Mardi 7 février 2006
- Présidence de M. Serge Vinçon, président -Union européenne - Audition de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes
La commission a procédé à l'audition de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux Affaires européennes.
Accueillant la Ministre déléguée, M. Serge Vinçon, président, a indiqué que cette audition avait bien sûr pour objet la situation l'actuelle de l'Union européenne. Sur le plan institutionnel, les vingt-cinq se sont donné, en juin dernier, après les rejets français et néerlandais du projet de traité, un temps de réflexion jusqu'à la fin de la présidence autrichienne pour convenir de la suite à donner à ce traité. Quelles étaient les pistes possibles à cet égard ?
Il a rappelé que le Président de la République avait, au début de cette année, indiqué qu'il formulerait diverses initiatives pour relancer l'Union en particulier sur les questions institutionnelles : sur quels sujets ces initiatives pourraient-elles porter et dans quelle mesure seraient-elles élaborées avec nos autres partenaires ?
Sur le plan financier, a poursuivi M. Serge Vinçon, président, l'accord de décembre dernier avait entraîné un grand soulagement, mais le débat inter-institutionnel sur le budget n'était pas terminé et la mise en oeuvre de l'accord restait encore à finaliser. L'Europe avait en effet besoin tant de ressources financières suffisantes que d'institutions adaptées pour aller de l'avant et relever les défis de l'élargissement, du progrès économique et social et aussi celui de son influence sur les grands sujets internationaux, comme la situation nouvelle en Palestine et le dossier nucléaire iranien.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux Affaires européennes, s'est tout d'abord félicitée de l'accord trouvé en décembre 2005 sur le futur budget européen. L'année 2006 serait une année d'action pour l'Union européenne et le gouvernement français poursuivrait avec ses partenaires deux objectifs : en premier lieu, mettre en oeuvre des projets et des politiques concrètes et ensuite engager une profonde réflexion sur l'avenir de l'Union.
Mme Catherine Colonna a souligné que la priorité consistait à remettre l'Europe au travail sur des politiques concrètes et des projets bien identifiés, qui tirent les enseignements de l'année 2005. Ce sont aussi les choix de la présidence autrichienne. Le prochain Conseil européen, qui se tiendra à la fin de mois de mars, portera tout d'abord sur la croissance et l'emploi, domaines qui relèvent, certes, de la responsabilité des Etats, mais que le cadre européen permet de prolonger. La stratégie de Lisbonne, dont la ministre déléguée aux affaires européennes a souligné la pertinence, constitue, avec l'euro, un outil pour dynamiser la compétitivité des économies européennes, tout en renforçant la cohésion sociale. Il convient de mettre en place une meilleure gouvernance économique, en utilisant le nouvel instrument que constituent les Programmes Nationaux de Réforme (PNR). Le Conseil européen de mars prochain procédera à une première évaluation de la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne, sur la base de l'évaluation, par la Commission, des différents PNR. Les Etats membres doivent s'approprier ce processus de Lisbonne ; c'est l'une des conditions de son efficacité. Ils doivent également accepter une certaine dose de surveillance multilatérale, qui se traduira par la comparaison des bonnes pratiques nationales.
La recherche et l'innovation constituent ensuite une autre priorité européenne, et le récent accord sur le budget va permettre une augmentation de 33 % des dépenses de l'Union dans ce domaine pour la période 2007-2013. Avec la création d'un nouvel instrument de financement, doté de 10 milliards d'euros, qui transitera par la Banque Européenne d'Investissement, l'Europe disposera ainsi de moyens renforcés, d'un montant 5 fois supérieur à ceux qui sont consacrés à la Politique Agricole Commune. Mme Catherine Colonna a rappelé que, d'ores et déjà, l'Union et ses Etats-membres consacrent 2 % de leur PIB à la recherche, la France se situant au-dessus de la moyenne européenne avec 2,2 %. Notre pays souhaite d'ailleurs que la facilité de 10 milliards d'euros soit rapidement utilisée pour permettre à l'Europe d'anticiper les grands enjeux technologiques.
