, alors que les programmes antérieurs se sont déroulés sans difficultés. Il s'est enquis de l'impact éventuel de la crise que traverse EADS sur le déroulement du programme A 400 M, dont il a souligné l'impérieuse nécessité pour combler les lacunes capacitaires en matière de transport militaire. Il s'est ensuite demandé si le projet MRTT (multirole transport tanker), basé sur un dérivé de l'Airbus A 330, et destiné à remplir des missions de transport de troupes et de ravitaillement en vol, se traduirait par une livraison prochaine d'appareils à l'Armée de l'Air. Abordant enfin les programmes de drones, il s'est interrogé sur l'éventuelle relation entre l'échec d'EuroMale et un manque de coopération entre les branches française et allemande d'EADS. Il a souligné que Dassault avait réussi à réunir plusieurs partenaires autour de son projet UCAV (Unmanned Combat Aerial Vehicle) et s'est enquis de l'évolution d'une démarche similaire effectuée par EADS sur le projet Advanced UAV (Unmanned Aerial Vehicle).
Mme Catherine Tasca s'est interrogée sur les mesures concrètes d'ores et déjà retenues pour surmonter les difficultés d'intégration qui ont affecté le programme A 380 et a souhaité connaître l'impact à venir, sur l'emploi, du plan « Energie 8 ».
M. Robert Bret a souscrit à l'analyse de M. Louis Gallois sur l'impact industriel négatif d'un euro fort face à un dollar faible. A cet égard, il s'est interrogé sur l'influence d'un groupe comme EADS sur la stratégie suivie par la Banque centrale européenne. Abordant ensuite les activités d'Eurocopter, il a estimé qu'il serait pertinent de développer l'application civile des programmes d'hélicoptères militaires. Il s'est enfin interrogé sur l'opportunité de partenariats public-privé dans le domaine de la défense civile.
M. André Trillard a souhaité savoir si la crise du programme A 380 était entièrement maîtrisée, soulignant que certains archaïsmes de conception devaient être surmontés. Il a ensuite évoqué la probable réduction du nombre de sous-traitants d'EADS travaillant dans la zone euro.
Mme Hélène Luc a rejoint l'analyse de M. Louis Gallois selon laquelle il n'incombait pas à l'industrie de la défense de définir les priorités de la politique menée en ce domaine. Elle s'est ensuite interrogée sur la portée de la prise de participation russe dans le capital d'EADS. Puis elle a attiré l'attention de M. Louis Gallois sur l'éventuel impact négatif de la fin du développement du missile M 51 sur l'emploi dans l'établissement concerné de Saint Médard en Jaille.
M. Serge Vinçon, président, a souhaité que M. Louis Gallois précise la situation actuelle de l'actionnariat d'EADS et son évolution éventuelle.
Mme Gisèle Gautier a relevé que le plan « Energie 8 » visait à réaliser 2 milliards d'euros d'économies d'ici à 2010, et s'est interrogée sur un éventuel recours à un financement public pour aider d'EADS à traverser cette phase difficile.
M. Joseph Kerguéris a fait valoir que le succès à venir de l'A 380 dépendrait largement de la disparition progressive des particularismes et réflexes nationaux au sein d'EADS. Il a souligné les effets pervers que l'actuel rapport de change euro-dollar faisait peser sur les industries européennes et s'est interrogé sur les moyens d'infléchir la politique de la Banque centrale européenne (BCE).
M. Louis Gallois a apporté les précisions suivantes :
- depuis la création d'EADS, le groupe compense le niveau élevé du dollar grâce à une couverture de change qui va s'épuiser progressivement ; à compter de 2009, le dollar courant, dont le taux est très pénalisant pour l'industrie européenne, prendra pleinement effet ;
- la réduction des temps de développement est un objectif poursuivi par l'ensemble des industries modernes ; ainsi, le secteur automobile a réduit le cycle de développement d'un modèle de 6 à 4 ans. La durée de développement de l'A 380 est restée dans une limite raisonnable puisque l'appareil obtiendra sa certification par l'aviation civile à la date prévue. Le problème a porté sur son industrialisation, l'A380 ayant été le premier avion entièrement développé par Airbus, depuis sa constitution en tant que société intégrée alors que celle-ci ne s'était pas accompagnée d'un système de contrôle industriel adapté ;
- l'essentiel des difficultés de câblage des tronçons affectant l'A 380 proviennent de l'utilisation d'un logiciel différent en France et en Allemagne. De surcroît, la demande de certains clients, pour des câblages spécifiques, a entraîné plusieurs versions de l'appareil parfois pour une même compagnie. Pour remédier à cette disparité, les instruments de conception assistée par ordinateur (CAO) sont en voie d'unification entre les différentes unités, françaises, allemandes, anglaises et espagnoles ;
- le programme A 380 n'est, bien sûr en aucune façon, condamné, mais ses difficultés pèsent, pour les administrateurs et les actionnaires, sur le lancement de l'A 350. Il appartient à la direction d'Airbus de convaincre que les problèmes rencontrés ne se reproduiront pas pour l'A 350 et que l'intégration requise produira tous ses effets ;
- les règles de gouvernance d'EADS ont évolué notablement avec la réunion sur une même personne de la fonction de président exécutif d'Airbus et de co-président exécutif d'EADS. Cette évolution doit aussi permettre d'en finir avec l'image d'une « forteresse Airbus » pour, au contraire, favoriser une meilleure synergie avec EADS ;
