Mardi 17 janvier 2006
- Présidence de M. Louis Souvet, vice-président -Parité - Emploi - Egalité salariale entre les femmes et les hommes - Examen des amendements
La commission a procédé à l'examen des amendements au projet de loi n° 124 (2005-2006), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes dont Mme Esther Sittler est le rapporteur.
Avant l'article premier, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 30 déposé par les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un titre additionnel relatif à l'égalité des conditions d'emploi. Elle a donné un avis défavorable aux amendements portant article additionnel, des mêmes auteurs, nos 23, relatif aux conditions d'institution du temps partiel dans l'entreprise et 29, relatif aux conditions de transformation du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet.
Elle a aussi donné un avis défavorable aux amendements portant article additionnel nos 17, présenté par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et 27, déposé par les membres du groupe communiste républicain et citoyen, relatifs au raccourcissement du délai de prévenance en cas de modification de la répartition de la durée du travail à temps partiel.
La commission s'est déclarée défavorable aux amendements portant article additionnel nos 18, présenté par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et 28, déposé par les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à supprimer la possibilité de modifier par un simple accord d'entreprise l'horaire de la journée de travail.
Elle a également donné un avis défavorable aux amendements portant article additionnel nos 15, présenté par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, ainsi que 25 et 24, déposés par les membres du groupe communiste républicain et citoyen, relatifs aux majorations de salaire des heures complémentaires effectuées dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel.
Elle a souhaité connaître l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 19 portant article additionnel, présenté par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à accorder aux salariés à temps partiel une priorité pour l'accès aux heures supplémentaires. Par conséquent, elle s'est déclarée défavorable à l'amendement n° 26 portant article additionnel, présenté par les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant au même objectif, mais positionné à un autre endroit du texte.
A l'article premier A (prolongement de la durée du congé de maternité en cas d'état pathologique), la commission s'est déclarée défavorable à l'amendement n° 9, présenté par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à rétablir cet article dans la version précédemment adoptée en première lecture.
A l'article premier (rémunération des salariés au retour d'un congé de maternité ou d'adoption), elle a souhaité recueillir l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 36, de M. Dominique Leclerc, tendant à faire prévaloir sur le dispositif législatif subsidiaire institué par cet article les accords collectifs précisant le mode de calcul de la rémunération des femmes rentrant de congé de maternité ou d'adoption.
Après l'article 2, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 10 portant article additionnel, présenté par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, relatif à l'information des salariés, lors de l'embauche, sur les dispositifs de lutte contre les discriminations en milieu professionnel.
A l'article 4 (négociations d'entreprise relatives à la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes d'ici 2010), elle a émis un avis défavorable à l'amendement n° 11, présenté par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à permettre aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise de faire appel à un expert pour évaluer la situation en matière d'écart de rémunération entre les femmes et les hommes. Elle a également donné un avis défavorable aux amendements nos 12, des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et 32, des membres du groupe communiste républicain et citoyen, instituant tous deux une sanction financière à l'égard des entreprises ne satisfaisant pas à l'obligation de négociation créée par cet article. Elle s'est aussi prononcée contre l'amendement n° 31, des membres du groupe communiste républicain et citoyen, créant une sanction pénale à l'encontre des employeurs justifiant un écart de salaire entre deux emplois identiques. Elle a enfin donné un avis défavorable à l'amendement n° 38, présenté par les membres du groupe union centriste-union pour la démocratie française, créant une sanction pécuniaire à l'encontre des entreprises ne satisfaisant pas à l'obligation de négocier énoncée à cet article.
Après l'article 4, la commission a donné un avis défavorable aux amendements portant article additionnel présentés par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés nos 13, créant une formation spécifique des inspecteurs du travail en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, et 14, majorant les cotisations sociales patronales pour les salariés à temps partiel.
Avant l'article 5, la commission a donné un avis défavorable aux amendements portant article additionnel nos 37, présenté par les membres du groupe union centriste-union pour la démocratie française, interdisant l'imposition de plages de travail fractionnées aux salariés à temps partiel et 33, présenté par les membres du groupe communiste républicain et citoyen, allongeant le congé de maternité.