Evoquant le domaine de l'énergie, Mme Catherine Colonna a souligné que l'Europe ne l'avait abordé, jusqu'à présent, que sous l'angle d'une plus grande libéralisation des marchés. Elle a rappelé que la France avait proposé, lors de la préparation du Conseil européen informel d'Hampton Court en octobre 2005, que soit mise en place une politique européenne de l'énergie. Cette initiative est fondée sur le constat que l'approvisionnement énergétique du continent européen évoluait rapidement, avec le défi de l'après-pétrole, l'épuisement des ressources en énergie fossile et les contraintes liées aux changements climatiques. Aussi bien le ministre français des finances, M. Thierry Breton, a-t-il présenté, lors du conseil ECOFIN du 24 janvier dernier, un mémorandum français en faveur d'une relance de la politique énergétique européenne dans une perspective de développement durable, qui propose une programmation pluriannuelle des investissements, des pistes pour améliorer l'efficacité énergétique, une relance de l'offre globale d'énergie incluant le nucléaire, et le renforcement des efforts en matière de recherche et développement.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, a ensuite évoqué l'enjeu de la démographie européenne, qui figure, avec la sécurité, parmi les sujets identifiés comme prioritaires, lors du Conseil européen informel d'Hampton Court.
L'ensemble de ces enjeux se traduira en des politiques concrètes définies par le Conseil sur la base d'un programme de travail précis pour chacun d'eux. C'est aussi un moyen de redonner un cap et une visibilité à l'Europe.
Les citoyens européens attendent aussi de l'Europe une meilleure protection et une sécurité accrue, qui passe notamment par la lutte contre l'immigration clandestine, la criminalité organisée et le terrorisme. Mme Catherine Colonna a précisé que l'Europe agissait en ce sens depuis plusieurs années, mais qu'elle pouvait renforcer son efficacité par exemple par la mise en place d'une police européenne des frontières ou la mise en commun des moyens de lutte contre la grippe aviaire.
Pour renforcer la place de l'Europe dans les affaires du monde, des progrès considérables ont été accomplis, grâce à l'action résolue du Haut-Représentant pour la Politique Extérieure de Sécurité et de Coopération (PESC) ou l'adoption de positions et d'actions communes définies à 25. La ministre déléguée aux affaires européennes a rappelé que l'Europe avait déployé des opérations militaires et civiles sur plusieurs continents, et qu'il conviendrait de faire davantage à l'avenir, notamment en augmentant le budget de la PESC, d'un montant actuel de 60 millions d'euros par an, pour un budget global de l'ordre de plus de 100 milliards d'euros.
Afin de consolider l'Europe des citoyens et l'identité européenne, Mme Catherine Colonna a fait valoir la nécessité d'amplifier les programmes de mobilité en faveur des jeunes européens, en ayant pour objectif le doublement du nombre des bourses Erasmus et Léonardo.
Pour faire progresser cette Europe des projets qui doit être mise en oeuvre avec tous nos partenaires, l'Allemagne et la France continueront d'assumer une responsabilité particulière au sein de l'Union européenne. Le prochain conseil des ministres franco-allemand, qui se déroulera le 14 mars 2006, sera l'occasion d'une coordination entre les deux pays dans la perspective du Conseil européen de printemps.
La présidence autrichienne, a poursuivi Mme Catherine Colonna, a également pour objectif d'établir, lors du Conseil européen de juin 2006, une feuille de route sur les deux grandes questions qui sous-tendent l'avenir de l'Union : les institutions et l'élargissement. Mme Catherine Colonna a estimé que l'élargissement de l'Europe à 25, puis bientôt à 27 membres, suscitait le besoin d'institutions rénovées, et de mécanismes de décision plus efficaces que ceux en vigueur actuellement et issus du Traité de Nice. Le projet de traité constitutionnel vise à répondre à ce défi et 13 des 25 Etats européens l'ont ratifié. Aussi bien convient-il, selon elle, de poursuivre, avec pragmatisme, la réflexion sur les institutions, en tenant compte des refus français et néerlandais du traité constitutionnel. Le Président de la République a ainsi récemment suggéré d'améliorer le fonctionnement institutionnel, en partant du cadre des traités existants, notamment dans les domaines de la sécurité intérieure et de la justice, de l'action extérieure de l'Union, et de l'association des parlements nationaux aux processus de décision. La présidence autrichienne organisera, à la fin du mois d'avril prochain, une conférence sur la subsidiarité qui constituera l'occasion d'en débattre. La France souhaite que le rendez-vous de juin soit l'occasion de prendre des décisions sur ces sujets.
