Mercredi 3 mai 2006
- Présidence de M. Nicolas About, président -Nomination d'un rapporteur
La commission a d'abord nommé M. Nicolas About en qualité de rapporteur sur sa proposition de loi n° 289 (2005-2006), visant à accorder une majoration de pension de retraite aux fonctionnaires handicapés.
Fonction publique - Handicapés - Pension de retraite des fonctionnaires handicapés - Examen du rapport
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Nicolas About sur sa proposition de loi n° 289 (2005-2006), visant à accorder une majoration de pension de retraite aux fonctionnaires handicapés.
M. Nicolas About, rapporteur, a rappelé que la réforme des retraites de 2003 avait accordé aux salariés lourdement handicapés relevant du régime général la possibilité de partir à la retraite de façon anticipée à cinquante-cinq ans, sans se voir appliquer de décote. La loi « Handicap » du 3 février 2005 avait ensuite étendu cette faculté aux ressortissants du régime agricole et du régime des artisans ainsi qu'aux fonctionnaires.
Cette même loi avait été l'occasion d'améliorer la rédaction adoptée en 2003, car si celle-ci accordait aux personnes lourdement handicapées le droit de prendre leur retraite de façon anticipée sans décote, elle ne compensait pas pour autant le manque à gagner résultant d'une carrière abrégée : même sans décote, la pension servie restait calculée au prorata du nombre de trimestres réellement cotisés et validés par le travailleur handicapé. La loi de 2005 a donc créé une majoration de la retraite servie aux personnes handicapées en cas de départ anticipé, calculée différemment selon les régimes de retraite, de façon à tenir compte de leurs spécificités :
- les salariés du secteur privé bénéficient d'un trimestre gratuit pour quatre trimestres réellement cotisés ; la majoration de pension est donc proportionnelle à la durée travaillée. Le décret d'application nécessaire à sa mise en oeuvre a été publié en décembre dernier ;
- pour les fonctionnaires handicapés, la loi a posé le principe d'une majoration de pension s'ils souhaitent prendre une retraite anticipée. Mais cette mesure n'est toujours pas entrée en vigueur, faute d'un décret d'application car la rédaction retenue par la loi contient en fait une malfaçon qui rend le dispositif particulièrement inéquitable.
En effet, il en résulterait une majoration de pension identique, quel que soit l'âge de départ en retraite anticipée, et donc des écarts importants entre ressortissants du régime général et du régime de la fonction publique. Injustice supplémentaire, le bénéfice de cette majoration prendrait fin brutalement à soixante ans : un fonctionnaire handicapé qui partirait à la retraite à cinquante-neuf ans aurait automatiquement droit à 75 % de son dernier traitement ; s'il attend d'avoir soixante ans, sa pension pourrait ne s'établir qu'à 42 % de son dernier traitement.
M. Nicolas About, rapporteur, a alors indiqué que, pour résoudre cette difficulté, la commission des affaires sociales avait déposé, lors de la deuxième lecture du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, un amendement portant article additionnel, qui avait d'ailleurs été voté puis confirmé dans le texte définitivement adopté en commission mixte paritaire. Mais le Conseil constitutionnel a invalidé cet article pour des raisons de procédure car il a considéré que cette disposition n'avait pas sa place dans un texte relatif à la parité entre les sexes.
La présente proposition de loi a donc pour objectif de rendre enfin possible la mise en oeuvre de la retraite anticipée des personnes handicapées dans la fonction publique. Elle reprend très exactement la rédaction à laquelle était parvenue la commission mixte paritaire sur le projet de loi sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes sous réserve de l'ajout, pour la forme, d'un article destiné à gager ce dispositif. Il est d'ailleurs vraisemblable que le Gouvernement acceptera de lever ce gage puisqu'il avait précédemment donné son accord à cette rédaction.
Mmes Isabelle Debré et Bernadette Dupont ont souhaité savoir pourquoi la pension ne s'établirait qu'à 42 % du dernier traitement si le fonctionnaire handicapé prenait sa retraite à l'âge de soixante ans.
M. Nicolas About, rapporteur, a indiqué que, dans ce cas de figure, la carrière est incomplète et ne peut donner lieu au versement d'un complément, puisque la retraite n'a pas été demandée à titre anticipé. C'est la raison pour laquelle la proposition de loi propose qu'un décret en Conseil d'Etat organise les modalités de calcul de ce complément de manière à ce que le fonctionnaire handicapé qui souhaiterait et pourrait travailler jusqu'à l'âge de soixante ans n'en perde pas le bénéfice.
Mme Bernadette Dupont s'est interrogée sur l'ampleur qui sera donnée à cet avantage dès lors qu'il peut sembler normal de souhaiter aligner le statut des personnes handicapées sur le droit commun.
M. Nicolas About, rapporteur, a indiqué que la mesure n'est destinée qu'aux personnes très lourdement handicapées qui ne peuvent être considérées comme placées dans la même situation que les travailleurs valides, ne serait-ce qu'en termes d'espérance de vie.
M. Dominique Leclerc a rappelé que le calcul des pensions dans la fonction publique s'effectue sur la base du dernier traitement. Avant la réforme des retraites, la pension s'établissait à 75 % de celui-ci pour une carrière complète de 150 trimestres. Depuis lors, ce seuil a été porté à 160 trimestres. Le taux évoqué de 42 % correspond donc à une pension se rapportant à une carrière incomplète, de l'ordre de quatre-vingt quatre trimestres de cotisations.