Après l'article 6, la commission a souhaité recueillir l'avis du Gouvernement sur l'amendement portant article additionnel n° 16, présenté par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, prévoyant que le contrat de travail informe les salariés de leur droit de refuser des heures complémentaires. Elle a donné un avis défavorable aux amendements des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, portant article additionnel, nos 20, tendant à réduire le nombre d'interruptions du travail au cours de la journée travaillée, et 21, instaurant au bénéfice des salariés à temps partiel une priorité d'accès aux heures choisies.
A l'article 10 bis (financement du congé de maternité prolongé en cas de naissance d'un enfant prématuré), elle a jugé l'amendement n° 22, présenté par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, relatif à l'extension aux trois fonctions publiques de l'indemnisation de l'allongement du congé de maternité des mères de prématurés, satisfait par l'amendement n° 40 du Gouvernement, auquel elle a donné un avis favorable.
A l'article 13 ter (parité dans les collèges électoraux pour l'élection des représentants dans les comités d'entreprise), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 34 des membres du groupe communiste républicain et citoyen, relatif à l'équilibre entre les femmes et les hommes dans les collèges électoraux.
A l'article 13 quater (parité dans les collèges électoraux pour l'élection des délégués du personnel), elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 35 des membres du groupe communiste républicain et citoyen, relatif à l'équilibre entre les femmes et les hommes dans les listes de candidatures aux élections de délégués du personnel.
Après l'article 15, elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 39, portant article additionnel, présenté par les membres du groupe union centriste-union pour la démocratie française, proposant pour les salariés à temps partiel une priorité d'accès aux emplois à temps plein vacants.
Après l'article 17, la commission a donné un avis favorable à l'amendement, portant article additionnel, n° 8, présenté par M. Dominique Leclerc, corrigeant une erreur rédactionnelle faisant obstacle à l'application aux fonctionnaires de la majoration de pension créée au bénéfice des travailleurs partant en retraite anticipée.
Parité - Emploi - Egalité salariale entre les femmes et les hommes - Désignation de candidats pour faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire
Puis la commission a procédé à la désignation de sept candidats titulaires et de sept candidats suppléants appelés à faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Ont été désignés comme candidats titulaires : M. Nicolas About, Mmes Esther Sittler, Brigitte Bout, Catherine Procaccia, Janine Rozier, Gisèle Printz, M. Roland Muzeau et comme candidats suppléants : MM. Gilbert Barbier, Paul Blanc, Guy Fischer, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mmes Anne-Marie Payet et Patricia Schillinger.
Mercredi 18 janvier 2006
- Présidence de M. Alain Gournac, vice-président -Emploi - Retour à l'emploi et droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux - Examen du rapport
La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Seillier sur le projet de loi n° 118 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.
M. Bernard Seillier, rapporteur, a rappelé que le Premier ministre s'est engagé, lors de sa déclaration de politique générale, le 8 juin 2005, à gagner la « bataille pour l'emploi » et à lever les obstacles au retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux.
Le projet de loi vise à répondre à cet objectif à travers deux séries de mesures : d'une part, l'amélioration directe des incitations financières à la reprise d'activité avec la réforme des dispositifs d'intéressement, d'autre part, la mise en place de mesures destinées à résoudre les difficultés concrètes qui freinent la reprise d'activité.
La simplification des dispositifs d'intéressement à la reprise d'activité a pour objectif de les rendre plus attractifs et efficaces. Le système actuel est en effet d'une extrême complexité : le mode de calcul des allocations différentielles est si opaque que l'allocataire n'est pas en mesure de prévoir l'évolution de ses ressources en cas de reprise d'activité et qu'il peut être conduit, par prudence, à préférer les revenus d'assistance, dont le montant est connu d'avance.
Telle est la raison pour laquelle le projet de loi y substitue un dispositif plus simple de primes forfaitaires : dorénavant, les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation de parent isolé (API) qui reprendront un emploi commenceront par cumuler intégralement, pendant trois mois, leur salaire avec l'allocation ; au quatrième mois, ils percevront une prime de retour à l'emploi, d'un montant de 1.000 euros ; enfin, du quatrième au douzième mois, ils bénéficieront d'une prime forfaitaire d'intéressement, fixée à 150 euros pour une personne seule et 225 euros dans tous les autres cas. Le calcul est donc facile à anticiper pour les bénéficiaires.