Evoquant ensuite l'élargissement, Mme Catherine Colonna a souligné que la définition d'une stratégie globale en la matière fera l'objet d'un débat, qui permettra de se pencher sur l'identité européenne, de poser la question des frontières de l'Union et de sa capacité d'absorption et d'assimilation de nouveaux pays. Mme Catherine Colonna a estimé, en effet, que nombre de nos compatriotes avaient manifesté une incompréhension devant un élargissement ressenti comme trop rapide. Elle a également souligné la nécessité de renforcer le contrôle politique de ce processus. Une réflexion devait être menée sur les conditions à respecter par un pays pour pouvoir se rapprocher de l'Union européenne et, éventuellement y adhérer, mais aussi sur la politique de voisinage de l'Union et les partenariats qu'elle peut proposer à ses voisins.
Puis Mme Catherine Colonna a rappelé les actions entreprises par le gouvernement français pour mieux associer aux processus de décision européens le Parlement, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux et la société civile. Des débats sont désormais organisés dans les deux chambres du Parlement avant chaque Conseil européen ; deux déplacements de parlementaires ont également été organisés à Bruxelles et à Strasbourg, et un troisième est prévu à Strasbourg prochainement. Le champ d'application de l'article 88-4 de la Constitution a été étendu pour permettre au Parlement d'examiner davantage de textes européens en négociation. Enfin, les partenaires sociaux sont désormais consultés au début de chaque présidence de l'Union. Mme Catherine Colonna a également annoncé la prochaine mise en place d'un nouveau site Internet interactif, à partir de « Sources d'Europe » financé conjointement par son ministère et par la Commission européenne. Elle a également annoncé une plus grande importance donnée à la Journée de l'Europe, fixée au 9 mai, et dont la prochaine édition sera profondément rénovée.
En réponse à l'interrogation de M. Serge Vinçon, président, sur les suites de l'accord sur les perspectives financières conclu lors du Sommet de Bruxelles, ainsi que sur les capacités d'action de l'Union européenne sur le dossier nucléaire iranien, Mme Catherine Colonna a apporté les éléments de réponse suivants :
- les propositions du Conseil après le Conseil européen de décembre dernier, portent le budget à 862,5 milliards d'euros, sur la période 2007-2013, soit une augmentation de 50 milliards d'euros par rapport à l'enveloppe précédente. Les perspectives financières doivent faire l'objet d'un accord inter-institutionnel. Dans cette négociation avec le Parlement européen, conduite par la Présidence avec l'appui de la Commission, la France appelle au respect de l'accord conclu et à la maîtrise des finances publiques. Ce budget permet de financer les politiques communes, ainsi que la montée en puissance du volet « justice et affaires intérieures », celui de la politique étrangère et de sécurité communes, de la politique de recherche, ainsi que le financement de l'élargissement. Les nouveaux adhérents recevront ainsi 157 milliards d'euros sur la période 2007-2013, un montant qui les satisfait et qui représente une amélioration substantielle par rapport aux propositions formulées par la présidence britannique. Mme Catherine Colonna a récusé l'idée selon laquelle le dernier élargissement serait moins réussi que les précédents, en raison d'un financement moindre. Elle a rappelé que les ressources destinées aux nouveaux Etats membres représentaient, pour ces Etats, entre trois points et trois points et demi de PIB supplémentaire par an pendant sept ans, ce qui représente, par exemple, pour la Pologne, 90 milliards d'euros. Les financements alloués à l'Espagne après son adhésion avaient représenté entre 1 et 1,5 point de PIB, ce qui est notablement inférieur. Le budget, tel qu'il est actuellement prévu, donne donc à l'Europe les moyens de son ambition.
A l'égard de l'Iran, la période de dialogue, entreprise à l'automne 2003, par trois Etats européens, vient de se clore, à l'initiative de l'Iran, qui n'a pas respecté ses engagements en décidant de reprendre ses activités d'enrichissement d'uranium et ce, malgré les propositions faites par la Russie d'enrichir sur son sol du combustible qui lui serait destiné pour son programme nucléaire civil. Les Européens ont constaté cette rupture du processus et ont saisi le Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), tout en maintenant l'unité de la communauté internationale, qui n'aurait pas été acquise il y a encore quelques mois. Le transfert du dossier au Conseil de sécurité des Nations-Unies marque le retour dans un processus multilatéral après la phase, aujourd'hui refermée, des négociations européennes avec l'Iran. L'AIEA fera son rapport devant le Conseil de sécurité au début du mois de mars. La France, pour sa part, rappelle l'Iran au respect de ses engagements. Ce pays peut, certes accéder, à la technologie nucléaire civile, mais rien ne peut justifier la conduite de programmes militaires.
