- Mardi 7 novembre 2006
- Mercredi 8 novembre 2006
- PJLF pour 2007 - Mission « Défense » - Audition de M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la Défense
- PJLF pour 2007 - Mission « Défense » - Forces terrestres - Examen du rapport pour avis
- PJLF pour 2007 - Mission «Défense » - Forces navales - Examen du rapport pour avis
- Nominations de rapporteurs
- PJLF pour 2007 - Audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères
- Jeudi 9 novembre 2006
Mardi 7 novembre 2006
- Présidence de M. Serge Vinçon, président -PJLF pour 2007 - Mission « Sécurité » - Audition du général Guy Parayre, directeur général de la Gendarmerie nationale
La commission a procédé à l'audition du général Guy Parayre, directeur général de la Gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2007 (mission « Sécurité »).
Le général Guy Parayre a rappelé que les contraintes budgétaires avaient conduit le gouvernement à lisser en 2008 l'exécution de la LOPSI qui aurait dû se terminer fin 2007. Présentant les résultats obtenus par la gendarmerie dans la lutte contre la délinquance, objectif premier de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI), il a indiqué que la baisse cumulée des faits de délinquance constatés par la gendarmerie avait été de 12,1 % entre 2002 et 2005, ce chiffre s'élevant à 26,1 % pour la délinquance de voie publique. Les indicateurs d'activité reflètent l'efficacité des personnels de gendarmerie. Ainsi le taux d'élucidation global des crimes et délits a augmenté de 8,6 % et s'élève aujourd'hui à près de 40 % pour la gendarmerie. Les mises en cause, gardes à vue, et écrous ont augmenté respectivement de 16 %, 39 % et 13 %. Les enquêtes conduites dans des domaines tels que la lutte contre les stupéfiants ou l'immigration irrégulière sont en constante augmentation. Ces infractions sont relevées à l'initiative des services et leur forte augmentation explique que, statistiquement, la délinquance générale baisse moins vite que la délinquance de voie publique : pour les neuf premiers mois de 2006, la baisse de la délinquance générale est de 0,3 % et celle de la délinquance de voie publique de 5,5 %. Ces performances témoignent du travail de fond et de l'engagement des personnels de gendarmerie sur le terrain.
Abordant les résultats obtenus dans la lutte contre l'insécurité routière, souhaitée par le Président de la République, le directeur général de la gendarmerie nationale s'est félicité de ce que le nombre d'accidents corporels annuels constatés par les unités de gendarmerie soit passé de 37.798, en 2002, à 27.087, en 2005, et que le nombre de tués, durant la même période, ait régressé, de 5.973 à 4.102. Le nombre des blessés est passé de 57.451 à 36.828, soit une baisse de plus de 20.000. La fermeté affichée dans la répression des infractions les plus graves et la dissuasion qui l'accompagne ont permis d'inscrire dans la continuité la qualité des résultats obtenus.
Le général Guy Parayre a souligné que ces bons résultats trouvaient leur origine dans la motivation et les compétences des personnels de la gendarmerie, qui se sont sentis soutenus dans leur engagement par la LOPSI, qui a nettement contribué à renforcer les effectifs et renouveler les matériels.
Il a ensuite fait le point sur les deux grandes réformes liées à la couverture du territoire (assurée à 95 % par la gendarmerie), et parvenues en 2006 à leur rythme de croisière :
- tout d'abord, la réforme du commandement territorial a rationalisé la chaîne hiérarchique, en supprimant un niveau de commandement et en étendant les attributions des commandants de région. Ces derniers disposent d'une marge d'initiative renforcée et constituent, pour le directeur général de la gendarmerie nationale, des courroies de transmission permettant de mettre en place les orientations gouvernementales. Ces nouvelles compétences opérationnelles permettent aux commandants de région de contrôler des événements dont l'ampleur dépasse les possibilités d'un groupement de gendarmerie départementale. Cette réforme a, par ailleurs, permis d'optimiser le pilotage des crédits et la déconcentration des actes de gestion ;
- ensuite, la mise en oeuvre des communautés de brigades, c'est-à-dire la création d'un nouveau niveau de commandement, agrégeant les personnels de plusieurs brigades territoriales, rationalisent le service offert en mutualisant l'accueil et l'information au sein d'unités qui, prises individuellement, ne disposent pas d'un effectif suffisant pour assurer la continuité du service. Cette réforme a permis d'augmenter le temps passé par les militaires des unités territoriales en service externe et d'améliorer l'efficacité judiciaire. La désignation d'une patrouille chargée de l'intervention au sein de la communauté permet, par exemple, aux enquêteurs de se consacrer aux affaires en cours sans avoir à se préoccuper des sollicitations externes.
Le général Guy Parayre a mis en lumière l'amélioration que constituait l'extension du réseau Intranet dans toutes les unités : la mise en commun, en temps réel, des données disponibles facilite grandement le fonctionnement d'unités dont les effectifs sont répartis sur plusieurs sites. La mise en place du logiciel Pulsar permettra de parachever cette réforme essentielle.
Le général Guy Parayre a ensuite abordé le projet de loi de finances pour 2007. Celui-ci se situe dans le prolongement des efforts accomplis depuis le début de la mise en oeuvre de la LOPSI. La progression des crédits (2,5 %) est supérieure à celle du budget de l'Etat (+ 0,8 %), cette augmentation accompagnant principalement l'accroissement mécanique des dépenses liées aux créations de postes, ou encore au poids des pensions. C'est pourquoi, si l'on se fonde sur une hypothèse d'inflation à 1,8 %, la marge de progression est étroite et certains objectifs, notamment en matière de création d'emplois et d'équipements, devront être programmés sur une durée plus longue que ne l'avait prévue la LOPSI, qui arrive à échéance fin 2007.
Le directeur général a rappelé que les dotations en rémunérations et charges sociales représentaient 6,030 milliards d'euros, soit 81 % du budget total de la gendarmerie, ce qui permettra de financer l'essentiel des créations d'emplois nouveaux et de poursuivre la mise en oeuvre du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE). L'effectif moyen réalisé sera augmenté d'environ 1.200. Les rémunérations supplémentaires liées à la participation des gendarmes aux opérations extérieures seront partiellement couvertes par une provision de 11 millions d'euros (sur un total d'environ 20 millions d'euros). Il a conclu que la situation des crédits du titre 2 pouvait être considérée comme satisfaisante.
Abordant les crédits de fonctionnement, le général Guy Parayre a fait état d'une augmentation de 11,5 millions d'euros, soit un taux de progression de 1,3 %, mais, une part de ces crédits supplémentaires portant sur des dépenses supplémentaires (loyers budgétaires pour 2,5 M€, contribution SNCF pour 3,5 M€...), cette augmentation doit être ramené à 0,2 % compte tenu des créations d'effectifs. Plusieurs éléments vont induire une hausse des coûts de fonctionnement : l'augmentation des loyers, liée aux évolutions du marché locatif et aux surcoûts induits par les nouveaux moyens de financement, et celle du coût du pétrole. La mise en oeuvre du réseau SAPHIR 3 G et la géolocalisation des véhicules permettront incontestablement d'améliorer la performance au profit du citoyen, mais généreront de nouvelles dépenses de télécommunication ; enfin le développement des centres de rétention administrative induira également un surcoût. Les insuffisances prévisibles des crédits du titre 3 devront être compensées à hauteur de 30 millions (15 millions d'économies sur les frais de déplacement, l'activité de la gendarmerie mobile, les dépenses de formation et de communication, l'entretien du casernement et du matériel ; 15 millions transférés du titre 5 au titre 3, ce qui suppose le report d'une quinzaine de projets immobiliers).
Il a souligné qu'en 2007 la gendarmerie disposerait de crédits d'investissement importants : les autorisations d'engagement s'élèvent à 970 millions d'euros dont 400 millions sont destinés à lancer des opérations immobilières sur la base du partenariat public-privé avec autorisation d'occupation temporaire du domaine public. Toutefois, les crédits de paiement ne s'élèvent qu'à 570 millions d'euros. La différence sera couverte par un « reste à payer » de 431 millions d'euros, issue d'un décalage important apparu au cours des dernières années entre la capacité à engager et la capacité de payer. L'équilibre budgétaire pour les investissements sera donc atteint, mais ne laissera aucune marge de manoeuvre.
Dans ce cadre, bien qu'il s'avère très difficile de recourir, comme cela a été fait l'année dernière, à l'abondement du titre 3 à partir du titre 5, ce dernier se trouvant d'entrée en limite de soutenabilité si l'on intègre la mise en réserve des crédits, il n'est pas exclu que le directeur général soit contraint de recourir au titre 5 pour abonder le titre 3.
Le général Guy Parayre a conclu que le budget 2007 de la gendarmerie était caractérisé par un effort financier important (justifié par la priorité accordée à la sécurité intérieure), dont le niveau demeure néanmoins en retrait par rapport aux objectifs définis par la LOPSI. L'augmentation des effectifs, l'apparition de charges nouvelles et l'effet mécanique induit par les engagements des exercices budgétaires antérieurs limitent les marges de manoeuvre, mais ne doivent pas entraîner de retard dans le renouvellement des équipements, ni laisser la gendarmerie à l'écart des innovations technologiques.
M. Serge Vinçon, président, a félicité le général Guy Parayre pour l'action de la gendarmerie dans le domaine de la sécurité. Il a indiqué que la commission mesurait l'étendue des difficultés liées aux tensions sur les crédits de fonctionnement de l'arme.
M. Jean Faure, rapporteur pour avis des crédits de la gendarmerie, a demandé des précisions sur la provision inscrite au budget 2007 pour les opérations extérieures et sur son éventuelle augmentation. Faisant état des bons résultats obtenus par les Groupes d'Intervention Régionaux (GIR), il s'est interrogé sur les modalités de saisine des GIR par les élus locaux. En matière de politique immobilière, il a demandé des éclaircissements sur le recours croissant aux opérations dites BEA (Bail emphytéotique administratif) et sur les modalités de financement des futures opérations basées sur les autorisations d'occupation temporaire du domaine public, évaluées à 400 millions d'euros en autorisations d'engagement. Enfin, il a demandé des précisions sur les conditions d'utilisation et les effets sur l'organisme humain des pistolets à impulsion électrique (Taser) dont la gendarmerie va commander 1.000 exemplaires en 2007.
Le général Guy Parayre a apporté les éléments de réponse suivants :
- l'activité des groupes d'intervention régionaux, qui réunissent des compétences transversales dans la lutte contre certaines formes de délinquance « souterraine », est effectivement positive ;
- les élus locaux ne peuvent saisir les GIR directement mais peuvent saisir les forces de police ou de gendarmerie de leur département par l'intermédiaire des organismes de prévention, les responsables des GIR étant actionnés par les préfets de région et les procureurs de la république qui doivent exercer des choix de priorité au niveau régional et privilégier certaines actions ;
- les dépenses d'OPEX s'élèveront, en 2006, à 20 millions d'euros pour les dépenses de personnels et à 4,5 millions pour les dépenses de fonctionnement. Une provision de 11 millions d'euros et de 4 millions d'euros, correspondant à ces deux titres, est inscrite au budget 2007 et fait partie de l'enveloppe globale des moyens nouveaux accordés à la gendarmerie. La lisibilité budgétaire en est améliorée d'autant et, en gestion, la provision ainsi réalisée évite les ponctions sur les investissements. Toutefois, cela fait peser des contraintes sur les dépenses de fonctionnement pour 2007, cette provision étant imputée sur l'enveloppe des mesures nouvelles accordées à la gendarmerie. Les coûts de mobilité des escadrons des forces mobiles pourraient faire utilement l'objet, comme les OPEX, d'un provisionnement budgétaire ;
- l'inscription au budget de 400 millions d'autorisations d'engagement supplémentaires en 2007 provient de l'obligation, imposée par le ministère du budget, de prendre en compte, lors de la préparation des contrats immobiliers public-privé avec AOT, la totalité des charges obligatoires qu'ils feront peser sur le budget de l'Etat dans les années futures ;
- les gendarmes étant fréquemment engagés dans des opérations d'une violence croissante, il est préférable qu'ils puissent recourir à une arme efficace mais non létale, comme les pistolets à impulsion électrique. Les « Taser » permettent d'appréhender les personnes violentes avec un risque minimum, tant pour l'agresseur que pour l'agressé. Les services de santé consultés ne font pas état de risques pour la santé des personnes neutralisées par de telles armes.
M. André Rouvière a souligné la différence entre les statistiques relatives à la délinquance, qui attestent de sa diminution, et l'augmentation parallèle du sentiment d'insécurité ressenti par les populations. Il a par ailleurs souhaité que soit établi un bilan du fonctionnement des communautés de brigades et s'est enfin inquiété du poids croissant des opérations extérieures sur l'action de la gendarmerie.
Mme Hélène Luc a estimé que les citoyens, en cas de problème, avaient volontiers recours aux gendarmes dont la formation les prépare bien au contact avec la population. Elle s'est inquiétée des conséquences que pouvaient avoir les déplacements fréquents d'effectifs importants de gardes mobiles et a rappelé l'utilité de la police de proximité. Elle s'est enfin interrogée sur les effectifs de gendarmes déployés au Liban.