- le bicéphalisme d'EADS résulte, en effet, du compromis franco-allemand du départ. Il faut le faire vivre. L'objectif prioritaire aujourd'hui est d'estomper le clivage franco-allemand ;
- les 145 millions d'euros, récemment promis par le Premier ministre pour aider le tissu de sous-traitants d'Airbus et la Recherche, constituent un apport appréciable pour la trésorerie des plus vulnérables d'entre eux. A cette occasion, le Premier ministre a, par ailleurs, réaffirmé la vocation de Toulouse comme seul « pôle de compétitivité mondial aéronautique ». L'Ile-de-France n'aura pas le même statut ;
- les programmes A 320 et A 330 ont pu être réalisés sans rencontrer les mêmes problèmes d'intégration que connaît l'A 380, car leur conception était plus simple ; ceci n'explique cependant pas entièrement les difficultés rencontrées par l'A 380. La solution pour surmonter ces problèmes consiste à appliquer progressivement à l'ensemble de la chaîne des systèmes de conception assistée par ordinateur cohérents et efficaces ;
- les livraisons de l'A 400 M sont en effet très attendues par l'armée de l'air. Les délais ne pourront être respectés qu'à condition qu'une organisation resserrée soit mise en place et qu'un travail complémentaire soit réalisé, en concertation avec les autorités de certification et de qualification. Il ne faut cependant pas dissimuler que ce programme comporte plus de difficultés techniques que l'ont cru aussi bien les clients que EADS. Un audit a été mené sur ce point dont les résultats seront soumis, le 30 novembre prochain, à l'OCCAR qui représente les clients européens de l'avion ;
- EADS sera en mesure de commencer à livrer vers fin 2010-2011 les avions MRTT au ministère de la défense, si la commande lui en est passée en 2008 ;
- le programme SIDM (Système Intérimaire de Drones MALE) est en bonne voie, les 3 premiers vols en France viennent d'être réalisés à Istres. EADS a pris l'engagement de fournir ce système. Le véhicule acquis « sur étagères », en Israël, ne pose pas de problème. En revanche, le développement du système et son intégration ont rencontré des difficultés, dont la solution a été entièrement financée sur ses fonds propres, par EADS.
- le projet d'Advanced UAV bénéficie d'un financement initial de 3 grands pays européens (France, Espagne et Allemagne), il est doté de la part de la DGA de l'ordre de 25 millions d'euros pour un programme de réduction des risques sur cette solution. Le démonstrateur « Barracuda » a montré ses qualités mais a aussi rencontré quelques problèmes techniques, mais il pourrait être envisagé de passer directement à la réalisation d'un prototype d'Advanced UAV ;
- nos partenaires allemands sont favorables à une plus grande intégration d'Airbus dans EADS. Cette démarche d'intégration concerne aussi Airbus lui-même ; elle n'est pas simple et doit être soutenue par l'ensemble des partenaires, allemands, espagnols, britanniques et français ;
- l'impact du plan « Energie 8 » concernera plutôt, à court terme, les emplois de structure, c'est-à-dire toutes les activités sans relation avec la production, le développement ou l'ingénierie, où les besoins restent importants ;
- les sous-traitants fournisseurs d'Airbus devront se réorganiser. Les fournisseurs directs de niveau 1, dont les productions sont intégrées aux avions, sont actuellement au nombre de 3 000. Ils devront être réduits à environ 500, à charge pour eux d'organiser leur propre sous-traitance ; les autres deviendront en effet des fournisseurs de niveau 2. EADS favorisera par ailleurs les regroupements nécessaires de ses fournisseurs ;
- EADS n'a pas vocation à influencer la stratégie de la BCE. D'une façon générale, il est clair que dans nos métiers et quelle que soit la nationalité du pays partenaire d'Airbus, le groupe souffre du dollar faible ;
- Eurocopter intervient aussi bien dans le domaine civil que militaire. Ses Super Puma sont ainsi utilisés pour l'exploration pétrolière. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres ;
- il est de la responsabilité des dirigeants d'EADS de mesurer, en permanence, les questions de management des risques ;
- les Russes souhaitent investir une partie de leurs capitaux dans l'industrie aéronautique et sont donc entrés dans le capital d'EADS. Il n'est cependant pas prévu qu'ils jouent un rôle dans la gouvernance d'une entreprise dont les activités, dans le domaine de la défense, participent d'ailleurs de la souveraineté nationale. La solution réside dans l'intensification des partenariats et de programmes en coopération ;
- l'impact financier des difficultés actuelles doit être relativisé ; l'entreprise n'a pas de problèmes de trésorerie insurmontable. La trésorerie d'Airbus et d'EADS sont largement positives et l'entreprise ne souffre d'aucun endettement ;
- l'évolution du capital d'EADS ou d'Airbus donne lieu actuellement dans la presse à des scenarii multiples et souvent contradictoires. Les groupes Lagardère et Daimler Chrysler ont réduit leur part dans le capital du groupe au printemps 2006. Le groupe Daimler Chrysler envisage une réduction supplémentaire de sa participation, dans des conditions assurant le respect de l'équilibre actuel franco-allemand au sein du capital d' EADS ;
- la crise que traverse EADS peut servir de levier pour surmonter les particularismes nationaux, dont chacun des partenaires a conscience qu'ils ne sont pas tenables à terme et à s'orienter par conséquent et délibérément vers une véritable entreprise européenne.