Abordant la question de l'élargissement, M. Jean François-Poncet s'est interrogé, au-delà de la Turquie, pour laquelle un processus spécifique est en cours, et de la Roumanie et la Bulgarie dont l'adhésion est désormais programmée, sur la situation spécifique des Etats des Balkans. Au regard de la Constitution française, récemment modifiée sur ce point, un référendum serait-il ainsi nécessaire pour l'adhésion de la Croatie ? Rappelant qu'une décision d'ouverture des négociations se rapprochait pour la Macédoine et que la Bosnie, comme la Serbie-et-Montenegro, exprimaient aussi leur volonté d'adhésion, il a considéré que de fortes pressions seraient exercées, notamment sur la France, en faveur de l'adhésion de ces Etats au nom de l'impératif de stabilité politique régionale. Il a donc souhaité savoir quelle serait la position française sur ce point lors du Conseil européen de juin où la question de l'élargissement sera débattue.
Evoquant enfin la déclaration récente de Mme Angela Merkel, Chancelière d'Allemagne, sur les relations transatlantiques, selon laquelle l'OTAN constituait le seul forum pour les discussions stratégiques entre Européens et Américains, il s'est interrogé sur l'éventuelle divergence d'appréciation sur ce point avec la France, qui a toujours considéré que ce type de discussion devait de préférence s'inscrire dans un dialogue direct entre l'Union européenne et les Etats-Unis.
M. Jean-Pierre Fourcade, évoquant les discussions récentes sur les taux réduits de TVA, a considéré que leurs développements n'avaient certainement pas modifié le sentiment de défiance des Français à l'égard de l'Europe. Il a rappelé que la France qui avait été à l'origine d'un mécanisme de la taxe sur la valeur ajoutée, avait eu pour objectif de viser les produits manufacturés et de neutraliser le différentiel entre produits importés et produits fabriqués sur le sol national. Il a souligné qu'avec le développement considérable du secteur des services, cette taxe frappait autant les services que les produits manufacturés, et que si les services rendus aux entreprises s'intégraient dans le dispositif de production, les services rendus aux ménages, qui intègrent une forte composante salariale, se trouvaient fortement pénalisés, augmentant d'autant le risque du travail au noir. Il a considéré qu'il serait opportun que la France prenne l'initiative de déposer un mémorandum sur la TVA pour définir différentes fourchettes de taux qui préfigureraient une harmonisation européenne en la matière. Cette initiative aurait trois objectifs, l'harmonisation fiscale, la création de taux spécifiques réduits pour les services aux ménages consommateurs de main-d'oeuvre, et la fixation d'un taux intermédiaire pour les services rendus aux entreprises. Ce type d'initiative aurait des conséquences importantes en termes d'emploi et de croissance, permettant de relancer une stratégie de Lisbonne restée jusqu'à présent incantatoire.
Mme Dominique Voynet, se référant au vote imminent, par le Parlement européen, de la directive dite « Bolkestein », a rappelé que ce texte avait été qualifié de « déséquilibré » par la ministre elle-même, lors du dernier conseil « marché intérieur ». Elle s'est demandée si les dérogations au principe du pays d'origine ainsi que les possibilités, pour chacun des Etats, de renforcer la protection de certains secteurs pouvaient désormais être considérées comme satisfaisantes. Elle a souhaité savoir si les parlementaires français siégeant au Parlement européen pourraient voter ensemble dans le sens préconisé par le gouvernement. Evoquant ensuite la tentative d'offre publique d'achat (OPA) dont fait l'objet la société Arcelor, elle a considéré que la notion de « patriotisme économique » était certes difficile à expliquer, mais que le secteur de la production d'acier restait hautement stratégique, non seulement en raison de sa forte intensité capitalistique, mais aussi de la consommation d'énergie qu'il induit. Il conviendrait donc que la France prenne des initiatives en faveur du développement d'une véritable politique européenne de l'énergie et des matières premières, rappelant à cet égard que l'Europe s'était construite dès 1951, autour, précisément, d'une communauté européenne du charbon et de l'acier. Enfin, elle a souhaité savoir comment le discours du Président de la République à l'Île Longue sur la doctrine nucléaire française avait été perçu par les partenaires européens de la France et comment l'offre relative à la dissuasion nucléaire avait été reçue.
M. Didier Boulaud a partagé les interrogations formulées au sujet des Balkans par M. Jean François-Poncet. Evoquant ensuite les propositions formulées par l'ancien Premier Ministre, M. Michel Rocard, au sujet des offres publiques d'achat et des moyens dont dispose l'Europe pour y faire face, il a souhaité savoir si le gouvernement était en mesure de faire des propositions dans ce domaine, afin d'éviter la répétition d'une telle affaire dans d'autres secteurs industriels stratégiques.