Le général Guy Parayre a apporté aux sénateurs les réponses suivantes :
- le nombre de gendarmes présents en OPEX au Liban est actuellement limité à 7 prévôts ;
- le recours aux forces mobiles est indispensable à l'occasion de manifestations importantes, de grands rassemblements, ou de flux de populations liés aux vacances, car les effectifs de gendarmerie territoriale sont alors insuffisants. Ce sont les troupes de gendarmes mobiles et les CRS qui permettent d'adapter à des situations particulières le dispositif territorial. Cependant, la moyenne de déplacement des escadrons de gendarmerie mobile est actuellement de 230 jours par an alors qu'elle devrait être limitée à 130 jours par an ;
- il est préférable d'augmenter les effectifs des pelotons de surveillance et d'intervention ou de projeter du personnel en soutien en cas de problème, plutôt que d'accroître les effectifs des brigades territoriales ;
- la bonne formation des gendarmes leur permet en effet de faire preuve de professionnalisme et de rigueur en cas d'événement grave ;
- en terme de délinquance, un « thermomètre » existe depuis de nombreuses années : le nombre d'infractions relevées par les services. Ce nombre évolue favorablement grâce aux efforts des forces de gendarmerie. Si un sentiment d'insécurité demeure dans la population, la gendarmerie ne peut y remédier qu'en accroissant sa visibilité ;
- un bilan sur les communautés de brigades a été réalisé l'an passé et il convient de laisser passer au moins une année avant d'en effectuer un second. Les commandants de région ont pour rôle de contrôler en permanence les éventuels dysfonctionnements des communautés de brigades. Ceux-ci peuvent avoir pour origine, d'une part, les difficultés qu'éprouvent les responsables de ces communautés à exploiter pleinement les possibilités offertes par cette nouvelle organisation et, d'autre part, un découpage territorial qui doit, dans certains cas, être corrigé au niveau régional ;
- s'agissant de l'incidence des OPEX sur les forces de gendarmerie, 513 gendarmes sur 104.000 hommes sont actuellement engagés sur des théâtres extérieurs, ce qui reste supportable. Les OPEX démontrent la participation active de la France à la politique internationale et au maintien de la paix. Les capacités spécifiques de la gendarmerie sont reconnues par l'Union européenne, l'OTAN et les Nations unies, en particulier lorsqu'il est nécessaire de rétablir l'Etat de droit.
M. André Boyer, évoquant l'action de l'Etat en mer, s'est interrogé sur la contribution de la gendarmerie maritime aux opérations de surveillance des approches et des plans d'eau.
M. Jean-Louis Carrère a exprimé ses doutes sur la réalité des statistiques d'évolution de la délinquance ; évoquant la mission de surveillance des axes routiers, il a insisté sur l'importance de la localisation des forces de gendarmerie et sur les inconvénients qu'il y aurait à multiplier les contrôles dans des zones qui ne présentent pas de risques d'accidents. Il a souligné l'efficacité de l'informatique pour les forces de gendarmerie, tout en souhaitant que le recours à cet outil ne nuise pas à la « visibilité » des gendarmes par la population. Il a rappelé combien les efforts déployés par les gendarmes étaient appréciés lors des flux estivaux et a enfin appelé de ses voeux à un respect réciproque des gendarmes et des parlementaires.
M. Philippe Nogrix s'est enquis du moral des personnels de la gendarmerie, affectés dans le passé par les difficultés liées aux logements ou aux rémunérations. Il a évoqué le problème récurrent de la comptabilisation des « heures-gendarmes » lors des transfèrements des prévenus. Il a enfin abordé les problèmes de sécurité que pouvait poser, ici ou là, la communauté des « gens du voyage ».
M. Joseph Kerguéris s'est inquiété de la distance qu'il sentait s'instaurer entre les gendarmes et la population. Il a souhaité une amélioration des contacts entre les commandants de région et les responsables territoriaux. Les responsables des communautés de brigades, dans leurs fonctions de contrôle et d'organisation, permettent aux brigades de gendarmerie de mieux se situer, tant par rapport à la population que par rapport à leur communauté de brigade.
Le général Guy Parayre a apporté les éléments de réponse suivants :
- en matière d'action de l'Etat en mer, l'ouverture de postes dans la gendarmerie maritime relève du programme 178 dont la responsabilité revient au chef d'état-major des armées ;
- les chiffres relatifs à la délinquance sont publics, vérifiés, et proviennent de l'observatoire indépendant de la délinquance créé en 2003 ;
- s'agissant de la sécurité routière et de la localisation des contrôles, les élus locaux peuvent en discuter avec les autorités de gendarmerie et les préfets. Les directives données aux gendarmes les incitent à se concentrer sur les infractions graves, à effectuer les contrôles dans les zones « accidentogènes », à éviter enfin ce qui peut être perçu comme des tracasseries ;
- le recours aux techniques informatiques et numériques ne doit pas éloigner les gendarmes de la population mais leur permettre au contraire d'être encore plus présents sur le terrain ;
- la formation initiale et continue des gendarmes inclut les valeurs civiques dont le respect réciproque des personnels de gendarmerie et des élus ;
- le moral des gendarmes est bon, mais quelques problèmes subsistent, notamment pour les logements : des insuffisances budgétaires ont eu pour conséquence la dégradation des grandes casernes. Toutefois, la participation des collectivités locales et du secteur privé a permis d'améliorer la situation. En termes de personnels et d'investissements, les objectifs fixés par la LOPSI ne sont pas tout à fait atteints. Au-delà de ces quelques insatisfactions, les gendarmes ont le sentiment de bénéficier du soutien de la population ;
- 2 millions « d'heures-gendarmes » ont été utilisées en 2005 pour les transfèrements de détenus dont le système de vidéoconférences ne permettrait d'éviter qu'une partie. Ces transfèrements devaient être pris en charge par le ministère de la justice, qui pourrait ainsi améliorer la cohérence de ces démarches ;
- s'agissant des difficultés que pourraient poser les gens du voyage, aucun système d'information n'est disponible pour suivre avec précision les mouvements de cette communauté. On constate que les moyens de l'Office de lutte contre la délinquance itinérante sont aujourd'hui insuffisants pour faire face à toutes les demandes ;
- les rencontres entre les responsables de gendarmerie et les élus ont une très grande utilité. Les commandants de région s'attachent à organiser des réunions de travail relatives, notamment, à la construction des casernes, aux problèmes de sécurité routière, aux violences dans les écoles... Les responsables des communautés de brigades, qui sont d'ailleurs de plus en plus souvent des officiers, dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées, s'organisent de telle façon que toutes les responsabilités ne reposent pas sur les commandants de brigades de proximité et que les gendarmes puissent tirer profit du dispositif pour être davantage au contact de la population. .
M. Jean-Pierre Plancade a estimé que des efforts devraient être faits pour que les gendarmes se rapprochent des élus locaux en de nombreuses circonstances, et pas seulement pour aborder les constructions de casernes. Au sujet des gens du voyage, il a indiqué que le principal problème rencontré par les autorités locales tenait à l'occupation des territoires communaux.
M. Jacques Blanc a salué l'expérience innovante de la « gendarmerie à cheval » dans les Cévennes. Il s'est par ailleurs inquiété de l'extension du trafic de drogue dans les zones rurales.
M. Jean-Guy Branger a salué les efforts de la gendarmerie et ses capacités d'adaptation aux situations difficiles. Il a estimé qu'il était indispensable d'offrir aux gendarmes et à leurs familles des conditions confortables de logement.
Le général Guy Parayre a fait observer que la gendarmerie est le reflet de la société et qu'elle a donc évolué avec elle au cours des vingt-cinq dernières années. Il peut parfois exister un décalage entre les jeunes officiers ou sous-officiers et la population dans des territoires qui ne sont pas des régions de recrutement ou d'attractivité. C'est pourquoi, dans chaque brigade, un « ancien » exerce un tutorat sur les jeunes recrues.
Il a confirmé que la lutte contre la drogue devait être menée, certes, au niveau des grands réseaux, mais aussi à celui des petits trafiquants, aucune zone n'étant désormais épargnée.
Mercredi 8 novembre 2006
- Présidence de M. Serge Vinçon, président, et de M. Jean François-Poncet -PJLF pour 2007 - Mission « Défense » - Audition de M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la Défense
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2007 (mission « Défense »).
M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la Défense, a indiqué que, sur une dotation totale de 47,7 milliards d'euros prévue par le projet de loi de finances pour 2007, le ministère de la défense consacrerait plus de la moitié de ce montant à la masse salariale, pensions comprises (24,4 milliards d'euros), ce qui permettra de financer les emplois dans la limite du plafond ministériel (437.000 équivalents temps plein), le restant se répartissant entre les investissements liés à la loi de programmation militaire et à la loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure (15,6 milliards d'euros) et les dépenses de fonctionnement (7,5 milliards d'euros).
Dans cet ensemble, les quatre programmes placés sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration représentent près de 7 milliards d'euros, dont 3,1 milliards d'euros pour le programme « Soutien de la politique de défense » qui relève de la mission « Défense ».
S'agissant des effectifs, les créations d'emplois prévues en application de la loi de programmation militaire et de la LOPSI s'élèveront à 950 emplois pour la gendarmerie, 47 emplois pour le service de santé des armées et 15 emplois pour la DGSE. Le plafond ministériel d'emplois autorisés pour le ministère de la défense diminuera de 3.335 emplois, pour une large part en raison de la suppression de postes vacants, mais aussi en application de mesures d'économies portant sur 1.168 postes.
L'évolution de la masse salariale intègre des mesures en faveur des militaires pour 63,5 millions d'euros, dont 48 millions d'euros au titre du Fonds de consolidation de la professionnalisation (FCP) et du Plan d'amélioration de la condition militaire (PACM) et 15,5 millions d'euros pour la mise en oeuvre du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE), ainsi qu'en faveur des personnels civils pour 15,1 millions d'euros. Le budget de la formation bénéficiera d'une mesure nouvelle de 1 million d'euros et s'élèvera à 19 millions d'euros en 2007. Les mesures en faveur de la réserve représenteront 19 millions d'euros, dont 15 millions d'euros pour les rémunérations, portant les dotations à 154 millions d'euros. Au total, depuis le début de l'entrée en vigueur de la loi de programmation, ce sont 400 millions d'euros de mesures en faveur du personnel, militaire et civil, qui ont été introduits dans la base budgétaire du ministère de la défense.
M. Christian Piotre a présenté l'évolution du programme « Soutien de la politique de défense », qui regroupe sous sa responsabilité les fonctions « support » en vue d'une meilleure cohérence dans l'emploi des ressources et la définition des priorités, notamment les crédits d'investissement immobilier (hors gendarmerie), les ressources du service d'infrastructure de la défense (SID), ainsi que les crédits relatifs aux systèmes d'information d'administration et de gestion.
Les crédits d'infrastructure prévus pour 2007 (717 millions d'euros en autorisations d'engagement et 816 millions d'euros en crédits de paiement) doivent permettre de poursuivre l'effort d'adaptation des infrastructures à vocation opérationnelle. Les principaux projets concernent le pôle stratégique de Paris (21 millions d'euros), l'école d'hélicoptères du Luc (8,7 millions d'euros), les travaux d'infrastructure du VBCI (3,25 millions d'euros), les travaux de l'Île-Longue (59 millions d'euros de crédits de paiement), les infrastructures dédiées au Rafale (12,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement), la reconstruction de l'hôpital Sainte-Anne à Toulon (38,3 millions d'euros) ou l'amélioration de l'hébergement des engagés et sous-officiers célibataires dans le cadre du plan « VIVIEN » de l'armée de terre (50 millions d'euros).
La nouvelle organisation mise en place depuis 2006 a permis d'améliorer assez sensiblement la qualité des travaux entre les états-majors, la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) et le service des infrastructures de la défense (SID), de mieux appréhender les priorités ministérielles, ainsi que de redéployer des crédits ne trouvant pas d'utilisation immédiate du fait du ralentissement de certains programmes.
M. Christian Piotre a rappelé que l'amélioration des conditions de logement du personnel (52 millions d'euros d'autorisations d'engagement, 67 millions d'euros de crédits de paiement en 2007) constituait une préoccupation très forte du ministère, en vue d'atténuer les contraintes résultant de la mobilité géographique des militaires et d'améliorer, ou du moins de maintenir, le pouvoir d'achat des personnels, militaires ou civils, notamment dans les grandes agglomérations.
Grâce aux subventions à des programmes de constructions neuves avec réservation au profit des ressortissants du ministère, 504 logements nouveaux ont été obtenus, dans le cadre de conventions de réservations ou de constructions par bail emphytéotique. Le ministère participe également au financement de programmes de réhabilitation.
Abordant les crédits dévolus à l'action sociale, qui atteignent 88,5 millions d'euros, M. Christian Piotre a précisé que leur réduction apparente provenait de la disparition des subventions aux mutuelles, non conformes à la réglementation communautaire, et du transfert au budget de la fonction publique des crédits consacrés à la prestation pour garde des jeunes enfants. La subvention à l'institution de gestion sociale des armées (IGeSA) a également été réduite d'un montant équivalent à la moitié du résultat d'exploitation positif constaté en 2006 (3 millions d'euros). Le budget 2007 prévoit, en revanche, un montant de 3 millions d'euros de mesures nouvelles destinées à l'accroissement de la capacité d'accueil de la petite enfance dans des crèches et haltes-garderies, à la création d'un chèque emploi service universel ministériel, pour offrir des services à la personne aux familles séparées des militaires pendant de longues périodes d'opérations extérieures ou de navigation, et à l'aménagement de postes de travail supplémentaires au profit des personnels handicapés.