PJLF pour 2007 - Mission « Défense » - Préparation et équipement des forces : capacités interarmées
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Xavier Pintat sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007 pour la mission « Défense » : préparation et équipement des forces : capacités interarmées.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a indiqué que son rapport traiterait de toutes les actions ayant un caractère interarmées dans les deux grands programmes de la mission défense : la préparation des forces et l'équipement des forces.
Au titre des actions interarmées figurant au programme « Préparation des forces », il a tout d'abord mentionné la provision destinée au financement des opérations extérieures qui passera, pour la mission « Défense », de 175 millions d'euros en 2006 à 360 millions d'euros en 2007. Il a salué ce nouveau pas important sur la voie d'un provisionnement intégral des dépenses ayant un caractère certain lors de l'élaboration du projet de budget, bien que la dotation soit encore assez éloignée du niveau prévisible des surcoûts pour 2007.
Il a ensuite commenté les crédits du service de santé des armées, notant que ce dernier a bénéficié, depuis le début de la loi de programmation, de mesures destinées à réduire le déficit en personnels. Les médecins ont ainsi bénéficié d'une amélioration des profils de carrière, de primes de qualification et d'une meilleure indemnisation des gardes, ce qui a joué un rôle positif dans la réduction d'un déficit qui reste néanmoins élevé, de l'ordre de 10 % des emplois. En 2007, outre la création de 47 postes d'élèves médecins supplémentaires, l'effort portera sur les infirmiers, avec une revalorisation salariale liée au nouveau statut des personnels paramédicaux des armées, qui regroupe désormais l'ensemble des militaires infirmiers, qu'ils servent en hôpital ou dans les forces.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a ensuite présenté les actions relatives au commandement interarmées, qui doivent permettre à la France de disposer, à compter de l'an prochain, de toutes les capacités requises pour le commandement d'opérations multinationales dans le cadre de l'Union européenne, de l'OTAN ou de coalitions ad hoc. Puis il a évoqué la Direction du renseignement militaire (DRM), dont les effectifs seront renforcés, ainsi que la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information (DIRISI). Celle-ci a été créée en 2004 dans le but de rationaliser l'exploitation des nombreux réseaux de communication relevant des armées, que ce soit en termes de ressources humaines, de politique d'achat ou de maintenance. Elle a vocation, d'ici à 2008, à intégrer tous les organismes du ministère de la défense qui assurent aujourd'hui de façon autonome des services de même nature.
Au titre des équipements interarmées, M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a présenté les crédits consacrés aux équipements spatiaux militaires. En 2007, les autorisations d'engagement, en progression de 1 %, atteindront 521 millions d'euros, alors que les crédits de paiement diminueront de 4 %, à 469 millions d'euros, après deux années de forte hausse. Cette légère décrue est liée à une baisse logique des dotations du programme Syracuse III après le lancement des deux premiers satellites. En revanche, les crédits d'études-amont dévolus à l'espace progresseront de 13,5 %.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a rappelé que dans le domaine des télécommunications, la France disposait depuis le 12 août 2006 d'un deuxième satellite de nouvelle génération Syracuse III, après le lancement du premier exemplaire en octobre 2005, et que ces équipements possédaient une capacité de transmission 10 fois supérieure à celle de l'ancienne génération, tout en offrant une couverture géographique plus vaste. Il a souligné la nécessité de prendre rapidement une décision sur la formule retenue pour répondre au besoin de capacités supplémentaires, précisant que les autorisations d'engagement prévues en 2007 n'étaient pas suffisantes pour commander un 3e exemplaire, mais que diverses possibilités étaient actuellement à l'étude, notamment une acquisition en commun avec l'Italie et le recours à une approche duale, civile et militaire, distinguant les besoins liés aux débits et ceux liés à la protection des communications.