M. Jacques Pelletier a déploré le rejet par les Français du projet de Traité constitutionnel et constaté que, huit mois après le référendum, aucune solution alternative, promise par les tenants du non, ne se faisait jour. Il a par ailleurs regretté que la logique de l'élargissement de l'Europe l'ait toujours emporté sur celle de l'approfondissement. Il a ensuite souhaité savoir si une politique plus intégrée de l'énergie et de la recherche, indispensable face aux Etats-Unis, à la Chine et à l'Inde, pouvait être envisagée à brève échéance. Il s'est ensuite demandé si des évolutions institutionnelles étaient possibles sur les deux sujets, de la présidence tournante et de la règle de l'unanimité dans certains domaines. Il a enfin souhaité que les parlements nationaux soient mieux associés au processus de décision européen et que les parlementaires eux-mêmes soient mieux sensibilisés aux questions européennes.
M. Josselin de Rohan, évoquant sa récente participation à une réunion du Parti populaire européen, a relevé que si le Royaume-Uni percevait toujours l'élargissement comme intrinsèquement positif, des évolutions pouvaient être notées dans la perception allemande. Il s'est interrogé sur le point de savoir si l'adhésion, à terme, des Etats des Balkans n'inciterait pas des Etats comme la Moldavie, l'Ukraine, ou les pays du Caucase à solliciter à leur tour leur adhésion, ce qui ne manquerait pas de susciter des réactions de la part de la Russie. Il convenait donc, d'ores et déjà, de faire valoir auprès de ces pays, par souci d'honnêteté à leur égard, que le partenariat et l'association constituaient pour eux des solutions alternatives plus adaptées que le simple refus d'adhésion ou l'adhésion elle-même.
Il a ensuite souligné que pour les Etats ayant déjà ratifié le traité constitutionnel, ce traité gardait toute sa valeur et qu'ils n'étaient pas disposés à l'abandonner. Pour autant, le statu quo restait intenable et la capacité à formuler des propositions pour sortir de cette situation de blocage sera aussi certainement un des enjeux de la prochaine campagne présidentielle en France
M. Robert Bret s'est interrogé sur les capacités de relance du processus euroméditerranéen sur une base qui ne soit pas exclusivement sécuritaire, alors que la dégradation de la situation au Proche-Orient va croissant. En effet, la victoire du Hamas lors des élections législatives palestiniennes ne marque pas seulement un désaveu du parti au pouvoir, mais sonne également le glas du processus de paix. Il a souhaité savoir quelles initiatives pouvaient être prises, notamment par la France, afin d'éviter l'embrasement de toute la région.
M. Philippe Nogrix a souligné, qu'en matière de défense européenne, des choix décisifs d'investissement étaient en cours dans le domaine de l'armement, des télécommunications ou des satellites. L'Europe souffre encore de lacunes capacitaires qui devront être comblées pour lui permettre de jouer pleinement son rôle international.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, a apporté les éléments de réponse suivants :
- la question de l'adhésion à terme des Etats des Balkans est claire : leur appartenance géographique à l'Europe n'est pas discutée et une « perspective européenne » leur a été ouverte lors du Sommet de Zagreb, tenu en 2000 sous présidence française. Ils ont donc vocation à entrer dans l'Union, à condition d'une part qu'ils respectent l'ensemble des critères de Copenhague, ce qui nécessite de leur part encore beaucoup d'efforts à accomplir, tant dans le domaine politique qu'économique, et que, d'autre part, la capacité de l'Union à les accueillir le moment venu soit acquise. Tous ces Etats ne sont pas au même état d'avancement : certains comme la Slovénie sont déjà membres de l'Union et les négociations ont commencé avec la Croatie. Des avis divergents pouvaient exister parmi les juristes sur la question de savoir si après la récente révision constitutionnelle un référendum était obligatoire avant l'adhésion de la Croatie. La décision de principe concernant le lancement du processus de négociation avec la Croatie ayant été prise avant le 1er juillet 2004, le gouvernement considère qu'un référendum ne sera pas obligatoire (au sens de la récente modification constitutionnelle) pour la ratification du traité d'adhésion de ce pays. La Bosnie-Herzégovine n'en est qu'au stade initial de négociation d'un accord d'association et de stabilisation, préalable aux négociations d'adhésion elles-mêmes. Il en est de même pour la Serbie-et-Montenegro. Chaque Etat doit progresser vers l'Union selon ses mérites propres, mais la perspective d'adhésion offerte à ces pays constitue un levier puissant pour leur indispensable transformation.