M. Bernard Seillier, rapporteur, a ensuite indiqué que le projet de loi encourage la reprise d'emplois susceptibles de permettre une réinsertion professionnelle durable. Le bénéfice des primes forfaitaires d'intéressement et de la prime de retour à l'emploi est donc réservé aux personnes qui reprennent un emploi au moins équivalent à un mi-temps pour une durée minimale de quatre mois.
Les personnes employées à temps très partiel ne seront toutefois pas abandonnées : en deçà du mi-temps, un mécanisme de cumul partiel entre allocation et salaire sera maintenu. Il sera calibré de façon à encourager les bénéficiaires à augmenter - s'ils le peuvent - leur quotité de travail.
Le projet de loi s'attache enfin à aider les bénéficiaires à faire face aux frais, parfois importants, qui accompagnent le retour à l'emploi, à travers le versement d'une prime de retour à l'emploi de 1.000 euros. Cette prime prend le relais de celle créée par décret en août dernier et son coût, à la charge de l'Etat, s'élève à 240 millions d'euros. Afin de limiter les risques d'abus, son versement n'aura lieu qu'après quatre mois d'activité et un même bénéficiaire ne pourra percevoir une nouvelle prime au titre d'une nouvelle embauche qu'après un délai de dix-huit mois.
En fonction de la composition du foyer, le futur régime pourra être financièrement moins intéressant que le dispositif actuel. Mais l'écart éventuel devrait être pratiquement comblé grâce à la prime pour l'emploi, rendue plus avantageuse par la loi de finances pour 2006.
De plus, les personnes en situation d'intéressement au moment de la publication de la loi continueront à bénéficier des conditions actuelles, afin de ne pas perturber le calcul économique ayant présidé à leur reprise d'activité.
M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est déclaré convaincu de la réforme proposée. Il a souhaité l'améliorer sur deux points : d'abord par le versement immédiat de la prime de 1.000 euros, afin qu'elle aide le bénéficiaire à faire face à ses frais dès son retour à l'emploi ; ensuite par la création d'une prime de sortie de l'intéressement, pour que le bénéficiaire puisse se préparer à la réduction de ses revenus en fin de période.
Puis M. Bernard Seillier, rapporteur, a indiqué que le projet de loi s'attache à lever un obstacle très concret au retour à l'emploi pour les bénéficiaires de minima sociaux : l'accès à un mode de garde pour leurs enfants.
Le projet de loi prévoyait initialement une priorité d'accès en crèche pour les jeunes enfants de bénéficiaires de minima sociaux. L'Assemblée nationale lui a préféré un dispositif de « places garanties » consistant à définir, à l'occasion de la négociation de la convention de financement de chaque établissement, un volant de places mobilisables en faveur des bénéficiaires de minima sociaux, celles-ci pouvant en pratique être des places réellement mises en réserve ou des places d'accueil en surnombre.
Le rapporteur a également fait valoir que l'impossibilité de confier temporairement ses enfants pour se rendre à un entretien d'embauche pénalise la réinsertion professionnelle de nombreuses mères. Il a donc souhaité inciter les crèches à mobiliser l'accueil d'urgence et l'accueil temporaire en faveur des bénéficiaires de minima sociaux en recherche active d'emploi.
Enfin, il a présenté les nombreux ajouts apportés au texte à l'Assemblée nationale. Ceux-ci concernent notamment les sanctions prévues en cas de fraude aux minima sociaux, qui sont aujourd'hui très disparates : les peines s'échelonnent de 3.750 à 375.000 euros d'amende, accompagnées ou non de peines d'emprisonnement, comprises entre deux mois et cinq ans. Le régime applicable au RMI va même jusqu'à assimiler la fraude à une escroquerie au sens du code pénal, ce qui le rend largement inopérant, les juges étant très stricts sur les éléments qui constituent un délit d'escroquerie. Pour ces raisons, l'Assemblée nationale a prévu une amende unique de 4.000 euros, doublée en cas de récidive. Elle a par ailleurs créé un régime d'amendes administratives, d'un montant maximum de 3.000 euros, l'édiction de ces sanctions étant entourée de sérieuses garanties pour les bénéficiaires.