Dans le domaine de l'observation, il a rappelé que le premier satellite Hélios II, lancé fin 2004, possédait des capacités 4 fois supérieures à Hélios I en termes de résolution et de nombre d'images fournies, permettait l'observation de nuit grâce à une capacité infrarouge et bénéficiait d'un système d'exploitation plus performant. Il a précisé qu'un second exemplaire en mars dernier restait stocké au sol, pour un lancement prévu en 2009, et que la Grèce avait décidé de rejoindre dans le programme Hélios II à hauteur de 2,5 %, comme cela était déjà le cas pour l'Italie, l'Espagne et la Belgique. Il a ajouté que le lancement des satellites radar allemands et italiens permettrait à la France de compléter ses capacités à compter de 2007, des accords ayant été passés avec les deux pays pour l'accès réciproque aux images.
Il s'est félicité du lancement prévu en 2007 d'études de conception sur un futur système d'observation successeur, intégrant les capacités optiques et radar ainsi que le segment sol, en coopération avec tous les partenaires Helios (Italie, Espagne, Belgique, Grèce) et l'Allemagne.
Il s'est également réjoui de ce que le besoin de capacités spatiales dans le domaine de l'écoute électromagnétique soit pris en compte, au-delà des 4 micro-satellites Essaim lancés il y a deux ans avec Helios II, à travers le programme d'études amont Elisa portant sur la réalisation de 4 micro-satellites dont le lancement est prévu en 2010. Il a précisé que l'expérience acquise en ce domaine devrait permettre ultérieurement de lancer un véritable programme opérationnel portant sur un satellite d'écoute des signaux radar, ainsi que des études sur un programme d'écoute des communications.
Enfin, dans le domaine de l'alerte avancée, qui vise à détecter les tirs de missiles balistiques, il a indiqué qu'un programme d'études-amont déboucherait en 2008 sur le lancement de deux micro-satellites expérimentaux.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a ensuite présenté les dotations consacrées à la dissuasion nucléaire, qui diminueront de près de 7 % pour les autorisations d'engagement, à 3,4 milliards d'euros, et d'1,6 % pour les crédits de paiement, à 3,3 milliards d'euros.
Il a précisé que pour la force océanique stratégique, les principales dotations concerneraient la construction du 4e et dernier sous-marin nucléaire de nouvelle génération devant entrer en service en 2010, la période d'entretien et de réparation deuxième bâtiment, le Téméraire, ainsi que la réalisation du futur missile balistique M51 qui est attendu en 2010 et dont le premier essai en vol a été effectué avec succès le 9 novembre dernier. Il a rappelé que ce missile doit remplacer l'actuel missile M45 dont la conception est déjà ancienne et qui ne sera plus adapté aux futures têtes nucléaires dites « robustes », le M51 offrant en outre une portée accrue permettant aux sous-marins de frapper la plupart des points du globe.
Il a indiqué, s'agissant de la composante aéroportée, que le missile ASMP-A sera livré à partir de 2009.
Il a évoqué le déroulement, selon l'échéancier prévu, du programme de simulation, l'année 2006 ayant été marquée par la mise en service de calculateurs dotant le CEA de capacités de calcul 1 000 fois plus élevées qu'en 1996, le fonctionnement de la simulation exigeant une nouvelle multiplication par 10 d'ici à 4 ans.
Il a enfin précisé que, globalement, les crédits de paiement pour la dissuasion nucléaire représenteraient en 2007 environ 20,2 % des crédits d'équipement militaire et 9 % des crédits de la mission « Défense », l'effort consacré à la dissuasion nucléaire permettant de mener un cycle de renouvellement complet de nos moyens et de mise en place de la simulation, tout en étant moitié moindre qu'il y a quinze ans, du fait de la réduction significative de notre posture depuis la fin de la guerre froide.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, est revenu sur le rôle de la dissuasion nucléaire dans notre politique de défense, tel que le Président de la République l'a rappelé à l'occasion de son discours de l'Ile longue le 19 janvier dernier.
Il a notamment souligné que 15 ans après la guerre froide, le monde restait marqué par le fait nucléaire, les arsenaux des grandes puissances n'ayant pas disparu alors que la prolifération fait apparaître de nouveaux Etats nucléaires, et donc des risques nouveaux. Il a estimé que le simple bon sens plaidait pour ne pas remettre en cause notre capacité nucléaire, au moment même où des Etats dont la politique internationale n'est pas rassurante cherchent à acquérir l'arme nucléaire. Il a considéré que le risque de résurgence d'une menace majeure ne pouvait être écarté sur le long terme et s'est également référé aux scénarios évoqués le 14 juin dernier devant la commission par le Chef d'Etat-major des armées, particulièrement la possibilité qu'un Etat doté d'armes de destruction massive et de missiles balistiques cherche à exercer sur la France un chantage visant à limiter sa liberté d'action ou à l'empêcher d'intervenir dans telle ou telle crise, la dissuasion nucléaire permettant à notre pays, dans cette hypothèse, d'effectuer ce que le général Bentégeat a appelé du contre-chantage.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a également souligné que l'efficacité de la dissuasion reposait sur sa crédibilité, tant sur le plan technique, avec le rôle essentiel de la simulation, que sur le plan politique ou stratégique, grâce à des moyens disposant de l'allonge nécessaire et permettant de graduer les réponses. Il a estimait que les caractéristiques des armes en cours de développement comme le rôle, dans notre doctrine, de la notion d'ultime avertissement, répondaient à cette exigence de crédibilité.