- les nuances d'appréciation sur le rôle de l'OTAN, entre la France et l'Allemagne, sont traditionnelles et ne doivent pas être exagérées. L'Allemagne met l'accent, tout comme notre pays, sur le rôle décisif de l'Alliance atlantique en matière de sécurité, la France considérant pour sa part que l'Alliance doit rester fidèle à sa vocation originelle, essentiellement militaire, et ne peut donc devenir le lieu exclusif des débats transatlantiques, le Sommet Europe-Etats-Unis devant en constituer l'enceinte principale.
- les négociations sur les taux réduits de TVA se sont déroulées pendant plus de deux ans. La liste des exceptions permettant de recourir au taux réduit est déjà longue, 9 pays sollicitant également des dérogations. Au cours de la négociation, près de 70 demandes ont été déposées. Même si la négociation a abouti positivement, il convient de tirer les leçons de ces débats en engageant une réflexion sur une réforme de la directive de 1992 qui a posé les règles en la matière. Au demeurant, peu d'Etats sont prêts à renoncer à la règle de l'unanimité en matière fiscale. On peut cependant poser la question de l'application, en l'espèce, du principe de subsidiarité, en l'absence de risques pour la concurrence, mais aussi celle des taux eux-mêmes dont la flexibilité peut être utile pour les services à forte intensité de main d'oeuvre. Cette négociation aura cependant permis que s'engage une réflexion sur le sujet, la Commission étant chargée d'une étude pour la mi-2007. En matière de fiscalité, une démarche d'harmonisation est essentielle, compte tenu du risque de « dumping fiscal », préjudiciable au fonctionnement du marché intérieur. Au demeurant, alors que de nombreux partenaires ne souhaitaient pas initialement s'engager dans la voie de l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés, cette question fait désormais l'objet de discussions au sein du conseil « marché intérieur » en vue, dans un premier temps, d'une harmonisation de l'assiette de cet impôt, à charge d'aborder ensuite la question des taux. En matière de TVA, l'unanimité aurait cependant continué de s'appliquer même si le traité constitutionnel était en vigueur, puisque la France, qui avait pourtant souhaité le passage à la majorité qualifiée dans ce domaine, n'avait pas alors obtenu satisfaction.
- la proposition de directive sur les services vise des objectifs positifs, puisqu'il s'agit d'appliquer la liberté et l'ouverture des services, qui constitue une des quatre grandes libertés du marché intérieur. Cette liberté de prestations de services dans l'Union reste aujourd'hui en effet largement théorique, puisqu'en l'absence de droit dérivé, son application reste soumise à l'appréciation des Etats. Or, tous les Etats européens ont intérêt à la libéralisation des services, singulièrement la France, deuxième exportateur de services en Europe et quatrième dans le monde. Le projet de directive comprenait néanmoins certains éléments négatifs, notamment au regard des exigences sociales de l'Union. Le Conseil européen, unanime, a donc demandé, à l'initiative de la France, une « remise à plat » de ce texte. Il est en cours d'examen au Parlement européen, où un vote en séance plénière devrait intervenir le 16 février prochain. Les travaux du Parlement européen ont déjà permis d'améliorer le texte dans trois domaines : le champ d'application, qui préserve la spécificité des services publics (notamment pour la santé, l'audiovisuel et la culture), la règle de l'application du droit du travail du pays de destination, désormais affirmée sans ambiguïté, enfin le principe dit « du pays d'origine » auquel de nombreuses modifications ont été apportées, mais sur lequel le gouvernement français souhaite encore obtenir des avancées. Il est difficile de dire à ce stade s'il sera suivi, mais le texte issu des travaux de la commission « marché intérieur » du Parlement européen est déjà plus satisfaisant. Après le vote du Parlement européen, la Commission sera de nouveau saisie. Elle fera une nouvelle proposition. Il paraît possible de disposer à terme d'un projet de directive qui réponde à l'objectif d'intérêt général, et corresponde à ce que la France souhaite.