La seconde série de mesures introduites par l'Assemblée nationale modifie ponctuellement les règles applicables au contrat d'avenir et au contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA).
Pour le contrat d'avenir, le projet de loi propose de ramener de six à trois mois la durée minimale du contrat lorsqu'il est conclu avec une personne condamnée bénéficiant d'un aménagement de peine, d'autoriser le renouvellement du contrat d'avenir autant de fois que nécessaire, dans la limite globale de trente-six mois, et de fixer la durée hebdomadaire de travail des titulaires de contrat d'avenir entre vingt et vingt-six heures lorsqu'ils sont embauchés par un atelier ou par un chantier d'insertion. Pour le CI-RMA, le texte prévoit d'autoriser la signature de contrats à durée indéterminée. Certaines mesures concernent les deux types de contrats : la suppression de l'agrément des candidats à l'embauche par les ateliers et chantiers d'insertion et l'autorisation de signer des CI-RMA et des contrats d'avenir sans condition d'ancienneté aux minima sociaux. Enfin, le fonds de garantie pour l'insertion économique, créé par la loi de cohésion sociale, sera autorisé à financer des dépenses d'accompagnement des personnes qui bénéficient de sa garantie.
En conclusion, M. Bernard Seillier, rapporteur, a approuvé les réformes proposées par ce texte, mais il a rappelé que celui-ci ne constitue qu'une première étape dans la nécessaire refonte de l'ensemble du système français des minima sociaux. Deux autres aspects restent à régler : l'harmonisation des droits connexes attachés au bénéfice des minima sociaux et la généralisation de l'accompagnement professionnel et social des bénéficiaires de minima sociaux.
Dans cet objectif, M. Bernard Seillier, rapporteur, a annoncé le dépôt prochain de deux propositions de loi, inspirées respectivement par les travaux du groupe de travail « Minima sociaux », présidé par Mme Valérie Létard, et par le rapport remis en décembre dernier au Premier ministre par MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt.
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve d'un certain nombre d'amendements, il s'est prononcé en faveur de l'adoption du projet de loi.
Mme Janine Rozier a regretté qu'en dépit d'une volonté affichée de simplification, le système demeure encore compliqué et devra être expliqué aux bénéficiaires potentiels. Elle a souhaité, en outre, que des actions soient menées en faveur d'une revalorisation du travail. Estimant que les minima sociaux ont pris une importance démesurée, elle a appelé de ses voeux des mesures visant à éviter que leurs bénéficiaires ne s'installent dans l'assistance.
M. Roland Muzeau a déploré que l'urgence imposée sur ce texte n'ait pas permis d'organiser des auditions en commission, notamment sous forme de tables rondes. Il s'est inquiété du sort inéquitable réservé aux salariés reprenant une activité de moins de 78 heures par mois, non éligibles au nouveau dispositif d'intéressement, ainsi que de la perte de ressources pour certains allocataires, estimée à environ 100 euros par rapport à l'actuel dispositif. Il s'est montré également préoccupé par le financement systématique par l'Etat d'un complément de revenu pour les salariés précaires, estimant qu'une revalorisation des bas salaires financée par les entreprises serait préférable. Il s'est inquiété de la seule prise en compte du critère de revenu, car certaines situations particulières doivent être préservées, comme celle des personnes handicapées, dont les différences ont été identifiées par la loi sur le handicap. Enfin, il s'est dit opposé à la création du contrat nouvelles embauches (CNE), du contrat première embauche (CPE) et du contrat senior, qui contribuent à remettre en cause les droits des salariés et les principes fondamentaux du code du travail.
Mme Gisèle Printz s'est indignée de l'emploi des mots « sanctions » et « fraudes » pour évoquer la situation de personnes démunies et a souhaité qu'une vraie réflexion soit engagée sur les contraintes liées à la garde des enfants, qui rend plus difficile le retour à l'emploi des femmes.
M. André Lardeux a regretté qu'une approche plus globale des minima sociaux n'ait pas été privilégiée, craignant la superposition de mesures sans cohérence et coûteuses. Il a ensuite insisté sur la persistance de deux freins au retour à l'emploi : l'insuffisance de la formation et l'apparition d'une « culture du non-travail », véritable obstacle psychologique au retour à l'emploi.