Enfin, il a évoqué la complémentarité entre les deux composantes de nos forces nucléaires, sous-marine et aérienne, cette dernière disposant d'une plus grande visibilité et d'une capacité de frappe plus précise.
Il a jugé fondamental de mener à leur terme, selon les échéanciers prévus, les différents programmes devant doter la France de moyens adaptés à sa doctrine, dans le cadre d'une posture de « stricte suffisance », notablement réduite par rapport à il y a quinze ans, mais préservant notre capacité à infliger des dommages inacceptables à un adversaire éventuel, dans une large gamme de scénarios tenant compte des évolutions du contexte stratégique.
En conclusion, M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, s'est félicité du bon déroulement, conformément à la loi de programmation, des différents programmes interarmées. Il a proposé à la commission d'émettre un avis favorable sur le budget de la défense pour 2007.
A la suite de cet exposé, M. Serge Vinçon, président, a marqué son accord avec le rapporteur pour avis sur le rôle essentiel de la dissuasion nucléaire dans notre politique de défense. Il s'est par ailleurs interrogé sur les raisons du stockage au sol du second satellite Helios II, livré depuis le printemps dernier.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a précisé que la durée de vie prévisionnelle des satellites Helios II était de cinq ans. Le premier satellite Helios IIA ayant été lancé en 2004, il a été décidé d'attendre 2009 pour lancer le second satellite, Helios IIB, ce qui fixe à 2014 au plus tard la date d'entrée en service du système successeur, sur lequel les études vont prochainement être engagées, en coopération européenne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a demandé si les équipages des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins comportaient des personnels féminins.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis, a précisé que les sous-marins restaient l'une des seules spécialités à ne pas être ouvertes aux personnels féminins dans les armées. Compte tenu de la durée des patrouilles et de l'espace réduit réservé au logement, les sous-marins n'ont pas été conçus pour embarquer des équipages mixtes. On pourrait toutefois imaginer, avec l'actuelle féminisation du service de santé des armées, que si les équipages de sous-marins devaient un jour comporter des personnels féminins, cela concernerait en premier lieu des officiers médecins.
PJLF pour 2007 - Mission « Défense » : préparation et équipement des forces : forces aériennes - Examen du rapport pour avis
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Nogrix sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007 pour la mission « Défense » : préparation et équipement des forces : forces aériennes.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a précisé que l'armée de l'air recevrait, en 2007, au titre du programme « Préparation et emploi des forces », 5,118 milliards d'euros en crédits de paiement et 5,021 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une croissance respective de 4,3 % et 5,15 % par rapport à 2006. Ces financements en hausse seront affectés, pour l'essentiel, à l'achat des carburants et combustibles et au maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs. S'agissant spécifiquement des carburants, le rapporteur pour avis a rappelé que le projet de budget pour 2007 prévoyait une somme de 226 millions d'euros, en augmentation de 40 millions par rapport à 2006. Cette construction budgétaire apparemment favorable, est cependant inférieure d'environ 75 millions d'euros aux besoins estimés, du fait de la hausse des prix du pétrole. Le rapporteur pour avis a espéré que cette somme additionnelle puisse être dégagée en 2007, une pénurie de carburant risquant de compromettre les capacités d'entraînement des pilotes.
Evoquant ensuite le MCO, M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a souligné les ressources financières croissantes qui y sont consacrées. Le ministère de la défense a par ailleurs créé, en 2005, une Mission de Modernisation du Maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques, qui a pour tâche d'optimiser l'organisation du MCO et d'en réduire le coût humain et financier.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a ensuite précisé que les plafonds d'emploi des effectifs globaux de l'armée de l'air s'élèveraient, pour 2007, à 61.026 militaires et 5.225 civils, soit une diminution d'environ 500 personnes par an depuis 2004. Face à cette légère contraction, l'armée de l'air a recours à des mesures d'externalisation de tâches non militaires, l'exemple le plus récent portant sur la maintenance des avions de l'Ecole de pilotage de Cognac, désormais assurée par une entreprise civile spécialisée.
Pour ce qui est du recrutement, le rapporteur pour avis s'est félicité de la bonne attractivité de l'armée de l'air, marquée par un taux de sélection satisfaisant de 3 candidats en moyenne par poste pour les hommes du rang et les sous-officiers, et de plus de 5 candidats par poste pour les officiers.
Le rapporteur pour avis a ensuite rappelé que l'armée de l'air avait entrepris, de sa propre initiative, une réforme interne de l'organisation du commandement, « Air 2010 », qui conduira à la création de 4 grands pôles de commandement : « Opérations », « Forces », « Soutien » et « Personnel ». Il a salué cette décision qui permettra le regroupement de la « masse critique » nécessaire dans chacune de ces grandes structures.