- la société Arcelor faisant l'objet d'une tentative d'OPA inamicale, il est légitime que le gouvernement français s'intéresse à un dossier qui représente 27.000 emplois en France, et qu'il se soucie du projet industriel qui la fonde. L'entreprise qui conduit cette OPA n'est d'ailleurs pas indienne, mais européenne, puisque Mittal Steel est une entreprise de droit néerlandais, dont le principal actionnaire est britannique. La question posée est donc de savoir si, par la taille de l'entité qui résulterait de cette opération, ne se poserait pas un problème de concurrence. L'Europe doit par ailleurs définir une politique industrielle qui tende à l'émergence de « champions européens ». La France a longtemps été isolée sur ce thème, mais ses idées progressent. La Commission européenne travaille sur cette question pour promouvoir une logique de « patriotisme économique européen » sur celle de stricte concurrence. L'idée d'interdire les OPA n'est pas envisageable : la France, comme l'Union européenne investissent largement dans les pays tiers et, dans un monde désormais ouvert, elles tirent profit de la mondialisation.
- l'Europe en effet ne se porte pas mieux depuis le « non » au référendum. Il n'existe pas de plan B. On le constate jour après jour.
- le choix entre élargissement et approfondissement s'est posé dès l'origine, mais l'Europe a toujours réussi à mener de front les deux processus. Si l'Europe des six suscite parfois une certaine nostalgie, elle a aussi connu des périodes de crise profondes. Son intégration était bien moindre que celle de l'Europe actuelle, qui a su développer de vraies politiques communes. La phase européenne actuelle ne doit donc pas occulter les succès obtenus depuis près de 50 ans.
- la définition d'une politique européenne de l'énergie demandera du temps, car il faudra passer d'une logique de concurrence à une politique intégrée. A cet égard, l'élaboration d'un document stratégique et d'un programme de travail sur ce thème sera l'un des enjeux du Conseil européen de mars prochain.
- le traité constitutionnel permettait en effet des avancées notamment avec la présidence stable et de nouvelles règles régissant les domaines soumis à la majorité. Il reste que ce traité ne peut entrer en vigueur qu'assorti des 25 ratifications. Du point de vue de la Ministre, il est difficile d'imaginer soumettre de nouveau le texte au vote des Français et une renégociation, dont l'issue serait d'ailleurs très incertaine, n'est pas souhaitée par nos partenaires. Pour sortir de cette situation, le Président de la République a proposé de partir des traités existants et d'utiliser les marges d'amélioration qu'ils comportent. L'accord des 25 sur cette démarche n'est pas acquis, mais la démarche mérite d'être engagée. Une implication des parlements nationaux est possible depuis la révision constitutionnelle et son information est désormais facilitée.
- la France souhaite que la problématique de l'élargissement dépasse l'alternative de l'adhésion ou de la non adhésion. Le Conseil européen de juin sera l'occasion d'aller au-delà de l'examen des critères habituels d'adhésion pour donner un véritable contenu à la politique de voisinage comme alternative à l'adhésion. Tel est le message qui a été clairement formulé à l'Ukraine, pour laquelle une adhésion à l'Union n'est pas envisagée. Ses responsables politiques l'ont d'ailleurs bien compris.
- à l'égard des pays de la rive Sud de la Méditerranée, l'Union européenne doit combiner les divers instruments dont elle dispose : le processus euroméditerranéen de Barcelone, les accords d'association avec chacun des pays riverains et les moyens financiers. La question du soutien financier à l'Autorité palestinienne est d'un autre ordre. Il est soumis à trois conditions précises : la reconnaissance par le Hamas de l'Etat d'Israël, la renonciation de ce mouvement à la violence et le respect des accords de paix. Dans l'attente de la formation du gouvernement palestinien, l'Union européenne, tout comme les Etats-Unis, maintiennent leur aide financière à l'Autorité palestinienne.
Le développement de la défense européenne fait l'objet de fortes attentes, non seulement de la part des partenaires de la France, mais aussi de la part des Français qui en font souvent leur seconde préoccupation, après l'emploi, dans ce qu'ils espèrent de l'Europe. Les progrès réalisés depuis 1998 dans ce domaine ont d'ailleurs été considérables. La défense européenne ne peut toutefois être seulement fondée sur des mécanismes institutionnels, elle requiert aussi des moyens budgétaires adaptés.
Mme Josette Durrieu a attiré l'attention de la ministre sur la Moldavie, qu'il convenait de ne pas sacrifier en la maintenant dans la sphère d'influence de la Russie. Cet Etat avait conservé un gouvernement communiste, dans le cadre d'un processus démocratique, mais la Transnistrie y constitue tout à la fois un espace de trafics et un pont avancé de la Russie. Evoquant ensuite la situation dans les Territoires palestiniens, elle a fait valoir que le Hamas s'était intégré dans un processus démocratique voulu par les Occidentaux. Il devait reconnaître Israël, et répondre aux conditions posées par la communauté internationale, mais les « règles du jeu » ne devaient pas être modifiées au motif que les résultats des élections ne sont pas conformes à ce que celle-ci en attendait.
