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Question de Mme Marie-Do Aeschlimann (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 02/05/2024

Mme Marie-Do Aeschlimann attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention sur les difficultés alarmantes rencontrées par les établissements de santé privés.
En France, les 1030 hôpitaux et cliniques privés représentent la moitié de la chirurgie, 40 % des activités de cancérologie, 41 % des soins médicaux et de réadaptation, et près de 30 % de la psychiatrie. Au surplus, 55 millions de Français vivent à moins de trente minutes d'une clinique privée, ce qui n'est pas négligeable alors que les déserts médicaux se généralisent.
Depuis deux ans, la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) n'a eu de cesse d'alerter le Gouvernement sur la dégradation de la situation économique des hôpitaux et cliniques privés. Ainsi, la part des établissements déficitaires est passée de 25 % à 40 % entre 2021 et 2023, et elle pourrait atteindre 60 % en 2024.
Pourtant, en mars 2024, le Gouvernement a annoncé que les tarifs hospitaliers du secteur privé lucratif n'augmenteront que de 0,3 % en 2024, contre 4,3 % pour les hôpitaux publics ou privés à but non lucratif. Cette décision, annoncée par voie de presse sans concertation préalable, conduit la FHP et l'ensemble des syndicats de médecins libéraux à annoncer une grève totale à compter du 3 juin 2024.
Or, loin de se concurrencer, les secteurs publics et privés sont complémentaires. Ce fut le cas pendant la crise sanitaire, lorsque les cliniques privées ont assuré la prise en charge des patients atteints de la covid-19, mais aussi le rattrapage de l'activité post-covid.
Dans son département des Hauts-de-Seine, les établissements de santé privés - majoritaires - ont des offres de soins similaires aux hôpitaux publics, s'associent à des services d'urgences et à la prise en charge de pathologies lourdes tout en déployant une activité de recherche de qualité. Aussi se révèlent-ils complémentaires des hôpitaux publics.
Parce que les établissements de santé privés concourent pleinement à l'accès aux soins, rien ne justifie un traitement différencié. L'argument de la financiarisation des soins ne saurait, du reste, prospérer, puisque 92 % de leur financement provient de l'assurance maladie. En outre, ils doivent faire face aux mêmes charges sous l'effet de l'inflation, répondre aux mêmes obligations de mise aux normes et d'investissements et participer à l'innovation au même titre que les hôpitaux publics.
L'urgence en termes de santé publique est également une urgence sociale, l'État ayant pris à l'été 2023 différentes mesures salariales - les mesures de revalorisation dites « Guerini », applicables à l'ensemble de la fonction publique, et les mesures dites « Borne » de majoration des sujétions de nuit, week-end et jours fériés - qui n'ont connu aucune transposition pour le secteur privé. Or l'hospitalisation privée, financée à 90 % par l'Assurance maladie, n'a pas les marges de manoeuvre pour financer les revalorisations salariales sans relèvement de ses tarifs. Tout cela se répercute alors sur la situation professionnelle des soignants et sur l'attractivité des professions de santé. Dans les Hauts-de-Seine, les besoins en recrutement sont tels que la pérennité de certains services essentiels est gravement menacée.
En définitive, si les structures privées venaient à fermer, les conséquences sur les hôpitaux publics, qui devront prendre en charge des patients supplémentaires, seraient proprement catastrophiques.
Elle lui demande donc s'il envisage une convergence tarifaire entre le secteur public et le secteur privé afin de sauver le système de santé.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention publiée le 08/05/2024

Réponse apportée en séance publique le 07/05/2024

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, auteure de la question n° 1277, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Monsieur le ministre, la Fédération de l'hospitalisation privée et les syndicats de médecins libéraux seront en grève totale et reconductible à compter du 3 juin prochain. Vous pouvez empêcher cela !

Ils déplorent la hausse de 0,3 % des tarifs hospitaliers privés en 2024, un chiffre jugé dérisoire, voire désobligeant, face aux 4,3 % concédés au secteur public.

Cette augmentation est dérisoire, car l'hôpital privé supporte la même inflation, les mêmes contraintes réglementaires et des besoins d'investissement et d'innovation importants.

Elle est désobligeante, dans la mesure où le privé prend sa part dans l'offre de soins en étant présent dans 90 départements. Il est même parfois majoritaire, comme dans le département où je suis élue, les Hauts-de-Seine, mais aussi en Corse, dans les Alpes ou dans le Nord-Est, où l'hôpital situé à trente minutes est un hôpital privé.