Abordant ensuite les mesures touchant à l'équipement de l'armée de l'air, il a précisé que 2,557 milliards d'euros de crédits de paiement y seraient consacrés en 2007, en hausse de 4,9 %. Les autorisations d'engagement baissent de 1,3 %, à 1,318 milliard d'euros, en cohérence avec la phase de stabilisation de la loi de programmation militaire.
Le renforcement des équipements de combat est marqué par la constitution du premier escadron de Rafale Air sur la base de Saint-Dizier. Le rapporteur pour avis a souligné les multiples capacités de cet appareil, apte à assurer toutes les missions requises par une armée moderne. Les qualités de cet avion ont été démontrées lors de manoeuvres aériennes organisées par l'OTAN au mois de septembre en Espagne. Les potentialités du Rafale-Air seront encore accrues avec la livraison prochaine du missile de croisière SCALP et des bombes tirées à distance de sécurité AASM (armement air-sol modulaire). Le rapporteur pour avis a rappelé qu'à ce jour un total de 120 Rafale avaient été commandés, à raison de 82 pour l'armée de l'air et 38 pour la marine. La prochaine commande globale prévue par l'actuelle loi de programmation militaire, et qui portera sur 60 appareils, devra nécessairement être passée d'ici à la fin de l'année 2008.
L'armée de l'air a également bénéficié de la livraison de 2 hélicoptères EC 725 au mois de juillet dernier, qui seront complétés par 2 autres d'ici la fin 2006. M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a fait valoir l'atout spécifique que constituaient ces équipements, dévolus à la récupération d'équipages éjectés en zone hostile, mais qui peuvent également effectuer toute mission de sauvetage au profit des autres armées ou de la population civile.
Abordant ensuite les capacités de transport militaire, M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a rappelé que l'armée de l'air disposerait de deux Airbus A 340 début 2007, mais qu'une lacune capacitaire persistait dans ce domaine dans l'attente de l'arrivée, à compter de 2009, des A 400 M. Dans cette période transitoire, la France participerait au contrat européen SALIS (Strategic Airlift Interim Solution) qui lui permet de bénéficier des capacités de deux Antonov 124. Cependant, ce déficit en matière de transport s'accompagne de capacités réduites de ravitaillement en vol, qui reposent sur 14 avions ravitailleurs en service depuis plus de 40 ans. Le rapporteur pour avis a donc fait valoir l'impérieuse nécessité d'une commande rapide d'un nouveau type d'appareil modulable, le MRTT (multirole transport tanker), qui offre des capacités accrues à la fois pour le transport de troupes et pour le ravitaillement en vol. Il a rappelé que le groupe EADS avait réalisé un appareil de ce type, dérivé de l'Airbus A 330, qui rencontre de notables succès à l'exportation (l'Australie en a déjà acquis 5 exemplaires), et dont la Grande-Bretagne projette également de se doter.
Le rapporteur pour avis a déploré que la France ne dispose pas, à l'heure actuelle, de capacités de surveillance et d'observation des théâtres d'opérations à la hauteur des besoins. Certes, l'armée de l'air dispose de 2 C-160 « Gabriel », spécialisés dans l'écoute électronique, ainsi que de 40 Mirage F1CR de reconnaissance, mais le besoin d'un drone de longue endurance se fait sentir avec une acuité croissante. Il a donc souhaité que les 3 SIDM (système intérimaire de drones MALE) , actuellement en expérimentation, soient réellement opérationnels à l'automne 2007, dans l'attente d'une coopération européenne pour la mise au point d'un programme plus ambitieux.
En conclusion, M. Philippe Nogrix rapporteur pour avis, a souligné que l'armée de l'air disposait globalement, et malgré les lacunes qu'il avait évoquées, de capacités qui en font une des meilleures en Europe, et a donc émis un avis favorable à l'adoption des crédits qui y sont consacrés au sein de la mission « Défense ».
M. Yves Pozzo di Borgo a indiqué que la commission aéronautique de l'assemblée de l'UEO (Union de l'Europe occidentale), dont il est membre, avait récemment examiné un rapport sur le projet d'avion américain F 35, et a souhaité recueillir l'opinion du rapporteur sur ce programme.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a rappelé que les pays européens participant au programme F 35 avaient déjà contribué pour plus de 5 milliards d'euros à son développement et que le coût unitaire estimé de cet appareil, dont il est prévu de produire plus de 2.000 exemplaires, pourrait atteindre 70 millions d'euros. Il a par ailleurs souligné que le F 35 en était encore au stade expérimental et qu'il était donc aujourd'hui impossible d'en évaluer les capacités exactes. Le coût unitaire du Rafale est estimé à 50 millions d'euros et cet avion est déjà en mesure de démontrer ses nombreuses capacités. Le seul atout dont le Rafale est dépourvu est la furtivité, car il n'a pas été conçu dans cette perspective.