Mme Catherine Colonna a rappelé que le Président de la République s'était rendu en Moldavie en 1998 et que la France avait soutenu l'adhésion de ce pays à l'OMC et à la Communauté de la francophonie. La France et l'Union européenne s'efforcent également de faciliter les négociations avec la Russie sur la présence de la XIVe armée russe dans le pays.
Mme Catherine Colonna a précisé que nul ne conteste le caractère démocratique du processus électoral palestinien, mais son résultat suscite des inquiétudes. Les conditions posées par la communauté internationale au soutien du futur gouvernement visent à aider le Hamas à changer pour s'inscrire dans un processus pacifique.
Mercredi 8 février 2006
- Présidence de M. André Dulait, président -Défense - Organisation de la réserve militaire et service de défense - Examen des amendements
La commission a procédé, sur le rapport de M. André Dulait, rapporteur, à l'examen des amendements au projet de loi n° 108 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.
A l'article 4 (contrat d'engagement à servir dans la réserve), la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 16 rectifié présenté par MM. Philippe Darniche et Marcel-Pierre Cléach, détaillant le contenu de la formation des réservistes.
A l'article 6 (préavis à l'égard de l'employeur), elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 18 présenté par Mme Hélène Luc, MM. Robert Bret, Robert Hue et les membres du groupe communiste républicain et citoyen portant à 30 jours la durée des activités dans la réserve, pendant laquelle le salarié n'est pas tenu de solliciter l'autorisation de son employeur pour exercer son activité de réserviste.
A l'article 10 (objectifs de la réserve citoyenne), elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Philippe Darniche et Marcel-Pierre Cléach, relatif à la création d'un médiateur réserve-entreprises.
A l'article 19 quater (période militaire d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale), elle a donné un avis favorable à l'amendement n° 20, présenté par M. Robert Del Picchia, tendant à supprimer la référence à la loi du 22 novembre 1956, relative aux conditions d'attribution des décorations aux militaires n'appartenant pas à l'armée d'active.
Après l'article 20 bis (possibilité pour les associations d'anciens combattants d'ester en justice), elle a donné un avis favorable à l'amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. François Trucy et Hubert Haenel, portant article additionnel, en vue de conférer aux militaires exerçant à titre bénévole des fonctions dirigeantes au sein d'organismes d'assurance, de bénéficier des protections sociales et juridiques prévues par le statut général des militaires.
A l'article 20 ter (codification), la commission s'en est remise à la sagesse du Sénat sur l'amendement n°14, présenté par le Gouvernement, tendant à allonger le délai de publication de l'ordonnance de codification de différents textes relatifs aux personnels.
Après l'article 20 ter, elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 19, présenté par Mme Hélène Luc, MM. Robert Bret, Robert Hue et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel visant à l'établissement d'un rapport annuel sur la protection sociale des réservistes.
Nomination de rapporteurs
La commission a ensuite procédé à la nomination de rapporteurs. Elle a désigné :
- M. Michel Guerry sur le projet de loi n° 130 (2005-2006), autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République azerbaïdjanaise pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières ;
- M. André Trillard sur le projet de loi n° 150 (2005-2006), autorisant l'approbation du protocole n°2 à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales relatif à la coopération interterritoriale ;
- M. Louis Le Pensec sur le projet de loi n° 156 (2005-2006), autorisant l'adhésion à la convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles sur les navires (ensemble quatre annexes et deux appendices), adoptée à Londres le 5 octobre 2001 ;
- M. André Rouvière sur le projet de loi n° 157 (2005-2006), autorisant l'approbation du protocole du 27 novembre 2003 établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un Office européen de police (convention Europol) modifiant ladite convention ;
- M. Roger Romani sur le projet de loi n° 2785 (AN -XIIe législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire ;
- M. Jean-Pierre Plancade sur le projet de loi n° 2788 (AN - XIIe législature), en cours d'examen par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole n° 14 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la convention.
Organisme extraparlementaire - Haut Conseil de la coopération internationale - Désignation de candidats
Enfin la commission a désigné, en application de l'article 9 du Règlement du Sénat, MM. André Dulait et Yves Dauge pour être proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein du Haut Conseil de la coopération internationale.