Les ressources budgétaires de l'IGeSA sont réparties entre quatre types d'interventions : le soutien à la vie personnelle et familiale (32,6 millions d'euros), notamment la garde d'enfants, les secours aux ressortissants et le soutien des établissements sociaux gérés par l'IGeSA ; les actions liées à la vie professionnelle (27 millions d'euros), à travers des subventions aux associations, des prêts logement, des aides aux études et à la mobilité, des prestations restauration ; l'aide aux vacances (27,4 millions d'euros) ; les actions de soutien au réseau social (1,44 million d'euros).
M. Christian Piotre a ensuite évoqué la poursuite de la modernisation du ministère, dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme. Celle-ci vise à démontrer que l'important effort budgétaire consenti au profit de la défense trouve sa contrepartie dans une recherche permanente d'optimisation de l'emploi des ressources et une contribution à la politique de réforme de l'Etat. Elle vise aussi à s'adapter à l'évolution de l'environnement socio-économique et administratif, qui est en évolution permanente, par exemple en se conformant aux normes environnementales.
Dans les prochains mois et en 2007, plusieurs projets devraient aboutir ou progresser sensiblement :
- la transformation du service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) en établissement public dans une logique d'identification plus claire de ses moyens ;
- l'externalisation de la gestion des véhicules de la gamme commerciale ;
- l'externalisation de la gestion des logements de la gendarmerie ;
- la convergence des projets d'informatique pour la gestion des ressources humaines et la paie du personnel (civil et militaire) ;
- le raccourcissement des délais de traitement des dossiers de demandes de pensions militaires d'invalidité (PMI) ;
- la constitution du bilan d'ouverture des comptes de l'Etat et la mise en place de la comptabilité générale ;
- la poursuite de la mise en oeuvre du projet « air 2010 » de réorganisation de l'état-major de l'armée de l'air ;
- les expérimentations de l'armée de terre en région sud-est et Ile-de-France ;
- la poursuite des travaux relatifs au maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels aéronautiques, dont le coût annuel est de l'ordre de 3 milliards d'euros, et terrestres.
En conclusion, M. Christian Piotre a considéré que la deuxième année d'application de la LOLF devrait permettre au ministère de la défense de progresser dans trois directions : la simplification de ses procédures, à l'issue d'un retour d'expérience qui va s'effectuer dans les trois prochains mois ; le recours maîtrisé à la fongibilité ; l'assouplissement de la frontière entre emplois civils et militaires.
Il a estimé que le projet de loi de finances pour 2007, dans le prolongement des efforts accomplis depuis le début de l'exécution de la loi de programmation, serait marqué par la poursuite d'un effort financier en faveur du maintien en condition opérationnelle très supérieur aux niveaux initialement envisagés, par le passage de 175 à 375 millions d'euros de la dotation pour les opérations extérieures, par la maîtrise de la masse salariale qui conjugue un effort significatif en faveur des personnels civils et militaires au prix d'une stabilisation, voire d'une légère diminution des effectifs réalisés, et enfin par une forte contrainte sur les dépenses de fonctionnement, que vient encore alourdir la progression des crédits consacrés au carburant, passés de 340 à 410 millions d'euros au prix d'une réduction de plus de 10 % de la consommation.
A la suite de cet exposé, M. Serge Vinçon, président, a souhaité que les enseignements tirés du début de mise en oeuvre de la LOLF au ministère de la défense puissent être communiqués à la commission. Il a relevé que les dépenses effectuées en matière de maintien en condition opérationnelle avaient été supérieures aux prévisions initiales de la loi de programmation et a demandé s'il était possible de chiffrer ce surcoût.
M. Didier Boulaud, rapporteur pour l'environnement et le soutien de la politique de défense, a demandé au secrétaire général pour l'administration quel bilan il tirait du regroupement sous sa responsabilité de l'essentiel des crédits d'infrastructure de la défense. Il a demandé des précisions sur l'indicateur relatif à la maîtrise des coûts et des délais de réalisation des opérations d'infrastructure qui fait apparaître, pour 2007, une prévision de dépassement de 20 % par rapport aux références initiales. Il a souhaité connaître les perspectives de financement du plan « VIVIEN » sur les logements des engagés dans les unités de l'armée de terre, pour les années à venir, et l'éventuelle réorientation de ses objectifs. Il a demandé si les dispositions du décret d'octobre 2005, destiné à faciliter le recours à des entreprises privées pour effectuer les opérations de dépollution préalablement aux cessions d'emprises immobilières, avait commencé à être mises en oeuvre. Il a souhaité des précisions sur le rôle et les moyens de la direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC), en relevant que son premier directeur avait quitté ses fonctions deux mois après la création de la direction générale.
En réponse à ces questions, M. Christian Piotre a apporté les précisions suivantes :
- le regroupement des crédits d'infrastructure sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration a permis plusieurs évolutions positives ; en effet, pour la première fois au sein du ministère de la défense, l'ensemble des responsables des états-majors et services ont partagé leurs informations et ont participé, de manière collégiale, à un exercice de programmation au niveau ministériel ; il en est résulté une meilleure vision globale des opérations et un meilleur taux de consommation des dotations, puisqu'il a été possible, au vu de l'état d'avancement des opérations, de réaffecter des dotations qui ne pouvaient trouver d'utilisation immédiate ; depuis le 1er janvier 2006, ce sont ainsi 115 millions d'euros de crédits de paiement et 225 millions d'euros d'autorisations de programme qui ont été redéployés après examen par le comité de coordination de la fonction immobilière du ministère (CCFI) ;
- il conviendra de poursuivre cet effort d'optimisation en améliorant l'articulation entre la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) et le nouveau Service d'infrastructure de la défense (SID) ; la création toute récente de ce dernier devra favoriser une meilleure gestion des ressources humaines dédiées à la fonction infrastructure, notamment par un recentrage sur les métiers d'ingénierie et sans doute par une réduction de la part des travaux menés en régie ;
- les indicateurs relatifs aux dépassements de coûts et de délais sur les opérations d'infrastructure comparent les réalisations aux prévisions retenues au stade le plus initial des programmes, avant même les études et les avant-projets sommaires ; de ce fait, la prévision de 20 % d'écart pour 2007, qui intègre également les hausses économiques, se situe dans les normes généralement retenues en matière de maîtrise d'oeuvre privée ;
- les annuités financières consacrées au plan « VIVIEN » pour l'hébergement des engagés et des sous-officiers célibataires étaient de l'ordre de 90 millions d'euros lors de la loi de programmation précédente, puis sont revenues à 62 millions d'euros en 2004 et 50 millions d'euros en 2005 ; en 2006, la dotation initiale de 40 millions d'euros a été portée à 46 millions d'euros, et pour 2007, le plan bénéficiera de 50 millions d'euros, niveau qui devrait être stabilisé dans les années à venir ; la pertinence des objectifs fixés pour ce plan est en cours de réévaluation ; il s'agira notamment d'examiner s'il faut maintenir la frontière qui existe aujourd'hui entre la politique de l'hébergement, qui concerne exclusivement les sous-officiers célibataires et les militaires du rang, et la politique de logement familial réservée aux autres catégories ;
- à la suite du décret d'octobre 2005 destiné à faciliter l'accès des entreprises privées aux marchés de dépollution, l'élaboration d'un cahier des charges type a été engagée et la mise en oeuvre des nouvelles dispositions devrait prendre son plein effet en 2007 ; pour autant, dès cette année, des entreprises privées ont pu se voir confier certaines opérations de dépollution préalables à la cession d'emprises ; face au risque d'engorgement des dossiers lorsque tous les instruments seront en place, il est envisageable de renforcer temporairement les services chargés de les instruire ;
- la direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC) constitue une innovation, puisqu'aucune structure n'avait jusqu'à présent été chargée de définir une politique générale en la matière au sein du ministère de la défense ; la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information (DIRISI) est, quant à elle, chargée de coordonner l'exploitation des réseaux ; enfin, à un troisième niveau, la responsabilité de la programmation relève du chef d'état-major des armées pour les systèmes opérationnels, du délégué général pour l'armement pour les systèmes à vocation scientifique et technologique, et du secrétaire général pour l'administration pour l'informatique de gestion ; la DGSIC a pour principale responsabilité de donner des lignes directrices en matière de standards, de veiller, en liaison avec le SGDN, à la sécurité des systèmes d'information et de définir les métiers et les compétences pour lesquels le ministère se doit de disposer de personnels adaptés ;
- le retour d'expérience sur la première année d'application de la LOLF fera sans doute apparaître la nécessité de simplifier les procédures sur lesquelles pèsent encore beaucoup trop de contraintes, pour passer d'une culture de contrôle permanent à une culture du contrat ; on peut également imaginer des évolutions dans la gestion de la masse salariale, en utilisant la possibilité offerte par la LOLF de transferts entre emplois civils et emplois militaires, dans un sens ou dans l'autre, pour mieux répondre aux besoins spécifiques de chaque armée ou service ; un séminaire, prévu en janvier 2007, aura vocation à formaliser les premières conclusions et à proposer des orientations au ministre ; les membres des commissions parlementaires compétentes pourraient utilement être associés à ces travaux ;
- depuis le début de la loi de programmation, le maintien en condition opérationnelle a effectivement reçu des dotations supérieures aux prévisions initiales.
M. André Rouvière s'est interrogé sur les difficultés éventuelles dans le recrutement et la fidélisation des personnels du service de santé des armées. Il a demandé des précisions sur le provisionnement des surcoûts des opérations extérieures en loi de finances initiale.
M. Jean-Guy Branger a rendu hommage aux compétences du service de santé des armées. Il a lui aussi souhaité connaître l'ampleur des départs anticipés des personnels, notamment des médecins et chirurgiens.
M. Jean-Louis Carrère a rappelé les engagements pris en 2002 sur le rétablissement de la disponibilité des matériels et a demandé si cette dernière était désormais satisfaisante.
Mme Hélène Luc s'est inquiétée du volume important des diminutions d'emplois civils et militaires pour la mission « Défense » en 2007. Elle a demandé des précisions sur l'évolution des rémunérations des militaires par rapport aux fonctionnaires civils, rappelant que cette question avait été soulevée lors du débat sur le nouveau statut général des militaires.
M. Jean-Pierre Plancade a souligné les efforts d'adaptation très importants menés, depuis plusieurs années, par le service de santé des armées, ainsi que l'alourdissement de la charge de travail pour les médecins militaires.
M. André Boyer s'est interrogé sur l'impact, pour le recrutement, de la rémunération des médecins militaires. Par ailleurs, il a évoqué les modalités de financement retenues, dans le projet de loi de finances, pour les frégates multi-missions. Il a relevé qu'une partie des crédits de paiement serait inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2006 et a remarqué qu'il aurait été plus conforme au principe de sincérité budgétaire de faire figurer l'ensemble des crédits dans le projet de loi de finances pour 2007.
En réponse à ces différentes interventions, M. Christian Piotre a apporté les réponses suivantes :
- le rôle éminent du service de santé pour les armées est largement reconnu, y compris par des armées étrangères qui n'ont pas maintenu un effort aussi important dans le soutien médical ; il apparaît également que l'existence d'une infrastructure hospitalière de qualité est un gage d'efficacité pour les interventions en opérations extérieures ; le maintien de la ressource en personnels qualifiés exige une adaptation permanente ; s'agissant des infirmiers hospitaliers, les difficultés de recrutement sont communes au secteur civil et aux hôpitaux militaires ; en ce qui concerne les médecins, l'attraction du secteur libéral semble moins forte et les mesures prises en matière de recrutement et de fidélisation produisent des effets ; la rémunération des élèves médecins dans les écoles du service de santé des armées est un élément majeur de l'attractivité ; elle a pour contrepartie un engagement de durée de service dans les armées ;
- les armées tiennent à jour en permanence les surcoûts liés aux opérations extérieures ; elles bénéficient ensuite de versements en fonction de leurs besoins ; à titre d'illustration, ceux-ci portent plutôt sur les rémunérations et charges sociales pour l'armée de terre, et plutôt sur les carburéacteurs pour l'armée de l'air ;
- l'établissement de nouveaux types de relations avec les industriels, les opérations de rénovation menées sur certains matériels terrestres et la mise en place du service de soutien de la flotte ont contribué à améliorer le niveau de disponibilité des matériels ;
- sur les 3 335 suppressions d'emplois prévues en 2007, environ 1 500 portent sur des emplois qui n'étaient pas financés et donc pas pourvus ; le restant se répartit entre des emplois transférés, notamment vers des établissements publics, et des économies voulues sur certains types de postes ;
- le Haut comité d'évaluation de la condition militaire instauré par la loi portant statut général des militaires rendra ses premières conclusions, en début d'année 2007, sur l'évolution respective des rémunérations des militaires et du milieu civil ;
- l'abandon du projet de financement innovant pour le programme de frégates multi-missions a débouché sur une solution de compromis, qui n'est sans doute pas exempte de reproches, mais qui concilie l'approche budgétaire traditionnelle et une vision plus économique et pluriannuelle du programme ; de ce fait, les crédits de paiement seront effectivement répartis entre la loi de finances rectificative pour 2006 et la loi de finances pour 2007.
PJLF pour 2007 - Mission « Défense » - Forces terrestres - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite examiné le rapport pour avis de M. André Dulait sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007 au titre de la mission « Défense » pour la préparation et l'équipement des forces terrestres.