La commission a enfin procédé à
l'examen du rapport pour avis, sur les
crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour
2007, de Mme Paulette Brisepierre,
pour la mission interministérielle « Aide publique au
développement ». Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis,
a tout d'abord souligné qu'en 2007 l'aide publique au
développement de la France devait s'élever à 9,2 milliards
d'euros, permettant donc d'atteindre l'objectif intermédiaire,
défini par le Président de la République en 2002, de
porter cet effort à 0,5 % du PIB en 2007. La réflexion
théorique sur l'aide au développement est soumise à de
fortes évolutions : l'aide multilatérale serait ainsi plus
vertueuse que l'aide bilatérale, les dons plus souhaitables que les
prêts, les ONG plus efficaces que la coopération institutionnelle,
les annulations de dettes tout à la fois impératives et sans
effet. Enfin, l'assistance technique serait devenue inutile, voire dangereuse.
Autant d'affirmations que Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis, a qualifié de peu convaincantes.
Elle a souligné la nécessité, pour la France, de
préserver la diversité de ses moyens d'intervention qui fait la
richesse de sa politique de coopération. Le développement du sud
est un défi suffisamment important et les situations suffisamment
diverses pour qu'un seul type de réponse soit
privilégié. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur
pour avis, a précisé les grandes lignes de l'effort de
la France en 2007 : - la poursuite de l'augmentation des contributions aux
organismes multilatéraux, en particulier au Fonds sida dont la dotation
passe de 225 à 300 millions d'euros ; - une légère diminution du montant des
annulations de dettes, de 2,8 à 2 milliards d'euros destinés
notamment à la Côte d'Ivoire et à la République
démocratique du Congo, si la situation le permet ; - une reprise des prêts (542 millions d'euros en 2007)
alors que, depuis plusieurs années, les remboursements de prêts
excèdent les décaissements ; - la mobilisation du résultat net de l'Agence
française de développement pour maintenir à niveau l'aide
bilatérale. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur
pour avis, a rappelé que la mission interministérielle
« Aide au développement » ne comprenait pas la
totalité de l'aide publique française, mais en supportait environ
un tiers, correspondant aux crédits consacrés au
développement par le ministère des affaires
étrangères et celui de l'économie et des finances. Un
second tiers est constitué des opérations de traitement de la
dette et des opérations de prêt, tandis qu'un dernier tiers est
composé de dépenses supportées par d'autres
ministères, comme les frais d'accueil des étudiants
étrangers dans les universités françaises ou les frais de
soutien aux demandeurs d'asile, ainsi que les interventions de la dizaine
d'autres ministères qui concourent à l'aide au
développement. Elle a précisé que le produit de la taxe
sur les billets d'avions, estimé à 200 millions d'euros, et qui
sera affecté à la facilité d'achat de médicament
(UNITAID) et, pour 10 %, à la facilité pour la vaccination
(IFFIM) n'était pas inclus dans l'APD française. Elle a souligné que la mission « aide au
développement » recouvrait deux types de politiques : la
lutte contre la pauvreté et une politique d'influence à
l'égard des pays émergents. Cette mission représente un tiers des dépenses
d'APD. Ses crédits de paiement augmentent de 4,7 %, pour
s'établir à 3,12 milliards d'euros en 2007, mais diminuent
d'un tiers en autorisations d'engagement. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour
avis, a précisé que les crédits du programme
« solidarité à l'égard des pays en
développement » progressaient principalement du fait de
l'augmentation de la contribution au Fonds mondial pour le sida, la tuberculose
et le paludisme et des dépenses de personnel qui n'avaient pas
été correctement estimées en loi de finances pour 2006. La
contribution de la France au Fonds européen de développement se
maintient à un niveau élevé, 692 millions d'euros, en
dépit d'une légère diminution par rapport à l'an
dernier. La France apporte actuellement un quart des financements du FED (Fonds
européen de développement), sa contribution pour le prochain FED
(2008-2013) ayant cependant été ramenée à
19,5 %, ce qui reste supérieur à son taux de contribution au
budget communautaire (15,9 %). Elle a souligné que l'aide bilatérale, en
particulier l'aide projet, n'était préservée que
difficilement alors que son augmentation, dans les années à
venir, serait nécessaire pour compenser la diminution des annulations de
dette. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur
pour avis, a regretté que l'aide bilatérale soit devenue
la variable d'ajustement de l'aide française, d'autant que les deux
tiers de cette aide sont destinés à l'Afrique. Or c'est en
Afrique que se joue la place de la France dans le monde, et sa capacité
à consolider ses positions avec des partenaires sûrs. En Afrique,
au Maghreb et au Proche-Orient se jouent la stabilité et la
sécurité du continent européen. Il est donc dans
l'intérêt de la France d'y être très présente
et efficace. Elle a rappelé qu'après la réforme
décidée en 2005, le ministère des affaires
étrangères avait délégué progressivement
à l'Agence française de développement les
compétences dans le domaine du développement économique et