Enfin, il a émis deux réserves quant aux sanctions administratives prévues en cas de fraude : il a mis en doute l'habilitation du président du conseil général à les prendre et il a craint des difficultés pour les faire exécuter.
Mme Sylvie Desmarescaux s'est interrogée sur la légitimité et l'efficacité du mécanisme de priorité d'accès aux crèches pour les bénéficiaires de minima sociaux. Elle a souligné notamment l'impossibilité pour les crèches de conserver des places vacantes pour ce public, alors que la pénurie de places est un problème constant qui touche toutes les familles. Elle a enfin souhaité que soient précisées les conditions d'attribution de la prime de retour à l'emploi pour les travailleurs transfrontaliers, lorsqu'ils retrouvent une activité dans un pays limitrophe.
M. Bernard Cazeau a regretté la précipitation dans laquelle sont examinées ces nouvelles mesures partielles, sans même attendre les propositions de MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier et de Mme Valérie Létard. Il a souligné les risques d'effets d'aubaine du dispositif qui ne permet pas de trouver des solutions pérennes et satisfaisantes propres à assurer des conditions de vie décentes aux salariés pauvres. Il a enfin fait part des craintes des conseils généraux quant au coût de cette réforme pour les départements.
Mme Valérie Létard a déploré qu'une nouvelle mesure vienne s'ajouter à un système déjà très complexe, alors que la première des nécessités est de rendre plus lisible les mécanismes d'aide au retour à l'emploi. Elle a plaidé pour un versement de la prime de retour à l'emploi dès le premier mois d'activité, afin que les bénéficiaires puissent faire face aux dépenses liées à leur changement de situation. Elle a déploré que la période d'intéressement soit ramenée de quinze à douze mois et a suggéré de maintenir cette durée en envisageant un système dégressif le dernier trimestre afin d'éviter une diminution brutale des revenus. Puis, elle s'est montrée réservée sur la priorité d'accès aux structures de garde donnée aux enfants des bénéficiaires de minima sociaux. Elle s'est également interrogée sur l'absence de mesure d'intéressement pour les titulaires de l'allocation d'insertion et sur le sort réservé aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Craignant les effets de seuils, elle a demandé quelles sont les modalités d'application de la prime lorsque, sur les quatre premiers mois, la moyenne des heures mensuelles est de 78 heures, mais que la durée effective du travail varie selon les mois. Enfin, elle a demandé comment et par qui seront financés les contrôles du bien-fondé des demandes d'allocation.
Mme Isabelle Debré a déploré un texte encore trop complexe en dépit des efforts de simplification du système. Elle a émis de vives critiques à l'égard du principe d'accès prioritaire aux crèches, estimant préférable une solution pragmatique et appelant le législateur à faire confiance aux services municipaux de la petite enfance pour trouver des réponses adaptées à chaque situation.
Mme Raymonde Le Texier a souligné que la disponibilité de places en crèche devient une préoccupation constante pour tous les parents, ce qui justifierait une étude plus approfondie dans le cadre d'un rapport d'information.
M. Alain Gournac, président, a déploré à cet égard le caractère très contraignant des normes de sécurité et des qualifications, qui rend fastidieuse l'ouverture de nouvelles structures et pénalise la création d'emplois dans ce secteur.
Mme Isabelle Debré a ajouté que le problème de la garde des enfants risque de s'accroître du fait de l'augmentation du taux de fécondité, qui atteint désormais 1,97 enfant par femme.
M. Bernard Seillier, rapporteur, a estimé que, malgré sa complexité, le nouveau système sera néanmoins plus lisible pour les bénéficiaires, leur situation financière en cas de reprise d'emploi devenant prédictible, ce qui n'est pas le cas avec l'actuel dispositif. Comme ses collègues, il a regretté qu'une réforme d'ensemble et moins précipitée n'ait pas été privilégiée, car elle aurait pu avoir le retentissement de la grande loi fondatrice de 1998 relative à la lutte contre les exclusions.