M. André Dulait, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits consacrés à la préparation et à l'équipement des forces terrestres s'élèveraient à 11 milliards d'euros en 2007 et évolueraient en cohérence avec les crédits de la mission « Défense », dont ils représentent 30 %, témoignant de la grande continuité de l'effort engagé depuis 2002, en conformité avec la loi de programmation. Il a néanmoins estimé que le recrutement et la fidélisation des personnels, ainsi que le nécessaire renouvellement d'un grand nombre d'équipements aujourd'hui arrivés à la limite de leur durée de vie constituaient deux défis majeurs pour des forces terrestres dans le contexte d'un rythme élevé d'engagement en opérations.
S'agissant des personnels, M. André Dulait, rapporteur pour avis, a précisé que le plafond d'emplois des forces terrestres diminuerait de 2 300 emplois pour les militaires et de 1 400 emplois pour les civils en 2007, mais qu'en neutralisant les transferts de personnels vers d'autres actions et la suppression de postes vacants, les diminutions réelles ne porteront que sur un peu plus de 300 emplois militaires et de 200 emplois civils. Selon les responsables de l'armée de terre, les crédits de masse salariale prévus en 2007, soit 7,3 milliards d'euros, devraient globalement permettre de stabiliser les effectifs au niveau atteint de 2006, tout en bénéficiant de la poursuite au rythme prévu des différents plans d'amélioration de la condition des personnels civils et militaires prévus par la loi de programmation.
Le rapporteur pour avis a rappelé que le chef d'état-major des armées s'était refusé à parler de « surchauffe », le niveau actuel des déploiements en opérations extérieures restant « soutenable » au regard d'un effectif global de plus de 120 000 militaires, même si le rythme et la répétition de missions souvent difficiles, comme en Afrique, en Afghanistan et aujourd'hui au Liban, pèsent sur les personnels. Pour autant, il a estimé qu'il sera impératif de rechercher une répartition optimale de ces effectifs pour mieux répondre aux besoins opérationnels. Il a notamment évoqué un rééquilibrage entre les différentes fonctions, principalement au profit de l'infanterie, et aussi entre les différents métiers, dans la perspective d'un recentrage vers les activités opérationnelles.
Il a par ailleurs souligné que la situation actuelle du recrutement, considérée comme convenable, ne peut être considérée comme définitivement acquise et que l'armée de terre restait en deçà de ses objectifs en matière de fidélisation, les taux de départ étant supérieurs au souhaitable lors des renouvellements de contrats comme dans les premiers mois d'engagement.
Le rapporteur pour avis a indiqué que l'enveloppe prévue pour le fonctionnement courant des forces terrestres permettrait de maintenir au niveau de 2006 le volume des activités des forces, au prix toutefois d'économies supplémentaires sur le budget déjà très contraint des unités.
Il a précisé que les crédits de paiement destinés à l'entretien programmé du matériel des forces terrestres atteindraient 600 millions d'euros en 2007, contre 380 millions d'euros en 2002, soit une progression de 60 % en cinq ans. Cette dotation, supérieure de 20 millions d'euros à celle prévue par la loi de programmation, traduit l'ampleur des efforts entrepris, mais également les coûts croissants du maintien en condition opérationnelle.
M. André Dulait, rapporteur pour avis, a considéré que dans un tel contexte, la nouvelle politique de gestion et d'emploi des parcs de matériels, annoncée par le chef d'état-major de l'armée de terre, marquait une inflexion majeure, puisqu'elle viserait à concentrer l'effort sur les matériels les plus sollicités dans les engagements actuels et limiter la part consacrée aux matériels dédiés à la menace conventionnelle classique, qui ne seraient plus nécessairement placés en dotation dans les unités en même nombre qu'aujourd'hui.
Abordant les programmes d'équipement des forces terrestres, M. André Dulait, rapporteur pour avis, a souligné que les crédits de paiement prévus pour 2007 seraient très proches de ceux prévus par la loi de programmation. Le niveau des autorisations d'engagement, bien que supérieur de 20 % à celui de 2006, est en revanche nettement inférieur aux prévisions de la loi de programmation militaire. La conséquence la plus visible en sera la réduction de 34 à 12 de la première commande des hélicoptères de transport NH90. Le rapporteur pour avis a rappelé que la ministre et les chefs d'état-major avaient assuré que les échéanciers de livraison n'étaient pas remis en cause, mais il a appelé à une vigilance particulière sur ce sujet, compte tenu de la situation difficile de nos hélicoptères de transport et de l'abandon du programme de rénovation d'une partie du parc de Puma.
Sur un plan plus général, il a souligné que l'armée de terre se trouverait dans les années à venir devant une équation financière de plus en plus difficile à résoudre. L'âge moyen des principaux matériels utilisés en opérations est très élevé : 26 ans pour les hélicoptères Puma, 26 à 28 ans pour les blindés chenillés AMX 10P, 20 à 22 ans pour les blindés à roues Sagaie ou AMX 10RC. Les échéances de remplacement convergent et deviennent urgentes. Alors que le budget d'équipement des forces terrestres est compris depuis plusieurs années entre 2,5 et 3 milliards d'euros, les projections financières font apparaître, d'ici à 2010, un quasi-doublement des besoins de paiement, notamment sous l'effet des programmes majeurs Tigre, NH90, VBCI, missile sol-air moyenne portée et FELIN.
M. André Dulait, rapporteur pour avis, a estimé que la part qui serait réservée aux équipements terrestres, alors que l'armée de terre fournit la contribution principale aux opérations extérieures, sera l'un des enjeux de la prochaine loi de programmation.
En conclusion, il a jugé que les interrogations sur l'avenir et la nécessité où se trouverait l'armée de terre de centrer ses priorités sur les besoins les plus liés aux engagements réels en opération ne remettaient pas en cause l'appréciation positive que mérite le budget des forces terrestres.
Il a invité la commission à émettre un avis favorable sur les crédits de la mission « Défense » pour 2007.
M. Serge Vinçon, président, a souligné le lien étroit entre le volume des effectifs des forces terrestres et la capacité d'intervention de la France dans les opérations extérieures. Il a estimé qu'une diminution du format de l'armée de terre aurait un impact immédiat sur nos possibilités de déploiement. Il a relevé qu'avec la livraison des premiers missiles Aster 30 en 2007, la France allait acquérir une capacité de défense antimissile de théâtre, conformément à l'orientation fixée par le Président de la République en juin 2001. Enfin, il s'est inquiété du risque que ferait courir, pour notre capacité aéromobile, déjà affaiblie jusqu'en 2011, un ralentissement du rythme de livraison des hélicoptères NH 90. Il a déclaré partager l'appréciation positive du rapporteur pour avis sur le budget pour 2007, ainsi que ses observations sur les défis difficiles auxquels les forces terrestres seront confrontées au cours des prochaines années.
Mme Hélène Luc s'est inquiétée des réductions d'emplois prévues pour les forces terrestres en 2007.
M. André Dulait, rapporteur pour avis, a précisé que l'essentiel des réductions d'emplois portait sur des postes vacants ou transférés vers d'autres actions, les réductions réelles ne portant que sur un peu plus de 300 emplois militaires et de 200 emplois civils.
PJLF pour 2007 - Mission «Défense » - Forces navales - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. André Boyer sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007 au titre de la mission « Défense » pour la préparation et l'équipement des forces navales.
M. André Boyer, rapporteur pour avis, a tout d'abord rappelé qu'il n'existait pas, à proprement parler, de crédits des forces navales, mais des crédits d'équipement et de préparation et d'emploi dévolus aux forces navales et répartis sur les deux principaux programmes de la mission « Défense ».
Il a indiqué que l'action « Equipement des forces navales » était dotée de 2,24 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et de 2,18 milliards de crédits de paiement, soit un quart des engagements du programme « Equipement des forces ».
Il a rappelé que, sur le plan budgétaire, la marine était avant tout une armée d'équipements, ses programmes étant lourds, coûteux et longs à réaliser, alors que plusieurs catégories d'équipement, vieillissantes, demandaient à être renouvelées, voire, comme pour le porte-avions, complétées. Un indicateur permet de mesurer ce vieillissement : les bâtiments de la marine française sont, en moyenne, en service depuis plus de vingt ans, alors que la moyenne devrait s'établir autour de quinze ans.
Il a ensuite dressé un bilan de l'exécution de la loi de programmation militaire. Globalement, les annuités budgétaires prévues pour l'équipement des forces navales ont été respectées, la norme de dépenses prévue ayant été suivie. Toutefois, pour l'état d'avancement des programmes, le bilan est plus contrasté, pour plusieurs raisons : les besoins de la remise à niveau de la disponibilité des matériels, la restructuration de DCN et la sous-évaluation manifeste de l'enveloppe dévolue à certains programmes. Il a ajouté que les programmes réalisés en coopération, mis en commun à un stade parfois avancé du développement, étaient encore trop souvent synonymes de retards, comme pour l'hélicoptère de transport NH 90 ou pour la commande du second porte-avions, soumis aux nécessités de la coopération avec nos partenaires britanniques. Enfin, des programmes déjà anciens comme le renouvellement de la composante marine de la dissuasion ou l'avion de combat Rafale, soumis à des étalements successifs, continuaient de peser sur le budget d'équipement.
M. André Boyer, rapporteur pour avis, a estimé que l'examen des livraisons et des commandes prévues en 2007 illustrait bien la problématique des équipements de la marine. Il a indiqué qu'avec l'arrivée des deux bâtiments de projection et de commandement, Mistral et Tonnerre, la défense était dotée de capacités amphibies modernes et de moyens de commandement d'opérations renforcés. Il a rappelé que les TCD Ouragan et Orage seraient désarmés après 41 et 39 ans de service.
Les deux bâtiments du programme Horizon de frégates anti-aériennes et le système d'armes associé, dont les livraisons étaient attendues en 2007 et 2008, permettraient d'envisager le désarmement du Duquesne, entré en service en 1970. Il a rappelé qu'après le désarmement du Suffren, intervenu en 2000, le parc des frégates anti-aériennes avait été réduit de quatre à trois unités. Le troisième bâtiment du programme, prévu par la loi de programmation, a été abandonné au profit d'une capacité anti-aérienne pour deux frégates multimissions, sans que la commande de deux plateformes complémentaires soit encore programmée.
Il a rappelé que le programme des frégates multimissions, qui porte sur dix-sept bâtiments et entre en phase de réalisation, était déterminant pour le caractère océanique de la marine française, c'est-à-dire sa capacité à intervenir en haute mer sur différents points du globe. Or, pour le financement de ce programme, la Défense a constaté l'insuffisance des crédits prévus par la loi de programmation militaire en raison du changement de statut de DCN, ce qui l'a un temps conduite à envisager d'autres modes de financement. Cette solution, qui provoquait de fortes réticences, ayant été écartée, la Défense bénéficie, chaque année, jusqu'en 2008, d'une enveloppe complémentaire. M. André Boyer, rapporteur pour avis, a regretté que cette dotation, d'ores et déjà chiffrée, ne soit pas inscrite en loi de finances initiale, mais en loi de finances rectificative, ce qui nuit à la fois à la lisibilité et à la sincérité du projet de loi de finances.
Il a ensuite évoqué les commentaires selon lesquels les équipements de la marine, porte-avions et sous-marins, feraient l'objet d'un traitement privilégié. Il a ainsi rappelé que la phase de définition des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda avait été lancée en 1998, et que, d'ores et déjà, le prolongement des sous-marins de la classe rubis devait être envisagé au-delà de 20 ans de service, sauf à envisager une rupture capacitaire. Pour ce qui concerne le porte-avions, il a rappelé que la rupture capacitaire, partielle depuis 2001 et le retrait du service du Foch, serait totale à partir de juin 2007, le Charles-de-Gaulle devant subir des opérations d'entretien pendant 15 mois.
Il a indiqué que sur l'ensemble des programmes, plus de 12 milliards d'euros d'engagements auraient été pris à la fin de l'année 2007, soit l'équivalent d'environ 6 années de crédits de paiement.
M. André Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite abordé l'action préparation et emploi des forces navales, dotée de 4,8 milliards d'euros de crédits de paiement.
Il a précisé que les crédits du titre 2, les dépenses de personnels, représentent 60 % du total, soit 2,6 milliards d'euros pensions comprises et 42.324 équivalents temps plein travaillés. Il a noté qu'à périmètre constant, les effectifs étaient stables même si, comme tel est le cas chaque année, leur structure évoluait : des postes ont ainsi été transférés à l'état-major des armées ainsi qu'à différents organismes interarmées. La marine avait aussi dû dégager des postes de gendarmes maritimes pour assurer la nouvelle mission de surveillance des plans d'eau portuaires qui lui a été confiée.
Il a relevé que, pour 2007, les crédits et les sous-actions hors titre 2 étaient répartis en trois grandes fonctions regroupant différentes sous-actions : commandement et ressources humaines, logistique et activités des forces. Il a regretté que cette répartition, par ailleurs pertinente, se soit accompagnée d'une réduction regrettable du niveau de détail dans la présentation des crédits.
Il a indiqué que la fonction « logistique » était dotée de 1,4 milliard d'euros hors titre 2, en progression de 12,8 %, l'année 2007 étant marquée par la grande période d'entretien du porte-avions Charles-de-Gaulle et par la poursuite de celle du SNLE le Téméraire.