social, le ministère ne conservant son rôle d'opérateur
dans le cadre du Fonds de solidarité prioritaire que pour les seuls
domaines culturel et de la gouvernance. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis,
a insisté sur la nécessité d'une réflexion
sur le Fonds de solidarité prioritaire pour le recentrer sur des projets
pluriannuels et sur la zone de solidarité prioritaire. Elle a
noté que le transfert des projets à l'AFD ne s'était pas
traduit pas une augmentation très significative des crédits de
l'Agence qui lui permettrait de développer ses activités sur
subventions dans les pays les plus pauvres. L'Agence serait ainsi dotée
de 163 millions d'euros en 2007, 38 millions d'euros devant être
prélevés sur son résultat pour maintenir le niveau des
subventions. Sur cette même enveloppe, l'Agence doit assurer la
rémunération des assistants techniques. Il faudrait veiller
à ce que le nombre de postes prévus (320 à terme) soit
bien maintenu. Elle a rappelé que les prêts constituaient
l'essentiel de l'activité de l'Agence. Ils sont d'ailleurs un outil
efficace en particulier dans le cadre du micro-crédit, mais pas pour
tous les secteurs ni dans les pays les plus pauvres. Une véritable
agence de développement devrait bénéficier d'une palette
d'instruments variés, dont un volume suffisant de subventions. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur
pour avis, a ensuite évoqué la question des effectifs de
l'assistance technique, dont Mme Brigitte Girardin avait qualifié le
niveau de « critique ». Elle a souligné que la
présence sur le terrain et la qualité des rapports humains
étaient déterminantes pour la réussite des projets. Le
développement ne se limite pas au seul financement, la capacité
des pays à absorber des volumes de crédits importants
étant limitée au regard de leurs capacités
administratives. Elle a relevé que la valorisation de l'expertise
française auprès des institutions multilatérales
était un des autres chantiers en cours, et représentait une voie
prometteuse. Des plateformes régionales d'assistance technique devraient
ainsi se mettre en place auprès de l'organisation mondiale de la
santé, sur financements du Fonds sida. Cet exemple devrait pouvoir
être reproduit au sein d'autres organisations internationales, dont la
France est un contributeur important. A cette fin, le GIP France
Coopération internationale, chargé de gérer les assistants
techniques, devrait monter en puissance et être doté des moyens
nécessaires. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur
pour avis, a ensuite indiqué que les contrats de
désendettement et développement, n'étaient dotés
que de 15 millions d'euros, malgré l'entrée du Cameroun dans le
dispositif à l'été 2006. Le solde serait financé
pour partie par l'AFD. Elle a rappelé que, depuis longtemps, elle
demandait que l'attribution de ce type d'aide soit l'occasion de régler
enfin les arriérés dus par les caisses de retraite locales
à leurs affiliés français. Elle s'est
félicitée que cette question, longtemps éludée, ait
enfin été prise en considération. Saluant Mme Brigitte
Girardin pour son implication personnelle dans ce domaine, elle a
souhaité que la démarche puisse aller jusqu'au précompte
des crédits d'aide au développement. Parallèlement, afin
d'éviter que de telles situations ne se reproduisent, les conventions de
sécurité sociale prévoyant le droit d'option devaient
être généralisées à l'ensemble des Etats
africains. Mme Paulette Brisepierre a ensuite
proposé l'adoption des crédits de la mission
interministérielle « Aide au
développement ». Mme Monique Cerisier-ben Guiga a
remercié le rapporteur pour avis pour sa ténacité dans le
dossier des Français retraités d'Afrique. Elle a estimé
que, si le principe était désormais posé, il faudrait
encore beaucoup d'obstination jusqu'à sa mise en oeuvre effective. Elle
a partagé la position du rapporteur pour avis sur la
nécessité de préserver la diversité des outils de
l'aide française. Les pays les plus pauvres sont aussi ceux dont les
besoins sont les plus importants, mais leur capacité à absorber
des fonds est en effet réduite. Le soutien de l'assistance technique est
donc indispensable. Elle a évoqué le risque de confusion entre
l'aide au développement et le soutien au commerce extérieur dans
les pays émergents où le retour sur investissements est
effectivement plus intéressant pour les entreprises
françaises. Les commissaires ont ensuite procédé à un
échange de vues auquel ont participé M. Robert
Bret, M. Serge Vinçon, président,
Mme Paulette Brisepierre et Mme Monique Cerisier-ben
Guiga, sur la demande formulée par la commission de
procéder à un déplacement au Liban au mois de
décembre 2006 afin d'évaluer la situation politique
intérieure et de faire le point sur les conditions d'exécution de
la mission confiée à la FINUL et sur le rôle du contingent
français. M. Serge Vinçon, président, a
souligné que les conséquences de l'assassinat de Pierre Gemayel,
ministre libanais de l'industrie, donnaient lieu à des interrogations
diverses sur la capacité du pays à se rassembler et aux chances
du gouvernement de M. Fouad Siniora de mener sa mission à bien, alors
que d'aucuns cherchent à bloquer le fonctionnement des institutions.PJLF pour 2007 - Mission « aide
publique au développement » - Examen du rapport pour
avis
Mission d'information - Echange de
vues