M. Nicolas About, rapporteur, a confirmé que, en l'état actuel du droit, le fonctionnaire handicapé âgé de soixante ans lorsqu'il prend sa retraite ne pourrait plus prétendre au complément prévu en cas de retraite anticipée et se verrait alors attribuer une pension inférieure à celle qu'il aurait eue en mettant fin plus tôt à son activité professionnelle. Cette situation, paradoxale, demande à être corrigée.
M. Dominique Leclerc a précisé que, dans le secteur privé, il existe une différence entre trimestre « cotisé » et « validé » : dans le second cas, il s'ajoute à la période de calcul des droits mais ne majore pas le montant de la pension.
M. Alain Vasselle a rappelé que l'esprit de la loi handicap était dicté par la volonté de compensation du handicap sous toutes ses formes. La question qui se pose est donc de savoir si une personne handicapée ayant exercé une activité professionnelle percevra une retraite équivalente à celle d'un travailleur valide. Il a considéré qu'il serait utile de faire le point sur la réforme des retraites de 2003 pour vérifier la réalité de l'équité de traitement et s'assurer que la fonction publique ne confère pas un statut plus protecteur au travailleur handicapé que le secteur privé.
M. Nicolas About, rapporteur, a fait valoir que la proposition de loi ne fait que corriger une anomalie technique du droit actuel qui pénalise le fonctionnaire handicapé lorsqu'il poursuit sa carrière jusqu'à l'âge de soixante ans et qu'elle n'a pas pour ambition de réformer l'ensemble du dispositif. Il est par ailleurs difficile d'envisager une véritable équité de traitement car tous les handicapés sont différents : même sur le fondement d'un taux d'incapacité de 80 %, les personnes handicapées ont une espérance de vie très variable suivant la nature du handicap dont ils sont affectés. C'est pour cette raison que d'autres pistes pourraient être explorées, comme celle qui consisterait à accorder du temps libre, pendant la période d'activité, au travailleur handicapé dont on suppose que le handicap ne lui permettra pas de profiter de sa retraite.
Mme Gisèle Printz s'est émue de constater que le Parlement peut voter des textes qui n'aboutissent pas à l'objectif recherché.
Mme Isabelle Debré a demandé à savoir combien de personnes seront concernées par la mesure envisagée.
M. Nicolas About, rapporteur, a répondu que ce chiffrage ne peut être établi avec précision mais qu'il a reçu de très nombreuses demandes d'information sur le problème que veut régler la proposition de loi.
Revenant sur la question de la réforme des retraites, M. Dominique Leclerc a rappelé qu'en 2003, il avait été considéré qu'il ne serait pas sain de rechercher une correspondance totale entre les retraites du secteur privé et du secteur public car chaque régime a son histoire et ses contraintes. Cela dit, il a jugé qu'il serait très utile d'établir, d'ici la fin de l'année, un premier bilan de la mise en oeuvre de la réforme des retraites de 2003, en vue de la clause de rendez-vous de 2008, pour lequel le Sénat se doit d'être un intervenant de premier plan. Il a souligné le courage du Gouvernement qui a engagé la réforme de 2003 sans avoir pour autant la prétention de régler entièrement la question des retraites.
M. Alain Vasselle a déclaré ne pas partager le point de vue consistant à laisser perdurer les spécificités des régimes de retraite public et privé. En effet, l'opinion publique semble mal accepter le fait que certains soient plus avantagés que d'autres en matière de retraite, et elle s'émeut notamment lorsque certains anciens premiers ministres ou présidents de conseils généraux s'empressent de faire valoir leurs droits à la retraite en qualité de fonctionnaires avant l'engagement des réformes. A son sens, l'équité doit être un objectif et non un vain mot.
M. Guy Fischer s'est dit inquiet de constater l'abaissement progressif du niveau des retraites et le nivellement par le bas auquel on procède, selon lui. A titre d'illustration, le groupe de l'association générale des institutions de retraite des cadres-association des régimes de retraite complémentaire (Agirc-Arcco) n'a pas augmenté les retraites complémentaires au 1er avril dernier, contrairement à l'usage qui est le sien depuis plusieurs décennies ; un désaccord entre partenaires sociaux a conduit à repousser l'échéance au 1er juillet. Il a également dénoncé les modalités du processus d'adossement au régime général de retraite engagé par La Poste et l'Etat.
M. Dominique Leclerc a rappelé qu'il participe aux travaux de la commission de compensation présidée par M. Jean-François Chadelat et que, sur les 10 milliards d'euros versés à ce titre, 6 sont fournis par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), elle-même en déficit. Cette observation montre la grande faiblesse du dispositif en général, et de la caisse des salariés du secteur privé en particulier, qui risque encore d'être mise à mal par d'autres adossements de régimes spéciaux à venir.
M. Nicolas About, rapporteur, a rappelé qu'il est partisan d'un règlement de la question des régimes spéciaux : sans remettre en cause les droits acquis des personnels en activité ou actuellement en retraite, il est nécessaire de mettre en oeuvre un processus de sortie des régimes spéciaux afin de fixer un terme à leur existence et les faire rentrer dans le processus commun d'une manière transparente, concertée et programmée.
Suivant son rapporteur, la commission a adopté le texte de la proposition de loi sans modification.