Il a souhaité nuancer l'idée selon laquelle les bénéficiaires de minima sociaux préfèrent l'assistance au travail, rappelant que cela ne concerne qu'une très petite minorité, le problème majeur demeurant le manque d'emplois en France du fait du ralentissement de la croissance économique. Le projet de loi présenté par le Gouvernement est en réalité très limité dans sa portée puisqu'il ne fait que renforcer le régime de prime mis en place par décret et aménager à la marge le dispositif d'intéressement. L'examen en urgence a accentué la précipitation dans laquelle le Parlement est obligé de travailler, ce qui a limité les possibilités d'organiser des auditions sur ce sujet. Toutefois, le groupe de travail sur les minima sociaux a opportunément pallié cette lacune.
M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est ensuite félicité que la réforme de l'intéressement permette de valoriser toute heure travaillée supplémentaire. Il a considéré que la perte de revenus par rapport à l'actuel dispositif, qui résulte de la non-prise en compte de la dimension de la famille, est regrettable, mais qu'elle est compensée par d'autres avantages, notamment la meilleure prévisibilité des revenus et l'accès prioritaire pour les gardes d'enfants. Concernant les sanctions, il a proposé un amendement visant à permettre aux commissions locales d'insertion (CLI) d'émettre un avis afin d'éviter aux présidents de conseils généraux d'encourir des reproches d'arbitraire.
Puis il a rappelé qu'il n'y aurait pas de surcoût pour les conseils généraux, puisque les primes forfaitaires à leur charge se substituent à l'intéressement actuel qu'ils financent déjà et que l'Etat assumera la prise en charge intégrale des primes de retour à l'emploi. Il s'est enfin engagé à demander au Gouvernement des précisions concernant la question des travailleurs transfrontaliers.
Mme Esther Sittler a insisté pour qu'un amendement de précision garantisse la prise en compte des transfrontaliers dans le dispositif et M. Alain Gournac, président, a souhaité que la question soit explicitement posée au Gouvernement.
M. Bernard Seillier, rapporteur, a ensuite confirmé que le contrôle sera assumé par les organismes en charge du versement de chaque prestation. Il a par ailleurs ajouté qu'il présentera un amendement supprimant la possibilité de plafonner le salaire ouvrant droit au bénéfice des primes d'intéressement. Concernant le rétablissement à quinze mois de la durée de versement de la prime d'intéressement avec la mise en place d'un système dégressif, il a indiqué que l'amendement qu'il présente propose, comme alternative, une « prime de sortie », plus compatible avec la simplification voulue par le Gouvernement.
M. Alain Gournac, président, a demandé que la ministre précise les conditions dans lesquelles les personnes ayant des horaires mensuels variables, mais en moyenne mensuelle supérieurs à 78 heures, pourraient profiter du nouvel intéressement.
M. Bernard Seillier, rapporteur, a ensuite rappelé que pour l'AAH, l'intéressement est permanent, tandis que pour l'allocation d'insertion, la question ne se pose plus étant donné que cette allocation a été remplacée par l'allocation temporaire d'attente et qu'elle concerne des demandeurs d'asile en attente de régularisation qui ne sont légalement pas autorisés à travailler.
Enfin, il est convenu que la question de la priorité d'accès en crèche est sensible. L'association des maires de France (AMF), consultée sur ce point, s'est dite favorable à un système moins contraignant qui laisse aux communes la libre appréciation de chaque situation. Il a estimé qu'en adossant le dispositif aux conventions de financement des crèches, l'Assemblée nationale avait ouvert la voie à une possible rétribution de la mise en réserve de certaines places.
Mme Isabelle Debré a indiqué que les solutions pour désengorger le système sont limitées : soit il faut créer de nouvelles places, soit il faut scolariser les jeunes enfants plus tôt, dès l'âge de deux ans.
Mme Bernardette Dupont a proposé une modification du terme d'« intéressement », qu'elle estime inapproprié dans ce contexte et source de confusion avec l'intéressement des salariés aux résultats d'une entreprise.
La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.
A l'article premier (prime de retour à l'emploi), la commission a adopté à l'unanimité un amendement visant à permettre le versement immédiat de la prime de retour à l'emploi.
A l'article 2 (prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique), elle a adopté trois amendements : outre un amendement de coordination, elle a approuvé un amendement visant à instaurer une prime de fin d'intéressement pour les bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité ainsi qu'un amendement visant à supprimer le plafond de salaire ouvrant droit au bénéfice de la prime d'intéressement.