En évoquant le soutien, il a détaillé la question de la TVA. Il a rappelé qu'après le changement de statut de DCN, les équipements de la marine avaient été soumis, tant pour les constructions neuves que pour les réparations, à la pleine application de la TVA, ce qui entraînait un différentiel de 8 à 10 %. Conformément aux dispositions de la loi de programmation militaire, la TVA faisait l'objet d'une compensation par une dotation complémentaire, mais ce système entraîne plusieurs difficultés. Cette dotation n'est souvent que partiellement budgétée en loi de finances initiale et son affectation aux programmes concernés, notamment au soutien, n'est pas toujours respectée. Il a souligné que la marine avait sollicité une modification de la directive communautaire relative à la TVA pour dispenser les constructions navales de cet impôt, à l'instar de ce qui est pratiqué dans la plupart des pays d'Europe mais que, compte tenu des difficultés qui s'attachent à la révision de cette directive, la solution devait être recherchée entre le ministère des finances et celui de la défense. Il a souhaité que, dans un premier temps, ces crédits, qui représentent un jeu à somme nulle pour l'Etat et non une dotation supplémentaire pour les équipements, soient identifiés dans une ligne budgétaire spécifique et détaillés dans la justification au premier euro, afin de mieux apprécier la conformité de la compensation aux besoins et de s'assurer que la TVA ne pesait pas sur le budget de la marine.
Il a indiqué que le taux de disponibilité technique des bâtiments de la marine progressait et devrait ainsi atteindre, pour les 80 bâtiments du modèle 2015, un taux de 74,3 % en 2006. Il a noté que ce taux intégrait les indisponibilités programmées pour entretien, mais ne couvrait pas forcément la disponibilité de l'ensemble des systèmes d'armes.
En revanche, le taux de disponibilité des matériels aéronautiques, avec 53 % de disponibilité en 2005, restait nettement inférieur à l'objectif cible de 70 % et même aux prévisions 2005.
Evoquant la fonction « Activité des forces », dotée de 139,5 millions d'euros, soit 7,7 % des crédits de l'action disponibles hors titre 2, le rapporteur a souligné qu'elle restait placée sous forte contrainte, notamment en raison du maintien à un niveau élevé des prix du carburant.
M. André Boyer, rapporteur pour avis, a observé en conclusion que l'idée de pouvoir retrouver des marges de manoeuvre dans la réduction des crédits d'équipement de la Défense était souvent évoquée. Il a souligné que ce type d'économie n'était pas pérenne et que pour ce qui concernait les forces navales, certains de ces équipements n'étant pas encore financés, il s'agirait plus, devant la « bosse » de financement prévisible, de ne pas augmenter les crédits d'équipement autant que nécessaire que de retrouver des marges de manoeuvre par rapport au budget actuel. Il a souhaité que les économies sur la fonction « Soutien », par la recherche d'une meilleure productivité du dispositif, puissent se poursuivre, en soulignant qu'elles devraient être conduites en partenariat avec les industriels et notamment DCN.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
M. Serge Vinçon, président, a souligné les contradictions entre la volonté de certains de réduire les crédits de Défense et celle d'un engagement important de la France dans le règlement des crises. Il a rappelé que l'étalement des programmes conduisait à des surcoûts, à la fois sur les programmes et sur l'entretien de matériels vieillissants. Il a fait observer que le coût de construction d'un deuxième porte-avions, immédiatement après celle du Charles-de-Gaulle, se serait élevé à 2 milliards d'euros, alors que le coût de cette même construction serait désormais substantiellement plus élevé. Soulignant l'impact politique lié à l'impossibilité de disposer d'un porte-avions dans l'hypothèse d'une crise survenant au cours d'une période d'entretien, il a estimé que la France, membre permanent du Conseil de sécurité, devait disposer des moyens nécessaires à la sécurité du pays et à la défense de ses intérêts.
M. Robert Del Picchia a souligné le risque de voir les crédits d'équipement diminuer s'ils n'étaient plus assujettis à la TVA.
M. André Dulait a rappelé que le changement de statut de DCN avait entraîné l'application d'autres dispositions fiscales, répercutées sur les prix de l'industriel, alors qu'il s'agit d'un jeu à somme nulle pour l'Etat.
M. Jacques Blanc a considéré que la question de l'assujettissement à la TVA devait être examinée avec prudence, afin que la solution retenue ne nuise pas, in fine, à la marine.
M. André Boyer, rapporteur pour avis, a considéré que la dispense de TVA serait préférable à la compensation, si cette compensation n'est pas intégrale. Il a donné des précisions sur le calendrier et les caractéristiques du second porte-avions.
Nominations de rapporteurs
La commission a ensuite désigné comme rapporteurs :
- Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur le projet de loi n° 3080 (AN - 12e législature), en cours d'examen à l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la construction d'un pont routier sur le fleuve Oyapock reliant la Guyane française et l'Etat de l'Amapà ;
- Mme Hélène Luc sur le projet de loi n° 3387 (AN - 12e législature), en cours d'examen à l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport ;
- M. Philippe Nogrix sur le projet de loi n° 37 (2006-2007) autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données.
PJLF pour 2007 - Audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères
Présidence de M. Jean François-Poncet, vice-président. -
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2007.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a tout d'abord indiqué que les crédits du ministère, détaillés en cinq programmes répartis sur trois missions, s'établissaient pour 2007 à 4,5 milliards d'euros, soit une hausse globale de 3,8 %.
Les crédits du programme « Action extérieure de la France » augmentent de plus de 7,5 %, hors masse salariale. 50 millions supplémentaires sont affectés aux seize opérations de maintien de la paix des Nations unies et 10 millions aux autres contributions internationales. Le ministre a précisé que cette augmentation était conforme au contrat de modernisation conclu par le ministère, qui prévoyait un rebasage de ces contributions sur trois ans. Il a cependant considéré que la résolution des crises échappait à un cadre planifié et que la budgétisation de dépenses nouvelles n'était pas achevée. Un appel à contribution des Nations unies au début de l'année 2007 devrait ainsi être supérieur à 50 millions d'euros.
Rappelant la séquence budgétaire de la mise en place de la FINUL, il a précisé que le ministère de la défense avait engagé des crédits d'opérations extérieures en 2006, que le ministère des affaires étrangères financerait un appel de fonds au titre des opérations de maintien de la paix en 2007 et que les Nations unies procéderaient à des remboursements au cours de l'année 2008.
Le ministre a noté que les contributions multilatérales mobiliseraient en 2007 plus de 40 % des crédits du ministère des affaires étrangères, aide au développement incluse.
Le ministre a ensuite évoqué l'action consulaire, indiquant que, dans le cadre de l'action du Gouvernement en faveur de la maîtrise des flux migratoires, les crédits dévolus à cette action augmentaient. Il a précisé que l'introduction de la biométrie dans les visas, expérimentée au départ dans 5 consulats, serait étendue à 20 consulats supplémentaires en 2007, avant d'être généralisée en 2008. 16 millions d'euros supplémentaires étaient affectés à ce dispositif en 2007, conformément aux stipulations du contrat de modernisation. Il a rappelé que les frais de visas Schengen seraient portés de 35 à 60 euros au 1er janvier 2007.
Evoquant la politique d'asile, le ministre a souligné que les délais de traitement des demandes d'asile avaient été réduits et qu'une diminution des demandes en instance permettait une légère décrue des moyens consacrés à leur traitement.
M. Philippe Douste-Blazy a ensuite abordé les crédits du programme « rayonnement culturel et scientifique » qui s'inscrivent en hausse de 9 millions d'euros, dont 8 pour le réseau scolaire à l'étranger, avec l'objectif de donner à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger les moyens d'améliorer son offre de bourses scolaires. Il a précisé que les crédits de l'Agence mis en réserve au titre de l'année 2006 avaient été en grande partie dégelés. A partir de 2007, la subvention serait versée à un rythme mensuel, la mise en réserve légale étant ramenée de 5 % à 0,15 % du fait de la forte composante de crédits de personnels du budget de l'Agence. Il a rappelé que l'Agence poursuivait un important programme de rénovation et de construction de lycées, dont plusieurs projets en partenariat public-privé.
Le ministre a ensuite indiqué que des redéploiements avaient été opérés au profit de la francophonie et, notamment, d'un plan de relance du français en direction des nouveaux Etats membres de l'Union européenne.
Il a observé que la modernisation du réseau des établissements culturels se poursuivait en privilégiant quatre missions : l'attractivité de la France, le débat d'idées, l'ingénierie culturelle et l'enseignement. La suppression de doublons avec le réseau des Alliances françaises rendait possible des redéploiements vers la Russie et la Chine, tandis que la fusion de deux opérateurs en matière culturelle avait été réalisée au sein du nouvel opérateur CulturesFrance. De même, une clarification des missions des différents opérateurs intervenant dans l'accueil et la gestion des bourses des étudiants étrangers, dont la France est devenue le troisième pays d'accueil, est recherchée par la création de l'opérateur CampusFrance.
M. Philippe Douste-Blazy a ensuite abordé les crédits du programme « Audiovisuel extérieur », intégrés dans la mission « Médias », placée sous l'autorité du Premier ministre. Afin de favoriser le pilotage des crédits de ce programme, le Conseil audiovisuel extérieur de la France a été réactivé avec trois objectifs : l'amélioration de la capacité d'analyse et de décision stratégique, la réalisation d'arbitrages budgétaires et la promotion de la visibilité de l'action de l'Etat, notamment par l'élaboration d'un rapport annuel. Les crédits du programme sont stables, mais opèrent un rééquilibrage en faveur de TV5 pour le financement de la politique de sous-titrage de la chaîne, tandis que les économies réalisées par RFI ont permis de réduire les moyens budgétaires accordés à cet opérateur.
Abordant les crédits du programme « Solidarité avec les pays en développement », le ministre a indiqué que l'objectif de 0,5 % du produit intérieur brut consacré à l'aide publique au développement serait atteint en 2007, les crédits du programme y contribuant par une augmentation de 72 millions d'euros et par des ressources extrabudgétaires en provenance de l'Agence française de développement. Cet effort porte sur la lutte contre les grandes pandémies, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme bénéficiant en particulier d'une dotation portée à 300 millions d'euros en 2007, complétée par le produit de la contribution de solidarité sur les billets d'avion, affectée à Unitaid qui est une facilité internationale d'achat de médicaments. Les premières actions d'UNITAID ont été lancées avec l'objectif de placer 250.000 enfants sous traitement avant la fin de l'année 2007.
Le ministre a indiqué que l'aide-projet bilatérale augmenterait globalement de 50 millions d'euros en 2007, grâce à la mobilisation des ressources propres de l'Agence française de développement.
M. Philippe Douste-Blazy a enfin abordé son action de modernisation du ministère. Il a évoqué la réunion, le 25 juillet 2006, du Comité interministériel sur les moyens de l'Etat à l'étranger, dont la dernière réunion s'était tenue en 1996. Le CIMEE a approuvé une directive nationale d'orientation des ambassades et a donné des orientations pour favoriser le redéploiement progressif du réseau vers les pays émergents et la mutualisation de la gestion des moyens à l'étranger.
En conclusion, M. Philippe Douste-Blazy a estimé que les efforts consentis et négociés dans le cadre du contrat de modernisation reposaient sur un cadrage politique clair, la hausse des moyens d'intervention du ministère s'accompagnant d'une contribution légitime à la baisse des effectifs de la fonction publique de l'Etat. Il a indiqué que la masse salariale diminuait de 1, 4 %, avec la suppression de 141 postes et le transfert de 129 autres à l'Agence française de développement, mais que le ministère était assuré de conserver le fruit de ses efforts de productivité, gage essentiel de la poursuite de sa modernisation.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », a souhaité obtenir des précisions sur les conclusions de la dernière réunion du Comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger (CIMEE). Il a souligné qu'en dépit de l'apport de 50 millions d'euros en 2007, le rebasage des opérations de maintien de la paix restait insuffisant et que cette situation risquait de nuire aux actions bilatérales du ministère.
M. Philippe Douste-Blazy a apporté les éléments de réponse suivants :
- le CIMEE a adopté le principe d'un plan d'action unique par pays et appuyé l'installation de « campus diplomatiques », regroupements de services qui sera effectif dans un premier temps à Madrid et à Djakarta. La cohérence de l'action extérieure de la France sera renforcée par la relance de l'enquête annuelle sur les moyens de l'État à l'étranger qui devrait favoriser la prise de décision sur les choix de gestion. La mise en place de services administratifs et financiers uniques (SAFU) interministériels devrait conforter le rôle de l'ambassadeur comme ordonnateur secondaire unique. Dix postes seront dotés de SAFU en 2007. La rationalisation de l'action extérieure sera poursuivie par le redéploiement de personnel des pays de l'Union européenne à quinze vers les pays émergents, selon un mouvement comparable à celui effectué par les services diplomatiques américains. Un redéploiement devrait également s'opérer pour les ministères de l'économie et des finances, de l'intérieur et de la défense. 1.500 emplois du ministère des affaires étrangères devraient ainsi être redéployés sur trois ans au profit, notamment, des effectifs consulaires en Chine. Enfin, le CIMEE a prévu la généralisation des contrats d'objectifs et de moyens avec les opérateurs de l'Etat à l'étranger ;
- le rebasage progressif des contributions aux opérations de maintien de la paix s'accompagne d'efforts pour en encadrer le montant. En dix ans, les effectifs des opérations de maintien de la paix (OMP) sont passés de 20.000 à 80.000 personnes et leur coût d'1,25 à 5 milliards de dollars. L'opération décidée par l'ONU au Soudan devrait ainsi mobiliser quelque 20.000 hommes. La croissance des effectifs va de pair avec une complexité et une diversité croissantes des missions. La contribution de la France, membre permanent du Conseil de sécurité, s'élève à 7,32 % et occupe le cinquième rang des contributeurs. Les crédits des OMP, provisionnels sous le régime de l'ordonnance de 1959, sont devenus limitatifs sous l'empire de la LOLF. Depuis 2004, des apports ont été nécessaires en loi de finances rectificative et les 50 millions d'euros supplémentaires que comporte le projet de loi de finances pour 2007 ne seront vraisemblablement pas suffisants, compte tenu du renforcement de la FINUL et de l'opération prévue au Soudan. Le rebasage devra donc être poursuivi. Parallèlement, la France s'efforce de mieux contrôler les OMP, selon deux axes : le renforcement du dialogue préalable au niveau interministériel et au niveau international et la participation d'inspecteurs français au corps d'inspection de l'ONU. Des contrôles a posteriori et des audits des opérations de maintien de la paix sont régulièrement réalisés.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis des crédits de l'action culturelle extérieure, a souligné la difficulté qui s'attache à l'étude de l'action culturelle, dont les crédits sont répartis sur deux missions, selon que le pays destinataire est considéré comme développé ou non par la classification de l'OCDE. Elle a souhaité savoir si l'homogénéité de cette politique publique pourrait un jour être retrouvée.