Avec seulement 18 % des financements publics, le millier d'hôpitaux privés accueille 9 millions de patients et assure la moitié de la chirurgie, 33 % de l'activité hospitalière et 40 % de la chirurgie du cancer. Il participe aux urgences, intervient en aval, grâce aux collaborations public-privé, appréciées sur le terrain, qui limitent l'attente et optimisent les plateaux techniques.

Alors que l'hôpital public est en crise, que les déserts médicaux se multiplient, que 10 % de la dette de soins héritée de la crise sanitaire est absorbée par le rebond de l'activité privée, est-il judicieux d'opposer les deux systèmes ?

Alors que 50 % des cliniques privées ont enregistré un déficit en 2023, qui peut croire que l'asphyxie du privé suffira à réoxygéner le public ?

Les patients en seront les premières victimes, avec plus de renoncements, d'inégalités d'accès, de réductions de services, la concentration de l'offre de soins et la financiarisation dont nous ne voulons pas. Les soignants emboîteront le pas, car, en niant les efforts de gestion, en différenciant les traitements selon les exercices professionnels, l'attractivité des métiers reculera.

Monsieur le ministre, les secteurs publics et privés ne sont pas concurrents : ils sont complémentaires, et la ruine de l'un ne sauvera pas l'autre.

Dans mon département des Hauts-de-Seine, les cliniques renforcent l'hôpital public dans les services de chirurgie pédiatrique, de cancérologie ou de recherche. Mais elles jetteront l'éponge si vous maintenez votre arbitrage.

Monsieur le ministre, vous êtes pragmatique. Accepterez-vous une juste convergence tarifaire pour préserver le fragile équilibre du système hospitalier français ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice, depuis plusieurs années, l'État marque son engagement financier en faveur des établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés. L'intention n'a jamais été d'opposer les uns aux autres.

Depuis 2019, les ressources versées aux cliniques privées par l'assurance maladie au titre de leur activité en médecine, chirurgie et obstétrique ont augmenté de 2,2 milliards d'euros. Depuis 2021, ce sont au total 3,5 milliards d'euros de financements publics qui ont été attribués aux cliniques privées pour accompagner leurs activités et financer une partie des revalorisations salariales de leur personnel.

Pour mémoire, sous la majorité précédente, entre 2013 et 2017, les tarifs pour le secteur privé lucratif ont évolué à la baisse chaque année, et cela pendant six ans. Ce n'est pas le cas cette année, même si la hausse - 0,5 % - est modeste. Il s'agit même de la sixième année de progression consécutive des tarifs applicables au secteur privé lucratif depuis 2019, avec une augmentation de 5,3 % pour les tarifs du privé en 2023.

Face aux difficultés que vous mentionnez, les cliniques privées comme les établissements publics ont également bénéficié en février 2024 du dispositif de soutien exceptionnel en appui à la reprise d'activité, pour un montant global de 500 millions d'euros pour l'ensemble du secteur.

Le geste n'a donc rien de dérisoire ni de désobligeant pour les cliniques privées, ces dernières ne faisant l'objet d'aucune discrimination. Pour fixer les tarifs applicables aux activités des différents secteurs cette année, ce sont les mêmes critères, j'y insiste, qui ont été appliqués aux hôpitaux publics et aux cliniques privées.

L'écart entre les évolutions des tarifs hospitaliers des deux secteurs en 2024 reflète essentiellement l'impact des revalorisations salariales importantes décidées depuis l'été 2023 par le Gouvernement. Ces dernières ciblent notamment les personnels travaillant la nuit dans les hôpitaux publics, les gardes et astreintes ayant été sérieusement accompagnées et rehaussées en septembre dernier.

Cet écart des tarifs entre public et privé s'explique également par le soutien apporté par l'État à certaines activités structurellement sous-financées, qui n'ont pas retrouvé, depuis la crise sanitaire, un niveau à la hauteur des besoins de santé de la population.

Vous conviendrez sans doute que les tarifs de la pédiatrie, des maternités, de la médecine, des greffes et des soins palliatifs méritaient d'être levés.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Ces activités, essentiellement assurées par le secteur public, expliquent également cet écart entre les tarifs.

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