A l'article 3 (prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion), elle a adopté cinq amendements : le premier, par coordination avec celui proposé à l'article 2, vise à instaurer une prime d'intéressement en faveur des bénéficiaires du RMI, le deuxième précise le rôle des départements concernant la gestion des primes forfaitaires d'intéressement, le troisième supprime le plafond de salaire ouvrant droit aux primes forfaitaires d'intéressement pour les allocataires du RMI, le quatrième prévoit l'extension aux départements d'outre-mer du dispositif d'intéressement pour les bénéficiaires du RMI, le dernier est un amendement de coordination.
A l'article 4 (prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'allocation de parent isolé), la commission a adopté cinq amendements : outre quatre amendements de coordination alignant le régime de l'API sur celui de l'ASS et du RMI, la commission a adopté un amendement aménageant les règles applicables aux primes forfaitaires par rapport à celles prévues pour les autres prestations familiales.
Elle a adopté sans modification l'article 5 (exonération fiscale des primes).
A l'article 6 (garde des enfants des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé, du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de solidarité spécifique), elle a adopté un amendement incitant les crèches à mobiliser l'accueil d'urgence et l'accueil temporaire en faveur des enfants de bénéficiaires de minima sociaux en recherche active d'emploi.
La commission a adopté sans modifications les articles 7 (accès des ressortissants communautaires et de l'Espace économique européen au RMI), 8 (coordination entre le revenu minimum d'insertion et le contrat insertion revenu minimum d'activité et le contrat d'avenir), 9 (suppression de la récupération sur succession du revenu minimum d'insertion), et 10 (coordinations concernant le revenu minimum d'insertion).
A l'article 10 bis (pénalités applicables à la fraude au revenu minimum d'insertion), elle a adopté un amendement qui soumet les sanctions administratives des bénéficiaires du RMI à un avis de la commission locale d'insertion ainsi qu'un amendement de coordination.
Elle a adopté sans modification l'article 10 ter (pénalités applicables à la fraude à l'allocation de parent isolé).
A l'article 10 quater (pénalités applicables à la fraude aux allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi), la commission a adopté un amendement prévoyant un délai minimum d'un mois afin que les allocataires de l'ASS sanctionnés par une amende puissent présenter des observations.
A l'article 10 quinquies (report de la date de remise du rapport annuel d'évaluation de la loi portant décentralisation du RMI), elle a adopté un amendement visant à élargir l'objet du rapport annuel d'évaluation du RMI décentralisé au nouveau dispositif d'intéressement.
La commission a adopté sans modifications les articles 11 (sécurisation de la situation des actuels bénéficiaires de mesures d'intéressement) et 12 (durée minimale des contrats d'accompagnement dans l'emploi et des contrats d'avenir pour les personnes bénéficiant d'aménagements de peine).
A l'article 13 (modifications du régime du contrat d'avenir), elle a adopté un amendement qui prévoit la suppression d'un dispositif modifiant un régime d'allégement de charges non compensées, au motif qu'il relève désormais du champ de la loi de financement de la sécurité sociale.
A l'article 14 (assouplissement de la durée hebdomadaire des contrats d'avenir), elle a adopté un amendement rédactionnel.
A l'article 15 (création de contrats insertion-revenu minimum d'activité [CI-RMA] à durée indéterminée), elle a adopté un amendement qui limite à dix-huit mois l'aide versée aux employeurs dans le cadre du CI-RMA.
A l'article 16 (personnes morales susceptibles de mettre en oeuvre des ateliers ou des chantiers d'insertion), elle a adopté trois amendements : le premier est un amendement de cohérence, le deuxième vise à autoriser les départements à gérer directement des ateliers ou des chantiers d'insertion à l'instar des communes ; le dernier est un amendement de coordination.
A l'article 17 (suppression d'une procédure d'agrément prévue en cas de signature d'un contrat d'avenir ou d'un CI-RMA par une structure d'insertion par l'activité économique), elle a adopté un amendement visant à corriger une erreur de référence.
La commission a adopté sans modification les articles 18 (modification de l'objet du fonds de garantie créé par la loi de cohésion sociale) et 19 (suppression d'une condition de délai pour l'accès au contrat d'avenir et au CI-RMA).
La commission a ensuite adopté le projet de loi ainsi amendé.