Elle a relevé que la totalité de l'augmentation des crédits du programme 185 était absorbée par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui restait cependant une structure fragile. Elle s'est interrogée sur la proportion des crédits de l'Agence mis en réserve ayant bénéficié d'un dégel, et sur la position du ministère des affaires étrangères quant au transfert, par l'Assemblée nationale, des crédits destinés aux bourses des élèves français du programme 185 au programme 151.
Elle a considéré qu'un jugement sur la mise en place de l'opérateur CulturesFrance était prématuré, mais que la mise en place de CampusFrance, annoncée en juin 2006, nécessitait le règlement de la question du statut juridique de cet opérateur. L'intégration dans cette structure des services internationaux du CNOUS était indispensable à sa cohérence.
Evoquant l'accueil des étudiants étrangers, elle a souligné la baisse du nombre de visas, singulièrement pour les régions du Maghreb et du Proche et Moyen-Orient, qui fournissent actuellement le tiers de l'effectif des doctorants en sciences physiques et en mathématiques. Cette baisse se conjugue à celle des crédits consacrés à l'enseignement supérieur et de la recherche au service du développement, qui ont diminué de 30 % en deux ans.
Elle a douté de la possibilité de réels arbitrages budgétaires au sein de la mission « Médias », s'étonnant de ce que le contrat de France 24 prévoie une augmentation de 4 % par an, pendant quatre ans, de ces crédits, semblant s'affranchir ainsi de l'autorisation parlementaire. Elle a noté que l'augmentation des crédits de TV5 ne permettrait pas de réaliser le plan d'orientation stratégique de la chaîne, et que RFI, ayant retrouvé des marges de manoeuvre budgétaires grâce à une négociation réussie, s'était vue privée des fruits de cet économie, ce qui ne soutient pas l'opérateur dans son effort de modernisation.
Abordant les crédits du programme « Français à l'étranger », elle a observé que la diminution du nombre d'agents coïncidait avec l'accroissement des charges que représente la mise en place des visas biométriques et du contrôle de la validité des mariages. Elle a évoqué les postes supplémentaires annoncés par le garde des sceaux pour cette dernière mission, lors du récent examen en séance publique du projet de loi sur la validité des mariages. Elle s'est interrogée sur le point de savoir si le remplacement de recrutés locaux, dans les consulats, par des personnels détachés du ministère de l'intérieur avait été évalué sur le plan budgétaire et social.
Evoquant l'augmentation du prix des visas Schengen, elle a indiqué que la dotation prévue dans le fonds de concours ne semblait pas refléter cette évolution.
Les crédits destinés aux services publics à l'étranger s'inscrivant en baisse, elle a considéré que la fonction de contrôle des migrations prenait le pas sur l'action en direction des communautés françaises.
En réponse à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, le ministre a apporté les éléments d'information suivants :
- 8 millions d'euros sur 16 millions ont bénéficié d'un dégel au profit de l'AEFE. Des fonds additionnels provenant de partenaires privés peuvent également être trouvés comme dans le cadre du mécénat pour CulturesFrance. Cela explique que la différenciation entre pays développés et pays en développement dont les problématiques sont spécifiques en termes de soutien financier, de types d'action, de capacités de financement ;
- s'agissant des bourses pour les élèves français à l'étranger, le Gouvernement a donné son accord à leur transfert, opéré par l'Assemblée nationale, vers le programme 151 ;
- l'architecture budgétaire de l'action culturelle extérieure ne pose pas de problème de « pilotage » au ministère, les objectifs de cette politique étant très divers, selon les niveaux de développement des pays destinataires. Rien n'empêcherait cependant, pour le projet de budget pour 2008, d'y apporter des modifications ;
- le nombre de visas accordés aux étudiants étrangers désireux de poursuivre leurs études en France est passé de 46.360 en 2000 à 66.200 en 2005. Certes, un point haut a été atteint en 2002, et le nombre de ces bourses a, depuis cette date, légèrement diminué ; il convient d'améliorer l'attractivité des universités françaises grâce à CampusFrance qui devrait être érigé en EPIC (établissement public industriel et commercial) si possible d'ici aux élections présidentielles. Outre EduFrance et EGIDE, CampusFrance pourrait également, dans une logique de cohérence, rassembler les services internationaux du CNOUS, sous réserve de l'accord du ministère de l'éducation nationale ;
- le budget de la chaîne d'information française internationale France 24 est voté par le Parlement, qui exerce donc son contrôle sur son montant. Cette chaîne ne constitue pas une concurrence à TV5. Celle-ci est la chaîne de la francophonie alors que France 24 a pour objet de promouvoir la place de la France dans le monde, y compris en recourant aux langues étrangères. BBC World vient, pour sa part, d'instaurer une diffusion de certains de ses programmes en arabe, et la chaîne du Qatar, Al Jezira, prévoit une prochaine diffusion en anglais. Ces éléments soulignent la nécessité de la création de France 24 et de son extension rapide, après l'anglais, à des diffusions en arabe et en espagnol ;
- la mission interministérielle « Medias » est, en effet, hétérogène ; il conviendra donc d'améliorer la rationalité de son architecture budgétaire pour dégager une cohérence recouvrant spécifiquement l'audiovisuel extérieur ;
- la publication récente du rapport du député Jérôme Chartier sur les réseaux consulaires et les agents des services des visas a conduit à la création d'une mission, confiée à un ambassadeur et à un préfet, chargée d'étudier en particulier les possibilités d'échanges de personnel avec le ministère de l'intérieur ;
- les crédits d'investissement du projet de budget pour 2007 permettront d'engager des travaux de rénovation dans plusieurs consulats, liés à la mise en place des visas biométriques. En revanche, aucun emploi d'agent consulaire dédié aux Français établis à l'étranger (programme 151) ne sera transféré aux services de visas, ceux-ci bénéficiant de redéploiements d'agents issus de consulats implantés dans des pays de l'Union européenne.
M. Robert Del Picchia a relevé que les problèmes posés par certains agents consulaires des services de visas recrutés localement provenaient moins de tentatives de corruption que de pressions exercées sur eux par leurs proches désireux d'obtenir des visas, ce qui justifiait une « rotation » plus rapide de ces personnels. Il a regretté que le fonds de roulement de l'AEFE fasse systématiquement l'objet de prélèvement de la part du ministère des finances. A cet égard, la nouvelle modalité de versement de la subvention mise en place par le ministère au profit de l'agence constituait un progrès. Il a estimé que la création de France 24 était une excellente initiative, qui justifiait d'ailleurs que des crédits substantiels lui soient accordés. Il s'est ensuite enquis du projet de nouveau lycée français de Pékin, auquel les parents d'élèves étaient très attentifs. Il a enfin souligné les échos positifs recueillis à l'étranger à propos de la création d'UNITAID.
M. Jacques Pelletier a salué le respect du « tableau de bord » fixé par le Président de la République pour ce qui est de la croissance des crédits destinés à l'aide publique au développement. Evoquant l'importante part prise par les annulations de dettes dans l'ensemble de cette aide, il s'est inquiété de la capacité de notre pays à relayer ces annulations, à l'avenir, par des aides bilatérales. Il s'est ensuite enquis du contrôle exercé sur la gestion du Fonds mondial pour le sida auquel la France est le premier contributeur.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a apporté les éléments de réponse suivants :
- une réflexion est en cours, dans le cadre de l'audit de modernisation du ministère des affaires étrangères, sur l'organisation et le fonctionnement des services de visas, qui porte notamment sur l'identification des fonctions qui leur sont confiées. L'objectif est de rééquilibrer les effectifs au profit d'agents titulaires dans la limite des moyens budgétaires disponibles ;
- des discussions sont en cours avec les autorités chinoises sur la nouvelle construction du lycée français à Pékin qui est une nécessité. Il s'agit d'une concertation plus générale qui porte également sur l'emplacement de la nouvelle chancellerie française ;
- les crédits accordés au Fonds mondial pour le sida font l'objet d'un contrôle sérieux par les pays donateurs et leur utilisation est conforme à l'objectif de cet organisme. Cependant, on assiste de plus en plus, dans le cadre de ces organismes multilatéraux, à l'émergence d'une solidarité entre pays du Sud, au demeurant tout à fait légitime, mais qui doit conduire à une réflexion sur les actions à venir au sein de ces organismes.
M. Jean François-Poncet, président, a souhaité recueillir les premières réactions du ministre sur le changement politique qui vient d'intervenir aux Etats-Unis, avec l'émergence d'une majorité démocrate à la Chambre des représentants et, peut-être, au Sénat. Il est patent que la politique étrangère, et particulièrement la situation en Irak, a constitué un sujet central de la récente campagne. Quels changements pourraient en résulter ? Doit-on redouter une paralysie de la politique étrangère américaine ? Quels sont les attentes de la diplomatie française en ce domaine ?
Le ministre a apporté les précisions suivantes :
- la nette victoire des démocrates leur assure le contrôle de la Chambre des Représentants et, peut-être aussi, du Sénat. Deux thèmes principaux auront été au centre de la campagne : la déception des classes moyennes touchées par les inégalités sociales et, pour la première fois avec une telle ampleur, la politique étrangère et, singulièrement, l'Irak. Autant les démocrates n'avaient pu faire la différence sur ce sujet, lors des dernières élections présidentielles en 2004, autant cette campagne les a amenés à dénoncer les erreurs de l'exécutif dans la conduite de la guerre en Irak. Sur cette question, désormais, seul un tiers de l'opinion publique soutient le président américain ;
- l'Irak est en guerre civile et quatre luttes de pouvoir s'y livrent désormais : celle, « traditionnelle », qui oppose des « occupants » à des « occupés », celle entre communautés chiite et sunnite, celle entre Kurdes et Arabes, enfin celle qui sévit à l'intérieur même des communautés notamment chiites. Le départ rapide des troupes américaines, comme leur maintien sans calendrier de retrait, devrait poser de graves problèmes. C'est pourquoi le Président de la République, M. Jacques Chirac, a préconisé l'établissement d'un calendrier de retrait permettant, en particulier, de transférer progressivement au gouvernement irakien la souveraineté en matière de sécurité, de justice et de police.
M. Jean-Pierre Plancade a souligné que l'intervention légitime de la communauté internationale en Afghanistan était pénalisée par l'engagement militaire des Etats-Unis et du Royaume-Uni en Irak, et a souhaité connaître la position du ministre sur la situation de plus en plus difficile de ce pays. Il s'est ensuite inquiété de la situation dramatique au Darfour.
M. Jacques Pelletier a souhaité connaître l'appréciation du ministre sur la situation en Côte d'Ivoire. Il a rappelé que le mandat du Président Laurent Gbagbo vient d'être prolongé d'un an et s'est interrogé sur les réelles capacités du premier ministre à engager le processus électoral.
M. Charles Pasqua a évoqué les tensions croissantes entre les communautés chrétienne et chiite du Liban. Il a estimé que le remaniement gouvernemental envisagé dans ce pays n'était pas de nature à prévenir une éventuelle reprise de la guerre civile.
M. Robert Bret a évoqué des propos récemment tenus par le ministre sur le mur de séparation entre Israël et les Territoires palestiniens, justifiant la construction de cet ouvrage dans la mesure où il avait permis une réduction de 80 % des attentats. Cette déclaration ne serait-elle pas en contradiction avec la décision du 9 juillet 2004 de la Cour internationale de justice réclamant la démolition du mur et l'indemnisation des Palestiniens que sa construction avait lésés. Ne s'agirait-il pas d'un tournant de la politique française ? Puis il a souhaité savoir quelle réponse le gouvernement français entendait apporter au récent appel du président palestinien Mahmoud Abbas en faveur d'une action de la communauté internationale pour arrêter les agressions israéliennes qui font surtout des victimes civiles.
M. André Dulait a souhaité avoir des informations sur le sort des infirmières bulgares, actuellement jugées en Libye pour le rôle que leur imputent les autorités de Tripoli dans l'inoculation du virus du sida à des enfants libyens.
Mme Hélène Luc a souhaité recueillir le sentiment du ministre sur le rôle de la France en Afghanistan.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a apporté les informations suivantes :
- la situation très préoccupante de l'Afghanistan ne peut être résolue uniquement par l'accroissement des effectifs militaires. Les obstacles proviennent notamment du trafic omniprésent de la drogue et de la difficulté à instaurer l'Etat de droit dans ce pays. La France, qui a envoyé 1.100 soldats dans la zone de Kaboul, dans le cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS), prévoit de réduire ses effectifs de 200 hommes dans les mois à venir. Les deux priorités de notre pays concernent la nécessaire formation de l'armée afghane et l'amélioration de l'efficacité du nouvel Etat ;
- le Darfour représente la plus grave des crises africaines, car elle comporte trois risques : le risque humanitaire, le risque politique d'une éventuelle partition du pays qu'entraînerait l'échec de l'accord de paix récemment conclu entre le Nord et le Sud Soudan, le risque régional enfin, puisque cette crise affecte aussi le Tchad et la République centrafricaine. La résolution 1706 du Conseil de sécurité des Nations unies, prévoyant le déploiement d'une force de l'ONU en relais de la force africaine, a été rejetée par le Président soudanais. Dans cette perspective, le ministre va entreprendre, à partir du 11 novembre, un déplacement en Egypte, puis à Khartoum et au Darfour. Des propositions seront faites pour, d'une part, renforcer la force africaine (AMIS) en lui procurant les équipements et le soutien dont elle a besoin et, d'autre part, prévoir le déploiement de forces à la frontière du Soudan et du Tchad et à celle du Soudan et de la République centrafricaine, ce qui suppose l'accord du Président soudanais Omar El Bechir. Il importe enfin de relancer les négociations politiques pour compléter l'accord d'Abuja qu'un seul groupe rebelle a signé à ce jour ;
- le Conseil de sécurité des Nations unies a récemment voté la résolution 1721 sur la Côte d'Ivoire qui accorde au Premier ministre Charle Konan Banny les moyens nécessaires à la conduite du processus électoral. Aucune disposition juridique nationale ne saurait faire obstacle à la démarche engagée par le Premier ministre qui pourra recourir aux décrets-lois ou aux ordonnances, soit en conseil des ministres, soit en conseil de gouvernement. La résolution permet de donner toutes ses chances au processus qui implique le désarmement des milices et l'établissement de listes électorales. L'objectif est de retrouver l'unité de la Côte d'Ivoire et de permettre à l'administration nationale de se déployer sur l'ensemble du pays ;
- au Liban, la première phase de mise en oeuvre de la FINUL s'est bien passée : l'armée libanaise et la FINUL ont pu se déployer dans le Sud du pays de même que la composante navale de la FINUL est désormais opérationnelle, sous commandement allemand. En revanche, les survols israéliens du Liban Sud sont source de grave préoccupation. Ainsi, lorsque des appareils israéliens ont récemment « piqué » sur des soldats français de la FINUL, c'est un miracle que rien de grave ne se soit produit, car cela aurait pu entraîner une riposte de la part des éléments français. Un avertissement doit être adressé aux Israéliens afin que de tels agissements ne se reproduisent pas. Enfin, la surveillance de l'embargo sur les armes, à la frontière syro-libanaise, doit être renforcée ;
- à l'initiative du Président du parlement libanais, M. Nabih Berri, des concertations sont engagées entre toutes les forces politiques libanaises en vue de la constitution d'un gouvernement d'union nationale, où l'opposition réclame une minorité de blocage, ce qui conduirait à une impasse. La communauté internationale doit soutenir le gouvernement de M. Fouad Siniora, d'autant plus que le futur tribunal international pour le Liban, actuellement à l'étude au sein du Conseil de sécurité de l'ONU et destiné à juger les auteurs des assassinats de nombreuses personnalités libanaises, dont l'ancien premier ministre Rafic Hariri, ne pourra être instauré qu'avec l'accord du gouvernement libanais ;
- la France a été et reste hostile à l'édification du mur de séparation en Israël, parce que son tracé divise de nombreuses communautés palestiniennes et préempte les résultats d'un éventuel accord de paix. Il faut cependant prendre acte que cette construction a permis de réduire le nombre des attentats commis en Israël, élément qui doit être pris en compte dans toute réflexion sur le droit légitime d'Israël à la sécurité.
La France n'en condamne pas moins la récente offensive israélienne dans la Bande de Gaza. Le droit d'Israël à la sécurité doit s'inscrire dans le cadre du droit international humanitaire. Or l'action militaire israélienne a fait plus de 80 victimes civiles. La France condamne tout autant les tirs de roquettes visant le territoire israélien et les récents appels à la reprise des attentats suicides. L'appel du président Abbas à une réunion rapide du Conseil de sécurité de l'ONU est soutenu par la France et la Conférence internationale souhaitée par le président Chirac apparaît plus que jamais comme une nécessité ;
- le sort des infirmières bulgares et du médecin palestinien jugés par les tribunaux libyens sera fixé le 19 décembre prochain. Chacun ne peut qu'espérer leur prochain retour dans leur pays.
Jeudi 9 novembre 2006
- Présidence de M. Robert Del Picchia, Vice-président -Audition de M. Marcel Jurien de la Gravière, délégué à la sûreté nucléaire et à la radio-protection pour les activités et installations intéressant la défense
La commission a procédé à l'audition de M. Marcel Jurien de la Gravière, délégué à la sûreté nucléaire et à la radio-protection pour les activités et installations intéressant la défense.
M. Robert Del Picchia, vice-président, a rappelé que la commission avait désigné M. André Dulait comme rapporteur d'une proposition de loi relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français présentée par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une part, et d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, menés en Polynésie entre 1966 et 1996, sur la santé des populations exposées et sur l'environnement, présentée par Mme Dominique Voynet et les membres du groupe socialiste d'autre part. Il a remercié M. Marcel Jurien de la Gravière d'avoir bien voulu venir présenter devant la commission les premiers résultats de la mission que lui a confiée il y a un an la ministre de la défense en vue de présenter les faits liés aux essais nucléaires français en Polynésie et leur impact radiologique.
M. Marcel Jurien de la Gravière, délégué à la sûreté nucléaire et à la radio-protection pour les activités et installations intéressant la défense, a tout d'abord rappelé que toute la période des essais nucléaires, de 1960 à 1966 au Sahara puis de 1966 à 1996 en Polynésie française, n'avait donné lieu à aucune communication, la culture du silence étant alors la règle. Après l'arrêt des essais en 1996, le ministère de la défense a procédé au démantèlement des sites de Polynésie. Une évaluation de la situation radiologique effectuée par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et portant essentiellement sur Mururoa et Fangataufa a été publiée en 1998. Un rapport a été établi, en 2002, par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ces deux documents n'ont pas ou très peu fait l'objet d'une communication en Polynésie.
Lors de sa visite à Papeete en 2003, le Président de la République a annoncé la création d'un comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français (CSSEN) qui a été mis en place en janvier 2004 par une décision conjointe des ministres de la défense et de la santé. Le CSSEN a pour double mission de caractériser les pathologies susceptibles d'être radio-induites et les catégories de personnes concernées, et d'assurer l'échange d'information avec les associations et les personnes intéressées. Le CSSEN est co-piloté par les deux autorités, civile et de défense, en charge de la sûreté nucléaire et de la radio-protection : le directeur général de la sûreté nucléaire et à la radioprotection (DGSNR) et le délégué à la sûreté nucléaire et à la radio-protection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND).
M. Marcel Jurien de la Gravière a indiqué qu'à l'occasion d'une session régionale pour le Pacifique sud de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), au mois d'octobre 2005, il avait été amené à évoquer devant les élus les conséquences des essais nucléaires. Les élus polynésiens avaient alors regretté l'absence d'information qui avait prévalu jusqu'à cette date et avaient demandé à ce que soit écrite cette page de l'histoire de la Polynésie française à travers une opération « grand pas » d'information des populations. A son retour, la ministre de la défense a pris la décision de le mandater pour présenter les faits liés aux essais nucléaires français en Polynésie et leur impact radiologique.
Dans le même temps, l'Assemblée de Polynésie française avait créé une commission d'enquête qui a mené ses travaux de juillet 2005 à janvier 2006. Il n'a toutefois pas été possible d'établir de contacts avec cette commission du fait des recours portant sur sa constitution déposés par le Haut commissaire de la République.
M. Marcel Jurien de la Gravière a indiqué qu'il s'était rendu une première fois en Polynésie française, dans le cadre de sa mission en février 2006, au moment où l'Assemblée de Polynésie adoptait le rapport de la commission d'enquête. Des entretiens bilatéraux ont alors pu s'établir, le plan d'action du gouvernement a été présenté et l'engagement a été pris de revenir communiquer les premiers éléments d'information pour le mois de mai, puis un dossier complet pour le mois d'octobre.
Un premier dossier sur les essais nucléaires a été présenté et remis au gouvernement polynésien au mois de mai 2006. Il présente les 41 essais atmosphériques effectués de 1966 à 1974 et fournit pour chacun d'entre eux les informations relatives à la météorologie, aux conditions de tir et à la localisation des retombées. L'évaluation des doses est fournie pour les 10 essais ayant donné lieu à des retombées significatives. Etant apparu que six de ces dix essais méritaient une relecture, un nouveau calcul des retombées est effectué, dans un premier temps, pour trois d'entre eux. A la différence de ceux effectués de 1966 à 1974, ces nouveaux calculs prennent également en compte les doses à la thyroïde, puisque le cancer de la thyroïde est considéré comme un marqueur d'une exposition aux radiations. Le dossier transmis au gouvernement polynésien expose les données prises en compte et la méthode de calcul qui intègre tous les paramètres nécessaires, comme la ration alimentaire. Ce premier dossier comporte également des indications sur l'immersion de déchets radioactifs en fosse profonde et des éléments sur les opérations de démantèlement et de contrôle radiologique menées sur l'atoll de Hao.
Conformément aux engagements pris, un second dossier, présenté et transmis au mois d'octobre dernier, retrace le bilan définitif et complet des doses établies et complète les données pour l'ensemble des six tirs considérés comme ayant donné lieu aux retombées les plus significatives. La conclusion tirée de ces travaux est que les retombées se situent dans la gamme des faibles et des très faibles doses. Si l'on prend en compte les doses « efficaces » adultes pour l'ensemble des tirs, elles se situent toutes en dessous de 10 millisieverts, alors qu'à titre d'illustration, la dose annuelle absorbée à Paris du fait de la radioactivité naturelle est de 2,4 millisieverts.
M. Marcel Jurien de la Gravière a constaté que l'ensemble très complet de données transmises au gouvernement polynésien n'avait pour l'heure donné lieu à aucune contestation, y compris pour les rectifications qu'il avait été amené à formuler sur le rapport de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) qui faisait partie du rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée de la Polynésie française.
Il a précisé que si le travail d'information sur les retombées qui lui avait été demandé était désormais achevé, il avait néanmoins effectué deux séries de propositions.
Dans le domaine de la santé, il lui a paru nécessaire de mener dans les quatre atolls concernés - Mangareva, Tureia, Reao et Pukarua - une action en trois volets : un bilan de santé de la population, car certains atolls ne bénéficient d'aucune présence médicale ; un suivi médical annuel ou bisannuel mis en place avec le territoire et l'aide logistique des armées pour le transport aérien ; la réalisation d'une étude épidémiologique.
Dans le domaine des installations, il a indiqué que l'Etat avait respecté ses obligations lors de l'arrêt des essais, mais qu'il pourrait contribuer à des opérations supplémentaires de « déconstruction » d'abris ou blockhaus. Il a rappelé à ce sujet que le ministère de la défense avait laissé ses installations de l'atoll de Hao, à leur demande, à la commune ou à des particuliers, et qu'elles étaient alors en parfait état.
Il a souligné que tant en matière de santé que d'infrastructures, rien ne pourrait être effectué sans une coopération étroite entre la Polynésie française et l'Etat. Il a notamment mentionné, s'agissant de la santé, l'appui qu'était prêt à apporter l'Institut national de veille sanitaire (INVS) au ministère de la santé polynésien.
Il a évoqué les travaux dont a fait état M. Florent de Vathaire, directeur de l'unité d'épidémiologie des cancers à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), et qui établiraient un lien entre certains cancers et les retombées des essais en Polynésie. Il a rappelé que cette étude n'était toujours pas publiée et ne le serait peut-être pas avant plusieurs mois, et que la ministre de la défense avait saisi à ce sujet les académies des sciences et de médecine.
Il a estimé que si, au vu d'études épidémiologiques reconnues, une relation était établie entre certains cancers et l'exposition aux retombées des essais, il conviendrait d'en tirer toutes les conséquences. Si cette relation n'était pas établie, il serait néanmoins nécessaire de maintenir un suivi médical régulier des populations des quatre atolls concernés et de poursuivre des études visant à relier les excès de cancer constatés à d'autres paramètres.
M. André Dulait a souligné qu'il était extrêmement important pour la commission, saisie d'une demande de constitution de commission d'enquête et d'une proposition de loi, de pouvoir bien comprendre la nature des questions soulevées par les conséquences sanitaires des essais nucléaires et faire le point sur l'action menée depuis la création, début 2004, d'un Comité de liaison interministériel de suivi sanitaire des essais nucléaires français, dont les conclusions sont attendues d'ici à quelques semaines.
M. André Dulait a souhaité obtenir des précisions sur la différence de nature entre la question des travailleurs ou vétérans d'une part, et celle des populations locales d'autre part, tant en ce qui concerne les risques encourus que les types de mesures de prévention prises. Il a demandé quelles étaient les données couvertes par le secret défense auxquelles les associations voudraient avoir accès et les raisons qui s'opposaient à leur divulgation. Il a notamment souhaité savoir si les documents concernés contenaient des informations sur la méthode des essais et le fonctionnement des armes, et si leur divulgation se heurtait aux règles de non-prolifération nucléaire. Il a rappelé que la ministre de la défense avait déclaré devant le Sénat qu'elle n'excluait pas que des scientifiques dûment habilités et travaillant dans un cadre très précis puissent avoir accès à ces dossiers. Il a souhaité savoir ce qu'il serait possible d'envisager dans ce domaine.
M. André Dulait a également souligné l'intérêt d'établir un diagnostic médical des populations dans les îles les plus concernées et d'organiser des contrôles périodiques, ainsi que l'avait évoqué le délégué à la sûreté nucléaire de défense. Il s'est interrogé sur la situation de l'organisation sanitaire en Polynésie et sur sa capacité à faire face aux besoins en la matière.
Enfin, M. André Dulait s'est déclaré surpris par la tonalité d'un reportage récemment diffusé sur France 2 et relatif à l'atoll d'Hao, d'où il ressortait que des eaux contaminées auraient pu être rejetées sans contrôle lors des opérations de nettoyage de certains appareils utilisés pour les essais et que l'Etat avait laissé les installations à l'abandon après l'arrêt des essais. Il a jugé ce reportage d'autant plus étonnant que le dossier rendu public par le ministère de la défense au mois de mai dernier contenait des indications très détaillées sur les installations de Hao, sur les opérations de démantèlement effectuées à la suite des essais et sur les conditions dans lesquelles certaines emprises, notamment une centrale électrique, avait été transférée aux collectivités territoriales. Il a aussi rappelé que depuis l'arrêt des essais, l'Etat verse à la Polynésie française une compensation financière annuelle qui se monte actuellement à 150 millions d'euros.
En réponse à ces questions, M. Marcel Jurien de la Gravière a apporté les précisions suivantes :
- la situation des personnels civils et militaires ayant participé aux essais et celle des populations locales est totalement différente. Les personnels ayant participé aux essais relèvent soit du code des pensions civiles et militaires d'invalidité, soit du code de la sécurité sociale, soit de la caisse de prévoyance sociale de Polynésie pour les travailleurs locaux ; dans ce cadre, ils peuvent solliciter une reconnaissance du lien entre leur maladie et une éventuelle irradiation lors de leur travail, et obtenir les réparations correspondantes ; certes, il s'agit de procédures lourdes, mais l'imputation au service a été reconnue dans plusieurs cas ; en tout état de cause, les organismes qui détiennent les dossiers médicaux et radiologiques de ces anciens personnels répondent à toute demande émanant des personnes elles-mêmes, de leur médecin traitant ou des organismes de sécurité sociale ou de pensions ; 300 à 400 demandes de communication des données médicales et radiologiques sont ainsi traitées chaque année ; les échanges de courriers sont toutefois tributaires des difficultés d'acheminement dans certaines îles de Polynésie ;
- pour les populations locales, il y avait à l'époque des essais des postes de contrôle et de radioprotection ; toutefois, plus aucun suivi sanitaire n'a été effectué après l'arrêt des essais, ce qui rend nécessaire le rétablissement de visites médicales régulières, sous la responsabilité du ministère de la santé polynésien avec l'appui de l'InVS ;
- les documents établis à l'occasion de chaque tir ne contiennent pas que des données environnementales, mais comportent des données sur les tirs eux-mêmes ; la levée du secret défense sur ces documents eux-mêmes ne peut donc être envisagée, compte tenu des règles et exigences en matière de non-prolifération nucléaire ; en revanche, comme l'a clairement indiqué la ministre de la défense devant le Sénat, les experts scientifiques qui effectueront des études épidémiologiques dans ce domaine pourront avoir accès aux données environnementales nécessaires à ces études ;
- il est regrettable que le reportage sur l'atoll d'Hao n'ait pas diffusé les propos tenus par le maire de la commune sur la situation de l'ancienne zone d'activité et de l'ancienne zone vie ; par ailleurs, la centrale électrique a été laissée en parfait état de marche, mais l'entreprise contractante a préféré investir dans une nouvelle installation ; de manière générale, on peut relever que les quatre atolls les plus concernés par les retombées n'ont pas obtenu de concours financiers spécifiques issus de la dotation générale de développement économique versée au territoire depuis l'arrêt des essais ;
- les eaux usées provenant du nettoyage des avions qui effectuaient des prélèvements dans le nuage radioactif n'ont en aucun cas été rejetées dans le lagon ; un système de drainage permettait de les recueillir dans des cuves ; les résidus boueux étaient confinés et conditionnés dans des fûts, puis immergés dans des fosses profondes et les eaux restantes rejetées dans l'océan, comme cela peut se faire pour les eaux provenant des installations nucléaires industrielles ; tous les contrôles effectués à ce sujet ont confirmé que ces rejets n'entraînaient aucune radioactivité artificielle dans le milieu marin.
Mme Hélène Luc a tout d'abord adressé ses remerciements au président Serge Vinçon pour avoir permis l'audition devant la commission du délégué à la sûreté nucléaire de défense. Elle a également considéré que la réponse du ministre de la défense à sa question orale le 10 octobre dernier témoignait d'une avancée positive, dans la mesure où elle envisageait favorablement l'accès de scientifiques aux archives militaires. Indiquant qu'après avoir déposé une proposition de loi sur le suivi sanitaire des essais nucléaires français, son déplacement en Polynésie et sa rencontre avec des personnes souffrant de pathologies graves l'avaient renforcée dans sa volonté d'agir, elle a reconnu que la tâche était difficile, après quarante ans de silence total sur les conséquences des essais, mais elle a souhaité qu'un véritable dialogue s'établisse désormais avec les populations en vue d'une action constructive. Elle a vu un signe positif dans la réunion prévue le 16 novembre prochain entre le Haut commissaire et les autorités locales sur la réhabilitation de l'atoll de Hao.
Mme Hélène Luc a indiqué que sur 16 000 adhérents à l'association d'anciens travailleurs polynésiens Mururoa et Tatou et à l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), 35 % souffraient de cancers, principalement des poumons, de la peau et de la thyroïde. Elle a regretté qu'il ait fallu attendre 2004 pour que soit créé un comité de liaison sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires, comité qui exclut cependant la participation des associations. Evoquant les conclusions de la commission d'enquête de l'Assemblée de Polynésie, elle a rappelé que le Haut commissaire avait introduit des recours contre sa constitution. Elle a également signalé que certains aspects des documents présentés par M. Marcel Jurien de la Gravière lors de ses trois séjours en Polynésie étaient contestés par le Comité de suivi des conséquences des essais nucléaires (COSCEN) mis en place par les autorités polynésiennes, comme par les associations. Plus généralement, elle a constaté un évident problème de confiance dans les relations entre le ministère de la défense, l'Etat et les populations polynésiennes. Elle a indiqué que Mme Béatrice Vernaudon, député de Polynésie française, a d'ailleurs soulevé cette question auprès de Mme Michèle Alliot-Marie, considérant que le délégué à la sûreté nucléaire de défense ne pouvait qu'apparaître, sur ce dossier, comme juge et partie. Elle a jugé indispensable de rétablir la confiance et de poursuivre sur la voie de la transparence dont s'est réclamée la ministre de la défense. Elle a enfin souligné que le Parlement avait le devoir de comprendre ce qui s'est produit pour en tirer si nécessaire les conséquences en matière de réparation vis-à-vis des victimes.
Mme Hélène Luc a ensuite demandé à M. Marcel Jurien de la Gravière s'il était envisagé de rendre publiques les doses relatives à l'ensemble des tirs, sans se limiter aux seuls 6 tirs évoqués à ce jour dans les rapports publiés. Elle a également souhaité l'accès aux archives médicales radiologiques détenues par le Service de protection radiologique des armées provenant notamment des contrôles réguliers de spectrogammamétrie auxquels étaient soumises les populations locales à bord de La Rance, navire du service mixte de sécurité radiologique des armées. Elle a demandé qu'après accord de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), la liste de tous les personnels civils et militaires qui ont été présents sur les sites d'essais soit communiquée, cette liste étant de nature à permettre des études sanitaires et épidémiologiques fiables. Elle a souhaité savoir s'il était envisageable d'effectuer une étude de contrôle radiologique sur l'atoll de Hao, en particulier sur l'ancienne zone technique du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et du service mixte de sûreté radiologique, les mesures sommaires réalisées par hélicoptère en 1999 et les prélèvements au sol opérés méritant d'être complétés par des prélèvements plus précis. Elle a à ce propos convenu qu'il était regrettable que les propos du maire de Hao n'aient pas été retenus dans la diffusion du récent reportage de France 2. Elle a enfin demandé si le CCSEN serait en charge de la mise en oeuvre du suivi médical des populations, jugeant que cette responsabilité devrait plutôt être confiée à une commission nationale de suivi des essais nucléaires dont la composition serait plus large et tripartite, avec des représentants de l'Etat, du Parlement et des associations.
Mme Hélène Luc a remarqué que les réparations n'étaient actuellement accordées par les tribunaux qu'après un long « parcours du combattant » et elle a annoncé que pour remédier à cette situation, elle déposerait très prochainement avec son groupe une proposition de loi visant à établir une présomption de lien de causalité avec les essais nucléaires, sur le modèle de ce qui a été réalisé pour les victimes de l'amiante. Elle a considéré que l'on ne pouvait se limiter aux preuves scientifiques, qui sont nécessairement difficiles à établir compte tenu de l'absence de données médicales fiables, qui n'ont jamais été recueillies du temps des essais, notamment sur les personnels recrutés localement et les populations vivant à proximité des sites, et de la création récente, à la fin des années 1980 seulement, du registre des cancers de Polynésie. Elle a également indiqué qu'une grande partie des personnels militaires ou civils n'avaient pas de contrôle radiologique. Elle a cité l'évaluation réalisée par les associations, selon lesquelles 10 000 personnes subissent des conséquences sanitaires des essais nucléaires. Elle a estimé que les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient adopté des mesures législatives pour reconnaître automatiquement le lien entre certaines maladies définies et les essais.
En conclusion, elle a réitéré sa volonté de contribuer à faire établir la transparence sur ce dossier en vue de permettre la réparation des conséquences des essais. Elle a souligné qu'il en allait des relations futures entre la France et la Polynésie, en rappelant que les Polynésiens, dont elle avait pu constater l'attachement à la France, attendaient beaucoup du gouvernement dans ce domaine.
En réponse à cette intervention, M. Marcel Jurien de la Gravière a apporté les précisions suivantes :
- une extrême précaution s'impose vis-à-vis de certaines informations qui sont à la base des affirmations de ceux qui contestent les données fournies par l'Etat ; l'évocation des circonstances du premier tir effectué le 2 juillet 1966 en Polynésie dès les premières pages du rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée de Polynésie en est une illustration ; le rôle du Centre de recherche sur la paix et les conflits (CDRPC) est de ce point de vue contestable ;
- les 6 tirs sélectionnés pour procéder à de nouveaux calculs de doses l'ont été parce qu'ils ont donné lieu aux retombées les plus significatives ; aucune raison de principe ne s'oppose à refaire les calculs sur les 35 autres tirs, mais il est d'ores et déjà acquis qu'un travail aussi lourd n'apporterait aucun élément nouveau, car les doses ne peuvent qu'être extrêmement faibles ;
- l'ensemble des personnels ayant travaillé sur les sites d'essais ont accès à leur dossier médical et radiologique ; les dossiers sont conservés par le Service de protection radiologique des armées (SPRA), le Service de santé des armées et par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ;
- la liste des personnes ayant travaillé sur les sites d'essais est en cours de reconstitution ; sa communication est subordonnée à une autorisation de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) ; celle-ci statuera au vu d'une demande qui n'a pas encore été formulée et qui doit préciser le but dans lequel la transmission des informations est demandée ; certains anciens agents ont fait savoir qu'ils ne souhaitaient pas que leur nom soit communiqué ;
- l'atoll de Hao a fait l'objet d'un contrôle radiologique complet ; le ministère de la défense n'envisage pas de faire procéder à de nouvelles opérations de contrôle ; en revanche, il est prêt à apporter son concours aux collectivités territoriales pour le nettoyage de l'ancienne zone d'activité ;
- le CSSEN va remettre au mois de décembre ses recommandations au gouvernement, mais il ne lui appartiendra pas de les mettre en oeuvre ; celle-ci relève des ministères de la santé français et polynésien ;
- tous les personnels dont le poste de travail était exposé se sont vu appliquer les procédures de contrôle radiologique ;
- la législation américaine n'est pas transposable à la France, dans la mesure où les Etats-Unis ne disposent pas d'un système de sécurité sociale obligatoire et où l'accès aux assurances privées y est particulièrement coûteux ; les indemnités forfaitaires versées au titre de la présomption d'imputabilité pour certaines maladies, l'ont été pour solde de tout compte et s'élèvent en moyenne à 70 000 dollars ; ce mécanisme n'est pas comparable avec le système français qui assure la prise en charge des soins et l'indemnisation éventuelle.
Mme Hélène Luc a considéré que le silence observé jusqu'à une date récente par les autorités nationales sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires avait nui à la qualité du dialogue avec les populations et qu'il importait de dissiper les malentendus.
M. André Dulait s'est félicité de voir ce dossier avancer notablement, grâce notamment à la diffusion d'informations qu'aucun autre gouvernement passé ni aucun autre gouvernement étranger n'avait jusqu'à présent pratiqué à ce niveau. Il a également estimé que les propositions formulées dans le domaine du contrôle et du suivi médical étaient de nature à répondre concrètement au problème posé.